LIVRE II. PREFACE DE L’AUTEUR sur le second Livre. Au premier Livre j’ai traité de l’intelligence de l’art et de la manière dont il faut juger des songes, et des choses, dont je parlerai en l’un et l’autre livre, et toutes choses communes à l’homme. Ayant toujours égard que sans grande nécessité je n’emprunterais rien des Anciens et ne délaissant aucune chose qui vienne au propos, sinon qu’il y eût telle chose qui eût été bien traitée et doctement par les anciens, au moyen de quoi n’était besoin que j’en traitasse, afin qu’en leur voulant contredire, je ne fusse contraint de mentir, ou en disant comme eux, je semblasse vouloir empêcher leurs oeuvres et labeurs de venir à la connaissance. TOME SECOND DU LIVRE D’ARTEMIDORE. De veiller. Songer que de nuit on veille en la chambre, signifie aux riches grandes affaires : aux pauvres et à ceux qui veulent user de quelques surprises, est bon : car les premiers ne seront point sans ouvrer et gagner, les autres faisant leur surprise avec grande astuce, viendront à bout de leur entreprise. De partir et saluer. Songer partir le matin hors la maison et n’être point empêché ni enclos, est bon : car cela signifie que les affaires se feront : mais ne pouvoir partir ni trouver issue de la maison, c’est retardement à ceux qui veulent voyager, et empêchement d’affaires, et longue maladie au malade. Saluer ses familiers, leur parler et les embrasser est bon, car signifie dire et ouïr bon propos; mais s’ils ne sont pas bien familiers, et simplement et seulement connus, le songe n’est pas aussi bon; s’ils sont ennemis, cela signifie entrer en amitié. Baiser les morts à celui qui est malade, signifie mort; à celui qui est en santé, cela lui défend de parler de ses affaires pour le présent, à cause qu’il a baisé la bouche du mort, toutefois si le mort a été notre ami joyeux et privé, cela n’empêche point ni le parler ni l’entreprendre. Des habits en général. Les habits accoutumés et convenables à la maison sont bons, comme en été habit de toile et de laine usé, en hiver habit neuf et de laine. A celui seul qui a procès, et qui est serf désirant liberté, songer avoir robes neuves, est mauvais, parce qu’il faut longtemps pour les user, et qu’elles résistent davantage. Habit blanc est bon seulement aux sacrificateurs, aux autres signifie trouble; aux gens de métier, cela signifie qu’ils n’auront point de besogne, et révèle les malfaiteurs; au malade c’est mort; mais le noir, santé. Toutefois j’ai vu plusieurs pauvres serfs, captifs, qui ayant songé être vêtus de noir mouraient : l’habit noir est mauvais à tous, fors à ceux qui veulent faire choses secrètes. Avoir robe de diverses couleurs, ou d’écarlate, aux sacrificateurs, plaisantins, farceurs est bon; aux autres cela signifie trouble, et périls, et révélation de secrets; aux malades, c’est qu’ils seront tourmentés d’humeurs fortes et abondantes. Robe d’écarlate aux serfs et riches, cela est bon et signifie liberté et honneur ou dignité. Elle tue le malade et apporte plus grande pauvreté aux pauvres; à plusieurs elle a signifié captivité : car il faut que l’homme vêtu de pourpre ou écarlate ait aussi diadème, couronne, plusieurs avec soi, et gardes de son corps : toute telle robe teinte d’écarlate, aux uns c’est blessure, aux autres fièvres. Robe de femme est bonne seulement à ceux qui n’ont point de femme, et qui montent sur des planches pour jouer. Les autres après ce songe perdent leurs femmes, ou tombent en grande maladie, à cause de la délicatesse et de l’effémination de ceux qui portent tels habits. Et toutefois en cas de réjouissances et assemblées ne sont contraires, ni robes de diverses couleurs, mi robes de femmes. Avoir robe de façon et nation étrangère, c’est bien prospérité entre les étrangers, à celui qui délibère d’y aller ou y demeurer, et faire état d’y vivre; aux autres, c’est maladie et empêchement d’affaires. Avoir robe d’écarlate et somptueuse est bon aux riches et pauvres, car à ceux-là durera la prospérité présente, à ceux-ci les biens croîtront. Robes rompues et déchirées, c’est dommage et empêchement d’affaires. Tunique, casaque ou paletot ou chemise de drap, c’est fâcherie et perte de procès; pourtant est meilleur songer de le perdre que de la voir mais la perte de nul autre habit n’est bonne, fors aux pauvres, aux cerfs, aux captifs et endettés : car les habits perdus, c’est perte des maux qui environnent le corps; aux autres il n’est pas bon de songer la perte car cela signifierait aussi la perte des choses brillantes et plaisantes. Belle robe, brave et de diverses couleurs, est bonne à songer pour la femme, même riche et de joie car celle-là se tient brave pour son plaisir, celle-ci pour son profit. C’est toujours meilleur de songer avoir de beaux habits, riches et bien nets, que petits et sales, sinon à ceux qui exercent des métiers vilains et sales. De laver ses habits. Songer de laver ses robes, ou celles d’autrui, c’est effacer et perdre, au échapper quelque dommage et danger quant aux corps et à la vie : car aussi les robes lavées rejettent leurs ordures. Ce songe aussi signifie autrui apprendre et surprendre notre secret car laver se prend pour reprendre et corriger et pourtant est mauvais songe à ceux qui sont en doute d’être surpris. Des beautés extérieures. Anneaux de fer par dehors signifient des biens mais avec labeur. Aussi anneaux d’or qui ont pierre sont bons, car ceux qui n’ont pierre c’est entreprise sans profit; mais toujours sont meilleurs les anneaux massifs que les creux et évidés qui signifient fraude et tromperie, et plus grand espoir que profit. Anneaux d’ambre et d’ivoire et autres sont bons seulement aux femmes; colliers, chaînes, perles et pierres précieuses et toutes parures de tête, et de col de femmes, sont bonnes aux femmes : car aux veuves et pucelles, signifient noces; à celles qui n’ont point d’enfants, qu’elles en auront, et à celles qui ont maris et enfants, ce sont acquis et richesses : car comme les femmes sont parées de ces parures, ainsi seront pourvues d’époux, d’enfants et de biens; mais aux hommes ce songe signifie fraude et déception, brouillerie en cas d’argent, non pas à cause de la matière, mais de la figure et façon, car songer avoir de l’or n’est pas mauvais, à cause de la matière, comme certains ont voulu dire, mais au contraire est bon, comme j’ai connu par expérience; mais que toutefois l’on n’en songe point avoir trop et par expérience, à cause de la façon et figures; comme aux hommes dorures, chaînes et colliers outre l’état, comme aux pauvres couronne d’or, et vaisselle et grandes pièces d’or : car quand quelqu’un aura fait un tel songe, l’or signifiera mal, non point pour la matière : mais pour l’artifice et figure. Mais si les parures se perdent, rompent ou brisent, c’est à la femme. Perte d’anneaux à l’homme signifie non seulement la perte de ceux auxquels il a donné charge de ses biens, comme la femme et le métayer, mais aussi de ses biens, terres et possessions. Et qu’il ne prêtera plus à ceux auxquels il a prêté et donné charge. A plusieurs ce songe a prédit perte des yeux : car les yeux ont quelque ressemblance avec les anneaux à cause des pierres; mais quand à la chaussure, il faut juger comme de l’habit. De se peigner, et des cheveux tressés. Songer de se peigner est bon à l’homme et à la femme : car signifie sortir hors de mauvais temps et d’affaires, mais plier et tresser ses cheveux, est bon seulement aux femmes, et aux hommes qui l’ont de coutume : aux autres, ce sont dettes et empêchements d’argent, et quelquefois prison et sédition. Du miroir. Être devant le miroir, et se voir devant la forme est bon à celui et celle qui se veulent marier car le miroir signifie à l’homme la femme, et à la femme l’homme. Il est bon aussi aux gens affligés et tristes : car il signifie que va bientôt passer la tristesse, parce que les gens tristes ne se mirent point. Mais ce songe aux malades, c’est la mort. Les autres par ce songe sont allés en pays étranger. Ne pas se voir dans le miroir tel qu’on est, songer être appelé père de bâtards ou d’enfants d’autrui, mais se voir plus laid et difforme, c’est tristesse et fâcherie. Comme aussi songer de se voir et mirer en l’eau, c’est mort au songeur, ou à l’un de ses familiers. De l’air, et de ce qui s’y fait. L’air clair et pur est bon à tous, même à ceux qui cherchent des choses perdues et qui veulent partir en voyage. L’air trouble et nébuleux, au contraire signifie empêchement et fâcheries. La pluie sans grand vent ni tempête est bonne à tous, sauf à ceux qui vont en étranger pays, et qui font leur état et ouvrage au grand jour et à découvert. Fortes pluies et gouttes d’eau, sont bonnes aux laboureurs : aux autres, c’est du gain. Grosses pluies de tempête, sont troubles, dommages et dangers, sauf à ceux qui sont serfs, pauvres et affligés : car c’est brève délivrance de leurs maux présents. Comme tout de suite après telle soudaine tempête vient le beau temps, neige et glace vues en leur temps, ne signifient rien, car quand le corps dort, l’esprit se souvient encore du froid du jour; mais hors temps et saison, c’est bon songe aux laboureurs; aux autres, non car c’est que leurs affaires se feront froidement, et cela défend de voyager; la grêle apporte trouble et tristesse, et révèle les secrets. Le tonnerre sans éclair, c’est au serf trouble et trahison; mais l’éclair sans tonnerre, crainte vaine et sans cause. Voir le feu au ciel net, pur et clair non pas grand ni épais, c’est menace de quelque gens de grand état; mais grand feu et épais, c’est approche et course d’ennemis, pauvreté et famine. En quelque lieu qu’il vienne, soit de la Bise ou de Midi, d’Orient ou d’Occident, de ce côté viendront, et dans ces régions courront les ennuis, ou il y aura famine; mais encor c’est le pis de songer que l’on porte le feu. Voir torches et flambeaux ardents tomber du ciel, et bûches et colonnes, et arbres brûlants, c’est pareillement grand extrême danger de la vie à celui qui songe. L’éclair sans tempête tombant près, sans toucher le corps, signifie changer de lieu tombant devant la personne, défend de voyager. Etre atteint et frappé de la foudre ou éclair, est bon à ceux qui ne veulent leur péché et pauvreté être cachée, aux autres elles les révèle. Aux riches et puissants prétendant grande dignité, comme de sceptre ou couronne d’or, ce songe est bon car le feu ressemble à l’or, aux autres, ce songe signifie perte de biens. Davantage à ceux qui sont à marier, signifie mariage, soit riches ou pauvres, mais rompt les mariages faits et rend ennemis les amis, car la foudre brise et n’unit pas. Ceux qui ont enfants, ce songe rend sans enfants, car les arbres foudroyés sèchent, et perdent fruit, et fleur, et germe. La foudre rend les champions honorés, et les orateurs, et tous ceux qui se veulent montrer et faire valoir, et aussi est bon à ceux qui ont procès en cas d’honneur, et renommée. Mais c’est perte en cas de possessions et maisons, non pas de terre, à ceux qui la possèdent, mais signifie n’en prendre point la jouissance. Mais à ceux qui prétendent y entrer, c’est qu’ils n’y entreront pas. Aussi signifie à celui qui est en pays étranger qu’il retournera au sien et à celui qui est au sien qu’il y demeurera. Faut entendre que songer être seulement atteint, soit à la tête soit à l’estomac; mais que l’on ne songe être tout brûlé et confiné, car c’est la mort à celui qui songe. Aussi faut savoir qu’il n’est pas bon d’être atteint de foudre étant couché à terre, mais seulement quand on est debout, ou assis en siège royal et magnifique. Du feu domestique. Voir le feu au foyer, clair et petit, est bon : mais beaucoup est mauvais : petit et clair signifie grande abondance de biens. Feu mort, c’est pauvreté, et s’il n’y a aucun malade en la maison, c’est la mort. Tenir torches et flambeaux de nuit, est bon même aux jeunes gens, le plus souvent cela leur signifie amour à plaisir et opération en leur art et état, mais voir autrui tenant une torche, est mauvais à ceux qui veulent être secrets. Lumière ardente en la maison, claire et nette, c’est acquisition de biens : aux non mariés, mariage; aux malades, santé. Mais la lumière obscure et trouble c’est convalescence : car tôt après l’on allumera. Lampe d’airain, c’est plus grands biens, ou plus grands maux, selon la disposition de la lumière. Lampe de terre les signifie moindres : mais l’un et l’autre révèle les secrets. Lampe vue sur un navire, c’est grande tranquillité. Des maisons ardentes. Les maisons ardentes de feu clair, sans tomber ni diminuer, c’est richesses aux pauvres; aux riches, hauts états et dignités. Mais les maisons qui brûlent et tombent, ou se consomment, sont mauvaises à tous, et signifient mort de maître, enfants, serviteurs, parents ou amis. Semblablement les arbres ardents devant ou dedans la maison ardente, c’est mort de la femme, et danger à celui qui songe. Allumer facilement le feu au four, ou au foyer, c’est génération d’enfant. Mais l’éteindre tout de suite après, c’est dommage. Des chiens et de la chasse. Les filets et lacets, et toutes telles choses pour tromper et surprendre les bêtes, sont mauvaises, sinon à ceux qui recherchent des fugitifs, et chose perdue : car cela signifie prompt recouvrement. C’est bien meilleur de les tenir et avoir, que de voir un autre les tenant, tout comme il est meilleur de fâcher que d’être fâché. Lévriers allant à la chasse, sont bons à tous et signifient actions et ouvrages. Aux gens accusés et plaidant en justice, ils sont mauvais; mais retournant (de la chasse), ils apportent la crainte et empêchement d’ouvrer. Les gros chiens de garde des maisons signifient femmes serviteurs et possessions. Les chiens d’autrui non bondissants, signifient fraude et déception; s’ils mordent et aboient, injures et adversité, et souvent des fièvres. Les petits chiens de plaisir, sont délices et passe temps. Des bêtes de toutes sortes. Les brebis signifient avancement et parvenir aux biens, pour cela il est très bon de songer d’en avoir beaucoup, ou voir celles d’autrui, et de les faire les paître, même pour ceux qui veulent avoir gouvernement et charge du peuple, et qui y sont déjà parvenus, et aux sophistes docteurs, et maîtres d’école. Le bélier signifie le maître, ou le prince et le roi. Il est bon de songer être sur le mouton seulement, et dans des lieux de plaine et faciles, même pour les orateurs, avocats, procureurs, et pour tous ceux qui ont envie d’amasser or et argent. Les chèvres ne signifient rien de bien, mais sont pires aux marins. Les âne portant charge, forts et obéissants, sont bons en amitié et compagnie, et signifient la femme, le compagnon, l’ami : débonnaires et bien obéissants, et sont bons aussi en toutes affaires entreprises. Les mulets sont bons à toutes opérations, même à l’agriculture : seulement sont contraires à noces et génération. Si les ânes ou mulets sont échauffés et faisant mal ou sauvages, c’est déception par quelques domestiques ou sujets. Et les mulets aussi signifient maladies, comme j’ai connu par expérience. Les boeufs en labeur sont bons à nous; mais en troupe, c’est trouble et péril. Le taureau signifie quelque grand personnage, même s’il menace et poursuit les marins, c’est tempête et s’il blesse dommage et naufrage par inconvénient qui tombera en haut du mât, comme j’ai souvent expérimenté, et est toujours ainsi advenu. Cela est assez dit des bêtes domestiques, et familières, maintenant nous parlerons des sauvages. Voir un lion doux et familier signifie et bien et utilité par le roi à l’homme de guerre, par le magistrat à l’homme de métier, par le maître au serviteur. Car le lion représente ces personnages, pour sa force puissante. Mais s’il est échauffé, et s’il veut nuire, cela signifie crainte, maladie, et menaces de telles personnes, ou danger de feu. Voir ou avoir le front d’un lion, c’est bon à tous : le plus souvent c’est génération d’enfant mâle. La lionne signifie comme le lion, sauf que moindres biens, et de moindres maux, et non par les hommes, mais par les femmes. J’ai connu aussi par ce songe d’une lionne, menaçant ou mordant, les riches personnes sont tombées sous des accusations de crimes. La léoparde signifie l’homme et la femme, gens méchants et cauteleux, à cause de la diversité de couleur, et gens de nation étrangère, maladie ou crainte très grande et mal des yeux. L’ourse signifie la femme, la maladie, un retour de l’étranger au pays. L’éléphant vu en songeant, c’est crainte; l’éléphant menaçant signifie mort : j’ai connu en Italie une femme riche et saine, qui avait songé qu’elle était montée sur un éléphant, bientôt après elle mourut. Il faut entendre que toutes les bêtes sauvages généralement représentent les ennemis, partant il est toujours meilleur de les vaincre que d’être vaincu. Le loup signifie l’ennemi cruel venant pleinement contre nous. Le renard signifie ce que le loup et l’ennemi : venant secrètement par surprise ou échauguette, le plus souvent déception par femme. Le singe signifie l’homme malfaiteur ou trompeur. Le sanglier signifie pluie ou tempête; à ceux qui plaident, forte partie adverse; aux laboureurs, stérilité; à celui qui se marie, femme rude, fâcheuse. Le cerf aux navires signifie le gouvernails, ou le cours de chemin par terre, le voyage facile, ou bien difficile selon la disposition du cerf; aux autres lieux il signifie gens fugitifs trompeurs et parjures, faux mais craintifs et mal assurés. L’on pourra juger de toute autre bête selon la forme précédente par qui elles conviennent. Et faut retenir que bêtes domestiques qui se montreront fières et sauvages, sont significatives des maux, au contraire les cruelles ou sauvages qui par songe se présenteront douces et domestiques sont significatives des biens : mais encor signifient grands profits, si elles semblent parler notre langue même si elles disent quelque chose de bon et de joyeux et tout ce qu’elles disent communément advient. Des bêtes glissantes Le dragon signifie le roi, le seigneur ou magistrat et richesse par argent. Quant au songe où il vient, qu’il parle signifie grands biens; dans le cas contraire, il est significatif de mal. Dragon plissé et entortillé, ou faisant horreur, signifie grand danger, captivité, ou mort pour le malade. Le serpent signifie maladie et inimitié, ou selon qu’il se montrera, nous traiterons l’ennemi ou maladie. L’aspic ou vipère signifient riches femmes. J’ai connu par expérience que ces deux bêtes nous approchant sont significatives de bien, même si elles nous mordent. Si l’on songe que la femme porte en son sein une bête quelconque cachée pour son plaisir et passe-temps, elle sera corrompue par l’ennemi de celui qui songe; mais si elle a crainte et tristesse de ladite bête, elle aura maladie; si elle est enceinte, son fruit sera en danger. De la pêcherie. Les rets et tout instrument de ligne à prendre les poissons, signifient la même chose que les filets de chasse, dont avons parlé ci dessus. Semblablement le fil de soie et poil de cheval, et l’hameçon signifie ruse et tromperie : pourtant il est toujours meilleur de songer les avoir, que si un autre les tenait. Prendre beaucoup de poisson ensemble et bien grand, signifie à tous gain et profit, fors à ceux qui exercent un art et métier qui exige d’être assis et aux maîtres, docteurs, et précepteurs; car les premiers ne pourraient pêcher et faire leur métier, les autres auront disciples et auditeurs ineptes, à cause que les poissons sont muets. Prendre des petits poissons, c’est tristesse, et non pas profit. Tout poisson de diverse couleur, c’est saison au malade, dol et trahison aux gens ainsi. Des poissons roux signifient aux serfs et malfaiteurs, tourments; aux malades, grosses fièvres et inflammations; à ceux qui veulent être secrets, révélation. Les poissons qui ont des écailles et que l’on écorche, sont bons aux malades, aux captifs, aux pauvres et à toute personne affligée car ils leur signifient abolition et perte de maux dont ils seront environnés. Des grenouilles. Les rainettes ou grenouilles sont abuseurs et bavards, mais les voir en songe est bon à ceux qui vivent sur le commun. J’ai connu un homme qui avait songé qu’il frappait de son poing, et des noeuds ou jointures des doigts sur des grenouilles et il advint que son maître lui donna puissance sur tous les autres de la maison. Aussi l’on peut estimer que l’étang représentait la maison, les grenouilles, les habitants, le frappement des doigts, le commandement. Des grands monstres et poissons de mer. Voir un grand poisson en la mer n’est bon à personne fors le Dauphin, qui promet le vent du côté dont il tire; mais hors la mer tout poisson et grand monstre est bon car ils ne peuvent plus nuire, ni se sauver eux-mêmes et pour cela le songe signifie que nos ennemis ne nous pourront nous nuire; il dit davantage que les méchants seront punis. Toutefois le Dauphin vu hors la mer, n’est pas bon, il signifie la mort de quelqu’un de nos bons amis. Des cormorans ou plongeons. Voir par songe des cormorans ou plongeons et autres semblables oiseaux de mer, c’est péril pour les marins, mais non pas mort; aux autres cela signifie les amis, ou putains, ou trompeurs, voleurs et méchants parjures qui hantent les rives de la mer. Et si en songeant voir les oiseaux, l’on perd quelque chose, on ne la recouvrera point. Les canards et autres oiseaux de rivières signifient la même chose. Des poissons morts. Voir ou trouver poissons morts en la mer, n’est pas bon : cela signifie vaine espérance; mais c’est meilleur de les prendre ou acheter en vie. Aussi est-il bon de manger tout préparé, selon la préparation, il faudra juger de la chair. Voir un poisson en la chambre est mauvais au marin, ainsi qu’au malade. La femme enceinte qui songe faire un poisson au lieu de l’enfant, selon l’opinion des anciens, fera un enfant muet, mais selon mon expérience, cela signifie plutôt faire un enfant mourant et de petite vie. De la volaille. Grands oiseaux sont meilleurs aux riches qu’aux pauvres et inversement. Voir un aigle volant sur une pierre, ou un arbre, ou un haut lieu, est bon à ceux qui veulent entreprendre affaires : mais à ceux qui sont en crainte c’est mauvais. Aussi, cela signifie le retour de celui qui est loin. S’il vole tout beau, à son aise ou plaisir, c’est bon signe que les affaires se feront, mais non pas si tôt. L’aigle volant et tombant sur la tête de celui qui songe, lui signifie mort. Être monté sur un aigle signifie aux rois, princes, puissants et riches personnes, la mort; mais aux pauvres c’est bon, car ils sont bien venus et reçus de gens riches, dont ils tirent grand profit, le plus souvent changeant de lieu, ou allant dans d’autres nations. L’aigle menaçant signifie menace de quelque puissant personnage, mais doux ou donnant quelque chose, ou parlant, cela signifie que le songe sera prouvé par bonne expérience. La femme qui songe avoir engendré un aigle, fera un enfant qui parviendra (selon sa qualité) à bien et honneur. Voir un aigle mort est bon au serf, ou à celui qui craint car il signifie la mort du maire; s’il est menaçant, c’est empêchement d’affaires. Les vautours sont bons aux potiers de terre, tanneurs et teinturiers en cuir, mais sont mauvais aux médecins et malades. Aussi signifient méchants garçons, rôdeurs, habitant hors la ville, et mal en toutes choses. Le faucon et le milan signifient larrons et ravisseurs. Le corbeau peut signifier l’adultère, et la corneille signifie grand retardement d’affaires, la femme vieille et l’hiver. Les étourneaux signifient gens nécessiteux et trouble en vain, ce que signifie aussi le geai. Les pigeons signifient les femmes, les sauvages, femmes dissolues. Grues et cigognes vues en troupes, signifient courir brigands et ennemis : en hiver mauvais temps et tempête, en été sécheresse. Mais vues solitaires et à part, sont bonnes à voyager, et signifient le retour de celui qui serait lointain. Elles sont bonnes aussi en cas de noces et de génération, même la cigogne pour le support et la nourriture qu’elle donne à ses petits. Le cygne signifie l’homme musicien, la musique, et révèle le secret, à cause de la couleur : aux malades il signifie santé, mais s’il chante, la mort car il ne chante qu’il ne soit près de mourir. Des abeilles. Les abeilles sont bonnes aux laboureurs et à ceux qui tirent profit, aux autres elles signifient trouble, à cause du bruit qu’elles mènent, et blessures, à cause de l’aiguillon et maladie, à cause du miel et de la cire. Voletant sur la tête elles sont bonnes à celui qui doit être chef et capitaine; aux autres elles signifient mal, même mort de par le peuple, ou les soldats. Enclore lesdites mouches, ou les tuer est bon à tous fors aux paysans et laboureurs. De Naviguer. Songer de bien naviguer est bon à tous, mais être en tempête sur fleuve ou sur mer est mauvais, et signifie tristesse et péril. Faire naufrage, le navire étant renversé ou rompu, est dangereux aussi à tous, fors à ceux qui sont détenus par force, car cela leur signifie relâche et liberté. C’est toujours meilleur de naviguer en grand navire, et qui a bonne charge. Aussi il est meilleur de songer qu’on navigue par mer que par terre. Vouloir naviguer et ne pouvoir, c’est empêchement d’affaires, voir de terre navires sur mer, naviguant à leur aise, est bon à tous, et signifie voyager, ou retour de voyage, ou messager, et nouvelles de mer. Navires partant du port signifient le contraire car le port artificiel signifie toujours les amis et bienfaiteurs. Les cordes qui tiennent les navires à terre, sont dettes ou détention. Les mâts signifient le maître de la maison ou patron de galère. Voir quelque partie de navire brûler signifie danger qu’elle ne se trompe de cette part, ou danger de celui qui par cette part de navire serait signifié et entendu. De l’agriculture. La charrue est bonne pour noces, génération, affaires, mais requiert du temps. Le joug est bon, sauf aux serfs car il empêche la liberté, partant il leur serait meilleur de le voir rompu. La faux, c’est dommage car elle coupe tout et signifie le temps six mois. La cire, c’est la femme, et le profit d’elle. Le coutre ou soc de charrue, la pelle de bois, le van ou crible, c’est dommage et perte. La charrette, c’est la vie de celui qui songe. Songer vendanger ou moissonner hors temps, c’est que les affaires seront retardées jusques à ce temps qu’on a de coutume vendanger, moissonner. Gerbe de blé, ou semblable grain, sont aussi empêchements car ce n’est pas nourriture prête. Fosses en terre, sillons et cavernes, ou sont semés les grains signifient la femme, la vie, ou les biens de celui qui aurait songé. Les haies, les clôtures ou fossés, aux limites et confinement des héritages, sont mauvais. Toutefois à ceux qui sont en crainte, ils signifient sûreté : ils empêchent de voyager, mais en d’autres affaires ils signifient amis, aide ou support en cas de nécessité. Des Arbres. Les chênes sont les riches gens, et aussi les vieillards. L’olivier, c’est la femme, le combat, la royauté ou la liberté. Et partant il est bon de le voir bien fleuri, portant fruit de saison beau et mûr. Abattre les olives par terre ou marcher dessus, c’est peine ou fâcherie. Le laurier, c’est la femme riche et belle; c’est aussi mauvaise issue des affaires, à cause qu’il est amer, mais aux médecins, poètes et devins, cela se réfère à leur art. Les cyprès, c’est patience et retardement. Orangers, grenadiers, pommiers, poiriers se doivent estimer comme leur fruit, dont nous avons parlé au premier livre sur le propos des viandes. Peupliers noir, et ormes, frênes et autres semblables, sont bons seulement aux soldats, aux menuisiers et charpentiers, aux autres c’est pauvreté, à cause que ce sont des arbres sans fruit. Buis sont femmes lascives et sont bon à ceux qui veulent entreprendre quelque affaire et aux malades; aux autres, c’est peine et labeur. De la Fiente. Bouse de vache et fiente de cheval, et toute autre, sauf l’homme : est bonne seulement aux Laboureurs. Aux autres, c’est tristesse et dommage; et même, si elle nous dévaste, c’est maladie. On a expérimenté que c’est profit à ceux qui sont de vil état. Voir de la fiente d’homme en abondance, c’est abondance de maux; si la même chose est fouillée, c’est très mauvais. Faire son ordure en sa chambre, c’est grande maladie, ou divorce de femme, ou d’amis, ou changement de logis. C’est très grand danger de songer de lâcher le ventre en l’Église, au marché, aux étuves, c’est honte, dommage et révélation de secrets, mais lâcher le ventre bien à son aise et beaucoup en un endroit caché, ou en un pot à pisser, est bon à tous car c’est signe d’allégeance, décharge de souci et d’affaires. J’ai connu aussi que c’est bon de se lâcher aux rivages, aux champs, chemins, fleuves, aux étangs : c’est pareil que songer au Garde-manger. Des Fleuves, Étangs, fontaines et puits. Rivières ayant leur eau claire et nette, coulant doucement, sont bonnes aux serfs et à ceux qui ont procès ou à ceux qui veulent voyager : car elles signifient et représentent les maîtres et Juges qui font ce qu’ils veulent, et aussi les voyages, à cause qu’elles coulent toujours. Mais si la rivière est laide ou impétueuse, c’est le contraire, cela signifie menaces de maîtres, de Juges, ou empêchement de voyage. C’est encor pis si la rivière semble emporter maisons, et héritages de celui qui songe, ou lui même aussi. C’est mauvais aussi d’être debout, en la rivière, dont les ondes écumeuses flottent contre la personne, et n’en pouvoir sortir : car à peine pourra-t-on souffrir ou supporter les maux qu’on aura, quelque courage que l’on ait. Les torrents sont juges rigoureux, maîtres fâcheux, assemblées, et noises, à cause de la violence, ou bruit très grand : il est bon de les passer à pied, ou en nageant. Nager en rivière, ou étang, c’est tomber en grand inconvénient. C’est toujours meilleur de nager sans cesse jusqu’au rivage, qu’être endormi en nageant. Rivière claire entrant en la maison, c’est la venue d’un riche homme de qui on tirera profit, mais trouble, violent, ou remuant les meubles de la maison, c’est violence de quelque ennemi. Rivière sortant de la maison du riche, c’est qu’il aura autorité en la ville, faisant beaucoup de largesse ou libéralités au pauvre, c’est que sa femme se gouverne mal. Voir autre eau que de rivière entrant en la maison, trouble, c’est doute de feu; mais belle et claire, c’est acquisition, possession et argent. Pareillement, voir en sa terre ou maison, ou puits, quelqu’un qui n’y était point auparavant, signifie aussi femme ou enfants à ceux qui n’en ont point. Voir un puits plein d’eau en la maison est bon, si elle ne s’épanche point par dessus, et que les étrangers n’en tirent ou puisent car ce serait perte de femme, d’enfants, ou biens. Un étang grand, c’est comme la rivière, sinon qu’il empêche de voyager, mais petit ou moyen c’est femme riche et joyeuse, aimant ses plaisirs. C’est très bon de nager en étang ou rivière, mais non pas naviguer. Fontaines et sources abondantes de bonne eau, sont bonnes à tous, mêmes aux malades, ou pauvres, leur annonçant santé richesse mais taris c’est le contraire. Des marais, montagnes, chemins, et bois. Marais, ou marécages, sont bons seulement aux pasteurs. Aux autres ils sont empêchements. Montagnes, vallées, bois, landes, sont tristesse, craintes, trouble, plaies aux serfs, ou malfaiteurs et dommages aux riches. C’est le mieux toujours de les traverser, et non d’y demeurer, ni de sommeiller en chemin. Chemins larges, plats ou faciles, c’est allégresse de santé, ou d’affaires, et inversement. Des procès et lieux de plaidoirie, et des médecins. Les lieux de plaidoirie, juges, avocats, procureurs, sont troubles, fâcheries, dépenses, révélations de secrets. Si le malade songe gagner sa cause, il reviendra en meilleur état; autrement s’il la perd, il mourra. Si celui qui a procès, songe être assis en siège de Juge, il ne perdra pas, mais plutôt son adversaire, les médecins venus par songe à celui qui aurait procès, signifient le même que les avocats et procureurs. Des hauts états et dignités. Songer être roi ou empereur, au malade, c’est la mort : car le Roi n’est sujet à personne pas plus que la mort. A celui qui est sain, c’est perte, ou séparation de parents et amis, car le roi n’a point de compagnon. Au malfaiteur c’est surprise et découverte de son fait, car le roi est connu et environné de sa garde. Tout autant signifie le sceptre, la couronne, les habits ou ornement royaux; le pauvre qui songe être roi fera beaux faits, dont il aura honneur sans profit, le serf sera en liberté, c’est très bon au philosophe et au poète, ou vaticinateur : car il n’est rien de plus libre, ou plus royal que le bon esprit. Songer être Capitaine, à ceux qui l’ont accoutumé est bon; aux pauvres, c’est trouble et diffamation. De la guerre de l’armée, et élection de gens de guerre. La guerre et les affaires de guerre, sont troubles et fâcheries à tous sauf aux capitaines et soldats, et autres qui vivent sur le train de guerre, pour qui c’est gain. Les armes qui couvrent le corps, c’est grande sûreté, comme le bouclier, le heaume, le cotte de maille et autres; les autres qu’on jette et brandit, comme la pique, la lance, le trait et la flèche, c’est débat et sédition; l’épée, c’est courage, force et vertu; le bouclier et heaume, aussi se réfèrent à la femme, qui sera riche et belle, ou pauvre et laide, selon la qualité des équipements. Élire gendarmes, ou soldats, ou batailler, c’est mort à ceux qui sont malades et souvent aux vieilles gens. Aux autres, ce sont affaires et fâcheries, changement de lieu, et fuites ou voyages. Aux oisifs et pauvres, c’est besogne et profit, qui leur vient : car le soldat n’est pas oisif, ni sans gage. Au serf, c’est honneur et estime. Du duel ou combat particulier. Duel, ou combat seul à seul, signifie noise ou procès. Autant signifient les peines des combats. Voir en songe les armes de celui qui fuit, c’est être convenu en jugement de celui qui poursuit, c’est faire convenir : quelquefois j’ai connu que ce songe signifie noces. Du Soleil. Le Soleil levant brillant, est bon à tous et signifie gain et opération, génération, et liberté aux serfs. Mais à ceux qui veulent être secrets, c’est mauvais : car il dévoile et découvre tout. Semblablement s’il se lève depuis l’Occident, il relève le malade après avoir été bien bas, et le mal des yeux n’aveuglera pas le patient; c’est le retour de celui qui est lointain et c’est bon aussi à celui qui veut voyager vers l’Occident. Ainsii il faut juger s’il semble se lever du Midi ou Septentrion, un soleil obscur ou saignant, ou comme murmurant de chaleur, c’est mauvais pour tous, et signifie empêchement, maladie d’yeux et d’enfant. Toutefois cela a été trouvé bon à ceux qui sont en doute et qui veulent être secrets. Le soleil descendant en terre ou en quelque maison, c’est signe de danger de feu. Entrant en la chambre menaçant, c’est grande maladie, ou ardeur, mais s’il dit ou démontre quelque bon signe, c’est abondance de biens. Le soleil disparaissant et se cachant ou absentant, est mauvais à tous, fors à ceux qui veulent être secrets le plus souvent : c’est perte de vue et mort d’enfant. C’est toujours le meilleur de voir les rais du soleil et la clarté entrant en la maison que le soleil lui- même, car la clarté c’est abondance de biens et le Soleil est abondance de maux qu’on ne pourra souffrir, comme l’on ne pourrait soutenir la grande lumière et chaleur du Soleil de près. Soleil donnant ou dérobant quelque chose, c’est perte et péril. De la Lune. La Lune c’est la femme, la nourrice, la fille ou la soeur de celui qui songe, et signifie argent, richesse, marchandise, trafic, et navigation, et les yeux de celui qui songe et le maître ou maîtresse. Et partant si la lune se tourne en bien et joie, c’est bien honneur de par ceux qu’elle représente, et inversement. Se mirer en la Lune, c’est génération de fils à l’homme, de fille à la femme; ce songe est bon aux changeurs, usuriers, et receveurs de recette pour les vivres. Aussi il est bon à ceux qui se veulent montrer et bien paraître : mais il dévoile les choses cachées, et pour les malades et marins en mer, danger de mort. Le bien ou mal que signifie le soleil : pareillement la lune, mais en moindre proportion et plus par femme que par homme. Des Étoiles. Voir toutes les étoiles claires et nettes est bon pour voyager et pour toutes affaires, et pour les secrets. Mais cela ne convient pas avec le soleil et la lune. Les étoiles ou planètes qui sont causes de froideur, signifient fâcheries et dangers; mais celles qui sont causes du temps beau et doux, c’est prospérité et richesses. Celles qui sont causes du solstice hivernal, c’est changement en mal ou en pis; du solstice estival, en bien ou mieux. Les étoiles s’évanouissant au ciel, c’est pauvreté et désertion aux riches : car il faut imaginer que le ciel est la moisson de celui qui songe, et les étoiles, les biens et possessions. Au pauvre, ce songe signifie mort, mais il serait bon à tous ceux qui ont machiné quelques grands maux. J’ai entendu dire que quelqu’un avait songé que les étoiles étaient disparues du ciel, et les cheveux lui tombèrent. Car les étoiles tombant en terre, ou disparaissant, c’est grande perte de gens, comme parents ou amis, grands ou petits selon la qualité des étoiles. Dérober les étoiles n’est pas bon. Il est advenu qu’après ce songe les songeurs ont commis sacrilège, et en ont été repris et punis. Manger les étoiles non plus n’est pas bon, sinon aux astrologues et devins, auxquels cela signifie gain; aux autres, c’est la mort. Voir les étoiles sous la couverture de la maison c’est que la maison sera déserte, consumée ou brûlée, ou que le maître de la maison mourra. De l’Arc en ciel. L’arc en ciel à droite est bon, à gauche mauvais, et il faut juger la droite ou la gauche, selon le soleil; en quelque qualité qu’il apparaisse, c’est bon signe à quiconque serait affligé de pauvreté, ou d’autre affliction : car il change le temps et l’air. Des Nues. Les nues blanches c’est prospérité : montant de terre en haut, c’est voyage ou retour de l’absent et révélation de secrets; rouges ou enflammés, c’est mauvaise issue d’affaires; fumeuses, ténébreuses et obscures, c’est mauvais temps ou fâcheries. Des vents. Les vents doux sont bons; impétueux, sont gens mal plaisants et méchants. Tourbillons et tempêtes des vents sont périls et troubles. Des tremblements et ouvertures de la terre. La terre tremblante, c’est changement d’état et d’affaires, mais ouvertures, abîmes, confusions et renversement de terre, sont injures, mort ou perte de biens. Seulement on expérimente que ce songe est bon à ceux qui se proposent de voyager, et qui sont endettés. De l’échelle, degré, casse, meule, pilon, et du coq. L’échelle est signe de voyager. Les degrés, c’est l’avancement mais certains disent que c’est péril. La meule signifie fin de grandes et fâcheuses affaires. Le coq signifie le père de famille ou maître d’hôtel. Des oeufs. Les œufs, aux médecins et peintres, et à ceux qui vendent et trafiquent, sont bons; aux autres, il est bon d’en voir en petite quantité, et cela signifie gain, mais beaucoup c’est peine et souci, noises, ou procès. Des monstres, choses contre nature. Il faut entendre et retenir en général que tout monstre et chose impossible selon nature, c’est vaine espérance de choses qui ne se feront point. Des livres. Les livres sont la vie de celui qui songe. Songer les manger est bon aux maîtres d’écoles, et à tous ceux qui font profit des livres, et qui étudient l’éloquence; aux autres, c’est mort subite. Des perdrix. Les perdrix signifient hommes et femmes, mais le plus souvent femmes sans conscience, ingrates et difficiles. Des pièges à lacet. Les lacets sont détention, empêchement et maladies. Aux serfs, c’est loyauté, honneur et autorité, dont les ingrats seront déboutés. Aux non mariés, ce sont noces; à ceux qui n’ont point d’enfants, c’est signe qu’ils en auront. Des plaies. Il est bon de fesser ou fouetter seulement ceux qui sont sous nous, mais non la femme car cela ferait sans doute qu’elle fût adultère. Les autres apportent profit à celui qui les bat. Être fouetté n’est pas bon, ni des vifs, ni des morts, ni de nos sujets, mais bien des autres. Toujours il est bon d’être fessé de verges ou de la main, et cela signifie profit, mais de cuir, de cannes, et de bâtons, c’est mauvais. De la mort. Songer être mort signifie noces, à celui qui est à marier car mort et mariage se représentent. Et pourtant aussi aux malades songer de se marier et célébrer noces, est signe de mort. A celui qui a femme, le fait de mourir lui signifie séparation, ou de compagnons, parents et amis : car les morts ne sont pas avec les vivants, ni le contraire. A celui qui est chez soi, cela signifie aller dehors; c’est un bon songe pour les pères, les poètes, orateurs et philosophes, car les premiers auront enfants qui vivront, les autres composeront oeuvres de mémoire. Outre cela, j’ai fait expérience que c’est bon de songer à la mort pour ceux qui sont en tristesse et crainte, car les morts n’ont plus crainte ni tristesse. Aussi à ceux qui ont procès d’héritage, et qui veulent acheter terres : car les mors sont seigneurs de terres. En un autre procès, ce songe n’est pas bon, sinon au malade : car il guérira, parce que les morts ne sont plus malades. C’est tout un songer être mort, ou être porté et enseveli, comme pour mort. Songer être enseveli et enterré tout vif n’est pas bon, souvent cela signifie prison et captivité. Que la mort signifie bien ou mal, si on songe être tué de la main d’autrui, ledit mal ou bien viendra par autrui. Si on songe se tuer soi-même, le songeant aura le bien ou mal aussi par soi même. Le mort par sentence de justice, fait les maux ou les biens plus grands. Être pendu et étranglé par autrui ou par soi même, c’est trouble et angoisse, c’est aussi changement de lieu et de maison. Être brûlé tout vif, c’est comme être atteint de la foudre, dont nous avons parlé ci-dessus, mais aux malades, c’est signe de santé; aux jeunes gens, c’est signe de calamités, concupiscence et chaleurs de jeunesse. Être crucifié est bon à ceux qui veulent naviguer et aux pauvres : mais aux riches, au contraire. Aux non mariés, ce sont des noces, aux serfs la liberté; c’est aussi le changement de lieu. Être crucifié en ville, c’est avoir état et offense tel que requiert le lieu où on songerait être. Avoir combat avec les bêtes est bon aux pauvres, et signifie biens, dont ils pourront nourrir et entretenir train : aux riches sont fâcheries et injures, de telles gens que les bêtes représentaient, et a été à plusieurs indice de maladie, c’est liberté aux serfs qui songent être tués par les bêtes. De porter autrui ou être porté. Porter autrui est meilleur que d’être porté, d’autant que c’est plus d’honneur de donner que de prendre. Car celui qui porte représente celui qui fait du plaisir; celui qui est porté, celui qui reçoit. Être porté par une femme, un enfant ou des pauvres personnes est moins de profit et de support; c’est bon pour le serf d’être porté par son maître, et au pauvre par un riche. Des Morts. Voir des Morts sans autre chose ni parole, c’est être au même état et affection comme lesdits morts étaient envers nous : car s’ils ont été nos bienfaiteurs, ce songe nous signifie bien et joie, et au contraire : c’est très mauvais quand les morts nous semblent emporter et dérober robes, ménage, argent ou vivres, car cela signifie mort au songeur, ou à quelqu’un de ses parents et amis. Les morts qui donnent vivres, argent ou habits, c’est bon songe. Mais s’ils ne donnent pas, c’est autre chose : j’ai connu un homme qui songea que sa femme morte faisait les lits en sa maison, et le lendemain plusieurs de ses grands amis tombèrent malades. Des monnaies et trésors. Certains disent que songer l’argent et toutes espérances de monnaie, c’est mauvais. Mais j’ai expérimenté que petite monnaie d’airain signifie tristesse et paroles fâcheuses; mais monnaie d’argent, paroles et propos de grandes affaires. D’or encore de plus grandes. C’est toujours meilleur de songer d’avoir peu d’argent, que beaucoup, parce que le grand tas ne se peut employer et distribuer qu’avec peine et souci. Trouver trésor caché en terre, si le trésor est petit, ce sont petits maux; s’il est grand, ce sont grands maux, fâcheries et tristesses, et mort : car l’on ouvre la terre pour le mort, comme pour le trésor. Des pleurs. Pleurer et avoir douleur, pour quelque ami trépassé ou pour autre cause, c’est joie et liesse, pour quelque bon acte. Et non sans propos, car notre esprit a quelque affinité et ressemblance avec l’air extérieur, qui nous environne. Tout ainsi donc que l’air est toujours sujet à changement, d’un état serein à celui de tempête, et au contraire de tempête en sérénité et tranquillité, aussi est-il vraisemblable que notre esprit se change de triste en joyeux, et de joyeux en triste. Et pourtant aussi être joyeux en songe, c’est signe de tristesse, mais il faut qu’il y ait cause d’être triste, autrement s’attrister sans cause serait signe d’être triste pour cause. Du tombeau. Avoir son sépulcre ou tombeau, ou le bâtir, est bon au serf car il aura liberté. Et aussi à celui qui n’a point d’enfants, car il en aura. Souvent aussi c’est signe de noces et acquisitions de terres. C’est bon songe généralement pour les pauvres et les riches, mais sépulcres tombant ou tombés en ruine, c’est le contraire. Des morts qui revivent ou remeurent. Les morts qui revivent sont troubles et dommages car il faut estimer, si la chose était, quels troubles il y aurait si les morts revivaient : ceux-ci voudraient rentrer en jouissance de leurs biens, ce qui serait fâcherie et perte grande pour ceux qui en auraient joui depuis leur mort. Les morts qui meurent à nouveau signifient la mort de ceux qui porteraient leur nom : étant leurs prochains parents ou leurs alliés, ils sembleraient ainsi mourir deux fois. Breuvage ou morceau mortel, signifie comme le mort; semblablement toute tête qui se trouverait sous le lit, lesquelles choses signifient mourir en bref. Des noces. Puisque les noces ont convenance et signifiance de mort, et la mort de noces, en cet endroit j’en parlerai. Épouser une fille : à celui qui serait malade, c’est mort; c’est bon à celui qui veut entreprendre quelque affaire car il aura une très bonne etparfaite issue. Et celui qui espère quelque bien il obtiendra : car celui qui se marie prend quelque bien en dot de sa femme. Aux autres c’est trouble et divulgation : car sans cela on ne fait de noces. Mais si l’on prend femme vive, on poursuivra non point nouvelles, mais vieilles affaires non sans profit. Si quelqu’un voit sa femme mariée à autrui, c’est changement d’affaires, et d’affection ou séparation. Si la femme songe être mariée à un autre que son mari, elle est séparée de lui, ou le verra mort, comme certains disent. Mais je sais que cela n’est pas toujours, mais seulement quand la femme n’est pas enceinte, ou n’a point d’enfants, ou n’a point d’héritage à vendre : car si elle est grosse elle fera une fille qu’elle verra marier. Et par ainsi non pas elle, mais sa fille sera mariée à un autre. Et celle qui a quelque bien à vendre, fera contrat, comme l’on fait pour mariage. De l’hirondelle et du rossignol. L’hirondelle ne signifie point mal, si elle ne fait quelque chose qui dénotait le mal, ou si elle ne se montrait d’autre couleur que la naturelle. Ainsi signifie bien travailler, ouvrager, et principalement noces et musique, et promet femme ménagère, et gardant maison : car l’hirondelle vit, et fait son nid avec nous, sous une même couverture. Le rossignol signifie comme l’hirondelle, mais en moindre bien car il n’est pas aussi familier de nous. De voler. Songer voler un peu haut de terre, bien droit, est bon car d’autant qu’on est plus haut élevé que ceux qui sont à l’entour, d’autant l’on sera plus grand et plus heureux. Voler avec ces ailes, est bon généralement à tous. Aux serfs, c’est liberté; aux pauvres, argent; aux riches, office et dignité. Mais voler bien haut, loin de terre, et sans ailes, c’est crainte et danger; comme aussi voler sur les maisons, et par les rues et carrefours, c’est trouble et sédition. Voler au ciel, c’est aux serfs une entrée aux riches maisons et même à la Cour. A ceux qui veulent être secrets, c’est mauvais car tout le monde voit le ciel. Voler avec les oiseaux, c’est chanter avec les étrangers, et peine et punition aux malfaiteurs. C’est bon surtout, quand de vouloir on vole, et de vouloir on retourne et descend : car c’est signe de grande facilité, et bonne disposition des affaires. Mais voler par contrainte comme étant pourchassé des hommes, des esprits, ou des bêtes, n’est pas bon, ce sont grandes fâcheries et dangers. Voler à la renverse, n’est pas mauvais à ceux qui veulent naviguer, car communément dans un navire qui va son cours sans tempête, les gens reposent et couchent à la renverse. Aux autres, c’est faute d’ouvrage et de besogne : car ceux qui sont à la renverse sont oisifs. Au malade, c’est la mort. C’est très mauvais de vouloir voler et ne pouvoir, ou voler la tête en bas et les pieds en haut. En quelque sorte que le malade vole, c’est la mort : car on tient aussi que les âmes sortant du corps volent au ciel d’un grand vol et bien léger comme les petits oiseaux. Le fait de voler est mauvais à ceux qui ont art et métier qui requiert de ne pas bouger de place. Il est bon aux captifs. Plusieurs par ce songe de voler sont devenus aveugles, tant ils craignent de tomber. Voler en chaise, en lit, en étant assis en quelque appui, pour soutènement, c’est grande maladie. Mais ce n’est pas si mauvais à celui qui voudrait voyager, car ce serait signe qu’il voyagerait avec son sac, avec ses outils et meubles, ou en charrette ou en litière. De ceux qui sont dignes de croire. Ceux par songe qui nous disent quelque chose, et sont dignes d’être crus, en premier lieu sont les Dieux : car c’est une chose qui ne convient pas à Dieu que le mensonge. Ensuite, ce sont les sacrificateurs, car les hommes les honorent comme dieux. Puis les rois et princes : car toute chose qui domine a vertu et puissance de Dieu. Puis les pères, mères, maîtres ou précepteurs : car ils sont comme des dieux, nous donnant les premiers la vie, les autres la forme de bien vivre. Puis les devins et parmi eux, ceux qui ne sont point menteurs, ni trompeurs : comme sont les augures, astrologues, interprètes de songes. Puis les morts, car ceux qui mentent le sont pour gain qu’ils ont, ou pour espoir de bien. Or les morts ne nous craignent ni attendent aucun bien de nous. Puis les enfants, les vieillards, et les bêtes sont dignes d’être crues en tout ce qu’ils nous annoncent par songe. Tous les autres ne sont point croyables, sinon ceux qui vivent bien et solitairement. Conclusion de l’Auteur sur le second livre. Si d’aventure aucun de ceux qui auront eu mes livres entre leurs mains, pense que j’ai pris d’autrui aucune chose, il s’abuse. Mais quand il aura vu et entendu la préface de ce livre, il connaîtra mon propos et vouloir. Ce que j’avais bien la puissance de faire aussi, mais je n’ai pas cherché à complaire comme ceux qui cherchent le bruit au théâtre, et qui vendent leurs paroles : ainsi je produis et appelle toujours à témoins pour moi, l’expérience, et la règle ou raison » je fuis donc déjà fait en tout à expérience : car je n’ai jamais fait autre chose jour et nuit que méditer et habiliter mon esprit au jugement et interprétation des songes. Or je veux prier les lecteurs de peu de chose, c’est qu’il n’ajoutent ni diminuent en mes présentes oeuvres : car si quelqu’un y peut ajouter, il en pourrait aussi plus facilement faire un livre particulier. Ou soit qu’il pense qu’il y ait choses superflues, qu’il use seulement de ce qu’il trouvera bon, laissant le reste pour les autres.