[69,0] LETTRE LXIX. Irénée ayant demandé pourquoi il est défendu par la loi aux hommes de prendre les habits de femmes et aux femmes de prendre les habits d'hommes, il lui répond qua la nature même a horreur de ce changement, comme on le voit dans les bêtes mêmes ; qu'il était pourtant plus supportable que les femmes s'habillassent en hommes, que non pas que les hommes s'habillassent en femmes ; que, dans cette loi, il s'agit plus des moeurs que des vêtements. Après quoi, il invective contre ceux qui frissent leurs cheveux. [69,1] Vous m'avez fait savoir comme à votre père que quelquesuns de vos amis vous ont demandé d'où vient que la loi déclare avec tant de sévérité impurs ceux qui prennent les habits d'un autre sexe soit hommes, soit femmes. Car il est écrit : "une femme ne prendra point un habit d'homme et un homme ne prendra point un habit de femme car celui qui le fait est impur et abominable devant Dieu". (Deut., 22, 5) 2. Si vous examinez cela de près, vous verrez que ce déguisement est indécent et que la nature même en a horreur. Car pourquoi, étant né homme, ne voulez-vous pas le paraître ? Pourquoi prenez-vous une figure qui vous est étarngère ? Pourquoi vous, homme, contrefaisez-vous la femme et vous, femme, contrefaites-vous l'homme? La nature a donné à chaque sexe les habits qui lui sont propres. Enfin, tout est différent dans l'homme et dans la femme, divers usages, diverses couleurs, divers mouvements, diverses démarches, diverses forces, diverses voix. 3. Pareillement, dans les autres espèces d'animaux, autre est la figure du lion, autre celle de la lionne, autre leur force, autre leur cri. Autre est la figure du taureau, autre celle de la génisse. De même dans les cerfs, autant que le sexe est différent, autant il y a de diversité dans leur figure, en sorte qu'on peut même de loin les distinguer. On fait encore par les habits une comparaison plus sensible entre les hommes et les oiseaux, les vêtements dont la nature couvre ceux-ci faisant discerner leur sexe. Les Pans mâles sont très beaux. Les femelles n'ont pas sur leur plumage cette agréable variété de couleurs. Que dirai-je des poussins? Combien le chant du coq est-il agréable. Il ne manque pas plusieurs fois la nuit de nous réveiller et de chanter comme s'il était chargé de cet important emploi. Tous ces animaux chnagent-ils de figure ? Pourquoi voulons-nous en changer ? 4. Les coutumes de la Grèce ont introduit parmi nous que les femmes se servent, comme les hommes, de tuniques plus étroites. A la bonne heure qu'elles semblent imiter en cela le sexe le plus excellent. Qu'est-ce que les hommes prétendent faire en prenant les dehors du sexe inférieur ? Il est honteux de mentir quand ce ne serait que par les paroles, combien plus de mentir par les habits ? Enfin, dans les temples où c'est un crime de mentir contre la bonne foi, y souffrira-t-on un mensonge contre la nature ? Dans ce lieur saint, on regarde comme un sacrilège que les hommes prennent des habits de femme et en affectent les manières. C'est pourquoi la loi dit : "que celui qui le fait est impur et abominable devant le seigneur". [69,5] Je crois que cette loi ne regarde pas tant les habits que les moeurs et qu'elle a voulu nous apprendre que la bienséance prescrit d'autres usages et d'autres actions aux hommes et aux femmes. Aussi l'apôtre interprétant cette loi dit : "que vos femmes se taisent dans l'Église, parce qu'il ne leur est pas permis de parler mais elles soivent être soumises, comme la loi l'ordonne. Que si elles veulent s'instruire de quelque chose, qu'elles le demandent à leurs maris lorsqu'elles seront dans leurs maisons". (1 Cor., 14, 35) Et dans l'épître à Timothée : "que les femmes se tiennent en silence et dans une entière soumission lorsqu'on les instruit. Je ne permets pas aux femmes d'enseigner, ni de prendre autorité sur leurs maris". (1 Tim., 2, 11-12) 6. Or, combien est-il déshonorant pour un homme de faire des actions qui ne conviennent qu'à une femme ? Qu'ils enfantent donc comme elles ? Qu'ils mettent des enfants au monde, puisque, comme elles, ils frisent leurs cheveux. Cependant, les femmes doivent être voilées et les hommes sont destinés à aller à la guerre. Ceux-ci s'excuseront en frisant leurs cheveux sur les usages de leurs pays mais qu'ils fassent réflexion que ce sont des usages barbares tels que ceux des Perses, des Goths, des Arméniens et que la nature doit avoir plus de force sur leur esprit que la patrie. 7. Que dirai-je de ces autres qui croyent, pour faire paraître leur luxe, qu'il faut avoir des officiers avec des cheveux frisés et des carquans d'or et qui veulent que leurs domestiques ayent des cheveux courts pendant qu'ils ont eux-mêmes une longue barbe ? Certainement la chasteté est mal gardée là où l'on n'observe pas la distinction des sexes, après les préceptes si évidents que la nature nous donne sur ce point, selon que dit l'apôtre : "est-il bienséant à une femme de prier Dieu sans avoir un voile sur la tête ? La nature même ne nous enseigne-t-elle pas qu'il serait honteux à un homme de laisser toujours croître ses cheveux et qu'il est, au contriare, honorable à une femme de les laisser toujours croître, parce qu'ils lui ont été donnés comme un voile qui la doit couvrir". Voilà ce qu'il faut répondre à ceux qui vous font cette demande. Adieu, aimez-moi comme un fils aime son père parce que je vous aime comme un père son fils.