[11,0] LIVRE ONZE. PRÉFACE : {sans correspondance} [11,1] LETTRE I. AU SENAT DE LA VILLE DE ROME, LE SENATEUR ET PREFET DU PRETOIRE. Extrait ; Traduction française : Denis de Sainte-Marthe, La vie de Cassiodore, 1695. (- - -) (1) (2) (3) (4) (5) ... Si ce petit Prince lui est parfaitement soumis, il n’y a pas lieu de s’en étonner. Le génie de cette Princesse est si supérieur à tout autre qu’il n’y a point de Princes étrangers qui ne dussent par toute sorte de raisons faire gloire de se soumettre à elle. (6) Tous les Royaumes, tous les Etats du monde ont une singulière vénération pour elle. Sa vue imprime le respect, la parole charme et ravit en admiration. Quelle Langue peut-on nommer qu’elle ne sache pas très parfaitement. Elle parle Grec aussi purement et ainsi qu’on parlait autrefois à Athènes. Elle brillerait parmi les plus célèbres Orateurs Latins que Rome ait produits. Elle possède toutes les richesses et toutes les beautés de sa Langue maternelle. Etant si digne d’admiration en toutes choses universellement, elle surpasse en particulier tous ceux qui excellent en quelque art ou en quelque discipline qui leur est propre. Si c’est une louange singulière que de savoir sa Langue en perfection, que doit-on dire de l’érudition et la sagesse de cette incomparable Princesse, qui possède tant de sortes de Langues qui non seulement les entend, mais les parle sans jamais faire une faute. (7) Que c’est un grand avantage pour tous les peuples de ce qu’il n’y en a point qui aient besoin de truchement pour traiter avec cette Princesse. Elle entend ce que tous les Ambassadeurs étrangers lui disent en leur Langue, elle leur répond en la même Langue. Elle a joint à cette étude si louable une parfaite connaissance des lettres, ce qui est pour elle d’un prix inestimable et un ornement plus riche que le diadème. Par là elle est instruite de la sage conduite et de la prudence des anciens ce qui relève en elle l’éclat de la dignité Royale. (8) Quoi qu’elle soit si savante dans les Langues, elle sait si bien garder le silence en public, qu’on s’imaginerait qu’elle ne se serait jamais occupée d’étude. Elle termine en peu de mots les procès les plus épineux et les plus embarrassés. Elle conduit les affaires de la guerre sans rien perdre de son repos et de sa tranquillité d’esprit. Quand il s’agit des affaires qui concernent le bien public elle garde et fait garder un fort grand secret. On voit les entreprises exécutées, avant qu’on sache qu’elles ayant été résolues dans le Conseil. (9) Qu’y a-t-il eu de glorieux dans toute l’antiquité qui soit digne de lui être comparé ? (- - -) (- - -) (10) Au contraire sous la régence de cette sage Reine, qui descend d’autant de Rois qu’elle compte d’aïeux, nos armées, avec le secours de Dieu, jettent la terreur dans le cœur de nos voisins. Nos troupes sont ménagées avec une conduite si prudente qu’elles ne sont ni ruinées par des guerres continuelles, ni corrompues par l’oisiveté et par une trop longue paix. Dès le commencement de sa régence, dans un temps où tout est à craindre, tout est douteux, tout est chancelant, elle a soumis le Danube à l’Italie malgré les efforts de l’empereur d’Orient. (11) On sait ce qu’il en coûta à ceux qui avaient envahi nos provinces et je le passe à dessein sous silence, afin de ne pas flétrir d’une accusation de trahison la famille d’un prince qui est notre allié. Il a fait assez connaître quels étaient ses sentiments par rapport à nous lorsqu’il nous a donné la paix, quoiqu’il eût été offensé tandis qu’il l’a refusée à d’autres princes qui la lui demandaient instamment. Joignez à cela toutes les ambassades qu’il nous a envoyées, quoique nous ne lui en ayons envoyé que rarement, ce prince si puissant a en quelque sorte ravalé la majesté de l’Orient pour élever les maîtres de l’Italie. {Traduction : L. G. Du Buat, Histoire ancienne des peuples de l'Europe, t. X.} (12) Les Francs eux-mêmes, cette nation devenue si puissante par tant de victoires qu'elle a remportées sur les Barbares, les Francs ont pris l'épouvante à la vue de l'expédition prodigieuse qui avait été ordonnée contre eux. Ils ne nous ont fait la guerre qu'après avoir été attaqués, eux qui ont toujours été les premiers à attaquer toutes les nations avec cette fougue qui leur est naturelle ; mais quoique cette nation superbe ait évité le combat, elle n'a pu éviter la mort de son roi. Ce puissant Théodoric, vaincu par la maladie, est mort pour le triomphe de nos princes. Dieu l'a sans doute voulu ainsi, afin que nos mains ne fussent pas souillées du sang de nos parents, et que cependant l'armée envoyée contre eux, ne revînt pas sans avoir tiré quelque sorte de vengeance. Heureuse expédition des Goths, qui coûte un roi à leurs ennemis, et qui ne les a point engagés dans des combats odieux. (13) Le Bourguignon lui-même est devenu notre client pour recouvrer ses terres. Il s'est donné tout entier et n'a reçu que peu de chose. Il a mieux aimé nous obéir tout entier que de résister sans moyens de le faire. Il n'a jamais mieux défendu ses états que du moment où il a mis bas les armes, puisqu'il a recouvré par les prières ce qu'il avait perdu dans les combats. Heureuse princesse, à qui la bonté divine épargne toute nécessité de combattre ! Les ennemis de la république, ou sont vaincus avec un bonheur vraiment céleste, ou se donnent d'eux-mêmes à vous pour être ajoutés à votre empire (- - -) (14) (15) (16) (17) 18) (19) (20). [11,2] LETTRE II. AU PAPE JEAN, CASSIODORE SÉNATOR, PREFET DU PRETOIRE Extrait; Traduction française : Denis de Sainte-Marthe, La vie de Cassiodore, 1695. Très saint Père, ayant été favorisé d'en haut de tant d’heureux succès par le moyen de votre Sainteté, qui me les a obtenus de Dieu, j'implore encore le secours de vos prières, afin qu'elles me méritent la continuation de tant d'avantages, dort je me reconnais tout-à-fait indigne. C'est par vos jeûnes, et par ceux de vos Ecclésiastiques, que les peuples ont été ou délivrés ou préservés de la famine. C'est par vos larmes si précieuses devant Dieu que la tristesse publique a été bannie. C'est par les prières des Saints que nous nous sommes vus promptement déchargez d'un fardeau qui nous accablait. C'est, très saint Père, ce qui me donne la confiance de vous supplier très humblement de prier Dieu de toute l'ardeur de votre cœur, pour la conservation de nos Princes ; afin qu'il leur donne une longue vie, qu'il diminue le nombre et les forces des ennemis de la République Romaine, qu'il nous accorde des temps de paix et de tranquillité, et que de ses trésors inépuisables il nous envoyé en abondance toutes les choses nécessaires, ce qui est le principal ornement, et le plus grand avantage de la paix. Demandez-lui pour moi qui suis votre fils, qu'il m'ouvre l'esprit et qu'il me donne l'intelligence, afin que je recherche ce qui est bon, et que je fuie ce que je dois éviter: Que celui qui est la force et la lumière de l'âme raisonnable, m'inspire des conseils salutaires : Que la face de la vérité se découvre à mes yeux, de peur que le corps et les sens ne me remplissent dé ténèbres : Que je rentre en moi-même, pour y étudier ces divines leçons qu'explique le Maître intérieur qui nous enseigne: Qu'il ne m'arrive pas de sortir et de m'éloigner de moi : Que le goût de la véritable sagesse m'instruise : Que je ne sois point éclairé d'autre lumière, que de celle qui émane du Ciel : Que je me montre dans les fonctions de Juge un digne enfant de l'Eglise Catholique : Que la force de la grâce me défende et me protège au milieu de tant de bienfaits et de faveurs de la main de Dieu ; parce que plus nous en recevons, plus nous sommes exposés aux embûches de l'ancien ennemi de l’homme. Ne rejetez pas sur mes faibles épaules, et ne me faisez pas porter seul toute la sollicitude du gouvernement de cette Ville, qui reçoit de vous plutôt que de moi la sécurité dont elle jouît. Vous étés la sentinelle qui veille sur tout le peuple Chrétien, auquel votre présidez. Etant le père commun, votre amour n'a point de bornes. Il est de votre honneur de procurer la sûreté et le repos au peuple Chrétien, dont la garde vous a été donnée de la part de Dieu. Nous n'avons entre nos mains qu'une partie des affaires, mais tout généralement vous est confié. Quoique vous deviez nourrir votre troupeau, plutôt spirituellement, que corporellement, vous ne devez pas néanmoins négliger ce qui regarde le corps. L'homme est composé de deux parties, et il est d'un bon père de pourvoir aux nécessités de l’une et de l'autre. Avant toutes choses donc employez-vous, s'il vous plaît, à détourner de dessus nous par vos saintes prières le fléau de la disette que nous avons mérité. Du reste, très saint Père, avertissez-moi librement et soigneusement de ce que vous jugez à propos que je fasse. Je souhaite bien faire, quand même il devrait m'en coûter quelques corrections, que je suis disposé à recevoir. Une brebis ne s'égare pas si facilement, lorsqu’elle désire entendre la voix de son pasteur, et il ne nous est pas si aisé de nous abandonner au vice, lorsque nous avons toujours auprès de nous une personne sage qui nous avertit. Quoique je sois le Juge du Palais du Prince, cela n'empêche pas que je ne fasse toujours gloire d'être votre disciple car alors nous administrons bien quand nous ne nous écartons pas de vos règles. Puisque je suis dans cette disposition de me confier en vos prières, et de profiter de vos avis, on s'en prendra à vôtre Sainteté, s'il se trouve quelque chose de déréglé dans ma conduite. (6) Ce siège, que tout l'univers admire, doit protéger avec une affection spéciale ceux qui lui sont spécialement affectionnés; quoiqu'il ait été donné généralement au monde, il nous est cependant attribué par le lieu même. Nous n'avons rien à craindre sous la protection des SS. Apôtres, pourvu que le Pontife qui tient leur place ne nous refuse pas le secours de ses prières. Rien à la vérité n'est plus difficile que de contenter tant de sortes de personnes ; mais Dieu est assez puissant pour nous accorder les choses qui paraissent même les plus impossibles ... (7) ... Il réprime l'envie, rend heureux les citoyens de ce monde avec l'espoir du ciel d'accorder à vos prières et le temps de louer de l'indulgence de la grâce céleste. [11,3] LETTRE III. AU PAPE JEAN, CASSIODORE SÉNATOR, PREFET DU PRETOIRE Extrait; Traduction française : Denis de Sainte-Marthe, La vie de Cassiodore, 1695. (1) … Pères spirituels, qui contemplez l'auteur de toutes choses d'un esprit éclairé priez instamment pour moi la très sainte Trinité; afin qu'étant un flambeau placé au milieu de l'Etat par ma dignité, il me fasse luire de sa lumière, que la vue intérieure de moi-même ne manque pas, et que je puisse éclairer les yeux des autres. (2) En effet que sert-il à un Juge, d'être éclairé à l'égard d’autrui, s'il n'est que ténèbres en lui-même ? Que Dieu me fasse remporter la gloire d'une bonne conscience, après avoir commis à mes soins les tribunaux de la justice. (3) ... (4) Veillez sur la conduite de ceux que nous envoyons dans les Provinces, dont nous ne pouvons pas connaître les déportements. ... (5) Soyez les consolateurs et les défenseurs des veuves et des orphelins, contre les entreprises des hommes violents, en sorte néanmoins que sous prétexte de favoriser les misérables, vous ne renversiez pas les lois, ce qui arrive quelquefois par un excès de pitié et de tendresse; et que la miséricorde ne détruise pas la justice. Que si vous trouvez quelque chose de trop sévère et de trop rigoureux dans nos jugements, donnez à vos peuples des avis si utiles et si efficaces, qu'il ne reste plus rien à faire pour les Juges et que l’on puisse fermer les lieux publics où l’on a coutume de rendre la justice et de prononcer les jugements. Pères très saints reléguez parmi les esprits impurs et bannissez de chez les Chrétiens les fureurs implacables des vices ; modérez la violence, chassez l’avarice, retranchez les larcins, faites fuir la luxure qui dépeuple le genre humain. L’administration et la garde de l’innocence vous a été confiée. Si vous ne cessez point de prêcher et d’exhorter, les peines et les supplices cesseront. (7) Donnez moi familièrement et en amis charitables tous les avis que vous jugerez nécessaires. Ce n’est point dans un esprit de dissimulation que je vous fais cette prière. Vous verrez que je m’acquitterai généralement de tout ce que je croirai être de mon devoir sans qu’il soit besoin de me contraindre. [11,4] {sans correspondance} [11,5] {sans correspondance} [11,6] {sans correspondance} [11,7] {sans correspondance} [11,8] {sans correspondance} [11,9] {sans correspondance} [11,10] {sans correspondance} [11,11] XI. EDIT FIXANT LES PRIX A RAVENNE. La vente de nourriture doit se faire en conformité avec les règles de notre époque, afin qu’on ne demande ni un prix élevé pour un produit peu coûteux, ni un prix bas pour un produit cher ; mais, compte tenu de ce qui est juste, on ôte toute raison de murmurer à l'acheteur, et on balaye l’incommodité des commerçants criards. Voilà pourquoi, ayant examiné et calculé tout dans les moindres détails pour que tout cela devienne clair, nous avons fixé les prix de différents produits, afin que sans aucune ambiguïté, tout ce qui a été établi soit appliqué. Si quelque vendeur, cependant, enfreint les directives contenues dans le présent édit, qu’il sache que, chaque fois, il devra non seulement payer une amende de six solidi d'or mais subir le supplice de la bastonnade. Ainsi, au-delà de la peur des amendes pécuniaires, il sera inquiété en pensant se voir infligé une punition corporelle très pénible. [11,12] LETTRE XII. EDIT SUR LES PRIX LE LONG DE LA VOIE FLAMINIA. Traduction française : Denis de Sainte-Marthe, La vie de Cassiodore, p. 155. Si l'on a réglé un juste prix en faveur d'un peuple qui vit en repos dans son pays et dans sa ville, à combien plus forte raison doit-on avoir compassion des étrangers et des passants, qui souffrent assez d'ailleurs, et pourvoir à leurs besoins. La bonne réception qu'on leur fait, doit calmer leurs inquiétudes et adoucir leurs chagrins. Qu'on prenne donc garde, qu'il n'arrive que ce qui a été établi pour le soulagement des peuples, ne soit une occasion de leur faire souffrir de cruelles vexations, et ne les expose à un traitement tyrannique. Que les hôtes soient reçus en ne payant que le prix réglé. Que celui qui est invité à l'hospitalité, comme à une grâce et à une faveur qu'on veut lui faire, ne devienne pas la proie d'une avarice injuste. C'est imiter les voleurs de grand chemin que d'attirer chez soi les voyageurs, dans le dessein de les dépouiller. Qu'on ne s'imagine pas être à couvert des recherches de la justice, par l'éloignement des lieux, car des gens arrivent ici chaque jour avec des histoires de votre rapacité. Attention à ne pas commettre de plus nombreux forfaits, engendrés par votre soif de l’argent. Une amende de six solidi sera infligée aux contrevenants qui subiront en outre la bastonnade s’ils excèdent les prix fixés par notre envoyé sur les lieux ; ce dernier règlera toutes choses de concert avec les Bourgeois et les Evêques, pour que ceux qui tiennent hôtellerie se contentent de gagner honnêtement, et qu'on ne puisse pas dire d'eux qu'ils demeurent sur les passages, comme des voleurs et des bandits qui assiègent les chemins, et y exercent leurs brigandages. [11,13] LETTRE XIII. A L’EMPEREUR JUSTINIEN, LE SÉNAT DE ROME. Traduction française : Du Buat, Histoire ancienne des peuples de l’Europe, t. X. Il est également honnête et nécessaire d'adresser des vœux à un prince débonnaire pour la sûreté de la république Romaine. C'est à vous qu'il nous convient de demander ce qui peut être avantageux à notre liberté; et un des plus grands bienfaits que vous ayez reçus du Ciel, est le pouvoir qu'il vous a donné d'étendre en tous lieux votre bienfaisance. Nous vous prions donc, très clément empereur, et assemblés en sénat, nous vous tendons les bras pour que vous daigniez accorder une paix solide à notre roi, et pour que vous ne nous rendiez pas nous mêmes abominables, nous que notre union avec vous vous a toujours rendu agréables. En accordant vos bontés à nos maîtres, vous relevez l'éclat du nom Romain. C'est nous que vous sauvez, c'est nous que vous protégez, lorsque vous maintenez avec eux une union salutaire. Qu'une alliance qui affermira cette union, rende donc à l'Italie son repos et sa tranquillité ; c'est le seul moyen que nous ayons d'être aimés de vous. C'est entre vous et nos maîtres que doivent se former les liens heureux qui nous attacheront à vous. Si nos prières ne suffisent point encore pour obtenir de vous cette grâce, écoutez celle de notre patrie, elle se jette à vos genoux, et vous adresse cette humble supplication. Si jamais je vous ai été agréable, ô le plus clément des princes, aimez aussi mes défenseurs. Que ceux qui règnent sur moi vous soient unis par les liens de l'amitié, de peur qu'ils ne se portent contre moi à des excès qui seraient contraires à vos vœux. Ne soyez point la cause de ma ruine, ô vous à qui j'ai dû toute ma félicité. A la faveur de la paix que vous m'avez accordée, j'ai vu doubler le nombre de mes habitants, j'ai vu mes citoyens s'accroître et m'embellir ; si vous souffrez que je perde ces avantages, en quoi consistera donc votre clémence? quels avantages pourra-t-elle me procurer dont je ne jouisse pas déjà ? Ma religion, qui est la vôtre, est florissante, mon sénat croît tous les jours en honneurs et en richesses. Ne dissipez point par une discorde malheureuse ce que vous devriez défendre par les armes. J'ai eu beaucoup de rois, mais je n'en ai eu aucun qui puisse être comparé à celui-ci par la vaste étendue de ses connaissances ; je n'en ai eu aucun qui fut tout-à-la-fois si savant et si pieux. J'aime Hamale que j'ai nourri de mes mamelles, ce brave guerrier, que mon commerce a adouci, que les Romains chérissent pour sa prudence, et que les nations redoutent pour sa bravoure. Joignez vos vœux aux siens, donnez-lui vos conseils, ajoutez à votre gloire tout ce que vous pourrez ajouter par là à mon bonheur. Ne me recherchez pas de manière à ne me jamais trouver. Je vous appartiens par l'amour que j'ai pour vous, mais ne faites pas que je fois cruellement déchirée. Si l'Afrique a eu le bonheur de vous devoir sa liberté, il serait cruel que vous me fissiez perdre celle dont j'ai toujours joui. Remportez une victoire sur vous-même, prince toujours victorieux ; que les prières de tout un grand peuple aient plus de pouvoir sur vous que n'en aurait l'ingratitude d'un seul dont vous vous sentez offensé. C'est là ce que vous dit la ville de Rome, lorsqu'elle vous adresse ses vœux par la bouche de son sénat ; mais si ce n'est pas encore assez, rendez-vous du moins à la puissante intercession de S. Pierre et de S. Paul. S'ils ont défendu Rome contre ses ennemis, que n'ont-ils pas droit d'attendre de vous ? Mais afin que tout réponde au respect que vous méritez, nous avons cru que nos humbles prières devaient vous être présentées par un homme vénérable, tel qu'est l'ambassadeur que notre très pieux roi vous envoie, afin qu'un si grand nombre de suppliants obtienne ce que la bonté de votre cœur ne devrait pas refuser à chacun d'eux. [11,14] LETTRE XIV. SENATOR, PREFET DU PRETOIRE, A GAUDIOSUS, CHANCELIER DE LA PROVINCE DE LIGURIE. La ville de Côme par sa situation sur plusieurs routes très fréquentées fait beaucoup souffrir les propriétaires du service continuel imposé des paraveredi ; ils sont en fait écrasés par le passage de trop nombreux coursiers. Nous ordonnons donc, par indulgence royale, qu’ils bénéficient toujours de la faveur, de peur que cette cité, d’un emplacement agréable pour y vivre, se dépeuple par suite des dégâts causés. Derrière ses montagnes escarpées est la vaste étendue de son lac qui est comme un mur plat pour la plaine de Ligurie. Bien que cela serve de rempart de défense pour la province, telle est sa beauté qu’on la croirait créée pour le seul plaisir. Par derrière, se trouve une plaine fertile avec des routes faciles pour le transport des provisions; au nord, un lac d’eau douce de soixante miles de long, apaisant l'esprit par ses agréments délicieux, dont aucune tempête n’enlève la richesse en poissons. Au sud, à juste titre, elle se nomme "Comum", parce qu'elle est ornée ("compta") de tels cadeaux. Le lac est encastré dans la profondeur d’une très grande vallée, imitant de fait magnifiquement la forme d’une coquille, et distinguée par ses rivages blancs écumeux. Au-dessus s'élève un diadème de hautes montagnes, leurs pentes magnifiquement décorées de villas lumineuses, ceinturées par une verte forêt d'olives éternelle ; au-dessus les vignobles grimpent sur les flancs de la montagne, tandis qu'une épaisse crête de châtaigniers orne le sommet même de la montagne. Des cours d'eau d’une blancheur de neige se précipitent des bords de la colline dans le lac. Ils s'unissent sur la côte orientale pour former la rivière Addua, qui vient de l'Autriche, ainsi appelée parce qu'elle contient le volume ajouté de deux cours d'eau. Elle plonge dans le lac avec une telle force qu'elle conserve sa propre couleur (noire parmi les eaux blanches) et son propre nom bien loin le long de la rive nord, un phénomène souvent observé des rivières qui se jettent dans l'océan, mais sûrement merveilleux quand c’est dans un lac intérieur. Et si rapide est son cours qu’il se déplace à travers les vagues exotiques, que l’on dirait un fleuve qui coule sur des plaines solides. C’est pourquoi il faut préserver les habitants de ces endroits car chaque belle chose l’est trop pour faire souffrir, et ce serait beaucoup de chagrin pour ceux qui habituellement profitent de tels délices. Qu’ils bénéficient donc d’une faveur royale perpétuelle, afin que, heureux dans leur milieu naturel, la mansuétude du prince leur conserve le bonheur. [11,15] {sans correspondance} [11,16] LETTRE XVI. SENATOR, PRÉFET DU PRÉTOIRE, AUX LIGURIENS. 1. Notre devoir est de soutenir avec zèle ceux que la piété royale a décidé d'aider, car ceux qui bénéficient de la clémence de nos dirigeants devraient aussi utiliser leurs propres magistratures pour assurer l’avenir des sujets. Vous m’avez récemment remercié pour vous avoir donné un espoir de bonnes choses, plutôt qu’une réalisation concrète. En recevant ma promesse avec une grande joie, vous m’avez encouragé à vous accorder des faveurs. Nous avons déchargé un magistrat de son obligation. Choses promises, choses dues. 2. Laissez-nous, maintenant, prendre un nouveau départ avec les mesures, car le discours d'un magistrat doit commencer au point où il est juste d'appliquer sa propre conscience. De là vient que tu te déclares abusé en matière de poids et mesures. Voilà pourquoi mon attention va s’assurer qu’aucun forfait humain ne te trouble plus à partir de ce trimestre ; je pense, en effet, que c'est un crime grave, soit pour les mesures de dépasser la limite, soit pour les échelles de ne pas respecter la justice d'un poids équitable. 3. En outre, comme sur les fonctionnaires de notre bureau, collecteurs d'impôts, vous avez porté plainte, puisqu’ils vous ont infligé de lourdes pertes, nous avons exigé leur convocation, afin de justifier leurs comptes, et de rembourser sans délai, une quelconque fraude dont ils seraient responsables. Car cela, je le déclare, est en contradiction avec ma conception de la fonction, qu'un homme se réjouisse de la perte d’un autre. 4. Maintenant, veillez à la préparation de l'armée la plus dynamique, et procurez tout sans aucune plainte ou retard. Vous nous forcerez efficacement à tout acte de bonté si vous exécutez facilement vos ordres. Celui à qui la cause commune enjoint d'agir doit obéir avec plaisir. Seules les pertes clairement infligées par la cupidité devraient causer de la peine. En effet, ce qui est ordonné par nécessité ne trouble pas l’âme du sage. [11,17] {sans correspondance} [11,18] {sans correspondance} [11,19] {sans correspondance} [11,20] {sans correspondance} [11,21] {sans correspondance} [11,22] LETTRE XXII. DU SCRINIAIRE DES ACTES Il est juste d’avoir de l’avancement pour celui qui est digne de louange, par la perfection de ses travaux. Voilà pourquoi, Catellus, dont le matricule permet d’accéder à cette promotion, de par notre autorité, a pu obtenir le premier la charge de scriniaire des actes (archiviste). [11,23] {sans correspondance} [11,24] {sans correspondance} [11,25] {sans correspondance} [11,26] {sans correspondance} [11,27] {sans correspondance} [11,28] {sans correspondance} [11,29] {sans correspondance} [11,30] {sans correspondance} [11,31] {sans correspondance} [11,32] {sans correspondance} [11,33] {sans correspondance} [11,34] {sans correspondance} [11,35] {sans correspondance} [11,36] {sans correspondance} [11,37] {sans correspondance} [11,38] LETTRE XXXVIII. A Jean, collecteur du cens emphytéotique en Toscane, Sénator, préfet de prétoire. Traduction française : Jean Patrice A. Madden, Lettres d'un bibliographe, 1886. Sages organisateurs en toutes choses, nos ancêtres ont veillé avec soin à ce que nos archives, auxquelles sont confiés les intérêts de tant de personnes, fussent toujours pourvues d'une provision de papyrus. Par ce moyen, lorsque les magistrats ordonnent des mesures utiles au public, le plaisir d'en être informé ne subit aucun odieux retard. Cette faveur, accordée à la prière, empêchait la cupidité d'exiger des contribuables une taxe de plus, puisque, grâce à la libéralité de l'Etat, on avait déjà reçu officiellement en leur faveur les fonds nécessaires. Il n'y a donc pas lieu de pratiquer les plus impudentes exactions, et l'immunité favorise surtout ceux pour qui s'est manifestée l'humanité du prince. C'est assurément une belle fabrication qu'inventa l'ingénieuse Memphis, et c'est elle seule qui fournit toutes nos archives du tissu leur plus noble ornement. Le Nil voit s'élever sur ses rivages une forêt sans rameaux, un bois sans feuillage, une moisson, fille des eaux, des roseaux, couronne des marais. Plus faibles que les arbustes, ils sont plus forts que les herbes. On les dirait pleins de vide et vides de plein. C'est un tissu lâche, avide d'eau. C'est un bois spongieux, semblable au fruit dont l'enveloppe est ferme et le dedans mou. Sa taille élancée et légère se soutient d'elle-même. L'immonde inondation est la mère de cette plante merveilleuse. Rien de semblable ne pousse en aucun jardin, car c'est elle seule qui conserve les pensées des sages. Avant elle, les paroles des philosophes, les pensées de nos aïeux risquaient de périr. Comment, en effet, écrire rapidement ce que l'âpre écorce laissait à peine tracer ? La chaleur de l'inspiration avait à lutter contre de funestes retards, et la lenteur de l'écriture laissait fatalement s'éteindre la flamme du génie. Vous voyez ainsi pourquoi l'antiquité appela livres les ouvrages des anciens. Aujourd'hui même encore, n'appelons-nous pas livre ce qui n'est que la dépouille d'un roseau verdoyant ? C'était un véritable outrage de confier de savantes paroles à de grossières planchettes et de tracer sur un vil morceau de bois d'élégantes et ingénieuses pensées. La main se fatiguait bientôt d'écrire et la mémoire de se souvenir ; et puis quelle invitation à écrire, quand on voyait une pareille page étaler sa laideur ? Mais le début devait être tel, parce qu'un tel point de départ ne peut manquer d'inspirer le génie des générations suivantes. C'est un dire commun que la beauté du papier invite l'écrivain qui n'a plus à craindre d'en manquer pour écrire. D'une blancheur de neige, la page étale sa vaste surface, toujours prête à recevoir les discours éloquents. Quoi de plus maniable que le papyrus ? On en fait un simple rouleau, en attendant qu'on le déroule, pour y écrire de longs ouvrages. C'est un tissu de petites pièces, unies sans laisser aucun vide. Ce sont les entrailles blanches comme la neige d'une plante verdoyante. C'est une page favorable à l'écriture qui l'embellit de ses noirs caractères. Semés sur cette page, les signes de l'écriture produisent une riche moisson de mots, aliment délicieux du lecteur, lorsqu'il y trouve ce qu'il y cherche. Les actions de l'homme n'ont pas de plus fidèle témoignage. Grâce au papyrus, le passé trouve une voix et l'oubli un vengeur. En effet, notre mémoire conserve les souvenirs, mais elle en change l'expression, tandis que le papier reçoit et garde la pensée et la reproduit toujours la même. En conséquence de ces considérations, la somme assignée de tant de sous (d'or) prélevée sur l'impôt de la province de Toscane, nous ordonnons de la donner à N. en la prenant sur le troisième paiement de cet impôt. Elle figurera aux comptes de la treizième indiction ; car il faut que les archives conservent et transmettent entier le noble dépôt qui leur est confié. C'est sur cette terre un trésor qui ne doit jamais diminuer, mais s'enrichir chaque année des dépôts qu'il reçoit et qu'il ajoute à ceux qu'il conserve. [11,39] LETTRE XXXIX. SENATOR, PREFET DU PRETOIRE, A VITALIANUS, CLARISSIME CHANCELIER DE LUCANIE ET DU BRUTTIUM. L’importance de la population de la cité de Rome est évidente quand on sait qu’elle est nourrie par les approvisionnements de régions lointaines, et que cette abondance prévue lui est dédiée, tandis que les provinces environnantes suffisent à nourrir les étrangers. Comment un peuple qui gouverne le monde pourrait-il être en petit nombre ! Car la vaste taille des murs porte témoignage des foules de citoyens, tout comme la taille enflée des lieux de spectacles, la taille extraordinaire des bains, et l'abondance de moulins spécialement affectés, c’est un fait, pour la nourriture. En effet, si ce dernier équipement n’avait pas pu servir, il n’aurait eu aucune raison d’être, car il ne sert ni la splendeur de Rome ni quoi que ce soit d’autre. En somme, comme de précieux vêtements pour le corps, ces choses nous renseignent sur les cités, puisque personne ne construirait en faisant du superflu des installations très coûteuses. En effet, alors, il s’est produit que la montagneuse Lucanie a fourni des porcs et que le Bruttium a donné des troupeaux de bœufs en raison de leur abondance naturelle. Bien sûr, il est remarquable que de telles provinces aient pu suffire à une telle cité aussi vaste qui n’eut aucune pénurie de victuailles par leurs livraisons. Ce fut, de fait, leur gloire d’approvisionner Rome ; mais un transport si long entraînait des pertes difficiles à prendre en compte, bien que personne n’eût pu calculer l’évidente diminution. Le poids fut converti en sa valeur monétaire, par laquelle on ne souffre pas de pertes, puisqu’elle ne subit ni la diminution liée aux transports, ni la blessure des fatigues. Les provinces devraient comprendre leur chance. Car si leurs anciens ont payé loyalement jusqu’à leurs propres frais, pourquoi ne seraient-ils pas généreux en payant leurs redevances ? En conséquence, Ta Diligence fournira ces deux prélèvements, convertis aujourd’hui en impôts, par des versements statutaires, afin que ceux qui ont obéi à des conseillers d’origine étrangère avec une honnêteté louable n’apparaissent pas comme négligents pendant l’exercice de ma charge. Car, bien que j’aie pris de même un soin attentif à relancer les autres provinces, rien cependant n’y a encore été fait que j’aimerai déclarer mon travail. La population m’a eu pour gouverneur et ceux que j’ai favorisés en privé, selon la coutume de mes ancêtres, je me suis efforcé vigoureusement d’en tirer parti lors de mon mandat. Ainsi, j’ai pu constater que ceux qui ont éprouvé une grande joie réelle, ont vu que je conservai l’amour de mon propre pays. Ils obéissent non par la force mais par amour, puisque j’ai réduit pour eux cette somme annuelle à payer. Bien que 1.200 solidi fussent exigés auparavant chaque année, grâce à la générosité royale, je la réduis à 1.000, afin que tous se réjouissent, leur satisfaction augmentant avec l’allègement de la charge. [11,40] {sans correspondance}