LECTURE : Francis BACON (1561 - 1626) : Un intervenant dans le dialogue se demande : Un gouvernement exercé par des femmes ne va-t-il pas contre les lois de la nature ? Francis Bacon, Dialogue de la guerre sacrée : ... Illud intelligo de gente Amazonum ; ubi regimen, tam publicum, quam priuatum, etiam militia ipsa, penes foeminas residebat. Num quis sanae mentis affirmauerit, huiusmodi imperium, contra ordinem naturae, in principiis suis, institutum, non esse in se uacuum, et nullum, et prorsus abolendum ? De summo foeminarum imperio non loquor ; id enim consiliariis et magistratibus subordinatis masculis suffulcitur ; uerum, ubi regimen status, iustitiae, familiarum, a foeminis, et non aliis, administrabatur. Attamen exemplum hoc postremum a prioribus differt eo, quod in illis periculi metus supponatur, in hoc autem aberratio tantum a lege naturae. Neque haesitarim idem affirmare de sultania Mamalucorum, ubi serui, et nulli alii, pecunia empti, et stirpis incognitae, liberis imperabant. Huic affine esset, si gentem aliquam supponas, apud quam consuetudo talis reciperetur, ut filii, quamprimum ad plenam aetatem peruenerint, parentes e possessionibus suis expellerent, et eis stipendium tantum soluerent : exempla enim ista, imperii foeminarum in uiros, filiorum in patres, seruorum in liberos, similia et cognata inter se sunt; cum in his omnibus ius naturae et gentium manifesto uioletur et peruertatur. ... Maintenant supposons un pays d'Amazones, et l'antiquité nous laisse à douter si un pays où le gouvernement de l'Etat et de la famille, et la milice même seraient entre les mains des femmes, n'est en effet qu'une supposition; je demande si un gouvernement si insensé n'est pas contraire à la première loi de la nature. L'autorité des femmes sur les hommes n'est-elle pas essentiellement nulle et illégale, et ne doit-elle pas être détruite? Je ne parle pas du règne d'une femme, car elle est soutenue par les conseils de ses ministres et par tous les magistrats inférieurs qui sont toujours des hommes, mais de l'organisation d'un Etat où la chose publique, la justice, la famille, tout est administré par les femmes. Eh bien! ce dernier cas diffère cependant des précédents en ce que ceux-ci sont dangereux pour les autres peuples, et que le gouvernement des Amazones n'est qu'une déviation des lois de la nature. Je ne suis pas loin d'affirmer la même chose du gouvernement des Mameloucks et de leurs sultans; là ce sont des esclaves, et seulement des esclaves d'origine inconnue, achetés pour de l'argent, qui règnent sur des hommes libres. Le cas serait encore le même si l'on supposait une nation où les enfants, parvenus à l'âge de majorité, chasseraient leurs pères et leurs mères de leurs propriétés en leur faisant une pension alimentaire; car ces différents cas d'hommes gouvernés par des femmes, de pères gouvernés par leurs enfants, et d'hommes libres gouvernés par des esclaves, sont à peu près semblables et sont tous des renversements de l'ordre naturel et du droit des gens. ...