[1,0] L'ART VETERINAIRE, ou L'HIPPIATRIQUE DE VEGETIUS RENATUS. LIVRE PREMIER. [1,1] CHAPITRE PREMIER. Dès qu'un animal commence à être incommodé, il paraît plus triste ou plus paresseux que de coutume, il ne dort pas et ne se roule pas à terre à son ordinaire, il ne se couche pas pour prendre son repos, il ne consomme pas en entier la nourriture qui lui est présentée et, ou il boit avec excès, ou il est absolument dégoûté de boire; ses yeux deviennent hébétés, ses oreilles flasques, son regard s'anime, son poil se hérisse, ses flancs se ravalent et l'épine de son dos devient plus raide, sa respiration est plus fréquente ou plus dure, sa bouche est rude et plus chaude qu'à l'ordinaire, il tousse tantôt légèrement, tantôt plus fort, son allure même, chose à laquelle on connaît le mieux son état, est lente et vacillante. Lorsque l'un de ces symptômes ou plusieurs réunis ensemble paraîtront dans un animal, on le séparera à l’instant des autres, afin qu'il ne communique pas la contagion à ceux qui seront auprès de lui et qu'il soit plus facile de connaître la cause de sa maladie, quand il sera isolé. Si, après avoir été bien soigné, cette incommodité le quitte au bout d'un, de deux ou de trois jours et qu'il ne lui reste dans le corps aucun signe qui paraisse équivoque, c’est une preuve que cette incommodité n'aura été occasionnée que par des causes légères et qu'il faut le rendre à ses anciennes habitudes, sans perdre de vue l'examen qu'il faudra continuer d'en faire, parce que, dès qu'un animal a commencé une fois a être suspect, il faut l'examiner souvent et avec plus de précaution qu'un autre. [1,2] CHAPITRE II. Les maladies ont à la vérité chacune leurs caractères particuliers, mais elles étaient toutes comprises par les anciens sous le terme générique de Malleus, dont l'énergie seule désignait la violence et le danger du désastre qu'elles occasionnent. Or on compte sept espèces de "mallei", savoir : l'humide, le sec, celui d'entre cuir et chair, la goutte, l'éléphantiasis, celui qui est caché sous les reins et le farcin. Nous allons indiquer les symptômes de chacune de ces maladies. [1,3] CHAPITRE III. Un animal est attaqué de la maladie humide, quand, au lieu de morve, il lui sort des naseaux une liqueur de mauvaise odeur, qui est épaisse et d'une couleur pâle, quand sa tête est pesante et que sa poitrine siffle, qu'il devient maigre, que ses poils se hérissent et qu'il a l'extérieur triste ; les anciens ont donné à cette maladie le nom de flux Attique. Mais toutes les fois qu'il commencera à couler par les naseaux d'un animal une humeur sanguinolente ou semblable à du safran, on peut regarder cette maladie comme incurable et l'animal comme près de sa fin. [1,4] CHAPITRE IV. Pour ce qui est de la maladie sèche, on la reconnaît à ces symptômes-ci. Quoiqu'il ne coule aucune humeur extraordinaire par les naseaux de l’animal, il soupire fortement et les a très ouverts. Il courbe les flancs en-dedans et souffre d'une raideur dans l'épine du dos. Ses testicules se rapetissent au point qu'on a de la peine à les apercevoir. Il mange moins et boit plus que de coutume, ce qui vient de ce que ses poumons venant à se dessécher, il se voit consommé par une ardeur interne. Il regarde de travers, il éprouve une tension dans les yeux et ne se couche pas facilement. On donne à cette maladie le nom de "suspirium", et elle est incurable à moins qu'on n'y remédie dès le commencement par un prompt traitement. [1,5] CHAPITRE V. La maladie d'entre cuir et chair se manifeste par ces symptômes-ci : il vient sur le corps de l'animal des ulcères semblables à ceux qui sont occasionnés par la galle et ces ulcères rendent une humeur liquide et verte, qui excite de la démangeaison, de façon qu'il est forcé de se soulager en se frottant souvent aux murailles ou aux colonnes, d'où il arrive que ces ulcères se couvrent d'une croûte. Eh pareil cas, il ne lui coule aucune humeur par les naseaux, il ne souffle point, il ne refuse ni à manger, ni à boire, ce qui fait qu'il vit longtemps. Aussi, pourvu qu'on soigne les animaux dans cette maladie, le plus grand nombre en guérit-il. Il y a des personnes qui ont voulu donner à la gale le nom de maladie d'entre cuir et chair, parce qu'elle paraît avoir des symptômes approchants de ceux que nous venons de décrire, aussi ces personnes ont-elles prétendu que la contagion de la gale se communiquent aux animaux qui étaient dans le voisinage de ceux qui en étaient attaqués et qu'elle était longue à guérir. Mais, comme les animaux ne meurent point facilement de la gale et qu'elle ne met jamais un troupeau en danger, il faut la distinguer de ce malleus-ci, qui est pestilentiel et auquel par conséquent on doit donner un nom particulier. [1,6] CHAPITRE VI. La goutte, que les Grecs appellent g-arthritehn, se manifeste par ces symptômes-ci : l'animal boite des articulations, tantôt pendant un petit nombre de jours, tantôt pendant un plus longtemps, de façon qu'il paraît avoir reçu un coup de pied d'un autre animal, ou s'être heurté contre quelque corps en marchant négligemment, ou avoir été blessé d'un coup de pierre ou d'un coup de bâton, avec cette différence néanmoins que communément ces sortes de mesures, telle qu'en soit la cause, sont axées dans une seule partie du corps, au lieu que la maladie, dont nous parlons, est errante par tout le corps et qu'elle ne tarde pas à se jeter sur un des pieds. Outre cela la peau se colle contre les os et si l’on vient à la toucher, on sent qu'elle résiste au tact. L'épine du dos se raidit et tout le corps se rapetisse, le poil se dresse et se hérisse, l'animal devient difforme à l'œil et la maigreur s'empare de lui ; enfin, quoiqu'il ne refuse pas absolument la nourriture, il s'embarrasse fort peu qu'elle lui manque : il empire aussi et devient plus triste de jour en jour et finit par guérir difficilement. [1,7] CHAPITRE VII. Le farcin prend son nom du genre de l'affection occasionnée par cette maladie. Voici à quoi on le reconnaît. Il vient des apostumes dans les flancs, dans les cuisses et dans les parties naturelles des animaux, ou même par tout le corps et principalement dans les jointures des membres : et quand celles qui sont venues les premières semblent apaisées, il leur en succède de nouvelles : les animaux mangent et boivent, à la vérité, comme de coutume, mais néanmoins ils maigrissent, parce que leur digestion ne se fait pas en entier : ils paraissent gais et semblables à des animaux sains aux yeux de ceux qui ne sont point instruits dans l'Art vétérinaire, parce que la cause de leur maladie n'agit qu'à l'extérieur. Les Maréchaux maladroits s'empressent alors de leur tirer du sang, mais cette façon de les traiter leur est contraire, parce qu'elle leur ôte toutes les forces qui leur restent. Ce n’est pas que la saignée ne leur soit bonne, tant au commencement de la maladie pour en empêcher les progrès, qu'à la fin lorsque leurs forces commencent à revenir. [1,8] CHAPITRE VIII. La maladie cachée sous les reins est autant désignée par son nom que par l'affection qu'elle occasionne. En effet l'animal devient faible du train de derrière, comme s'il avait les reins blessés et donne des symptômes d'une maladie mortelle. Il tousse fortement et devient horrible à l'œil. La dureté de la peau se manifeste par la raideur de l'épine de son dos. Il ne demande pas beaucoup à boire ni à manger. Comme toute la violence de la maladie réside alors dans les reins, on en commence le traitement par les fémurs. [1,9] CHAPITRE IX. Le mot d'éléphantiasis vient de la ressemblance que le cheval attaqué de cette maladie se trouve avoir avec l'éléphant, dont la peau est naturellement dure et rude : en effet c’est cet animal qui a donné son nom à cette maladie, tant dans les hommes que dans les bêtes. En voici les symptômes : l'animal sent par tout le corps et surtout sur le dos, une démangeaison qui se résout en écailles semblables à l’écorce des arbres. Il s'élève des dartres brûlantes ou souvent des ozènes fâcheuses dans ses naseaux, dans ses pieds mêmes et dans sa tête. Avant que ces symptômes se manifestent, il a le ventre relâché, il maigrit et tousse fortement : sa bouche entière ainsi que sa langue sont rudes et paraissent comme brûlées. Cette maladie fait ordinairement périr les poulains, lorsqu'ils sont sevrés. Quand on veut traiter avec soin un animal attaqué de cette maladie, on ne cherche pas à lui administrer des remèdes à l'extérieur, avant d'avoir diminué la violence de la maladie à l'intérieur à l'aide des potions, parce que les remèdes appliqués à l'extérieur n'enlèveraient pas la cause du mal, qu'ils le feraient au contraire rentrer en dedans et dès là même, le rendraient dangereux. Les accidents que l’on remarque dans les animaux attaqués de cette maladie sont une toux forte et des soupirs fréquents, l'épine du dos raccourcie et raide, une maigreur qui augmente continuellement de jour en jour, quoiqu'ils ne perdent pas l’envie de manger et qu'ils mangent réellement, la tête baissée, les yeux hébétés, l'allure plus lente. Comme j'ai déjà décrit par ordre tous les symptômes des maladies, tant en général qu'en particulier, il faut joindre à présent les traitements qui sont propres et affectés à chacune ; après quoi je terminerai ce premier Livre par des préceptes, tant sur la saignée qui convient à quelques-unes d'entre elles, que sur la brûlure. [1,10] CHAPITRE X. Si le malleus est humide, de façon qu'il coule par les deux naseaux une morve verte, il faut dans le commencement de la maladie traiter l'animal en lui purgeant la tête de cette façon-ci : on mêlera ensemble dans un jour serein et calme trois uncia d'excellente huile, une d'excellent bouillon et trois cyathi de vin vieux et après avoir fait tiédir ce mélange, on le lui injectera dans les naseaux. On lui attachera la tête aux pieds et on le forcera de marcher peu à peu pendant qu'il sera ainsi embarrassé, afin que toute l'humeur puisse s'écouler. Au surplus, il faudra le lui infuser peu à peu à l'aide d'un siphon et non pas d'un seul trait avec la corne. Si par la suite le sang commence à couler, il n'y aura rien à craindre, mais il faudra plutôt en conclure que l'animal aura été purgé comme il faut. Cela fait, on mêlera de la graisse de bouc fondue avec de l'huile et ce remède infusé dans les naseaux de l'animal adoucira la violence de l’exulcération causée par cette purgation. Il est encore bon d'insinuer de la racine de laser broyée dans les naseaux de l'animal, en la soufflant à travers un tuyau pour le faire éternuer. Tu lui enduiras aussi énergiquement la tête et les oreilles d'huile chaude et après avoir placé de la laine sur sa tête, tu n'auras plus besoin de le frictionner. Tu lui donneras dans son eau de la semence de cresson. Ensuite tu lui donneras une potion qu'on appelle "diapenton" : voici sa composition. Tu mélangeras en égale quantité des raclures d'ivoire broyées et émiettées avec de la murrhe, de la gentiane, de l'aristoloche longue, des baies de laurier et tu les feras bouillir. Ensuite le premier jour, après l'avoir bien mélangé tu lui en donneras avec la corne un coclearium mélangé à un sétier de vieux vin, le second jour un et demi et le troisième deux coclearia mélangés avec du vin pur chauffé. Ensuite tu retireras du sang de le veine mère du cou, tu le mélangeras avec du vinaigre très fort et tu en enduiras tout le corps du cheval et tu frotteras fort le poil pour qu'il y adhère comme de la glu. Tu laisseras aussi l'animal dans un lieu chauffé. S'il manque d'appétit, tu ne lui donneras alors comme boisson que cinq setiers de farine d'orge mélangés à cinq setiers d'eau. Tu lui donneras aussi à boire dans les mêmes proportions de la farine de froment. Tant qu'il n'a pas d'appétit, tu ne lui donneras rien d'autre jusqu'à ce qu'il retrouve la santé. Tu feras une saignée dans le palais pour le soulager si la maladie s'aggrave. Sache que si tu ne t'en occupes pas, c'est une maladie très grave. Car bien vite elle se transforme en asthme et on perd tout espoir de salut. [1,11] Une maladie grave qu'on appelle en général l'asthme et qui selon certains est incurable parce qu'elle est semblable à la phtisie qui chez l'homme est mortelle. En effet la maigreur de l'animal augmentant tous les jours, il devient de plus en plus fluet et se dessèche entièrement. Or, en tel genre de médecine que ce soit, il est toujours plus aisé d'ôter ce qui excède que de suppléer ce qui paraît manquer. Cependant on peut encore sauver les animaux de cette maladie, pourvu qu'on obvie à ses commencements. Il ne faut pas saigner les animaux qui sont desséchés, parce que cela leur serait contraire. Mais il faut leur enduire tout le corps avec du vin et de l'huile tiède suffisamment mêlés ensemble, en leur en versant abondamment sur la tête, sur les mâchoires et sur l'extérieur du gosier et en les en frottant très longtemps à contrepoil jusqu'à ce qu'ils suent. Il faut aussi les traiter intérieurement dès le premier jour avec une potion de ptisanne d'orge mondé, de graisse de porc fondue et d'amidon bouilli dans du miel et du vin fait avec des raisins séchés au soleil, potion qu'on leur fera prendre à la corne, afin de détendre le canal du gosier ainsi que l'assemblage des mâchoires qui sont resserrées par la sécheresse de la maladie, après quoi on aura soin de les faire tenir sur leurs pieds dans un lieu chaud. Il faut leur donner de l'orge infusée et de l'herbe verte, si on peut en avoir, pour tempérer par toutes sortes de voies cette sécheresse dangereuse. On leur préparera par la même raison une potion composé d'un sextarius d'excellent vin fait avec du raisin séché au Soleil, d'une uncia d'iris d'Illyrie, d'une semi-uncia de poivre noir, d'un scrupule de safran, d'une semi-uncia de myrrhe du pays des Troglodytes, d'une uncia de manne d'encens et de cinq œufs crus et on lui donnera cette potion en entier le premier jour, de façon qu'on la recomposera de nouveau, pour la lui donner pendant trois jours, afin que l'amertume d'une maladie aussi grave soit mitigée par la douceur de ce médicament. Ensuite on fera des pâtes de miel, de beurre, de vieux-oing, de sel et de poix mêlés ensemble par partie égales et après les avoir trempées dans de la ptisanne d'orge mondé et dans du vin fait avec du raisin séché au soleil, on en fera prendre à l'animal malade, en lui donnant, suivant l'usage, cinq pilules de cette pâte le premier jour, sept le fécond et neuf le troisième et lorsqu'il les aura consommées., on continuera de l'oindre assidûment avec du vin et de l'huile tièdes, parce que cette maladie étant d'une nature très amère, elle ne peut être guérie que par des potions amères, les contraires ne pouvant être guéris que par des remèdes contraires. On lui donnera non seulement pendant trois jours, mais même plus longtemps la potion diapente, dont nous avons donné la recette ci-dessus, avec du vin pour pouvoir surmonter un péril aussi grand. S'il est tourmenté par une toux violente qui le suffoque, on prendra un sextarius de fèves concassées, trois uncia de graisse de bouc et trois fortes gousses d'ail et l'on fera bouillir ce mélange pour le lui donner à la corne lorsqu'il sera tiédi, avec du vin fait de raisin séché au soleil, ou de la ptisanne d'orge mondé. Si ce traitement est lent dans ses effets, on pilera avec soin dans un mortier deux livres de figues sèches, puis on fera bouillir un sextarius de fenugrec dans de l'eau jusqu'à ce qu'elle soit réduite à moitié, après quoi on le passera pour le piler avec les figues dans le même mortier. On pilera aussi de même dans un mortier trois uncia d’ail avec trois bottes tant de rue que d'ache de marais et après avoir mêlé le tout ensemble et l’avoir encore pilé avec soin, on y ajoutera deux uncia de serpentaire. Enfin on versera sur ce médicament l'eau dans laquelle on aura fait bouillir le fenugrec, afin d'en faire une potion assez liquide pour qu'elle puisse couler à travers la corne et on donnera également cette potion pendant trois jours aux animaux qui tousseront ou à ceux qui seront vulsi, ou qui auront quelque rupture dans l'intérieur du corps. Autre remède pour la maladie sèche : on coupera la cloison du nez de l'animal qui en sera attaqué avec un scalpel et après avoir mis de l'eau froide sous sa bouche dans une auge large, on y plongera continuellement ses naseaux pendant plusieurs jours, afin que la pousse se dissolve dans cette eau. On lui donnera aussi tous les jours cette potion-ci : on mêle dans un sextarius de ptisanne d'orge mondé bouillie avec du suif de bouc, du soufre vif et de l'encens mâle broyés ensemble par poids égal et on lui en fait prendre à la corne un cocleare par jour, en y ajoutant de la ptisanne d'orge mondé. Mais, quand il commencera à être plus fort, on le saignera à la tête et on le frottera avec son sang qu'on aura soin de mêler avec du vinaigre. [1,12] CHAPITRE XII. Voici comment il faut traiter la maladie d’entre cuir et chair, lorsqu'une humeur pestilentielle se répand entre la peau et les entrailles. On fait une incision ou un cautère à l’animal qui est marqué de cette maladie entre les épaules et le ventre, en coupant la peau dans l'endroit usité et suivant la mesure accoutumée. On fera cette opération par un temps serein et si l’on a le temps de la remettre, on attendra que la Lune soit dans son déclin, suivant la coutume des Indiens et toute l'humeur des entrailles, humeur qui sera de couleur d'or ou de safran et corrompue par la malignité de la maladie, sortira par cette incision. Si la plaie ne tire pas assez, on y insérera pendant sept jours de la racine de tithymale qui attirera le reste du virus. Il y a encore un autre remède : on applique sur la poitrine de l'animal attaqué de cette maladie, dans un endroit cerné avec une aiguille de cuivre, de cette petite racine que quelques personnes appellent confiligo et d'autres pulmonaria et dont les Médecins vétérinaires, ainsi que les bouviers, font un usage fréquent : ensuite on perce la peau pour y insérer cette racine, qui y reliera d'elle-même jusqu'à ce que toute la partie cernée avec l'aiguille de cuivre tombe en pourriture et que l'humeur attirée de toutes les parties du corps vers celle-ci, sorte par la plaie. Ensuite on donne à l'animal, pendant trois jours, ou plus longtemps, si le cas l'exige, la potion diapente que nous avons décrite ci-dessus, avec d'excellent vin vieux. On hache aussi en petits morceaux de l’ache de marais verte et des baies de laurier, ou, à défaut de ces drogues, des feuilles de laurier et de concombre sauvage, que l'on mêle avec de l'orge pour en nourrir l'animal, afin qu'il se sente autant soulagé par la nourriture qu'il prendra que par la potion diapente. Il faut cependant lui donner de l'eau tiède avec de la farine d'orge ou, de froment et le mettre à l'écurie dans un lieu chaud, parce que le froid augmente les humeurs et les fluxions. Il faut aussi qu'il prenne dans cette maladie une nourriture sèche plutôt que des aliments verts et qu'il s'exerce beaucoup, afin que cette humeur pestilentielle se dissipe par les sueurs. [1,13] CHAPITRE XIII. La maladie de la goutte se reconnaît à ces symptômes-ci. L'animal boite alternativement tantôt des pieds de devant, tantôt de ceux de derrière et on lui voit une espèce de tumeur dans les articulations, autour de la couronne ou du moins dans les genoux, parce que ses nerfs, ainsi que ses veines, sont remplis d'un sang qui est corrompu par le virus de cette maladie funeste qui l’affaiblit. On commencera par lui tirer du sang de la tête, c’est-à-dire, de la veine-mère et après avoir mêlé ce sang avec du vinaigre très mordant, on l'étendra sur tout son corps en prenant le soin d'en frotter plus particulièrement les parties affligées, parce que l'on imagine que le sang appliqué avec du vinaigre sur le corps même dont il est sorti dessèche tout vice morbifique. Si la maladie se déclare dans les genoux ou dans les articulations, on tirera du sang de ces parties, après quoi on mêlera avec ce sang de l’argile de Cimolus, c’est-à-dire, de l'argile blanche, avec une livre de cuivre brûlé, trois sextarii de vinaigre, une livre tant de cumin broyé, que de colofone et de poix liquide, une poignée de sel commun et telle quantité que l'on jugera suffisante de fiente de bœuf nouvelle et on en frottera souvent avec soin toutes les parties sur lesquelles il paraîtra quelque tumeur. On tirera particulièrement du sang du palais, afin que la contagion de la maladie ne gagne point la tête. Il faut aussi en tirer des épaules, si l'animal paraît boiter des pieds de devant, au moins faut-il en tirer de la cuisse dès qu'il commencera à boiter de ceux de derrière. On lui donnera aussi une potion composée de centaurée, d'absinthe, de fenouil de porc, de serpolet, de gomme séraphique, de bétoine, de saxifrage et d'aristoloche ronde, le tout bien broyé et criblé par poids égal. Cette potion est reconnue pour être excellente contre toutes sortes de maladies. S'il a la fièvre, on la lui donnera avec de l'eau, au lieu que s'il ne l'a pas, on la lui fera prendre avec d'excellent vin, c’est-à-dire, qu'on lui versera par jour dans le gosier la valeur d'un grand cocleare bien plein de ce médicament bouilli, après l'avoir mêlé dans un sextarius de vin ou d'eau chaude, afin que l'amertume de toutes ces herbes se réunifiant pour combattre celle de la maladie, elle puisse venir à bout de la dissiper. [1,14] CHAPITRE XIV. La maladie du farcin porte ce nom à cause de la ressemblance qu'elle a avec de la farce, parce que l'humeur virulente qui coule entre cuir et chair comme à travers des canaux, donne naissance à plusieurs apostumes répandues par tout le corps, de façon que, lorsque quelques-unes paraissent diminuer, il en renaît de nouvelles. Mais, quoique cette maladie soit contagieuse, on la guérit cependant aisément surtout dans son principe, parce que les parties internes sont encore saines et que l'humeur corrompue de la maladie n’est qu'entre cuir et chair. Il ne faut cependant pas tirer de sang si ce n’est au commencement de la maladie avant que l'animal commence à maigrir, ou à la fin quand il sera bien guéri, parce que, si l'on voulait avoir recours à la phlébotomie dans le cours même de la maladie, on ne la guérirait pas. Mais il faut brûler toutes les apostumes à mesure qu'il s'en formera, avec des cautères droits, qui doivent être de cuivre pour que l'effet en soit plus sûr, après quoi on guérira les plaies qui résulteront de cette opération avec de la poix liquide mêlée d'huile et de miel. Il faut donner des potions cathartiques ou très amères, c’est-à-dire, du diapente dans du vin, ainsi qu'il a été dit ci-dessus : ce médicament est communément excellent contre toutes les espèces de maladies qui attaquent les animaux. Outre cela, on fait infuser pendant trois jours, dans trois sextarii d'excellent vin, une livre de racine d'yèble, après quoi on broie bien une semi-uncia d'excellent aloès, une uncia tant de centaurée que de grande berce et on verse sur ces drogues un sextarius du vin dans lequel on aura fait infuser les racines d'yèble, pour faire prendre à la corne cette potion à l'animal malade. On continuera de lui en donner la même dose pendant trois jours, afin que ces boissons cathartiques chassent aussi l'humeur contagieuse par le ventre. Il faut souvent exercer l'animal malade à la course, jusqu'à ce qu'il soit absolument en sueur et après l'avoir traité de la manière que nous venons de prescrire, on l'enverra en été aux pâturages pour le faire paître nuit et jour en plein air et à la belle étoile, afin qu'étant récréé par la variété des herbes et alternativement ou séché par la chaleur du Soleil, ou pénétré par la fraîcheur et la rosée de la nuit, sa maladie se dissipe plus facilement. [1,15] CHAPITRE XV. La maladie cachée sous les reins ne paraîtra pas moins aisée à découvrir que remplie d'accidents dangereux, puisqu'elle s'empare des reins de l'animal et qu'elle les dissout, d'où il arrive que quoiqu'il ait de la vivacité dans le train de devant, il traîne celui de derrière. Voici la manière de le soulager. On lui tire du sang copieusement de l'un et l'autre flanc ou du fémur, en ouvrant les veines dans l'endroit convenable et on lui applique ce sang mêlé de vinaigre mordant sur tout le corps et particulièrement sur les reins. Il faut lui faire avaler souvent à la corne la potion usitée du diapente. Il faut aussi le traiter par le fondement en lui donnant des clystères composés de drogues très chaudes. On prend à cet effet un uncia tant d'aloès, que de pyrèthre, une et demie d'euphorbe, une tant de pouliot bien broyé que de baies de laurier, une semi-uncia de castoréum, trois unciae de graine de moutarde et une hemina de sel égrugé et après avoir bien broyé toutes ces drogues ensemble, on les partage en trois portions, pour lui donner tous les jours par l’anus un clystère de la valeur d'un demi sextarius d'eau chaude, ainsi que l'exige la méthode de ce genre de traitement, dans laquelle on aura fait bouillir préalablement du son de froment, afin que les reins étant échauffés intérieurement, l'humeur puisse se dissoudre et sortir par le ventre avec les excréments. Outre cela il faut lui frotter les reins fortement et à différentes reprises avec de l'huile de laurier mêlée de vin chaud, afin de pouvoir surmonter cette maladie cruelle tant à l'extérieur qu'à l'intérieur. On lui fait aussi des cautères sur les reins, afin que l'ardeur du feu dessèche la violence de la maladie et on lui donne la potion composée de huit drogues bouillies, dont nous avons fait mention en parlant de la goutte, parce que cette potion est efficace dans toutes sortes de maladies. [1,16] CHAPITRE XVI. Nous avons décrit ci-dessus les symptômes de l'éléphantiasis. Il faut traiter cette maladie sans chercher à guérir la démangeaison, ou les petites plaies qu'elle occasionne à l'extérieur, parce que, si on voulait faire passer cette démangeaison, la maladie rentrerait en dedans et mettrait en danger l'animal dont elle pénétrerait les viscères. Mais il faut commencer par tirer du sang de la veine-mère et le mêler avec du vinaigre mordant pour l'étendre sur tout le corps. Ensuite on en tirera du palais, suivant la saison où l’on sera et suivant la constitution de l'animal malade et même, si ses forces le permettent, on lui en tirera des autres parties du corps qui seront affligées de la maladie et on le mêlera de même avec du vinaigre. Ce sont ordinairement les poulains nouvellement sevrés et retenus à l'écurie qui sont particulièrement attaqués de cette maladie, parce que les premiers exercices qu'on leur fait prendre les empêchent de digérer aussi bien qu'ils le faisaient au milieu des pâturages et qu'ils se trouvent forcés de se tenir à l'écurie avant d'être assez forts pour rester en place. Non seulement le diapente, dont la vertu indubitable est démontrée pat l'expérience et sans lequel un Médecin vétérinaire manquerait de la chose la plus essentielle à sa profession, est bon pour l'éléphantiasis, ainsi que pour toutes les autres maladies du malléus, mais il faut en outre préparer cette potion-ci pour la garder. On prend une livre tant de myrrhe du pays des Troglodytes que d'encens mâle, une selibra d'écorce de grenade, une uncia de poivre, six de safran, un selibra tant d'acacia rouge que d'absinthe du Pont, une livre tant de serpolet que de bétoine et de centaurée, trois unciae de gomme séraphique et six tant de saxifrage que de fenouil de porc : on fait cuire toutes ces drogues avec d'excellent miel après les avoir broyées et bien criblées et on les conserve dans un vase de verre ou d'étain, parce qu'elles sont meilleures quand elles sont vieilles. On donne plein un coclearium de ce médicament par jour à chaque animal malade, en le délayant dans un sextarius d'eau chaude et trois unciae d'excellente huile et on continue de lui en donner pendant trois jours. Quand il aura commencé à faire son effet, on lui en donnera tous les jours un coclearium avec d'excellent vin et de l'huile, comme nous avons déjà dit. Cette potion guérit les animaux de telle maladie que ce soit aussi bien que le diapente. Cependant les poulains réchappent plus aisément de cette maladie que les autres animaux à la faveur de leur âge, quoiqu'ils en périssent souvent faute d'être traités. [1,17] CHAPITRE XVII. On voit que nous avons donné avec assez d'étendue tout ce qui concerne le traitement de l'exécrable maladie du malleus, néanmoins sa violence est si terrible qu'il ne faut rien omettre de ce qui peut y avoir rapport. En effet, la contagion de cette maladie fait périr les troupeaux au milieu des pâturages et tue une foule innombrable d'animaux dans les écuries, de sorte que ces accidents sont imputés à la colère céleste ou au hasard par les ignorants, ou par ceux qui négligent d'en prendre soin. Enfin, comme nous l'avons dit ci-dessus, la maladie pestilentielle commence par un seul animal et cause bientôt le désastre parmi tous les autres. C’est pourquoi il faut toujours séparer ceux d'entre eux sur le compte desquels on commence à avoir quelque suspicion d'une si violente maladie; il faut même porter la précaution jusqu'à les faire passer dans des lieux auprès desquels il ne passe point d'autres animaux et jusqu'à enfoncer profondément sous terre les cadavres même de ceux qui en seront morts, parce que l'odeur fétide des animaux vivants qui sont infectés de cette maladie, ainsi que celle de ceux qui en sont morts, corrompt les plus sains et les fait périr. Plusieurs auteurs de Médecine vétérinaire ont cherché à assigner les causes de cette maladie, en assurant qu'elle était communément une suite soit de la trop grande fatigue occasionnée par une longue course, ou par un saut trop violent, soit de la chaleur de l'été ou du froid de l'hiver, ou qu'elle provenait de ce qu'on n'avait pas laissé uriner les animaux quand ils le voulaient, ou de ce qu'on leur avait donné de l'orge quand ils étaient en sueur, ou de ce qu'ils avaient bu après avoir couru et pendant qu'ils avaient chaud, ou de ce qu'on les avait forcé de courir aussitôt après qu'ils avaient bu et dans le temps que leur vessie était pleine, ou de ce qu'ils avaient mangé du foin ou de l'orge gâtés, ou enfin d'autres causes semblables. Il est certain qu'il n'y a aucune de ces choses qu'il ne faille éviter, parce que chacune d'elles occasionne souvent des maladies dangereuses aux animaux, néanmoins c’est principalement de la corruption de l'air que vient la maladie du malleus. En effet on assure que l'air et les astres revenant périodiquement à la même catastase au bout d'un certain laps d'années, si le vent du Midi ou celui d'Afrique viennent à souffler alors, ils infectent et tuent les animaux, de même que la peste infecte les hommes dans des temps fixes et marqués. C’est pourquoi il faut avoir recours à plusieurs potions dont l'effet est bien reconnu par l'expérience pour pouvoir soulager les animaux contre un effet aussi puissant et les sauver. Nous en avons déjà rassemblé une partie dans ce qui précède et nous en allons ajouter d'autres que nous avons puisées dans tous les auteurs. Remède utile contre toutes les maladies en général qui attaquent les animaux. On concasse et on broie la valeur d'un acetabulum de graine de courge d'Egypte (c’est-à-dire, de coloquinte) et après l'avoir bien mêlée, en la remuant avec une hemina d'excellent vin qu'on jette dessus, on la passe à travers un linge fin pour la verser ensuite dans le naseau droit de l'animal, afin qu'elle puisse parvenir à ses entrailles : cette composition est excellente contre la dysenterie. Il y a un autre remède moins coûteux, mais qui n’est pas moins propre à opérer des guérisons. On broie des racines de concombre sauvage vertes et on les fait macérer dans de l'eau pendant une nuit, quand on les en a retirées, on les broie de nouveau et on les passe, puis on fait avaler tous les jours à l'animal trois coclearia de ce jus mêlé de nitre broyé dans du vin tiède s'il est sans fièvre, en continuant ce traitement pendant sept jours consécutifs. Quand un animal est malade, on mêle aussi avec de l'orge bien épluchée qu'on lui donne pour nourriture, du nitre bien broyé et des racines de concombre sauvage hachées en petits morceaux et détrempées dans une hemina de vin tiède, afin que non seulement sa boisson, mais encore sa nourriture contribue à lui procurer la santé par la vertu du médicament dont elle est imprégnée. Voici encore un autre remède. On fait macérer dans d'excellent bouillon et on passe à travers un linge de la racine d'yèble, avec une dose égale de racines d'orties hachées en petits morceaux et l'on verse pendant trois jours dans les naseaux de l'animal environ plein un œuf de ce médicament après l'avoir fait tiédir. Mais il faut ensuite faire en sorte que l'animal malade ne manque jamais d'orge mêlée d'ache de marais et de concombre sauvage coupé par petits morceaux et le forcer de prendre en boisson le concombre sauvage même broyé et mêlé avec une quantité d'eau suffisante. On vante aussi cette potion-ci. On broie ensemble, on crible et on réduit en poudre très fine une livre de saviniere, trois unciae de germandrée, deux de centaurée, quatre tant d'aristoloche que de baies de laurier et de myrte et quand le cas l'exige, on en fait avaler plein un grand coclearium avec un sextarius de vin chaud à l'animal dégoûté par la maladie. Ce sera encore un traitement également bon contre toutes les maladies, que de tirer du sang à diverses reprises, (autant que les forces de l'animal le permettront et selon les règles prescrites pour la saignée) d'abord de l'encolure, ensuite du palais, puis de toutes les parties dans lesquelles la maladie se déclarera, par exemple, de la tête quand elle se déclarera sur la face, des épaules quand elle se déclarera dans le train de devant et des cuisses quand elle se déclarera dans celui de derrière, après quoi on mêlera ce sang avec du vinaigre pour en frotter l'animal. On lui donnera, cette potion-ci pendant trois jours : on prend trois unciae de racine de panax et la même quantité de racine de panicaut : (or la meilleure herbe de panicaut est celle qui vient sur le bord de la mer et qui est baignée par les vagues, elle est presque semblable au chardon béni et sa fleur est d'un vert pâle :) il faut donc en arracher les racines, qu'on prétend pénétrer profondément en terre; on joint à ces drogues trois unciae de graine de fenouil avec une et demie d'aloès broyé et criblé, on divise le tout en trois petites portions que l'on mêle dans de l'eau bouillante avec un sextarius de farine de froment concassé et moulu, pour les faire avaler à la corne pendant trois jours à l'animal. Pelagonius croit que l'on aura une poudre très efficace contre toutes les maladies, en mettant dans une marmite le petit d'une cigogne tout vivant avant qu'il soit en état de se tenir sur ses pattes, pourvu néanmoins qu'il ait déjà des plumes et en l'y renfermant avec du gyp pour le réduire ensuite en poudre en le faisant cuire au feu d'un four, après quoi on le broie et on le garde dans un vase de verre, pour en faire avaler à l'animal plein un grand coclearium avec un sextarius de vin, jusqu'à ce qu'il recouvre la santé. Mais, outre les compositions que nous avons déjà données, Chiron le Centaure prétend qu'il faut mettre dans de l'eau bouillante un petit chien qui tête encore, tout vivant, après l'avoir dépilé et le faire cuire jusqu'à ce que la chair se sépare des os ; après quoi l'on a soin d'ôter exactement tous les os et l'on confit la chair, avec l'eau dans laquelle on l’a fait bouillir, dans d'excellent bouillon mêlé de vin vieux, d'huile, de poivre et de miel, jusqu'à ce que le tout soit réduit à un sextarius, puis on garde ce médicament pour en faire avaler tous les jours à chaque animal deux cotylae après l'avoir fait tiédir, jusqu'à ce qu'il recouvre la santé. Il assure de même qu'en faisant cuire la tête et tous les pieds d'un bouc dépliés dans une chaudière, de la même manière que l'on fait cuire le petit chien et en faisant confire la chair après en avoir séparé les os, si l’on donne souvent en potion prise à la corne deux cotylae de ce médicament pat jour à un animal malade, il guérira. Il approuve aussi ce remède quand on y met un coq blanc préparé de la même manière qu'un petit chien. Il conseille encore de donner aux malades de la racine de tithymale bouillie dans du vin doux. Il croit aussi que lorsqu'un animal commence à être attaqué du flux Attique et qu'il lui sort par les naseaux une humeur de couleur verte ou pâle, il faut mêler deux cotylae d'urine, soit d'homme, soit de bouc, avec du vin et un cyathus d'huile de roses et en verser dans les naseaux d'où découle cette humeur pestilentielle et il assure que ce remède rend la santé aux poumons et fait cesser le flux des naseaux. [1,18] CHAPITRE XVIII. Il donne encore comme un remède naturel et qui doit être pris toutes les années cette composition-ci : on broie bien ensemble de l'oignon de Cypre bien pilé ou de ce gros ail auquel quelques personnes donnent le nom de Gallicum, en mettant sur chaque gousse d'ail une semi-uncia de gomme séraphique et un cyathus d'excellente huile : on mêle ces drogues dans une hemina d'eau et on donne une hemina de ce médicament par tête à chaque animal à trois reprises différentes, savoir, le huit des Calendes de Juillet (c’est-à-dire, au commencement des jours Caniculaires) le sept et le six, moyennant quoi les animaux, soit de haras, soit domptés, se trouvant, comme on dit, stagnata par ces trois potions, seront préservés de maladies pendant toute l'année. [1,19] CHAPITRE XIX. Nous avons détaillé ce qu'il y avait à faire contre la maladie du malleus qui se montre sous plusieurs formes différentes tant du côté des potions prises par la bouche ou par les naseaux, que du côté des clystères ou des cautères et des saignées, mais il nous reste à parler d'un autre genre de traitement aussi essentiel et plus efficace encore, qui consiste en fumigations et qui se fait par les odeurs. Car, comme cette maladie elle-même vient de l'infection d'un air corrompu et qu'elle pénètre jusqu'aux poumons et aux viscères en descendant de la tête, on est dans l’usage de ne pas moins la combattre par l'amertume des odeurs que par celle des potions. On choisit donc, suivant le nombre d'animaux qu'on a, un emplacement qui soit bas et fermé de tous côtés et l’on y fait entrer les animaux qui sont déjà malades et que l’on veut traiter, ou ceux qui sont encore sains et que l’on a séparés des autres pour empêcher qu'ils ne gagnent la maladie par contagion. On mêle par poids égal de l'origan, de l'ail, de la menthe, de l'aspalathe, du fenouil de porc, du castoréum et de la grande berce, on met sur des charbons ardents la quantité de ces drogues qu'on peut pincer avec trois doigts et on tient la bouche et la tête des animaux sur la fumée, afin que l'amertume de l'odeur pénétrant dans l'intérieur de leur corps en passant par la bouche et par les naseaux imprègne de sa vertu toutes les parties internes et parvienne jusqu'aux poumons pour opérer leur guérison. [1,20] CHAPITRE XX. Voici encore une autre composition propre à faire des fumigations pour prévenir les maladies, qui est, à la vérité, plus dispendieuse que la précédente, mais qui passe pour plus efficace. On prend deux livres de soufre vif, une de bitume de Judée, six unciae tant de grande berce que d'acanthe, de galbanum, de castoréum et de fleur d'Iris, deux de sel ammoniac, trois tant de sel de Cappadoce que de corne de cerf, de jais mâle et de jais femelle, une tant d'hématite que de sidéritis et d'argyrite, sept equulei, c’est à-dire, sept chevaux matins, autant de queues de mer et d'ongles de mer, trois unciae de raisins de mer, trois livres tant de moelle de cerf que de résine de cèdre et de poix liquide, sept os de sèche, un semi-uncia d'or et une silique de marrube noir: l’odeur de toutes ces drogues mêlées ensemble et enflammées résiste à toutes les maladies, tant celles qui attaquent les hommes que celles qui attaquent les animaux et met en fuite les malins esprits. On croit même qu'elle écarte la grêle et qu'elle purifie l'air. Mais si l'on ne peut pas trouver les espèces de pierres que nous venons de nommer, ou que leur prix excessif empêche de les acheter, les autres drogues auront leur utilité indépendamment d'elles. [1,21] CHAPITRE XXI. Toute la Médecine vétérinaire, ou même, si nous voulons parler vrai, celle qui s'occupe de la guérison des hommes sera souvent sujette à l'erreur, à moins que le Médecin ne connaisse d'avance la méthode du traitement qu'il doit employer et qu'il ne sache prédire le danger dont les malades sont menacés. En effet les traitements méthodiques que nous avons exposés et qui sont adaptés aux différents genres de maladies, procurent un soulagement indubitable. Cette réflexion nous mené à exposer avec soin un remède qui est général pour la plus grande partie des membres et des maladies : ce remède consiste particulièrement dans la saignée, pour laquelle on doit avoir recours à l'habileté d'un Médecin vétérinaire parfait et qui doit être réglée, conformément à ce qu'exige la raison, sur la saison où l'on est, comme sur les forces et sur l'âge des animaux, parce que, si un Médecin ignore la méthode qui concerne cette opération, non seulement il ne guérira pas les animaux par son moyen, mais il arrivera même très souvent qu'il les mettra en danger. En effet, comme la vie et la force des animaux réside dans leur sang, la saignée faite à propos contribue en conséquence à procurer communément la santé du corps. Voici la raison que l'on en rend. Le sang, dont la corruption est occasionnée par la mauvaise digestion des nourritures et par l'abondance des humeurs, se distribue dans les membres et engendre ordinairement les maladies et la douleur soit dans tout le corps, soit dans quelques-unes de ses parties, parce que la contraction des nerfs et la tension des veines donne lieu aux gonflements et aux indigestions. Or cette tension du corps (pour m'exprimer ainsi) ne peut pas être autrement relâchée que par la diminution de la masse du sang, puisque l’unique et le plus court remède consiste à faire sortir du corps avec la partie viciée du sang cette pourriture mortelle, dont l'infection funeste engendre la maladie ou le danger. [1,22] CHAPITRE XXII. C’est pour cela que presque tout le monde regarde comme une règle nécessaire de tirer du sang tous les ans au printemps de l'encolure des animaux avant de les envoyer à l'herbe, de peur qu'un sang nouveau, qui ne peut naturellement manquer de s'unir à l'ancien, ne vienne à les affaiblir ou à mettre leur santé en danger, dans le cas où il se trouverait mêlé avec un sang ancien qui serait corrompu. Cependant les anciens auteurs, ainsi que les Médecins vétérinaires les plus prudents, ont défendu de saigner les animaux sans nécessité, de peur que, si on venait une fois à manquer de le faire, il n'en résultât aussitôt des maladies ou des indispositions. Il est donc mieux de ne tirer du sang aux animaux jeunes et qui sont bien portants d'aucune partie du corps, si ce n’est du palais, dont il faut évacuer habituellement les humeurs non seulement aux jeunes animaux, mais encore à ceux qui sont faits, afin de leur soulager la tête, les yeux et le cerveau. Quant aux animaux faits, il n'y a pas d'inconvénient à les saigner lorsqu'on les envoie aux pâturages. Voici cependant une règle à observer à l’égard de tous ceux qu'on doit saigner : c’est de ne leur donner, la veille de cette opération, que des nourritures légères et même en petite quantité, afin que leur corps se trouve réglé par ce jeûne préalable et qu'il ne soit troublé par aucune indigestion. Au reste, quand il s'agira de saigner un animal, on le placera sur un sol uni et on lui bandera l'encolure avec une courroie qui sera plus serrée sur les épaules qu'ailleurs, afin que la veine soit plus apparente. En suite on lavera la veine même et on l'essuiera souvent avec une éponge trempée dans de l'eau, afin qu'elle sorte davantage au-dehors. Après quoi on la poussera en-dedans en appuyant dessus le pouce de la main gauche, tant, afin qu'elle n'échappe pas, qu'afin de la rendre plus grosse et plus gonflée. Ensuite on la piquera, suivant le précepte de l'art et eu égard à la position de l’animal, avec une flèche d'un acier dur que l’on aura bien aiguisée sur une pierre. On prendra garde encore d'appuyer la main trop fort sur la veine en la piquant et de percer le gosier et la luette ou de couper l'artère, parce que cet accident met communément l'animal en danger. La veine ouverte, on lui donnera à manger du foin ou des mélanges de blés et de légumes coupés en herbes, afin que le mouvement de ses mâchoires fasse sortir le sang avec plus d'impétuosité. Dès que l'humeur noire ou corrompue sera évacuée et qu'un sang plus pur commencera à couler, on lui retirera la nourriture et on bandera la plaie après y avoir mis une éclisse. On y appliquera aussi un emplâtre afin qu'elle se referme plus exactement, quoique quelques personnes se contentent d'y mettre de l'argile. Ensuite on fera passer l'animal dans un endroit obscur et chaud, où on lui donnera pendant sept jours et sept nuits des mélanges de blés et de légumes coupés en herbes et l'on est dans la saison d'en avoir, ou du foin très mollet. On lui offrira aussi de l'eau afin qu'il puisse boire s'il en a envie. Mais on préférera le blé coupé en herbe à l'orge qu'on ne lui donnera qu'à défaut de blé. Il faut aussi se rappeler que les meilleurs des grains coupés en herbe sont ceux qui sont venus le plus près des flots de la mer, aussi relâchent-ils plus aisément le ventre et détournent-ils mieux les humeurs que les autres. En telle partie du corps qu’on ait ouvert la veine, on aura aussi soin de recueillir le sang en entier et d'en frotter le corps de l'animal, après avoir mêlé ce sang avec du vinaigre et de l'huile ou d'autres médicaments que le genre du traitement exigera : on en frottera surtout la partie dont il aura été tiré et où l'on croit qu’est le siège de la maladie, parce qu'il est constant que le sang même appliqué sur les membres malades leur sert de remède et détruit la maladie, comme par un traitement dont on a l'obligation à la nature même, pour me servir de l’expression de quelques personnes. Il ne faut donc pas omettre cette partie ingénieuse du traitement. Outre cela, on mène les animaux au soleil quelques jours après les avoir saignés et on les saigne au palais, c’est-à-dire, au troisième sillon de cette partie de la bouche à compter depuis les dents canines. Il faut les suspendre au-dessus de la terre, pour empêcher le flux de sang et leur donner le jour de cette opération des nourritures très tendres avec du son. Pour les jours suivants, on ne leur donnera pas, à la vérité, leur pitance d'orge entière, mais on leur en donnera d'abord une livre et on en augmentera tous les jours la dose, jusqu'à ce que l'on soit parvenu à leur pitance habituelle. Ensuite on les mènera quelque jour où il fera chaud à la mer ou à la rivière et on les essuiera avec soin après qu'ils s'y seront baignés. Il faudra aussi les oindre avec attention et les frotter au soleil avec du vin et de l'huile, afin que leur corps étant réchauffé par ces frictions, ils soient en état d'écarter ou de supporter le frisson qui leur serait nuisible. Ce ne sera qu'après avoir observé toutes ces pratiques que l’on remettra au travail les chevaux de prix et qu'on leur permettra de courir sur les routes. [1,23] CHAPITRE XXIII. Il faut savoir en outre qu'on ne doit jamais saigner les animaux hongres. La raison en est qu'ayant déjà perdu une partie de leurs forces en perdant leurs testicules, on les énerverait encore davantage si on les saignait. C’est pour cela qu'on ne saigne pas les ânes, parce qu'ils ont naturellement moins de sang que les autres animaux et que la nature ne leur a donné que des veines grêles. [1,24] CHAPITRE XXIV. Il n’est pas non plus nécessaire de phlébotomiser les chevaux étalons, parce que la nature consomme une partie de leurs forces et de leur sang dans l'acte du coït. Néanmoins, lorsqu'ils ont cessé d'être employés à la monte, ils sont sujets à devenir aveugles, à moins qu'on ne les saigne toutes les années dans le temps des herbes, parce que ce qu'ils avaient coutume de consommer dans le coït reflue sur leurs yeux. [1,25] CHAPITRE XXV. Pour ne laisser aucune incertitude sur cette matière, nous allons indiquer à présent les maladies dans lesquelles il faut saigner et les parties du corps dont il faut tirer du sang. On en tirera de la veine-mère à tous les animaux attaqués de maladies qui affecteront le corps entier, tels que ceux qui auront la fièvre, dont nous traiterons plus bas. On prescrit d'en tirer des oreilles à ceux qui ont la céphalalgie, à ceux qui sont endormis, aux fous, à ceux qui ont la cardialgie, à ceux qui tombent du mal caduc, aux frénétiques, à ceux qui ont la dysenterie, à ceux qui ont été brûlés par l'ardeur de la canicule et à ceux qui sont enragés de quelque façon que cet accident leur soit arrivé. Il est cependant mieux de leur en tirer des larmiers, soit à droite, soit à gauche, c’est-à-dire, de chercher les deux veines qui sont sous le creux des tempes à trois doigts au dessous de l'œil, pour les piquer. Pour ceux à qui il sera survenu une cataracte, ou dont les yeux éprouveront d'autres maladies fâcheuses, on leur ouvrira, à quatre doigts plus bas que l'œil, les veines qui sont sous l'œil et qui s'étendent par en bas sous les angles inférieurs formés par les yeux. Quant à ceux qui sont dégoûtés ou ceux qui ont quelque enflure dans les artères ou dans la gorge, de même que ceux qui ont une lourdeur de tête, il faut leur tirer du sang du palais. Si le siège de la maladie est dans le poumon, ou dans le foie, ou dans d'autres parties voisines de celles-là, il faut leur piquer les veines qui sont à droite et à gauche de la poitrine à l'endroit même où se fait la jonction des bras et où l'on remarque la courbure formée par l'épaule lorsqu'elle vient à se plier. On tirera du sang des bras aux animaux qui ont l'épaule malade, auquel cas on enfoncera la flèche dans les veines de l'intérieur situées à l'endroit où donne l'éperon, c’est-à-dire à l'endroit où sont les muscles des bras, six doigts au-dessus du genou et deux ou trois doigts au-dessous de l'endroit où donne l'éperon, mais on usera de circonspection et de douceur pour ne point affaiblir l'animal, parce que ces veines sont confondues avec les nerfs. Quant aux animaux dont la maladie résidera dans les articulations, soit qu'ils aient un article rentré ou tordu, soit qu'ils aient des hydatides ou d'autres accidents semblables dans les articulations, il faudra leur tirer du sang sous le fanon, en piquant les veines qui sont situées plus bas que les articles à trois doigts au-dessous de la couronne, mais il faut piquer ces veines avec beaucoup de circonspection, parce qu'elles tiennent aux nerfs des articles. Quand les chevaux sont creciaci ou qu'ils ont le sabot déplacé, on leur tire du sang directement de la couronne. [1,26] CHAPITRE XXVI. Voici te traitement auquel on aura recours pour guérir les animaux dont le sabot aura été tourmenté par l'épanchement d'une humeur vicieuse qui sera survenue, ou par quelque opération qu'on y aura faite à dessein, de même que ceux qui ne cesseront pas de boiter parce que la corne de leurs pieds tardera à reprendre. On taille le sabot entier presque jusqu'au vif, après avoir renversé l’animal par terre et on lui serre très fort le paturon en le bandant avec du fil, on cerne en même temps avec un scalpel la sole entière dans tout son contour et on la fait tourner de façon que le sabot se détache en partie de la couronne: cela fait, on introduit l’instrument propre à cette opération entre le sabot et la sole et lorsqu'on a bien nettoyé la plaie, on délie le paturon, alors on s'aperçoit que le sang coule des veines du talon et quand il en a coulé suffisamment, on frotte la plaie avec du sel, après quoi on l'oint de vinaigre et d'huile et on l'enveloppe soigneusement avec des linges. On aura soin de chauffer l'animal avec du genêt d'Espagne, afin que le sabot se répare après l'évacuation des humeurs: Mais on ne fera jamais cette opération qu'à un seul pied à la fois, afin que l'animal puisse souffrir patiemment une douleur aussi vive sans cesser de se tenir sur ses jambes, de sorte que, s'il a un second pied attaqué de la même maladie, on ne le renversera point par terre, pour lui faire cette opération, avant qu'il ait commencé à se tenir ferme sur le pied qui aura été guéri le premier, auquel cas on aura recours au traitement que nous venons de détailler. Mais, si l'on veut brûler un animal pour ces sortes de maladies, on lui tirera préalablement du sang de cette façon-ci : on lui taillera le sabot jusqu'au vif et on lui piquera en outre la veine avec la flèche, afin que le sang puisse en sortir, après quoi on frottera la plaie de la même manière avec du sel, de l'huile et du vinaigre et on l'enveloppera de linges sans faire cette opération à plus d'un seul pied à la fois, afin qu'il puisse marcher. D'ailleurs on ne renverse pas par terre pour cette opération ceux que l'on doit brûler après leur avoir tiré du sang. [1,27] CHAPITRE XXVII. On tire du sang de la queue à ceux qui ont l'opisthotonos, ou à ceux qui sont attaqués de la maladie sous les reins, ainsi qu'à ceux qui sont vulsi, à ceux qui sont sujets à la colique et à qui le ventre fait souvent mal, quoiqu'on pense qu'il est mieux d'en tirer des entrailles pour ces sortes de maladies. Si on veut en tirer de la queue, voici la manière dont on s'y prend : on lève la queue et on la couche sur les reins de l’animal, ensuite on la bat avec une planche mince à quatre doigts de l'anus, à l'endroit où elle n’est pas garnie de poils, jusqu'à ce que la veine paraisse, puis on pique cette veine avec la flèche dans le milieu de la raie de la queue à quatre doigts de l'anus afin que le sang sorte et quand il est sorti on enveloppe la queue avec une petite bande. Mais, lorsqu'on veut tirer du sang des entrailles, on pique avec la flèche le milieu des veines qui saillent de droite et de gauche sur l'un et l'autre fémur et sous les parties, en usant néanmoins de circonspection à cause des nerfs qui se trouvent confondus avec les veines dans le voisinage et après que le sang est sorti, on applique de l’argile sur la plaie. Si un animal a des cloches dans les jointures de la jambe, ou qu'il aie quelque douleur dans la cuisse ou dans les jointures de la jambe, on lui tirera du sang de cette dernière partie; car il y a des veines qui partent de l’intérieur des entrailles et qui traversent les jointures des jambes : on piquera donc ces veines par le milieu avec la lancette que l’on tiendra en travers, en usant de circonspection à cause des nerfs qui se trouvent confondus avec les veines dans le voisinage et quand le sang sera sorti on enveloppera la jointure de la jambe avec une petite bande. [1,28] CHAPITRE XXVIII. Les auteurs ont voulu qu'on eut recours à deux sortes de remèdes pour traiter les animaux et les guérir, savoir à la saignée qui sert à relâcher les parties qui sont trop resserrées et à la brûlure du cautère qui sert à raffermir les parties relâchées. Ainsi, comme nous croyons avoir exposé avec clarté la méthode de la saignée, il semble que nous devons aussi montrer l'utilité du cautère, quoique ce soit le dernier des traitements auquel on doive avoir recours. En effet la brûlure resserre les parties relâchées, diminue les gonflements, dessèche l'humidité, dissout les tumeurs coagulées, empêche les chancres de s'étendre, guérit les anciennes douleurs, remet en leur lieu les parties du corps qui ont été déplacées par l'effet de telle maladie que ce soit et empêche les excrescences surnaturelles de faite de nouveaux progrès lorsqu'elles ont été une fois enlevées et brûlées. En effet, dès que la peau a été ouverte avec un fer ardent, tout le vice qu'elle renfermait se cuit et se mûrit, de sorte qu'étant dissous à la faveur du feu, il s'écoule avec les humeurs à travers l'ouverture faite à la peau, d'où il résulte que la maladie se guérit et que la douleur se dissipe. Après quoi, lorsque la plaie est cicatrisée, la partie se resserre et devient plus robuste qu'auparavant et la peau elle-même est presque indivisible en cet endroit. Au surplus il est bon de savoir que les cautères de cuisse ont plus de vertu pour opérer des guérisons que ceux de fer, qu'en outre, si la maladie est dans la tête, on brûle l'encolure et que si elle est sous les reins, on poste le feu aux rognons même. Mais, tantôt on enfonce des pointes dans le corps, tantôt on y introduit un fer chaud semblable à une verge, tantôt on forme sur la peau des espèces de petites palmes. Car c'est en évitant de rendre difforme un animal traité avec le cautère, que le Médecin vétérinaire montre sa capacité. On enfonce les cautères tantôt plus profondément, tantôt plus modérément, selon le siège de la maladie et l'épaisseur plus ou moins considérable de la peau. Mais il faut se souvenir qu'on ne doit jamais brûler les fractures ni les parties dérangées de leur place, disloquées ou déjetées, parce qu'il en résulterait une faiblesse habituelle dans ces parties. Il vaut mieux au contraire commencer par les remettre à leur place et les bien munir de ligatures, afin qu'étant ainsi fortifiées, tant par l'effet de la nature même qu'à la faveur de l'Art, on puisse les traiter plus à fond et sous l'espérance d'une guérison durable, d'abord par des onguents chalastiques et des malagmes et en dernier lieu par des caustiques. C’est un avis essentiel à donner aux Médecins vétérinaires, de peur qu'en se hâtant de guérir les animaux, ils ne les affaiblissent ou ne les rendent difformes pour vouloir les guérir par le moyen des cautères, tandis qu'il aurait fallu auparavant essayer de le faire par les saignées, les potions, les onguents, les injections et les différentes espèces de médicaments et n'avoir recours au feu qu'en dernière ressource et quand les autres remèdes auraient été inutiles. [1,29] CHAPITRE XXIX. Nous avons renfermé dans ce premier Livre toutes les maladies qui ont coutume d'exposer le plus les animaux au danger et pour lesquelles il faut employer les traitements les plus difficiles et les moins connus, afin qu'il soit plus aisé de trouver des préceptes qui se présenteront au commencement de l'ouvrage et que ceux des traitements qui tiennent le premier rang entre tous les autres ne puissent pas dégoûter nos Lecteurs. C’est pourquoi, il est à propos de pourvoir avant tout aux animaux qui ont la fièvre, parce qu'on croit qu'ils ne peuvent pas supporter au-delà de trois jours la violence de son ardeur et qu'ils périraient s'ils n'étaient pas traités dans ce laps de temps. Il faut donc parler d'abord des symptômes et des causes de cette maladie et en exposer ensuite les remèdes. Un animal qui a la fièvre tient sa tête baissée au point de pouvoir à peine la relever, il a les yeux ouverts et les lèvres pendantes : ces symptômes sont suivis d'une tristesse qui le rend hideux et d'une pesanteur dont tout son corps se trouve affecté : ses testicules sont gonflés, pendants et lâches, ses membres sont brûlants, ses veines battent avec violence, sa respiration est fréquente et chaude, il a une toux habituelle, une allure vacillante, du dégoût pour la nourriture, de l'ardeur pour la boisson et une insomnie continuelle. Au surplus, la cause de cette maladie provient d'un excès de travail et de fatigue à la suite duquel on aura négligé de le panser. Quelquefois elle vient de la trop grande chaleur ou d'un froid violent, ou de la crudité des nourritures, ou du refroidissement subir de la sueur, ou de la chaleur de l'orge qu'il aura mangée dans sa nouveauté. Au surplus en voici le traitement le plus usité. Il faut aussitôt saigner l'animal à la face ou aux tempes, ou au palais, lui interdire absolument toute espèce de nourriture le premier jour et lui présenter ensuite de temps en temps d'excellent foin ou de l'herbe verte en petite quantité, sans lui laisser faire aucune espèce d'ouvrage : il faut même le séquestrer pendant un certain temps, l'émouvoir par de légères promenades et le mettre à l'écurie dans des endroits chauds, en lui couvrant le corps. Quand il commencera à se mieux porter, on lui donnera de l'herbe hachée en petits morceaux. Si l'on n'a point d'herbe, on lui offrira peu à peu, en forme de ptisanne, de l'orge que l'on fera macérer et que l'on broiera après en avoir séparé les balles, pour lui en donner peu et souvent. [1,30] CHAPITRE XXX. Il arrive fréquemment que des chevaux qui ont été contraints de courir au-delà de leurs forces, ou qui ont été accablés par le poids de leur charge et affaiblis par la sueur, font voir des symptômes semblables à ceux de la fièvre. Voici à quoi on reconnaît cet état : leurs yeux pleurent et paraissent comme teints de sang, de plus leur respiration est fréquente, ils sont dégoûtés du foin et ils se soutiennent mieux sur les pieds de derrière que sur ceux de devant, parce qu'ils ont autant de peine à poser ceux-ci à terre, que s'ils étaient usés par-dessous. [1,31] CHAPITRE XXXI. Quand la fièvre est interne, l'animal ne dort pas aisément et il dépérit de jour en jour, il a quelquefois des furoncles sur le dos ou sur les côtes : sachez dès lors qu'il est attaqué de la maladie du malleus dont nous avons traité ci-dessus. Vous lui verserez donc pendant quelques jours dans les naseaux de l'urine tant d'homme que de bélier. Après quoi vous lui donnerez les potions que nous avons prescrites ci-dessus pour cette maladie. [1,32] CHAPITRE XXXII. Si un animal commence à avoir la fièvre en automne, on le saignera aussitôt à l'encolure ou au troisième sillon du palais, ensuite on pilera dans un mortier de bois un sextarius de germandrée avec un uncia tant de gomme adragante que de roses, que l'on criblera pour en faire une poudre menue, dont on composera un breuvage avec de l'hydromel et de l'huile et ce breuvage servira à lui rendre la santé. [1,33] CHAPITRE XXXIII. Si c’est au contraire en été qu'il commence à avoir la fièvre, tout son corps sera en sueur, les veines lui battront, il laissera tomber son membre ainsi que son urine et il marchera de travers en se penchant vers la terre. On cherchera pour lors une veine dans le milieu de la cuisse à quatre doigts de l'anus et on en tirera du sang. Si l’on n'en trouve point, on lui en tirera de l'encolure et on lui donnera cette potion-ci eu égard à la saison. On broiera une poignée de pourpier pour lui en offrir le jus avec de la gomme adragante, de l'encens et du jus de roses de Campanie, le tour mêlé dans de l'hydromel, sans cependant lui en laisser trop prendre, de peur de le rafraîchir outre mesure, attendu que comme il est, pour ainsi dire, sans rate et sans sang, il manque déjà de chaleur. [1,34] CHAPITRE XXXIV. Mais s'il a la fièvre en hiver, broyez les drogues sèches dont j'ai parlé ci-dessus, et mêlez-les bien ensemble pour les lui faire prendre par le naseau gauche et il recouvrera la santé. On prétend encore que cette potion-ci est bonne pour les animaux qui ont la fièvre : on leur donne en breuvage avec du vin fait de raisins séchés au soleil deux unciae et demie de manne d'encens, six d'Iris d'Illyrie, une tant de poivre que de baies de laurier et de graine d'ache de marais. On donnera aussi ce breuvage-ci à un animal qui aura la fièvre, après lui avoir tiré du sang de la veine-mère ou du palais ; mêlez avec les autres drogues une livre d'hysope, six unciae d'aurone, un sextarius de lait de chèvres, un cyathus d'amidon, trois unciae d'excellente huile et un cyathus de jus de pariétaire et faites-lui avaler ce mélange à la corne, ce sera un remède très salutaire. Voici encore une autre potion. On mêle ensemble pour le faire prendre à la corne un sextarius de lait, deux cyathi d'huile, un scrupule de safran, deux de myrrhe et plein un cochlearium de graine d'ache de marais : on lui fera boire en hiver de l'eau chaude dans laquelle on fera infuser de la farine de froment et en été de l'eau froide dans laquelle on fera infuser de la farine d'orge. Tant qu'un animal a la fièvre on ne lui donne pas sa pitance accoutumée, mais on lui brûle les flancs avec le cautère et on panse les parties qu'on a brûlées. Voici encore une autre potion. On lui donne tous les jours jusqu'à sa guérison un breuvage composé d'une hemina de lait de chèvre, d'un cyathus d'amidon, de quatre œufs, d'un cyathus d'huile et de jus de pariétaire. Voici un onguent dont on frottera les animaux qui auront la fièvre. Broyez et mêlez ensemble une livre tant de roses que de vieille huile, trois hemina de vinaigre, une livre et demie de lait de chèvre, six unciae tant de graine de pourpier que de noix amères et une quantité suffisante de menthe ou de rue et servez-vous de cet onguent après l'avoir fait chauffer, pour frotter très longtemps l'animal à contre-poil ; après quoi vous le mettrez dans un lieu chaud en lui couvrant le corps. Voici encore une autre potion pour les animaux qui ont la fièvre en hiver. On prend une uncia tant de gentiane que d'aristoloche, d'hysope, d'absinthe et d'aurone, six de figues sèches et trois de graine d'ache de marais avec une petite botte de rue ; on fait cuire le tout dans une marmite pleine d'eau jusqu'à diminution des deux tiers et dès qu'on s'aperçoit que ce mélange devient noir, c’est une preuve que la cuisson en est achevée : on y ajoute donc ensuite une hemina de vin tel que nous l'avons exigé ci-dessus pour en faire une potion qu'on lui fera avaler à la corne. [1,35] CHAPITRE XXXV. Si la fièvre d’un animal est occasionnée par une indigestion ou par une plénitude, il soufflera des naseaux, ses flancs s'agiteront fréquemment, si respiration sera brûlante et sèche et il pliera facilement l’épine du dos, au lieu que, quand la fièvre est occasionnée par le froid, l'épine de son dos est raide, attendu que la chaleur dilate les membres et que le froid les resserre. On tire donc une grande quantité de sang de l'encolure d’un animal dont la fièvre est occasionnée par une plénitude et on lui frotte les naseaux de vinaigre, afin de le faire éternuer souvent. Si dans le temps qu'il a la fièvre, il a aussi le ventre dur, on lui fourre la main dans l’anus pour en tirer les excréments, on l'empêche de manger et on lui donne de temps en temps à boire en petite quantité, ensuite, après l'avoir frotté longtemps avec l'onguent que nous avons prescrit ci-dessus, on le tiendra sur ses jambes et le corps couvert pendant trois ou quatre heures dans un endroit chaud, dont on le fera sortir pour le mener promener, sans néanmoins le découvrir. [1,36] CHAPITRE XXXVI. S'il arrive que la fièvre soit occasionnée par une blessure ou par une suppuration établie dans la bouche ou dans la gorge d'un animal, il faut lui tirer du sang des tempes ainsi que du palais, il faut de même en tirer avec modération des mâchoires ou de l'encolure et enfin de toutes les parties souffrantes d'un animal qui aura la fièvre. S'il refuse absolument toute nourriture, on lui fera avaler gros comme une olive de farine mêlée d'eau. On en fera aussi des pâtes d'une grosseur convenable avec du vin fait de raisins séchés au soleil et on lui en donnera sept après les avoir trempées dans de l'huile, afin qu'il puisse conserver son embonpoint. En général, en quelque partie du corps qu'on saigne un animal qui aura la fièvre, la saignée ne lui sera utile qu'autant qu'on gardera, par rapport à la quantité de sang qu'on lui tirera, une mesure proportionnée à ses forces. En effet si d'un côté, lorsqu'on lui tire une quantité raisonnable de sang, on le soulage par cette opération, d'un autre côté on l'énerve et on trouble l'harmonie de son corps en lui en tirant une trop grande quantité. [1,37] CHAPITRE XXXVII. Il y a une maladie dans les animaux qui donne naissance à plusieurs autres et à laquelle on a donné le nom de coactio, parce quelle est occasionnée par les mauvais traitements, par le travail et par la contrainte. En effet, toutes les fois qu'on ne travaille pas avec soin à refaire un animal harassé soit par la fatigue d'un voyage, soit par de trop longues courses, soit par le poids d'une trop grande charge, ou qu'on l'expose à souffrir la soif en été ou le froid en hiver ; toutes les fois qu'on le laisse manquer de nourriture, ou qu'on lui en donne qui est de nature à l'incommoder telle que de l'orge nouveau ou de très mauvais soins toutes les fois qu'on laisse passer quelques jours sans s'occuper du soin de le panser, dès lors toute l'harmonie de son corps et la disposition de ses viscères intérieurs se trouvent dérangées par ces mauvais traitements et par la fatigue qu'il a essuyés. [1,38] CHAPITRE XXXVIII. Voici les différentes espèces de maladies qu'engendre la coactio. Le froid engendre l’opisthotonos, la podagre et la phtisie. Le grand chaud engendre la pesanteur, la fièvre, la folie, la douleur de tête. La sueur engendre les tumeurs dans les jambes, l’épanchement du sang dans les pieds, la fièvre, le spasme et la toux. L'humeur qui coule des naseaux est encore le symptôme évident d'une maladie. En effet il coule souvent du cerveau ou de la tête une pituite abondante et épaisse. Le frisson donne lieu à l'écoulement d'une humeur légère, aqueuse et froide, auquel cas la peau des animaux se colle contre leur dos et ils deviennent hépatiques et phtisiques. Les testicules, les glandes et les artères rendent une humeur blanche et visqueuse qui occasionne le dégoût, la suffocation de la gorge et l'esquinancie. Le poumon rend une humeur épaisse, sanguinolente, d'une mauvaise odeur et d'une couleur pâle ; ce qui donne lieu à la péripneumonie, à la vomique, à l’orthopnée et à la phtisie. Pour la maladie du malleus, elle occasionne une humeur abondance, épaisse et pâle, ce qui donne lieu à l'orthopnée, au flux Attique et à la pousse goutteuse. Le foie rend une humeur livide, de couleur d'iris, verte, corrosive et qui n’est ni trop épaisse, ni d'une odeur forte. Cette humeur rend les animaux sciatiques, hydropiques et sujets à la fièvre. Au surplus, nous avons détaillé les symptômes et les causes des maladies pour empêcher que l'erreur, occasionnée par l'ignorance, ne porte préjudice aux animaux et afin que la science fondée sur l'évidence parvienne à les guérir plus aisément. Voici les remèdes qu'Absyrthas a donnés contre la coactio. Si un cheval, dit-il, arrivant d'un voyage se trouve attaqué de cette maladie, les yeux lui rentrent dans la tête ou se tournent de coté et d'autre, sa respiration est chaude et fréquente, il jette des soupirs et ses oreilles s'allongent ainsi que le reste de son corps. Voici la manière de le traiter : on lui donne très peu d'orge avec une petite quantité de foin et on lui prépare une potion composée ainsi : on prend une uncia tant d'hysope que d'aurone, six de marjolaine, une livre de fenugrec et deux de graine de lin; on jette toutes ces drogues, après les avoir broyées et criblées, dans une marmite propre avec six sextarii d'eau, en y ajoutant neuf figues que l'on aura partagées en deux pour les faire sécher et quand tout ce mélange est cuit jusqu'à diminution de moitié, on le broie et on le passe, après quoi on y ajoute trois sextarii d'excellent vin vieux, une hemina de miel, une drachme de poivre broyé et on fait cuire de nouveau ce mélange pour en faire une potion que l’on donne pendant plusieurs jours à l'animal, après l'avoir fait chauffer : cette potion est communément admirable pour le soulager. Si par hasard la fatigue de la route a occasionné un épanchement de sang dans les pieds d'un animal, gardez-vous de lui tirer du sang tant qu'il a chaud; mais attendez pour le faire qu'il se soit reposé et qu'il soit resté quelque temps tranquille, après quoi vous aurez recours à cette potion-ci qui est très bienfaisante : prenez deux drachmes d'encens mâle, une livre de feuilles de figuier sauvage, vingt-cinq grains de poivre, trois unciae de levain et une drachme de safran, partagez le tout, après l'avoir bien broyé, en trois portions que vous donnerez pendant trois jours en breuvage dans de l'huile et du vin à l'animal, après qu'il se sera reposé : si c’est en hiver vous lui frotterez la bouche avec de l'eau tiède et si c’est en été vous la lui frotterez avec de l'eau fraîche : s'il marche lentement ou que son allure ne soit pas droite, vous lui appliquerez sur les sabots du soufre et de la résine chaude et vous ne vous contenterez pas de lui administrer ce remède une seule fois, mais vous le répéterez à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'il ait redressé son allure. Si néanmoins tous ces soins n'avancent de rien, vous le brûlerez, après lui avoir piqué les sabots avec la flèche pour en tirer une quantité suffisante de sang et vous appliquerez sur la plaie un remède traumatique. Voici les symptômes auxquels on reconnaît qu'un animal est las : tout son corps est pesant, ses jambes de derrière sont comme liées ensemble. On lui réchauffe donc les naseaux et toute la face avec de l’oxycrat et du pouliot, on lui donne à manger du pain trempé dans du vin pur et on lui présente des laitues ou du gramen après avoir bien lavé et haché ces plantes, après quoi on lui donne cette potion-ci : on mêle ensemble de la ptisanne d'orge mondé, du vin fait avec du raisin séché au soleil, des œufs et de l'huile rosat et on lui donne cette potion pendant trois jours, en commençant par lui faire manger de l'orge mondé et sec. D'ailleurs il est bon d'avertir qu'il ne faut pas saigner un animal attaqué de la coactio dans le temps qu'il a chaud, parce que la saignée serait bientôt suivie d'une contraction de nerfs et d'un affaiblissement. Mais il faut lui verser sur les épaules et sur les genoux du vin chaud. et de l’huile tiède, lui frotter très longtemps tout le corps à plusieurs mains, le placer dans un lieu chaud et lui donner une litière molle qui sera composée de fumier sec ou de paille. Il ne faut pas approcher la lancette du train de derrière d'un animal qui est las, dans la crainte de l'énerver entièrement. Si les veines de ses jambes sont gonflées et remplies d'humeur, on lui tirera du sang des couronnes. [1,39] CHAPITRE XXXIX. Il y a communément autant de maladies internes et cachées dans les animaux que dans les hommes et même, si nous voulons parler vrai, il n'y a presque aucune différence entre eux et nous. En effet, nous n'avons pas d'autre avantage sur eux que celui de l’esprit, qui nous rend des êtres raisonnables, mais notre corps n’est point différent du leur par sa nature, surtout en fait de douleurs. Les Médecins Vétérinaires ignorants croient qu'il est aisé de guérir les douleurs de ventre dans les animaux, parce qu'ils ne savent pas combien cette maladie est grave : ils donnent aux tourments occasionnés par des vents ou par la constipation le nom de tranchées ou de coupures d'entrailles et font leurs efforts pour les guérir par des charmes, à la manière des bonnes femmes, ou par quelques remèdes qu'ils regardent comme naturels. En effet, dès que les animaux commencent à sentir quelque douleur interne, ils se jettent et se roulent à terre, de sorte qu'on s'imagine qu'il n'y a que leur ventre qui soit malade, quoique cette douleur ainsi que cette habitude de se rouler à terre puissent provenir de différentes maladies toutes difficiles à guérir. Ils ne pourront donc point recouvrer la santé, à moins qu'on ne leur donne les remèdes convenables à chaque espèce de maladie. Or il est constant que personne ne peut se flatter de les traiter efficacement, sans connaître les symptômes ainsi que les causes de leurs maladies internes. [1,40] CHAPITRE XL. D'abord le ventre lui-même, que l’on nomme aqualiculus, exerce son empire sur le corps entier : c’est dans sa capacité que se fait le mélange de la nourriture et de la boisson ; c’est lui qui, lorsqu’il est préparé par la chaleur de la digestion, fait la réparation des humeurs, pour en convertir une partie dans la substance du sang qui doit contribuer à former celle des membres, en résoudre une autre partie en urine et entraîner le reste en excréments. Si cette partie vient à être tourmentée par un frisson de longue durée, il en résulte nécessairement une douleur dans les intestins et une digestion corrompue. En effet le froid coagulant une partie des humeurs, elles deviennent en conséquence visqueuses dans le diaphragme et s'attachent à force d'y séjourner aux parties des intestins qui s'étendent depuis l’aqualiculus jusqu’au colon, que l'on appelle g-typhlon g-enteron et en latin ieiunum d'où il arrive que l'humeur qui se rend dans le colon étant très mauvaise, elle en bouche le passage et ne permet pas dès lors à la nourriture de parvenir à son ordinaire aux parties internes. Il en résulte aussi que le ventre se tord et s’étend avec douleur et grand danger à cette maladie est appelle en Grec g-emphragma et en latin praeoccupatio. [1,41] CHAPITRE XLI. Il y a encore une autre cause de douleur plus vive que la précédente, que l'on appelle en Grec g-cordapsos : c’est lorsque les parties internes des entrailles se trouvent bouchées par quelque amas de vent ou de fumée et qu'elles se nouent au point que les animaux sont contraints de vomir l'eau ainsi que la nourriture et quelquefois même les excréments. Ils sont en outre tourmentés alors à l'exemple des hommes par une colique très douloureuse, occasionnée par le malaise que leur cause le gonflement, qui est une suite de cette maladie, d'où il arrive qu'ils se brisent le corps en se roulant violemment à terre de côté et d'autre. Cet état est dès lors incurable et ils en meurent. [1,42] CHAPITRE XLII. L'ileon est aussi tourmenté par une humeur pareille, qui, ayant commencé à boucher les grands intestins et à retenir.les excréments dans leurs sinuosités a cause du froid dont elle est pénétrée, ne peut plus descendre à l'extrémité du longanon : (c’est le nom que l'on donne à l’intestin par lequel on rend les excréments). Dans ce cas le ventre se gonfle à l'intérieur par une suite de cette obstruction et se prépare à lui-même des tourments et des douleurs violentes, d'où il arrive que les animaux se jettent et se roulent à terre et qu'ils ruent en allongeant leurs pieds. Plus l'impatience les fait retourner souvent, plus la quantité des vents augmente, de sorte que ces vents venant à se mêler parmi les excréments, ils descendent jusqu'aux intestins, auquel cas l'animal attaqué de cette maladie, (que l'on appelle helices parce que les intestins étant dérangés de leur place le forcent de faire des espèces de rigoles) ne se brise point le corps comme dans la maladie précédente, mais tombe dans un état qui est dangereux, à moins qu'on ne vienne promptement à son secours. Or, voici les remèdes qu'il faut lui administrer : on lui bassine très longtemps les reins avec de l'eau chaude et on lui présente souvent du foin trempé dans de l'eau chaude, afin que la chaleur le pénètre de plus en plus : ensuite on le frotte bien avec des tissus de poil ; on fait aussi chauffer de vieille huile, de la poix liquide et de l'huile de laurier mêlées ensemble, pour le frotter très longtemps avec ce médicament donc on oint aussi les testicules et qu'on lui verse chaud dans les oreilles. Au surplus, on le frotte jusqu'à ce qu'il commence à suer et à rendre des vents qui puissent faire concevoir quelque espérance de guérison. On le met dans un endroit chaud en le couvrant bien avec des housses et on lui donne tous les jours cette potion-ci : prenez cinquante grains de poivre, la quantité de persil que vous pourrez pincer avec quatre doigts, une pareille quantité de cumin d'Alexandrie et de cumin d'Afrique, avec une dose égale tant de graine d'ache de marais que de myrrhe, de cataire et de germandrée : ajoutez sur le tout une quantité de nitre qui soit équivalente à la moitié des autres drogues et après avoir bien broyé tout ce mélange, donnez-le à l'animal dans une dose égale d'huile et de vin chaud en y ajoutant une quantité suffisante de miel. Cette potion réchauffe le ventre et le détend. Si ce remède tarde à opérer, on lui mettra sur tout le dos et sur les reins de petits sacs remplis de son chaud. On lui donnera aussi des clystères composés d'eau chaude et d'huile, dans lesquels on mêlera du sel, du miel d'Afrique et du nitre avec un œuf : ces clystères lâcheront le ventre et il rendra des excréments avec des vents. Si l’on n'a point de seringue, on fera bouillir du sel bien égrugé, avec du miel, pour en faire de petites pastilles longues et dures, qu'on lui introduira dans l'anus. Ces pastilles attireront toute l'humeur immonde qui séjourne dans son corps et le guérira : il n'y a même rien qui soit plus en état de le soulager. [1,43] CHAPITRE XLIII. Il y a des animaux qui sont continuellement menacés de la douleur de ventre à laquelle on donne le nom de strophus. Il arrive quelquefois que la sueur occasionnée par une trop longue course ou par le travail, s'arrête intérieurement dans la concavité du ventre et des intestins et qu'elle y cause des piqûres et des douleurs. Dès que l'animal cesse absolument de travailler et que l’on corps est refroidi, la douleur cesse, mais sitôt qu'il commence à s'échauffer par le travail, elle recommence aussi et c’est la raison pour laquelle on appelle cette maladie le strophus. En effet il se roule souvent à terre et lorsqu'il est relevé, il frappe la terre de ses pieds et paraît quelquefois comme vouloir la manger : quand il est couché, il semble qu'il prenne quelque repos, mais sitôt qu'il se levé il s'excite à marcher vite. Au reste, comme cette maladie le force de se rouler souvent à terre, elle donne naissance à des vents qui s'entretiennent dans l'intérieur de son corps et il tombe dans le tympanite, ce qui fait qu'il se brise le corps et qu'il est dans un danger imminent de la vie. Si l'on veut détruire pour toujours cette maladie, on lui fera la paracentèse de cette manière : on le piquera avec la flèche auprès du membre dans la moyenne région du ventre à quatre doigts au-dessous du nombril, de façon que non seulement la peau soit percée, mais encore le péritoine. Or on donne te nom de péritoine à la membrane qui renferme tous les intestins. Mais l'ouverture que l'on fera au péritoine n'excédera pas une certaine mesure et sera faite avec beaucoup de précaution pour éviter d'endommager les intestins et d'exposer l'animal à un danger prochain. Ensuite, après avoir retiré la flèche de la plaie, on lui substituera la canule de la ponction, que les Médecins Vétérinaires sont dans l'habitude de porter avec eux et qui est percée de plusieurs petits trous : c’est à travers cette canule que l'humeur sortira hors du corps et on la recevra dans un vase où elle paraîtra semblable à de l'urine très limpide : on n'en tirera pas moins d'un sextarius. Ce traitement procurera encore la guérison des animaux qui seront devenus stupides ou maigres à la suite d'une longue coactio; il faudra aussi saupoudrer leur orge de nitre bien criblé, c’est un spécifique pour purger toutes les humeurs les plus acres et pour chasser toutes les ordures du corps. Mais on donnera pendant plusieurs jours aux animaux qui seront sujets au strophus la potion que nous avons prescrite. On leur appliquera aussi sur les reins ainsi que sur tout le corps un onguent thermantique et on les fera frotter par plusieurs personnes pendant quelques jours. Enfin on passera un caustique sur leurs reins avant de les remettre au travail. [1,44] CHAPITRE XLIV. Les vers, la vermine et les petites teignes, que d'autres appellent pediculi, occasionnent dans les intestins une douleur intolérable, parce qu'ils rongent intérieurement le caecum et le ventre et qu'ils y font des plaies. Cet accident fait maigrir les animaux de sorte que leur peau se colle contre leur dos, qu'ils ne sont jamais sans fièvre et qu'ils meurent promptement. Tel est le symptôme de cette maladie : on trouve dans l'anus une humeur qui ressemble à une fève cuite : en effet cette humeur n’est rien autre chose que la sanie des plaies que ces petites bêtes ont faites à l'intérieur. Les animaux sont plus violemment tourmentés de cette maladie lorsqu'ils sont à jeun qu'après le manger, parce que, comme ils n'ont pas de nourriture dans le corps, les vers consomment davantage leurs parties nobles. Ils ne sont pas à la vérité enflés, mais cependant la douleur qu'ils ressentent est telle qu'ils se roulent à terre et qu'ils se renversent sur l'épine du dos, qu'ils mettent leur tête entre leurs jambes et qu'ils montrent l'endroit de leurs souffrances, tantôt en se grattant, pour ainsi dire, les entrailles avec les dents, tantôt en rongeant leurs reins et en se frottant le fondement contre les murailles. Lorsque ces symptômes commencent à se montrer et que les animaux commencent à crier fréquemment, c’est-à-dire, à hennir, sachez que leur mort n’est pas éloignée. Voici comme on les traite : on fait bouillir ensemble deux sextarii d'huile verte et amère et une petite sorte d'absinthe du Pont : ensuite on prend une uncia tant de graine de cresson alénois que de santoline, de graine de coriandre, de graine de raifort, de terre rouge ramassée auprès de Sinope dans le Pont et une selibra de myrte et de fenugrec : on fait bouillir ces drogues dans cette huile et on les y laisse infuser, après quoi on leur donné à la corne une hemina de cette même huile avec une demi hemina d'eau chaude. La vertu de ces médicaments et la douceur de l'huile tue ces petites bêtes dans le corps des animaux et les en fait sortir. Si un animal prend cette potion pendant plusieurs jours et qu'on y ait ajouté du nitre broyé avec du castoréum, elle fait sortir de son corps avec ses excréments tous les vers, les petites teignes et la vermine et leur rend la santé. Autre potion contre les vers, les petites teignes et les cossons : on prend trois unciae tant de santoline que de poudre d'absinthe du Pont, de lupins crus, de graine de cresson alénois, de raclure de corne de cerf et de graine de raifort, avec trois pastilles de terre rouge ramassée auprès de Sinope dans le Pont, trois unciae de fleur de farine d'ers, trois sextarii de vin dur, un d'huile d'Espagne, une uncia de grande berce et une hemina de graine de coriandre et après avoir bien broyé toutes ces drogues, on les fait bouillir pour en donner une hemina par jour aux animaux à jeun. [1,45] CHAPITRE XLV. Mais comme ces petites bêtes malfaisantes s’amassent souvent dans le caecum et que la potion que l’on fait prendre à l'animal par la bouche parvient rarement jusqu'à l'endroit où elles sont rassemblées, il faut aussi lui donner des clystères par l'anus. On prend donc un sextarius et demi de vinaigre très mordant avec la même quantité d'huile verte, une uncia de grande berce, deux de centaurée, trois tant d'absinthe du Pont, que de santoline, de farine de lupins crus d'ers, de graine de raifort, de graine de coriandre, de nitre broyé et de racines de câpres broyées. On fait bouillir toutes ces drogues dans de l'huile et du vinaigre et on lui en donne en clystère un sextarius bien chaud par jour pendant trois jours consécutifs. Au reste, il faut se rappeler que toutes les fois que l'on donne à un animal une potion par la bouche, il faut lui placer la tête sur l'élévation d'un talus, afin que ce qu'il prendra descende plus aisément dans l'intérieur de son corps et qu'au contraire toutes les fois qu'on le clystérise, il faut lui mettre la tête au bas du talus de façon que sa croupe soit sur l'élévation, afin que le clystère descende dans l'intérieur de son corps. On retiendra aussi l'animal très longtemps après la potion dans le lieu où il l'aura prise, afin qu'elle fasse mourir et qu'elle chasse plus facilement les bêtes malfaisantes qu'il aura dans le corps. Potion particulièrement bonne contre les cossons et contre les vers. On fera bouillir dans de l'eau jusqu'à diminution des deux tiers de la racine de chameleon qu'on mêlera avec deux unciae de grande berce et une hemina de vin, pour la verser à la corne dans le naseau gauche de l'animal. En voici encore une autre contre les vers : on fera frire une poignée de graine de coriandre et on broiera avec soin une quantité pareille de graine de cresson alénois, puis on mettra ces deux drogues dans de l'eau chaude, qu'on fera boire à l'animal pendant trois jours. Remède contre les douleurs de la matrice : on fait bouillir dans un pot de l'aloès hépatique, du mastic, du castoréum, des baies de laurier et du sel ammoniac avec du vin et du miel, après quoi on broie ces drogues et on fait boire et médicament à l'animal. [1,46] CHAPITRE XLVI. Si un animal a la pierre, voici les symptômes auxquels on le reconnaîtra : il se tourmentera, il gémira, il s'étendra dans les efforts qu'il fera pour uriner, le pus distillera goutte à goutte de sa verge, il urinera peu à jamais à plein canal et il ne se passera point de jours dans lesquels il n'ait à souffrir de ces accidents : néanmoins cette maladie ne vient ordinairement aux animaux que lorsqu'ils sont jeunes. Voici la manière de trouver la pierre : on fourrera la main dans le corps de l'animal et en tâtant avec ses doigts sous l'anus même, la main allongée depuis le col de la vessie jusques vers la verge, on y trouvera la pierre. Cette maladie est difficile à guérir, parce qu'il arrive quelquefois que les trop grands efforts que fait l'animal font crever la vessie près de l'anus même, de sorte qu'il rend par l'anus de l'urine que l'on peut comparer à de l'eau. Il faut donc introduire les doigts par une ouverture que l’on pratiquera au rectum et à la vessie même pour retirer la pierre avec une pointe, après quoi, pour guérir ces ouvertures, on traitera l'animal avec des clystères colletiques, c’est-à-dire, dont l'effet soit de conglutiner et on lui donnera un breuvage diurétique. Mais cette cure est d'autant plus difficile que la corruption de la vessie faisant cruellement souffrir les animaux, ils meurent dans des convulsions. [1,47] CHAPITRE XLVII. Dès que vous verrez un animal se rouler à terre, quelle qu'en soit la cause, graissez votre main d'huile et mettez-lui aussi beaucoup d'huile dans l'anus, après quoi vous lui enfoncerez la main en l'allongeant dans l'intérieur du rectum et si vous vous apercevez que cet intestin n’est pas plus ouvert qu'un four dont la bouche serait étroite, fichez que cet animal a le strophus : vous retirerez donc aussitôt les excréments avec la main et vous vous souviendrez qu'il faut ensuite le traiter promptement avec méthode. Mais si, en enfonçant la main, vous trouvez que le rectum est bouché et qu'il contient peu de fiente, c’est-à-dire, qu'il n'y en ait pas plus de deux ou trois crottins et que le rectum soit si obstrué que la main y pénètre difficilement, sachez que l'animal a une obstruction et qu'il est en danger : vous lui appliquerez en conséquence aux reins les médicaments que nous avons prescrits ci-dessus et vous aurez recours aux clystères pour résoudre l'irritation de son intestin et le guérir. [1,48] CHAPITRE XLVIII. Si lorsque vous aurez enfoncé la main, vous trouvez en tâtant tout le ventre, qu'il est semblable à un tambour, sachez que l'animal a la maladie de l'ileum et qu'il ne tardera pas à être en danger : il faudra par conséquent le frotter fort et longtemps avec des onguents chauds. Dès qu'il commencera à rendre des vents, on pourra se flatter de l'espérance qu'il vivra. [1,49] CHAPITRE XLIX. Si, en enfonçant la main de la même manière, vous trouvez que le rectum est très ouvert, sans qu'il renferme beaucoup d'excréments ni qu'il soit fort enflé, sachez que c’est le ventre lui-même, c’est-à-dire, l’aqualiculus qui est malade. L'animal ne tarde pas ordinairement à être soulagé quand on lui donne promptement les potions chaudes dont nous avons parlé et qu'on le frotte soigneusement avec un onguent chaud, au lieu que si l'on tarde tant soit peu à le traiter, il échappe difficilement de cette maladie qui se convertit ordinairement en cordapsus. [1,50] CHAPITRE L. Si, en mettant la main dans l'anus, on trouve le rectum uniformément ouvert et sans aucune enflure et que l'animal ne se roule pas fréquemment à terre, mais qu'il se jette de temps en temps sur le côté droit et qu'il semble s'allonger quelquefois pour s'efforcer d'uriner, de même que si l'on trouve dans les intestins un gros corps dur semblable à une courge, on doit être sûr qu'il a une douleur de colique et que plus on trouvera l'intestin dur, plus cette douleur le tourmentera longtemps. Au reste cette maladie met rarement les animaux en danger et ils n’en souffrent guère que pendant deux ou trois jours ou tout au plus cinq et même plus on trouvera de mollette dans cette partie, plus la douleur s'apaisera promptement. Car on trouvera pour lors quelques excréments dans le rectum et les remèdes auront eu un effet salutaire lorsqu'après un clystère ou une potion l'animal rendra beaucoup de fiente, auquel cas l'intestin qui avait été endurci et gonflé par la colique, cessera de le paraître aussitôt que la santé lui sera rendue. [1,51] CHAPITRE LI. Quand la vessie d'un animal s’est retournée pendant qu'il courait, il lui survient une douleur sans enflure semblable à celle qui est occasionnée par une course trop forte et trop longue : on lui fourrera pour lors dans l'anus la main graissée d'huile en l'enfonçant jusqu'à la verge, où l'on trouvera la vessie pleine d'urine : il faudra donc la ramener légèrement de droite et de gauche, par en haut, vers l'anus et exciter l'animal à uriner ; on le délivrera par là d'un danger dont les animaux échappent difficilement. [1,52] CHAPITRE LII. Il y a d'autres animaux qui souffrent habituellement des douleurs de ventre, sans qu'il paraisse aucune enflure : ceux-ci ne se roulent pas à terre avec violence, mais ils s'excitent comme s'ils voulaient courir ; ils se jettent quelquefois à terre, ils se rongent les intestins et semblent, pour ainsi dire, se les gratter. Quand ils sont attaqués de cette douleur, on leur met la main dans le rectum, où on la tourne circulairement pour chercher avec soin dans tous les recoins de l'intérieur, jusqu'à ce que l'on ait trouvé des amas de vers qui sont répandus de côté et d'autre et qui piquent l'intestin. Cette maladie cause une douleur qui n’est pas sans danger. On arrache donc ces vers avec les doigts, mais ils se laissent arracher difficilement et ils s'attachent même si fort à la main, qu'il est difficile de les secouer à terre. Cette piqûre de vers est cause que bien des animaux se frottent souvent le fondement contre les murailles et il faut s'appliquer avec soin à en purger le rectum, en leur donnant, pendant plusieurs jours, la potion contre les vers, laquelle chassera toute la vermine à laquelle nous donnons le nom de cossi et de tineolae. Voici la manière de traiter les animaux qui ont de même des vers dans le ventre. Il faut leur frotter à la main, avec de la poix liquide et de l'huile chaude, les reins, toute l'épine du dos et le dos lui-même, jusqu'à ce que l’on soit parvenu à les bien échauffer et ensuite leur mettre beaucoup d'huile dans les oreilles et dans l’anus. On leur graissera aussi le ventre et les testicules. On leur fourrera dans le ventre du sel égrugé et bouilli avec du miel et après leur avoir fait prendre des potions, on les exercera par des promenades fréquentes. Si ce traitement ne les calme pas, on leur donnera des clystères composés d'eau chaude, d'écume de salpêtre et de sel. Outre cela on leur mettra tant sur les reins que sur le dos des petits sacs remplis de son chaud et on renouvellera ces fomentations jusqu'à ce qu'ils rendent des vents. On leur donnera les potions que nous avons prescrites ci dessus, ainsi que des clystères, pour éloigner d'eux tout danger. [1,53] CHAPITRE LIII. Lorsqu'un animal tombe en défaillance, on le reconnaît à ces symptômes-ci : il marche plus lentement qu'à l'ordinaire, comme s'il était resserré par un épanchement de sang. Il y a néanmoins cette différence entre ceux dont le sang s'épanche et ceux qui tombent en défaillance, que quoique les premiers lèvent lentement les pieds de terre, ils sont néanmoins dans l'usage de marcher en fléchissant la jambe, au lieu que ceux qui tombent en défaillance ont le corps entier resserré et raide et même lorsqu'ils se jettent à terre, ils tombent de tout le poids de leur corps et font entendre des gémissements. Au reste ceux-ci ne sont jamais sans fièvre, ils ont du dégoût pour le boire et le manger, parce qu'ils aiment mieux rester couchés et lorsqu'ils veulent se relever, ils font des efforts pour en venir à bout et malgré l'impétuosité de leurs efforts, ils ne se relèvent jamais que lentement, à cause de la douleur qu'ils ressentent dans tous les membres. Cette maladie vient d'un excès de travail et d'une course trop forte, ou d'une abondance d'humeurs, parce que la sueur, qui est trop abondante quand ils ont les nerfs fatigués, venant à briser leurs membres, engendre la syncope, c’est-à-dire la défaillance. Voici comme on les traite dans cette maladie: On leur fomente avec de l'eau chaude et de la fleur de foin l'épine du dos, les épaules et les reins et lorsqu'ils sont réchauffés, on les fait sécher en les essuyant avec soin, après quoi on leur oint tout le corps avec du vin et de l'huile chaude et on les frotte très longtemps, ensuite on les couvre pour les placer dans des endroits chauds, où on leur donne une litière molle, afin qu'ils y dorment. Après avoir suivi cette méthode pendant trois jours, on les réchauffe avec cette potion-ci : On prend deux unciae de myrrhe, quatre de gomme adragante, quatre drachmes de safran, une uncia de mélilot, une livre de grande consoude et une d'encens mâle : après avoir criblé toutes ces drogues, on les réduit en poudre et on leur en donne en potion pendant plusieurs jours, plein deux cochlearia, dans une hemina d'eau chaude, deux cochlearia de miel et deux cyathi d'huile rosat, sans discontinuer ce traitement jusqu'à ce qu'ils soient guéris. Cette potion est également bonne pour ceux qui sont vulsi, comme pour ceux qui sont affligés de tensions. [1,54] CHAPITRE LIV. Il arrive souvent qu'après de trop fortes courses, les animaux sont incommodés du sang qui coule par leurs naseaux, sans pouvoir être arrêté facilement, comme si leurs veines étaient rompues par le travail et par la chaleur et cet accident demande aussi un traitement très prompt. On versera donc dans les naseaux des animaux qui seront exposés à ce genre de danger, du jus de coriandre verte, ou, si l'on n'en a point, du jus de poireau cultivé. On mêlera aussi ensemble et on divisera en trois portions une drachme tant de fleur de farine de froment que d'encens pulvérisé, avec une uncia de grande consoude et une semi-uncia d'amidon ; et après avoir mis ces drogues dans du vin rouge, on versera ce vin dans leurs naseaux et le sang s'arrêtera. [1,55] CHAPITRE LV. Voici les symptômes qui annoncent que la maladie d'un animal réside dans son sang : il a les yeux gonflés et le corps froid ainsi que l’encolure; il éprouve en même temps de la tristesse et du dégoût et guérit difficilement. Voici comme on le traitera. On le ménagera du côté du boire et du manger et on le laissera beaucoup dormir sur de la litière molle, ensuite on lui tirera de la veine-mère telle quantité de sang que l'exigera sa maladie, sans cesser de lui administrer des potions. On prend donc du jus de coriandre verte, ou, si l'on n'en a point, du jus de porreau coupé à différentes reprises, que l'on mêle avec pareille dose tant de germandrée que de centaurée violette et de nitre et après avoir broyé et criblé ces drogues, on lui en fera avaler plein un cochleare par jour, dans une hemina d'eau chaude. Cette potion purge les humeurs, arrête le sang et guérit toutes les autres maladies dont l'animal est menacé. [1,56] CHAPITRE LVI. Comme nous avons rédigé par ordre, au commencement de cet ouvrage, les traitements les moins connus et les plus difficiles, il nous reste à passer ensuite aux autres; mais nous croyons qu'il est nécessaire auparavant d'enseigner les moyens dont il faut se servir pour préserver de tout accident la santé des animaux, parce qu'il vaut mieux donner tous ses soins à les maintenir en santé, que de leur administrer des remèdes en maladie. Un maître attentif entrera donc souvent dans son écurie et le premier soin qu'il prendra, sera de veiller à ce que le plancher en soit parqueté en forme de pont et à ce que ce parquet ne soit point fait avec du bois tendre, comme il arrive souvent, soit par ignorance, soit par négligence, mais avec un assemblage de bois de robre vivace, dur et solide, parce que cette espèce de bois durcit le sabot des chevaux comme de la pierre. Outre cela, la fosse dans laquelle se rendront les urines, doit être munie d'un conduit par lequel elles puissent s'écouler, de peur que si elles s'amassaient en trop grande quantité, elles ne vinssent à toucher aux pieds des animaux. Ce qu'on appelle patena, c’est-à-dire l'auge dans laquelle on met l'orge pour les chevaux, doit être toujours propre, de peur qu'il ne se mêle avec leur nourriture quelques ordures capables de leur nuire. Il faut, outre cela, séparer chacune des caisses distribuées par cases, soit qu'elles soient faites de marbre, soit qu'elles le soient de pierre ou de bois, afin que chaque animal mange son orge en entier, sans que ses camarades le lui volent. Car il se trouve quelques-uns de ces animaux qui sont très avides sur le manger et qui, après avoir dévoré promptement leur portion, s'emparent de celle de leur camarade, tandis que d'autres, qui sont naturellement dégoûtés, mangent lentement et maigrissent et on ne leur donne pas leur portion à part, parce que leurs voisins l'enlèvent. La claie, que le vulgaire appelle jacca, sera proportionnée à la stature des chevaux, sans être n'y trop élevée, de peur qu'ils ne se fatiguent en allongeant le gosier, ni trop basse, de peur qu'elle ne leur touche les yeux ou la tête. Il faut qu'une écurie soit bien éclairée, de peur que les animaux, habitués aux ténèbres, ne deviennent aveugles lorsqu'on les fera sortir au soleil, ou que la finesse de leur vue ne souffre quelque altération. On donnera beaucoup d'air en été aux animaux dans les pays découverts, sans mettre de différence entre le jour et la nuit, mais en hiver, il faut que les écuries soient plutôt tempérées que chaudes, parce que, quoique la grande chaleur contribue à engraisser les animaux et semble les refaire, elle leur occasionne néanmoins des indigestions et est très préjudiciable à leur constitution. C’est pourquoi la chaleur, elle-même, donne naissance à différentes espèces de maladies qui affligent les animaux. Car si on les fait sortir par un froid auquel ils ne soient point accoutumés, ce froid, qui est nouveau pour eux, altère aussitôt leur santé. Soit qu'on donne du foin aux animaux, soit qu'on leur donne de la paille, ou des bottes de vesce, ce qui dépendra de l'usage des pays où l’on sera, ou de l'abondance de ces fourrages, il faudra surtout avoir soin que ces aliments ne soient point gâtés, qu'ils soient de bonne odeur et propres. Il faudra aussi avoir la même attention par rapport à l'orge et prendre garde qu'il ne soit pas plein de poussière ou de pierres, qu'il ne soit pas moisi ou corrompu par vétusté et enfin qu'il ne soit pas nouvellement tiré de l'aire et par conséquent trop chaud par sa nouveauté même. On ne se contentera pas non plus de leur donner de l'eau qui soit limpide et fraîche ; mais il faudra encore que ce soit de l’eau de source et courante, parce que toutes les eaux qui coulent avec un mouvement rapide, sont toujours exemptes de vices. Il faut frotter deux fois par jour le corps entier des animaux, à plusieurs mains. Cette attention les accoutume à être doux, outre qu'elle augmente leur embonpoint en dilatant leur peau. On ne se contentera pas non plus de leur donner de l'orge une seule fois ou deux, mais, il faudra leur en donner plusieurs fois, parce qu'ils digèrent comme il faut toute pitance qu'ils reçoivent par petite mesure, au lieu que la nourriture qu'ils reçoivent en une seule fois et à grande mesure, ne fait que passer avec leur fiente en entier et sans être digérée. Il faut encore qu'il y ait, dans le voisinage de l'écurie, un lieu couvert de fumier sec, ou de paille molle, sur lequel ces animaux puissent se rouler avant de boire. Cet exercice leur est bon pour la santé et manifeste leur état, quand ils commencent à être malades. En effet, toutes les fois qu'un animal ne se roule pas à son ordinaire, ou qu'il refuse absolument de se coucher, sachez qu'il est malade d'ennui et que, par conséquent, il faut le séparer des autres pour le traiter. Il est encore très bon de les monter souvent dans la même vue, pourvu néanmoins qu'on les ménage. Car la maladresse de celui qui les conduit, affaiblit leur allure et leur gâte le caractère : c’est surtout ce qui arrive par la pétulance des esclaves qui excitent trop les chevaux à courir en l'absence de leurs maîtres et qui les touchent, non seulement avec le fouet, mais encore avec l'éperon, lorsqu'ils veulent éprouver quels sont les plus rapides entre ceux qui appartiennent à leurs maîtres, ou qu'ils font des défis opiniâtres de vitesse contre des chevaux étrangers ; aussi ne les rappellent-ils jamais quand ils courent et ne les ménagent-ils en aucune façon. En effet, loin de s'embarrasser du tort qu'ils font à leurs maîtres, ils se félicitent au contraire de celui qu'ils peuvent lui avoir causé. Un chef de famille attentif réprimera donc cette conduite avec la plus grande sévérité et ne confiera ses animaux qu'à des hommes capables et modérés, qui sachent les manier. Il faut aussi, quand ils ont sué, leur laver la bouche avec de l'oxycrat, s'il fait chaud et avec de la saumure, s'il fait froid. On leur fera encore avaler à la corne une potion de vin et d'huile qui sera fraîche en été et chaude en hiver. On mêlera, à cet effet, un sextarius de vin pur avec trois unciae d'huile en hiver et deux seulement en été. Il ne faut jamais perdre de vue le soin de leur donner les potions convenables. En effet il sera facile de les préserver de la langueur, de la maigreur, de la toux et des douleurs internes, en leur faisant avaler une semi-uncia de soufre vif et quatre scrupules de myrrhe réduits en poudre et mêlés avec un œuf cru dans une hemina d'excellent vin. Il y a encore une autre potion qui est à la vérité plus dispendieuse, mais plus convenable pour toutes sortes de maladies puisqu'elle refait promptement les animaux et qu'après les avoir purgés intérieurement, elle guérit toutes leurs maladies. En effet elle guérit ceux qui ont une toux invétérée, ceux qui sont phtisiques, ceux qui sont vulsi et ceux qui ont quelque partie interne d'endommagée. On prend un sextarius de ptisanne d'orge mondé, une hemina tant de graine de lin que de fenugrec, une uncia de safran, l'extrémité de l'ongle ou le rectum d'un porc engraissé, ou, si l'on n'a point de chair de porc, une tête de bouc épilée, avec les pieds du même animal et ses petits intestins bien nettoyés, deux bottes d'hysope, quinze escargots de Germanie, quinze bulbes, vingt figues que l'on aura séparées en deux pour les faire sécher, une petite botte de rue, un sextarius de baies de laurier verres, vingt dattes, trois gouttes d'ail, six unciae de suif de chèvre et une petite botte de pouliot sec. Quand on a nettoyé toutes ces drogues et qu'on les a broyées légèrement, on les fait cuire dans de l'eau de citerne, jusqu'à ce que l'extrémité de l'ongle de porc, ou, à son défaut, la tête de bouc soit dissoute et que l'on puisse en séparer les os. A cet effet on remet continuellement de l'eau sur ce mélange, de peur qu'il ne brûle et afin qu'il s'épaississe en bouillant, ou que le bouillon lui-même devienne plus épais. Quand ce bouillon est fait, on le passe avec le plus grand soin à travers une couloire, après quoi on divise en trois portions une uncia de gomme adragante et l'on met infuser un jour d'avance dans de l'eau chaude de façon qu'elle s'y gonfle, celle de ces portions de gomme qu'on doit mettre dans une potion. Alors on jette dans ce bouillon trois sextarii de vin fait avec du raisin séché au soleil et on en donne aux animaux pendant trois jours, un sextarius par jour avec six œufs, le second jour on remplit deux de ces œufs d'huile rosat, trois unciae tant de beurre que de grande consoude et d'amidon et une selibra tant de poudre à l'usage des chevaux d'attelage, que de farine de fèves. On mêlera le tout, comme nous avons dit et on le partagera pour trois jours en portions égales, que l’on fera prendre en breuvage à l'animal quand il sera à jeun, après quoi on le fera marcher pendant quelques heures jusqu'à la septième heure du jour, sans lui donner ni à boire ni à manger. Quant aux animaux qui sont exténués par la maigreur, ce n’est pas sans de grands soins qu'on leur rend les forces. En effet il faut leur oindre tout le corps au soleil avec de vieille huile et du vin mêlés ensemble et tièdes et les frotter à contre-poil à plusieurs mains, afin que leurs nerfs s'amollissent, que leur peau se détende et que la sueur trouve un passage ouvert. Après quoi on les placera sur un parquet en forme de pont en leur couvrant le corps ; et si l'on est en hiver, on leur versera dans la bouche des vins épicés que l’on aura fait chauffer avec une semi-uncia de graine d'acheté marais broyée et trois unciae d'huile, au lieu que si l’on est en été, on leur fera prendre également par la bouche du vin d'absinthe ou du vin rosat frais avec quatre scrupules de safran et deux unciae d'huile. Si l'on n'a point de ces sortes de vins, on leur donnera tout uniment du vin quelconque, avec les autres drogues que nous avons prescrites. Outre cela on mêlera en hiver, avec quatre modii d'orge, les drogues suivantes, savoir : huit sextarii de fèves, quatre de froment, huit de pois chiches, quatre de fenugrec et un d'ers; et si le cheval mérite qu'on fasse pour lui cette dépense, ou que les facultés du propriétaire puissent y atteindre, un sextarius tant de raisins secs que d'amandes. Quand toutes ces drogues auront été mêlées avec soin, on en fera infuser un jour d'avance la valeur d'un modius dans de l'eau très propre; et après qu'on les aura fait un peu sécher le matin, on en donnera pendant plusieurs jours au cheval qui sera placé dans un endroit très favorable, un semi-modius avant le dîner et autant vers le soir. Il restera à l'écurie pendant vingt et un jours de façon qu'il n'en sortira pas pour boire. S'il arrive qu'il engraisse excessivement, on lui tirera du sang de la veine-mère, pour empêcher cette plénitude de lui nuire. Ramassez en outre avec soin les racines du gramen que la charrue aura soulevées de terre, comme il arrive souvent et hachez le plus menu qu'il sera possible, celles d'entre elles qui seront assez longues; vous les mêlerez avec de l'orge et vous ne ferez pas difficulté de lui en donner tous les jours. En été, au contraire, vous lui donnerez toutes les espèces d'herbages verts semés ensemble dont nous avons parlé, à l'exception de l’ers, en les proportionnant sur les mesures que nous avons prescrites pour chacun d'eux, c’est-à-dire, que vous lui donnerez moins de bottes de froment ou de pois chiches, ou de fenugrec et que ces bottes seront moins fortes. On battra tous ces herbages avant de les donner aux animaux. Il faut prendre garde de refuser aux animaux la liberté d'uriner, soit dans un long charroi, soit dans les routes, parce qu'il y a communément du danger pour eux à différer de satisfaire à ce besoin. On décrassera aussi avec soin leurs pieds, quand ils auront fait une route, de façon qu'il n'y reste ni boue, ni ordure, soit dans les articulations, soit sur la voie. On les frottera même avec un onguent propre à entretenir leur sabot, afin que ce que la dureté du chemin en aura usé, croisse de nouveau à la faveur de ce médicament. On prend à cet effet trois gousses d'ail, une petite botte de rue verte, six unciae d'alun de plume criblé, deux livres de vieux oing et une poignée de fumier d'âne nouveau et après avoir mêlé le tout ensemble et l'avoir fait bouillir chez soi, on s'en sert le soir en route quand on le juge à propos. Voici encore un autre médicament qui sert à entretenir et à raffermir leur sabot. On prend trois livres de poix liquide, une d'absinthe, neuf gousses d'ail, une livre de graisse, une et demie de vieille huile et un sextarius de vinaigre mordant; on bat le tout ensemble, on le mêle, on le fait bouillir et on en frotte la couronne ou le sabot des animaux. On les saignera au palais tous les mois au déclin de la lune et dès lors, s'ils ont quelque douleur de tête, ils se trouveront soulagés et cesseront d'avoir du dégoût pour la nourriture. Mais il faut leur nettoyer la sole et le sabot avec un instrument de fer tranchant. Cette pratique contribue à faire prendre l’air à leur sabot, à le rafraîchir et à le fortifier. Si un animal a eu le frisson, soit à la maison, soit au dehors, on lui frottera les reins et le cerveau avec des onguents chauds qui sont en très grand nombre et on lui versera aussitôt dans la bouche des potions, des médicaments et des herbes dont la vertu soit très chaude, pour surmonter l'incommodité de ce frisson et le chasser, parce que si ce froid pernicieux séjournait dans ses entrailles, il y donnerait naissance à différentes maladies, toutes également dangereuses. Mais si un animal se trouve excédé par la trop grande chaleur dans les jours caniculaires, il faut ou verser sur lui de l’eau fraîche, ou l'envoyer se baigner à la mer ou à la rivière. Il faut aussi le refaire alors par des potions fraîches, de façon qu'il soit soulagé par les médicaments les plus convenables aux incommodités que lui occasionnent le travail et la saison. D'ailleurs il ne faut pas seulement consulter l'utilité dans les chevaux, mais encore la beauté : en conséquence on ne leur coupera jamais le fanon à mains qu'on n'y soit forcé par quelque maladie, parce que c’est une espèce d'ornement dont la nature même a embelli leurs pieds. Il faut aussi qu'une tonte faite avec soin prête des agréments à leur encolure. En effet, il y a bien des personnes qui rasent de près l'encolure des chevaux de selle, de même que celle des chevaux d'attelage ; mais il faut avouer que, quoique cette méthode passe pour contribuer à les fortifier, elle les fait cependant paraître difformes sous la main d'un cavalier honnête. D'autres les tondent de façon que leur encolure semble avoir la forme d'un arc. Quelques-uns, en les tondant, leur laissent, à la manière des Arméniens, quelques crins arrangés par ordre; mais la mode la plus agréable, est celle qui s’est introduite dans ces derniers temps et qui nous est venue des Perses. Elle consiste à tondre, avec la plus grande exactitude, la moitié de la crinière du cheval sur le côté gauche et à laisser celle du côté droit, telle qu'elle est et sans la tondre en aucune façon. En effet, je ne sais comment il se fait que cet ajustement sied très bien aux chevaux, parce qu'il imite cette crinière épaisse et flottante sur l'épaule droite où elle est couchée, que Virgile a louée naturellement. Si un cheval est bicomis, nom que leur donne le vulgaire, il faut lui tondre uniformément les crins du milieu de l'encolure, en laissant la crinière entière et d'une seule tenue, tant sur la bordure droite que sur la gauche. Il est courant néanmoins que c’est une invention des Parthes qui sont dans l'usage d'adoucir, par cet artifice, l'allure des chevaux, afin qu'ils fassent les délices de leurs maîtres. En effet, comme ils veulent que les chevaux appelles vulgairement Trepidiarii, et d'un mot usité parmi les soldats Guttonarii, apprennent à marcher en liberté, ils ne les appesantissent point en les chargeant de colliers ou de fardeaux pesants ; mais ils les instruisent à devenir légers et comme flatteurs à la monture, de façon qu'ils paraissent semblables à des chevaux Asturcons. Ils arrangent en conséquence sur un terrain sec et bien uni, long de cinquante pas et large de cinq, des paniers pleins d'argile, de façon que ce terrain ait l'apparence d'un stade que des sillons auraient rendu raboteux et qui, par là, présenterait des difficultés à surmonter à des athlètes qui disputeraient entre eux la couronne de la légèreté à la course. Lorsqu'un cheval commence à être exercé très fréquemment sur un pareil terrain, il choppe nécessairement dans les sillons formés par ces paniers et se heurte les pieds tant de devant que de derrière, quelquefois même il tombe à terre ou choppe si rudement, qu'il paraît prêt à tomber ; mais à la longue, le mal qu'il s’est fait lui servant de leçon, il s'accoutume à lever la jambe plus haut et à prendre une allure douce en fléchissant le genou et les jointures de la jambe. D'ailleurs il affecte aussi de prendre un petit pas, afin de poser ses pieds dans l'intervalle qui est entre les sillons, parce que s'il voulait allonger son pas, il donnerait dans le tas de paniers. Or, un cheval qui marche à petits pas, est la monture la plus commode et paraît avoir l'allure la plus belle. Nous avons donné les recettes des potions tant d'hiver que d'été, qui servent ou à maintenir les chevaux dans une santé permanente, ou à chasser leurs maladies les plus violentes. [1,57] CHAPITRE LVII. Quand la chaleur a été excessive, voici une potion qu'il sera bon de donner aux animaux, parce qu'elle les humectera et qu'elle les rafraîchira : on fait infuser dans du vin vieux une uncia de safran et trois de gomme adragante dans de l'eau chaude. On ajoute à ces drogues une petite botte de porreau vert avec une petite botte d'ache de marais verte, une hemina de jus de pourpier, trois sextarii de lait de chèvre, sept œufs, une livre d'huile de raies, trois unciae de miel, un sextarius de vin fait avec du raisin séché au soleil et une quantité suffisante de vin vieux : on mêle le tout exactement ensemble et on le bat pour en donner aux animaux à la corne, la valeur d'un sextarius par jour, pendant trois jours. Voici encore une autre potion rafraîchissante : on mêle bien ensemble et on partage en trois portions un sextarius de vin vieux, une livre et demie d'huile, trois œufs, un cyathus tant de coriandre que de laitues, pour donner pendant trois jours, aux animaux qui seront trop échauffes, ce médicament qui leur sera très salutaire. Cependant, au moment qu'on donnera cette potion à un animal, il faudra y ajouter une hemina d'eau fraîche et puisée nouvellement [1,58] CHAPITRE LVIII. On leur donne aussi pendant l'hiver une potion faite avec trois sextarii de vin vieux, une selibra d'huile, une uncia de poivre, six de rue verte, trois soit de cerfeuil vert soit de graine de cerfeuil, la même quantité tant de gomme adragante que de graine de fenouil, une uncia de bayes de laurier, six de miel, un nombre d'œufs tel que l'on jugera à propos et une quantité suffisante de vin fait avec du raisin séché au soleil. [1,59] CHAPITRE LIX. On leur donnera, au contraire cette potion-ci au printemps et en automne. On prend une semi-uncia de costus, une uncia de casse, une semi-uncia tant de nard Celtique que de persil, de bétoine, de réglisse, de gomme séraphique, de spica nard, de saxifrage, d'eupatoire, de mélilot et d'iris d'Illyrie ; une uncia tant de centaurée que de gentiane et d'aristoloche longue ; une semi-uncia tant d'amome que d'aristoloche ronde, de schenante, de cabaret et d'aloès ; une uncia de myrrhe, une semi-uncia tant de grande berce que de racine de serpentaire; une uncia de safran, six de gomme adragante, une de castoréum et deux petites bottes d'absinthe du Pont. On croit que toutes ces drogues, réduites en poudre, suffisent pour médicamenter douze animaux pendant trois jours, si on les met dans d'excellent vin pour les leur faire prendre. [1,60] CHAPITRE LX. Autre potion qu'on peut donner aux animaux en tout temps. On mêle ensemble une quantité égale de feuilles de costus, de mélilot, d'hysope, d'iris d'Illyrie, d'aristoloche, de marjolaine, de serpentaire, de cabaret, de gomme adragante, de petite centaurée, de marrube, de gentiane et de nard Celtique et après avoir réduit ces drogues en poudre, on les crible. Mais si on veut en faire une potion d'été, on y ajoure une quantité suffisante de safran, de miel et de gomme adragante, au lieu que si l'on en fait une potion d'hiver, on y ajoute une quantité suffisante de graine tant de poivre que d'ache de marais et de moutarde. Mais, soit dans l’une, soit dans l'autre saison, on en jette toujours plein un cochleare dans un sextarius de bon vin, pour le faire avaler aux animaux. [1,61] CHAPITRE LXI. Nous aurons bien des choses à dire, quand il en sera temps, sur les difficultés d'uriner ; mais il suffira, pour le présent, d'indiquer ce remède-ci qu'on peut faire en route et qui est naturel et toujours prêt. On mêle dans du vin de la boue faite avec de l'urine d'un cheval quelconque et après avoir passé ce vin, on le verse dans les naseaux de l'animal et il provoque aussitôt l'urine. On broie aussi de l'ail qu'on lui fourre par l'anus et par la verge et il urine aussitôt. Si on lui donne une potion composée de poudre d'encens mêlée avec un œuf et du vin et qu'on y ajoute du jus d'ache de marais et de chou, elle provoquera de même l'urine. On fait encore bouillir jusqu'à diminution des deux tiers de la poirée et de la mauve et on mêle avec du miel un demi sextarius de ce bouillon, pendant qu'il est chaud, pour le lui faire avaler : ce remède sera excellent pour le faire uriner. On met aussi dans son oreille une punaise vivante et on en écrase une autre sur sa verge pour en frotter l'ouverture du canal de l'urine. C’est un remède aussi aisé à faire que certain. [1,62] CHAPITRE LXII. Comme notre intention est de parer aux accidents qui surviennent en route, nous allons dire un mot sur plusieurs de ces accidents, mais on peut regarder le peu que nous en dirons comme constant. Souvent les animaux sont attaqués d'une douleur de ventre sous le cavalier qui les monte, ou sous la charge qu'ils portent, de façon qu'ils se roulent et se couchent à terre. Il faut donc leur faire avaler alors de la graine de rue sauvage ou de rue de jardin, au défaut de la première, bien broyée dans du vin chaud. Outre cela, on fera bouillir de la poirée dans de l'eau, jusqu'à diminution des deux tiers et on mêlera bien ce bouillon avec du nitre broyé, en y ajoutant une hemina d'huile, pour l'introduire chaud, par le moyen d'une seringue, dans les intestins de l'animal, que l'on tiendra à cet effet dans une position telle qu'il soit penché en devant, afin que cette injection parvienne dans l'intérieur de son corps. Si l'on n'a pas d'eau de poirée, on pétrit en forme de pilules du miel cuit avec un tiers de sel égrugé, pour en faire des collyres de la grosseur d'un œuf et on introduit également dans l’intestin de l'animal penché en devant, cinq, sept ou neuf de ces collyres, moyennant quoi le ventre se lâche et la douleur s'apaise. On prescrit encore comme un remède naturel et qui guérit sur le champ, d'attacher au nombril de l'animal qui souffre, un os d'escargot qui n'ait été touché ni par une main immonde, ni par la terre, ni par la dent d'aucun animal. [1,63] CHAPITRE LXIII. Il arrive assez communément que la charge d'un animal, ou sa selle lui blessent le dos par la négligence de celui qui l’a sellé, ou à cause du poids excessif de cette charge. Cet accident est inévitable de temps en temps en route, mais quand la tumeur qui en résulte est récente, voici comme on la traite. On fait cuire dans de l'eau bouillante des tiges d'oignons, ou de l'oignon même et on les applique sur la tumeur aussi chaudes que la peau pourra les endurer, après quoi on les attache avec une bande : toute l'enflure disparaît en une nuit. Outre cela, on mêle du sel égrugé avec du vinaigre et après y avoir ajouté un jaune d'œuf, on en frotte les parties qui commenceront à s'enfler, après quoi on bande cette nouvelle irritation et elle s'apaise. [1,64] CHAPITRE LXIV. Quiconque a à cœur la santé des animaux, doit toujours avoir sous sa main, soit qu'il l'ait préparée d'avance chez lui, soit qu'il la prépare en route, la potion dont nous avons parlé plus haut et à laquelle on a donné le nom Grec de diapente à cause du nombre de drogues dont elle est composée : ces drogues sont de la gentiane, de l’aristoloche, de la myrrhe; des bayes de laurier et de la raclure d'ivoire : on broie bien toutes ces drogues et on les mêle ensemble par poids égal, afin que toutes les fois qu'on verra l'animal triste ou hérissé, ou qu'il paraîtra attaqué de quelque maladie, on puisse aussitôt lui faire avaler plein un cochleare de cette poudre, dans un sextarius d'excellent vin, en répétant cette potion pendant trois jours, même dans le temps qu'il travaillera, afin d'obvier au désastre que peut produire dans son corps le virus de la maladie. Ce traitement a été éprouvé. Quand il toussera, on lui donnera cette potion dans une hemina de vin fait avec du raisin séché au soleil et il en sentira aussitôt l'effet. Si ce livre, qu'il est temps de finir, n'a point déplu aux oreilles de nos lecteurs, nous publierons dans le volume suivant les traitements de toutes les maladies des animaux, que nous avons puisés avec choix dans différents auteurs, en commençant par le sommet de la tête et continuant jusqu'au bout des pieds, tant pour garder, dans la méthode relative à leur guérison, l’ordre que la nature elle-même a indiqué, que pour éviter qu'un ouvrage mal digéré et dont l'ordre ne répondrait pas à la symétrie des membres des animaux qui en font l'objet, ne jette de la confusion dans l'esprit de celui qui voudra y trouver un remède et ne retarde ses recherches.