[3,0] MÉTÉOROLOGIE - LIVRE III. [3,1] CHAPITRE PREMIER. § 1. (370b. 3) Parlons maintenant des autres effets de cette sécrétion, en suivant notre méthode habituelle. C'est l'air qui, sécrété petit à petit et s'écoulant çà et là, se renouvelant sans cesse, et soufflant en rendant ses parties toujours plus légères, produit le tonnerre et les éclairs. S'il est accumulé et plus dense, et que la sécrétion se réduise en parties moins ténues, il devient le vent d'ouragan ; il est alors très violent ; car c'est la rapidité de la sécrétion qui fait sa force. § 2. Lors donc que la sécrétion est considérable et continue, elle produit le même effet que lorsqu'elle s'élance en sens contraire ; car alors il se manifeste une grande abondance de pluie et d'eau: Ces deux phénomènes sont en puissance identiques, quant à la matière ; mais lorsque le principe de l'une ou de l'autre puissance vient à agir, il en sort sécrété de cette manière celui des deux phénomènes dont la quantité a été la plus grande, ici la pluie, et là, c'est-à-dire de l'autre exhalaison, le vent d'ouragan. § 3. Le tourbillon de vent se forme lorsque l'air sécrété et sortant d'un nuage, repousse l'air qui est dans l'autre nuage, comme on le voit lorsque le vent est forcé de passer d'un endroit plus large dans un plus étroit, par exemple entre les portes ou les défilés. Il arrive en effet fréquemment dans ces cas que la première partie du corps qui s'écoule ayant été repoussée, soit parce que l'espace ne cède pas devant elle, soit parce que le lieu est trop étroit, soit parce qu'il y a un courant d'air opposé, il se forme un cercle et un tourbillon d'air. Ce qui est en avant empêche le reste d'avancer ; ce qui est en arrière pousse toujours, de sorte que l'air est forcé de prendre une direction oblique et de se porter là où il ne se rencontre pas d'obstacle. Et ceci se fait d'une manière continue jusqu'à ce qu'il se forme une seule masse, c'est-à-dire qu'il se fasse un cercle ; car toute figure qui n'a qu'un seul et unique mouvement de translation ne peut être nécessairement qu'un cercle. C'est donc ainsi que se forment les tourbillons sur la terre, et c'est aussi le même principe qui les forme dans les nuages. Seulement, de même que dans l'ouragan le nuage se résout toujours et que le vent devient continu, de même ici la partie continue du nuage est toujours entraînée à la suite. § 4. Mais quand le vent ne peut avoir d'issue, à cause de sa densité, il tourne d'abord circulairement par la cause que nous venons d'indiquer, et il est porté en bas, parce que (371a) toujours les nuages s'épaississent dans cette partie d'où la chaleur s'échappe. § 5. Ce phénomène, s'il est sans couleur, est appelé Typhon ; c'est du vent, et pour ainsi dire une tempête incomplète. Le Typhon ou la trombe ne se produit jamais quand il fait froid, pas plus que le vent de nuages ne se produit jamais quand il neige, parce que ces deux météores sont des vents, et que le vent est une exhalaison sèche et chaude ; or la gelée et le froid, lorsqu'ils ont une force supérieure, éteignent aussitôt le principe, qui tendrait encore à se produire. § 6. Mais il est évident que la gelée et le froid ont une force prédominante ; car autrement il n'y aurait pas de neige, et les météores humides ne seraient pas congelés, puisqu'ils ne le sont que quand le froid l'emporte. § 7. La trombe ou Typhon se forme donc quand la tempête ne peut se dégager du nuage où elle est enfermée. Cela tient à la résistance du tourbillon, lorsque la spirale entraîne avec elle sur la terre le nuage dont elle ne peut se débarrasser. Là où elle souffle en droite ligne, elle ébranle par le vent qui s'échappe, fait tourner dans un mouvement circulaire, et enlève avec violence, tout objet sur lequel elle s'abat. § 8. Lorsque déchiré vivement le phénomène prend feu, et ceci arrive quand l'air devient plus léger, on l'appelle un météore brûlant, un Prester ; car il enflamme et brûle l'air, qu'il colore par son ignition. § 9. S'il y a dans le nuage lui-même une grande quantité d'air de chassé et que cet air soit léger, c'est alors une foudre. Si l'air est tout à fait léger, mais qu'il ne brûle pas à cause de sa légèreté même, alors les poètes lui donnent le surnom d'Étincelant ; s'il est moins léger et moins brûlant, c'est ce qu'ils nomment un météore enfumé. § 10. L'un est emporté par sa légèreté même; et dans le mouvement rapide qui l'anime, il passe et s'écoule avant de s'enflammer et de noircir, en s'arrêtant quelques instants. L'autre au contraire, qui est plus lent, a le temps de prendre couleur, mais sans brûler ; et il passe tout à coup avec rapidité, avant d'agir. § 11. C'est là ce qui fait aussi que les corps qui résistent à la percussion qu'ils reçoivent de la foudre, en conservent quelque trace ; ceux qui ne résistent pas n'en éprouvent aucun effet. Par exemple dans un bouclier, le revêtement de bronze a pu être fondu par la foudre, tandis que le bois n'avait rien ressenti ; c'est que le bois étant plus rare, l'air s'écoule et s'échappe en le traversant avec rapidité. Et de même, la foudre ne brûle pas en traversant des étoffes ; elle y fait simplement comme un trou. Ce qui précède prouve bien que ces phénomènes sont tous des vents. § 12. Mais on peut quelquefois s'en convaincre par des observations directes. C'est ce que l'on a pu remarquer naguère dans l'incendie du temple d'Éphèse. La flamme y fit à plusieurs reprises des tourbillons compacts et tout à fait séparés. Il est donc évident (371b) que la fumée est un vent et que la fumée se brûle, ainsi qu'on l'a démontré antérieurement ailleurs. Mais c'est surtout quand elle est très épaisse qu'on voit bien clairement qu'elle n'est qu'un vent. § 13. Ce qui se passe dans les petits foyers, se manifestait avec bien plus de force dans l'incendie d'Éphèse, parce que c'était toute une grande masse de combustible qui brûlait. Les bois où le vent trouvait son origine étant une fois rompus, le vent sortait en masses énormes dans le sens où il soufflait ; et il s'élevait fort haut en se consumant. On voyait bien alors la flamme s'enlever et retomber sur les maisons. § 14. Ainsi il faut croire que toujours le vent précède et accompagne la foudre; et si on ne le voit pas, c'est qu'il est sans couleur. Voilà pourquoi tous les objets qu'elle doit atteindre sont agités avant même d'être frappés, comme si le principe du vent se faisait sentir à l'avance. C'est ainsi également que les tonnerres et les éclairs fendent les objets, non par le bruit, mais parce que le vent qui a produit le coup et le bruit, vient à se sécréter et à sortir du nuage dans le même moment ; et alors si le vent vient à frapper les objets, il les divise; mais pourtant il ne les brûle pas. § 15. Voilà ce qu'on avait à dire du tonnerre, de l'éclair et du nuage orageux, et aussi des ouragans, des trombes et des foudres. On voit que ce ne sont là qu'un seul et même phénomène, et l'on voit aussi quelle est la différence de tous ces météores. [3,2] CHAPITRE II. § 1. Parlons maintenant du halo et de l'arc-en-ciel ; disons ce qu'ils sont l'un et l'autre, et quelle cause les produit. Parlons aussi des parhélies et des verges ou bâtons lumineux ; car tous ces phénomènes se produisent par des causes qui sont identiques. Il faut d'abord bien connaître les circonstances et les faits relatifs à chacun d'eux. § 2. Pour le halo, on en voit fréquemment le cercle tout entier, et il se forme soit autour du soleil, soit autour de la lune et des astres les plus brillants. Il se montre la nuit tout aussi bien que le jour, à midi tout aussi bien que le soir. Il est plus rare au lever du soleil ou près de son coucher. § 3. L'arc-en-ciel au contraire ne forme jamais un cercle complet, et sa section n'est jamais plus grande qu'une demi-circonférence. C'est au coucher ou au lever du soleil que, pour le plus petit cercle, la corde est la plus grande ; mais quand le soleil est plus haut sur l'horizon, la corde est d'autant plus petite que le cercle est plus grand. Après l'équinoxe d'automne, quand les jours se raccourcissent, il se forme à toute heure du jour. Dans l'été, il ne se montre guère vers midi. Il n'y a jamais plus de deux arcs-en-ciel à la fois. § 4. Chacun d'eux a trois couleurs ; les (372a) couleurs sont identiques dans tous deux, et elles sont en nombre égal, moins vives dans l'arc extérieur et disposées dans un sens contraire. L'arc intérieur a sa première et plus grande circonférence écarlate ; l'arc extérieur a sa plus petite circonférence de cette couleur et la plus rapprochée de celle-là, les autres étant posées d'une façon analogue. § 5. Ces couleurs sont à peu près les seules que les peintres ne puissent point reproduire. Ils essayent d'en obtenir quelques-unes par des mélanges divers. Mais l'écarlate, le vert et le violet ne peuvent jamais être le résultat d'un mélange, et ce sont-là les couleurs que présente l'arc-en-ciel. La couleur qui est entre l'écarlate et le vert semble assez souvent être fauve. § 6. Les parhélies et les verges ou bâtons lumineux ne se forment jamais qu'obliquement et de côté. Ces phénomènes ne viennent point d'en haut ni près de la terre, ni du côté opposé au soleil. On ne les voit donc jamais la nuit ; et ils apparaissent toujours pendant que le soleil est au-dessus de l'horizon, soit qu'il s'élève, soit qu'il s'abaisse. Le plus fréquemment, c'est au moment du coucher. Lorsque le soleil est au milieu du ciel, le phénomène est plus rare. C'est ainsi qu'il se produisit sur le Bosphore. Durant tout le jour, deux parhélies qui s'étaient levés avec le soleil l'accompagnèrent, et persistèrent jusqu'à son coucher. § 7, Voilà les circonstances qui accompagnent chacun de ces phénomènes. Quant à la cause qui les produit, elle est la même pour tous : ils ne sont qu'une réfraction. La différence tient uniquement à la manière dont la réfraction a lieu, et aux corps d'où elle vient, selon qu'elle part du soleil et de quelqu'autre corps lumineux. § 8. L'arc-en-ciel se produit le jour; mais dans l'opinion des anciens il ne se produisait jamais la nuit par l'effet de la lune. Ce qui induisait les anciens en erreur, c'est que ce phénomène nocturne est très rare ; et voilà comment il leur échappait ; mais il se produit réellement, bien qu'il ne se produise pas souvent. § 9. La cause en est que les couleurs disparaissent dans l'obscurité, et qu'il faut en outre le concours de plusieurs conditions, lesquelles doivent toutes se réunir pour un seul et même jour du mois. Ainsi il faut nécessairement, pour que le phénomène ait lieu, qu'il y ait pleine lune ; et même alors il ne peut se former qu'à son lever ou à son coucher. Mais en plus de cinquante ans, nous n'avons pu l'observer que deux fois. § 10. Il faut d'abord bien savoir que le rayon lumineux, qui est réfracté par l'eau, l'est également par l'air, et par tous les objets qui ont une surface polie. C'est ce que prouvent les démonstrations que nous avons établies en parlant de la vue, et les phénomènes des miroirs, dont quelques-uns reproduisent aussi les formes des objets, tandis que d'autres n'en reproduisent que les couleurs. § 11. Ces miroirs sont ceux qui sont (372b) tout petits, et qui n'offrent aucune dimension sensible. Dans ces miroirs en effet, il est impossible que la forme paraisse ; car elle paraîtrait avec une dimension quelconque, puisque toute forme en même temps qu'elle est forme a aussi une dimension ; mais comme alors il faut nécessairement que quelque chose paraisse, et que la forme ne peut pas paraître, reste la couleur seule qui peut se montrer. § 12. Parfois la couleur des corps brillants paraît brillante ; parfois aussi, soit qu'elle se mêle à celle du miroir, soit que la vision soit trop faible, elle produit l'apparence d'une autre couleur. Du reste, nous avons déjà présenté ces théories dans ce que nous avons démontré relativement aux sens ; ici donc complétons-les, en nous servant des principes qui ont été déjà posés par nous. [3,3] CHAPITRE III. § 1. Occupons-nous d'abord de la forme du halo ; et disons pourquoi il est circulaire, et aussi pourquoi il se produit soit autour du soleil, soit autour de la lune, soit même autour de quelques autres astres. L'explication sera la même pour tous ces cas. § 2. C'est une réfraction de la vision, lorsque l'air et la vapeur se condensent en nuage, la vapeur étant fort égale et réduite en parties très ténues. § 3. Voilà comment la condensation des vapeurs est un signe de pluie ; leur dispersion et leur disparition sont des signes aussi, celle-ci de beau temps, et celle-là de vent. Quand la vapeur ne disparaît pas ou qu'elle ne se disperse point, et qu'au contraire elle peut arriver à prendre toute sa consistance naturelle, c'est un signe très probable de pluie. § 4. Car alors c'est la preuve qu'il s'est formé cette condensation qui, donnant à l'épaississement une sorte de continuité, doit nécessairement finir par se tourner en eau. Voilà pourquoi ces condensations de vapeurs sont en général plus noires que toutes les autres. § 5. Quand au contraire la vapeur se disperse, c'est signe de vent ; car cette dispersion ne peut être causée que par le vent qui souffle déjà, bien qu'on ne le sente pas encore. Ce qui le prouve bien, c'est que le vent vient du côté où la dispersion est la plus forte. § 6. Quand la vapeur se dissipe et disparaît, c'est signe de beau temps ; car si l'air n'est pas encore en état de dominer la chaleur qui y est contenue, ni de passer à l'épaississement aqueux, il est clair que la vapeur n'est pas encore dégagée de l'exhalaison sèche et ignée ; et c'est là ce qui fait le beau temps. Voilà donc dans quelles conditions se trouve l'air, quand la réfraction a lieu. § 7. (373a) La vision se réfracte de la nuée qui est condensée, soit autour du soleil, soit autour de la lune ; et voilà pourquoi le halo ne se montre pas en sens contraire comme l'arc-en-ciel. Comme la vision est partout également réfractée, il faut nécessairement qu'il se forme un cercle ou une partie de cercle ; car des lignes menées d'un même point vers un même point seront toujours des lignes égales, qui se briseront sur la circonférence d'un cercle. § 8. Soit d'un point A, vers le point B, la ligne réfractée ACB ; puis, AFB ; puis, ADB. Les lignes AC, AF, AD sont égales entr'elles, ainsi que les lignes menées à B, CB, FB, DB. Joignons la ligne AEB. Ainsi les triangles sont égaux ; car ils sont tous à angle droit sur une même ligne AEB. § 9. Soient menées des perpendiculaires sur AEB, à partir des angles; de C, la perpendiculaire CE; de F, FE ; de D, DE. Elles sont égales ; car elles sont dans des triangles égaux ; elles sont toutes sur un seul plan, puisque toutes se réunissent à angles droits sur la ligne AEB, et en un seul point E. La ligne décrite sera donc un cercle, et E sera le centre. Soit B, le soleil ; et A, la vue; la circonférence CFD, le nuage, d'où la vision est réfractée vers le soleil. § 10. Il faut supposer qu'ici les miroirs se touchent ; mais par leur petitesse même, chacun à part est invisible ; et de la réunion de tous, il semble ne s'en former qu'un seul par la continuité. § 11. C'est la couleur blanche qui se montre, parce que le soleil paraît en un cercle continu dans chacun des miroirs, et qu'il n'y présente aucune dimension appréciable. C'est surtout du côté de la terre que le halo se forme, parce qu'il y a moins de vent ; car du moment que le vent souffle, il est clair qu'il ne peut y avoir d'accumulation visible. Le pourtour qui touche la partie blanche paraît noir ; et il le paraît d'autant plus que la blancheur voisine le fait ressortir. § 12. Les halos se forment plus souvent autour de la lune qu'autour du soleil, parce que le soleil, étant plus chaud qu'elle, dissout plus vite les concrétions de l'air. C'est par les mêmes causes que le halo se forme autour des astres ; mais les signes qu'ils donnent ne sont pas les mêmes, parce qu'ils ne révèlent que des concrétions excessivement petites, qui ne sont pas encore en état de rien produire. [3,4] CHAPITRE IV. § 1. Nous avons déjà, dit que l'arc-en-ciel n'est qu'une réfraction; reste à savoir quelle est au juste cette réfraction, comment elle se forme, et quelle est la cause de toutes les circonstances qui l'accompagnent. C'est ce que nous allons expliquer. § 2. La vision semble se réfracter de tous les corps lisses ; (373b) l'air ainsi que l'eau sont rangés parmi ces corps. Elle vient de l'air, quand il se trouve condensé. La faiblesse seule de la vue suffit pour qu'il produise souvent une réfraction, même sans condensation ni épaississement, comme il arrivait à un malade qu'on cite et qui avait la vue mauvaise et peu perçante. § 3. Il lui semblait toujours voir sa propre image qui le précédait et qui le regardait en sens contraire de lui. Cet effet venait de ce que la vision était réfractée de l'individu à l'individu lui-même. La vision était dans cet homme tellement faible et tellement légère par suite de la maladie, que l'air qui était tout près de lui et qu'il ne pouvait repousser, devenait un miroir, comme l'air qui est loin et épais. § 4. C'est là aussi ce qui fait qu'en mer, les cimes des promontoires paraissent plus élevées, et que les dimensions de tous les objets augmentent quand souffle le vent du sud-est. C'est encore ce qui se produit pour les objets qui paraissent à travers des brouillards ; par exemple, le soleil et les étoiles, quand ils se lèvent ou qu'ils se couchent, semblent plus grands que quand ils sont au milieu du ciel. § 5. C'est surtout l'eau dans les nuages qui cause les réfractions les plus fortes, et elle en produit quand elle commence à se former plus encore que n'en produit l'air lui- même ; car chacune des parties dont la réunion compose la goutte, est plus encore un miroir que la nuée ne peut l'être. § 6. Comme il est évident, ainsi que d'ailleurs on l'a dit plus haut, que dans les miroirs de ce genre il n'y a que la couleur seule qui paraisse et que la forme des objets ne se reproduit pas, voici ce qui arrive nécessairement. Quand il va commencer à pleuvoir et que l'air qui est dans les nuages se condense déjà en gouttelettes, sans qu'il pleuve encore, s'il y a à l'opposite le soleil ou quelqu'autre corps assez brillant pour que le nuage fasse miroir et que la réfraction se produise à l'opposé du corps qui brille, il faut de toute nécessité qu'il y ait reproduction apparente de la couleur, mais non de la forme. § 7. Or chacun des miroirs étant petit et imperceptible, et la continuité de grandeur qu'on aperçoit ne venant que d'eux tous réunis, il est inévitable que cette grandeur continue paraisse être de la même couleur. § 8. Car chacun des miroirs fournit la même couleur au continu ; et comme ces circonstances ne se présentent que quand le soleil et le nuage sont dans cette position, et que nous sommes placés entre deux, il faut qu'il se forme une apparence par suite de la réfraction. § 9. C'est dans ces conditions, et dans ces conditions toutes seules à l'exclusion des autres, que se produit l'arc-en-ciel. Il est donc évident que l'arc-en-ciel est une réfraction de la vision relativement au soleil ; et c'est là ce qui fait qu'il se produit toujours à l'opposé du soleil tandis que le halo se produit autour de cet astre. Tous deux ne sont pourtant que des réfractions ; mais la variété des couleurs fait une différence pour l'arc-en-ciel. § 10. L'une de ces réfractions vient de l'eau et du noir, et elle part de loin ; l'autre au contraire se fait de près, et elle vient de l'air qui de sa nature est plus blanc. Mais la partie brillante paraît écarlate à cause du noir, ou en se réfractant dans le noir ; ce qui revient tout à fait au même. § 11. On peut voir quand on fait du feu avec des bois verts combien la flamme en est rouge, parce que le feu, qui, par lui-même est brillant et de couleur blanche, se mêle à beaucoup de fumée ; et le soleil vu à travers le brouillard ou de la fumée paraît aussi rougeâtre et écarlate. § 12. C'est ainsi que la réfraction de l'arc-en-ciel, du moins la première, paraît avoir cette couleur, parce que la réfraction se forme de très petites gouttelettes, et que celle du halo ne l'a pas. Nous parlerons plus tard des autres couleurs. § 13. Du reste, la condensation où se forme le halo, ne peut pas durer longtemps autour du soleil ; ou il pleut, ou elle se dissout. Mais quand l'astre et le nuage sont diamétralement opposés, il faut un certain intervalle de temps avant que l'eau ne se produise ; et sans cette circonstance, les halos seraient colorés tout comme l'arc-en-ciel. § 14. Les météores qu'on appelle verges ou bâtons lumineux n'ont pas cette apparence dans toute leur étendue, et ils ne l'ont pas non plus circulairement; ils ne l'ont qu'en partie et faiblement ; car s'il y avait un brouillard pareil à celui que formerait l'eau ou tel autre corps noir, ainsi que nous l'avons dit, l'arc-en-ciel se montrerait tout entier, comme celui qu'on voit aux lampes. § 15. On peut observer en effet que c'est le plus habituellement quand le vent du midi souffle en hiver, que se montre autour des lampes l'arc-en-ciel ; et il est surtout apparent pour ceux qui ont les yeux humides, parce que leur vue est bien vite réfractée à cause de sa faiblesse. § 16. Dans ce cas, grâce à l'humidité de l'air et à la suie qui s'échappe de la flamme et s'y mêle, il se forme un miroir qui tient aussi à la couleur noire de la suie ; car la suie est une sorte de fumée. En effet la lumière de la lampe n'est pas blanche ; elle paraît rougeâtre tout autour et irisée. Mais elle n'est pas rouge, parce que la vision, qui est réfractée, est courte, et que le miroir est noir. § 17. L'arc-en-ciel qui se forme sous les rames qu'on retire de la mer est, quant à la position, tout à fait pareil à celui qui se forme dans le ciel ; mais la couleur le rapproche davantage de celui qui se forme aux lampes; il n'est pas précisément rouge ; mais il semble avoir une couleur de pourpre. La réfraction vient des gouttelettes très petites, mais continues. Elles sont déjà tout à fait de l'eau divisée. § 18. Il se forme également un arc-en-ciel, (347a) lorsque l'on jette des gouttelettes d'eau légères dans un endroit qui est placé, relativement au soleil, de telle façon que le soleil éclaire d'un côté et qu'il y ait ombre de l'autre. § 19. Dans un lieu ainsi disposé, si étant en dedans on jette quelques gouttes d'eau dans le lieu qui est en dehors, là où les rayons cessent et font ombre, l'arc-en-ciel se montre aussitôt. Le mode de formation, la couleur et la cause de cet arc-en-ciel sont identiquement les mêmes que pour celui qui est formé par l'effet des rames; car la personne qui jette les gouttes dans ce cas, fait avec sa main ce que la rame peut faire. § 20. Que ce soit bien là comment se produit la couleur de l'arc-en-ciel, c'est ce qu'on verra sans peine par les remarques suivantes, qui s'appliqueront également aux autres couleurs du phénomène. Il faut d'abord, ainsi que je viens de le dire, se bien figurer et admettre que la lumière sur un corps noir, ou à travers un corps noir, produit la couleur rouge ; en second lieu, que la vue en s'étendant devient plus faible et moins sûre; enfin et en troisième lieu, que le noir est une sorte de négation de la couleur ; car le noir ne se produit que parce que la vision vient à manquer. Aussi, c'est là ce qui fait que tous les objets éloignés paraissent plus noirs, parce que la vision ne peut pénétrer jusqu'à eux. § 21. On peut voir du reste tout cela d'après ce qui se passe pour les sens ; car c'est à eux que se rapportent proprement les études sur ces matières. Nous n'en parlerons ici qu'autant qu'il en sera besoin pour notre sujet. C'est donc pour cette cause que les objets plus éloignés semblent plus noirs, plus petite et plus unis, ainsi que les objets qui sont vus dans les miroirs ; de même que les nuages paraissent plus noirs dans l'eau que quand on regarde les nuages eux-mêmes. § 22. Et la raison en est bien évidente,: c'est qu'à cause de la réfraction, ces objets ne sont aperçus que très faiblement. Il importe peu d'ailleurs que ce soit l'objet vu ou bien la vue elle-même qui change ; le résultat, quoi qu'il en soit, est toujours le même en définitive, § 23. A tout ceci, il faut avoir bien soin d'ajouter encore cette considération. Quand le nuage est près du soleil, si on le regarde, on n'y voit rien de coloré ; mais il semble tout blanc ; tandis que, si l'on regarde ce même nuage dans l'eau, il a quelque couleur de l'arc-en-ciel. Il est donc évident que de même que la vue, brisée à cause de sa faiblesse, fait paraître le noir plus noir qu'il n'est, de même aussi elle fait paraître le blanc moins blanc, et le fait tirer sur le noir. § 24. La vision plus forte passe au rouge ; la vision qui suit passe au vert, et la plus faible encore passe au violet. Plus loin il n'y a plus de vision possible ; il n'y en a que dans ces trois couleurs ; et tout finit ici après trois, comme dans la plupart des autres choses. Le changement des autres couleurs devient imperceptible à nos sens. voilà pourquoi aussi l'arc-en-ciel (375a) ne paraît que de trois couleurs. § 25. Les deux arcs qui se forment les ont également, mais en sens contraire. Le premier arc-en-ciel a la couleur rouge extérieurement ; car c'est de la circonférence la plus grande que la plus forte vision tombe vers le soleil ; et la plus grande circonférence est celle du dehors. Celle qui suit et la troisième sont dans des rapports proportionnels. Si donc nous ne nous sommes pas trompés eu décrivant l'apparence des couleurs, il faut nécessairement que l'arc-en-ciel en ait trois, et qu'il n'ait absolument que ces trois seules couleurs. § 26. Si le jaune se montre aussi, c'est à cause de la proximité même des couleurs. Ainsi, le rouge près du vert paraît blanc ; et ce qui le prouve bien, c'est que plus le nuage est noir, moins les couleurs de l'arc-en-ciel sont mêlées. Or c'est dans ce cas que le rouge paraît le plus jaune. Dans l'arc-en-ciel, le jaune se produit entre la couleur rouge et la couleur verte. C'est donc à cause de la noirceur du nuage circulaire que toute la partie rouge de ce nuage paraît si blanche ; et en effet. elle est blanche en comparaison du reste. § 27. Et réciproquement, quand l'arc-en-ciel s'efface et s'éteint, la couleur rouge se rapproche beaucoup du blanc, parce que le rouge se dissipe ; car la nuée, qui est blanche, tombant à côté du vert, passe au jaune. § 28. La meilleure preuve de tout cela, c'est l'arc-en-ciel qui est formé par la lune. Il semble tout à fait blanc ; et ce phénomène tient à ce qu'il paraît dans un nuage qui est noir, et durant la nuit. C'est absolument comme du feu sur du feu ; du noir près du noir fait que ce qui est un peu blanc paraît tout à fait blanc ; et ici, c'est la couleur rouge qui est dans ce cas. § 29. C'est encore là un phénomène qu'on peut bien observer sur les nuances des fleurs. Ainsi, dans les tissus et dans les broderies, on ne saurait dire combien les nuances de certaines couleurs mises tout près d'autres couleurs diffèrent d'apparence ; par exemple, des laines rouges mêlées à des laines blanches ou noires, ou bien placées sous tel ou tel jour. Aussi, les brodeurs disent-ils qu'ils se trompent bien souvent sur les nuances, quand ils travaillent à la lampe et qu'ils ne s'aperçoivent pas qu'ils prennent les unes pour les autres. § 30. Ainsi donc, on a expliqué comment l'arc-en-ciel a trois couleurs et pourquoi il n'a que ces trois-là. C'est par une seule et même cause que l'arc-en-ciel double, qui enveloppe le premier, a tout à la fois des couleurs plus pâles, et qu'elles y sont placées dans une disposition inverse. § 31. La vue en effet s'élargissant davantage voit l'objet comme s'il était plus éloigné ; et dans le phénomène du second arc-en-ciel, il en est tout à fait de même. Ainsi la réfraction qui vient de l'arc-en-ciel intérieur est plus faible, (375b) parce que cette réfraction même se produit de plus loin, de telle sorte que, venant plus petite à l'oeil, elle fait paraître les couleurs moins vives. § 32. Et si les couleurs sont renversées, c'est qu'il tombe vers le soleil davantage de réfractions de la circonférence la plus petite, qui est la circonférence intérieure ; car étant plus près de la vue, elle est réfractée de la circonférence du premier arc-en-ciel, qui est la plus rapprochée. Or, dans l'arc-en-ciel extérieur, la circonférence la plus rapprochée, c'est la plus petite. Ainsi, elle aura la couleur rouge, tandis que la circonférence qui suit et la troisième seront dans des rapports proportionnels. Soit l'arc-en-ciel extérieur, B ; l'arc intérieur, A ; les couleurs : C le rouge, D le vert, E le violet. Le jaune paraîtra en F. § 33. Il n'y a pas trois arcs-en-ciel, et encore moins davantage, parce que déjà le second est très pâle ; de telle sorte que la troisième réfraction serait excessivement faible, et qu'elle ne pourrait pas aller jusqu'au soleil. [3,5] CHAPITRE V. § 1. Que l'arc-en-ciel ne puisse pas être entièrement circulaire, que la section ne puisse pas aller au-delà de la demi-circonférence, et que toutes les conditions du phénomène soient bien telles que nous les avons dites, c'est ce dont on peut se convaincre sans peine en étudiant la figure ci-jointe. § 2. Un hémisphère au-dessus de l'horizon est représenté par A ; son centre est C ; et tel autre point s'élevant sur l'horizon est représenté par S. Si les lignes tombant de C, en forme de cône, font de la ligne SC une sorte d'axe, et que les lignes menées de C vers N se brisent à partir de la demi-circonférence vers S, c'est-à-dire sur le plus grand angle, les lignes menées de C formeront en tombant une circonférence de cercle. § 3. Et si la réfraction a lieu, soit au lever soit au coucher de l'astre, la partie qui est au-dessus de la terre sera une demi-circonférence de cercle coupé par l'horizon. Mais quand l'astre sera en ascension, la portion de cercle interceptée sera toujours moindre que la demi-circonférence elle sera la plus petite possible, lorsque l'astre est au méridien. § 4. Supposons d'abord que l'astre soit à son lever représenté par S. Supposons aussi que la ligne CN soit réfractée sur S, et que le plan représenté par A soit mené en passant par le triangle SCN. La section de la sphère sera donc un cercle. Prenons le plus grand possible, celui qui est représenté par A. Il n'y a en effet aucune différence à choisir des plans quelconques qui, de la ligne SC, peuvent être menés suivant le triangle (376a) CNS. Ainsi donc, les lignes menées des points SC ne pourront pas se rencontrer, dans ce rapport, sur tel ou tel autre point du demi-cercle représenté par A. § 5. En effet, puisque les points S et C sont donnés, la ligne SC le sera aussi, et la ligne NS le sera également, tout comme le rapport de NS à NC. Par conséquent, le point N touchera une périphérie donnée, que nous représentons par MN. Par suite, la section des périphéries sera donnée. Mais je dis que sur toute autre partie de la périphérie MN, le même rapport ne subsistera pas entre les mêmes points dans le même plan. § 6. Soit donc une ligne prise en dehors, DB, et que D soit coupé par rapport à B dans la proportion de NS à NC. NS est plus grand que NC, puisque la réfraction du cône se fait sur le plus grand angle ; et qu'en effet, NS sous-tend le plus grand angle du triangle NCS. Ainsi D est plus grand que B. § 7. Que l'on ajoute à B la ligne F, de telle sorte que BF soit à D ce que D est à B. Ensuite, supposons que B soit à une autre ligne, CP, comme F est à CS, et que de P à N soit menée la ligne PN. § 8. P sera donc le pôle du cercle sur lequel tombent les lignes menées de C. Ainsi, ce que F est à CS, B le sera à CP et D à PN. En effet on peut supposer aussi que cela n'est pas, et que le rapport a lieu avec une ligne plus petite ou plus grande que PN, parce qu'en effet il n'y aurait aucune différence. § 9. Que ce soit par exemple relativement à PR. Ainsi les lignes SC, CP et PR seront entr'elles dans le même rapport que FBD. Mais FBD étaient proportionnellement comme D est à B, comme FB est à D. Ainsi PR est à PC comme PS est à PR. § 10. Si donc des points CS, les lignes SR et CR sont jointes à R, les lignes jointes auront le même rapport que SP à PR. En effet, c'est à un même angle P que se rapportent proportionnellement les angles du triangle SPR et du triangle CRP. Ainsi, PR est à CR dans le même rapport que SP est à PR. § 11. De plus, NS est à NC dans le même rapport (376b) que D est à B. Ainsi, en partant des points SC, des lignes ayant le même rapport iront coïncider non seulement à la périphérie NM, mais encore sur tout autre point. Or c'est là ce qui est impossible. § 12. Puis donc que D ne peut se rapporter ni à une ligne plus petite que NP, ni à une ligne plus grande, car on le démontrerait de même, il faut nécessairement qu'il se rapporte à la ligne NP. Ainsi ce que NP est à PC, PS l'est à NP, et l'autre ligne NS l'est à NC. § 13. Si donc en prenant le pôle P, et la distance NP, on décrit un cercle, il touchera tous les angles que forment, en se brisant, les lignes menées du cercle NS. Si non, on démontrerait également que les lignes menées de l'un et l'autre côté du demi-cercle ont le même rapport ; ce qui a été démontré impossible. § 14. Si donc on trace le demi-cercle A autour du diamètre SCP, les lignes menées de SC et se réfractant vers N, seront également dans tous les plans et feront l'angle égal CNS ; et l'angle que feront les lignes SP et NP sur SP sera toujours égal. § 15. Ainsi, les triangles sur SP et CP sont égaux à SNP et CNP. Leurs perpendiculaires tomberont sur le même point de SP et seront égales. Qu'elles tombent en O, le centre du cercle sera donc O ; et le demi-cercle, c'est-à-dire NM, est enlevé de l'horizon. § 16. Car on sait que le soleil ne domine pas les parties supérieures de l'atmosphère et qu'il ne domine que les matières qui sont transportées près de la terre, et qu'il fait écouler l'air. C'est là ce qui est cause que l'arc-en-ciel n'est jamais un cercle complet. Il arrive aussi, mais rarement, qu'il se produit dans la nuit par l'effet de la lune. C'est qu'elle n'est pas toujours pleine, et naturellement elle est trop faible pour dominer l'air. L'arc-en-ciel se forme surtout là où le soleil domine le plus ; car là aussi il se forme dans l'arc-en-ciel le plus de gouttelettes. § 17. Soit donc encore l'horizon représenté par ABC. Que l'on élève S et que l'axe soit ici représenté par SP, on fera tout le reste de la démonstration, comme auparavant. Mais ce pôle du cercle, P, sera au-dessous de l'horizon AC, (377a) quand le point S s'y sera élevé. § 18. Or le pôle, le centre du cercle et celui du nouvel horizon qui termine le lever de l'astre, seront sur la même ligne ; car le cercle est représenté par SP. § 19. Mais comme CS est au-dessus du diamètre AC, le centre serait d'abord au- dessous de l'horizon AC, sur la ligne CP, et au point O. Ainsi la section supérieure du demi-cercle, représentée par XYZ, est plus petite ; car XYZ est un demi-cercle. Mais maintenant il est coupé par AC, l'horizon. YZ sera invisible, pour peu que le soleil lui-même s'élève vers le méridien. Plus S est élevé, plus le pôle est bas, ainsi que le centre du cercle. § 20. Si dans les jours plus courts qui viennent après l'équinoxe d'automne, il se peut que l'arc-en-ciel se produise toujours, et si dans les jours plus longs qui sont compris entre l'un et l'autre équinoxe, l'arc-en-ciel ne se produit jamais à midi, la cause en est que toutes les sections du côté de l'Ourse sont plus grandes que la demi-circonférence, et qu'elles deviennent toujours de plus en plus grandes, à mesure que la partie qu'on ne voit pas continue à se rapetisser. Mais les sections qui sont vers le méridien de l'équinoxe sont, l'une, la section supérieure, très petite, et l'autre, qui est au-dessous de la terre, fort grande. Et toujours à mesure que le soleil s'éloigne, les sections sont de plus en plus grandes. § 21. Par conséquent, dans les- jours qui avoisinent le solstice d'été, à cause de la grandeur des jours, avant que S n'arrive au milieu de la section et qu'il ne soit au méridien, P est déjà tout à fait en bas, parce que le méridien est fort loin de la terre, par suite de la grandeur de la section. § 22. Mais dans les jours qui avoisinent le solstice d'hiver, comme les sections des cercles ne sont pas très élevées au-dessus de la terre, il faut nécessairement que le phénomène se passe tout à l'inverse ; car il n' y a pas besoin alors que le point S soit fort élevé, pour que le soleil arrive au méridien. [3,6] CHAPITRE VI. § 1. Il faut croire que ce sont des causes semblables à celles qu'on vient d'exposer qui produisent le parhélie et les verges ou bâtons lumineux. Ainsi, le parhélie se forme par la vision réfractée d'un certain point vers le soleil ; et les verges se forment, parce que la vision tombe sur un nuage, étant telle que nous avons dit qu'elle est toujours, lorsque les nuages étant près du soleil, elle est réfractée de quelque corps aqueux vers le nuage. § 2. Les nuages eux-mêmes paraissent (377b) incolores, quand on les regarde directement; mais, vu dans l'eau, le nuage apparaît plein de verges. La seule différence, c'est que, pour ce dernier cas, la couleur du nuage semble être dans l'eau, tandis que dans les verges on la voit sur le nuage lui-même. § 3. Ce phénomène des verges a lieu lorsque la composition du nuage est inégale, rare dans telle partie, et dense dans telle autre; ici plus aqueuse, et là moins aqueuse. La vue alors étant réfractée vers le soleil, la forme du soleil ne s'aperçoit pas à cause de la petitesse des miroirs; et quant à la couleur, comme le soleil, qui est brillant et blanc, se réfléchit sur une surface irrégulière, et que la vue est réfractée vers lui, une partie de la couleur paraît rouge, et l'autre paraît verte ou jaune. § 4. Il n'y a d'ailleurs aucune différence à ce que la vue passe à travers ces corps, ou que la vue soit réfractée par eux. Dans l'un et l'autre cas, la couleur paraît être la même, de telle sorte que si dans l'un il du rouges il y en a également dans l'autre. Ainsi donc, lés verges sont produites par l'irrégularité du miroir, qui ne réfléchit pas la figure, mais seulement la couleur. § 5. Quant au parhélie, il a lieu lorsque l'air est aussi homogène que possible, et qu'il est également dense partout, de manière à paraître blanc. La régularité du miroir fait qu'il n'y a qu'une seule couleur dans l'apparition. Mais la réfraction de la vision totale, en tombant tout entière sur le soleil, réfléchie par un brouillard qui est épais, et qui, sans être déjà, de l'eau, est tout proche d'en être, fait paraître la couleur propre du soleil comme elle serait réfractée par un airain poli ; et c'est à cause de son épaisseur. § 6. Ainsi donc, la lumière du soleil étant blanche, le parhélie paraît blanc tout comme lui. C'est là aussi ce qui fait que le parhélie est un signe de pluie bien plutôt que ne le sont les verges; car alors l'air est bien mieux disposé pour produire de l'eau. L'air du midi en produit plus que celui du nord, parce que l'air du midi se change plus facilement en pluie que l'air du nord. § 7. Ces phénomènes se produisent ainsi que nous l'avons dit, au coucher et au lever du soleil ; et ils ne viennent ni d'en haut ni d'en bas, mais de côté, les verges aussi bien que les parhélies. Ils ne sont placés non plus ni trop près ni trop loin du soleil ; car si le soleil est près, il dissout l'agglomération ; et si elle est trop éloignée, la vue ne se réfracte pas ; car plus elle s'éloigne d'un si petit miroir, plus elle s'affaiblit. § 8. Voilà pourquoi les halos non plus ne se forment jamais à l'opposé du soleil. Si le halo se produit en haut (378a) et près du soleil, le soleil le dissout ; s'il est loin, la vue étant plus faible qu'il ne faut pour faire réfraction, elle ne tombera plus sur le soleil. Mais si le halo est placé obliquement et au-dessous de l'astre, il est possible que le miroir soit assez éloigné pour que, d'une part, le soleil ne puisse dissoudre l'agglomération, et que d'autre part, la vision reste assez compacte et entière pour que, portée vers la terre, elle ne s'égare pas comme si elle était portée au travers du vide. § 9. Le phénomène n'a pas lieu au-dessous du soleil, parce que près de la terre, il serait dissous par l'astre ; mais quand il est en haut dans le milieu du ciel, la vision se disperse et s'éteint. Et même, il ne se produit pas du tout obliquement quand le soleil est au milieu du ciel ; car la vision n'est pas portée sous la terre, de telle sorte qu'elle vient très peu vers le miroir, et que la partie réfractée devient absolument faible et impuissante. [3,7] CHAPITRE VII. § 1. Voilà donc à peu près l'ensemble des phénomènes que présente la sécrétion dans les espaces placés au-dessus de la terre ; et nous savons à présent quel est le nombre de ces phénomènes et quelle en est la nature. Reste à expliquer les phénomènes qu'elle cause dans le sein même de la terre, quand elle se trouve renfermée dans quelques unes de ses parties. Elle y produit aussi deux espèces différentes de corps, parce qu'elle-même est naturellement double, ainsi qu'elle les produit dans la région supérieure. § 2. En effet, les exhalaisons sont au nombre de deux, la vaporeuse et la fumeuse, comme nous l'avons dit ; et il y a aussi deux espèces pour tous les corps qui sont dans la terre : les minéraux et les métaux. § 3. L'exhalaison sèche, en brûlant les matières, produit tous les minéraux, et par exemple toutes les espèces diverses de pierres qui ne se dissolvent pas dans l'eau : la sandaraque, l'ocre, le minium, le soufre, et tant d'autres substances pareilles. La plupart des minéraux ne sont que de la poussière colorée, ou de la pierre formée de cette composition, comme par exemple le cinabre. § 4. L'exhalaison vaporeuse produit les métaux, qui sont ou fusibles ou ductiles, comme le fer, l'or, l'airain. C'est l'exhalaison vaporeuse qui, en étant renfermée dans la terre, y produit tous ces corps. Et l'exhalaison agit surtout dans les pierres, lorsqu'elle est pressée en un tout compact, à cause de leur sécheresse même, et qu'elle s'y coagule, comme elle se change en rosée, ou en gelée après qu'elle a été sécrétée ; seulement tous ces corps naissent avant que l'exhalaison ne soit sécrétée en eau, § 5. Aussi sont-ils tantôt liquéfiables comme de l'eau, et tantôt ne le sont-ils pas. La matière de l'eau y était jadis en puissance ; mais elle n'y est plus, et ils ne viennent même pas d'une eau qui aurait subi déjà quelque modification, comme en viennent les sucs ; car ce n'est pas ainsi que se forme ici de l'airain, là de l'or. Mais chacun de ces corps existent avant qu'ils ne se forment par l'action de l'exhalaison coagulée. § 6. C'est là ce qui fait que tous ces corps sont combustibles et que tous ont de la terre, parce qu'ils ont tous de l'exhalaison sèche ; l'or seul est incombustible au feu. § 7. Voilà donc ce que tous ces corps ont de commun. Maintenant il faut les étudier en détail et à part, en distinguant d'abord chacune de leurs espèces.