[12,0] LIVRE XII. [12,1] J'ai l'humble impression, mon cher Timocrate, que, s'il faut se fier à Alexis dans son Tyndare, tu es un authentique Cyrénéen. « Qu'un hôte convie un homme à dîner, et aussitôt, surgissent, de-ci, de-là, dix-huit autres péquins, dix chariots et quinze paires de chevaux. En vérité, il eût mieux valu offrir quelques miettes de nourriture à ces gens-là et n'inviter personne ! » Et dans mon propre cas, aussi, il eût mieux valu me taire, et ne point me lancer dans une accumulation de nouveaux sujets, surtout après ceux que nous avons déjà traités ; mais devant ton insistance à obtenir de moi quelques mots sur ces quidams fameux pour leur goût du luxe - et pour leur vie de rêve -, eh bien.... [12,2] Le plaisir est en effet à mettre en rapport avec le désir, puis avec son assouvissement. Le poète Sophocle, un adepte du luxe s'il en est, se défendant contre l'idée qu'il vieillissait, attribuait à la sagesse ses échecs répétés dans le domaine sexuel, et déclarait qu'il était heureux d'être enfin délivré d'un maître aussi virulent. Quant à moi, j'affirme que le jugement de Paris, comme le confirment d'ailleurs les poètes anciens, symbolise à lui seul le procès du plaisir contre la vertu. Comme c'est Aphrodite qui fut choisie - n'incarne-t-elle point la volupté - la conséquence inévitable fut un désordre sans nom. Pour ce qui concerne l'histoire d'Héraclès et de la Vertu, Xénophon l'a inventée pour le même motif. Selon Empédocle : « Chez eux, point de dieu de la Guerre, ni de la fureur de la bataille, point de Zeus, point de Kronos, point de Poséidon : leur unique souveraine est Aphrodite. Le peuple se la concilie au moyen de pieuses offrandes : animaux peints, onguents artificiels, dons de myrrhe et d'encens parfumé, dont on verse sur le sol les libations de leur miel blond. » Ménandre, dans son Joueur de cithare, dit en parlant d'un homme qui jouait d'un instrument de musique : « Il est amoureux de son art et joue toujours de voluptueuses mélopées. » [12,3] D'aucuns prétendent que le plaisir est naturel, et que toutes choses ici- bas sont forcément sous son emprise. Cependant, force de constater que la lâcheté, la crainte, et bien d'autres sentiments encore, ne se trouvent pas chez monsieur-tout-le monde, puisque ceux qui se plient à leur raison peuvent aisément les refouler. Se lancer dans la quête éperdue des plaisirs, c'est partir à la chasse aux tourments. De fait, Homère, soucieux de vilipender le relâchement, déclare que les dieux - eux aussi sensibles à son appel -, étaient châtiés avec la plus grande vigueur quand ils se retrouvaient dans une mauvaise passe à cause de lui. Tous les projets que Zeus avaient échafaudés en faveur des Troyens s'écroulèrent tout de bon quand il fut terrassé par la volupté. Même Arès, le plus vaillant de tous, fut recouvert de chaînes par le frêle Héphaïstos, et contraint à s'humilier et à s'amender pour s'être fourvoyé dans des passions déraisonnables. Voici les mots qu'il adressa aux dieux quand ces derniers le virent dans une semblable posture : « Les actions nuisibles sont condamnées à l'échec, si bien que le faiblard peut surpasser le fortiche : voyez le souffreteux Héphaïstos, ce boiteux, qui, par son art, a pris dans ses filets Arès lui-même, le plus athlétique des dieux que l'Olympe possède. Et depuis ce temps, Arès doit lui verser une rançon. » Nul n'oserait prétendre que la vie d'Aristide fut une partie de plaisir. Par contre, la vie de Sminduridès le Sybarite et de celle de Sardanapale le fut sans conteste. Théophraste dans son traité sur le Plaisir nous livre son avis : « Si l'on jette un coup d'œil sur la personnalité d'Aristide, on constate qu'il était bien plus brillant que tous ces gens, et qu'il ne se vautrait pas, lui, dans la volupté. Personne ne prétend non plus que la vie d'Agésilas, roi de Sparte, fut une sinécure de volupté ; en revanche, celle d'Ananis le fut sans nul doute, et c'est un parfait inconnu. Personne ne se risquerait à dire que la vie des demi-dieux qui combattirent à Troie fut relaxante à l'extrême : or on peut le dire de nos contemporains. Et à juste titre. Dans les temps antiques, la vie matérielle était des plus limitées ; du fait de cette pénurie, la liberté sexuelle était brimée, et les arts n'avaient pas atteint une telle perfection. Bref tout cela pour dire que la vie moderne est tout entière une incitation à la facilité, à la jouissance et aux pires excentricités. » [12,4] Platon dit dans son Philèbe : « Le plaisir est le mensonge personnifié. Et on a coutume de dire que, dans les grâces de l'amour - la plus éminente de toutes les voluptés - les dieux sont infiniment enclins à l'indulgence, les plaisirs étant considérés comme des enfants écervelés. » Dans le livre VIII de la République, Platon est encore le premier à justifier ce célèbre principe énoncé par les Épicuriens : « Il y a des plaisirs naturels et nécessaires, d'autres naturels et non nécessaires et d'autres encore non naturels et non nécessaires. » Il écrit encore : « Le désir de manger, tout au moins dans la mesure où la santé et l'entretien de la force physique le nécessitent, bref ce désir de s'alimenter tout bonnement, n'est-il point indispensable à la gent humaine ? Oui, le désir de se restaurer est nécessaire pour deux raisons : parce qu'il est utile et parce que, sans lui, on ne pourrait guère subsister. » - Oui. - Même chose en ce qui concerne les assaisonnements, pourvu qu'il contribue à maintenir nos forces. » - Parfaitement. - Mais le désir qui se galvaude et se porte sur des mets plus raffinés, désir qui, par ailleurs, peut s'évacuer de nous-même si nous avons pris soin de le réprimer dès l'enfance grâce à l'éducation, ce désir détestable à notre organisme, tout aussi nocif pour l'âme sous l'angle de la modération, ne devrions-nous pas le qualifier avec justesse de superflu ? - C'est tout à fait vrai, je le conçois ! » [12,5] Héraclide du Pont, dans son livre sur le Plaisir, a ces mots : « Les tyrans et les rois, qui attirent à eux tous les meilleures choses de la vie, et qui ont tout essayé, placent le plaisir sur un piédestal, parce que, d'après eux, celui-ci rend l'homme plus généreux. Aussi, les personnages qui honorent la volupté et sont les plus ardents partisans du luxe sont-ils tous par nature des êtres fiers et magnanimes, à l'instar des Perses et des Mèdes. Et, en effet, plus que tous les autres peuples, ceux-ci s'adonnent volontiers au plaisir et aux délices, tout en se révélant dans le même temps les plus courageux et le plus généreux des barbares. Car goûter au plaisir est un signe de liberté ; c'est un délassement qui redonne vigueur et exalte l'âme ; en revanche, une vie éreintante est le propre des esclaves et des individus de basse extraction : ce qui explique leur esprit étriqué. La cité d'Athènes, tant qu'elle fut éprise du luxe, fut florissante et engendra une galerie de personnages de la plus haute valeur. Les Athéniens d'alors se calfeutraient sous des riches manteaux de pourpre, et revêtaient par-dessous des tuniques brodées ; ils relevaient leurs cheveux grâce à de précieux bandeaux et ornaient leur front de cigales d'or ; des esclaves les accompagnaient partout, munis de sièges pliants, afin que leurs maîtres pussent s'asseoir confortablement, et en toutes circonstances. Tels étaient les hommes qui triomphèrent à Marathon, les seuls qui pourfendirent la puissance de l'Asie. » Même les personnes qui se distinguent pour leur infinie sagesse, indique Héraclide, soulignent les vertus de la volupté. Ainsi, le poète Simonide, qui dit ceci : « Quelle vie parmi des mortels est digne d'envie, si le plaisir n'y est pas de mise ? Quelle tyrannie aussi ? Sans le plaisir, la vie des dieux ne serait guère appréciable. » Pindare, louant Hiéron, la tyran de Syracuse, écrit à son tour : « Va, ne délaisse pas les plaisirs de la vie ; à l'homme ce qu'il faut, c'est être sans souci.» Homère affirme que la joie et les réjouissances sont une excellente fin en soi « Quand les convives écoutent un aède, et qu'autour d'eux, les invités sont légion. » S'agissant des dieux, Homère assure que leur vie est légère, comme s'ils tentaient de nous prouver que le pire à redouter dans l'existence est un labeur rude et pénible. [12,6] C'est la raison pour laquelle Mégacléidès blâme tous ces poètes qui succédèrent à Homère et à Hésiode, ces poètes qui nous racontent qu'Héraclès était un chef militaire et un preneur de villes. « Celui-ci a passé sa vie terrestre en faisant le plus grand cas de la volupté, épousant une cohorte de femmes et engrossant en catimini tant de vierges. » S'il est parmi vous des avis qui contredisent ces traditions, je rétorquerai ceci : « Comment se fait-il, chers amis, que vous lui attribuez une tel appétit, un tel goût pour la bonne chère ? Et d'où provient l'habitude qu'ont les hommes de ne jamais laisser une goutte de vin au fond de la coupe ? La raison en est assurément qu'Héraclès aimait les plaisirs sensuels. Comment se fait-il encore que les hommes s'accordent sur le fait que les bains chauds, issus des entrailles de la terre, sont consacrés à Héraclès, et que les lits tendres et moelleux sont appelés « lits d'Héraclès » ? Ce n'est sûrement pas parce qu'il dédaignait les gens voluptueux. ? » C'est ce héros, dit Mégacléidès, que les poètes les plus récents imaginent sous l'aspect d'un vulgaire bandit de grands chemins, portant massue et arc et affublé d'une peau de lion. Le premier à avoir esquissé ce portrait fut Stésichore d'Himère. Et Pourtant, le poète lyrique Xanthos, plus ancien que Stésichore, comme ce dernier en témoigne, sur la foi de Mégacléidès, n'habille point notre héros de cette manière ; non, il le voit bien plutôt sous l'apparence décrite jadis par Homère. Nombre de poésies de Xanthos ont été imitées par Stésichore, telle cette Orestéia qu'on lui attribue. Antisthène, lui aussi, a dit que le plaisir est un bien, en ajoutant qu'il ne fallait pas s'en culpabiliser. [12,7] Chez Homère, Ulysse semble s'être jeté sur la voie du plaisir, selon la définition d'Épicure : c'est tout au moins ce qui transparaît dans ces vers : « Nul n'est plus suave, à mon goût ! La joie étreint tout ce peuple, et les convives, assis en rang dans ton palais, écoutent les chants de l'aède. Les tables débordent de pains et de viandes ; l'échanson, faisant couler le vin du cratère, verse ce nectar dans les coupes et le distribue. Quel insigne plaisir pour l'âme que de goûter pareille vision ! » Toutefois, Mégacléidès ajoute qu'Ulysse se pliait tout simplement aux circonstances et qu'il feignait de faire siennes les coutumes des Phéaciens et de partager leur mode de vie luxurieux, parce qu'il avait eu vent de la phrase d'Alcinoos : « Les repas sont notre joie, de même que la cithare, les danses, les mises toujours renouvelées, les bains chauds et les lits moelleux. » C'est en vivant comme eux seulement qu'il espérait ainsi se les concilier. C'est un tel type d'homme qui loue le garçon répondant au nom d'Amphilochos : « Enfant, toi dont l'esprit est semblable à la peau de la créature vivant dans les récifs, tu t'ébats à travers toutes les villes ; tu es volontiers complaisant à l'égard de celui que tu rencontres, et tes pensées se modifient en fonction de l'endroit où tu te trouves. » De même, Sophocle dit dans son Iphigénie : « Tel le polype qui prend la couleur de la roche où il se pose, tu te ranges à l'avis de l'homme dont la pensée sonne vraie. » Et Théognis : « Il a les manières du polype aux replis multiples.« Selon certains, Homère partagerait cette opinion, les vers qui suivent montrant la supériorité d'une vie de plaisir sur une vie austère. « Les Dieux entourant Zeus étaient tous assemblés sur le pavage d'or, la vénérable Hèbè versait le nectar, et ils buvaient dans des coupes d'or. » Ménélas a également ces mots dans Homère : « Rien ne pourrait nous défaire de notre amour, de notre bonheur réciproque. » Il dit encore : « Nous avons pris quelques repos dans un festin de viandes abondantes et de vin doux.» Pour toutes ces raisons, Ulysse envisage, qu'à la cour d'Alcinoos, le luxe et la volupté sont la seule finalité de l'existence. [12,8] Les premiers hommes dans l'histoire célèbres pour leur vie fastueuse furent les Perses, dont les rois passaient l'hiver à Suse et l'été à Ecbatane (selon Aristoboulos et Charès, Suse devrait son nom à la beauté de son emplacement ; « suson » en grec se dit « krinon », le lys) ; en automne, ils résidaient à Persépolis et le reste de l'année à Babylone. Même chose pour les rois parthes qui goûtent le printemps à Rhagae, et passent l'hiver à Babylone, (lacune) le reste de l'année se déroulant à Hécatompylos. La distinction que les rois de Perse portent sur leurs têtes est loin de réfuter l'idée d'une quelconque condamnation du luxe, bien au contraire. Dinon dit à ce sujet : « Il est fait de myrrhe et se nomme labyzos. En fait, le labyzos est un parfum plus coûteux que la myrrhe. Dès que le roi descend de son char, il s'épargne de sauter, même si la distance qui le conduit au sol est minime ; en outre, il ne daigne point s'appuyer sur une épaule ; on installe donc un tabouret en or, et, c'est sur cet objet qu'il pose son pied. Aussi, le porteur de tabouret suit-il sans cesse le roi pour cette commodité. » Héraclide de Cumes dans le premier livre de ses Persiques dit : « Trois mille femmes le côtoient : toute la journée, elles dorment, car elles ont pour devoir de rester éveillées toute la nuit, moment au cours duquel, à la lueur des torches, elles chantent et jouent de la harpe ; pour le roi, elles font office de concubines... (lacune) par la cour des porteurs de pommes. Ceux-ci constituent sa garde du corps ; ils sont tous originaires de Perse, leurs lances se terminant par des pommes d'or ; ils sont mille, et recrutés au sein des dix mille Perses que l'on surnomme « lmmortels ». C'est au milieu de cette cour que le roi se déplace, après que l'on ait pris soin de jeter sur le sol des tapis de Sardes, tapis que nul autre homme, hormis le prince, ne se doit de fouler. Une fois parvenu à la dernière cour, il se dresse sur son char ou monte à cheval ; nul ne l'a jamais vu marcher hors des limites de son palais. Quand il s'en va chasser, son harem l'accompagne. Le trône sur lequel il siège pour diriger les affaires de son empire est en or ; ce trône est entouré de quatre colonnes, en or également, et incrustées de pierres précieuses ; enfin, un ample étoffe de pourpre brodée recouvre la totalité du trône.» [12,9] Dans le livre IV de ses Vies, Cléarchos de Soles évoque la vie somptueuse des Mèdes - une des raisons qui explique qu'ils aient puisé tant d'eunuques dans les nations voisines - et continue son récit en assurant que la pratique des « porteurs de pommes » fut transmise chez les Perses par les Mèdes, non seulement par vengeance - ils avaient subi bien des souffrances - mais aussi pour montrer à quel degré de veulerie ces gardes du corps étaient tombés sous les effets de la mollesse. Tant il est vrai qu'une vie trop luxurieuse transforme des soldats en mauviettes. Ensuite Cléarchos écrit : « Ceux qui lui servaient des plats délicats recevaient une récompense pour leurs efforts. Mais il se dispensait bien de partager son repas avec d'autres, soucieux de le savourer égoïstement, ce qui était fort judicieux de sa part ! C'est cette manière de faire qui est sans doute à l'origine de ce dicton : « Une part pour Zeus, une part aussi pour le roi. » Dans le livre V de son Histoire d'Alexandre, Charès de Mitylène écrit ce qui suit : « Les souverains de Perse ont une propension au luxe telle que, non loin de la couche royale, au niveau la tête du prince, on trouve une chambre qui n'est pas loin de contenir cinq lits, et où sont entassés quelques 5000 talents de pièces d'or : cette fortune remplit toute la salle dite « salle du Trésor ». Au niveau des pieds, s'étend un deuxième appartement renfermant trois lits et 3000 talents d'argent, et que l'on appelle le « Marchepied du roi ». Quant à la chambre à coucher en elle-même, on y voit une vigne d'or sertie de pierreries, dont les enlacements s'élèvent au-dessus du lit. » Amyntas affirme dans ses Itinéraires que cette vigne étrange présentait des grappes ornées des pierres les plus précieuses qui soient. À proximité, était posé un cratère entièrement en or, un travail de Théodoros de Samos. Dans le livre III de son ouvrage Sur Cyzique, Agathoclès déclare que, chez les Perses, il existe une eau appelée « eau d'or » : celle-ci se diffuse au moyen de soixante-dix fontaines, dont l'usage est réservé exclusivement au roi et à son fils aîné ; qu'un étranger se désaltère avec cette eau et, aussitôt, il est mis à mort. [12,10] Dans le livre VIII de sa Cyropédie, Xénophon dit : « À cette époque, en effet, les Perses usaient encore de modération dans leurs mœurs, bien qu'ils eussent déjà adopté la robe et le luxe des Mèdes. Aujourd'hui, les rudes vertus perses sont obsolètes au profit de la mollesse caractéristique des mèdes. Mais je me dois de vous livrer les preuves de ce laisser-aller général. Coucher sur des coussins moelleux ne leur suffit plus, il veulent désormais que les pieds du lit reposent sur d'épais tapis, ce qui leur permet de moins ressentir la dureté du sol. S'agissant des pâtisseries, ils n’ont, certes, rien abandonné de leurs spécialités traditionnelles, mais ils en ont rajouté dans la sophistication ; même chose pour les ragoûts ; ils ont même des inventeurs à gages dans les deux genres. En hiver, ils ne se contentent plus de se couvrir simplement la tête, le corps et les pieds, ils se procurent maintenant des gants de fourrure. En été, ils ne recherchent plus l'ombrage des arbres et des rochers, ils ont à leur disposition - et sous ces mêmes abris, par dessus le marché - des serviteurs qui leur dispensent une ombre factice. » Dans les paragraphes suivants, Xénophon dit aussi d'eux : « Dorénavant, ils déposent plus de couvertures sur leurs chevaux que sur leurs lits ; leur préoccupation n'est plus de se maintenir fermement sur leur monture, mais d'être confortablement installés. Maintenant ils ont des portiers, des boulangers, des cuisiniers, des échansons, des maîtres de bain, des esclaves pour servir et desservir les plats, pour coucher les maîtres, pour les réveiller, des valets de chambre qui vous font le contour yeux, maquillent, et s’occupent des soins de beauté... » [12,11] Les Lydiens se sont hissés à un tel niveau de volupté qu'ils furent à la pointe en matière de contraception féminine : c'est ce que nous confie Xanthos de Lydie, ou tout au moins l'auteur des histoires qui lui sont attribuées, dont le nom serait Dionysios Scytobrachrion, selon le témoignage d'Artémon de Cassandréia dans sa Collection de livres. Notons toutefois que ce dernier auteur ignore totalement le fait que l'historien Éphore considère Xanthos comme l'aîné d'Artémon, et comme ayant fourni des sources à Hérodote. Quoi qu'il en soit, Xanthos dit dans le livre II de son Histoire de Lydie, qu'Adramytès, roi de Lydie, fut à l'origine de l'ablation des ovaires des femmes, à seule fin de voir celles-ci remplacer les eunuques dans leur fonction. Cléarchos raconte la chose suivante dans le livre IV de ses Vies : « Par plaisir et par mollesse, les Lydiens ont créé des parcs magnifiques et fortement ombragés, partant de l'idée qu'il était d'un goût exquis de ne point subir l'ardeur des rayons du soleil. Comble de leur orgueil, ils allèrent jusqu'à rassembler femmes mariées et jeunes filles dans un lieu qu'ils nommèrent, par dérision, « lieu de la purification », et où ils les violaient ouvertement. Pour finir, leur degré d'efféminement fut si grand qu'ils adoptèrent le mode de vie des femmes. La conséquence normale d'un tel comportement fut la prise du pouvoir par une femme tyran, une des donzelles qui avait été préalablement outragée, et dont le nom était Omphale. la première décision qu'elle prit fut de châtier les Lydiens. Reconnaissons qu'ils l'avaient bien cherché ! Ce règne violent est à mettre en relation avec la violence de ces gens. Ils eurent affaire à une créature impulsive, désireuse uniquement de se venger des humiliations qu'elle avait endurées. C'est ainsi qu'elle offrit spontanément en mariage des esclaves aux filles des maîtres, et ce à l'endroit même où elle avait été violentée par eux. Après avoir réuni tout ce beau monde, elle donna l'ordre aux filles de famille de baiser avec leurs esclaves. Plus tard, les Lydiens, atténuant le piquant de la chose, appelèrent ce lieu - par euphémisme - la Douce Étreinte. Il n'y a pas que les Lydiennes qui se soient ainsi offertes au premier venu, il y a aussi les Locriennes Occidentales, les femmes de Chypre, bref les donzelles de tous les peuples qui ont coutume de prostituer les jeunes filles. De telles situations sont consécutives à un outrage fort ancien et ne sont mues que par une volonté de vengeance. C'est d'ailleurs pour se venger que se révolta un noble lydien, opprimé par le despotisme de Midas, prince qui, par goût de la luxure, collectionnait les longues robes pourpres, astreignant les femmes à travailler sans cesse la laine sur leur métier à tisser, pendant que, dans le même temps, Omphale massacrait à qui mieux mieux tous les étrangers qui l'avaient souillée. Notre aristocrate les punit alors tous les deux, et tira les oreilles de Midas devenu complètement idiot, lui qui par sa sottise avait été affublé du nom de l'animal le plus stupide au monde ; quant à Omphale... » (lacune) [12,12] Les Lydiens furent également les inventeurs d'une sauce spéciale composée de sang et d'épices qu'on appelle karykê, mixture que divers auteurs de traités d'art culinaire ont mentionné, tels Glaucos de Locres, Mithécos, Dionysios, mais aussi deux Syracusains appelés les Héraclides, Agis, Épénétos, Dionysios, Hégésippos, Érasistratos, Euthydémos, et Criton ; citons encore Stéphanos, Archytas, Acestios, Acésias, Dioclès et Philistion. Je crois avoir fait la liste de tous les auteurs d'Art culinaire. Les Lydiens ont également confectionné un plat que, dans leur langue, on nomme « kandaulos », dont il existe trois variantes, ce qui est normal de la part d'un peuple tellement obsédé par le luxe. Hégésippos de Tarente assure qu'il est composé de viande bouillie, de miettes de pain, de fromage de Phrygie, d'anis, et de bouillon gras. Alexis en parle dans son Vigile, à moins que ce ne soit dans ses Tisserands ; un cuisinier est l'interlocuteur du dialogue : « LE CUISINIER : En outre, nous te servirons un kandaulos. B. Un kandaulos ? J'ai jamais mangé ça ! Je connais même pas ! A. C'est une de mes spécialités les plus prisées ; si je t'en donne, tu iras jusqu'à te bouffer les doigts, tellement tu apprécieras. Allons ! préparons un bon boudin ! B. Mon cher, ces boudins, est-ce que tu les fait blancs, regarde à... (lacune) A. Ensuite, pour poissons, nous choisirons un esturgeon salé, pour rôtis, quelques... (lacune) directement des chaudrons.... Je mettrai devant toi un pain cuit deux fois et un œuf dur sur le pain, du petit lait, une fiole de miel pour tartiner les crêpes, du fromage frais de Cythnios soigneusement tranché, une grappe de raisins, une panse farcie, et une bolée de vin liquoreux : c'est cela d'ordinaire que l'on sert comme second plat, mais, là, ça constituera le plat principal. B. Moques-toi ! Veux-tu bien me foutre la paix quand tu me parles de tes kandaulos, de tes panses farcies et de tes chaudrons, ça me fout la nausée ! » Philémon fait également allusion au kandaulos dans le Voisin en ces termes : « Tout le monde est témoin dans le patelin que je suis le seul à faire un bon boudin, un kandaulos, ou une omelette dans une pièce. Est-ce là un crime assurément ? » Même chose pour Nicostratos dans le Cuisinier : « Il ne savait pas faire le bouillon noir, mais il était expert en omelette ou en kandaulos. » Ménandre dans son Trophonios : « Et l'Ionien, gâté de richesse, se fait préparer comme plat principal du kandaulos et diverses nourritures aphrodisiaques. » Enfin, quand les Lydiens s'en vont en guerre, ils aiment à défiler en s'accompagnant de flûtes de Pan et de pipeaux, comme Hérodote nous le rappelle : « Les Lacédémoniens se jettent sur l'ennemi au son des flûtes, comme les Crétois le font au son de la lyre. » [12,13] Héracléidès de Cumes, l'auteur d'une Histoire de la Perse, raconte dans la section de l'ouvrage intitulée Équipement, que le roi de la contrée productrice d'encens gouverne en toute indépendance, et n'est sous le joug d'aucun potentat. Voici ce qu'il ajoute : « Ce prince surpasse tous les autres par son oisiveté sans égal. En fait, il ne sort jamais de son palais, passant le plus clair de son temps à dépenser sans compter ; il ne s'occupe de rien, ne se risque jamais à se montrer en public, et délègue t ous ses pouvoirs à des juges. Si un homme estime que ces juges ont émis un verdict injuste, voici comment il se pourvoit : il y a une fenêtre dans la partie la plus élevée du palais, et à celle-ci est attachée une chaîne. Celui qui prétend avoir été injustement condamné s'empare de la chaîne et tire dessus ; dès le roi s'est aperçu de la chose, il fait venir le plaignant et examine lui-même l'affaire en question. S'il s'avère que les juges ont commis une bourde, ils sont sur-le-champ exécutés. Mais si leur sentence est justifiée, alors, celui qui a secoué la fenêtre est mis à mort. Quant aux dépenses quotidiennes du roi, de ses épouses et de ses proches, elles atteignent la somme de quinze talents babyloniens. » [12,14] Chez les Étrusques, voluptueux comme il n'est pas possible, Timée dit dans son livre I, que les petites esclaves servent les hommes dans le plus simple appareil. Théopompe, dans le livre XLIII de ses Histoires, ajoute qu'il est monnaie courante chez ces populations de mettre les femmes en commun ; celles-ci prennent un soin particulier à leur corps, n'hésitant pas à s'exercer en compagnie des hommes, ou entre elles. En effet, les femmes n'éprouvent aucune honte à se montrer nues. Lors des banquets, elles se mettent à table, non point aux cotés de leur maris, mais indifféremment auprès du premier convive qui se présente, donnant un toast à qui bon leur semble. Du reste, dotées d'une rare beauté, elles sont aussi de sacrées buveuses. Les Étrusques élèvent sans distinction tous les enfants qui naissent sans se préoccuper de savoir qui est le père de chacun d'eux. À leur tour, ces gamins reprennent le mode de vie de leurs nourriciers, se précipitant dans des beuveries sans fin et baisant avec n'importe quelle femme. Il n'y a rien d'infâmant pour les Étrusques à être surpris en train de copuler en public. C'est la coutume de ce peuple. Loin d'eux l'idée de mal faire, au point que, lorsqu'un maître de maison baise, et qu'un visiteur s'enquiert de lui, le serviteur lui répond qu'il fait « crac-crac » sans aucun problème ! Quand ils se paient des gourgandines ou toute autre personne, voici ce qu'ils font : d'abord, ayant cessé de boire, ils se décident à rejoindre leur couche ; aussitôt, à la lueur des flambeaux, les esclaves leur amènent des putes ou de charmants gitons, quelquefois aussi leurs épouses ; une fois qu'ils ont bien joui, les esclaves font alors venir des hommes particulièrement robustes, qui les enculent. Bref ils ont des rapports sexuels très fréquents, et se livrent parfois à leurs ébats à la vue de tous. Toutefois, dans la plupart des cas, ils installent des paravents autour des lits ; ces paravents sont faits de baguettes tressées, au-dessus desquelles sont attachés les manteaux. Ils prennent leur pied surtout avec les femmes, mais il en est qui se délectent de frais adolescents. Il est vrai que, dans leur pays, ces derniers sont très beaux, la raison en étant qu'ils se vautrent dans le luxe très tôt et qu'ils s'épilent le corps. En fait, tous les Barbares des contrées occidentales s'arrachent les poils en utilisant de la poix ou en se les rasant ; et chez les Étrusques, on trouve des échoppes d'artisans qui correspondent à nos barbiers. Quand nos jolis garçons pénètrent dans ces locaux, ils s'offrent alors sans réserves, indifférents au regard des voyeurs ou des simples passants. Cette coutume est typique également des Grecs habitant l'Italie, parce qu'ils la tiennent des Samnites et des Messapiens. Voluptueux jusqu'au bout des ongles, les Étrusques, comme le rapporte Alcimos, pétrissent le pain, boxent et supplicient les condamnés au son de la flûte. [12,15] Les tables des Siciliens sont fameuses pour leur somptuosité, ces mêmes Siciliens qui vantent la douceur maritime de leur rivages, si bien qu'ils apprécient au plus haut point les nourritures qu'ils y pêchent ; c'est ce que nous confie Cléarchos dans le livre V de ses Vies. Venons-en maintenant aux Sybarites. Que dire à leur propos ? Eh bien, qu'ils sont les premiers en titre à avoir conçu des verseurs d'eau dans les bains, et les premiers encore à avoir créer la fonction de garçons de bains, des individus qu'on avait pour habitude de lier les pieds afin de les empêcher de marcher trop vite et de brûler les baigneurs en passant. Les Sybarites furent également les promoteurs d'une loi visant à bannir de la cité les artisans exerçant un métier trop bruyant, comme les forgerons, les charpentiers, et autres travailleurs du même acabit : en effet, ils désiraient que rien ne troublât le calme de leur sommeil, et ce en toutes circonstances. Même les coqs furent proscrits à l'intérieur de la ville. Timée nous raconte qu'un jour, un homme de Sybaris ayant aperçu des paysans creuser la terre dans une champ, il dit à ses compagnons que cette seule vue lui avait donné une hernie ; un autre citoyen de notre cité, ayant entendu sa plainte, s'écria à son tour : « Moi, rien qu'à t'écouter, je ressens déjà un point de côté ! » À Crotone, un athlète travaillait à aplanir le sol à l'endroit où les jeux allaient se dérouler, lorsque soudain, des Sybarites, qui se tenaient tout près de là, montrèrent leur stupéfaction devant le fait qu'une cité aussi prestigieuse n'avait à sa disposition aucun esclave capable de préparer la palestre. Un autre Sybarite se rendit à Sparte où il fut invité aux Phidities, c'est à dire aux repas en commun. Alors qu'il s'asseyait sur un banc de bois pour partager la pitance des Spartiates, il fit la remarque suivante : « J'étais époustouflé par les exploits prodigieux des Spartiates, mais le spectacle que je vois m'oblige à penser qu'ils n'ont décidément rien d'extraordinaires ! L'homme le plus poltron du monde préférerait se tuer plutôt que de supporter de telles conditions de vie. » [12,16] Chez les Sybarites, il était d'usage que, jusqu'à l'âge de l'éphébie, les garçons portassent des robes de pourpre, et que leurs cheveux fussent tressés avec des ornements d'or. Une autre de leurs coutumes locales, conséquence de leur volupté exacerbée, était de posséder des poupées et des nains, comme nous le rappelle Timée, des nains qui, chez eux, portent le nom de « stilpones » ; de même, ils aimaient s'entourer de petits chiens de Malte, qui les suivaient partout, même jusqu'au gymnase. À ces gens-là, comme à tous ceux qui ont de semblables manies, on peut appliquer une fine répartie que leur fit Massinissa, roi de Maurétanie, bon mot que nous a conservée Ptolémée dans le livre VIII de ses Commentaires. Des Sybarites étaient venus dans son royaume afin d'y acheter une grande quantité de singes. Voici ce que le roi leur dit : « Dans votre pays, mes amis, il n'y aurait donc pas de femmes pour faire des enfants ? » Massinissa adorait les enfants, et lui-même vivait dans son palais en compagnie des rejetons de de ses fils et de ses filles. Il les élevait tous jusqu'à ce qu'ils eussent trois ans révolus ; ensuite il les confiait à leurs parents, d'autres venant les remplacer. Le poète comique Euboulos parle dans le même esprit que Massinissa dans sa comédie des Grâces : « Voyons ! pour un homme de noble condition, Il est de loin plus intelligent d'élever un enfant jusqu'à ce qu'il devienne un homme, pourvu qu'il en ait les moyens, que d'engraisser une oie qui barbotte dans l'eau avec ses ailes et criaille sans cesse, ou un moineau, ou un singe, toujours en train de faire le pitre ! » Athénodoros, dans son livre Fantaisie et Sérieux, nous informe qu'Archytas de Tarente, qui était à la fois chef d'État et philosophe, avait à son service de nombreux esclaves dont il appréciait la compagnie, au point de les laisser circuler librement, sans chaînes, dans la salle à manger quand il prenait ses repas. Les Sybarites, au contraire, n'éprouvaient d'affection qu'envers les chiots maltais et pour des ébauches d'êtres humains. [12,17] En outre, les Sybarites, portaient des manteaux tissés en laine de Milet : d'ailleurs, ce fut ainsi que des alliances se nouèrent entre les nations, s'il faut en croire Timée. Parmi les peuples d'Italie qui avaient leur préférence, il faut citer les Étrusques ; s'agissant des peuples orientaux, leur goût les portait principalement vers les Ioniens ; cela n'a rien d'étonnant, sachant les prédispositions à la mollesse de ces deux peuples. Les cavaliers sybarites, qui étaient au nombre de cinq mille, défilaient revêtus de leurs manteaux couleur safran qui recouvraient leurs cuirasses. Pendant l'été, toute la fine fleur de la jeunesse sybarite se pressait dans les grottes des nymphes, à proximité du fleuve Lusias, où ils s'abandonnaient à toutes sortes de débauches. Quand un homme un peu opulent décidait de partir quelque temps en villégiature, il parcourait en trois jours l'itinéraire qui, normalement, ne nécessitait qu'une seule journée de voyage ; et pourtant, ils disposaient de chariots et de routes en dur. La plupart de ces gens fortunés étaient propriétaires de caves à vin, creusées près de la côte, le vin étant envoyé, grâce à un réseau de canalisations, de leurs domaines jusqu'aux caves. Les Sybarites vendaient une partie de ce vin dans les contrées voisines ; l'autre partie était destinée à la cité, et amenée par voie maritime. L'organisation de banquets publics étaient une de leurs occupations favorites, et ils offraient des couronnes d'or à quiconque s'y était distingué, allant jusqu'à publier leurs noms aux sacrifices et aux jeux civiques : à la vérité, ce qu'ils récompensaient, ce n'était sûrement pas leur loyauté envers la cité, mais l'élégance vestimentaire qu'ils avaient arborée lors des festins. On rapporte qu'ils honoraient même les cuisiniers, s'ils s'étaient surpassés dans la confection de mets particulièrement délicats. Enfin, on trouvait chez les Sybarites des baignoires où ils se relaxaient ; ils aimaient aussi se détendre dans les bains de vapeur. Ajoutons qu'on leur doit l'invention des pots de chambre, dont ils ne se séparaient jamais, pas même dans les banquets. Ils trouvaient ridicule le fait de s'éloigner de leur patrie, et ils se faisaient une gloire de n'avoir vieilli qu'entre les ponts de leurs deux fleuves, le Crathis et le Sybaris. [12,18] Une telle prospérité de leur part s'explique par la région même où ils habitent, car la plus grande partie de la côte environnante ne signale aucun port ; ils ont pour eux la totalité des fruits que la terre produit, et que seuls les indigènes partagent avec eux. Il ne faut pas oublier non plus la situation de leur ville. Il semblerait que l'oracle du dieu les ait favorisé dans leur penchant pour la volupté et leur propension à une vie déjantée : en effet, leur ville est bâtie dans une cuvette ; de fait, en été, ils jouissent d'une grande fraîcheur le matin et le soir, tandis qu'à midi, ils subissent une chaleur étouffante. Pour ces raisons, ils considèrent que boire abondamment est un gage de bonne santé ; tant et si bien qu'à Sybaris nul quidam ne souhaite mourir sans avoir auparavant contemplé le lever ou le coucher du soleil. Un jour, ils envoyèrent une délégation de citoyens - parmi lesquels figurait Amyris - au temple de la divinité poliade pour demander à l'oracle combien de temps encore ils jouiraient de leur prospérité. La Pythie leur répondit : « Heureux, toi le Sybarite, tu baigneras toujours dans l'abondance, tant que tu honoreras la race des immortels. Mais dès que tu craindras un mortel plus qu'un dieu, alors la guerre et les dissensions civiles déferleront sur toi. » À cette réponse, les Sybarites en conclurent que le dieu leur promettait une vie de plaisir perpétuelle, persuadés que jamais ils n'oseraient honorer un mortel plus qu'une dieu. Or leur fortune périclita quand, un jour, un homme se mit à fouetter l'un de ses esclaves, et qu'il continua à la supplicier, même après que celui-ci se fut réfugié à l'intérieur des sanctuaires ; quand le malheureux fut parvenu à rejoindre la sépulture du père de son maître, l'homme le laissa partir honteusement. À partir de ce moment, leur surenchère effrénée de voluptés les mena à leur perte, Sybaris s'efforçant toujours de rivaliser avec les autres cités dans la quête des plaisirs. Bientôt, des signes avant-coureurs de leur ruine imminente leur apparurent. Mais il n'y a pas urgence à relater ces faits ; en résumé, disons qu'ils furent anéantis. [12,19] Ils en étaient arrivés à un tel degré d'excentricité qu'ils avaient dressés leurs chevaux à danser dans les banquets au son de la flûte. Lorsque la chose parvint aux oreilles des gens de Crotone, ces derniers déclarèrent la guerre aux Sybarites, comme Aristote le relate dans sa Constitution : et c'est au cours de la bataille qu'ils entonnèrent l'air sur lequel les chevaux avaient appris à danser (les Crotoniens avaient, en effet, incorporé dans leur armée des joueurs de flûte déguisés en soldats) : dès que les chevaux entendirent le son des flûtes, ils se mirent spontanément à danser, alors qu'ils portaient les cavaliers sybarites sur leur dos, et ils rejoignirent le camp des Crotoniens. Charon de Lampsaque, dans second livre de ses Annales, nous raconte la même histoire, mais pour les gens de Cardia. « Les Bisaltiens firent campagne contre Cardia et furent victorieux. Naris était le chef des Bisaltiens. Quand il était enfant, il fut vendu comme esclave à un citoyen de Cardia et devint barbier. Un oracle avait prédit aux Cardiens que les Bisaltiens les attaqueraient. Très vite, on ne parla plus que de cet oracle dans l'échoppe du barbier. Naris s'échappa bientôt de Cardia et revint dans sa terre natale où il incita ses compatriotes à marcher contre leur rivale. Il fut alors nommé général en chef de leur armée par les Bisaltiens. On savait que, pour les banquets, les Cardiens avaient dressé leurs chevaux à danser au son des flûtes, et à se dresser sur leurs pattes arrières ; ils dansaient donc en suivant scrupuleusement le rythme de la mélodie. Informé de cet usage, Naris acheta une joueuse de flûte d'origine cardienne, qui fut chargée d'apprendre à un groupe de Bisaltiens les airs de flûte qui étaient familiers aux Cardiens ; et c'est avec ces musiciens qu'il partit attaquer la cité ennemie. Quand la bataille débuta, il donna l'ordre de jouer toutes les mélodies que les chevaux de Cardia connaissaient par cœur. Dès que le son des flûtes se mit à retentir, les chevaux se dressèrent sur leurs pattes arrières et commencèrent à danser ; et comme la puissance des Cardiens provient de leur cavalerie, ces derniers furent naturellement défaits. » Un jour, un Sybarite, désireux de naviguer de sa ville jusqu'à Crotone, loua un bateau pour son usage personnel, stipulant qu'il ne voulait pas être éclaboussé, ni voyager avec qui que ce soit. En outre, il exigeait d'embarquer son cheval à bord. Le capitaine accepta ces conditions. Alors, notre Sybarite fit monter son cheval sur le bateau et ordonna d'étendre une litière pour l'animal. Il demanda ensuite à celui qui l'avait escorté de faire le voyage en sa compagnie, en arguant du fait qu'il s'était préalablement arrangé avec le capitaine pour qu'il naviguât au plus près du rivage. Mais l'homme répondit : « J'aurais à peine esquissé une réponse, si tu avais eu l'intention de faire un voyage terrestre par mer, au lieu d'une croisière maritime par terre. » [12,20] Dans le livre XXV de ses Histoires, Phylarchos nous apprend que, chez les Syracusains, il y existait une loi qui interdisait à la femme de se parer de bijoux et d'or et de porter des robes chamarrées, ou tout autre vêtement bordé de pourpre, à moins d'admettre qu'elle était une vulgaire prostituée ; ailleurs, il dit qu'il y avait une autre loi qui interdisait à un homme de se maquiller ou de revêtir des habits par trop ostentatoires, sauf s'il avouait être un noceur ou un pédéraste ; en outre, cette législation défendait à une matrone libre de prendre l'air après le coucher du soleil, car c'était la présomption d'une vie déréglée ; même dans la journée, elle ne pouvait sortir sans la permission de ses gardiens, et encore, accompagnée au moins d'une servante. Voici ce que dit encore Phylarchos : « Les Sybarites, étreints par leur folie du luxe, passèrent une loi selon laquelle les femmes étaient conviées d'emblée aux solennités publiques ; de fait, les hérauts chargés d'annoncer les sacrifices avaient l'obligation de le faire une année à l'avance, pour que les femmes puissent à loisir broder leurs robes et se procurer toute la joaillerie nécessaire pour participer aux cérémonies. Si un cuisinier inventait de nouvelles et succulentes recettes, nul autre de ses confrères n'était autorisé à les mettre en pratique pendant une année, lui seul ayant le privilège de confectionner librement son plat : le but avoué de la chose était d'encourager les autres cuisiniers à se concurrencer dans la confection de mets toujours plus raffinés. Selon ce principe, les marchands d'anguilles ne payaient pas d'impôts, ni ceux qui les avaient pêchées. De même, les teinturiers de la pourpre marine, tout comme leurs importateurs, étaient également exemptés d'impôts. » [12,21] "Donc ils en sont arrivés à un tel degré d'arrogance, que, quand trente ambassadeurs arrivèrent de Crotone, les Sybarites les assassinèrent tous, jetèrent leurs corps devant le mur et les laissèrent dévorer par les bêtes sauvages. Et ce fut le commencement de leurs désastres, parce qu'ils avaient provoqué la colère divine. En tout cas il est prouvé que tous leurs magistrats, quelques jours après, eurent le même rêve la même nuit ; ils virent la déesse Héra venir au centre de l'agora et vomir sa bile ; également une fontaine de sang jaillit dans son temple ; mais néanmoins cela n'abaissa pas leur fierté jusqu'à ce que tous furent détruits par les Crotoniates." Et Héraclide du Pont dit dans sa livre sur la Justice : "Les Sybarites, après la destruction du gouvernement autocratique de Télys, mirent à la mort ceux qui avaient pris fait et cause pour lui et les assassinèrent aux marches des autels. . . et à ces meurtres la statue de Héra se retourna, et du sol jaillit une fontaine de sang, de sorte qu'ils furent obligés de bloquer tout l'espace adjacent avec des portes en bronze pour pouvoir arrêter le jet de sang. C'est pourquoi furent ruinées et entièrement détruites ces personnes qui avaient même souhaité obscurcir la gloire des jeux olympiques. Ils attendirent le moment où les jeux se tenaient, et puis, par une offre exagérée de prix, ils essayèrent d'attirer les athlètes dans leur propre pays." [12,22] Mais les Crotoniates, selon Timée, se sont également laissé aller au luxe après le destruction de Sybaris, et leur archonte parcourut la ville habillé d'une robe longue pourpre avec sur la tête une couronne d'or, et chaussé de bottes blanches. Pourtant d'autres prétendent que ceci ne s'est pas produit par extravagance, mais à cause du médecin Démocédès ; il était de naissance citoyen de Crotone, mais il avait rejoint Polycrate, tyran de Samos, et fut fait prisonnier après que la mort de celui-ci et emmené par les Perses chez le grand roi, quand Oroétès tua Polycrate. Démocédès guérit Atossa, l'épouse de Darius et la fille de Cyrus alors qu'elle avait une tumeur au sein, et il demanda comme récompense d'être renvoyé en Grèce, promettant de revenir ; il obtint la permission et regagna Crotone. Il voulut se fixer là, mais un Perse se saisit de lui et déclara qu'il était l'esclave du roi ; mais les Crotoniates enlevèrent Démocédès, et dépouillant le Perse de ses vêtements ils les mirent sur un domestique du magistrat en chef. Depuis lors, il se rend aux autels le septième jour de chaque mois en compagnie de son chef et porte les vêtements perses : ils ne font pas cela par extravagance ou par arrogance mais pour insulter les Perses. Mais plus tard, les Crotoniates aussi, comme le dit Timée, essayèrent de supprimer les jeux olympiques en installant en même temps qu'eux des jeux avec des très riches prix en argent. Mais d'autres disent que c'était les Sybarites qui l'avaient fait. [12,23] Cléarchos dans le quatrième livre de ses Vies dit qu'après que les Tarentins eurent acquis force et puissance ils en arrivèrent à un tel point de luxe qu'ils s'épilaient la peau entière de leurs corps pour les rendre lisses, et ainsi inaugurèrent cette pratique d'enlever les cheveux chez tous les autres peuples. Tous les hommes, dit-il, portaient un manteau transparent avec un bord pourpre - les vêtements qui sont aujourd'hui un raffinement de la mode féminine. Mais plus tard, poussés par le luxe à l'orgueil, ils détruisirent Carbina, une ville de l'Iapyges, rassemblèrent les garçons, les filles et les femmes dans les temples de Carbina, et là firent un spectacle exposant leurs corps nus aux regards de tous pendant un jour ; et celui qui le souhaitait, sautant sur ce groupe misérable comme des loups sur un troupeau, pouvait passer ses désirs sur la beauté des victimes rassemblées là ; pourtant tandis que tous regardaient, ils se sont peu doutés que c'était surtout les dieux qui regardaient. Les puissances divines furent si fâchées qu'ils foudroyèrent tous les Tarentins qui avait commis cet outrage à Carbina. Et jusqu'à maintenant, à Tarente, chaque maison a autant de colonnes devant ses portes que de membres qu'elle hébergea de la bande expédiée en lapygie ; sur ces colonnes, à l'anniversaire de leur destruction, ils ne se lamentent pas sur les défunts et ne versent pas les libations habituelles en leur honneur, mais sacrifient à Zeus Tonnant. [12,24] Encore sur les Iapyges. Ils étaient originaires de Crète. Ils étaient venus pour rechercher Glaucos et s'étaient établis là ; mais leurs successeurs, oubliant la discipline de la vie des Crétois, se lancèrent dans le luxe, et puis plus tard dans l'arrogance, ils furent les premiers à se maquiller le visage et à porter des perruques fixées à leurs cheveux ; et tandis qu'ils portaient les robes longues aux couleurs vives, ils considéraient le travail et la peine comme une chose honteuse. La plupart d'entre eux rendaient leurs maisons plus belles que les temples : et les chefs des Iapyges, au mépris total de la divinité, pillèrent les statues des dieux des temples en disant qu'elles seraient mieux ailleurs. C'est pourquoi ils furent frappés par les cieux avec le feu et le cuivre, et la postérité garda le nom de celui-ci (le cuivre du ciel). Pour preuve on montrait encore longtemps après les morceaux de cuivre des projectiles du ciel ; et tous les survivants de ces périodes jusqu'aujourd'hui portent les cheveux coupés ras, vêtus de deuil, et se passant de toutes les bonnes choses qu'ils avaient autrefois appréciées. [12,25] Quant aux Ibères, bien qu'ils se promènent dans de jolies robes longues et portent des tuniques leur descendant jusqu'aux aux pieds, cela ne les pas empêchés de montrer leurs forces durant les guerres. Mais les Massiliotes, qui s'habillaient de la même façon que les Ibères, furent des efféminés. En tout cas leur comportement était indécent à cause de la faiblesse de leurs âmes, et ils étaient efféminés à cause de leur luxe; d'où aussi un proverbe courant, "Tu te rends à Massilia" Et les gens qui se sont installés dans Siris, qui fut d'abord occupée par des réfugiés de Troie, et plus tard par des Colophoniens, comme le disent Timée et Aristote, se sont laissé aller au luxe au moins autant que le Sybarites. C'est devenu une coutume particulière à leur pays de porter des tuniques colorées qu'ils lient avec des ceintures très coûteuses, et pour cette raison elles sont appelées tuniques à ceintures par leurs voisins car Homère appelle les hommes sans ceintures ; Le poète Archiloque avait une grande admiration pour le pays des Sirites à cause de sa prospérité. Parlant donc de l'île de Thasos en tant qu'endroit tout à fait inférieur il dit : Pour celui qui ne le sait pas il y a une belle terre, ou désirable ou aimable comme celle autour des flots du Siris. Elle s'appelait Siris, comme l'indiquent Timée et Euripide aussi dans sa Mélanippe enchaînée, du nom d'une femme appelée Siris ; mais selon Archiloque, du nom d'un fleuve. Déjà grande par le luxe et la prospérité, toute cette région le devint aussi par le nombre de ses habitants. C'est pourquoi presque toutes les colonies grecques d'Italie furent appelées la Grande Grèce. [12,26] Les Milésiens, tant qu'ils ne se vautrèrent pas dans le luxe, l'emportaient sur les Scythes, selon Éphore, et aussi fondèrent des villes sur l'Hellespont et colonisèrent le Pont Euxin de villes splendides, et tous allaient à Milet. Mais après qu'ils aient succombé au plaisir et au luxe, la vigueur masculine de l'état s'effondra, comme le dit Aristote, et il y eut un proverbe à leur sujet : Autrefois, il y a bien longtemps, les Milésiens étaient des hommes puissants. Héracléidès du Pont dans le deuxième livre sur la Justice dit : (version A) La ville de Milet est tombée dans les malheurs à cause des dérèglements de sa vie et des dissensions civiles; non contents d'une modération raisonnable, les Milésiens détruisirent leurs ennemis de fond en comble. Les possédants entrèrent en conflit avec le peuple, qu'ils appelaient les Gergithes, et d'abord le peuple prit le dessus, et après avoir expulsé les riches de la ville, ils recueillirent les enfants des exilés sur des aires de battage et les firent fouler aux pieds par des bœufs, les tuant de la mort la plus indigne. Par conséquent les riches, obtenant de nouveau le dessus, recouvrirent de poix et brûlèrent avec leurs enfants tous ceux dont ils se rendirent maîtres. Tandis qu'ils brûlaient, parmi beaucoup d'autres présages on dit qu'un olivier sacré surgit spontanément des flammes. C'est pourquoi le dieu pendant un long temps leur refusa son oracle, et quand ils demandèrent pour quelle raison ils étaient repoussés il leur répondit: Je suis trop soucieux du massacre commis contre les Gergithes sans défense, de leur sort tragique eux qui ont été recouverts de poix et de l'arbre toujours fleuri. (version B) "Le luxe et la division parmi les citoyens précipitèrent la ville de Milet dans le malheur ; toute modération étant bannie, les partis anéantissaient entièrement leurs ennemis. En effet, les riches et les gens du peuple, qu'ils appelaient Gergithes, étant divisés d'opinion, le peuple qui eut d'abord la supériorité, chassa les riches, rassembla tous les enfants de ces malheureux bannis, dans des granges, et, violant tous les droits de la justice, les fit broyer sous les pieds des bœufs. Ensuite, le parti des riches ayant triomphé, ils enduisirent de poix tous ceux qui tombèrent entre leurs mains, avec leurs enfants et les brûlèrent vifs. Pendant ce supplice, on prétend que plusieurs prodiges se manifestèrent, et qu'entre autres l'olivier sacré s'embrasa de lui-même." Cléarchos dans le quatrième livre de ses Vies dit que les Milésiens rivalisaient avec le luxe des Colophoniens et le transmirent à leurs voisins; et comme on leur reprochait ensuite leur luxe, ils se dirent : Ce qui est de Milet et de notre région est pour nous et non pour tout le monde. [12,27] Cléarchos plus loin dit ceci sur les Scythes: Seule la nation scythe a adopté les premières lois impartiales ; ensuite les Scythes devinrent les plus misérables de tous les mortels à cause de leur insolence. Ils vécurent dans un luxe extraordinaire comme il n'y en eut jamais nulle part, depuis qu'une abondance de toutes choses, la richesse et d'autres avantages s'abattirent sur eux. Il est clair que la façon se s'habiller et le mode de vie existent toujours aujourd'hui chez leurs chefs. Mais après être devenus voluptueux, et au plus haut degré et avoir été les premiers de tous les hommes à se précipiter tête première dans la vie luxueuse, ils en sont arrivés à un tel orgueil qu'ils ont coupé les nez de tous les hommes chez qui ils pénétraient ; et les descendants de ces hommes qui ont émigré en d'autres endroits ont pris un nom dérivé de cet outrage (Rhinocorrutites). Et leurs femmes tatouent les corps des femmes thraces qui habitent près d'elles au nord-ouest, injectant la couleur avec des aiguilles. C'est pourquoi de nombreuses années plus tard, les femmes thraces ainsi outragées effacèrent le souvenir de leur malheur en peignant à leur façon le reste de leur peau, de sorte que la marque de l'outrage et de la honte sur elles, étant maintenant perdue au milieu d'autres dessins, faisait partie de l'ornementation. Et le chef des Scythes en arriva à un tel degré d'orgueil qu'aucun service rendu par ses esclaves n' était exempt de larmes, et de là la phrase composées du mot Scythe était connue de tout le monde. Et ainsi, en raison de la multitude de malheurs qui s'abattirent sur les Scythes, et après qu'ils se furent dépouillés, dans leur deuil, du bonheur de leurs vies aussi bien que de leurs longs cheveux, d'autres peuples au delà de leurs frontières, de toute nationalité, appelèrent le fait de couper les cheveux des autres pour leur faire outrage par le mot aposcythiser. [12,28] Callias (ou Dioclès) se moque de tous les Ioniens sans exception dans le Cyclope quand il dit : Dis, raconte-nous, ce que fait de nos jours la luxueuse Ionie aux belles tables? et les habitants d'Abydos (ce sont des colons de Milet) sont tout à fait négligents dans leurs manières et complètement détraqués, comme Hermippos le dit clairement dans ses Soldats: A. Salut, bataillon d'outre-mer, qu'allons-nous faire? A juger par vos regards, vous êtes mous de corps, avec vos longues boucles de jeunes dandys, et votre force de bras. B. Ne vous êtes-vous jamais aperçus qu'un natif d'Abydos ne s'est jamais comporté en homme? Et Aristophane dans son Triphallos se moque accessoirement beaucoup des Ioniens: Ensuite tous les étrangers distingués qui le talonnaient et le sollicitaient avec insistance l'un pour savoir comment il irait à Chios vendre l'enfant, l'autre comment il le vendrait à Clazomènes, un autre comment il le vendrait à Éphèse, encore un autre, comment il le vendrait à Abydos. C'était partout des "comment". Sur les habitants d'Abydos Antiphon écrit ceci dans le discours contre Alcibiade, un procès de diffamation: Après avoir atteint ta majorité, et avec l'approbation de tes tuteurs, tu as reçu d'eux ta propriété et tu es parti loin à Abydos, non dans l'intention d'éteindre tes dettes, ni d'obtenir encore une proxénie, mais pour apprendre plutôt des femmes les façons de faire d'Abydos qui correspondaient à ta propre anarchie et licence d'esprit, afin de pouvoir les employer dans ta future carrière. [12,29] Les Magnésiens, aussi, qui vivent près du Méandre, périrent à cause de leur luxe excessif, comme le dit Callinos de ses Élégies, ainsi qu'Archiloque; car ils furent battus par les Éphésiens. Quant aux Éphésiens eux-mêmes, Démocrite d'Éphèse, dans le premier de ses deux livres sur le temple d'Éphèse, passant en revue leur luxe et leurs vêtements teints qu'ils portaient, écrit ceci : Les vêtements des Ioniens sont teints en violet, en rouge et en jaune, sont tissés avec des motifs losange; mais les bords supérieurs sont marqués à intervalles réguliers de reproductions d'animaux. Et il ont des robes longues appelées sarapeis teintes en vert-pomme, rouge, et blanc d'autres encore de pourpre. Et longues robes longues (kalasireis) de fabrication corinthienne ; certaines de ces dernières sont pourpre, d'autres violettes, d'autres rouge foncé ; on peut également acheter ces robes longues de couleur de flamme ou vert d'eau. Il y a également des kalasireis persans, qui sont de loin les meilleurs. On peut également voir, continue Démocrite, ce qu'on appelle les aktaiai, et c'est en fait le plus coûteux des vêtements perses. Il est tissé de manière compacte pour lui donner solidité et légèreté, et est recouvert partout de perles d'or; toutes les perles sont fixées du côté intérieur de la robe longue par une corde pourpre attachée au centre. Il dit que les Éphésiens de servent de tout cela dans leur désir de luxe. [12,30] Traitant du luxe des Samiens, Douris cite des vers d'Asius pour prouver qu'ils portaient des bracelets aux bras, et quand ils célébraient la fête d'Héra ils allaient les cheveux longs soigneusement peignés leur tombant sur la poitrine et les épaules. Cette coutume est attestée aussi par ce proverbe, "Marcher vers l'Heraeum avec les cheveux tressés." Voici les vers en hexamètre d'Asius : Et quand ils ont peigné leurs boucles, ils se pressent dans l'enceinte d'Héra, recouverts de beaux vêtements de cérémonie, avec des tuniques neigeuses qui balayent le sol de la large terre; et des broches les surmontent comme des cigales; leurs tresses ondulent sous la brise au milieu de leurs rubans en or, et les bracelets travaillés avec adresse leur entourent les bras... un guerrier abrité sous son bouclier. [12,31] Heracleides du Pont, dans son livre sur le Plaisir, déclare que les habitants de Samos, après avoir vécu dans un luxe excessif, perdirent leur ville, comme les Sybarites, en raison de leur avarice les uns envers les autres. Les habitants de Colophon, selon Phylarque, avaient au début une discipline rigide, mais après qu'ils se sont laissé aller au luxe en se liant d'amitié et en s'alliant avec les Lydiens ils se sont promenés avec leurs longues boucles ornées de bibelots en or, comme Xénophane le dit aussi : En apprenant des raffinements inutiles chez les Lydiens tandis qu'ils étaient encore exempts de la tyrannie abominable, ils se rendaient à l'assemblée habillés de longues robes de pourpre - ils étaient au moins mille - la mine fière, se complaisant dans leurs belles boucles, trempés d'onguents astucieusement préparés. son bouclier. Et ils devinrent si dissolus dans leur débauche qui n'est pas de saison que certains d'entre eux ne voyaient jamais le soleil se lever ou se coucher; ainsi ils firent une loi, qui était toujours en vigueur de nos jours, que les joueuses de flûte, les joueuses d'harpe et tous les amuseurs devaient recevoir leur salaire du petit matin jusqu'à midi, et de là jusqu'à la lumière artificielle; et à partir de ce moment ils se plongeaient dans la boisson pour le reste de la nuit. Théopompe indique dans le quinzième livre de ses Histoires que des milliers d'entre eux se pressaient dans la ville portant des robes longues pourpres; c'était, chacun le sait, était à cette époque, une couleur rare même pour des princes, et elle était fort recherchée. Le pourpre était estimé à l'équivalent à son poids en argent. C'est pourquoi, à cause de ce genre de vie ils s'impliquèrent dans des querelles de tyrannie et de partis, et furent détruits avec leur patrie. Diogène de Babylone dans le premier livre de ses Lois raconte la même chose sur eux. Et Antiphane dit ceci sur le luxe de tous les Ioniens en général dans son Dodona: D'où viennent-ils et où demeurent-ils? Est-ce une foule d'Ioniens revêtus magnifiquement, délicats et portés au plaisir, qui arrive ici? Théophraste, aussi, dans son livre sur le Plaisir, dit que les Ioniens ainsi que d'autres peuples, à cause de leur excès de luxe. . . encore maintenant le proverbe d'or a survécu. [12,32] Et Théopompe dans le huitième livre de son Histoire de Philippe dit que certains peuples vivant sur la côte de l'océan étaient efféminés. Et aussi sur les habitants de Byzance et de Calchédoine Théopompe dit: Les habitants de Byzance en ce temps-là ont eu longtemps un gouvernement démocratique; et leur ville était située sur un comptoir commercial, et l'ensemble du peuple passait son temps sur le marché et sur le port; c'est pourquoi ils s'étaient accoutumés à la dissipation, aux amours et à l'ivresse dans les tavernes. Quant aux Calchédoniens, avant de participer avec les habitants de Byzance au gouvernement, ils se consacraient sans cesse à la poursuite d'une vie meilleure; mais après qu'ils eurent goûté aux libertés démocratiques des habitants de Byzance, ils se sont laissé aller à la corruption du luxe, et dans leurs vies quotidiennes, de sobres et mesurés, ils sont devenus ivrognes et dépensiers. Et dans le vingt et unième livre de son Histoire de Philippe Théopompe dit que la nation ombrienne (elle est proche de l'Adriatique) est assez efféminée et à une vie comparable à celle des Lydiens, possédant une bonne terre qui leur a donné la prospérité. [12,33] Parlant des Thessaliens dans le quatrième livre, il dit que Certains passent leurs vies en compagnie continuelle de danseuses et de joueuses de flûte, alors que d'autres passent leur sainte journée à jouer, à boire, et à de semblables dissipations, et ils sont plus intéressés à avoir les tables qui leur sont servies chargées de toutes sortes de délicatesses que de rendre leurs propres vies décentes. Mais de tous les hommes du monde (dit Théopompe) les habitants de Pharsale sont les plus fainéants et les plus dépensiers. Pourtant on le convient généralement que les Thessaliens, ainsi que Critias le dit aussi, sont les plus extravagants de tous les Grecs en ce qui concerne leur nourriture et leur habillement; c'était leur raison pour laquelle les Perses attaquèrent la Grèce, ils voulaient égaler le luxe et l'extravagance des Perses. En ce qui concerne les Étoliens Polybe, dans le treizième livre de ses Histoires, dit que c'est à cause de leurs guerres continuelles et de leurs débauches qu'ils furent accablés de dettes. Et Agatharchides, dans le douzième livre de ses Histoires, dit: Les Étoliens sont plus prompts que d'autres hommes à faire face à la mort, dans la mesure où ils s'évertuent à vivre d'une manière extravagante plus énergiquement que les autres. [12,34] Les Grecs de Sicile étaient aussi célèbres pour leur luxe, en particulier les Syracusains, car Aristophane dit dans les Fêtards Mais ce n'est pas ce qui il a apprit quand je l'ai envoyé à l'école; il a plutôt appris à boire, puis à chanter des chansons salaces, à dresser une table syracusaine et à festoyer comme le font les Sybarites, et à prendre des coupes de Chios, de Laconie... Et Platon dans ses Lettres dit: C'est dans cette intention donc que je suis allé en Italie et en Sicile lors de ma première visite. Mais quand j'y suis arrivé, la façon de vivre là-bas ne me plut absolument pas: pensez à une vie où on est rassasié deux fois par jour, et où on ne peut jamais se trouver seul la nuit, et je ne dis rien de toutes les autres pratiques qui accompagnent ce mode de vie! Avec ces coutumes aucun homme sous le ciel ne pourrait jamais devenir sage s'il les poursuit depuis son enfance, et personne ne peut même commencer à être vertueux." Et dans le troisième livre de la République il écrit ceci: Quant à la table syracusaine et aux mets variés de Sicile, il ne semble pas, mon ami, que tu les approuves, si nos prescriptions te paraissent justes; Non Tu n'approuveras pas non plus que des hommes qui doivent rester en bonne forme aient pour maîtresse une jeune fille de Corinthe ?" Point du tout. Ni qu'ils s'adonnent aux délices renommées de la pâtisserie attique ? [12,35] Posidonius, dans le seizième livre de ses Histoires, parlant des villes de Syrie et de leur luxe, dit ceci: En tout cas les habitants dans les villes, en raison de la grande abondance de leurs terres (étaient soulagés) de toute angoisse en ce qui concerne les nécessités de la vie; c'est pourquoi ils tenaient beaucoup de réunions où ils se festoyaient continuellement, en utilisant le gymnase comme si c'était un bain, se parfumant d' huile et de parfums rares, et vivant dans des grammateia (halls publics) - c'est ainsi qu'ils appelaient leurs salles de banquet - comme si c'était leur maison privée et ils y passaient une grande partie de leur journée à s'y remplir la panse de vin et d'une nourriture si abondante qu'ils en ramenaient beaucoup chez eux et ils enchantaient leurs oreilles avec le bruit retentissant d'une lyre fabriquée avec une tortue, de sorte que leur ville résonnait d'un bout à l'autre à ce vacarme. Et Agatharchides dans le trente-cinquième livre de son Histoire de l'Europe dit Les Arycandiens de Lycie, qui se trouvent aux frontières des Limyriens, se sont endettés à cause de leur prodigalité et de l'extravagance de leur vie, et comme ils ne pouvaient plus payer leurs dettes à cause de leur paresse et de leur volupté, ils se sont prêtés aux projets ambitieux de Mithridate en pensant qu'ils auraient comme récompense l'abolition de leurs dettes. Et aussi dans le trente et unième livre il dit que les Zacynthiens ne valaient rien à la guerre parce qu'ils étaient accoutumés de vivre luxueusement au milieu d'abondantes richesses. [12,36] Polybe, dans le septième livre de son Histoire, écrit que les habitants de Capoue, dans la Campanie, amassèrent tant de richesses à cause de la bonté de leur territoire, qu'ils se livrèrent à la volupté et au luxe le plus somptueux, au point de surpasser tout ce que l'on avait rapporté des Crotoniates et des Sybarites devenus si célèbres par ce vice. Ne pouvant, dit-il, supporter le poids de leur opulence, ils appelèrent Hannibal : aussi furent-ils, dans la suite, accablés par les Romains des maux les plus pesants et les plus atroces. Les Pétélénins, au contraire, fidèles observateurs de la foi jurée aux humains, lorsque Hannibal vint les assiéger, lui résistèrent avec tant de courage et de constance, qu'après s'être nourris de tous les cuirs qui étaient renfermés dans la citadelle, et avoir même consommé toutes les écorces et tous les rejetons un peu tendres des arbres que contenaient leurs murs, après onze mois de siège, ne recevant de secours de personne, ils en furent enfin réduits à se rendre aux Carthaginois, avec le consentement des Romains, qui accordaient les plus grands éloges à leur fidélité. [12,37] Des Curètes Phylarque, dans le onzième livre de ses Histoires cite Eschyle qui dit qu'ils ont reçu leur nom en raison de leur luxe. Une boucle de cheveux comme ornement comme chez les jeunes filles délicates; d'où ils ordonnent d'appeler le peuple "Curète" (de Kouros). Agathon dans Thyeste décrit les prétendants à la main de la fille de Pronax arrivant parés de toutes les façons et portant les cheveux bouclés; mais n'obtenant pas ce qu'ils voulaient (ils disent): Nous avons tondus nos cheveux, témoins de notre luxe, une possession que nous désirions vraiment quand nos cœurs étaient dans la joie. Mais dorénavant nous avons gagné la gloire d'un nouveau nom, celui de Curètes en raison de notre chevelure coupée ras (kourimos). Aussi les habitants de Cumes en Italie selon Hyperochus ou celui qui a écrit l'histoire de Cumes qu'on lui attribue, portaient continuellement des ornements d'or et des vêtements aux couleurs gaies et se promenaient dans le pays avec leurs épouses dans des chariots à deux chevaux. [12,38] Et voilà tout dont je me souviens du luxe des nations et des villes. Et maintenant voila ce que je sais sur celui des individus. Ctésias dans le troisième livre de son histoire de Perse dit que tous ceux qui ont gouverné l'Asie se sont vautrés dans le luxe, mais surtout Ninyas le fils de Ninus et de Sémiramis. Il restait à l'intérieur et personne ne le vit jamais sauf ses eunuques et ses propres épouses. Tel était aussi Sardanapale, que certains considèrent comme le fils d'Anacyndaraxes, et d'autres celui d'Anabaraxares. Arbaces, un Mède de naissance, et un des généraux de son royaume, complota avec un eunuque appelé Sparameizes pour voir Sardanapale, et le roi donnant à contrecœur son consentement, il fut autorisé à le voir; quand le Mède entra et vit le roi avec le visage maquillé de blanc et recouvert de bijoux comme une femme, cardant des laines pourpres en compagnie de ses concubines et assis parmi elles les genoux levés, les sourcils noircis, portant la robe de femme et se faisant raser complètement la barbe et le visage frotté à la pierre ponce (il était encore plus blanc que le lait, et ses paupières étaient peintes), et quand il regarda Arbaces il fit dégouliner le blanc de ses yeux; la plupart des historiens, et parmi eux Douris, disent que cet Arbaces, outragé en pensant qu'une telle personne devrait était son roi, le poignarda à mort. Mais Ctésias dit que le roi entra en guerre, et après avoir rassemblé une grande armée fut battu par Arbaces et mourut en se faisant brûler dans son palais; il entassa un bûcher de quatre cents pieds de haut, sur lesquels il plaça cent cinquante divans en or et un nombre égal de tables, celles-ci également en or. Sur le bûcher il construisit une chambre en bois de cent pieds de long dans laquelle il installa les divans et s'y installa la reine et lui, et les concubines étaient sur les autres divans. Quant à ses trois fils et à deux filles, quand il vit que tout tournait mal, il les avait envoyés précédemment chez le roi de Ninive, en leur donnant trois mille talents en or; il couvrit alors la chambre de faisceaux énormes et épais, et empila tout autour des monceaux de bois de construction épais de sorte qu'il ne pouvait y avoir aucune sortie. Il plaça à l'intérieur dix millions de talents d'or, cent millions d'argent, et des vêtements, de tissus de pourpre, et des robes longues de toutes sortes. Alors il donna l'ordre d'allumer le bûcher, et celui-ci brûla pendant quinze jours. Le peuple regarda la fumée avec étonnement et pensait qu'i offrait des sacrifices; seul l'eunuque était au courant des faits. Et ainsi Sardanapale, après avoir profité des plaisirs d'étranges manières, mourut aussi noblement qu'il le put. [12,39] Cléarque, dans son histoire du Roi des Perses, dit : A ceux qui lui fournissaient des mets délicats il donnait des prix. . . montrant son esprit; c'est, je pense, le proverbe : Un morceau pour Zeus et en même temps un morceau pour le roi. C'est pourquoi Sardanapale, qui était l'homme le plus riche du monde, qui attacha une grande valeur au plaisir durant toute son vie, montra aussi dans la mort, par son attitude sur son tombeau, en claquant des doigts, qu'il faut prendre les affaires humaines avec dérision et qu'elles ne valent pas plus qu'un claquement de doigt : c'est comme cela qu'il est représenté deux fois dans le cortège choral. . . Pourtant il s'intéressait à d'autres sujets ( que le plaisir). Car il est clair que Sardanapale ne fut pas complètement inactif, comme il est prouvé par l'inscription sur son tombeau: Sardanapale fils d' Anacyndaraxes construisit Anchiale et Tarse en seul jour, pourtant maintenant il est mort. Amyntas dit dans le troisième livre de ses Etapes qu'à Ninive il y avait un tertre élevé que Cyrus fit démolir en dressant un talus contre la ville pendant le siège; et que ce tertre était l'œuvre de Sardanapale, qui avait été roi de Ninive; sur ce tertre se trouvait une colonne en pierre, sur laquelle il y avait une inscription en langue chaIdéenne, que Chocrilus a traduite et mise en vers; la voici: Je suis devenu roi, et en regardant la lumière du soleil, j'ai bu, j'ai mangé, j'ai aimé, sachant que le temps que les mortels vivent est court, et qu'il procure beaucoup d'aléas et de malheurs, et que d'autres jouissent des plaisirs que je laisse. C'est pourquoi je n'ai laissé aucun jour sans agir ainsi. Et Clitarque dans le quatrième livre de son Histoire d'Alexandre dit que Sardanapale mourut fort âgé après a voir été déposé du trône de la Syrie. Aristubulus dit: A Anchiale, que construisit Sardanapale, Alexandre posa son camp quand il marchait contre les Perses. Et non loin de là on voyait le tombeau de Sardanapale sur lequel se trouvait une figure en pierre avec les doigts de la main droite réunis étroitement, comme s'il les faisait claquer. Sur celle-ci était inscrit en lettres assyriennes : "Sardanapale, fils d'Anacyndaraxes, a construit Anchiale et Tarse en un jour. Mangez, buvez, et jouez; les autres choses ne valent rien" : c'est la signification, semble-t- il, du claquement de mains." [12,40] Cependant Sardanapale n'était pas le seul à se dorloter, il y avait également Androcottus le Phrygien. Lui aussi portait des vêtements fleuris et se pomponnait plus qu'une femme, comme Mnaseas le dit dans son troisième livre sur l'Europe. Et Cléarque dans le cinquième livre de ses Vies dit que Sagaris le Mariandynien dans sa volupté s'est alimenté jusqu'à sa vieillesse aux lèvres de sa nourrice ne souhaitant pas s'ennuyer à mastiquer, et que jamais il ne porta la main plus bas que son nombril. A ce propos Aristote aussi disait en plaisanterie de Xénocrate de Chalcédon que quand il pissait il ne tenait jamais son sexe, et il disait: Mes mains sont pures, c'est mon esprit qui est corrompu. Ctésias cite cet Annarus, le vice-roi du grand roi et le souverain de Babylone, qui portait des vêtements et des ornements de femme, et bien qu'il fut lui-même un esclave du roi, il venait toujours dîner chez lui accompagné de cent-cinquante femmes, jouant de la harpe et chantant. Et elles continuaient à jouer et chanter pendant qu'il dînait. Le poète Phoenix de Colophon, parlant de Ninus dans le premier livre de ses Iambes dit: Il y avait un homme appelé Ninus, ainsi que je l'ai entendu dire, un Assyrien; il avait un océan d'or, des talents bien plus nombreux que les sables de la Caspienne; il n'a jamais regardé une étoile, et, s'il le faisait , il ne recherchait pas la signification; il ne s'occupait pas du feu sacré avec les mages comme le voulait la coutume en tendant les mains vers le dieu avec les baguettes; ce n'était pas un orateur, ni un législateur, il ne savait pas parler au peuple ni le compter, mais il était le meilleur pour manger et pour boire et pour aimer tandis qu'il jetait aux pierres toutes les autres affaires. Quand l'homme mourut, il laissa derrière lui une parole pour dire à tous les hommes où Ninus se trouve maintenant, et son tombeau la chante: Écoute, Assyrien ou Mède ou Coraxien ou Sindien chevelu des marais nordiques; j'étais jadis un souffle appelé Ninus, maintenant je ne suis plus rien que de la poussière. Je possède seulement ce que j' ai obtenu dans les banquets, dans le chant, dans l'amour ... Les ennemis sont venus et ont pillé notre richesse comme les Bacchantes déchirent la chair crue d'un enfant. Moi je suis allé vers Hadès en n'emmenant ni mon or ni mon cheval ni mon chariot en argent; moi qui portait la tiare, je gis ici, tas de poussière. [12,41] Théopompe dans le quinzième livre de son Histoire de Philippe dit que Straton le roi de Sidon, surpassa tous les hommes dans le plaisir et le luxe. Les festivités qu'Homère dans son histoire attribue aux Phéaciens, qui buvaient et écoutaient des joueurs de harpe et des rhapsodes, occupaient continuellement le temps de Straton. Mais Straton continua longtemps sa poursuite folle des plaisirs de la vie. Alors que les Phéaciens, selon Homère, festoyaient en compagnie de leurs épouses et de leurs filles, Straton, lui, tenait assemblée avec des joueuses de flûte, de chanteuses et de filles qui jouaient de la harpe; et il avait l'habitude de réunir beaucoup de courtisanes du Péloponnèse, beaucoup de chanteuses d'Ionie, sans compter des filles de toutes les régions de la Grèce, des chanteuses et des danseuses; il avait l'habitude de concourir avec elles avec ses amis, et il passait tout son temps en leur compagnie, car il appréciait lui-même ce genre de vie, étant par nature esclave de ses plaisirs, mais encore plus parce qu'il essayait de surpasser Nicoclès. Il se faisait qu'ils étaient excessivement jaloux l'un de l'autre, et chacun était désireux d'avoir un plus grand plaisir et une plus grande aisance que l'autre; ils en arrivèrent à une telle rivalité, comme nous l'avons entendu dire, qu'ils demandaient de tous ceux qui arrivaient les arrangements des maisons et de la richesse des sacrifices qui s'y tenaient et faisaient alors l'impossible pour les surpasser dans ces domaines. Et ils faisaient tout pour paraître riches et très heureux. Néanmoins ils ne furent pas heureux jusqu'à la fin de leur vie, mais l'un et l'autre périrent d'une mort violente. Ainsi Anaximène, dans son livre sur les Vicissitudes des rois, après avoir raconté presque les mêmes faits au sujet de Straton, indique qu'il fut constamment en rivalité avec Nicoclès, le roi de Salamis de Chypre, pour l'ardeur du luxe et de la licence, et que tous les deux périrent d'une mort violente. [12,42] Et dans le premier livre de son Histoire de Philippe, Théopompe parlant de Philippe dit: Et deux jours plus tard il arriva à Onocarsis, une région de Thrace qui avait une plantation très bien arrangée et bien adaptée pour un séjour plaisant, particulièrement durant l'été. En fait c'était un des séjours favoris de Cotys, qui, plus que n'importe quel autre roi qui avait gouverné la Thrace, s'était lancé dans le plaisir et le luxe, et chaque fois qu'il parcourait le pays, partout où il découvrait des endroits ombragés avec des arbres et arrosés de sources, il les transformait en endroits de festins; et il les visitait alternativement, au hasard, faisait des sacrifices aux dieux et tenait cour avec ses lieutenants, heureux et riche jusqu'à ce qu'il blasphéma et offensa Athéna. Et l'historien dit plus loin que Cotys organisa un banquet sous prétexte de se marier avec Athéna, et après avoir fait construire une chambre nuptiale il attendit la déesse complètement ivre. Et déjà entièrement fou il envoyait un de ses gardes du corps pour voir si la déesse était arrivée à la chambre nuptiale. Quand le pauvre homme revint pour lui dire qu'il n'y avait personne dans la chambre, Cotys le tua d'un coup de flèches et envoya un second garde qu'il tua pour la même raison, jusqu'à ce que un troisième homme ait astucieusement dit que la déesse était arrivée depuis longtemps et qu'elle l'attendait. Ce roi, par le passé, dans sa jalousie contre sa propre épouse avait découpé sa pauvre femme de ses propres mains, commençant par le sexe. [12,43] Dans le treizième livre de son Histoire de Philippe Théopompe racontant l'histoire de Chabrias d'Athènes dit: Mais il ne pouvait pas vivre dans la ville, en partie à cause de sa licence et des dépenses somptueuses que lui coûtaient sa façon de la vie, et aussi à cause des Athéniens; ils sont durs en vers tout le monde; c'est pourquoi leurs hommes distingués choisirent de passer leur vie en dehors de la ville, Iphicrate en Thrace, Conan à Chypre, Timothée à Lesbos, Charès à Sigée et Chabrias lui-même en Égypte. Et de Charès il dit encore dans le quarante-cinquième livre: Charès était mou et lent, bien qu'il ait déjà vécu une vie de luxe; il emmenait lors de ses campagnes molitaires des joueuses de flûte, de harpe et de simples prostituées, et les sommes d'argent qu'il avait reçues pour la guerre, il en dépensait une partie pour son propre vice, et le reste il le laissait à Athènes pour les orateurs publics et ceux qui faisaient des décrets, et aussi pour des particuliers dont les jugements étaient en suspens; et les Athéniens n'ont jamais pourtant montré de l'ingignationl au contraire c'est pour cela que les citoyens l'aimaient d'autant plus, et car eux-mêmes vivaient de la même façon, de sorte que les jeunes gens passaient leur temps chez de misérables petites joueuses de flûte et dans les maisons de prostituées, alors que ceux qui étaient un peu plus vieux qu'eux se livraient à la boisson, au jeu et à d'autres prodigalities semblables et le peuple dans l'ensemble gaspillait plus d'argent dans des banquets publics et dans des distributions de viande que dans l'administration de l'état. Et dans le livre de Théopompe intitulé sur les richesses enlevées à Delphes celui-ci dit: A Charès d'Athènes, par l'intermédiaire de Lysandre, on donna soixante talents. Avec cette somme il régala les Athéniens dans l'agora, offrant des sacrifices pour sa victoire dans la bataille qui avait remportée sur les mercenaries de Philippe. Ceux-ci étaient commandés par Adaeus, surnommé le Coq, à qui Heracleides, l'auteur de comédies, fait référence en ces mots: Il a attrapé le coq de Philippe alors qu'il chantait trop tôt et qu'il errait aux environs, et il l'a taillé en pièces; il n'avait plus de crête. Charès n'a taillé en pièce qu'une armée, mais a régalé beaucoup d'Athéniens à cette occasion; comment il était généreux ! Les mêmes faits sont repris également par Doris. [12,44] Idoménée dit que les Pisistratides Hippias et Hipparque inventèrent les banquets et les festivités; c'est pourquoi il eut chez eux abondance de chevaux ainsi que beaucoup d'autres choses, avec comme résultat que leur commandement devint tyrannique. Mais leur père Pisistrate se livra modérément aux plaisirs de sorte qu'il ne mit pas de gardes dans ses domaines ni dans ses jardins, comme le dit Théopompe dans le vingt et unième livre, mais laissa entrer tout qui le souhaitait et prendre ce qu'il désirait; et c'est ce que fit plus tard Cimon d'après son exemple. En ce qui concerne Cimon Théopompe, dans son dixième livre de son Histoire de Philippe dit : Cimon d'Athènes ne posta aucun garde dans ses domaines et jardins pour surveiller les récoltes et les fruits, parce qu'il voulait que tous les citoyens qui souhaitaient y entrer recueillent les fruit et prennent parmi les produits du domaine tout ce qu'ils désiraient. En outre, il laissait sa maison ouverte à tous; et un repas simple était toujours prêt pour un grand nombre de personnes, et les pauvres d'Athènes qui venaient à lui pouvaient y entrer et dîner. Et également il prêtait l'oreille à tous ceux qui tous les jours venaient lui demander de l'aide, et on dit qu'il avait près de lui deux ou trois jeunes camarades qui avaient de la petite monnaie et il leur ordonnait de la distribuer chaque fois que quelqu'un approchait pour demander l'aide. On affirme également qu'il contribua de même aux dépenses funèbres. Voici une autre chose qu'il fit souvent : toutes les fois qu'il voyait un citoyen mal vêtu il ordonnait à un des jeunes hommes de son entourage d'échanger ses vêtements avec l'homme. C'est pour toutes ces raisons qu'il était apprécié et qu'il fut le premier parmi les citoyens. Mais Pisistrate était aussi cruel en de nombreuses occasions, d'où certains disent même que le visage de Dionysos à Athènes était son image. [12,45] Quant à Périclès l'Olympien, Héraclide du Pont dans son livre sur le Plaisir dit qu'il renvoya son épouse de sa maison et préféra une vie de plaisir; et ainsi il vécut avec Aspasie, la courtisane de Mégare, et dilapida la plupart de ses biens pour elle. Et Thémistocle, alors que jusque-là les Athéniens ne s'adonnaient pas aux plaisirs ni ne recouraient aux prostituées, ouvertement attela quatre courtisanes à un chariot et les conduisit le matin à travers le Céramique alors que celui-ci était rempli de monde. Idomémée dans son livre se demande s'il a mis le joug à quatre courtisanes comme à des chevaux ou s'il les a fait monter dans le char. Possis, dans le troisième livre de son Histoire de Magnésie, dit que Thémistocle, après avoir assumé sa charge à Magnésie qui lui donnait le droit de porter une couronne, fit des sacrifices à Athéna et fit appeler la fête Panathénées, et ensuite après un sacrifice à Dionysos Choopotès il institua la fête des Cruches. Mais Cléarque dans son premier livre sur l'Amitié dit que Thémistocle, bien qu'il ait fait construire un très beau triclinium, aurait déclaré qu'il aurait été plus heureux s'il avait pu se rassasier avec des amis. [12,46] Chamaeleon du Pont dans son livre sur Anacréon, citant ce vers, L'infâme Artémon a jeté son grappin sur le blond Eurypyle, explique qu'Artémon portait ce surnom parce qu'il vivait dans le luxe et se faisait porter en litière. Et Anacréon montre qu'il passa de la pauvreté au luxe dans ces vers: Auparavant il avait l'habitude de porter un manteau en loques, des habits serrés à la taille, des perles en bois dans les oreilles et un peau de boeuf rapée attachée à son côté, la couverture non lavée d'un pauvre bouclier - le misérable Artémon, associé à des vendeuses de pain et à des prostituées de bas étage, concevant une vie de mensonge; souvent son cou a été attaché à la lance, à la roue, souvent son dos a été fouetté avec de larges lanières de cuir et les cheveux de sa tête et sa barbe lui ont été arrachés. Mais aujourd'hui, fils de Cycê, il monte un char et porte des colliers d'or, et porte un parasol en ivoire juste comme une femme. [12,47] Sur le bel Alcibiade Satyrus raconte: On dit que quand il était en Ionie il était plus voluptueux que les Ioniens; quand il était à Thèbes, il était plus Béotien que le Thébains eux-mêmes dans ses exercices corporels et de gymnastique; quand il était en Thessalie, il s'occupait plus de chevaux et de chars que les Aleuades; quand il était à Sparte il pouvait surpasser les Spartiates en endurance et en simplicité de vie; et il surpassait les Thraces pour boire du vin pur. Pour tester son épouse, il lui envoya mille dariques comme si c'était quelqu'un d'autre qui les envoyait. Il était très beau d'aspect, il se laissa pousser les cheveux pendant une très grande partie de sa vie, et il portait des chaussures d'un modèle époustouflant, qu'on appela des Alcibiades. Quand comme chorège il entrait dans le théâtre avec le cortège, vêtu de pourpre, aussi bien les hommes que les femmes l'admiraient. C'est pourquoi Antisthène, le disciple de Socrate, qui avait vu Alcibiade de ses propres yeux, affirme qu'il était fort, viril, cultivé, audacieux, et beau à chaque période de sa vie. Chaque fois qu'il voyageait à l'étranger il utilisait quatre villes alliées comme si elles étaient ses servantes : les habitants d'Éphèse lui installaient une tente persane, ceux de Chios lui fournissaient le fourrage pour ses chevaux, ceux de Cyzique lui donnaient des animaux pour les sacrifices et la distribution de viande, quant au vin et à tout ce qu'il avait besoin pour ses nécessités quotidiennes c'étaient les habitants de Lesbos qui les lui fournissaient. Revenant d'Olympie, il plaça à Athènes deux tableaux peints par Aglaophon: sur l'un de ceux-ci étaient représentés les jeux olympiques et pythiques plaçant des couronnes sur sa tête, et sur l'autre il y avait Némée assise avec Alcibiade sur les genoux : son visage paraissait plus beau que celui des femmes. Et même lorsqu'il était un général il voulut être élégant; il portait, par exemple, un bouclier en or et en ivoire, sur lequel il y avait l'emblème d'Éros lançant la foudre comme s'il lançait une javeline. Une jour qu'il faisait irruption dans une partie fine chez Anytos, qui était son riche amant, en compagnie d'un de ses bons compagnons, Thrasyllos (qui était pauvre), il porta un toast à Thrasyllos avec la moitié des coupes qui se trouvaient sur le buffet et commanda aux serviteurs de porter le reste chez Thrasyllos; alors, après avoir montré de cette façon son affection pour Anytos, il prit congé. Et quand des gens lui reprochèrent qu'Alcibiade avait agi de façon inconsidérée, Anytos répondit en homme du monde et en amoureux qu'il était, "Pas du tout, par Zeus; il a plutôt agi avec grande considération : il pouvait les prendre toutes et il n'en a pris que la moitié." [12,48] L'orateur Lysias, parlant de sa débauche dit: Axiochos et Alcibiade naviguaient ensemble vers Hellespont et ils se marièrent tous les deux avec Medontis d'Abydos, avec qui ils cohabitèrent. Plus tard ils eurent une fille : ils prétendirent ne pas savoir de qui elle était le père. Mais quand elle fut nubile, ils cohabitèrent également avec elle; chaque fois qu'Alcibiade la baisait, il disait qu'elle était la fille d'Axiochos; mais quand Axiochos faisait de même il disait qu'elle était la fille d'Alcibiade. Il est ridiculisé aussi par Eupolis dans le Flatteurs comme un débauché dans ses relations avec les femmes, dans ces mots: A. Qu'Alcibiade cesse d'être une femme. ALC. Tu déraissonnes ! Pourquoi ne rentres-tu pas exercer ta propre épouse? Et Phérécrate dit: Alcibiade n'étant pas, à ce qui semble, un homme, il est aujourd'hui le seul homme de toutes les femmes." Quand il était à Sparte il séduisit Timaea, l'épouse du roi Agis; et quand certaines personnes lui reprochèrent son acte, il répondit qu'il n'avait pas couché avec elle par incontinence, mais parce qu'il l'avait fait pour que l'enfant de lui devienne roi de Sparte et que plus jamais les rois ne prétendent descendre d'Heraclès mais d'Alcibiade. Quand il commandait l'armée il emmenait partout avec lui Timandra, mère de Laïs la Corinthienne et Theodotê, la courtisane athénienne. [12,49] Après sa fuite il rendit les Athéniens maîtres de l' Hellespont et envoya à Athènes plus de cinq mille Péloponnésiens qu'il avait capturés; et plus tard, avant de rentrer dans sa patrie, il couronna les trirèmes athéniennes de branches vertes, de banderoles et de rubans, et il attacha rapidement les vaisseaux capturés, au nombre de deux cents, dont il avait fait couper les becs de la proue et les fit remorquer avec les transports de chevaux qui étaient également remplis du butin et des armes pris aux Spartiates et aux Péloponnésiens et il entra dans le port. Et la trirème dans laquelle il rentra lui-même allait devant avec des voiles pourpres jusqu'à ce qu'il eut atteint l'entrée du Pirée. Et quand il fut à l' intérieur et que les rameurs eurent saisi leurs avirons, Chrysogonus, habillé de la robe longue delphique, commença à jouer la triérique tandis que l'acteur tragique Callippidès frappait la mesure pour lui, vêtu de son costume de théâtre. Alors quelqu'un dit avec esprit : "Sparte ne pouvait accepter deux Lysandres, et Athènes deux Alcibiades." Alcibiade imita aussi les habitudes persanes de Pausanias, et pour gagner les faveurs de Pharnabaze il avait l'habitude de s'habiller dans de la robe longue persanne et il avait appris la langue perse, comme l'avait fait aussi Thémistocle. [12,50] Douris dans le vingt-deuxième livre de ses Histoires dit : Pausanias, roi de Sparte, abandonnant le manteau grossier de son pays s'habilla de la robe persanne. Denys, le tyran de la Sicile, endossa une longue robe et une couronne d'or, sans compter un manteau habituellement porté par les acteurs tragiques. Et Alexandre, dès qu'il devint maître de l'Asie, commença à porter la robe perse. Mais Démetrius les surpassa tous; il portait des chaussures fort coûteuses; quant à leur forme, c'était pratiquement une demi-botte, mais il y avait une couche de feutre de pourpre le plus cher; dans celle-ci les ouvriers avaient tissé, derrière et devant, un motif compliqué en or. Ses clamydes étaient de couleur gris-foncé brillante, et on y avait tissé l'univers avec ses étoiles en or et les douze signes du zodiaque. Sa mitre était ornée de paillettes d'or, et faisait tenir étroitement en place un chapeau de pourpre; les bouts des franges de son étoffe tissée tombaient dans son dos. Quand les fêtes du Déméter furent célébrées à Athènes, on le représenta, dans un tableau sur le mur du proscenium, chevauchant le monde habité. Nymphis d'Héraclée, dans le sixième livre sur sa Patrie, dit: Pausanias, le vainqueur Mardonius à Platée, abandonna définitivement les coutumes spartiates, et quand il fut à Byzance il se livra tout entier à l'arrogance; il eut l'impudence d'inscrire sur la coupe en bronze consacrée aux dieux dont les sanctuaires sont à l'entrée - et cette coupe existe encore aujourd'hui - l'épigramme suivante comme si c'était à lui seul qu'il la dédicaçait, oubliant tout à fait son arrogance dévergondée: "Pausanias gouverneur de la Grèce aux larges espaces, du Pont-Euxin, Lacédémonien de naissance, fils de Cleombrotos, de la race antique d'Héraclès a dédié ce monument du courage au seigneur Poseidon." [12,51] Pharax le Spartiate vécut également luxueusement, comme le raconte Théopompe dans son quarantième livre; et il se livra aux plaisirs avec une telle licence et sans compter qu'on pouvait pour cela le prendre plus facilement pour un Grec de Sicile que, en raison du lieu de sa naissance, pour un Spartiate. Dans le cinquante-deuxième livre Théopompe dit que le Spartiate Archidamos laissa tomber son mode de vie traditionnel et adopta des coutumes étrangères et efféminées; c'est pourquoi il ne put souffrir de rester chez lui, mais fit l'impossible pour rester toujours à l'étranger afin de satisfaire sa débauche. Ainsi, quand les habitants de Tarente envoyèrent une ambassade pour demander une alliance, il s'empressa d'aller les aider; et quand il arriva et qu'il fut tué pendant la guerre, on ne lui accorda même pas les honneurs d'un enterrement, bien que le habitants de Tarente aient promis de grandes sommes d'argent à l'ennemi pour rapatrier son corps. Phylarque dans le dixième livre de ses Histoires dit qu'Isanthès, qui devint roi de la tribu des Thraces appelée les Crobyzi, surpassa tous ses contemporains dans le luxe. Il était riche et beau. Et dans le vingt-deuxième livre le même auteur dit que Ptolémée, le second de ce nom qui fut roi d'Égypte, malgré qu'il fut le plus auguste de tous les princes et qu'il se fut consacré, plus que les autres, à la culture et à l'étude, néanmoins il eut l'esprit tellement dénaturé et fut corrompu par son amour incommensurable du luxe qu'il pensait qu'il allait vivre éternellement, et prétendait qu'il était le seul à avoir trouvé le moyen de ne pas mourir. Et ainsi, torturé par une attaque de goutte qui dura plusieurs jours, quand il a commença à se sentir légèrement mieux, et voyant par des fenêtres des Égyptiens à l'heure du déjeuner mangeant sur la rive du fleuve de la nourriture simple alors qu'ils étaient étendus sur le sable, il poussa un cri, "Malheureux que je suis ! Quand je pense que je ne peux même pas être un de ceux-là! " [12,52] Pour ce qu'il en est de Callias et de ses flatteurs nous en avons déjà parlé plus haut; mais puisque Héraclide du Pont dans son livre sur le Plaisir raconte quelques faits étranges sur lui, je vais reprendre depuis le début : Il y avait, dit-on, lors de la première invasion des Perses en Eubée, à Érétrie un homme du nom de Diomnestos qui était le trésorier du stratège. Il arriva que l'officier avait placé sa tente dans le domaine qui appartenait à Diomnestos et avait caché l'argent dans une des pièces de la maison. Quand tous moururent, Diomnestos resta seul en possession de l'or sans que personne ne le sache. Mais quand le roi de Perse envoya une nouvelle armée à Eretria, avec ordre de la détruire entièrement, tous les gens riches mirent leur argent en sécurité. C'est pourquoi les survivants de la famille de Diomnestos envoyèrent leur argent à Athènes pour le mettre en sécurité chez Hipponicos, surnommé Ammon, le fils de Callias. Lors du déplacement par les Perses de tous les Erétréens, cet argent fut gardé par Hippinicos et Callias et il y en avait beaucoup. C'est pourquoi Hipponicus qui était le petit-fils du destinataire du dépôt demanda un jour aux Athéniens un endroit sur l'Acropole où il pourrait construire un entrepôt pour l'argent, en disant qu'il n'était pas sûr de laisser une telle somme d'argent dans une maison privée. Les Athéniens lui donnèrent la permission; mais ses amis l'ayant mis en garde, il changea d'avis. Ainsi Callias devint le propriétaire de cet argent et vécut dans le plaisir. Combien de flatteurs et quelle foule de compagnons ne se sont-ils pas réunis autour de lui ? quelles dépenses somptueuses ne fit-il pas avec insouciance! Mais sa vie de plaisir le porta à un tel retournement de situation qu'il fut obligé de vivre seul avec une pauvre vieille femme étrangère, et il mourut dans le plus grand dénuement. Qui a perdu la fortune de Nicias de Pergase ou celle d'Ischomaque ? N'était-ce pas Autoclès et Epiclès, qui choisirent de vivre l'un avec l'autre et qui considéraient que chaque chose avait moins d'importance que le plaisir, et qui, après avoir tout dilapidé en boisson, se suicidèrent ? [12,53] Sur le grand luxe d'Alexandre, Ephippus d'Olynthe dans son livre sur la mort de Héphaestion et d'Alexandre indique qu'il se fit ériger dans son parc un trône en or et des divans avec des pieds en argent, sur lesquelles il s'asseyait pour traiter des affaires en compagnie de ses compagnons. Et Nicobulê dit que pendant le dîner toute sorte d'acteurs faisaient des efforts pour amuser le roi, et qu'au cours de son dernier repas Alexandre de mémoire joua une scène de l'Andromède d'Euripide et portant des toasts de vin avec entrain il forçait les autres à faire aussi de même. Ephippus, encore, dit qu'Alexandre portait des vêtements de cérémonie sacrés lors de ses banquets, tantôt il mettait la robe longue pourpre d'Ammon, et les minces escarpins et les cornes juste comme le dieu, et à un autre moment le vêtement d'Artémis, qu'il portait souvent même sur son char, vêtu du costume perse et tenant au-dessus de ses épaules l'arc et la lance de la déesse; d'autres fois il était revêtu du vêtement d'Hermès; mais la plupart du temps, et pour son utilisation quotidienne, il portait une chlamyde pourpre, un tunique pourpre avec des lignes blanches et le chapeau macédonien avec le diadème royal; mais dans les grandes occasions il portait les sandales ailées et le chapeau aux larges bords sur la tête, et il portait le caducée en main; mais souvent aussi il portait la peau de lion et le gourdin pour imiter Héraclès. Quoi d'étonnant que l'empereur Commode de notre temps aussi avait le gourdin d'Hercule près de lui dans son chariot avec la peau du lion étendue sous lui, et qu'il désirait s'appeler Hercule, en voyant cet Alexandre, le pupille d'Aristote, s'habillant lui-même comme les dieux, et que dis-je comme la déesse Artémis? Alexander arrosait aussi le sol avec des parfums de grande valeur et du vin parfumé. En son honneur on faisait brûler de la myrrhe et d'autres sortes d'encens; un calme et un silence religieux mêlé de crainte s'emparaient de tous ceux qui étaient en sa présence. Il était intraitable et meurtrier. Il avait la réputation d'être mélancolique. A Ecbatane il organisa une fête en l'honneur de Dionysos et offrit un repas somptuaire, et le satrape Satrabates amusa toutes les troupes. Beaucoup s'étaient rassemblés pour le spectacle, dit Ephippus; on fit des proclamations excessivement vantardes et plus insolentes que l'arrogance perse habituelle. Parmi les diverses proclamations faites au couronnement d'Alexandre, un homme en particulier, un gardien d'armes, outrepassa toutes les limites de flatterie et, en connivence avec Alexandre, il envoya le héraut proclamer que "Gorgus, le gardien d'armes, fait cadeau à Alexandre, fils d'Ammon, de trois mille pièces d'or, et lui promet que lorsqu'il assiègerait Athènes il lui donnerait dix mille armures complètes, un même nombre de catapultes, et tous les autres traits en nombre suffisants pour poursuivre la guerre." [12,54] Charès dans le dixième livre de ses Histoires d'Alexandre dit : Après sa victoire sur Darius, il conclut des mariages pour lui et aussi pour ses amis, construisant quatre-vingt-douze chambres nuptiales au même endroit. La maison était assez grande pour cent divans, et chaque divan était orné de couches nuptiales en argent d'une valeur totale de vingt mines; mais son propre divan avait des supports en or. Il inclut également dans son invitation au banquet tous ses amis personnels et les plaça sur des divans en face de lui et des autres jeunes mariés, alors qu'il divertissait le reste de ses troupes, terrestres et navales, dans la cour avec les ambassades et les touristes étrangers. Et la maison était décorée somptueusement et magnifiquement de draperies et de toiles de prix et à terre de couvertures pourpres et rouges entrelacées d'or. Pour tenir la tente fermement en place, il y avait des colonnes de trente pieds de haut, en or, en argent et parsemées de bijoux. Pour la fermer il y avait des tentures de prix entrelacées de dessins animaux en or, les tringles étaient recouvertes d' or et d' argent. Le périmètre de la cour était de quatre stades." On faisait l'appel au repas à la trompette non seulement à chaque mariage, mais aussi chaque fois que par hasard on faisait une libation, de sorte que l'armée entière savait ce qui se passait. Les noces durèrent cinq jours, et un grand nombre de personnes, aussi bien Étrangers que Grecs, furent de service; par exemple, les jongleurs indiens étaient particulièrement remarquables; ainsi que Scymnus de Tarente, Philistidès de Syracuse, et Héraclite de Mitylène; après eux le rhapsode Alexis de Tarente donna un récital. On fit venir également le virtuose à la harpe Cratinos de Méthymne, Aristonymos d'Athènes, Athénodore de Téos: Héraclite de Tarente et d'Aristocratès de Thèbes chantaient accompagnés de la harpe. On vit Denys d'Héraclée et de Hyperbolos de Cyzique chanter accompagnés de la flûte ; là vinrent aussi les virtuoses de la flûte qui jouèrent pour la première fois la mélodie pythienne et ensuite des chœurs de chanteurs et de danseurs; il y avait Timotheos, Phrynicos, Caphisias, Diophante et Evius de Chalcis. Et depuis lors le peuple qui auparavant était appelé "les flatteurs de Denys" s'appela "les flatteurs d'Alexandre" en raison des cadeaux exagérés qui firent tant plaisir à Alexandre. Des pièces furent également jouées par les tragédiens Thessalos, Athenodoros et Aristocritos, et par les comédiens Lycon, Phormion et Ariston. Essaient aussi présent le joueur d'harpe Phasimelos. Les couronnes (dit Charès) apportées par des ambassadeurs et d'autres valaient 15.000 talents. [12,55] Polycleitos de Larisa dans le huitième livre de ses Histoires dit qu'Alexandre dormait dans un divan en or, et des joueurs et des joueuses de flûte l'accompagnaient toujours au camp et buvaient avec lui jusqu'au point du jour. Cl&arque, dans ses Vies, dit de Darius vaincu par Alexandre: Le roi de Perse récompensait ceux qui lui procuraient des plaisirs, mais mena son royaume à la défaite magré toutes ces indulgences, et ne s'apperçut de sa défaite que quand d'autres lui prirent son sceptre et se proclamèrent gouverneurs. Phylarque dans le vingt-troisième livre de ses histoires et Agatharchides de Cnide dans le dixième livre sur les affaires d'Asie disent que les compagnons d'Alexandre se livrèrent aussi au luxe exagéré. Un de ceux-ci s'appelait Agnon, il portait des clous en or sur ses bottes militaires. Quand Cleitos, surnommé le Blanc, avait des affaires à traiter, il se promenait vêtu de manteaux pourpres tout en conversant avec ceux qui l'accompagnaient. Et aussi Perdiccas et Crateros, qui aimaient les sports gymniques, avaient toujours avec eux un tas de peaux de tentes d'un stade de long, sous lesquelles, après s'être approprié un endroit dans les campements, ils continuaient leurs exercices; ils étaient également suivis d'une longue suite d' animaux portant le sable dans la palestre. Et Leonnatos et Menelaos, qui étaient des chasseurs endurcis, avaient des rideaux mesurant cent stades avec lesquels ils entouraient le terrain de chasse pour y poursuivre leurs proies. D'ailleurs, les platanes célèbres en or, ainsi que la vigne sous laquelle les rois de Perse se reposaient souvent et où ils tenaient leur cour, avec ses grappes en cristal et ses rubis verts d'Inde et d'autres pierres de toutes sortes, bien qu'excessivement chères, semblent de peu de valeur, dit Phylarque, en comparaison avec les dépenses somptuaires quotidiennes en toutes occasions à la cour d'Alexandre. Son seul pavillon contenait cent divans et était soutenu par cinquante montants en or. Les auvents placés sur la partie supérieure pour recouvrir tout étaient minutieusement travaillés avec de l'or dans les somptueuses broderies. À l'intérieur, tout autour de lui, se tenaient d'abord les cinq cents Perses porteurs de pommes, avec de beaux uniformes de pourpre et jaunes; après des archers au nombre de mille, certains avec des habits couleur de flamme, d'autres avec des habits rouge; mais beaucoup, aussi, avec des manteaux bleu-foncé. À la tête de ces derniers se tenaient cinq cents Boucliers d'Argent macédoniens. Au centre de la tente était placée une chaise sur laquelle se tenait Alexandre quand il recevait avec ses gardes du corps postés étroitement de tous les côtés. A l'extérieur de la tente était postée en cercle la division d'éléphants avec son équipement complet, ainsi que mille Macédoniens en uniformes macédoniens, ensuite dix mille Persans et une grande foule de cinq cents personnes, qui portaient le pourpre; Alexandre avait accordé alors le privilège de porter ce vêtement. Et le nombre ses amis et ses serviteurs étant si grand que personne n'osait approcher Alexandre; telle était la majesté liée à sa personne. A une occasion Alexandre écrivit aux villes d'Ionie, et d'abord à tous les habitants de Chios de lui expédier le colorant pourpre. Il voulait habiller tous ses amis dans les vêtements teints avec de la pourpre maritime. Quand on lut la lettre aux habitants de Chios en présence du sophiste Théocrite, il déclara avoir enfin compris la signification du vers d'Homère, "la mort pourpre l'a saisi, et un destin accablant" [12,56] Posidonius, dans le vingt-huitième livre de ses Histoires, dit que le Roi Antiochos, surnommé Grypus, donna de brillantes réceptions quand il célébra les jeux chez Daphné. Lors de ces jeux, d'abord il fit distribuer des viandes non découpées; ensuite des oies, des lièvres et des gazelles vivants. On distribua également lors des repas, dit-il, des couronnes en or et une grande quantité de vaisselle en or, d'esclaves, de chevaux, et de chameaux. Et chaque homme après être monté sur le chameau devait boire et accepter le chameau et ainsi que l'esclave qui se trouvait là. Et dans le quatorzième livre Posidonius parlant du roi qui portait le même nom d'Antiochos, alors qu'il faisait campagne en Médie contre Arsacès, dit qu'il donna des réceptions chaque jour au milieu de grandes foules; à ces occasions, ne comptant pas la masse de nourriture consommée ou rejetée comme rebut, chaque convive ramenait chez lui de la viande non découpée d'animaux du pays, de volailles, de créatures vivantes de la mer, et pouvant remplir un char; et après tout cela, des quantités de gâteaux de miel et des couronnes de myrrhe et d'encens avec des filets d'or entremêlés aussi longs qu'un homme, imitant en cela les pratiques efféminées des Lydiens. [12,57] Clytos l'aristotélicien, dans son livre sur Milet, dit de Polycrate le tyran de Samos que son instinct pour le luxe le poussa à réunir les produits spéciaux de chaque pays, des chiens d'Épire, des chèvres de Scyros, de moutons de Milet et de porcs de Sicile. Alexis, aussi, dans le troisième livre de ses Chroniques Sammiennes dit que Samos fut enrichie par Polycrate grâce aux produits de beaucoup de villes: il importa des chiens de Molossie et de Laconie, des chèvres de Scyros et de Naxos, et des moutons de Milet et de l'Attique. Il encouragea aussi, dit Alexis, l'immigration d'artisans en leur payant des salaires très élevés. Avant d'acquérir la puissance suprême, il fit fabriquer des draperies et des coupes somptueuses, et il permit qu'elles soient utilisées par les personnes qui, soit célébraient un mariage, soit organisaient des réceptions exceptionnelles. À la lumière du tout ceci, on doit s'étonner que nulle part il ne soit écrit que le tyran ait fait venir à sa cour des femmes ou des garçons, alors qu'il avait un grand faible pour les liaisons masculines au point d'être le rival du poète Anacréon ; à ce moment-là il coupa même les cheveux de son favori dans un moment de colère. Polycrate fut le premier homme à construire des bateaux appelés Samainai, du nom de sa patrie. Cléarque dit que Polycrate, le tyran de la luxueuse Samos, causa sa perte à cause de son mode de vie dissipé, imitant en cela les pratiques efféminées des Lydiens. C'est dans ce but qu'il fit construire dans la ville le 'Quartier' célèbre de Samos pour rivaliser le parc de Sardes appelé "Doux Trésor", et pour concurrencer les fleurs de Lydie il fit tisser les fleurs connues sous le nom de "Fleurs de Samos". De ces deux innovations, le quartier de Samos était une petite ruelle remplie de professionnelles, et il remplit littéralement la Grèce de toutes sortes de nourritures pour apaiser la sensualité et l'incontinence; quant aux fleurs de Samos, elles séduisent les femmes et les hommes. Mais alors que toute la ville était tout à fait plongée dans les plaisirs et dans les beuveries (les Perses l'attaquèrent). Et Cléarque dit aussi... Mais moi je connais également une ruelle dans ma propre Alexandrie encore appelée "Rue de l'Homme Riche" où on peut tout vendre pour favoriser la luxure. [12,58] Aristote dans ses Choses Remarquables dit d'Alcisthène le Sybarite que son désir du luxe l'a mené à avoir un manteau magnifique d'une telle valeur qu'il le prit pour s'exiber à Lacinium aux fêtes d'Héra, où tous les Grecs d'Italie se rassemblent, et de tous les objets exhibés, ce fut le plus admiré. Ils disent que quand Denys l'ancien en hérita, il le vendit aux Carthaginois pour cent vingt talents. Polémon, le raconte aussi dans son livre sur les Péplums à Carthage. Sur le Sybarite Smindyrides et son luxe Hérodote dit dans le sixième livre que quand il vint pour demander la main d'Agaristê, la fille de Clisthène tyran de Sicyone: Smindyrides, fils d'Hippocrates, y vint d'Italie. Il était de Sybaris, ville alors très florissante, et avait porté le luxe et la mollesse au plus haut degré. Il était suivi entre autres par mille cuisiniers et volaillers. Timée, aussi, en parle dans son septième livre. En relatant des histoires au sujet du luxe de Denys le jeune, tyran de la Sicile, Satyros le Pépipatéticien dans ses Vies indique dit que dans son palais des salles d'une capacité de trente divans étaient remplies par les convives. Dans le même genre, Cléarque, dans le quatrième livre de ses Vies, écrit ceci: Denys, le fils de Denys, s'avéra être le mauvais génie de la toute la Sicile; une jour qu'il allait à Locres, sa ville d'origine, (Doris, sa mère, était née à Locres) et qu'il répandait des touffes de thym et des roses dans le plus grand hall de la ville, il rassembla les unes après les autres les jeunes filles de Locres; alors nu aux milieu des filles nues il commit toutes les indécences possible en roulant avec elles sur le trottoir. Peu après, les pères outragés s'emparèrent de son épouse et de ses enfants et les plaçant dans la rue ils assouvirent sur eux leur instincts sur eux avec une violence inouïe. Et quand ils eurent assouvi leurs instincts, ils enfoncèrent des aiguilles sous leurs ongles et les tuèrent. Ils broyèrent alors les os des victimes mortes dans des mortiers; ils découpèrent le reste des corps comme des morceaux de viande et prononcèrent une malédiction à quiconque refuserait de les goûter. En raison de leur acte impie, ils réduisirent en poudre leur chair, pour que la nourriture puisse être entièrement consommée pendant qu'ils mangeaient leur pain; ce qui restait fut jeté en mer. Quant à Denys, il eut finalement une fin de vie pitoyable comme prêtre mendiant de la Mère des Dieux: il portait un tambourin lors des rites. Nous devons donc prendre garde à ce que les hommes appellent luxe, puisque qu'il corrompt des vies; et de même nous devons considérer l'insolence comme un moyen sûr d'apporter la ruine à tous les intéressés. [12,59] Diodore de Sicile dans sa Bibliothèque Historique dit que les habitants d'Agrigente construisirent une piscine de grand prix pour Gélon : elle avait un périmètre de sept stades et une profondeur de trente pieds, et l'eau de celle-ci provenait de fleuves et de sources pour faire une réserve de poissons destinée à fournir beaucoup de poissons pour le goût et le plaisir luxurieux de Gélon; là se trouvaient également une grande quantité de cygnes, de sorte que le spectacle était très agréable à voir. Plus tard, cependant, il fut recouvert de terre et supprimé. Duris, dans le quatrième livre de son Agathocle et son temps, dit aussi que près de la ville d' Hipponium on montre une plantation très belle, irriguée par les eaux, dans laquelle il y a également un endroit appelé le Corne d'Amalthée, construit par Gélon. Silenos de Calacte dans le troisième livre de son Histoire de la Sicile, raconte que près de Syracuse il y a un jardin magnifiquement construit qui s'appelle le "Mot" où le roi Hiéron tenait audience. Mais la région entière autour de Panormos en Sicile s'appelle un jardin, parce qu'elle est remplie d'arbres cultivés, comme le dit Callias dans le huitième livre de ses Histoires d'Agathocle. Et Posidonius, dans le huitième livre de ses Histoires dit de Damophilos grec de Sicile, qui fut la cause de la guerre servile, qu'il était intoxiqué par le luxe, et il écrit ceci: C'était donc un esclave du luxe et du vice, se faisant conduire à travers la région dans des chars à quatre roues, avec des chevaux et des serviteurs et un cortège de parasites et de jeunes gens habillés comme des soldats grouillaient près de lui. Mais plus tard lui-même et sa maisonnée terminèrent leur vie d'une façon indigne, gravement outragé par les esclaves. [12,60] Démétrius de Phalère, ainsi que le raconte Duris dans le seizième livre de ses Histoires, se fit attribuer douze cent talents par an, et de cette somme il en dépensait un peu pour ses troupes et pour l'administration de l'état, et gaspillait tout le reste pour l'assouvissement de ses propres plaisirs, en organisant chaque jour des festins splendides et en amusant une foule de convives. En fait il surpassa les Macédoniens dans ses dépenses somptueuses lors des banquets, et dans son raffinement les Cypriotes et les Phéniciens; des averses de parfum descendaient sur le sol et beaucoup de planchers dans les salles de banquet étaient décorés de fleurs artificielles merveilleusement travaillées. Les rendez-vous avec des femmes se faisaient en secret, aussi bien que des amours nocturnes avec des jeunes gens et le Démétrius qui faisait des lois et régentait la conduite de vie pour les autres passait sa propre vie dans l'absence totale de loi. Il faisait attention aussi à son aspect extérieur, se teignant les cheveux en blond, se maquillant le visage de fard, et s'enduisant en outre de pommade : il voulait avoir belle apparence et semblait attirer tous ceux qui le rencontraient. Et dans le cortège des Dionysies qu'il organisa quand il devint archonte, le choeur chanta des vers en son honneur, écrits par Castorion de Soli, dans lequels il était appelé "beau comme le Soleil" L'Archonte au-dessus des autres nobles, beau comme le soleil, le célèbre avec les honneurs divins. Carystios de Pergame dans le troisième livre de ses Souvenirs dit : Démétrius de Phalère, lors de l'assassinat de son frère Himeraeos sur ordre d'Antipater, alla lui-même vivre chez Nicanor, ayant été accusé de célébrer l'apparition divine de son frère. Devenu l'ami de Cassandre il acquit une grande puissance. Au début, certes, son déjeuner se composait des bols d'olives, un de chaque sorte, et de fromage insulaire. Mais quand il devint riche il acheta Moschion, le meilleur cuisinier et traiteur de ce temps-là; et si énormes étaient les menus préparés pour lui tous les jours que Moschion, qui recevait comme pourboires ce qui était de trop, put en deux ans acheter trois maisons à appartements et se laisser aller à ses instincts dévergondés sur les garçons et les épouses des citoyens les plus éminents. Mais tous les garçons étaient jaloux de Diognis le favori de Démétrius; et si grande était leur ambition d'entrer en relations avec Démétrius que, quand il flânait après déjeuner dans la rue du Trépied, les garçons les plus beaux restaient au même endroit des jours de suite dans l'espoir dêtre vus par lui. [12,61] Nicolas le Péripatéticien, dans les cent et dixièmes livres de ses Histoires, dit que quand Lucullus revint à Rome, célébra son triomphe, et rendit compte de sa campagne contre Mithridate, il abandonna la sobriété des temps anciens et se laissa aller à la dissipation, devenant le chef de file des Romains en ce qui concerne le luxe, parce qu'il bénéficiait des richesses prises à deux rois, Mithridate et Tigrane. Sittius, selon Tutilius, était connu aussi parmi les Romans pour son luxe et pour son caractère efféminé. Nous avons parlé plus haut d'Apicius. Pratiquement tout les écrits dignes de foi disent que Pausanias et Lysandre étaient connus pour leur luxe. C'est pourquoi Agis a dit de Lysandre : Voici un deuxième Pausanias engendré par Sparte. Mais Théopompe, dans le dixième livre de son Histoire de la Grèce, dit juste le contraire au sujet de Lysandre, à savoir : C'était un fanatique du travail pénible, prêt et capable d'aider des simples citoyens privés aussi bien que des princes, sachant se maîtriser et contrôler tous les attraits du plaisir. Car, bien qu'il ait gagné le pouvoir suprême pratiquement sur toute la Grèce, il n'y a pas une seule de ses villes où on puisse établir qu'il se laissa aller à son assouvissement sexuel ou qu'il se laissa aller aux beuveries et à un excès de boisson. [12,62] Les anciens en étaient arrivés à un tel point dans les plaisirs des dépenses luxueuses et somptuaires que même le peintre d'Éphèse Parrhasius s'habillait lui- même de pourpre et portait une couronne d'or sur la tête, comme le dit Cléarque dans ses Vies. Il se livrait au luxe allant à l'encontre du bon goût et au delà de sa situation en tant que peintre, mais dans sa conversation il prétendait posséder la vertu, en inscrivant sur ses oeuvres d'art le vers suivant: "C'est un homme délicat et qui honore en même temps la vertu, qui écrit ces mots." Sur quoi une personne qui mécontente de cette inscription corrigea : C'est un homme qui vit à la manière d'un peintre. Parrhasius inscrivit sur plusieurs de ses travaux aussi ceci : C'est un homme délicat et qui honore en même temps la vertu, qui écrit ces mots. C'est Parrhasius, d'Éphèse, sa patrie glorieuse. Je n'ai pas oublié mon père Evenor que m'engendra, moi son propre fils pour remporter la première place dans l'art grec. Il s'est aussi vanté sans provoquer la colère des dieux, dans ces lignes : Bien que je parle à ceux qui entendent et ne croient pas, je parle quand même : Je déclare que maintenant enfin les termes sûrs de cet art ont été atteints par ma main; insurmonntable est la frontière que j'ai fixée. Pourtant rien de ce que les mortels font n'est sans blâme. Une fois, à Samos, il était en compétition avec un artiste inférieur pour une peinture d'Ajax et il fut battu; comme ses amis lui exprimaient leur condoléances, il répondit qu'il s'en souciait peu en ce qui le concernait, mais qu'il sympathisait avec Ajax qui avait été battu une seconde fois. Dans son penchant pour le luxe il portait un manteau pourpre et avait un bandeau blanc sur la tête; il se soutenait également avec un bâton avec en relief des spirales en or, et attachait les courroies de ses sandales avec des fermoirs en or. Cependant, il ne travailla pas à son art sans plaisir; au contraire, c'était tellement facile pour lui, qu'il chantait en peignant, comme le dit Théophraste dans son traité sur le Bonheur. Avec un sérieux profond il avait l'habitude de dire que, quand il avait commencé à peindre à Lindus son Héraclès, le dieu lui était apparu en rêve, et avait pris exactement la pose appropriée pour la peinture. C'est pourquoi il écrivit sur le tableau : Vous le voyez tel qu'il apparut durant la nuit, visitant souvent Parrhasius tandis qu'il dormait. [12,63] En fait, toutes les écoles philosophiques ont proclamé la poursuite du luxe comme principe de base de la vie; il y a, par exemple la celle qu'on appelle école cyrénaïque qui prend son origine chez Aristippe le Socratique; il enseigna que cette vie du plaisir facile dont nous avons parlé est le but, et que le bonheur est basé sur ce plaisir; et que celui-ci ne dure qu'un seul instant; comme les hommes dévergondés, il considérait le souvenir des plasirs passés comme n'ayant aucune importance pour lui, pas plus que l'espérance des plaisirs à venir; plutôt, il jugeait le Bon par le critère unique du présent et pensait que le plaisir passé et futur n'avait aucune pertinence pour lui parce que le premier n'était plus et que le second n'existait pas encore et était incertain; c'est exactement ce que font les personnes qui se livrent au luxe en disant que seulement le présent peut leur apporter du bien. D'ailleurs, son mode de la vie était en harmonie avec sa doctrine, parce qu'il vécut au milieu de toutes les formes de luxe et dans un profusion de vêtements, de parfums et de femmes. Du moins il ne se cachait pas de fréquenter Laïs la courtisane, et partagea les plaisir extravagants de Denys bien que souvent traité ignominieusement par celui-ci. Hégésandre, en tous cas, dit qu'un jour on lui avait donné un divan à la cour de Denys, dans un coin obscur mais qu'il le prit avec philosophie, et quand Denys lui demanda que ce qu'il pensait de l'endroit où on l'avait mis en comparaison avec celui qu'il avait eu le jour précédent, il répondit que c'était presque la même chose Celui que j'avais hier, - dit-il, - est aujourd'hui en déshonneur parce qu'il est maintenant loin de moi, bien qu'hier c'était l'endroit le plus honorable de tous à cause de ma présence; et ainsi celui-ci que j'ai aujourd'hui est devenu réellement honoré par ma présence, bien qu'hier il ait été en déshonneur parce que je n'étais pas là." Dans un autre passage Hégésandre dit aussi: Quand les esclaves de Denys renversèrent de l'eau sur lui et qu' Antiphon le railla de le supporter, il répondit: "Supposez que j'aille à la pêche, devrais-je laisser mon travail et rester à la maison? Aristippe passa la majeure partie de son temps à Égine, où il vécut dans le luxe; c'est pourquoi Xénophon dans ses Mémorables dit que Socrate souvent l'avertissait et lui présentait la parabole morale qu'il avait composée sur le Vice et la Vertu. Mais Aristippe, se rapportant à Laïs, répondait: Je la possède elle et mais elle ne me possède pas. Et à la cour de Denys il était en désaccord avec quelques personnes sur le choix des trois femmes. Il se baigna dans le parfum et déclara que Même dans les plaisirs de Bacchus la femme vraiment chaste ne se fera pas corrompre. Et Alexis, se moquant de lui dans Galatée, fait dire à un esclave ces mots au sujet d'un des disciples d'Aristippe: Mon maître a par le passé perdu son temps pour la dialectique quand il était jeune homme et a essayé d' être un philosophe. Il y avait un homme de Cyrène dans la ville appelé Aristippe, comme on le raconte, un sage homme de génie, ou plutôt, un homme qui était au premier rang de tous les hommes de ce temps-là, et il surpassa tous les hommes qui vécurent avant lui - dans la dissipation. Mon maître lui a versé un talent et est devenu son disciple, et bien qu'il n'ait pas exactement appris sa doctrine à la perfection, il s'est abîmé tout-à-fait sa propre trachée. Et Antiphane, parlant de la douceur des philosophes dans Antée, dit: A. Savez-vous, mon ami, d'où ce vieil homme peut être ? B. En voyant son regard, il vient de Grèce: son manteau est blanc, sa tunique grise est en bon état, son bonnet de feutre est léger, son bâton de marche est bien équilibré, ses sandales sont somptueuses - pourquoi avoir besoin d'une longue description ? En un mot, il me semble voir l'Académie elle-même. [12,64] Aristoxène, celui qui a écrit sur la musique, dit dans sa Vie d'Archytas qui parmi les députés envoyés par Denys le Jeune à la ville de Tarente il y avait Polyarque, surnommé le Luxurieux, un homme entièrement consacré aux plaisirs physiques, et ceci non simplement en pratique, mais aussi en théorie. Il était disciple d'Archytas et pas totalement étranger aux enseignements de la philosophie: il fréquentait les enceintes des temples et marchait avec les autres disciples d'Archytas, écoutant la discussion. À une occasion, il y eut question et discussion au sujet des appétits et en général des plaisirs du corps, et Polyarque dit: Pour moi, du moins, messieurs, qui ai déjà souvent examiné la chose il apparaît clairement que le système de classification des vertus est tout à fait absurde, et est fort éloigné de la nature. Quand la nature parle de sa propre voix, elle nous demande de suivre nos plaisirs, et déclare que c'est la bonne route pour un homme de bon sens; mais leur résister, pour subjuguer ses appétits, est la marque de quelqu'un qui n'est ni prudent ni heureux et qui ne comprend pas le caractère composite de la nature humaine. Une grande preuve de ceci est est le fait que tous les hommes, quand ils obtiennent un pouvoir suffisant, se laissent aller dans la direction de leurs plaisirs corporels, et considèrent ce chemin comme la fin et le but de leur pouvoir, alors qu'ils considèrent pratiquement tous autres sujets, pour parler simplement, comme occupant une place subalterne. Aujourd'hui on peut citer le cas des rois de Perse et de tous ceux qui se trouvent à la tête d'une monarchie considérable; dans les temps anciens, il y avait les monarques de Lydie, de Médie, et toujours plus haut, d'Assyrie; il n'y a pas une sorte de plaisir qu'ils n'aient goûté; au contraire, on prétend que des récompenses furent offertes chez les Perses à tous ceux qui inventeraient un nouveau plaisir; et c'est avec raison. La nature de l'homme est telle qu'il est bientôt rassasié par des plaisirs prolongés, même s'ils ont été minutieusement perfectionnés; par conséquent, puisque la nouveauté a une grand pouvoir de faire paraître le plaisir plus grand, on ne doit pas l'ignorer, mais on doit lui prêter une grande attention. Pour cette raison on inventa beaucoup de sortes de nourriture, beaucoup de sortes de gâteaux, beaucoup de sortes d'encens et de parfum, beaucoup de sortes de vêtements et de couvertures, des coupes, aussi, et d'autres ustensiles: toutes ces choses, en fait, contribuent au plaisir, quand la matière première fait partie de ces choses qui sont admirées par la nature humaine; c'est certainement ce qui se produit dans le cas de l'or et de l'argent et de la plupart des choses qui sont un plaisir pour l'oeil et qui sont rares - tout, en fait, qui paraît parfaitement fait selon les règles de ces arts amenés à la perfection. [12,65] Après ces remarques il décrit le confort apprécié par le roi de Perse, la variété et le nombre de fournisseurs qu'il a eu, son assouvissement dans des plaisirs sexuels, l'odeur parfumée de son corps, son élégance et sa façon de converser, les spectacles et les divertissements par des artistes, et il déclarait qu'il avait décidé que le roi de Perse était l'homme le plus heureux de son temps. Il a des plaisirs garantis pour lui en grand nombre et sous toutes les formes. En second lieu (continue- t-il) on pourrait placer notre propre tyrannie, mais loin derrière. Dans le cas du roi, tous les approvisionnements de l'Asie (son plaisir), aussi bien que.... tandis que le service rendu à Denys doit apparaître comme quelque chose de vraiment insignifiant en comparaison avec l'autre. Que, donc, une telle vie soit ardemment désirée est clair par ce qui suit. Les Mèdes coururent les plus grands dangers pour priver les Assyriens de leur empire, pour aucune autre raison que de devenir maîtres de la richesse des Assyriens, et les Perses ont fait la même chose aux Mèdes pour le même motif: et le motif ici est la joie des plaisirs physiques. Mais les législateurs, dans leur désir de ramener la race humaine à un même niveau et d'interdire le luxe à chaque citoyen, ont créé une classification des choses appelée les vertus et ainsi ils ont écrit des statuts traitant des contrats et tous autres sujets qu'ils jugeaient essentiels pour promouvoir la communauté sociale, et en particulier au sujet de l'habillement et de la façon de la vie en général, pour qu'elle soit de la même nature pour tous. Puisque donc les législateurs continuaient leur combat contre toutes les formes d'avidité, l'éloge de la justice a commencé à s'étendre, et un poète, je crois, a inventé l'expression, 'le visage d'or de la justice.' et encore: 'l'oeil d'or de la justice.' Et le nom même de la justice en est arrivé à être déifié, de sorte que chez quelques peuples se sont élevés des autels et des sacrifices à la Justice. Avec elle ils ont apporté en plus la Sobriété et le Sang-froid, et ont donné le nom d'avidité aux avantages supérieurs du plaisir; ainsi il en est arrivé que l'homme qui obéissait aux lois et à la voix du troupeau commun devint modéré dans ses plaisirs du corps. [12,66] Douris, dans le vingt-troisième livre de ses Histoires, ajoute dit que dans les anciens temps tous les monarques avaient le désir énorme pour la boisson. C'est pourquoi il dit qu'Homère représentait Achille injuriant Agamemnon et lui disant: "Sac à vin, avec tes yeux de chien." Et quand il décrit la façon dont le roi mourut il dit "Nous gisons autour du cratère et des tables chargées," prouvant par là que même sa mort s'est produite au moment même où il se livrait à sa passion pour la boisson. Un autre qui aimait le plaisir était Speusippe, le parent de Platon et son successeur à la tête de l'école. Denys, en tout cas, le tyran de Sicile, dans sa lettre à Speusippe, après avoir dénoncé son penchant pour le plaisir, lui reproche également son avarice aussi bien que son amour pour Lastheneia, une arcadienne, qui avait également été l'élève de Platon. [12,67] Pourtant Aristippe et ses disciples ne furent pas les seuls à faire bon accueil au plaisir qui est le résultat du mouvement, mais Épicure et ses disicples ont fait la même chose. Et, pour ne pas entrer dans le récit de ses "souffles" et de ses " titillations,'' qu'Épicure cite souvent et de ses "chatouillements" et" sollicitations" dont il parle dans son traité sur les Termes extrêmes, je mentionnerai le mots suivants. Il dit notamment : Quant à moi, je ne puis concevoir le Bon si j'exclus les plaisirs dérivés du goût, ou ceux dérivés des rapports sexuels, ou ceux dérivés des spectacles que nous écoutons, ou ceux dérivés des mouvements d'une figure agréable à l'oeil. Ainsi Métrodore dit dans ses Lettres: Timocrate, toi qui te consacres à l'étude de la nature, il n'y a que le ventre, et rien que le ventre, dont se soucie n'importe quelle philosophie qui s'occupe de la nature. Et Épicure dit encore : Le commencement et la racine de tout bien est la satisfaction du ventre, et toutes les choses sages et exquises s'en réfèrent à celui-ci. Et dans son traité sur les Termes extrêmes il dit encore: Nous attachons une grande valeur au bien et aux vertus et aux choses semblables, s'ils nous donnent du plaisir; mais s'ils ne nous en donnent pas, nous devons y renoncer par ces déclarations il fait clairement de la vertu le ministre du plaisir, et occupant la place d'une servante. Dans un autre passage il dit: Je crache sur le Bien et sur ceux qui l'admirent en vain, quand il ne cause aucun plaisir. [12,68] Les Romains, donc, les plus vertueux des hommes en toutes choses, ont bien agi quand ils ont expulsé les épucurien Alcaeus et Philiscus de la ville, sous le consulat de Lucius Postumius, en raison des plaisirs qu'ils ont amenés. De même les Messéniens ont expulsé les Épicuriens par un décret public. Le roi Antiochus a également banni de son royaume tous les philosophes, en publiant l'ordre suivant : Nous, roi Antiochus à Phanias, nous vous écrivons que dorénavant il n'y aura plus aucun philosophe dans la capitale ou même dans le pays. Pourtant nous apprenons qu'il y a en a beaucoup et que nos jeunes gens sont corrompus en raison de votre refus de faire tout ce que nous avons prescrits à leur sujet. Donc, quand vous recevez cette lettre, faites une proclamation pour renvoyer immédiatement tous les philosophes de nos territoires, et quant à tous les jeunes gens qui seront trouvés en leur compagnie, ils seront pendus, et leurs pères seront tenus pour réponsables pour les charges les plus graves; et faites qu'il n'en soit pas autrement. Mais avant Épicure le poète Sophocle se montra un adepte du plaisir quand prononce ces paroles dans son Antigone: Quand un homme a perdu ce qui faisait sa joie, je tiens qu'il ne vit plus, c'est un mort qui respire. Remplissez de trésors un palais, menez un train royal : là où manque le plaisir de vivre, tout le reste en comparaison ne vaut pas l'ombre d'une fumée. [12,69] Et aussi Lycon, le péripatéticien, selon Antigone de Carystus, qui au début avait installé sa résidence à Athènes pour continuer ses études, acquit une grande connaissance sur les coupes payées par souscription, et sur le prix fort qu'exigeait chaque femme de petite vertu. Et même plus tard, quand il devint chef de l'école péripatéticienne il faisait des dépenses somptuaires pour amuser ses amis lors d'un banquet. Sans compter tous les artistes appelés pour fournir les divertissements, tous les plats en argent et les lits, les autres arrangements, le prix recherché des dîners et la foule des serveurs et des cuisiniers étaient tels que beaucoup de personnes avaient peur et bien qu'ils aient voulu re joindre l'école ils reculaient, comme des personnes qui craignent d'entrer dans une ville dont le gouvernement est détestable et accable les gens d'impôts. Ils étaient obligés d'assumer l'administration journalière de l'école pendant trente jours, ce qui signifiait qu'ils étaient responsables du bon comportement des nouveaux étudiants; et le dernier jour du mois ils recevaient neuf oboles chacun des nouveaux étudiants, et avec cette somme ils devaient divertir lors du repas non seulement ceux qui avaient payé les honoraires, mais tous les autres que Lycon avait invités sans compter tous ceux parmi les hommes plus âgés qui venaient pour visiter l'école; c'est pourquoi l'argent obtenu n'était pas suffisant pour payer la parfumerie et les couronnes; il avait également la charge des sacrifices, et était l' administrateur des rites en l'honneur des Muses. Tout ceci n'avait absolument rien à voir avec la dialectique et la philosophie, mais était plus approprié avec la splendeur et à la pompe de la vie luxueuse. Mais à supposer que certains qui ne pouvaient dépenser de l'argent pour cela, étaient dispensés de cette fonction parce que les ressources mises à leur disposition étaient insuffisantes et insignifiantes, cette pratique était cependant très nocive. Mais les disciples de Platon et de Speusippe ne se sont pas précipités en foule au même endroit et ne se sont pas rassemblés simplement pour apprécier un repas qui durait jusqu'au petit matin ou pour s'enivrer, mais pour prouver plutôt qu'ils révéraient les dieux et qu'ils se fréquentaient comme devaient le faire des personnes cultivées; et principalement pour se détendre et pour prendre part à des discussions intellectuelles. Mais tous ces objectifs, comme nous l' avons vu, sont devenus aux yeux de leurs successeurs secondaires en regard de leur amour des manteaux légers et des dépenses somptueuses dont on vient de parler; et je n'en excepte aucun, mais Lycon était si vulgaire dans son ostentation qu'il prit une salle de vingt divans dans la maison de Conon, dans la partie la plus belle de la ville, qu'il adapta pour ses réceptions. Lycon, d'ailleurs, était un bon et habile joueur de balle. [12,70] Quant à Anaxarque, Cléarque de Soli, dans le cinquième livre de ses Vies, écrit ceci: Quand une grande richesse s'abattit sur Anaxarque (qui était appelé le philosophe de l'eudaimonisme) grâce à la folie de ceux qui lui fournirent de l'argent, son vin lui fut servi par une jeune fille nue qui avait été choisie parce qu'elle surpassait en beauté toutes les autres bien que, pour dire la vérité, sa propre nudité montrait la concupiscence de ceux qui la traitaient de cette manière. Son boulanger portait des gants, et avait un masque pour se couvrir la bouche quand il malaxait la pâte, pour empêcher la sueur de couler sur celle-ci et que le malaxeur ne respire le mélange. C'est pourquoi on pourrait avec raison citer pour ce sage philosophe les vers du Fabricant d'harpes d'Anaxilas: Huilant sa peau avec de onguents jaunes, faisant étalage ce minces chlamydes, traînant ses pieds dans de fins escarpins, mâchant des oignons, engloutissant des morceaux de fromage, picotant des oeufs, mangeant des bigorneaux, buvant du vin de Chios, et en plus de cela, portant sur de petites pièces de cuir cousues de jolies lettres d'Ephèse. [12,71] Combien Gorgias de Leontium était plus noble que ces gens-là ! De lui Cléarque, que nous venons de citer, dit dans le huitième livre de ses Vies, que grâce à une vie sobre il vécut en pleine possession de ses moyens pendant presque cent dix ans. Et quand on lui demanda ce qu'était son mode de vie, voyant qu'il avait vécu tellement longtemps si confortablement et avec l'esprit intact, il répondit, "Je n'ai jamais fait quelque chose pour l'amour du plaisir." Mais Démétrios de Byzance dans le quatrième livre de son oeuvre sur la Poésie dit : Quand on demandait à Gorgias de Leontium quelle était la cause de sa longévité de plus de cent ans il répondit : "C'est parce que je n'ai jamais fait quelque chose pour faire plaisir à quelqu'un." Et aussi Ochus occupa le trône fort longtemps, et acquit, en général, des ressources pour vivre d'une manière qui aurait plu à n'importe qui. Quand il mourut son fils aîné lui demanda ce qu'il avait fait pour garder son royaume pendant d'années (puisqu'il désirait l'imiter), et il répondit : J'ai pratiqué la justice envers tous les hommes et tous les dieux. Carystius de Pergame dans ses Notes historiques cite Céphisodore de Thèbes qui disait que Polydore, le médecin de Téos, mangea à la même table qu' Antipater; ce dernier avait une tapis bon marché auquel les anneaux étaient encore attachés comme pour des balles utilisées pour porter des couvertures; il était couché sur cela pour dîner, avec quelques fioles et coupes en bronze pour le service; il vécut sobrement et fut complètement étranger à une vie de luxe. [12,72] Quant à Tithonus, qui passait sa vie au lit du matin jusqu'au coucher du soleil, ses désirs pouvaient à peine l'exciter quand la soirée approchait; c'est pourquoi on dit qu'il dormait avec l'Aurore, mais il était tellement rempli de désirs, que dans son vieil âge il s'enferma dans une cage à oiseaux, étant littéralement " suspendu" à ceux-ci. Et Melanthius, aussi, étira son cou au point de mourir étranglé par plaisir, étant plus avide que le Melanthius de l'Odyssée. Et beaucoup d'autres personnes se sont complètement déformé le corps dans leur assouvissement démesuré au plaisir, d'autres ont développé leur embonpoint, alors qu'encore d'autres par grand luxe ont atteint vraiment le point d'insensibilité à la douleur. Ainsi Nymphis d'Héraclée dans le douzième livre de son oeuvre sur Hercule dit que Denys, le fils de Cléarque, d'abord tyran d'Héraclée, qui devint aussi tyran de sa terre natale, devint graduellement obèse en raison de son luxe et de sa goinfrerie quotidienne; c'est pourquoi, en raison de son obésité, il fut atteint d'essoufflement et de crises de suffocation. Aussi les médecins lui prescrivirent de prendre des aiguilles fines, fort longues, qu'ils lui enfoncèrent à travers les côtes et le ventre quand il se mettait à tomber dans un sommeil très profond. Jusqu'à un certain point sous la chair compètement calleuse à cause de la graisse, l'aiguille ne causait aucune sensation; mais si l'aiguille arrivait à toucher la région qui était exempte de graisse, alors il se réveillait complètement. Quand il recevait en audience des gens qui désiraient le voir, il plaçait un coffre devant son corps pour que tout en cachant les autres parties de sa personne, seul son visage se voyait : c'est ainsi qu'il conversait avec ses quémandeurs. Ménandre, sans aucune description malveillante, le mentionne dans les Pêcheurs, après avoir d'abord raconté l'histoire de quelques réfugiés d'Héraclée. Ils disent: En effet c'était un gros porc étendu sur son museau. Et encore: Il appréciait le luxe - mais au point qu'il ne l'appréciera pas longtemps. Et plus loin encore: Je désire une seule chose pour moi - et ceci me semble la seule mort heureuse - me coucher sur le dos avec ces tonnes de graisse, sans presque dire un mot, le souffle haletant, en mangeant et en disant : Je suis pourri de plaisir. Pourtant il n'est mort qu'à 55 ans, durant lesquelles il fut tyran 33 ans, et il surpassa tous les tyrans précédents par la douceur de son caractère et sa conduite décente. [12,73] Tel était également le septième Ptolémée qui régna sur l'Égypte, le roi qui se proclama lui même Bienfaiteur (Évergète), mais qui portait avant les Alexandrins le nom du malfaiteur (Kakergète). Le stoïcien Posidonius, qui voyagea avec Scipion l'Africain quand il fut invité à Alexandrie, et qui vit Ptolémée, écrit dans le septième livre de ses Histoires: Par son goût du luxe, son corps était devenu complètement corrompu de graisse et avec un ventre d'une telle taille qu'il aurait été difficile de le mesurer avec ses bras; pour le couvrir il portait un tunique qui lui descendait aux pieds et qui avait des manches jusqu'à ses poignets; et jamais il n'était allé dehors sauf pour accueillir Scipion. Que ce roi n'était pas étranger au luxe, cela est attesté par lui-même dans le huitième livre de ses Commentaires, quand il raconte comment il est devenu prêtre d'Apollon à Cyrène, et comment il organisa un banquet pour ceux qui avaient été prêtres avant lui; il écrit ceci: L'Artemitia est un fête très importante à Cyrène, où le prêtre d'Apollon (qui est choisi tous les ans) offre un banquet à ceux qui l'ont précédé dans cette charge, et il place devant chaque invité une coupe; c'est un récipient en terre cuite capable de contenir environ vingt artabae, dans lesquels sont placés beaucoup de gibiers, bien cuits, parfois également beaucoup de volailles domestiques, et plusieurs sortes de poissons de mer et de poissons fumés importés; quelques personnes ajoutent souvent en cadeau un petit esclave bien soigné. Mais nous avons supprimé toutes ces choses, et nous avons fourni des coupes en argent massif, chacune ayant une grande valeur comme nous l'avons montré dans les dépenses que avons mentionnées; et en plus nous avons ajouté un cheval, tous caparaçonné, avec un palefrenier et des freins marquetés d'or, et on laisse chaque invité quitter la maison avec cheval et cavalier. Le fils de Ptolémée Alexandre est également devenu de plus en plus gros - c'est lui qui tua sa propre mère quand elle gouvernait avec lui. Et Posidonius dit de lui, dans le quarante-septième livre de ses histoires: Le maître de l'Égypte, un homme qui fut détesté de son peuple, mais flatté par ses courtisans, vécut dans le grand luxe; mais il ne pouvait pas même sortir pour se soulager sans avoir deux hommes sur qui s'appuyer quand il marchait. Mais quand dans un banquet on se mettait à danser il sautait d'un haut divan nu-pieds comme il était, et exécutait les figures d'une façon plus animée que ceux qui en avaient la pratique. [12,74] Agatharchide dans le seizième livre de son Histoire européenne dit que Magas, qui régna sur Cyrène pendant cinquante ans, fut tellement tranquille en ce qui concerne les guerres qu'il s'abandonna au luxe et qu'il devint énorme à la fin de sa vie; en fait il mourut de suffocation tellement il était gros, ne faisant jamais aucun exercice et mangeant toujours des quantités énormes de nourriture. Le même auteur, d'autre part, dit dans le vingt-septième livre que chez les Lacédémoniens on considérait que ce n'était pas une disgrâce ordinaire pour un homme d'être vu avec un visage manquant légèrement de virilité ou avec une corpulence qui rendait son ventre proéminent; c'est pourquoi tous les dix jours, les jeunes guerriers étaient invités à se tenir nus devant les éphores. Les éphores regardaient de près aussi chaque jour l'habillement porté par les jeunes gens ainsi que la literie qu'ils utilisaient et c'était avec raison. Il y avait, il est vrai, des cuisiniers à Sparte qui étaient habiles à préparer de la viande, mais à rien d'autre que cela. Et dans le vingt-septième livre Agatharchide dit que les Lacédémoniens convoquèrent Naucleidès le fils de Polybiadès, dont le corps recouvert de trop de chair, était devenu obèse par assouvissement de son vice, à venir devant l'assemblée; là Lysandre au début de la réunion le vilipenda tellement amèrement comme un dévergondé éhonté que les Lacédémoniens l'expulsèrent presque de la ville, et l'avertirent qu'ils le feraient certainement ainsi s'il ne changeait pas sa manière de vivre; Lysandre aussi fit observer que quand Agésilas tenait ses quartiers près de l' Hellespont lors de sa guerre contre les barbares, observant que les Asiatiques, alors qu'en matière d'habillement ils étaient coûteusement vêtus, mais qu'en ce qui concernait leurs corps ils étaient pour cette raison vraiment nuls, ordonna que ceux qui étaient capturés soient conduits au commissaire-priseur dépouillés de leurs vêtements et qu'ils soient vendus séparément, parce que il voulait que ses alliés comprissent que la lutte se faisait pour obtenir de grands prix mais contre des hommes sans valeur, et qu' ainsi ils se lançassent avec plus d'acharnement contre leurs adversaires. Et Python l'orateur de Byzance, était fort corpulent, comme Léon, son concitoyen, le raconte; et à une occasion, il dit à ses concitoyens, quand leurs factions se disputaient entre elles, pour les exhorter instamment à se réconcilier: Citoyens, vous pouvez voir comme je suis; mais j'ai une épouse qui est aussi beaucoup plus grosse que moi. Quand nous vivons en harmonie, même un lit ordinaire étroit ne peut nous con tenir; et quand nous nous disputons la maison n'est pas assez grande. [12,75] Comme il vaut mieux, donc, mon bon Timocrate, pour nous d'être pauvres et plutôt minces en comparaison avec les personnes énumérées par Hermippus dans le Cercopes, que d'être excessivement riches et ressembler au monstre marin de Tanagra, comme le faisaient les notables susmentionnés ! Hermippe, s'adressant à Denys, dit : Les pauvres, en effet, te sacrifient déjà des petis boeuf estropiés plus maigres que Leotrophidès ou Thumantis. Aristophane aussi, dans Gerytades, donne la liste suivante de gens maigres, dit-il, expédiés par les poètes comme ambassadeurs à Hadès pour rendre visite aux poètes qui y sont. Il dit: A. Et qui a osé descendre dans cette cachette des morts, aux portes de l'obscurité? B. Mais, nous avons choisi, en assemblée générale, un représentant de chaque art, des hommes qui, nous le savons, aiment fréquenter l'Hadès et qui aiment souvent y descendre. A. Y a-t-il vraiment des hommes parmi vous qui aiment fréquenter l'Hadès? B. Certainement, comme il y a les gens qui aiment aller en Thrace. Le ciel m'est est témoin. Il y en a pour tous les goûts. A. Et qui sont-ils donc? B. Eh bien, d'abord il y a Sannyrion, il fait partie des comédiens; des choeurs tragiques il y a Meletus, et des choeurs cycliques il y a Cinésias. Plus loin il dit: Combien minces sont les espoirs que vous emportez! Ces pauvres diables, si le fleuve de la diarrhée avance d'un seul trait trop énergiquement, ils seront rattrapés par lui et emportés. Concernant Sannyrion, Strattis, aussi dit dans son Homme calme: Le renfort de cuir de Sannyrion." Et de Meletus Sannyrion dit lui-même indique dans son Rire: Meletus, ce cadavre de Lenaeum. [12,76] Quant à Cinésias, il était vraiment très mince et très grand, et Strattis a écrit une pièce entière sur lui, dans laquelle il l'appelle "l'Achille de Phthie," parce qu'il employait sans arrêt le mot Phthien dans sa poésie; ainsi, pour plaisanter sur sa figure, il dit "Achille de Phthie." D'autres, encore, comme Aristophane, parlent souvent de lui comme Cinésias "léger comme du bois de tilleul, "parce qu'il avait une planche en bois de tilleul et qu'il l'avait attachée avec des courroies autour de lui pour ne pas être plié en deux à cause de sa taille et maigreur. Et l'orateur Lysias dans son discours Pour Phanias - le procès comportait une accusation de proposition d'une loi anticonstitutionnelle - dit que Cinésias était maladif et aussi en général intelligent, affirmant qu'il abandonna sa profession pour devenir sycophante, et c'est pourquoi il devint riche. Que ce soit le poète et non un autre Cinésias, est clairement démontré non seulement par la manière emphatique par laquelle il est ridiculisé en tant que poète pour son impiété, mais aussi du discours de Lysias, dans lequel il est montré du doigt en tant qu' athée. L'orateur dit: Je suis étonné que vous ne ne soyez pas indignés de ce que Cinésias se pose en tant que défenseur de nos lois, alors que vous savez tous qu'il est l'homme le plus impie et le plus anarchique du monde. N'est-il pas l'homme qui commet de tels crimes contre les dieux que c'est un scandale même de les mentionner, bien que vous entendiez parler de lui par les réalisateurs de comédies chaque année? N'était-ce pas en sa compagnie qu'Apollophane, Mystalidès et Lysitheus par le passé ont dinés ensemble, choisissant un jour prohibé par la religion, et s'appelant eux-mêmes les Adeptes de l'Esprit du Mal au lieu d'Adeptes de la Nouvelle Lune - et c'est à juste titre quand on voit leur mauvais destin; et certainement ils ne faisaient pas de mauvaise intention, mais simplement parce qu'ils raillaient les dieux et vos lois. Maintenant chacun de ces scélérats est mort de la façon dont devaient mourir de tels hommes ; mais en ce qui concerne Cinésias, lui qui était connu du plus grand nombre de personnes, les dieux l'ont réduit à une telle condition que ses ennemis, plutôt que de le faire mourir, ont préféré le faire vivre comme exemple pour les autres, pour qu'ils sachent que pour ceux qui adoptent une attitude outrageusement insolente envers la religion les dieux ne se vengent pas toujours sur les enfants, mais détruisent méchamment les coupables eux-mêmes, en leur donnant de plus grandes et plus terribles punitions, sous forme de désastre et de la maladie, que celles qu'ils donnent aux autres hommes. Mourir ou tomber malade d'une façon normale est le sort commun de nous tous, mais continuer pendant si longtemps à vivre dans une condition telle que la sienne, mourant chaque jour sans pouvoir en finir avec la vie, est la récompense appropriée uniquement pour ceux qui ont commis les crimes qu'il a commis." [12,77] Voilà ce que l'orateur a dit au sujet de Cinésias. Philitas, le poète de Cos, était aussi plutôt mince; sa maigreur de corps était telle qu'il devait porter des boulets de plomb à ses pieds pour ne pas qu'il s'envole. Et Polémon le Periégète, dans son livre sur les Merveilles, dit qu'Archestratus le devin, capturé par l'ennemi, fut placé sur une balance et il s'avéra qu'il avait le poids d'une obole: il était si maigre ! Le même auteur dit également que Panaretus n'alla jamais chez un médecin (c'était un élève du philosophe Arcesilaus, et Polémon dit qu'il vécut à la cour de Ptolémée Evergète, duquel il recevait douze talents par an). Mais tout en étant très maigre il n'était jamais malade. Metrodore de Scepsis dans le deuxième livre sur la Formation dit que le poète Hipponax était non seulement petit de corps, mais aussi maigre; mais il était si musclé que, entre autres exploits, il pouvait jeter même une carafe vide à une distance très grande; (un exploit notable) puisque sans lest des substances, ne pouvant pas fendre l'air, ne peuvent en règle générale avoir une grande vitesse. Philippides était aussi maigre. Il y a un discours contre lui de l'orateur Hypéride, qui indique qu'il était politicien. Sa maigreur le rendait insignifiant dans l'aspect corporel, comme l'indique Hypéride. Et Alexis dit dans les Thesprotiens: Toi, Hermès, qui escorte les morts, toi à qui Philippides est alloué, et toi, oeil de la nuit enrobée de noir. Et Aristophon dans Platon : A. En trois jours je le rendrai plus maigre que Philippides. B. Quoi ! tu peux transformer des hommes en cadavres en si peu de jours? Et Ménandre dans la Colère: Si dans ton pays la famine mord jamais ce cher ami, elle fera de lui un cadavre plus maigre que Philippidès. Il est clair que "être philippidès" voulait dire " être vraiment maigre." De lui Alexis dit dans La femme qui buvait de la Belladone: A. Tu es sur une mauvaise voie, tu t'es transformé en poulet dé lumé, Zeus m'en est témoin! Tu as été philippidisé. B. Cesse d'inventer de nouveaux quand tu mes parles. Je suis presque mort. A. Quels malheurs tu as eu! Mais il vaut mieux avoir cet aspect que celui de l'homme dont parle Antiphane indique dans Éole: Ce cher ami à cause de ses habitudes d'ivrogne et de son gros corps, est appelé 'Outre à vin' par tous les gens. Et Héraclide du Pont dans son livre sur le Plaisir dit que le marchand de parfums Deinias après s'être plongé dans l'érotisme par luxure et après avoir gaspillé de grandes sommes, quand il n'eut plus la possibilité de satisfaire ses désirs, devint tellement fou de chagrin qu'il se châtra; tous ces exemples sont le résultat d'un luxe extravagant. [12,78] C'était la coutume à Athènes, chez les personnes qui vivaient dans le luxe, d'oindre même leurs pieds de parfums; ainsi Cephisodorus dit dans Trophonius: Alors vous allez oindre mon corps; achetez-moi du parfum d'iris et de rose, vite, Xanthias, et pour mes pieds en outre, achète de l'asarabacca. Eubule dans le Sphinx-Carion: (Vous devriez me voir) couché dans le lit! et tout autour de moi les demoiselles somptueuses, très voluptueuses et se trémoussant, me frottent les pieds avec des onguents de marjolaine. Et dans Procris quelqu'un dit qu'il faut s'occuper du chien de Procris doit être inquiété, en parlant toujours de lui comme si c'était un être d'humain: A. Alors vous allez installer un gentil petit lit moelleux pour le chien; en dessous duquel vous étendrez des étoffes de laine de Milet, alors qu'au-dessus de lui vous étendrez un long peignoir léger. B. Par Apollon! A. Ensuite vous ferez tremper pour lui quelques gruaux de blé dans du lait d'oie. B. Par Héraclès ! A. Et enduisez-lui les pieds de parfum de Megallos. Et Antiphane dans Alcetis représente un homme en train d'oindre ses pieds avec l'huile d'olive. Ainsi dans le Prêtre mendiant il dit : Il a demandé à la fille d'acheter un onguent de la déesse et d'e lui enduire d'abord les pieds, ensuite les genoux. Et aussitôt que la fille eut touché ses pieds et les eut frottés il bondit en l'air. Et dans l'Homme de Zante: Et alors ! Je n'ai pas le droit d'aimer les femmes et de prendre plaisir à garder toutes ces maîtresses? Et pourquoi ! N'est-ce pas magnifique d'apprécier juste la chose même que vous faites maintenant, et d'avoir mes pieds frottés avec de belles mains douces? Aussi, dans les Villageois de Tharicus: A. Est-ce qu'elle se baigne vraiment? mais quoi ? B. Oui, elle a un coffret marquetée d'or, et de celui-ci elle oint ses pieds et ses jambes avec du parfum égyptien, ses joues et ses seins avec de l'huile de palme, un de ses bras avec de la menthe, ses sourcils et ses cheveux avec de la marjolaine douce, son genou et son cou avec du thym en touffes.... Anaxandride, aussi, dit dans Protésilas: Le parfum acheté dans le magasin de Peron, dont il a vendu une partie hier à Melanopus et dans celui d'un riche égyptien; avec celui-ci Melanopus a oint les pieds de Callistratus. Mais même du temps de Thémistocle la manière de vivre était luxueuse, comme Telecleides le dit dans les Prytanes. Et aussi Cratinus dans les Cheirons souligne distinctement le luxe des temps anciens quand il dit: Chaque homme s'installait dans l'assemblée avec un brin de menthe douce, ou une rose, ou un lis à son oreille, ou traînait sur le marché avec une pomme et un bâton en mains. [12,79] Et Cléarque de Soli dans ses Érotiques dit: Pourquoi est-ce que nous portons dans nos mains des fleurs, des pommes et d'autres choses de ce genre? Est-ce parce que à travers notre amour pour ces choses la nature essaie de révéler ceux qui aiment la beauté ? Est-ce que c'est certaines personnes portent des produits de la nature dans des leurs mains et les apprécient comme une sorte de révélation fournie par la nature? Ou est-ce pour ces deux raisons qu'ils les portent ? En fait on utilise ces moyens comme un premier pas pour une rencontre et également comme un signe de son désir pour y arriver; pour ceux dont on désire les faveurs, c'est un signe qu'ils se laissent aborder, alors que pour ceux à qui on donne une fleur, c'est la notification publique qu'ils ont elles-mêmes un droit de partager la beauté de l'autre. La demande faite sous forme de belles fleurs et de beaux fruits, invite ceux qui les acceptent de donner en échange la fleur de leurs propres corps. Ou peut-être ils gardent pour eux-mêmes pour satisfaire leur désirs la beauté des fleurs comme réconfort et consolation pour la beauté possédée par le bien-aimé. Car le désir pour l'aimé est détourné par la possession de fleurs. À moins que ce ne soit que dans le seul intéret de l'ornement personnel, juste comme on porte n'importe quelle autre chose pour augmenter sa beauté, que l'on porte ces choses et qu'on les apprécie. C'est non seulement ceux qui portent des couronnes de belles fleurs sur leurs têtes mais aussi ceux qui les portent dans leurs mains dont l'aspect entier est par là aussi paré. Et ainsi il est possible que ce soit à cause de leur amour de beauté; et ils montrent ainsi la passion pour de belles choses et une tendre disposition pour la beauté. Beau est en effet est l'aspect de l'arrière- saison et de la beauté quand on les voit en fruits et en fleurs. Ou devons-nous dire que tous les amoureux se laissent aller à la molesse par leur passion et sont poussés vers la beauté aussi, et ainsi prennent un plaisir pervers dans le beau? Il est, en effet, vraiment normal que ceux qui se considèrent beaux et sensuels cueillent des fleurs. Et également les filles dans le cortège de Perséphone, dit-on, cueillent des fleurs, et Sappho dit qu'elle a vu " Une très tendre jeune fille fleurs cueillant des fleurs." [12,80] Les hommes d'aujourd'hui sont tellements dépendants des plaisirs de la chair qu'ils ont consacré vraiment un temple à Aphrodite aux belles fesses dans les circonstances suivantes. Un fermier avait deux belles filles qui un jour entrèrent en conflit l'une avec l'autre et sortirent même sur la route pour régler la question pour savoir laquelle des deux avait les fesses les plus belles. Un jour un jeune homme dont le père était un vieil homme riche passa par là, et elles se montrèrent à lui; et lui, après les avoir regardées, choisit la fille aînée; en fait il était tombé amoureux d'elle tellement fort que quand il revint en ville il s'alita, et raconta ce qui était arrivé à son frère, qui était plus jeune que lui. Aussi ce dernier alla également dans le pays pour voir les filles, et il tomba aussi amoureux, mais de l'autre fille. Alors le père les pria de contracter un mariage respectable, mais puisqu'il parvint pas à les persuader, il ramena les filles de leur maison chez ses fils, ayant le consentement du père de celles-ci, et les maria avec eux. Les filles, donc, furent appelées "callipyges" par les citadins, comme Cercidas de Mégalopolis le dit dans ses Iambes. Il dit: Il y avait une paire de soeurs aux belles fesses à Syracuse. Ce sont elles, donc, qui, après avoir hérité d'une énorme richesse fondèrent le temple d'Aphrodite, appelant la déesse Callipyge, comme le dit également Archelaüs dans ses vers Iambes. [12,81] Elle n'est pas sans intérêt l'histoire d'une vie très agréable de luxe résultant de la folie, racontée par Heracleides du Pont dans livre sur le Plaisir. Il écrit ceci: Thrasyllus le fils de Pythodorus, du dème d'Aexonrê, était jadis si affligé par une folie résultant de sa vie luxueuse qu'il allait jusqu'à s'imaginer tous les bateaux entrant au Pirée comme lui appartenant, et les enregistrait en tant que tels dans ses comptes; il les expédiait et traitait toutes les affaires les concernant, et quand ils revenaient d'un voyage il les recevait avec une joie exubérante comme s'il se sentait l'unique propriétaire de toutes les marchandises. Si elles étaient perdues il ne les recherchait pas, mais si elles revenaient saines et sauves il montrait de la joie et vivait dans la plus grande satisfaction. A l'arrivée à Athènes de son frère Crito de Sicile, il fut arrêté et placé sous la responsabilité d'un médecin, qui le guérit de sa folie. Mais il a raconté l'histoire de la manière dont il avait vécu sa folie, en disant que jamais durant toute sa vie il ne s'était amusé autant; aucune douleur quelle qu'elle soit ne l'avait touché et la somme de ses plaisirs avait été immense.