[1,61] De Dieu passons aux Anges, dont la nature est celle qui, pour la dignité, approche le plus de la nature divine. Nous voyons dans les ordres des Anges, (autant du moins qu'on peut ajouter foi à cette céleste hiérarchie, publiée sous le nom de Denis l'Aréopagite) ; nous voyons, dis-je, que les Séraphins, qui sont les Anges d'amour, occupent le premier lieu; que les Chérubins, ou Anges de lumière, occupent le second; que le troisième et les suivants sont abandonnés aux trônes, aux principautés, et aux Anges de puissance et de ministère. En sorte que, par cet ordre et cette distribution , il est clair que les Anges de science et d'illumination marchent devant les Anges d'empire et de puissance. Si des esprits et des intelligences nous descendons aux formes sensibles et matérielles, nous lisons que la première des formes créées fut la lumière, qui est dans les choses naturelles et corporelles, ce que la science est dans les choses spirituelles et incorporelles. Aussi, dans la distribution des jours, voyons-nous que le jour où Dieu se reposa et contempla ses oeuvres, fut béni par-dessus tous les autres jours où fut créée et construite toute la machine de l'univers. Après la création absolue, nous lisons que l'homme est placé dans le Paradis, afin d'y travailler; genre de travail qui ne pouvait être autre que celui qui est propre à la contemplation, c'est-à-dire dont la fin ne saurait être rapportée à quelque nécessité que ce fût, mais à quelque genre de plaisir et d'activité sans fatigue. Comme alors il n'y avait nulle résistance dans les créatures, nulle sueur sur le visage de l'homme, il s'ensuit que les actions humaines tendaient uniquement au plaisir et à la contemplation, et nullement au travail et à l'exécution de quelque ouvrage. De plus, les premières actions que l'homme fit dans le Paradis, embrassaient les deux parties sommaires de la science; savoir : l'inspection des créatures et l'imposition des noms ; car cette science qui fut cause de sa chute, comme nous l'avons observé plus haut, ce ne fut pas cette science naturelle qui a pour objet les créatures, mais la science morale qui a pour objet le bien et le mal, et qui se fonde sur cette supposition que les commandements et les défenses de Dieu ne sont pas les seuls principes du bien et du mal ; mais que la moralité des actions a une autre origine, dont l'homme rechercha la connaissance avec une ambitieuse curiosité, afin de se révolter contre Dieu, et de s'appuyer entièrement sur lui-même et sur sa propre volonté. [1,62] Venons aux événements qui ont suivi la chute de l'homme. Nous voyons (et cela d'autant plus que les saintes écritures renferment une infinité de mystères, sauf toutefois la vérité historique et littérale); nous voyons, dis-je, l'image des deux genres de vie différents; savoir : de la vie contemplative et de la vie active, tracées dans les personnes de Cain et d'Abel , et dans leurs premières occupations; dans ces deux personnages, dis-je, dont l'un, qui était pasteur, doit être, à cause du loisir, du repos et de l'aspect des cieux dont il jouissait, regardé comme le type de la vie spéculative; et l'autre, qui, étant cultivateur, était, comme tel, harassé de travaux, et avait les yeux toujours fixés vers la terre, est le type de la vie active : par où il est aisé de voir que la faveur et l'élection divine fut le partage du pasteur, et non du cultivateur. C'est ainsi qu'avant le déluge, les fastes sacrés, qui nous apprennent si peu de chose sur ce siècle-là, n'ont pas dédaigné de faire mention des inventeurs de la musique et des procédés de la métallurgie. Dans le siècle qui suivit le déluge, la peine la plus grave que Dieu infligea à l'orgueil humain, ce fut la confusion des langues, c'est-à-dire, celui de tous les genres d'obstacles, qui intercepte le plus le libre commerce de la science et la communication réciproque des lettres. [1,63] Descendons actuellement à Moïse, législateur, et en quelque sorte, premier secrétaire de Dieu, que les écritures distinguent par cet éloge : "il fut instruit dans toute la science des Égyptiens" (Actes des apôtres, VII, 22) ; nation que l'on regarde comme une des plus anciennes écoles du monde. Car Platon introduit certain prêtre égyptien parlant ainsi à Solon : "vous autres Grecs, êtes toujours enfants, n'ayant ni antiquité de science, ni science de l'antiquité" (Platon, Timée, p. 22). Parcourons la loi cérémonielle de Moïse, nous trouverons qu'outre ces figures prophétiques qui annoncent le Christ, la distinction que Dieu fit de son peuple d'avec les Gentils, l'exercice de l'obéissance et les autres rites de la même loi, quelques-uns des plus savants rabbins ont fait la plus grande étude de cette loi, afin d'en tirer sans cesse, tantôt le sens naturel, tantôt le sens moral des cérémonies et des rites. Par exemple, lorsqu'il y est dit sur la lèpre : "si la lèpre fleurit et se répand çà et là sur la peau, l'homme sera jugé pur; et ne sera pas mis dehors; mais si l'on aperçoit la chair vive sur son corps, il sera condamné comme immonde et séparé à la volonté du prêtre" (Lévitique, XIII, 12). De cette loi l'un de ces rabbins déduit cet axiome de physique : "que les maladies putrides sont plus contagieuses avant qu'après la maturité". Un autre en tire cette maxime de morale : "que les hommes entièrement souillés de crimes, corrompent moins les moeurs publiques, que ceux qui ne sont que médiocrement méchants et qui ne le sont qu'à certains égards". Tant il est vrai que, dans ce passage et autres semblables de cette loi, outre le sens théologique, l'on rencontre çà et là une infinité de choses qui appartiennent à la philosophie. [1,64] Que si l'on examine avec quelque attention cet excellent livre qui porte le nom de Job, on le trouvera tout rempli et comme gros de mystères de la philosophie naturelle. Tel est le passage suivant, par rapport à la cosmographie et à la rondeur de la terre : "celui qui étend l'aquilon sur le vide, et qui tient la terre suspendue sur le néant" (Job, XXVI, 7); passage où l'état de suspension de la terre, le pôle arctique et la convexité du ciel aux extrémités de l'horizon, sont assez clairement indiqués. Tel est aussi cet autre passage par rapport à l'astronomie et aux astérismes. "Ce fut lui qui décora les cieux; et sa main aidant l'enfantement, on vit naître le serpent tortueux" (Job, XXXVIII, 81). Et dans un autre endroit : "sera-ce toi, qui pourras rapprocher les brillantes Hyades, ou dissiper les étoiles qui forment le cercle d'Arcturus" (Job, IX, 9) ? Passage où est très élégamment indiquée la figure constante des constellations, les étoiles étant placées à des distances invariables les unes des autres. Tel est encore cet autre passage : "celui qui fait Arcturus et Orion, et les Hyades, et l'intérieur du midi" (Job, X, 10); passage où il indique l'abaissement du pôle antarctique, qu'il désigne par ces mots, "l'intérieur du midi", attendu que les étoiles australes ne sont pas visibles dans notre hémisphére. Puis sur la génération des animaux : "n'est-ce pas toi qui m'as trait comme le lait, et coagulé comme le fromage". Enfin, sur les procédés métallurgiques : "l'argent a les principes de ses veines ; l'or a un lieu où il se forme, le fer se tire de la terre : et la pierre, dissoute par le feu, se convertit en airain" (Job, XXVII, 1-2). Il en faut dire autant de ce qui suit dans le même chapitre. [1,65] De même, si nous considérons la personne de Salomon, nous voyons que le don de la sagesse fut préféré à tous les biens de la félicité terrestre et temporelle ; et c'est ce qui paraît par la demande qu'il en fit lui-même, soit par la volonté divine qui le lui accorda. Or, en vertu de ce don et de cette concession, Salomon, éminemment instruit, n'écrivit pas seulement ces paraboles fumeuses, ces aphorismes de la philosophie divine et morale; mais composa de plus l'histoire naturelle de tous les végétaux, "depuis le cèdre qui croît sur la montagne, jusqu'à la mousse qui croît sur les murailles" (Proverbes, XXV, 2) (ce qui est une sorte d'ébauche de la plante, qui tient le milieu entre l'herbe et les substances putrides) ; enfin, l'histoire de tout ce qui a vie et mouvement. De plus, ce même Salomon, quoiqu'il l'emportât sur les autres souverains par ses richesses, par la magnificence de ses édifices, par sa flotte, par son nombreux domestique, par la célébrité de son nom, et par tant d'autres avantages qui se rapportent à la gloire; néanmoins, de toute cette moisson de gloire, il ne cueillit et ne prit pour lui que l'honneur de chercher la vérité et de la trouver; comme il le dit lui-même si éloquemment : "la gloire de Dieu est de cacher son secret, et celle du roi, de tâcher de le décou, 2). Comme si la divine majesté se plaisait à ce jeu innocent des enfants, dont les uns se cachent, tandis que les autres tâchent de les trouver, et que rien ne fût plus honorable pour les rois, que de jouer avec elle ce même jeu ; eux surtout qui commandent à tant d'esprits, qui ont tant de moyens en leur disposition, et à l'aide desquels il n'est point de secrets qu'on ne puisse découvrir. Or, après que notre Sauveur eut commencé à paraître dans le monde, Dieu ne fit point une autre dispensation, et il manifesta d'abord sa puissance en combattant l'ignorance, lorsqu'il disputait dans le temple avec les prêtres et les docteurs, avant de subjuguer la nature par ces miracles, si grands et en si grand nombre, qu'il a opérés. L'avènement de l'Esprit Saint fut aussi figuré et exprimé par la similitude et le don des langues, qui ne sont que les véhicules de la science. C'est ainsi que, dans le choix de ces instruments que Dieu employa pour semer la foi, il appela d'abord des hommes ignorants et sans lettres (si ce n'est depuis le temps où ils furent éclairés par l'inspiration du Saint Esprit) ; afin de manifester plus clairement sa vertu immédiate et divine, et d'humilier toute sagesse humaine. Ainsi, dès que ses desseins dans cette partie furent entièrement accomplis, et dans les temps qui suivirent immédiatement, il envoya dans le monde sa divine vérité accompagnée des antres doctrines, qui sont comme ses suivantes. Aussi la plume de Saint Paul, qui de tous les apôtres fut le seul lettré, est-elle en effet celle que Dieu a le plus employée pour écrire le nouveau testament. [1,66] De même ne voyons-nous pas que grand nombre d'anciens évêques et pères de l'église étaient éminemment versés dans toute l'érudition des Païens. Aussi cet édit de Julien, qui défendait aux Chrétiens d'envoyer leurs enfants aux écoles et aux gymnases, fut-il regardé comme la plus perfide mesure qu'il pût prendre pour ruiner la foi chrétienne, et jugée plus funeste que les plus cruelles persécutions des empereurs précédents. Et il ne faut pas croire que cette émulation et cette jalousie de Grégoire Ier, évêque de Rome (personnage d'ailleurs au-dessus du commun), qui prenait à tâche d'effacer entièrement la mémoire des auteurs païens et des antiquités profanes; que cette jalousie, dis-je, ait été prise en bonne part, même par les personnes pieuses. Je dirai plus : l'église chrétienne n'est-elle pas la seule qui, au milieu des inondations des Barbares qui accouraient des rivages septentrionaux, ou des Sarrasins partis des côtes orientales, ait, pour ainsi dire, recueilli dans son sein et conservé les précieux débris de l'érudition des Gentils, qui, sans cela, eût été entièrement perdue pour nous ? Que si nous tournons nos regards vers les Jésuites, qui, dans ces derniers temps, en partie par ce zèle qui leur est propre, en partie par émulation contre leurs adversaires, se sont appliqués aux lettres avec tant d'ardeur, nous voyons combien, par cette érudition, ils ont prêté de force et d'appui au siège de Rome pour se rétablir et s'affermir. [1,67] Ainsi, pour terminer cette dernière partie, nous distinguerons deux espèces d'offices et de ministères, dont les belles-lettres, outre ce lustre et cet éclat qu'elles savent donner à tout, s'acquittent envers la foi et la religion; double tribut qu'elles lui paient. L'un est que ce sont de puissants aiguillons qui excitent à exalter et à célébrer la gloire de Dieu. Car, de même que les psaumes et les autres écritures nous invitent fréquemment à contempler et à chanter les merveilles et la magnificence des ouvrages de Dieu ; de même encore, en nous attachant uniquement à leur apparence extérieure, et les considérant comme elles se présentent à nos sens, nous ferions la même injure à la majesté divine, qu'un homme qui voudrait juger de l'opulence et des ressources d'un lapidaire distingué, d'après le peu de bijoux qu'il expose dans sa montre. L'autre est que la philosophie fournit un remède et un antidote singulièrement efficace contre les erreurs et l'infidélité. Car le Sauveur même nous parle ainsi: "vous errez, ignorant les écritures et la puissance d'un Dieu" (Matthieu, XXII, 29). Paroles par lesquelles il nous invite à feuilleter deux livres, pour ne pas tomber dans l'erreur. L'un est le volume des écritures, qui révèle la volonté de Dieu; et l'autre, le volume des créatures, qui manifeste sa puissance deux livres dont le dernier est la clef du premier ; clef, dont l'avantage n'est pas seulement d'ouvrir l'entendement, en le rendant capable de saisir le véritable esprit des écritures, d'après les règles générales de la raison et les lois du discours; mais encore de développer notre foi et de nous exciter à nous plonger dans des méditations plus profondes sur la puissance de Dieu, dont les caractères sont empreints, gravés dans ses ouvrages. Voilà ce quo nous avions à dire sur les témoignages et les jugements divins, en faveur de la dignité et du véritable prix des sciences. [1,68] Quant aux témoignages et aux arguments humains, le champ qui s'ouvre devant nous, est si vaste, que, dans un traité aussi succinct et aussi serré que celui-ci, il faut plutôt regarder au choix qu'au nombre. Premièrement donc le souverain degré d'honneur chez les Païens, fut d'être mis au nombre des dieux, et d'obtenir des autels ; ce qui est pour les Chrétiens comme le fruit défendu; mais nous ne parlons ici que des jugements humains considérés séparément. Ainsi, comme nous avons commencé à le dire, chez les Païens, ce que les Grecs appelaient l'apothéose, et les Latins, élévation au rang des Dieu, fut le plus grand honneur que l'homme pût rendre à l'homme; surtout quand cet honneur n'était pas simplement déféré en vertu d'un décret, ou d'un édit émané de quelque autorité (comme il était d'usage pour les Césars chez les Romains ); mais qu'il était l'effet spontané de l'opinion des hommes et de l'intime persuasion. Et cet honneur si élevé avait au dessous de lui un certain degré qui en approchait, une sorte de terme moyen; car au dessus des honneurs humains, l'on comptait les honneurs héroïques et les honneurs divins. Or, tel était l'ordre qu'observaient les anciens dans cette distribution. Les fondateurs de républiques, les législateurs, ceux qui avaient tué les tyrans, les pères de la patrie, et tous ceux qui, dans l'état civil et politique, avaient bien mérité de leurs concitoyens, ceux-là étaient décorés du titre de héros, de demi-dieux ; tels furent Thésée , Minos, Romulus, et autres semblables. D'un autre côté, les inventeurs et auteurs des arts, et ceux qui enrichissaient la vie humaine de nouveaux moyens et de nouvelles commodités, furent toujours consacrés parmi les grands dieux, et tel fut le partage de Cérès, de Bacchus, de Mercure, d'Apollon; distinction qui certainement était fondée, et le fruit d'un jugement très sain. En effet, les services des premiers sont presque renfermés dans les limites d'un seul âge et d'une seule nation; et ils ressemblent assez à ces pluies bienfaisantes et qui viennent à propos, mais qui, bien que fructueuses et désirables, ne sont utiles que dans le temps où elles tombent, et dans l'étendue de terrain qu'elles arrosent. Au lieu que les bienfaits des derniers, semblables à ceux du soleil et aux présents des cieux, sont infinis par le temps et par le lieu. Observez de plus que les premiers ne vont guère sans troubles et sans débats ; au lieu que les derniers ont le vrai caractère de l'avènement de la Divinité, et ils arrivent comme sur un vent léger, sans tumulte et sans bruit. [1,69] Nul doute que ce genre de services que rendent les sciences dans l'état de société, et qui consiste à prévenir le mal que l'homme peut faire à l'homme, ou à y remédier, ne le cède que de bien peu à cet autre genre de services qu'elles nous rendent, en allégeant toutes ces nécessités que nous impose la nature même. Or, ce genre de mérite est fort bien caractérisé par la fiction du théâtre d'Orphée, où les animaux terrestres et les oiseaux du ciel se rassemblaient en foule; et là, oubliant leurs appétits naturels, tels que ceux qui ont pour objet la chasse, les jeux et les combats, se tenaient ensemble paisiblement, amicalement, attirés et apprivoisés par les accords et la suave mélodie de la lyre. Mais dès que le son de cet instrument venait à cesser, ou à être couvert par un plus grand bruit, aussitôt ces animaux retournaient à leur naturel; fable qui peint élégamment le génie et les moeurs des hommes, qui tous sont sans cesse agités par des passions sans frein et sans nombre, telles que celles du gain, de la volupté et de la vengeance ; et qui néanmoins, tant qu'ils prêtent l'oreille aux préceptes et aux insinuations de la religion, des lois, des maîtres qui se font entendre si éloquemment et avec une si douce mélodie, dans les livres, les entretiens particuliers et les discours publics, vivent en paix les uns avec les autres, et goûtent ensemble les douceurs de la société : mais cette voix si douce vient-elle à se taire, ou à être couverte par le bruit éclatant des émeutes et des séditions, à l'instant tout l'assemblage se dissout, tout se dissipe, et l'on retombe dans l'anarchie et la confusion. [1,70] Mais c'est ce qu'on voit encore plus clairement, lorsque les rois eux-mêmes, ou les grands, ou leurs lieutenants, sont instruits jusqu'à un certain point. Car, bien qu'on puisse regarder comme un peu trop amoureux de son personnage celui qui a dit : "qu'enfin les républiques seraient heureuses, lorsqu'on verrait les philosophes régner, ou les rois philosopher" (Platon, La république, livre V). Quoi qu'il en soit, l'expérience même atteste que c'est sous les princes ou les chefs de républiques éclairés, que les états ont été le plus heureux. Car, quoique les rois eux-mêmes aient leurs erreurs et leurs vices, et qu'ils soient, comme les autres hommes, sujets à des passions et à de mauvaises habitudes, néanmoins, si la lumière des sciences vient se joindre à l'autorité dont ils sont revêtus, certaines notions anticipées de religion, de prudence, d'honnêteté, ne laissent pas de les de les garantir des plus lourdes fautes, de tout excès irrémédiable et de toute erreur grossière ; les premières leçons agaçant continuellement leur oreille, même lorsque leurs conseillers et ceux qui les approchent gardent le silence. Je dirai plus : les sénateurs eux-mêmes et les conseillers dont l'esprit est cultivé, s'appuient sur des principes plus solides que ceux qui sont instruits par la seule expérience ; les premiers prévoyant de plus loin les inconvénients, et prenant de bonne heure des mesures pour s'en garantir : au lieu que les derniers ne voient le mal que de près et n'ont qu'une sagesse de courte portée, ne voyant jamais que le péril imminent, et se flattant qu'ils pourront enfin, grâce à l'agilité de leur esprit, se tirer d'affaire au moment même du danger.