[14,0] LIVRE XIV. [14,1] 79. — CIC. A SA TERENTIA, A SA TULLIE, A SON CICÉRON. Thessalonique et Dyrrhachium, 26 novembre. A chaque instant, je vois par mes lettres et par ce qui se dit autour de moi, que votre force et votre courage sont vraiment incroyables. Ni les peines du coeur, ni les fatigues du corps, rien ne peut vous abattre. Que je suis malheureux, moi qui ai précipité dans de si grands maux tant de vertu, de foi, d'honneur, de bonté! moi qui ai changé en tant de larmes ces vives joies que notre chère Tullie goûtait près de son père! Et que dire, hélas! de notre pauvre petit Cicéron, qui n'a commencé à sentir la vie que pour éprouver ce que la douleur et la misère ont de plus cruel ! Si je pouvais, comme vous le dites, n'accuser que les destins, je serais moins à plaindre. Mais ce sont mes fautes qui ont tout fait. J'avais des envieux, et j'ai cru à leur affection ; je me suis éloigné de ceux qui m'ouvraient les bras. — Ah ! si je n'avais écouté que moi, si je ne m'étais pas laissé entraîner par des amis ou insensés ou perfides, je serais encore le plus heureux des hommes. Aujourd'hui pourtant qu'on veut que j'espère, je tricherai de recueillir assez de force pour ne pas tromper vos efforts. Je comprends la difficulté de la position. Je comprends qu'il était plus aisé de ne pas sortir de Rome que d'y rentrer. Mais si tous les tribuns du peuple sont pour nous, si Lentulus est aussi dévoué qu'il le témoigne, si enfin Pompée et César entrent dans nos intérêts, il ne faut pas désespérer. — Il faudra suivre le conseil de nos amis, pour nos esclaves. La contagion qui régnait ici a passé. Je n'en ai éprouvé aucune atteinte. Plancius, qui est le plus serviable des hommes, ne veut pas que je le quitte et me retient encore. Je voulais aller chercher en Épire une retraite plus solitaire, à l'abri des visites de Pison et de ses soldats. Mais, je le répète, Plancius me retient ; il se flatte de retourner avec moi en Italie. Si cet heureux jour arrive, s'il m'est donné d'être rendu à vos embrassements, de me retrouver ce que j'étais, au milieu des miens, je ne veux pas d'autre prix de votre tendresse et de la mienne. La bonté de Pison, son courage, son dévouement pour nous tous, sont vraiment incomparables : que ce soit sa joie d'être ainsi ! ce sera du moins sa gloire. Ce que je vous ai dit au sujet de Quintus n'était pas un reproche; j'ai voulu seulement vous faire entendre que moins on est nombreux, plus on doit se serrer. - J'ai adressé des remerciements aux personnes que vous m'avez indiquées, et je n'ai pas manqué de vous en faire honneur. Vous voulez donc vendre une terre; mais, je vous le demande (malheureux que je suis!), qu'allons-nous devenir? Si la fortune continue de nous accabler, quel avenir pour notre malheureux enfant? je m'arrête; l'abondance de mes larmes m'y force, et je ne veux pas faire couler les vôtres. Je me borne à une réflexion. Si mes amis font leur devoir, l'argent ne manquera point ; sinon, vous ne pouvez rien par vous seule. Au nom de tant d'infortunes, ne consommons pas la ruine de cet enfant : qu'il soit seulement au-dessus du besoin. Pour peu qu'il ait de talent et de bonheur, il fera le reste. — Soignez votre santé, et envoyez-moi des exprès pour que je sache ce qui se passe et où vous en êtes. Ce n'est pas que mon attente soit bien grande. Bonne santé à tous. — Je suis venu à Dyrrhachium, parce que c'est une ville libre qui m'est dévouée et qui touche à l'Italie. Si le mouvement qui y règne me déplaît, j'irai ailleurs : je vous écrirai. [14,2] 76 — A TÉRENTIA, TULLIE ET CICÉRON. Thessalonique, 5 oct. Ne croyez pas,Térentia, que j'écrive de plus longues lettres à d'autres qu'a vous à moins qu'en m'écrivant on n'entre dans des détails auxquels il faille une réponse circonstanciée. Je n'ai rien à vous mander, et rien ne me coûte plus aujourd'hui que d'écrire; de plus quand je m'entretiens avec vous et ma chère petite Tullie, ce n'est jamais que les larmes aux yeux. Je vous vois si malheureuses, vous dont le bonheur a toujours fait le premier de mes voeux vous que mon devoir était de rendre heureuses et qui seriez heureuses en effet sans ma lâcheté. — J'ai bien raison de tant aimer Pison. Je l'ai encouragé de mon mieux. Je vois que vous attendez beaucoup des nouveaux tribuns du peuple; ce sera avec raison, pour peu que Pompée s'en mêle. Mais Crassus m'inspire des craintes. Dans toutes vos actions, que d'énergie et de tendresse! Je ne m'en étonne point. Mais je gémis de voir que mes maux ne puissent être adoucis qu'au prix de tant de souffrances. Car je sais par P. Valerius, qui est l'obligeance même (Je n'ai pu en lire le récit sans fondre en larmes), je sais ce qui s'est passé dans le trajet du temple de Vesta à la table Valérienne. Eh quoi ! chère Térentia, lumière de mes yeux, charme de ma vie, dont chacun recherchait l'appui; vous en butte aujourd'hui à de pareilles indignités! vous réduite à ce degré d'abaissement et de misères ! et tout cela, par ma faute a moi, à moi qui ai tant sauvé de têtes, et n'ai pu conjurer notre ruine à tous! — Quant a ma maison, ou pour mieux dire, à l'emplacement de ma maison, je ne me croirai rétabli que si elle m'est rendue. Mais nous n'en sommes pas là. Je me désole en songeant aux dépenses qu'il faut faire, et à la part que vous y voulez prendre, vous si pauvre et si dépouillée. Enfin, si on obtient le principal, le reste suivra. Mais si la fortune continue de m'accabler, voulez-vous donc, infortunée! jeter aux vents le peu qui vous reste? Quant aux besoins d'argent, je vous en conjure, ma chère âme, laissez-y pourvoir ceux qui le peuvent, pour peu qu'ils le veuillent bien; et puis, si vous m'aimez, cessez de tourmenter votre santé, déjà si languissante. Le jour, la nuit, vous êtes devant mes yeux. Je vous vois, ne reculant devant aucune fatigue, et je crains que vos forces ne suffisent pas à de pareils efforts; mais je vois aussi que tout repose sur vous. Ainsi, dans l'intérêt même de nos espérances et de vos démarches, veillez à votre santé. Je ne sais à qui je dois écrire, sans doute à ceux qui m'ont écrit eux-mêmes, ou encore à ceux dont vous me parlez dans vos lettres. Vous le voulez, je ne m'éloignerai pas davantage; mais je vous le demande à mon tour, multipliez vos lettres, surtout si nos chances se fortifient. Bonne santé, bonne santé à vous tous après qui je soupire tant. [14,3] 81. — A TERENTIA, TULLIE ET CICERON, Dyrrachium, 30 novembre. J'ai reçu trois lettres par Aristocrite; en les lisant, je les ai presque effacées par mes larmes. Le chagrin me tue, ma chère Térentia, et je souffre moins encore de mes maux que des vôtres et de ceux de nos enfants. Vous êtes bien malheureuse, mais je suis plus malheureux que vous. Car si la peine est pour nous deux, la faute est à moi seul. Il fallait ou me soustraire au danger par une mission, ou engager hardiment la lutte avec toutes mes forces, ou enfin tomber avec courage. Il n'y a rien de plus misérable, de plus facile et de plus indigne que ma conduite. Aussi la honte me fera-t-elle mourir autant que la douleur. Je rougis d'avoir failli à tout ce que je devais de prudence et de fermeté à la meilleure des femmes, à des enfants adorés. La nuit et le jour, j'ai devant les yeux le tableau de votre dégradation, de vos chagrins, de votre santé languissante, et c'est à peine si j'entrevois dans le lointain la plus faible lueur. J'ai beaucoup d'ennemis et des envieux partout. Le difficile était de me chasser; ce n'est rien que de m'empêcher de revenir. Toutefois, tant que vous conserverez de l'espoir, je résisterai. Il ne sera pas dit que tout aura manqué, toujours par ma faute. — Ma sûreté, qui vous préoccupe, est maintenant hors d'atteinte. Mes ennemis eux-mêmes protégeraient une vie qu'ils savent abreuvée de douleurs. Néanmoins, je me conformerai a vos avis. J'ai remercié nos amis. Les lettres ont été remises par Dexippe : je leur ai dit que c'était par vous que je savais leurs bons offices. Pison est d'un zèle, d'une activité admirables; je le vois, et tout le monde me le dit. Fassent les dieux qu'un jour, rendu à tant d'affection, je puisse près de vous et au milieu de nos chers enfants, jouir du bonheur de posséder un pareil gendre ! On espère dans les nouveaux tribuns du peuple; oui, s'ils se prononcent des les premiers jours. Pour peu qu'on tarde, adieu toute espérance ! — Je vous renvoie Aristocrite sans perdre un moment, afin que vous m'écriviez par lui en toute hâte comment les choses se présentent au début et dans leur ensemble. Dexippe a également l'ordre de revenir sur-le-champ. Enfin, j'ai fait dire à mon frère de multiplier ses courriers. Je suis venu à Dyrrhachium, pour être plus à portée de savoir ce qui se passe, et j'y suis en sûreté. Cette ville m'a toujours eu pour défenseur. Je n'en partirai pour l'Épire que quand mes ennemis approcheront. — Vous viendrez me joindre, dites-vous, si tel est mon voeu. Non. Restez à Rome, ou la plus grande partie des affaires roule sur vous. Si le succès couronne vos efforts, c'est moi qui irai vous joindre. Si, au contraire... je n'achève pas. Votre première lettre, la seconde au moins, me dira ce que je dois faire. Écrivez-moi toujours exactement. Ce n'est pas que j'attende aujourd'hui les lettres avec autant d'impatience que les événements. Ayez bien soin de votre santé, et soyez persuadée que pour moi il n'est rien, il n'y eut jamais rien au monde de plus cher que vous. Adieu, adieu, chère Térentia. Je m'imagine vous voir en ce moment, et cette illusion m'attendrit aux larmes. Adieu. [14,4] 59. — A TERENTIA, A SON FILS ET A SA FILLE. Brindes, 30 avril. Je vous écris le moins possible. Pour moi, la douleur est de tous les moments. Mais quand je vous écris, quand je lis vos lettres, je fonds en larmes, et je n'y tiens plus. Ah ! que n'ai-je eu moins d'attachement à la vie! Je ne saurais pas aujourd'hui, ou je saurais bien peu ce que c'est que le malheur. Mais enfin si le sort veut que je retrouve un jour quelque chose de ce que j'ai perdu, ma faute sera moins regrettable. Si, au contraire, il ne doit pas y avoir de terme à mes maux, je n'ai plus qu'un voeu a former, c'est de vous voir accourir auprès de moi, vous l'amour de ma vie, et de mourir dans vos bras, puisque ni les dieux que vous honoriez si pieusement, ni les hommes auxquels j'avais dévoué mes jours, ne nous en tiennent aucun compte. — J'ai passé treize jours à Brindes chez M. Lénius Flaccus, homme excellent, qui n'a pas craint d'exposer pour moi sa fortune et sa tête. Les peines portées par une loi de haine ne l'ont pas empêché de me rendre tous les devoirs d'un hôte et d'un ami. Fassent les dieux que je puisse lui en témoigner ma gratitude ! mon coeur du moins en gardera éternellement le souvenir. — Je quitte Brindes cinq jours avant les kalendes de mai. Je me rends à Cyzique par la Macédoine. Que je suis malheureux ! comme tout m'accable ! Irai-je maintenant vous prier de venir, vous femme et malade, vous épuisée par toutes les peines du corps et de l'âme? Ou bien faudra-t-il me priver de vous? Voici, je crois le parti à prendre. S'il y a pour moi quelque espoir de rappel, employez tous vos soins pour changer cet espoir en certitude. Si, comme je le crains, c'en est fait de nos espérances, venez! à quelque prix que ce soit, venez ! et soyez sûre que si je vous vois je ne me croirai pas tout à fait perdu! Mais que deviendra, notre chère petite Tullie? Songez-y, vous. Moi, je suis incapable de vous donner un conseil. Seulement, de quelque manière que les choses tournent, n'oublions pas ce qu'exigent pour cette pauvre enfant son titre d'épouse et son honneur. Et mon pauvre Cicéron, où est-il ! ah! qu'il vienne sur mon sein ; que je le presse dans mes bras ! qu'il y reste toujours! Je ne saurais poursuivre. La douleur me suffoque. Et vous, que devenez-vous? quelles sont vos ressources? avez-vous tout perdu?— J'espère avec vous que Pison nous restera fidèle. Cette affaire d'esclaves affranchis n'a rien qui doive vous tourmenter. D'abord vous aviez promis aux vôtres d'agir envers eux selon leur mérite. Orphée est encore à son poste. C'est à peu près le seul. A l'égard des autres, dans le cas où nos affaires iraient tout a fait mal, on ne leur refuserait pas sans doute d'être nos affranchis. Autrement ils continueraient de nous appartenir et de nous servir, à l'exception d'un bien petit nombre. Mais tout cela est d'une importance secondaire. -— Vous m'exhortez à élever mon âme et à prendre confiance dans l'avenir. Je le veux bien; mais donnez-moi donc des motifs d'espérer. Hélas ! à présent quand recevrai-je de vos lettres? qui me les portera? Je les aurais attendues à Brindes, si les marins l'eussent permis; mais ils ont craint de manquer la saison. Que vous dirai-je, ma chère Térentia? Prenez de vous le plus de soin possible. Nous avons vécu avec honneur. Nous avons eu notre beau moment. Notre vertu nous a nui plus que nos fautes. Notre unique tort est de n'avoir pas quitté la vie en perdant ce qui la rendait honorable; mais si pour nos enfants il vaut mieux que je vive encore quelque insupportables que soient mes maux, je saurai les supporter. Hélas ! je vous adresse des consolations, et je ne puis m'en donner à moi-même. — Clodius Philétérus est un homme fidèle que je vous renvoie parce qu'il est incommodé d'un mal d'yeux. Sallustius est d'un zèle qui n'a pas d'égal. Pescennius m'est très affectionné, et j'espère qu'il sera plein d'attention pour vous; Sicca devait me suivre, mais il m'a quitté à Brindes. Veillez autant que possible a voire santé, et songez toujours que je suis bien plus touché de vos peines que des miennes. Chère Térentia, la meilleure et la plus dévouée des femmes; et toi, bien-aimée Tullie ; et toi, toute mon espérance, ô mon cher Cicéron, bonne santé! [14,5] 288. — A SA CHÈRE TERENTIA. Athènes, 18 d'octobre, Si vous vous portez bien vous et Tullie, mes amours, nous nous portons bien aussi, moi et mon bien-aimé Cicéron. Nous sommes arrivés à Athènes la veille des ides d'octobre, après avoir eu des vents tout à fait contraires, et une navigation aussi lente que pénible. Acaste s'est trouvé là juste à notre débarquement. Il avait fait la route en 2l jours. C'est aller rondement. Il m'a remis une lettre de vous où vous témoignez la crainte que les précédentes ne me soient point parvenues. Je les ai reçues toutes exactement, et j'y trouve tous les détails que je pouvais désirer. Je vous en remercie mille fois. La brièveté de celle que m'a remise Acaste ne m'a pas surpris. Vous m'attendiez ou plutôt vous nous attendiez, et nous ne sommes pas moins impatients de vous revoir, bien que je n'ignore pas en quel état nous allons trouver la république. Les lettres dont plusieurs de mes amis ont chargé Acaste pour moi, sont toutes à la guerre. Il me sera impossible d'imposer silence à mes sentiments, lorsque je serai à Rome. Mais on ne peut échapper à son sort; et c'est une raison de plus pour moi de me hâter : je pourrai mieux sur les lieux envisager l'ensemble de la situation. Venez au-devant de nous aussi loin que votre santé vous le permettra; c'est un plaisir que vous nous ferez.—Voici ce que je vous recommande pour l'héritage de Précius, héritage dont je suis bien éloigné de me réjouir; car j'aimais tendrement le défunt. Si l'adjudication se fait avant mon retour, priez Pomponius, ou, en cas d'empêchement de sa part, priez Camille d'y paraître pour nous. Une fois arrivé à bon port, je me charge du reste. Si vous êtes déjà partie de Rome, ne laissez pas d'y envoyer des instructions dans ce sens. J'espère avec l'aide des Dieux, être en Italie vers les ides de novembre. Vous, ma chère et tant désirée Térentia, vous ma Tullie, faites, si je vous suis cher, que je vous retrouve en santé. [14,6] 399. — A TÉRENTIA. Du camp de Pompée, juillet. Il se présente rarement des occasions pour vous écrire, et je n'ai rien d'ailleurs qui puisse faire le sujet d'une lettre. Je vois par votre dernière lettre que vous n'avez réussi à rendre aucune de vos terres. Avisez donc de votre mieux, je vous prie, avec nos amis, au moyen d'en finir avec cette dette, dont vous savez que je veux absolument me libérer. Que notre très chère vous témoigne de la reconnaissance, quoi d'étonnant? Elle vous doit beaucoup : il est tout simple qu'elle le sente et l'exprime. Est-ce que Pollex n'est pas encore parti? débarrassez-vous-en donc au plus vite. Ayez bien soin de votre santé. [14,7] 391. — A TÉRENTIA. Du port de Calète, 11 juin. Je suis enfin parvenu à me débarrasser de ce malaise et de ces inquiétudes qui, à mon grand chagrin, vous ont rendu si malheureuses, vous et notre chère petite Tullie, que j'aime plus que moi-même. J'en ai reconnu la cause le lendemain de mon départ. J'ai dans la nuit vomi de la bile toute pure, et à l'instant je me suis senti soulagé, comme si un dieu m'eût lui-même apporté le remède. Vous aurez soin, en femme pieuse et fervente, d'en rendre grâce aux dieux, c'est-à-dire, d'offrir un sacrifice à Apollon et à Esculape. Je crois que nous avons un navire excellent; à peine embarqué, je vous écris à vous d'abord, puis je ferai quelques lettres de recommandation à vos intimes pour vous et notre chère enfant. Je vous exhorterais l'une et l'autre au courage, si je ne connaissais votre courage plus que viril à toutes deux. D'ailleurs les choses tourneront, j'espère, de manière à vous rendre votre séjour là-bas aussi agréable que possible, et à me mettre moi-même un jour en position de servir la république avec les hommes qui me ressemblent. Je vous recommande votre santé avant tout. En second lieu, si vous le trouvez bon, fixez de préférence votre séjour dans celles de nos propriétés qui seront le plus loin des gens de guerre. Vous seriez, par exemple, très bien à Arpinum avec toute votre maison de la ville, surtout si les vivres devenaient trop chers à Rome. Cicéron, qui est plus charmant que jamais, vous fait mille tendresses. Adieu, adieu. Le 3 des ides de juin. [14,8] 396. — A TERENTIA. Du camp de Pompée, juin. Je vous conjure d'avoir bien soin de votre santé. On m'écrit et on vient de me dire que vous aviez été subitement saisie d'un accès de fièvre. Je vous sais un gré infini de la célérité que vous avez mise à me faire part des lettres de César. Si vous aviez besoin de quelque chose, ou s'il arrivait quelque incident nouveau, faites que je le sache. Ne négligez rien pour votre santé. Adieu. [14,9] 405. — A TÉRENTIA. Brindes, décembre. Ce n'était pas donc assez de toutes mes misères! il faut encore que j'aie le tourment de savoir Dolabella et Tullie malades. Je ne sais que décider ni que faire. Ayez, je vous en conjure, tous les soins possibles de votre santé et de celle de Tullie. Adieu. [14,10] 424. — A TÉRENTIA. Brindes, 9 juillet. J’ai écrit mes intentions à Pomponius, mais un peu plus tard qu'il ne fallait. Lorsque vous le verrez, vous saurez ce qu'il faut faire. Il n'est pas nécessaire que je vous en écrive plus ouvertement, puisque je me suis expliqué avec lui. Donnez-moi le plus tôt possible des nouvelles de cela et du reste. Prenez grand soin de votre santé. Adieu. Le 7 des ides de juillet. [14,11] 419. — A TERENTIA. Brindes,15 juin. Notre Tullie m'est arrivée la veille des ides de juin. En voyant tant de vertu et de bonté, je me suis reproché plus amèrement encore la triste fortune que je lui ai faite dans mon aveuglement, et que méritent si peu sa tendresse et son beau caractère. Je songe à envoyer Cicéron à César, et avec Cicéron Cn. Sallustius. S'il part, vous le saurez. Prenez grand soin de votre santé. Adieu. Le 17 des kalendes de juillet. [14,12] 401. — A TÉRENTIA. Brindes, 4 novembre. Vous vous réjouissez de me savoir en Italie; veuillent les dieux que vous vous en réjouissiez toujours! mais dans le trouble affreux de mes esprits, au milieu d'assauts si cruels, je dois trembler d'une résolution dont la justification sera difficile. Soyez-moi en aide en tout ce que vous pourrez. Mais en quoi pourriez-vous me servir? je le cherche en vain. Ne pensez pas à vous mettre en route par cette saison. Rien ne l'exige. Puis la distance est longue, et les chemins ne sont pas sûrs. Je vous répète que je ne vois pas ce que votre présence ici pourrait faire. Adieu. — De Brindes, la veille des nones de novembre. [14,13] 425. — A TERENTIUS. Brindes, 10 juillet. Si je vous ai priée, dans ma dernière lettre, de me renvoyer le courrier, c'est que j'ignorais les violences de cet homme et l'agitation de la multitude. Si ses fureurs vous donnent lieu de craindre, ne m'écrivez pas. Peut-être nous fera-t-il lui-même beau jeu. Jugez l'ensemble des choses. Nous sommes dans un détestable temps. Prenez le moins détestable parti. Adieu. Le 6 des ides de juillet. [14,14] 311 TULLIUS A TERENTIUS ET TULLIOLA, SES DEUX CHÈRES ÂMES : CICÉRON A LA MEILLEURE DES MÈRES ET A LA PLUS AIMÉE DE SES SŒURS. Minturnes, Janvier. Si votre santé est bonne, la nôtre l'est aussi. C'est à vous tout autant qu'à moi à voir quel parti vous devez prendre. S'il arrive à Rome avec des idées de modération, vous ferez bien de ne pas quitter notre foyer. Mais si le furieux livre la ville au pillage, je crains que Dolabella même n'ait pas le crédit de vous protéger. Je tremble, de plus, que les communications ne soient interceptées, et que déjà vous n'ayez plus la faculté de partir. Il faut d'abord vous assurer, et vous le ferez parfaitement, s'il se trouve ou non à Rome des femmes de votre rang, et, s'il ne s'en trouve pas, examinez si vous pouvez rester vous-même avec bienséance. Dans l'état où en sont les choses, en supposant que je garde mes positions, vous seriez à merveille, soit avec moi, soit dans nos terres. Il y a aussi à craindre que sous peu la ville ne soit affamée. Réfléchissez sur tout cela, je vous prie, avec Pomponius, avec Camille, avec qui vous jugerez à propos. Enfin et c'est le principal, ayez du courage. L'arrivée de Labiénus rend notre situation meilleure. Pison aussi nous a donné de la force, en quittant la ville, et en se prononçant contre son coupable gendre. Vous, mes chères âmes, écrivez-moi le plus souvent possible ; dites-moi comment vous êtes et ce qui se passe autour de vous. Quintus, son fils et Rufus vous font mille compliments. Portez-vous bien. Le 8 des kalendes, à Minturnes. [14,15] 421. — A TÉRENTIA. Brindes, 20 juin. Si tu es en bonne santé, c'est bien. J'étais décidé, comme je vous l'avais écrit, à envoyer Cicéron au devant de César; mais j'ai changé d'avis, ne sachant quand il doit arriver. Rien de nouveau, du reste; mais Sicca vous dira mes intentions, et ce que je crois nécessaire dans les circonstances. Je garde encore Tullie auprès de moi. Ayez soin de votre santé. Adieu. Le 12 des kalendes de juillet. [14,16] 409. — A TÉRENTIA. 31 décembre. Dans la situation où nous sommes, il n'y a aucun motif pour que vous m'écriviez, ni pour que je vous écrive. Il arrive pourtant, je ne sais comment, que je m'attends toujours à recevoir de vos nouvelles, et que je ne puis me défendre de vous donner des miennes quand une occasion se présente. Je croyais à plus de dévouement pour vous de la part de Volumnia. Comment n'a-t-elle pas mis au moins plus de soin, plus de précaution dans le peu qu'elle a fait ? Mais j’ai bien d'autres sujets de préoccupation et de douleur. Je suis bourrelé, et ceux qui m'ont entraîné hors de ma voie doivent être contents. Voyez bien soin de votre santé. La veille des kalendes de janvier. [14,17] 407. — A TERENTIA. Brindes, décembre. Si j'avais quelque chose à vous mander, mes lettres seraient et plus longues et moins rares. Vous voyez quel est l'état des affaires. Lepta et Trébatius pourront vous dire comment je les envisage. Ne négligez rien, je vous en conjure, pour votre santé et celle de Tullie. Adieu. [14,18] TULLIUS A SA CHÈRE TERENTIA ET A SON AIMABLE TULLIUS ; CICÉRON A SA MÈRE ET A SA SOEUR. Formies, janvier. Réfléchissez bien, mes chères âmes, sur le parti que vous avez à prendre, et qu'il ne faut pas arrêter à la légère. Ce n'est pas moins votre affaire que la mienne. Resterez-vous à Rome? Viendrez-vous avec moi en quelque lieu sûr? Voici là-dessus mes idées. Ayant Dolabella pour vous, vous n'auriez rien à craindre à Rome, et même, si on se portait à des excès, si on en venait a piller, votre présence sur les lieux pourrait nous être d'un grand secours. Mais une réflexion me frappe : c'est que tous les gens de bien sont hors de Rome et qu'ils ont emmené leurs femmes avec eux. De plus, il y a dans le pays ou je suis, tant de villes qui nous sont dévouées, tant de terres à nous, que vous pourriez me voir souvent et me quitter toujours à votre aise sans cesser d'être sur un territoire à nous. Je ne saurais dire quel est le meilleur de ces deux partis. Voyez ce que font les autres femmes du même rang, et prenez garde, si vous attendez trop, de ne pouvoir plus à volonté sortir de Rome. Tout cela mérite que vous y réfléchissiez mûrement entre vous et avec nos amis. Dites à Philotime de mettre notre maison en état de défense, et d'y tenir suffisamment de monde. Puis, tâchez d'avoir des messagers sûrs pour m’apporter tous les jours de vos nouvelles. Enfin si ma santé vous touche, ayez grand soin de la vôtre. [14,19] 403. — A TÉRENTIA. Brindes, novembre. Au milieu de mes tourments, c'est la santé de Tullie qui fait mon plus cruel supplice. Je n'ai rien à vous en dire. Vous en êtes aussi préoccupée que moi. Oui, vous avez raison : il faut que je me rapproche. Je l'aurais déjà fait; mais il y a eu des obstacles, et il y en a encore. — J'attends une lettre d'Atticus. Veillez, je vous prie, à ce qu'on ne perde pas un instant pour me l'envoyer. Je vous recommande votre santé. [14,20] 435. — A TÉRENTIA. Vénusium, 1 octobre. Je serai je pense, à Tusculum le jour des nones ou le lendemain. Veillez à ce que tout soit prêt pour me recevoir. Peut-être amènerai-je avec moi des amis, et vraisemblablement nous y ferons quelque séjour. S'il n'y a pas de cuve dans le bain, qu'on en mette une. Enfin qu'il ne manque rien de ce qui est nécessaire pour bien vivre et se bien porter. Adieu. Aux kalendes d'octobre. De Vénusium. [14,21] 400. — A TÉRENTIA. Brindes, juillet. Tâchez donc de vous remettre, je vous en conjure. Décidez et ordonnez de tout, selon le besoin, l'occasion et les circonstances ; et écrivez-moi le plus souvent possible. Adieu. [14,22] 434. — A TÉRENTIA. Brindes, 1 septembre. J'attends de jour en jour nos messagers. S'ils arrivaient, peut-être saurais-je le parti que je dois prendre; je vous en ferais part à l'instant. Je vous recommande votre santé. Adieu. Aux kalendes de septembre. [14,23] 429. — A TÉRENTIA. Brindes, 12 août. Enfin j'ai reçu une lettre de César. Elle est bien. Il parait qu'il arrivera plus tôt qu'on ne pensait. Irai-je à sa rencontre? ou l'attendrai-je ici? Quand ma résolution sera prise, vous le saurez. Renvoyez-moi mes courriers sur-le-champ, je vous prie. Je vous recommande votre santé. Adieu. La veille des ides d'août. [14,24] 428. — A TÉRENTIA. Brindes, 11 août. Point de nouvelles encore, ni de l'arrivée de César, ni des lettres dont on dit que Philotime est chargé. Aussitôt qu'il y aura quelque chose, je vous en ferai part. Ayez bien soin de votre santé. Adieu. Le 3 des ides d'août.