[3,0] LIVRE III. [3,1] CHAPITRE PREMIER. 1 (509b) On vient de dire quelles sont les autres parties intérieures des animaux, quel est le nombre de ces parties, quelle est leur nature, et quelles sont les différences qu'elles présentent entre elles ; il ne reste plus qu'à parler des parties qui concourent à la génération. 2 Dans toutes les femelles, ces organes sont à l'intérieur; mais dans les mâles, ces parties offrent des différences plus nombreuses. Ainsi, dans les animaux qui ont du sang, certaines espèces n'ont pas du tout de testicules ; d'autres espèces en ont ; mais ils sont intérieurs. Parmi ceux qui en ont à l'intérieur, les uns les ont dans le bassin, près du lieu où sont les reins ; les autres les ont dans le ventre. 3 D'autres espèces ont les testicules en dehors ; et tantôt la verge est suspendue sous le (510a) ventre et adhérente ; tantôt elle est libre, comme le sont les testicules. L'attache de la verge au ventre diffère selon que les animaux urinent en avant, ou qu'ils urinent en arrière. 4 Pas une seule espèce de poissons n'a de testicules, non plus qu'en général les animaux qui ont des branchies, non plus encore que tout le genre serpent. Il en est de même aussi de tous les animaux sans pieds, qui ne sont pas vivipares intérieurement. Les oiseaux ont bien des testicules ; mais leurs testicules sont intérieurs, près des lombes. Les quadrupèdes ovipares ont les testicules disposés de même ; par exemple, le lézard, la tortue, le crocodile, et parmi les vivipares, le hérisson. 5 Les animaux qui ont des testicules intérieurs les ont près du ventre, comme le dauphin parmi les animaux sans pieds, ou l'éléphant parmi les quadrupèdes vivipares. Dans les autres animaux, les testicules sont extérieurement apparents. Nous venons de dire les différences qu'offre la suspension, relativement au ventre et aux parties voisines. Dans quelques animaux, par exemple, ils sont continus à la partie postérieure du ventre et n'en sont pas détachés ; c'est ce qu'on observe dans les porcs; chez d'autres, au contraire, ils sont détachés, comme dans l'homme. 6 Ainsi qu'on vient de le voir, ni les poissons, ni les serpents n'ont de testicules ; mais ils ont deux conduits qui pendent au-dessous du diaphragme, de chaque côté du rachis, et qui se réunissent en un seul un peu au-dessus du point de sortie des excréments. Par « Un peu au-dessus », nous entendons désigner la région de l'arête ou épine. Ces conduits se remplissent de liqueur séminale dans la saison de l'accouplement ; et quand on les presse, il en sort de la semence de couleur blanche. 7 Quant aux différences que ces conduits présentent les uns par rapport aux autres, c'est par l'anatomie qu'il faut les étudier; et un peu plus loin, il en sera question d'une manière plus détaillée, quand nous traiterons des conditions spéciales à chacun des poissons. 8 Tous les ovipares, soit bipèdes, soit quadrupèdes, possèdent des testicules dans le bassin, au-dessous du diaphragme, tantôt de couleur plus blanche, tantôt de couleur plus jaunâtre, et enveloppés de petites veines, excessivement ténues. De chacun des testicules, part un conduit ; et les deux se réunissent en un seul, comme chez les poissons, au-dessus du point de sortie de l'excrétion. C'est là précisément la verge, qu'on ne distingue pas dans les petits animaux, mais qui se voit bien mieux chez de plus grands, comme l'oie et les autres animaux de cette grosseur, quand l'accouplement va se faire. 9 Dans ces animaux comme dans les poissons, ces conduits prennent dans les lombes au-dessous du ventre et des intestins, entre la grande veine, d'où partent les deux conduits pour se rendre à chacun des testicules. Comme pour les poissons encore, (510b) la liqueur séminale se montre dans ces conduits, qu'elle remplit au temps de l'accouplement, et alors les conduits sont fort apparents; la saison de l'accouplement une fois passée, les canaux deviennent parfois imperceptibles. 10 Les testicules dans les oiseaux sont encore de même : avant l'époque de l'accouplement, les testicules sont très-petits ou même tout à fait invisibles ; mais quand l'animal s'accouple, ils sont énormes. Cette transformation est surtout remarquable dans les pigeons et dans les perdrix, à tel point que quelques personnes croient que ces animaux n'ont pas de testicules en hiver. 11 Quand les testicules sont placés en avant, certains animaux les ont à l'intérieur, dans le ventre, comme les a le dauphin ; d'autres les ont extérieurs et très-apparents à l'extrémité du ventre. Dans ces animaux, les testicules sont pour tout le reste organisés de la même manière ; mais il y a toutefois cette différence que, quand les testicules sont intérieurs, ils sont purement et simplement des testicules séparés; tandis que les testicules qui sont extérieurs, sont enveloppés dans ce qu'on appelle une Bourse. 12 Voici, dans tous les animaux qui ont des pieds et qui sont vivipares, l'organisation des testicules eux-mêmes. De l'aorte, partent des conduits veineux qui vont jusqu'à la tête de chacun des testicules. Il y en a deux autres qui partent des reins; et ceux-là sont pleins de sang, tandis que ceux qui partent de l'aorte n'en ont pas. De la tête du testicule lui-même, un conduit, à la fois plus épais et plus nerveux, entre dans le testicule et se replie dans chacun des deux, en se dirigeant vers leur tête. A partir de la tête, les deux canaux se réunissent en un seul, pour aller en avant jusqu'à la verge. 13 Les conduits qui se replient ainsi, et qui reposent sur les testicules, sont entourés d'une même membrane ; et quand on ne divise pas cette membrane, on pourrait croire qu'il n'y a qu'un seul conduit. Le conduit qui repose sur le testicule contient une liqueur, qui est sanguinolente, moins cependant que celle des canaux supérieurs sortant de l'aorte. Dans ceux qui retournent vers le canal qui est dans la verge, la liqueur est de couleur blanche. 14 De la vessie, part un autre conduit, qui va rejoindre, à la partie supérieure, le canal de la verge ; et ce qu'on appelle la verge est en quelque sorte l'enveloppe de ce canal. 15 Qu'on étudie d'ailleurs tous ces détails sur le dessin ci-joint. Le point d'origine d'où partent les conduits est A. Les têtes des testicules et les canaux qui y descendent, sont KK. Les canaux qui. partant des testicules, descendent sur le testicule même, sont 00. Ceux qui rebroussent et qui renferment la liqueur blanche, sont BB. La verge est D; la vessie est E; et les testicules sont PP. 15 Quand on coupe ou qu'on enlève (511a) les testicules mêmes, les conduits se contractent en se retirant en haut. Quand les animaux sont jeunes, on peut détruire les testicules en les comprimant ; plus lard, il faut les couper pour les détruire. On a vu un taureau qui venait d'être coupé, saillir une vache sur-le-champ, et la féconder. Voilà quelle est l'organisation des testicules dans les animaux. 17 Dans les animaux qui ont des matrices, elles ne sont pas disposées toujours de la même manière; elles ne sont pas pareilles dans tous ; et elles diffèrent beaucoup entre elles, dans les vivipares, et aussi dans les ovipares. Chez tous les animaux qui ont les matrices près des articulations, les matrices ont deux bords, dont l'un est dans la partie droite, et dont l'autre est dans la partie gauche. Mais le point de départ est unique, ainsi que l'ouverture, qui est comme un conduit très-charnu et cartilagineux, chez la plupart des animaux et chez les plus grands. De ces parties, les unes s'appellent Matrice et Utérus, d'où vient le nom de frères utérins ; et les autres s'appellent la tige et l'orifice de la matrice. 18 Dans les vivipares, bipèdes ou quadrupèdes, la matrice est toujours en bas du diaphragme, par exemple chez l'homme, le chien, le cochon, le cheval, le bœuf. Tous les animaux qui ont des cornes ont une organisation pareille à celle-là. Le plus souvent, les matrices ont, à l'extrémité de ce qu'on appelle leurs petites cornes, une spirale qui s'enroule. Dans les animaux qui pondent des œufs au dehors, les matrices ne sont pas toutes disposées de même. Ainsi, dans les oiseaux, elles sont près du diaphragme ; dans les poissons, elles sont placées au-dessous, comme celles des vivipares à deux pieds ou à quatre pieds ; si ce n'est que, dans les poissons, elles sont ténues, membraneuses, et larges. Aussi, dans les poissons très-petits, les deux rebords des matrices ne semblent être qu'un seul œuf chacun; et chez les poissons dont on dit que leur œuf est comme du sable, on croirait qu'ils ont deux œufs seulement. Mais ce n'est pas un seul œuf; c'est une multitude d'œufs, puisqu'on peut les diviser en un très-grand nombre d'œufs séparés. 19 La matrice des oiseaux a, en bas, sa tige charnue et ferme ; mais la partie qui touche au diaphragme est membraneuse, et si mince qu'il semble que les œufs sont hors de la matrice. Cette membrane est plus apparente dans les grands oiseaux ; et, en soufflant par la tige de la matrice, cette membrane s'élève et se gonfle. Dans les petits oiseaux, tous ces détails sont moins visibles. 20 Les quadrupèdes ovipares ont la matrice disposée de cette même façon, comme on peut le remarquer sur la tortue, le lézard, la grenouille, et les animaux (511b) de même genre. La tige qui est en bas est unique et plus charnue ; la fente et les œufs sont en haut, près du diaphragme. 21 Dans tous les animaux qui n'ont pas de pieds, et qui extérieurement mettent bas des petits vivants, tout en produisant d'abord un œuf dans leur intérieur, la matrice est divisée aussi en deux parties; par exemple, les galéïdes (chiens de mer) et tous les animaux qu'on appelle sélaciens. On sait qu'on donne ce nom de Sélacien à tout animal qui, dépourvu de pieds, a des branchies et est vivipare ; chez ces animaux, la matrice est composée de deux parties également, et remonte jusqu'au diaphragme, comme celle des oiseaux. Commençant en bas au milieu des deux parties, elle se dirige vers le diaphragme ; les œufs s'y produisent également, et d'abord en haut, à l'origine du diaphragme ; puis les petits, s'avançant dans une portion plus large, sortent tout vivants des œufs. 22 Du reste, les différences qui distinguent ces animaux entre eux et qui les distinguent de tous les autres poissons, se comprendront bien mieux en les étudiant sur les figures tracées d'après l'anatomie. 23 Le genre des serpents offre de grandes différences, soit des serpents par rapport aux animaux dont on vient de parler, soit des serpents les uns par rapport aux autres. Toutes les espèces de serpents sont ovipares, à l'exception de la vipère, qui seule est vivipare, après avoir d'abord produit un œuf dans son intérieur. C'est là ce qui fait que sa matrice se rapproche beaucoup de celle des sélaciens. La matrice des serpents, allongée comme l'est leur corps, va, à commencer d'en bas, jusqu'au diaphragme par un seul conduit, qui se divise en continuant des deux côtés de l'épine, comme si chaque conduit était unique. Les œufs sont disposés par rangs réguliers dans la matrice ; et la bête les pond non pas un à un, mais les œufs sortent ensemble tout d'un coup. 24 Tous les vivipares qui produisent leurs petits vivants, soit dans leur intérieur, soit au dehors, ont la matrice en haut du ventre; tous les ovipares, au contraire, l'ont en bas, près des lombes. Tous les vivipares qui produisent leurs petits au dehors, mais qui intérieurement produisent d'abord des œufs, sont organisés des deux façons, de telle sorte qu'une partie de la matrice se trouve en bas vers les lombes et contient les œufs, tandis que l'autre partie est au haut des intestins, vers le point d'où sortent les excréments. 25 Voici encore une autre différence que les matrices offrent entre elles. Les animaux à cornes et qui n'ont pas de dents aux deux mâchoires, ont des cotylédons dans la matrice, tant que la bête porte son embryon; et parmi les animaux qui ont deux rangées de dents, on peut citer le lièvre, le rat et la chauve-souris. Chez tous les autres animaux à deux rangées de dents, qui sont vivipares et qui ont des pieds, la matrice est toute unie; les embryons sont alors suspendus à la matrice même, et ils ne sont pas attachés au cotylédon. 26 Telle est donc dans tous les animaux la disposition des parties (512a) non-similaires, tant au dehors qu'à l'intérieur. [3,2] CHAPITRE II. 1 De toutes les parties similaires, celle qui est le plus communément répandue chez tous les animaux qui ont du sang, c'est le sang, et cette partie des organes qui sont naturellement destinés à contenir le sang. Cette partie spéciale se nomme la veine. Après la veine et le sang, ce qui a le plus d'analogie avec eux, ce sont la lymphe et les fibres, et cette partie qui plus que toute autre est le corps des animaux, la chair ou ce qui y correspond dans chaque animal. Puis les os, ou ce qui est analogue aux os, les arêtes et les cartilages. Puis encore, la peau, les membranes, les nerfs, les cheveux, les ongles, ou les parties correspondantes. A tout cela, il faut ajouter la graisse, le suif, et les excrétions, qui sont la fiente, le phlegme, et la bile, jaune ou noire. 2 Comme c'est le sang surtout et les veines qui, par leur nature, semblent ici le principe de tout le reste, c'est le premier sujet qu'il faut étudier, d'autant plus que quelques-uns de ceux qui l'ont traité antérieurement n'en parlent pas bien. 3 La cause de leurs erreurs tient à ce que les faits sont difficiles à observer. Dans les animaux morts, on ne voit plus la nature des veines principales, parce qu'elles s'affaissent plus encore que toutes les autres, dès que le sang en est sorti ; et il en sort toujours en totalité, comme d'un vase qui se vide. Aucun organe n'a par lui-même de sang, si ce n'est le cœur, qui encore en a peu ; et la masse entière du sang est dans les veines. Sur les animaux vivants, il est impossible d'observer l'organisation des veines, puisque naturellement elles sont à l'intérieur. Il résulte de tout cela qu'en observant sur les animaux morts et disséqués, tantôt on n'a pas pu observer les principales origines des veines, et tantôt que ceux qui ont fait leurs observations sur des hommes trèsmaigres, n'ont pu constater l'origine et l'organisation des veines que d'après des apparences tout extérieures. 4 Syennésis, médecin de Chypre, les explique d'abord de cette façon. « Les grosses veines, dit-il, sont organisées ainsi. Elles partent de l'œil près du sourcil ; et le long du dos, elles se rendent aux poumons sous les mamelles. Celle de droite passe à gauche; et celle de gauche passe à droite. La veine de gauche se rend par le foie, au rein et au testicule ; celle de droite se rend à la rate, au rein et au testicule, pour, de là, amie ver à la verge. » 5 Diogène d'Àpollonie s'exprime ainsi : « Voici, dit-il, l'organisation des veines dans le corps humain. Il y en a deux, qui sont les plus grosses de toutes. Elles se dirigent par le ventre, le long de l'épine du dos, l'une à droite, l'autre à gauche dans chaque jambe, du côté où elle est elle-même. En haut, elles se dirigent dans la tête près des clavicules, en traversant la gorge. C'est en partant de ces deux grandes veines que les autres se ramifient dans (512b) tout le corps ; les veines de la droite partant de la grosse veine à droite, les veines de la gauche partant de la grosse veine à gauche. Les deux grosses veines se rendent au cœur, en longeant l'épine dorsale. « 6 D'autres, placées un peu plus haut, passent par la poitrine sous l'aisselle, pour se rendre chacune à celle des mains qui est de son côté. L'une s'appelle la splénique, et l'autre l'hépatique. Les extrémités de chacune se divisent, l'une allant au grand doigt, et l'autre au poignet. De ces deux-là, partent de petites veines qui se ramifient indéfiniment dans la main et les doigts, « 7 D'autres rameaux plus ténus partent des premières veines, et se rendent de la veine droite dans, le foie, de la veine gauche dans la rate et dans les reins. Celles qui vont aux jambes, se divisent vers l'attache de ces membres, et se ramifient dans toute la cuisse. La plus grosse de ces veines passe derrière la cuisse, où sa grosseur est la plus apparente ; celle qui passe en dedans de la cuisse a un volume un peu moins grand. Ensuite, ces veines vont par le genou dans la jambe et dans le pied, comme celles qui se ramifient dans les mains; elles descendent dans le tarse (ou cou-de-pied) ; et, de là, elles se répartissent entre les doigts (ou orteils). 8 Des grandes veines, il se ramifie également beaucoup de petites veines sur le ventre et les côtes. Celles qui se rendent dans la tête par la gorge paraissent fort grandes dans le cou. De chacune d'elles, à l'endroit où elles se terminent, il se ramifie un grand nombre de veines allant à la tête : les unes de droite à gauche ; les autres, de gauche à droite ; l'une et l'autre aboutissent à l'oreille. 9 Dans chaque côté du cou, il y a une autre veine qui longe la grande, mais qui est un peu plus petite qu'elle. La plupart des veines qui descendent de la tête viennent s'y réunir, et elles rentrent intérieurement par la gorge. De chacune d'elles, partent des veines qui passent sous l'omoplate, et se rendent ce dans les mains. Près de la veine splénique et de la veine hépatique, il y en a d'autres qui sont un peu plus petites, et qu'on ouvre quand on veut guérir des douleurs sous-cutanées ; mais c'est la splénique et l'hépatique que l'on ouvre quand les douleurs sont dans le ventre. 10 (513a) « D'autres veines encore, partant de celles-là, se rendent sous les mamelles. D'autres qui, de chacune d'elles, descendent dans les testicules, en passant par la moelle épinière, sont ténues. D'autres encore, placées sous la peau et au travers de la chair, se rendent aux reins, et aboutissent aux testicules chez les hommes, et à la matrice chez les femmes. Les premières qui partent du ventre sont d'abord plus larges; elles se rétrécissent ensuite, jusqu'à ce qu'elles chance gent de droite à gauche, et de gauche à droite : ce on leur donne le nom de veines spermatiques. 11 « Le sang le plus épais est absorbé dans les chairs; le reste, qui se rend dans ces différents organes, est léger, chaud et écumeux. » 12 Voilà ce que disent Syennésis et Diogène ; voici maintenant ce que dit Polybe : 13 « II y a, dit-il, quatre paires de veines. Une première paire, qui vient du derrière de la tête, descend par le cou, et extérieurement le long de chacun des côtés de l'épine dorsale, pour aller des hanches dans les jambes. De là, par le bas de la jambe, elles arrivent aux malléoles externes et dans les pieds. C'est pour cela que dans les douleurs du dos et des hanches, on se fait saigner aux jarrets et aux malléoles externes. « 14 D'autres veines partant de la tête près des oreilles et traversant le cou, sont appelées jugulaires. Celles-là se dirigent le long du rachis et en dedans, près des lombes, aux testicules et aux cuisses. Après avoir traversé la partie interne des jarrets et des jambes, elles arrivent aux malléoles internes, et dans les pieds. C'est là encore ce qui fait que, pour les douleurs des lombes et des testicules, on se fait saigner aux jarrets et aux malléoles internes. 15 La troisième paire de veines, partant des tempes, se dirige par le ce cou, au-dessous des omoplates, dans le poumon. Celles de droite passent à gauche, sous la mamelle, pour se rendre dans la rate et le rein; celles de gauche passent à droite, se rendant du poumon, sous la mamelle au foie et à l'autre rein. Toutes les deux aboutissent également à l'anus. 16 Enfin, les quatrièmes partent du devant de la tête et des yeux, au-dessous du cou et des clavicules. De là, elles se dirigent, par le haut des bras, jusqu'à leurs flexions; et passant par les coudes, elles arrivent aux poignets et aux phalanges. Elles remontent ensuite de la partie inférieure des bras aux cuisses ; elles arrivent à la partie supérieure des côtes, jusqu'à ce qu'elles se rendent, l'une (513b) à la rate, l'autre au foie; et après avoir passé sur le ventre, elles se terminent toutes les deux au membre honteux. » [3,3] CHAPITRE III. 1 Telles sont à peu près toutes les idées que d'autres ont émises. Parmi les philosophes qui étudient la nature, il en est qui n'ont pas porté des observations aussi détaillées sur les veines ; mais tous sont d'accord pour les faire partir de la tête et du cerveau. En cela, ils ne sont pas dans le vrai. Ainsi qu'il a été dit plus haut, il est difficile de bien observer les veines; et c'est seulement sur les animaux qu'on étouffe, après un long amaigrissement, qu'on peut les étudier comme il convient, quand on s'intéresse réellement à ces études. 2 Voici quelle est précisément la nature des veines. Dans le tronc, se trouvent deux veines, près du rachis et en dedans. La plus grosse des deux est en avant; la plus petite est par derrière elle. La plus grosse est davantage à droite ; la plus petite est à gauche. On l'appelle parfois l'aorte, parce qu'on peut voir sa partie nerveuse même sur les animaux morts. Ces veines commencent en partant du cœur. 3 Ce qui le prouve, c'est qu'en passant au travers d'autres viscères, elles y gardent toute leur intégrité, et y restent partout des veines. Le cœur semble, en quelque sorte, en être une partie, surtout de la veine qui est en avant et qui est la plus grosse, puisque au-dessus et au-dessous on trouve ces veines, et qu'au milieu c'est le cœur. 4 Le cœur, dans tous les animaux, a des cavités internes; mais dans les animaux très petits, c'est à peine si l'on peut y distinguer la plus considérable. Chez les animaux de moyenne grandeur, on voit déjà la seconde; et sur les plus grands, on distingue aisément les trois. 5 La pointe du cœur étant dirigée en avant, ainsi qu'on l'a dit un peu plus haut, la cavité la plus grande est à droite et tout à fait en haut du cœur; la plus petite est à gauche; la cavité de grandeur moyenne est entre les deux. D'ailleurs, les deux réunies sont beaucoup plus petites que la grande .6 Toutes les trois s'ouvrent dans le poumon; mais la petitesse des conduits empêche qu'on ne le voie, si ce n'est pour une seule. (514a) La grande veine part donc de la cavité la plus grande, qui est en haut et à droite ; ensuite elle redevient veine dans la cavité du milieu, comme si la cavité n'était qu'une portion de la veine, où le sang forme une sorte d'étang. L'aorte part de la cavité moyenne ; mais ce n'est pas de la même manière ; elle communique avec le cœur par un conduit beaucoup plus étroit. La veine traverse le cœur, et se rend dans l'aorte, à partir du cœur. De plus, la grande veine est membraneuse et pareille à la peau ; l'aorte est moins large ; mais elle est excessivement nerveuse. En s'étendant assez loin vers la tête et vers les parties inférieures, elle se rétrécit, et elle devient tout à fait un nerf. 7 À partir du sommet du cœur, une portion de la grande veine se dirige vers le poumon, et au point de rencontre de l'aorte; c'est une veine qui ne se divise pas et qui est très grosse. Mais de cette veine, il sort deux rameaux, dont l'un se rend au poumon, et l'autre au rachis et à la dernière vertèbre du cou. La veine, qui se rend au poumon, lequel est lui-même divisé en deux portions, se partage d'abord en deux. Ensuite, elle se rend à chacune des bronches et à chaque orifice, plus grande pour les plus grands, plus petite pour les plus petits; de telle sorte qu'il ne se trouve pas, dans ces organes, une seule portion où il n'y ait un orifice et une veinule. 8 On ne peut plus voir les plus petites de toutes, tant elles deviennent ténues ; mais le poumon, dans toute son étendue, paraît rempli de sang. 9 Tout en haut et partant de la grande veine, se trouvent les canaux des bronches, qui viennent de la trachée-artère. La veine qui se ramifie à la célèbre du col et au rachis, revient de nouveau à la colonne dorsale; et c'est d'elle qu'Homère a dit, dans ses vers : "L'artère, qui des reins monte au col, est percée". De cette veine, partent des veinules à chaque côte et à chaque vertèbre; et elle se divise en deux, à la vertèbre qui est au-dessus des reins. 10 Voilà donc comment se distribuent toutes ces ramifications partant de la grande veine. 11 Mais au-dessus de ces rameaux de la veine qui part du cœur, la veine entière se divise pour se rendre à deux régions. Les unes se portent sur le côté et aux clavicules, pour se rendre ensuite par les aisselles dans les bras chez l'homme, dans les membres antérieurs chez les (514b) quadrupèdes, dans les ailes chez les oiseaux, et dans les nageoires inférieures chez les poissons. Ces veines, au point où elles se divisent tout d'abord, et où elles commencent, se nomment les jugulaires. Là où elles se divisent pour aller de la grande veine au cou, elles suivent l'artère du poumon. Il arrive parfois que, quand elles sont comprimées du dehors, on voit des hommes tomber dans l'insensibilité, sans être d'ailleurs asphyxiés, et fermer les yeux 12 En suivant cette direction, et en enveloppant la trachée-artère, ces veines se rendent aux oreilles, là où les mâchoires se réunissent à la tête. À partir de ce point, elles se divisent en quatre autres veines, dont l'une, en se repliant, descend par le cou et l'épaule, et vient se réunir à la première ramification de la grande veine, vers le pli du bras. L'autre partie va se terminer aux mains et aux doigts. Une autre ramification, partant aussi de la région des oreilles, se rend au cerveau, et se partage en une foule de veinules très petites sur ce qu'on appelle la méninge, qui enveloppe l'encéphale. 13 Le cerveau lui-même, chez tous les animaux, n'a point de sang ; pas une veine petite ou grande ne s'y rend. Les autres veines, qui se ramifient de la veine jugulaire, entourent circulairement la tête, ou bien vont se terminer aux organes des sens et aux dents, par des rameaux excessivement déliés. 14 C'est de la même manière que se ramifient les divisions de l'autre veine plus petite, appelée l'aorte ; elles accompagnent celles de la grande veine. La seule différence, c'est que ces canaux et ces veines sont en beaucoup plus petit nombre que les ramifications de la grande veine. [3,4] CHAPITRE IV. 1 On voit donc comment se distribuent les veines au-dessus du cœur. La partie de la grande veine qui est au-dessous traverse directement le diaphragme. Elle se rattache à l'aorte et au rachis par des canaux membraneux et souples. Il en part une veine qui traverse le foie, courte, mais large ; et celle-là donne naissance à un grand nombre de veines très-déliées, qui se rendent dans le foie, où elles se perdent. De la veine qui traverse le foie, sortent deux rameaux, dont l'un aboutit au diaphragme et à ce qu'on appelle l'hypogastre, et dont l'autre, revenant par l'aisselle (515a) dans le bras droit, rejoint les autres veines qui se trouvent au pli du bras. C'est ce qui fait que les médecins, en ouvrant cette veine, peuvent soulager certaines douleurs de foie. 2 De la partie gauche de la grande veine, une veine courte, mais épaisse, se rend à la raie, où se perdent les veinules qui en sortent. Une autre portion de la grande veine, à gauche, se ramifie de la même façon, et se rend en montant dans le bras gauche. Seulement, la première est bien celle qui traverse le foie, tandis que celle-là est différente de celle qui se rend dans la rate. 3 D'autres veines encore, partant de la grande veine, se ramifient: l'une à l'épiploon ; l'autre, à ce qu'on appelle le Pancréas. De cette dernière, partent des veines nombreuses, qui traversent le mésentère. Toutes ces veines se terminent à une grosse veine, qui se répartit dans tout l'intestin et dans tout le ventre, jusqu'à l'œsophage. Dans ces mêmes parties, beaucoup d'autres veines se ramifient de celles-là. 4 Jusqu'aux reins, l'aorte et la grande veine restent, l'une et l'autre, à n'avoir qu'une branche ; mais là elles se soudent davantage au rachis; et l'une et l'autre se divisent en deux, sous forme de Lambda. La grosse veine est un peu plus en arrière que l'aorte. L'aorte se soude de plus près au rachis, aux approches du cœur ; et l'attache s'y fait par des veinules nerveuses et petites. En sortant du cœur, l'aorte est très-creuse ; mais, dans son trajet, elle devient de plus en plus étroite, et se rapproche d'autant plus d'être un nerf. 5 De l'aorte, comme de la grande veine, partent des veines qui vont au mésentère; mais elles ont beaucoup moins de volume; elles sont étroites et fibreuses ; et elles se terminent en légers filets, creux et fibreux. Il n'y a pas de veine qui , de l'aorte, aille au foie ou à la rate. 6 Les rameaux de l'une et l'autre veine, aorte et grande-veine, se rendent à chacune des hanches ; et toutes deux, elles s'insèrent à l'os. Il y a aussi des veines qui, de l'aorte et de la grande veine, se rendent dans les reins; seulement, elles n'entrent pas dans leur profondeur, et elles disparaissent dans le corps même des reins. 7 II y a également deux autres canaux qui, partant de l'aorte, se dirigent à la vessie ; ils sont forts et continus. D'autres aussi viennent du fond des reins, et sont sans communication avec la grande veine. Du milieu de chacun des reins, part une veine large et nerveuse, qui longe le rachis lui-même, (515b) entre les nerfs. Ensuite, elles disparaissent, l'une et l'autre, dans chaque hanche; et un peu plus loin, elles reparaissent, en se réunifiant sur la hanche. Leurs extrémités s'étendent à la vessie, et à la verge dans les mâles, et à la matrice dans les femelles. 8 II n'y a pas de veines qui, de la grande veine, se rendent à la matrice ; mais il y en a beaucoup et de très grosses qui viennent de l'aorte. De l'aorte et de la grande veine, quand elles se sont réunifiées, il en sort beaucoup d'autres, dont les unes vont aux aines, d'abord grandes et larges, et vont aboutir par les jambes aux pieds et aux orteils. D'autres à l'inverse, passant alternativement par les aines et les cuisses, vont, l'une de gauche à droite, et l'autre de droite à gauche; et elles se rejoignent aux autres veines dans la région du jarret. 9 On doit voir clairement par ces descriptions comment se distribuent les veines, et quel est leur point de départ. Dans tous les animaux qui ont du sang, c'est là l'origine des veines et l'organisation des principales; mais quant aux autres veines, la distribution n'en est pas la même dans tous les animaux, attendu que leurs parties ne sont pas non plus les mêmes, et que tous les animaux ne les ont pas toutes. On ne peut pas toujours les observer aussi distinctement; mais on les observe surtout dans les animaux qui ont le plus de sang et qui sont les plus grands. Sur les petits et sur ceux qui n'ont pas beaucoup de sang, soit naturellement, soit par suite de la masse de leur graisse, il n'est pas aussi facile de se rendre compte des choses. Alors, les veines y sont tantôt submergées et confondues. comme les vaisseaux sont parfois perdus dans la vase qui les comble ; et tantôt au lieu de veines, ce sont des fibres en petit nombre, et qui ne sont que des fibres. Néanmoins la grande veine est, dans tous les animaux, la plus visible, même dans les animaux les plus petits. [3,5] CHAPITRE V. 1 Les nerfs dans les animaux sont disposés de la manière suivante. Comme les veines, les nerfs partent aussi du cœur, qui a des nerfs et qui les contient dans sa plus grande cavité. Ce qu'on appelle l'aorte n'est qu'une veine nerveuse, dont les extrémités sont absolument de la nature des nerfs. On peut voir en effet que ces extrémités ne sont plus creuses, et qu'elles ont la même possibilité de se tendre qu'ont les nerfs, aux points où elles aboutissent aux flexions des os. 2 Néanmoins, les nerfs ne sont pas comme les veines, continus sans interruption, à partir de leur première et unique origine. Les veines ressemblent aux esquisses des peintres; et elles prennent si bien toute la forme du corps (516a) que sur les personnes très-maigres, on croirait que la masse totale du corps n'est remplie que de veines ; car sur les gens maigres, les veines tiennent la même place que les chairs dans les gens gras. 3 Les nerfs sont répartis dans les membres, ou articulations, et dans les jointures des os, où se font les flexions; et si, de leur nature, ils étaient continus, la continuité de tout se verrait aisément sur les personnes maigres. Les places principales des nerfs sont d'abord celle de qui dépend l'action du saut; on la nomme le jarret; et ensuite, un autre nerf double, le tendon. Puis, viennent, sous le rapport de la force, les nerfs qu'on appelle l'extenseur et le nerf de l'épaule. Puis enfin, il y a des nerfs auxquels on n'a pas donné de nom et qui servent à l'articulation des os ; car tous les os qui, en se rejoignant, s'articulent les uns sur les autres, sont reliés par des nerfs. 4 Autour de chaque os, il y a toujours une quantité de nerfs, si ce n'est pour la tête, où il n'y en a aucun, et où ce sont les sutures des os eux-mêmes qui la maintiennent. Le nerf peut, par sa nature, se diviser en long, mais non dans sa largeur ; et il peut s'allonger beaucoup. Autour des nerfs, il y a un liquide muqueux, de couleur blanche, gluant, qui les nourrit et qui paraît les produire. La veine peut être brûlée sans se détruire; mais le nerf soumis au feu est détruit tout entier; et si on le coupe, il ne reprend jamais. 5 L'engourdissement n'affecte pas les parties du corps où il n'y a pas de nerfs. Celles où il y a le plus de nerfs sont les pieds, les mains, les côtes et les omoplates, le cou et les bras. 6 Tous les animaux qui ont du sang ont aussi des nerfs; mais dans les animaux sans articulations, et qui n'ont ni pieds, ni mains, les nerfs sont ténus et imperceptibles. Dans les poissons, les nerfs les plus apparents sont ceux des nageoires. [3,6] CHAPITRE VI. 1 Les fibres sont placées au milieu entre les nerfs et les veines. Quelques-unes renferment un liquide, celui de la lymphe, et elles vont des nerfs aux veines, et des veines aux nerfs. 2 Il est encore une autre espèce de fibres qui se forment dans le sang; mais ce n'est pas dans le sang de tout animal indistinctement. Quand on enlève ces fibres au sang, il ne se coagule plus; il se coagule, si on les y laisse. Il y en a dans le sang de presque tous les animaux; mais il n'y en a pas dans le sang du cerf, du chevreuil, du bubale et de quelques autres. Aussi, le sang de ces animaux ne se coagule-t-il pas comme celui (516b) des autres. 3 Le sang du cerf se coagule à peu près comme celui du lièvre. D'ailleurs, le sang de ces deux espèces ne donne pas une coagulation solide comme celles des autres, mais une coagulation flasque et humide, comme celle du lait où l'on n'aurait pas mis de présure. 4 Le sang du bubale se coagule davantage et à peu près autant, ou légèrement moins que celui des moutons. 5 Voilà ce qu'il y avait à dire sur les veinés, les nerfs et les fibres. [3,7] CHAPITRE VII. 1 Tous les os dans les animaux n'ont qu'un point de départ; et ils se relient les uns aux autres, tout comme les veines. Il n'y a point d'os qui soit isolé et séparé. Le point de départ est le rachis, dans tous les animaux qui ont des os. 2 Le rachis se compose de vertèbres, et il va de la tète aux hanches et au siège. Toutes les vertèbres sont percées. L'os qui est en haut, celui de la tête, touche aux dernières vertèbres; et il s'appelle le crâne. La partie de cet os, dentelée en forme de scie, est la suture. 3 Le crâne n'est pas identique dans tous les animaux; chez les uns, il est composé d'un os unique, comme dans le chien ; chez les autres, il est de plusieurs pièces, comme dans l'homme. Et encore la femme n'a-t-elle qu'une suture circulaire, tandis que l'homme en a trois, qui se réunissent au sommet et forment un triangle. On a même vu une fois une tête d'homme sans suture. La tête ne se compose pas de quatre os, mais de six; et les deux qui sont vers les oreilles sont petits, comparativement aux autres. 4 Les os qui forment les mâchoires viennent de la tête. Dans tous les animaux, c'est la mâchoire d'en bas qui est mobile ; le crocodile de rivière est le seul animal qui meuve sa mâchoire d'en haut. Dans les mâchoires, sont placées lés dents, espèce d'os qui, en un sens, n'est pas percée, et qui est percée en un autre sens. C'est, parmi les os, le seul qu'on ne puisse pas tailler. 5 C'est de l'épine dorsale que viennent, l'os qui supporte la tête, les clavicules et les côtes. La poitrine s'appuie sur les côtes ; quelques côtes se rejoignent à elle: d'autres ne s'y rejoignent pas; car il n'est pas un seul animal qui ait un os autour de la région du ventre. Puis viennent les os qui sont dans les épaules, d*abord ceux qu'on appelle omoplates, puis les os des bras, qui y tiennent, et les os de la main tenant à ces derniers. Cette disposition des os est la même dans tous les animaux qui ont des membres de devant. 6 En bas de l'épine, là où elle finit, vient, après la hanche, la cavité cotyloïde ; puis, les os des extrémités inférieures, tant ceux des cuisses que ceux des jambes, qu'on appelle (517a) les Côlènes. Les chevilles en sont une partie ; et dans les chevilles, on comprend ce qu'on appelle les ergots, chez les animaux qui ont une cheville. Viennent, à la suite, les os des pieds. 7 Les vivipares qui ont du sang et qui marchent ne diffèrent presque pas entre eux sous le rapport des os; et les différences principales dans les os qui se correspondent, portent sur leur dureté, leur mollesse ou leur grosseur. 8 Certains os ont de la moelle ; d'autres n'en ont pas, dans un seul et même animal. Il y a même des animaux qui semblent n'avoir point du tout de moelle dans les os : le lion par exemple, qui n'a en effet de la moelle qu'en très-petite quantité, et très-déliée, dans quelques os à peine, n'en ayant guère que dans les cuisses et dans les pattes de devant. D'ailleurs, le lion est l'animal qui a les os les plus solides ; et ils sont tellement durs que, quand on les choque les uns contre les autres, on en fait sortir du feu, comme si c'étaient des cailloux. 9 Le dauphin a également des os; mais il n'a pas d'épine. Chez tous les autres animaux qui ont du sang, tantôt les os ne sont que très peu différents, comme ceux des oiseaux ; dans les autres, il y a des parties correspondantes et identiques par analogie, par exemple dans les poissons, où les vivipares ont une épine cartilagineuse, comme ceux que nous appelons les sélaciens, et où les ovipares ont une arête, qui reproduit le rachis des quadrupèdes. 10 Une organisation propre aux poissons, c'est qu'il sont, dans quelques espèces, de petites arêtes isolées et minces, qui traversent la chair. Le sepent est à peu près comme les poissons, et son rachis est une sorte d'arête. Dans les quadrupèdes ovipares, les plus grands ont une épine dorsale plus semblable à l'os; les plus petits l'ont plus semblable à l'arête. D'ailleurs, tous les animaux qui ont du sang ont un rachis de la nature de l'os, ou de la nature de l'arête. 11 Quant aux autres espèces d'os, tantôt les animaux les ont; tantôt ils ne les ont pas; et selon qu'ils ont les parties où ces os doivent se trouver, ils ont aussi les os propres à ces parties spéciales. Ainsi, les animaux qui n'ont ni jambes ni bras, n'ont pas les os Côlènes, pas plus que les animaux qui ont bien ces parties, mais qui ne les ont pas semblables. Dans tous ces animaux, il y a des différences de plus et de moins, et aussi de proportions. 12 Telle est donc dans les animaux la disposition des os et leur organisation naturelle. [3,8] CHAPITRE VIII. 1 Le cartilage est de la même nature que les os ; il n'y a entre eux qu'une différence de plus ou de moins; et de même que l'os, le cartilage, une fois coupé, ne repousse plus. 2 Dans les animaux qui vivent sur terre et qui sont vivipares, les cartilages de ceux qui ont du sang ne sont jamais percés; et il ne s'y forme pas de moelle, comme il s'en forme dans les os. Mais dans les sélaciens, où l'épine est cartilagineuse, (517b) ceux qui sont larges ont un cartilage correspondant aux os du rachis, et contenant un liquide qui a quelque chose de la moelle. 3 Les vivipares qui marchent ont des cartilages aux oreilles, au nez et à certaines extrémités de leurs os. [3,9] CHAPITRE IX. 1 II y a, dans les animaux, d'autres espèces de parties qui ne sont pas de la même nature que les os, et qui ne s'en éloignent guère, cependant; ce sont les ongles, les soles, les griffes, les cornes, et encore le bec, tel qu'on le voit chez les oiseaux, dans ceux des animaux qui présentent ces parties diverses. Toutes ces parties nouvelles peuvent se plier et se fendre, tandis que l'os au contraire ne peut jamais, ni se plier, ni se fendre; il ne peut que se rompre. 2 La couleur des cornes et des ongles, du sabot et de la sole, suit la couleur de la peau et des poils. Ainsi, les animaux qui ont ces parties, et dont la peau est noire, ont aussi les cornes, les sabots et les soles également noires; les blancs les ont blanches ; elles sont de couleur intermédiaire chez les animaux qui sont entre deux. Il en est de même des ongles. 3 Les dents sont naturellement de la couleur des os. Aussi, les hommes de couleur noire, comme les Éthiopiens et les peuples de même race, ont les dents blanches comme leurs os, tandis que les ongles sont noirs, comme tout le reste de leur peau. 4 Le plus souvent, les cornes sont creuses à partir du point d'excroissance d'où vient l'os sorti de la tête ; à l'extrémité, elles sont pleines et solides; et elles sont simples. Il n'y a que le cerf dont les cornes soient pleines dans toute leur longueur, et divisées en plusieurs rameaux. Les autres animaux qui ont des cornes ne les perdent pas ; le cerf seul les perd tous les ans, à moins qu'il n'ait été coupé. On parlera plus tard de la castration dans les animaux. 5 Les cornes tiennent plutôt à la peau qu'à l'os; et c'est ainsi qu'on voit en Phrygie, et dans d'autres contrées, des bœufs qui font mouvoir leurs cornes, comme leurs oreilles. 6 Tous les animaux qui ont des doigts ont des ongles, et tous ceux qui ont des pieds ont aussi des doigts. Il n'y a d'exception que pour l'éléphant, qui a des doigts non séparés et à peine articulés, sans aucune trace d'ongles. Mais, parmi les animaux qui sont pourvus d'ongles, les uns les ont tout droits, (518b) ainsi que l'homme les a; les autres les ont recourbés, comme le lion entre les quadrupèdes, et l'aigle entre les volatiles. [3,10] CHAPITRE X. 1 Voici maintenant ce qu'il en est des poils et de leurs analogues, et de la peau. Tous les animaux qui ont des pieds et qui sont vivipares ont des poils ; tous ceux qui ont des pieds, mais qui sont ovipares, sont pourvus de lamelles écailleuses; les poissons qui ont des œufs grenus ont seuls, des écailles. Parmi les poissons à corps allongé, le congre, et la murène n'ont pas d'œufs de cette espèce ; et l'anguille n'en a point du tout. 2 L'épaisseur ou la légèreté des poils, ainsi que leur longueur, dépendent de la place où ils croissent, dans les différentes parties de l'animal, et aussi de la nature de la peau. Là où la peau est plus épaisse, le poil est plus rude et plus fort, dans presque tous les cas. Le poil est plus abondant et plus long dans les places qui sont plus enfoncées et plus humides, pourvu toutefois que cette place soit destinée à avoir des poils. Il en est de même pour les animaux à écailles ou à lamelles écailleuses. 3 Les animaux qui ont un poil naturellement doux, le prennent plus rude s'ils sont bien nourris; chez ceux qui l'ont naturellement rude, il devient alors plus doux et plus rare. Le poil diffère encore selon les contrées plus chaudes ou plus froides; c'est ainsi que les cheveux de l'homme sont durs dans les climats chauds, et doux, au contraire, dans les climats froids. Les poils tout droits sont doux; les poils frisés et crépus sont rudes et durs. 4 La nature des poils permet de les fendre ; et ils diffèrent les uns des autres, en ce qu'ils sont plus ou moins divisibles. Il en est qui, prenant peu à peu plus de dureté, en arrivent à n'être plus des poils, mais des piquants, comme les poils des hérissons de terre. La même transformation a lieu pour les ongles; car il y a des animaux dont les ongles sont aussi durs que des os. 5 L'homme a la peau plus mince qu'aucun autre animal, en proportion de sa grosseur. Dans la peau de tout animal quelconque, il y a toujours une humeur visqueuse, moins abondante chez les uns, plus chez les autres, comme chez les bœufs, par exemple, où elle sert à faire de la colle ; dans certains pays, on fait aussi de la colle avec cette viscosité des poissons. 6 La peau est par elle-même insensible quand on la coupe ; et surtout la peau de la tête, parce que là il n'y a pas du tout de chair entre la peau et l'os. Du reste, là où (518b) il n y a que de la peau, elle ne reprend point quand une fois elle a été coupée, comme à la partie mince de la joue, au prépuce et à la paupière. 7 Chez tous les animaux, la peau est continue, et elle ne s'interrompt que là où les ouvertures naturelles se dégorgent, et aussi à la bouche et aux ongles. Tous les animaux qui ont du sang ont de la peau ; mais tous n'ont pas de poil, et ils se distinguent, ainsi qu'on l'a déjà expliqué plus haut. 8 La couleur du poil varie quand l'animal devient vieux; dans l'homme, les poils blanchissent avec l'âge. Ce changement se passe aussi dans les autres animaux; mais il n'y est pas très sensible, excepté dans le cheval. Le poil commence à blanchir par le bout ; le plus souvent, les cheveux gris deviennent blancs tout à coup en entier; ce qui prouve bien que le grisonnement des cheveux ne tient pas à une dessiccation, comme on le prétend quelquefois; car rien ne se dessèche d'un seul coup. Dans cette efflorescence qu'on appelle la lèpre blanche, tous les poils deviennent gris. Dans quelques maladies, les cheveux grisonnent; et, après être tombés, ils repoussent noirs après la guérison. 9 Les cheveux deviennent plus vite gris quand on les couvre que quand on les laisse à l'air. Dans l'homme, ce sont les tempes qui grisonnent les premières; le devant de la tête devient gris avant le derrière ; et les parties sexuelles grisonnent en dernier lieu. 10 II y â des poils que l'homme apporte en naissant ; d'autres ne poussent qu'avec l'âge, et l'homme est le seul parmi les animaux chez qui se manifeste cette différence. Les poils qu'il apporte en naissant sont des cheveux, des cils, et des sourcils. Les poils qui ne paraissent que postérieurement sont d'abord ceux des parties sexuelles ; puis, ceux de l'aisselle, et enfin, ceux du menton. Ainsi, le nombre des parties où poussent les poils qui paraissent dès la naissance et ceux qui viennent plus tard, est égal. 11 Ce sont les poils de la tête qui, avec l'âge, disparaissent et tombent le plus abondamment, et les premiers. Ce ne sont d'ailleurs que les cheveux de devant; car on ne devient jamais chauve par derrière la tête. Le dépouillement du sommet s'appelle Calvitie; le dépouillement des sourcils s'appelle, en grec, Anaphalantiasis; mais aucun de ces changements ne se produit jamais avant qu'on n'ait eu des rapports sexuels. L'enfant ne devient jamais chauve, non plus que la femme, ni l'eunuque. Si l'eunuque a été opéré avant la puberté, les poils qui doivent venir après elle ne poussent plus chez lui ; s'il a été opéré plus lard, ce sont ces poils-là qui, chez lui, sont les seuls à tomber, excepté ceux des parties sexuelles. 12 La femme n'a pas de poils au menton ; ce n'est qu'exceptionnellement que quelques-unes en ont un peu, quand leurs mois viennent à cesser. Les prêtresses de Carie en ont aussi; et, en elles, on regarde que c'est (519a) un présage de l'avenir. Les autres poils viennent également aux femmes mais en quantité moindre. Il y a des hommes et des femmes qui, par constitution, sont privés des poils qui poussent avec l'âge; mais ces individus sont impuissants, lorsqu'en même temps ils n'en ont pas aux parties sexuelles. 13 Les poils autres que ceux-là poussent proportionnellement plus ou moins longs ; ce sont surtout ceux de la tête qui poussent le plus; puis, ceux de la barbe ; les plus fins poussent davantage. Chez quelques sujets, les sourcils deviennent si épais dans la vieillesse qu'il faut les couper. La cause en est que les sourcils sont placés à la jointure des os, et que les os, en s'écartant dans la vieillesse, laissent passer plus d'humidité. Les cils des paupières ne croissent pas; mais ils tombent quand on commence à user des plaisirs sexuels ; et ils tombent d'autant plus qu'on en use davantage. Ils ne grisonnent que le plus tard de tous. Les poils qu'on arrache peuvent repousser jusqu'à l'âge mûr; ensuite, ils ne repoussent plus. 14 Tous les poils ont à leur racine une humeur gluante ; et au moment où l'on vient de les arracher, ils peuvent enlever les petits objets qu'ils touchent. 15 Les animaux dont le poil est de couleur variée, ont une variété égale sur leur peau, et aussi sur la peau de la langue. Quant à la barbe, il y a des hommes qui l'ont épaisse à la lèvre et au menton; d'autres ont ces parties assez lisses; et alors, ce sont les mâchoires ou les joues qui, chez eux, sont velues. Ceux dont le menton est imberbe deviennent chauves moins aisément. 16 Dans certaines maladies, les poils poussent davantage; par exemple, dans les consomptions et aussi dans la vieillesse, et même sur les cadavres; mais ils perdent de leur souplesse et deviennent plus durs. On remarque les mêmes changements dans les ongles. Les poils de naissance tombent plus vite chez les individus qui abusent des plaisirs sexuels; les poils qui ne viennent qu'avec l'âge poussent plus vite sous la même influence. Les gens sujets aux varices sont moins exposés à la calvitie; et si, étant déjà chauves, ils contractent des varices, on voit parfois leurs cheveux repousser. 17 Le poil ne pousse pas par le bout qu'on a coupé ; mais il grossit en poussant du bas de sa racine. Les écailles des poissons durcissent et épaississent ; et elles deviennent d'autant plus dures que l'animal maigrit et vieillit. Chez les quadrupèdes, les poils des uns, la laine des autres, deviennent plus longs, mais moins abondants; les sabots des uns, les soles des autres, s'allongent, avec l'âge, comme aussi les becs des oiseaux. Les pinces s'accroissent également, de même que les ongles. 18 Ces changements amenés (519b) par l'âge n'ont pas lieu dans les animaux qui ont des ailes, comme les oiseaux. Il faut toutefois excepter la grue, qui, étant naturellement de couleur cendrée, prend avec le temps des plumes plus noires. Mais les influences que produisent les saisons sont très-marquées ; et par exemple, quand le froid redouble, on voit quelquefois les oiseaux dont le plumage est d'une couleur uniforme, passer d'un noir plus ou moins foncé au blanc, comme le corbeau, le moineau, les hirondelles. Mais l'on n'a jamais vu les races de couleur blanche passer au noir. Beaucoup d'oiseaux changent si bien de couleur, avec les saisons, qu'on ne les reconnaît plus, si l'on n'est point fait à ces changements. 19 Chez d'autres animaux, la couleur du poil varie avec la couleur des eaux qu'ils boivent; ici ils deviennent blancs, et là ils deviennent noirs. Cette influence s'étend jusque sur les portées. Dans bien des lieux, on trouve des eaux qui font que les moutons, qui s'accouplent après en avoir bu, ont des agneaux noirs. On cite, par exemple, le fleuve appelé le Froid, dans la Chalcidique de Thrace, dans l'Assyritis, qui produit cet effet. Dans l'Antandrie, il y a deux rivières dont l'une fait produire des moutons blancs; et l'autre, des moutons noirs. Il paraît aussi que les eaux du Scamandre, à ce que l'on dit, rendent les moutons roux; et voilà pourquoi, dit-on encore, Homère l'appelle le Xanthe (le Roux), au lieu de Scamandre. 20 Aucun autre animal quelconque n'a de poils à l'intérieur; et les poils des extrémités sont placés en dessus, et jamais en dessous. Le lièvre seul a des poils en dedans des joues, et sous les pattes. Le rat de mer, le cétacé, n'a pas de dents dans la bouche ; mais ce sont des soies pareilles à celles du porc. 21 Comme ou l'a vu, les poils, quand on les a coupés, croissent par en bas, mais non par le haut. Les plumes, une fois coupées, ne poussent, ni par en haut, ni par en bas ; mais elles tombent. L'aile de l'abeille, quand elle lui a été arrachée, ne repousse pas, non plus que celles des animaux où l'aile est sans divisions. L'aiguillon ne repousse pas davantage, quand l'abeille vient à le perdre ; et dans ce cas, elle meurt. [3,11] CHAPITRE XI. 1 Dans tous les animaux qui ont du sang, il y a aussi des membranes. La membrane ressemble à une peau serrée et mince; mais c'est une autre nature. La membrane ne peut, ni se déchirer, ni se distendre. Pour chaque os, pour chaque viscère, il y a une membrane, dans les animaux les plus grands et dans les plus petits; mais dans les plus petits animaux, les membranes (520a) ne se voient pas aisément, parce qu'elles sont très-minces et très-peu étendues. 2 Les membranes les plus considérables sont d'abord les deux membranes qui enveloppent le cerveau ; et des deux, celle qui est près de l'os est plus forte et plus épaisse que celle qui enveloppe l'encéphale. La plus considérable ensuite est celle du cœur. Une membrane, réduite à elle seule, ne repousse pas, une fois qu'elle a été coupée ; et les os dépouillés de leurs membranes se carient. 3 L'épiploon est également une membrane ; on trouve l'épiploon chez tous les animaux qui ont du sang; seulement, chez les uns, il est graisseux ; chez les autres, il est sans graisse. Dans les vivipares qui ont les deux rangées de dents, haut et bas, il commence et il est suspendu au milieu de l'estomac, là où l'estomac présente une sorte de suture. Dans les animaux qui n'ont point les deux rangées de dents, il part également du grand estomac, auquel il est attaché de la même façon. 4 La vessie est bien encore une sorte de membrane; mais c'est une membrane d'une autre nature, puisqu'elle peut se distendre. Tous les animaux n'ont pas de vessie ; mais tous les vivipares en ont une. Dans les ovipares, la tortue est la seule à en avoir. Une fois coupée, la vessie ne se cicatrise point, si ce n'est à l'origine même de l'uretère. C'est quelque chose d'excessivement rare ; mais on en a vu déjà quelques cas. Après la mort, le liquide n'y passe plus. Pendant la vie, il s'y dépose des concrétions sèches, qui forment des pierres ; c'est une maladie ; et il arrive parfois que ces dépôts dans la vessie prennent toute l'apparence de vrais coquillages. 5 On le voit donc : la veine, le nerf, la peau, les fibres, les membranes, et aussi les poils, les ongles, les soles, les sabots, les cornes, les dents, les becs, les cartilages et les os, ainsi que tous les organes analogues, sont comme on vient de le dire. [3,12] CHAPITRE XII. 1 La chair, et ce qui a une nature approchant de la chair, dans les animaux qui ont du sang, est placée, chez tous, entre la peau et l'os, ou les parties qui correspondent aux os ; car ce que l'arête est à l'os, la matière charnue l'est aux chairs proprement dites, dans les animaux qui ont des os et des arêtes. 2 La chair est divisible en tout sens, et non pas seulement dans sa longueur, comme le sont les nerfs et les veines. La chair disparaît quand l'animal maigrit, et elle fond en veines et en fibres. Mais si l'animal a une nourriture plus abondante, la graisse se substitue aux chairs. 3 Les animaux très-charnus ont (520b) les veines plus petites, et le sang plus rouge ; leurs viscères et leur ventre sont peu développés. Dans les animaux qui ont de grosses veines, le sang est plus noir; les intestins sont gros; le ventre, également ; et les chairs sont moins volumineuses. Les animaux qui ont le ventre petit deviennent charnus et gras. [3,13] CHAPITRE XIII. 1 La graisse et le suif diffèrent l'un de l'autre, en ce que le suif est tout à fait cassant et qu'il se coagule par le froid, tandis que la graisse est fluide et ne se coagule pas. Les bouillons faits avec des animaux gras ne se coagulent point, par exemple, avec le cheval et le porc; au contraire, les bouillons faits avec la chair des animaux à suif se coagulent, comme ceux du mouton et de la chèvre. 2 Les places aussi où se produisent le suif et la graisse sont différentes. La graisse se produit entre la peau et la chair; le suif ne se produit qu'à l'extrémité des chairs. L'épiploon devient gras dans les animaux à graisse; il se charge de suif dans les animaux à suif. Les animaux qui ont les deux rangées de dents ont de la graisse; ceux qui n'ont pas ces deux rangées ont du suif. 3 Parmi les viscères, le foie devient gras chez quelques animaux; par exemple, celui des sélaciens, entre les poissons; aussi, on en tire de l'huile en le faisant fondre. Du reste, les sélaciens sont, de tous les poissons, ceux qui sont le moins gras, en graisse isolée, soit dans la chair, soit dans le ventre. Le suif des poissons est graisseux, et il ne se coagule pas. 4 Les animaux ont la graisse, tantôt répandue dans la chair, tantôt séparée. Ceux qui n'ont point la graisse à part, sont moins gras sur le ventre et l'épiploon, comme l'anguille, parce qu'ils ont peu de suif à l'épiploon. Dans la plupart, c'est la région du ventre qui engraisse, surtout chez les animaux qui font peu de mouvement. 5 Dans les animaux gras, la cervelle est gluante, comme celle du porc; dans les animaux à suif, elle est sèche. Les viscères des animaux s'engraissent plus particulièrement dans la région des reins ; mais le rein droit est toujours le moins chargé de graisse ; et même quand les reins en sont surchargés, il reste toujours, vers le milieu, une place qui n'en a pas. 6 Les animaux à suif sont surtout sujets à des maladies des reins, qui atteignent plus spécialement les moutons, qui meurent quand les reins sont absolument couverts de graisse. Ces maladies des reins tiennent à un excès de nourriture, (521a) comme dans les pâturages de Sicile près de Léontium. Aussi ne lâche-t-on les troupeaux que très tard à la fin du jour, pour qu'ils prennent moins de nourriture. 7 Chez tous les animaux, il y a de la graisse dans la partie voisine de la prunelle des yeux; car tous ceux dont les yeux ont cet organe et qui n'ont pas les yeux durs, ont cette partie garnie de suif. 8 Les animaux, tant mâles que femelles, sont moins féconds quand ils sont gras. Avec les années, tous ils engraissent plus que dans les premiers temps de la vie, où ils sont jeunes, surtout quand, ayant pris tout leur développement en hauteur et en largeur, ils ne font plus que croître en épaisseur. [3,14] CHAPITRE XIV. 1 Voici ce qu'il en est du sang. Dans tous les animaux qui ont du sang, c'est l'élément le plus nécessaire et le plus commun. Il ne leur vient pas tardivement et après coup, et il leur reste tant qu'ils ne sont pas profondément altérés. Tout le sang est renfermé dans des vaisseaux qu'on appelle les veines ; et il ne s'en trouve absolument nulle part ailleurs, si ce n'est dans le cœur tout seul. 2 Chez aucun animal, le sang n'est sensible quand on le touche, non plus que ne le sont les excrétions des intestins ; non plus que l'encéphale, et la moelle, qui ne marquent pas davantage de sensibilité quand on les touche, tandis que partout où l'on coupe la chair, le sang se montre, si l'animal est vivant, à moins que la chair ne soit viciée. 3 Le sang, quand il est sain, a naturellement une saveur douceâtre, et la couleur en est rouge. S'il est corrompu par nature ou par maladie, il est plus noir. Dans son meilleur état, il n'est, ni trop épais, ni trop fluide et léger, s'il n'est pas altéré, soit naturellement, soit par maladie. 4 Tant que l'être est vivant, le sang est chaud et liquide; et dans tous les animaux, il se coagule quand il est sorti du corps. Il n'y a d'exception que pour le cerf et le daim, et pour d'autres animaux de cette espèce. Mais pour tous les autres animaux, le sang se coagule tant qu'on n'en a pas ôté les fibres. C'est le sang du taureau qui se coagule le plus rapidement. 5 Dans les animaux qui ont du sang, les vivipares, qu'ils soient d'ailleurs vivipares en eux-mêmes ou au dehors, ont plus de sang que ceux qui, ayant aussi du sang, sont ovipares. Quand les animaux sont en bon état, soit par leur constitution naturelle, soit par un bon régime, ils n'ont, ni trop de sang comme ceux qui boivent avec excès, ni trop peu, comme ceux qui sont trop gras. Mais si les animaux gras ont peu de sang, ils l'ont pur; et plus ils engraissent, moins ils ont de sang; car il n'y a pas de sang dans les parties qui sont grasses. La (521b) graisse ne se gâte point; mais le sang et les parties où il se trouve, se putréfient le plus vite, surtout celles de ces parties qui avoisinent les os. 6 C'est l'homme qui a le sang le plus léger et le plus pur; dans les vivipares, c'est le taureau et l'âne qui l'ont le plus épais et le plus noir. Le sang est aussi plus épais et plus noir dans les parties basses que dans les parties hautes. 7 Le sang bat dans les veines de tous les animaux, et au même instant dans toutes les parties du corps. Il est le seul liquide qui soit répandu dans l'animal tout entier, et qui y soit toujours tant que l'animal reste vivant. Il se produit d'abord dans le cœur, avant même que le reste du corps ne soit complètement formé. Quand le sang se réduit et qu'il sort plus qu'il ne faut, on tombe en défaillance ; et si l'on en perd en trop grande quantité, on en meurt. 8 Quand le sang est trop liquide, c'est une maladie; car alors il se tourne en lymphe, et il devient séreux, au point que l'on a vu déjà de gens avoir une sueur sanguinolente. Parfois, dans ce cas, ou le sang qui est sorti ne se coagule pas du tout, ou il ne se coagule qu'en partie et en l'isolant. 9 Pendant le sommeil, le sang afflue moins aux parties extérieures du corps, de telle sorte que, si on les pique, le sang n'en sort pas aussi complètement que d'habitude. Le sang vient de la lymphe par la coction et la graisse vient du sang. Quand le sang est malade, il se forme un flux sanguin, une hémorroïde, soit par le nez, soit au fondement, soit dans les varices. Le sang, quand il est corrompu dans le corps, y forme du pus ; et le pus forme un abcès. 10 Le sang des femelles présente des différences avec celui des mâles. Il est plus épais et plus noir, à santé égale et à âge pareil. Dans les femelles, il y a moins de sang à la surface du corps; mais à l'intérieur il y en a davantage. De tous les animaux femelles, c'est la femme qui a le plus de sang. Ce que dans les femmes on appelle leurs mois, est plus abondant que dans aucune espèce d'animal; et quand ce sang est dans un état morbide, on lui donne le nom de perte. 11 Les femmes sont moins sujettes que les hommes aux autres désordres du sang; il est rare qu'elles aient des varices, des hémorroïdes, ou des saignements de nez ; et lorsqu'elles ont de ces affrétions, les mois viennent moins bien. 12 Selon les âges, le sang est différent en quantité et en qualité. Dans les sujets très-jeunes, il est lymphatique et en quantité plus forte ; dans les vieux, il devient épais, noir, et peu abondant. Chez les sujets qui sont dans la force de l'âge, il est entre les deux. Le sang (522a) des vieillards se coagule vite, même quand on le prend à la surface du corps. Chez les sujets jeunes, ce phénomène ne se produit pas. La lymphe est un sang qui n'a pas de coction, soit qu'il ne l'ait pas encore reçue, soit qu'il se soit tourné en sérosité. [3,15] CHAPITRE XV. 1 Quant à la moelle, c'est un de ces liquides qui se trouve dans quelques-unes des espèces d'animaux qui ont du sang. D'ailleurs, tous les liquides qui se trouvent naturellement dans le corps sont renfermés dans des vaisseaux, comme le sang qui l'est dans les veines; et la moelle, dans les os. Les autres liquides sont renfermés dans des membranes, des pellicules et des intestins. 2 Chez les individus jeunes, la moelle est tout à fait de la nature du sang. Dans la vieillesse, la moelle devient de la graisse chez les animaux gras ; et du suif, chez les animaux à suif. 3 Il n'y a pas de moelle dans tous les os, quels qu'ils soient; il n'y en a que dans les os qui sont creux ; et même dans quelques-uns de ceux-là, il n'y en a pas toujours. Ainsi, les os du lion, ou n'ont pas du tout de moelle, ou n'en ont que très-peu. Aussi a-t-on prétendu quelquefois, ainsi qu'on l'a dit antérieurement, que les lions n'ont pas du tout de moelle. Les os du cochon en ont également très-peu, et l'on en voit même qui n'en ont pas la moindre parcelle. [3,16] CHAPITRE XVI. 1 Les fluides dont on vient de parler sont presque toujours de naissance dans les animaux ; mais le lait et la liqueur séminale ne viennent que postérieurement. De ces fluides, celui qui est sécrété séparément dans tous les animaux où il apparaît, c'est le lait ; mais la liqueur séminale n'existe pas dans tous, et quelques-uns ont ce qu'on nomme la laite, comme les poissons. 2 Tous les animaux qui sécrètent du lait l'ont dans les mamelles. Les mamelles appartiennent à tous les vivipares, soit qu'ils produisent leurs petits en eux-mêmes, soit qu'ils les produisent au dehors, et aussi à tous les vivipares qui ont des poils, comme l'homme et le cheval, ou parmi les cétacés, au dauphin, au phoque et à la baleine ; car ces derniers animaux ont aussi des mamelles et du lait. Quant à ceux qui ne sont vivipares qu'au dehors, ou qui sont ovipares, ils n'ont ni mamelles, ni lait; tels sont le poisson et l'oiseau. 3 Toutes les espèces de lait contiennent deux parties, l'une aqueuse qu'on appelle le sérum, ou petit-lait; l'autre plus solide et qui a du corps, qu'on appelle le caséum, le fromage. Les laits plus épais ont aussi plus de caséum. Dans les animaux qui n'ont pas les deux rangées de dents, le lait se coagule, et l'on fait du fromage avec le lait des animaux domestiques ; mais dans ceux qui ont les deux rangées régulières, le lait ne se coagule pas, non plus que la graisse ; il est limpide et doux. Le plus léger de tous est celui du chameau; puis au second rang, celui du cheval; et au troisième, le lait de l'âne. Celui du bœuf est plus épais. Ce n'est pas le froid qui coagule le lait ; il le ferait plutôt tourner au sérum ; (522b) mais c'est le feu qui le coagule et l'épaissit. 4 En général, le lait ne vient pas dans l'animal avant qu'il n'ait conçu ; mais le lait se produit après la conception. Le premier n'est pas de bon usage. Plus tard et même avant que les femmes aient conçu, elles peuvent avoir un peu de lait en prenant certains aliments ; et l'on a vu quelques femmes, quoique vieilles, avoir du lait quand un enfant les tétait, et en produire assez pour que l'enfant pût s'en nourrir. 5 Les habitants des environs du mont Oeta prennent leurs chèvres quand elles n'ont pas encore subi l'approche du mâle, et ils leur frottent violemment les mamelles avec des orties. Comme cette opération les fait souffrir, leur premier lait est mêlé de sang ; puis le second est un peu purulent; mais le dernier est enfin tout aussi bon que celui des chèvres qui ont été couvertes. 6 Ordinairement, dans toutes les espèces, aussi bien que dans l'homme, les mâles n'ont pas de lait ; il y a pourtant quelques exceptions. A Lemnos, un bouc donnait, par les deux mamelles que le mâle, dans cette espèce, a près de la verge, une assez grande quantité de lait pour qu'on en fit des fromages ; et ce bouc ayant couvert une femelle, le même phénomène se produisit dans le petit qu'il avait eu. 7 Mais ces faits rares sont regardés comme des présages ; et quelqu'un de Lemnos ayant consulté le Dieu, il répondit que cette singularité annonçait un grand accroissement de prospérité. Il y a aussi quelques hommes qui, après la puberté, donnent un peu de lait, si l'on presse leurs mamelles, et qui même en donnent en quantité quand un enfant les tette. 8 II y a, dans le lait, une certaine graisse qui devient pareille à de l'huile, quand il se caille. En Sicile et dans les pays où le lait de brebis est trop gras, on le mêle au lait de chèvre. Le lait qui se caille le plus vite n'est pas seulement celui qui contient le plus de caséum, mais celui qui en contient de plus sec. 9 Ces animaux ont plus de lait qu'il n'en faut pour nourrir les petits; et alors, ce lait est bon pour la fabrication du fromage et on peut le conserver. Le meilleur pour cet usage est le lait de brebis et de chèvre; et ensuite, le lait de vache. Les fromages de Phrygie sont un mélange de lait de jument et de lait d'ânesse. Il y a plus d'éléments de fromage dans le lait de vache que dans celui de chèvre ; car les bergers assurent que, de la quantité égale d'une amphore, on ne peut tirer que dix-neuf fromages du prix dune obole chacun avec du lait de chèvre, tandis qu'on en tire jusqu'à trente avec du lait de vache. 10 Tantôt les animaux n'ont de lait que ce qu'il en faut pour les petits ; mais ils n'en ont pas au-delà, ni qu'on puisse employer à faire du fromage. Ce sont en général les animaux qui ont plus de deux (523a) mamelles ; aucun d'eux n'a beaucoup de lait ; et leur lait ne peut pas donner de fromage. 11 Le suc de figuier et la présure font cailler le lait. Le suc du figuier est recueilli sur de la laine quand il sort de l'arbre; on lave ensuite cette laine dans une petite quantité de lait ; et ce lait mélangé à l'autre le fait prendre. La présure est déjà une sorte de lait, et on la trouve dans l'estomac des petits qui tètent encore. La présure est donc un lait qui contient du fromage en lui-même ; et ce lait a été cuit par la chaleur propre de l'animal. 12 Tous les ruminants ont de la présure ; et parmi les animaux à deux rangées de dents, le lièvre en a aussi. Plus on garde la présure, meilleure elle est. C'est surtout la vieille présure qui est bonne contre les flux de ventre ; et aussi, la présure du lièvre; mais la meilleure des présures est celle qu'on tire du faon. 13 Les animaux qui produisent du lait en donnent plus ou moins, selon leur grosseur, et aussi selon les variétés de leurs aliments. Il y a dans le Phase de petites vaches qui donnent du lait en abondance; les grandes vaches de l'Épire donnent chacune une amphore et demie de lait, quand on trait les deux mamelles. Pour les traire, il faut se tenir debout, ou un peu penché ; car si l'on restait assis, on ne pourrait pas atteindre jusqu'au pis. Du reste, tous les quadrupèdes en Épire, l'âne excepté, sont très-grands ; les bœufs et les chiens y sont énormes. 14 Ces grands animaux ont besoin d'une nourriture plus abondante ; mais le pays leur offre de gras et nombreux pâturages, et des localités favorables, selon chaque saison. D'ailleurs ce sont les bœufs et les moutons dits Pyrrhiques, du nom même du roi Pyrrhus, qui sont les plus gros de tous. 15 II y a des fourrages qui arrêtent le lait, par exemple, l'herbe médique, surtout chez les ruminants. D'autres fourrages au contraire, comme le cytise et les vesces, font beaucoup de lait; seulement, le cytise, quand il est en fleur, n'est pas bon, parce qu'il est brûlant ; elles vesces ne sont pas meilleures pour les femelles qui sont pleines, parce qu'alors elles mettent bas plus difficilement. Généralement, les quadrupèdes qui peuvent manger beaucoup sont plus productifs au propriétaire, et ils donnent une grande quantité de lait, si la nourriture qu'ils prennent est trèsabondante. Certains fourrages flatueux, joints aux autres, poussent au lait; et c'est ainsi qu'on donne des quantités de févrolles à la brebis, à la chèvre, à la vache, et même à la petite chèvre (523b) au-dessous d'un an. Cette alimentation fait descendre et allonger la mamelle. 16 Un signe qui annonce que l'animal aura plus de lait que d'ordinaire, c'est lorsque la mamelle tend à baisser beaucoup, avant que la bête ne mette bas. Les animaux qui ont du lait en donnent d'autant plus longtemps qu'ils restent sans porter, et qu'ils ont tout ce qu'il leur faut. Ce sont les brebis qui, parmi les quadrupèdes, en ont le plus longtemps; on peut les traire pendant huit mois de l'année. D'une manière générale, ce sont les ruminants qui ont le plus de lait, et de lait bon pour faire le fromage. 17 Les vaches de Torone cessent d'avoir du lait quelques jours avant de mettre bas; et tout le reste du temps, elles en ont. Chez les femmes, le lait un peu bleuâtre vaut mieux pour les nourrissons que le lait tout à fait blanc ; le lait des brunes est plus sain que celui des blondes. Le lait qui a le plus de caséum est le plus nourrissant; mais celui qui en contient le moins est plus salutaire aux enfants. [3,17] CHAPITRE XVII. 1 Tous les animaux qui ont du sang éjaculent de la liqueur séminale; on dira ailleurs en quoi et comment elle contribue à la génération. 2 C'est l'homme qui en produit le plus, proportionnellement à la grandeur de son corps. Le sperme est visqueux dans les animaux qui ont des poils ; dans les autres, il n'a pas de viscosité. Pour tous, il est de couleur blanche ; et Hérodote se trompe quand il prétend que le sperme des Éthiopiens est de couleur noire. 3 Le sperme, à l'état sain, est blanc et épais au moment où il sort ; mais une fois émis, il devient clair et noir. Les grands froids ne le font pas geler; mais alors, il devient tout à fait fluide comme de l'eau, par sa couleur et son épaisseur; la chaleur le coagule et le fait épaissir. S'il reste quelque temps dans la matrice, il en sort plus épais; et quelquefois même, il en sort tout sec et congloméré. Le sperme prolifique descend au fond de l'eau où on le met ; celui qui ne l'est pas se mêle au liquide. 4 Ctésias n'a écrit que des erreurs sur le sperme des éléphants.