[4,0] HOMÉLIE QUATRIÈME. SUR L'ASSEMBLAGE DES EAUX. [4,1] Il est des villes qui durant tout le jour repaissent leurs yeux des divers spectacles que leur offrent les bateleurs; elles ne se lassent pas d'entendre des chants obscènes et dissolus, des chants qui corrompent les âmes et leur inspirent une coupable licence. Plusieurs trouvent heureux les habitants de ces villes, parce qu'abandonnant le commerce de la place publique et le soin des arts nécessaires à la vie, ils passent tout leur temps dans les seules agitations du plaisir. Ils ne sentent pas que le théâtre, qui offre une foule de spectacles déshonnêtes, est une école publique de libertinage ; que toute cette musique enchanteresse, que ces chants des courtisanes, se gravent profondément dans l'esprit de ceux qui les écoutent, qu'ils ne font que les porter à se conduire avec indécence, à imiter tous les mouvements de vils histrions et de musiciens méprisables. Quelques-uns qui ont la manie des chevaux, combattent pour cet objet, même durant leur sommeil ; ils changent de cochers et de chars; en un mot, ils rêvent encore pendant la nuit aux folies qui Ies occupent le jour. Pour nous que le Seigneur, que le souverain Ouvrier, le grand Opérateur de prodiges, appelle pour nous faire admirer la beauté de ses oeuvres, nous lasserons-nous de ce spectacle, nous fatiguerons-nous à entendre les paroles de l'Esprit-Saint ? environnés des grands et divers ouvrages sortis des mains divines, ne nous transporterons-nous point par la pensée dans les premiers temps pour être spectateurs de la merveilleuse ordonnance de l'univers ? ne contemplerons-nous pas le ciel disposé comme une voûte, selon l'adage du Prophète (Is. 40. 20) ; la terre qui, malgré son étendue immense et sa pesanteur, est appuyée sur elle-même ; l’air répandu autour d'elle, qui, humide et onctueux par sa nature, fournit sans cesse un aliment propre à ceux qui le respirent, dont la substance déliée cède et s'ouvre aisément aux corps qui se meuvent, ne présente aucun obstacle aux êtres qui le traversent, se retire devant eux et coule à leurs côtés pour leur livrer un passage facile ? Vous verrez dans ce qu'on vient de vous lire la nature de l'eau, tant de celle que nous buvons que de celle qui sert à nos autres besoins : vous verrez comment elle se rassemble avec ordre dans les lieux qui lui sont destinés. [4,2] Et Dieu dit : Que l'eau qui est sous le ciel se rassemble en un même lieu, et que l’élément aride paraisse. Et cela sera ainsi: l'eau qui était sous le ciel fut rassemblée dans les lieux qui lui étaient propres; et l'élément aride parut. Dieu appela terre l'élément aride, et donna le nom de mers aux amas des eaux. Que d'embarras ne m'avez-vous pas donnés dans ce qui précède en me demandant pourquoi la terre était invisible, tandis que tous les corps sont naturellement empreints d'une couleur, et que toute couleur est sensible aux yeux ? Nous vous disions alors, mais cette réponse ne vous paraissait peut-être pas suffisante, que la terre était invisible par rapport à nous, et non par sa nature, parce qu'elle était couverte d'un amas d'eaux qui la cachaient toute entière. Ecoutez maintenant l'Écriture qui s'explique elle-même : Que les eaux se rassemblent, et que l’élément aride paraisse. Les voiles sont retirés, afin que la terre qu'on ne voyait pas devienne visible. On demandera peut-être encore pourquoi ce qui est naturel à l'eau, d'être portée en bas, les livres saints l'attribuent à un ordre du Créateur. Tant que les eaux se trouvent sur une surface égale, elles restent immobiles, parce qu'elles n'ont pas où couler : lorsqu'elles rencontrent une pente, aussitôt les premiers flots prennent leur course suivis par d'autres qui viennent occuper leur place, et ainsi de suite sans interruption. Le premier flot s'avance toujours poussé par celui qui est postérieur; et le cours est d’autant plus rapide que les eaux qui coulent sont plus pesantes, et que le lieu où elles se portent est plus incliné. Si donc telle est la nature des eaux, il était inutile de leur donner l'ordre de se rassembler dans un même lieu, puisqu’elles devaient absolument se porter d'elles-mêmes vers le lieu le plus bas, et ne s’arrêter que lorsqu'elles seront toutes de niveau: car il n'est point de plaine aussi unie que l'est la surface d'une eau tranquille. On fait une autre objection; on demande comment les eaux ont reçu l'ordre de se rassembler dans un même lieu, lorsqu'il y a visiblement plusieurs mers très distinguées les unes des autres par leur position. A la première question qui nous est faite, voici ce que nous répondons. Sans doute, après l’ordre du souverain Maître, vous avez bien reconnu les mouvements de l'eau: vous avez vu qu'elle coule en tous sens ; que, toujours mobile, elle se porte naturellement vers les lieux enfoncés et qui vont en pente. Mais avant que cet ordre lui eut donné la faculté de courir, vous ne saviez pas par vous-même et personne ne vous avait appris quelle était sa vertu propre. Songez que la voix divine produit la nature, et que l'ordre donné d'abord à un être créé, lui a assigné pour la suite son rapport avec les autres êtres. Le jour et la nuit ont été créés ensemble : depuis cette époque, ils ne cessent pas de se succéder l'un à l'autre, et de diviser le temps en parties égales. [4,3] Que les eaux se rassemblent. Les eaux ont reçu l'ordre de courir ; et toujours pressées par cet ordre, elles ne se fatiguent jamais dans leur course. Je parle ici de celles des eaux dont le sort est de couler. Les unes coulent d'elles-mêmes, telles que les fontaines et les fleuves; les autres sont rassemblées et fixées dans un même lieu. Mais je parle maintenant des eaux qui sont en mouvement. Que les eaux se rassemblent dans un même lieu. Lorsque vous êtes assis sur le bord d'une fontaine qui produit des eaux abondantes, ne vous est-il jamais venu à l'esprit de vous demander ? Quel est celui qui fait jaillir cette eau du sein de la terre? quel est celui qui la pousse en avant ? quels sont les réservoirs d'où elle part ? quel est le lieu où elle va ? comment cette fontaine ne tarit-elle pas ? comment la mer ne se remplit-elle pas ? Tout cela dépend de la première parole. De-là les eaux ont reçu la faculté de courir. Dans toute l'histoire des eaux, rappelez-vous cette parole: Que les eaux se rassemblent. Il fallait qu'elles courussent pour aller se rendre au lieu qui leur était destiné, et qu'arrivées à ce lieu, elles restassent en place et n'allassent pas plus loin. C'est pour cela que, suivant les paroles de l'Ecclésiaste, les fleuves vont à la mer, et que la mer n'est point remplie (Ecclés. 1. 7). Les eaux coulent en vertu de l'ordre de Dieu, et la mer est renfermée dans des bornes d'après cette première loi : Que les eaux se rassemblent dans un même lieu. Les eaux ont reçu l'ordre de se rassembler dans un même lieu, de peur que se répandant hors des espaces qui les reçoivent, changeant toujours de place, passant d’un lieu dans un autre, elles ne viennent de proche en proche à inonder tout le continent. C'est pour cela que la mer souvent mise en furie par les aquilons, et élevant ses vagues jusqu'au ciel, dès qu'elle a touché le rivage, voit toute son impétuosité se résoudre en écume, et se retire. Ne me craindrez-vous pas, dit le Seigneur, moi qui mets le sable pour borne à la mer (Jér. 5. 22) ? Cet élément dont la violence est si extraordinaire, est réprimé et enchaîné par ce qu'il y a de plus faible, par un grain de sable. Qu'est-ce qui empêcherait la mer Rouge d'envahir toute l’Égypte qui est plus basse qu'elle, et de se mêler avec la mer de cette région, si elle n’était arrêtée par l’ordre du Créateur ? Or, que l’Egypte soit plus basse que la mer Rouge, c'est ce que nous ont appris par des effets les princes qui ont voulu joindre les deux mers, celle d'Egypte et celle de l'lnde, doit dépend la mer Rouge. Sésostris, roi des Egyptiens, qui le premier a tenté cette jonction, et Marius, roi des Perses, qui après lui a voulu l’achever, ont renoncé tous deux à cette entreprise. Dans ce que je viens de dire, j'ai voulu faire comprendre l'efficacité de cet ordre: Que les eaux se rassemblent dans un même lieu; c'est-à-dire, qu'elles restent dans le lieu où elles auront été d'abord réunies, sans chercher à se réunir dans un autre. [4,4] Ensuite celui qui a ordonné aux eaux de se rassembler dans un même lieu, vous montre qu'elles étaient dispersées dans plusieurs. Les enfoncements des montagnes qui formaient des ravines profondes, renfermaient des amas d'eaux. Outre cela, de vastes campagnes aussi étendues que de grandes mers, des vallées plus ou moins étroites, formées de différentes manières, tous ces espaces qui étaient d'abord remplis d'eau, furent évacués par l'ordre du seigneur, qui rassembla de toutes parts les eaux dans un même lieu. Et qu'on n'aille pas dire : Si les eaux étaient sur la terre, toutes ces cavités immenses qui ont reçu les mers, étaient sans doute remplies. Cela étant, où pouvaient donc se rendre les eaux répandues sur la surface du globe ? A cela nous dirons que Dieu creusa des réservoirs pour les eaux dans le moment où il fallut les séparer pour les réunir ensemble. Car elle n'existait pas d'abord cette mer hors de Cadix, ni cette plaine immense, si redoutable pour les navigateurs, qui environne l'île britannique et les ibères occidentaux. Mais ce fut lorsqu'un vaste bassin fut creusé par l'ordre de Dieu, que toute la multitude des eaux s'y rassembla. Quant à cette objection, que nos discours sur la création du monde sont contraires à l’expérience, parce qu'on ne voit pas toutes les eaux rassemblées dans le même lieu, je pourrais donner plusieurs réponses qui seraient trouvées généralement solides; mais il est peut-être ridicule de combattre de pareilles difficultés. Ceux qui nous les font ne doivent pas, sans doute, nous opposer les eaux des marais, ni celles des pluies, et chercher par-là à réfuter notre sentiment. Lorsque l'Ecriture parle des eaux rassemblées dans un même lieu, qu'entend-elle, sinon le plus grand et le plus parfait assemblage ? Les puits sont des assemblages d'eaux, faits de la main des hommes qui creusent un espace pour y réunir des eaux dispersées. Mais les Livres saints ne parlent pas des amas d'eaux ordinaires, mais du principal et du plus vaste assemblage, qui montre tout l'élément réuni dans un espace immense. En effet, de même que le feu distribué en petites parties pour notre usage, forme un grand ensemble répandu dans l'éther; de même que l'air aussi divisé en petites parties, compose une vaste enveloppe autour de toute la terre: ainsi pour les eaux, quoiqu'il y en ait plusieurs amas secondaires, il n'existe qu'un grand assemblage qui sépare cet élément de tous les autres. Les lacs, tant ceux qui sont dans les régions septentrionales, que ceux qu'on trouve dans la Grèce, dans la Macédoine, la Bithynie et la Palestine, sont sans doute des assemblages d’eaux, mais nous ne parlons maintenant que du plus grand de tous, de celui qui répond à la grandeur de la terre. Personne ne disconviendra que ces lacs ne soient des quantités d'eaux; mais on ne pourrait raisonnablement leur donner le nom de mers, encore que quelques-uns, semblables à la plus grande mer, aient des parties salées et terrestres, tels que dans la Judée le lac Asphaltite, et le lac Serbonitis, qui, placé entre l’Egypte et la Palestine, s'étend jusqu'au désert de l'Arabie. Il y a plusieurs lacs, mais il n'y a qu'une seule mer, comme le rapportent ceux qui ont parcouru la terre. Quelque-uns pensent que les mers Hyrcanienne et Caspienne sont des mers à part; mais s'il en faut croire ceux qui ont écrit sur la géographie, ces deux mers tiennent l'une à l'autre, et vont se décharger ensemble dans la plus grande mer. C'est ainsi qu'ils disent que même la mer Rouge est jointe à celle qui est au-delà de Cadix. Pourquoi donc Dieu a-t-il appelé mers au pluriel les amas d’eaux? C'est que les eaux, il est vrai, se sont rassemblées en un même lieu; mais les amas divers, c'est-à-dire, les golfes, qui, chacun suivant leur forme, sont contenus dans un espace de terre qui les environne, ont reçu du Seigneur le nom de mers. On distingue la mer Septentrionale, la mer Australe, la mer Orientale, la mer Occidentale. Plusieurs mers ont des noms particuliers: le Pont-Euxin, la Propontide, les mers Egée et Ionienne, les mers Sardonique et Sicilienne, la mer de Toscane. Je ne parle pas de mille autres noms de mers, qu'il serait trop long et même peu convenable de détailler ici avec exactitude. C'est pour cela que Dieu a appelé mers au pluriel les collections d'eaux. Mais la suite du discours nous a conduits à cette discussion; revenons à notre sujet. [4,5] Et Dieu dit : Que les eaux se rassemblent dans un même lieu, et que l'élément aride paraisse. Il n'a point dit: Et que la terre paraisse, afin de ne pas la montrer cette terre sans ornements, toute couverte du limon et de la fange que les eaux y avaient laissés, n'étant pas encore revêtue de sa forme et de sa puissance. En même temps, de peur que nous n'attribuions au soleil l’aridité de la terre, l'Ouvrier suprême a fait cette aridité plus ancienne que la création du soleil. Examinez avec attention le sens des paroles de l'Ecriture, vous verrez que non seulement le superflu de l'eau s'est écoulé de dessus la terre, mais que tout ce qui était mêlé avec elle dans ses profondeurs s'est retiré, docile aux ordres puissants du souverain Maître. Et cela se fit ainsi. Ces paroles suffisaient pour montrer que la parole du Créateur a eu son plein effet. Plusieurs copies de l’Ecriture ajoutent : L'eau qui était sous le ciel fut rassemblée dans les lieux, qui lui étaient propres, et l'élément aride parut. Quelques-uns des autres interprètes n'ont pas admis cette addition, parole peu conforme au langage des hébreux. Après ce témoignage, et cela se fit ainsi, il était inutile de répéter la même chose dans d'autres termes. Aussi les exemplaires les plus exacts sont notés d'une broche à cet endroit; et la broche annonce ce qui peut être retranché. Dieu appela terre l'élément aride ; il donna le nom de mers aux amas des eaux. Pourquoi est-il dit plus haut: Que les eaux se rassemblent dans un même lieu, et que l’élément aride paraisse, et non que la terre paraisse; et est-il dit encore ici : Et l’élément aride parut, Dieu appela terre l'élément aride? C’est que l'aridité est la qualité propre qui exprime et caractérise la nature du sujet, et que terre est simplement le nom de la chose. Car de même que la rationabilité est la qualité propre de l'homme, et qu'homme est le nom de animal auquel est attachée cette qualité; ainsi l'aridité est la qualité propre et spécifique de la terre; et on appelle terre l'être auquel convient proprement l'aridité; comme on appelle cheval l’être dont l'attribut essentiel est le hennissement. Ce n'est pas seulement la terre, les autres éléments aussi ont chacun une qualité propre et particulière, qui les distingue, qui les fait connaître ce qu'ils sont. L'eau a pour qualité propre la froideur, le feu la chaleur, l’air l'humidité. Les qualités sont les premiers éléments des corps. Quoique l'esprit, comme je l'ai dit déjà, les considère par abstraction, elles sont toujours réunies dans les êtres qui frappent nos sens. Aucun des objets sensibles et visibles n'est pur, simple et sans mélange ; mais la terre est aride et froide, l’eau est froide et humide, l'air est humide et chaud, le feu est chaud et aride. Ainsi chaque élément peut se mêler avec les autres par une de ses qualités comme par un lien. Il communique avec l’élément voisin par une qualité commune, et en communiquant avec lui, il se rapproche de son contraire. Par exemple, la terre, qui est aride et froide, se joint à l'eau par le rapport de la froideur, et par l'eau elle se joint à l'air. L'eau, placée entre l'un et l'autre, les atteint et les touche par ses deux qualités comme par deux mains, la terre par la froideur, l'air par l’humidité. L’air, à son tour, par sa médiation, devient le réconciliateur de deux natures ennemies, de l'eau et du feu, en se joignant à l'eau par l’humilité et au feu par la chaleur. Le feu, qui par sa nature est aride et chaud, se lie par la chaleur avec l'air, et forme société avec la terre par l'aridité. De là il résulte un cercle et un choeur harmonique de tous les éléments qui se rapprochent et s'accordent les uns avec les autres. C'est avec raison qu'on les a appelés éléments: ce nom leur est propre et leur convient. Je suis entré dans cette discussion en examinant la cause pour laquelle Dieu a appelé l'élément aride terre. Mais il n'a pas appelé la terre élément aride. Pourquoi? C'est que l'aridité formait d'abord l'essence de la terre, qui ensuite a acquis d'autres qualités secondaires. Or, la qualité primitive qui constitue un objet, doit être la principale, et marcher avant les qualités secondaires ajoutées ensuite. C'est donc avec raison qu’on emploie pour désigner la terre, la qualité primitive qui est la plus ancienne, [4,6] Et Dieu vit que cela était beau. L'Ecriture ne veut point dire par-là que la vue de la mer parut agréable à Dieu; car ce n'est point par les yeux, comme nous l’avons déjà dit ailleurs, que le Créateur juge de la beauté de ses créatures; mais c'est par une sagesse ineffable qu'il considère les oeuvres sorties de ses mains. La mer présente un beau spectacle, lorsque, dans le calme le plus tranquille, on voit sa surface blanchir; ou lorsque, ridée par des vents doux, elle offre une couleur de pourpre ou d’azur; lorsqu'elle ne bat point violemment le rivage voisin, mais qu'elle le caresse, pour ainsi dire, par des embrassements pacifiques. Ce n’est pourtant pas en ce sens qu'il est dit dans l'Ecriture que la mer parut belle et agréable à Dieu: mais Dieu juge de la beauté d'un ouvrage par son rapport avec les autres. L'eau de la mer est la source de toute l'humidité qui règne sur la terre. Elle se distribue dans ses entrailles par des conduits invisibles, comme l'annoncent ces terrains spongieux et crevassés, dans lesquels s'insinue la mer, qui, renfermée dans des canaux tortueux et poussée par le vent, jaillit au-dehors en rompant la surface de la terre, et, déposant son amertume, devient potable par la filtration. Quelquefois cette eau acquiert une qualité chaude en passant par des mines, et le même vent qui la pousse la rend bouillante et enflammée. C'est ce qu’on observe dans plusieurs îles et dans plusieurs pays maritimes. Quelques régions du continent, voisines des fleuves (si l’on peut comparer les petits objets aux grands), éprouvent quelque chose de semblable. Que veux-je inférer de tout ceci ? Sans doute que toute la terre est remplie de canaux souterrains, de conduits invisibles par lesquels nous est amenée l'eau qui vient originairement de la mer. [4,7] La mer est donc belle aux yeux de Dieu, parce qu'elle s'introduit dans les entrailles de la terre, et nous transmet l'eau dont nous avons besoin. Elle est belle encore, parce qu'étant le réservoir des fleuves, elle les reçoit de toutes parts dans son sein, sans que cependant elle passe ses bornes. Elle est belle encore, parce qu'elle est la source et l’origine des eaux suspendues dans les airs. Echauffée par les rayons du soleil, elle laisse échapper par l’évaporation une eau volatilisée: cette eau, attirée à une certaine hauteur, et refroidie ensuite, parce qu'elle est trop élevée pour être frappée par la chaleur du sol terrestre, laquelle froideur de l’eau est augmentée encore par l'ombre de la nue qui la domine; cette eau, dis-je, se résout en pluie et engraisse la terre. On ne peut disconvenir de ces effets, si l'on considère les vases qui étant approchés du feu pleins d'eau, restent souvent vides, parce que toute l'eau se dissipe en vapeurs. Je dis plus, les navigateurs quelquefois font bouillir l'eau de la mer, et en recueillant les vapeurs dans des éponges, ils soulagent un peu par-là le besoin qui les presse. La mer est belle aux yeux de Dieu sous un autre rapport, parce quelle enchaîne les îles, et qu'elle est à-la-fois leur ornement et leur sûreté; et encore parce qu'elle rapproche les contrées les plus éloignées les unes des autres, en facilitant aux navigateurs un commerce utile. Elle nous apprend par eux ce que nous ignorions; elle enrichit le commerçant, et fournit sans peine aux besoins de la vie, en procurant à ceux qui ont trop, l'exportation de leur superflu, et à ceux qui n’ont pas assez, l’importation de ce qui leur manque. Mais puis-je découvrir toute la beauté de la mer, telle qu'elle paraît aux yeux de celui qui l'a faite ? Que si la mer est belle aux yeux de Dieu, si elle mérite son approbation, combien n'est pas plus belle encore cette assemblée chrétienne, dans laquelle les voix réunies des hommes, des femmes et des enfants, semblables aux flots qui viennent se briser sur le rivage, élèvent jusqu'au ciel les prières que nous adressons au Très-Haut! Un calme profond met cette assemblée à l'abri des tempêtes, parce que les esprits malins ne peuvent la troubler en y introduisant les hérésies. Soyez donc dignes des louanges de Dieu même, en observant avec la plus grande décence une exacte discipline, en Jésus-Christ notre Seigneur, à qui soient la gloire et l'empire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.