[0] PRÉFACE. Je présume qu'il y aura beaucoup de gens qui trouveront à reprendre à ces contes, comme à des légèretés indignes d'un homme grave, et réclameront un langage plus orné, une éloquence plus grande. Si je voulais leur répondre, je dirais avoir lu que nos ancêtres, qui étaient gens sages et doctes, se sont délectés aux facéties, aux joyeusetés, aux fables, qu'ils ont ainsi mérité non le blâme, mais la louange, et je croirais avoir assez fait pour leur opinion. En effet, comment penser qu'il est honteux d'imiter en cela nos ancêtres, ne le pouvant en autre chose, honteux de passer dans le soin d'écrire ce même temps que les autres passent dans les cercles et les réunions, alors surtout que ce travail n'est pas sans gloire et peut procurer de l'agrément aux lecteurs ? Car il est louable, je dirai même nécessaire, d'arracher à ses soins continuels notre esprit accablé de préoccupations et de chagrins, de le tourner à la gaieté, de le détendre par la plaisanterie. Mais chercher le style dans les petits sujets, même alors qu'il s'agit de rendre une facétie textuellement ou de rapporter les paroles d'autrui, me semble le fait d'un esprit trop exigeant. Il y a des choses qui ne peuvent être décrites d'une manière ornée, qui doivent être rapportées telles que les ont dites les acteurs de l'événement. Certains penseront que mon excuse part de mon impuissance, je leur donne raison, pourvu qu'ils racontent les mêmes histoires encore mieux que moi, ce à quoi je les engage afin que la langue latine s'enrichisse de leur fait et brille même dans les petits sujets. Pour moi, j'ai voulu voir si beaucoup de choses qui étaient regardées comme difficiles à dire en latin, pouvaient s'exprimer sans trop d'effort. Comme ce ne sont pas les ornements du style, l'ampleur de l'éloquence, qui se trouvent ici de mise, il me suffira d'entendre dire que j'ai écrit non sans agrément. Mais arrière ceux qui s'érigent en censeurs rigides ou en juges austères ! Je veux ètre lu par des esprits aimables et cultivés, comme Lucilius par ceux de Cosenza et de Tarente ; si mes lecteurs sont rustiques, qu'ils pensent ce qu'ils veulent, mais n'accusent pas l'auteur qui écrivit ceci pour le délassement de l'esprit et l'exercice de l'intelligence.