[20,0] ERICHTHON ou l'Imposture. Les poètes feignent que Vulcain, embrasé de l'amour de Minerve, la voulut forcer un jour, et qu'en cette lutte amoureuse de sa semence répandue sur terre naquit le monstre Erichthon, lequel en ses parties d'en haut était grandement bien proportionné, mais si difforme en celles d'en bas que ses flancs et ses jambes allaient toujours en rétrécissant, comme le corps d'une anguille. Ils disent là dessus que lui même, ne sachant que trop cette sienne difformité, fut le premier inventeur de l'usage du coche afin que par ce moyen il put ensemble faire montrer la plus belle partie de son corps et cacher la plus laide. Cette fable, autant admirable que prodigieuse, nous apprend que l'Art (lequel pour le grand usage du feu nous est représenté par Vulcain) ne parvient que bien rarement à la fin destinée, de quelque façon que l'on puisse travailler et violenter les corps, pour surmonter la Nature, qui pour l'extrème soin de ses oeuvres nous est ombragée sous la personnede la déesse Minerve. Il est vrai néanmoins que de ces efforts, comme d'une lutte, se forment des générations imparfaites et certains ouvrages défectueux, qui paraissent beaux à la vue, mais dont l'usagc eest chancelant et débile. Cepcndant les imposteurs ne laissent pas d'en faire parade et de les mener comme en triomphe avec un grand et abusif appareil. Cela se remarque d'ordinaire, tant aux eeffets de chimie qu'en subtilités mécaniques, car les hommes, s'obstinant par coutume en leurs opinions et en leurs premiers desseins, luttent plutôt avec la Nature, qu'ils ne recherchent ses embrassements par les voies de l'obéissance et du culte requis.