[5,0] A CICERON - LIVRE CINQUIÈME. [5,1] I. 1. J'ai entrepris d'exposer en six livres l'origine des mots latins. De ces six livres, j'en ai reposé trois avant celui-ci, dans lesquels je traite de l'étymologie. Ils sont adressés à Septimius. Le premier contient ce qu'on a dit contre; le second, ce qu'on a dit pour; le troisième, ce qu'on a dit sur cette science. Dans les livres que je vous adresse aujourd'hui, je traite de l'origine des mots latins, et, entre autres, de ceux qui sont usage chez les poètes. 2. Dans chaque mot il y a lieu de considérer, 1° la chose d'où ce mot a tiré son origine; 2° la chose qu'il sert à designer. Ainsi veut-on faire connaître d'où dérive le mot pertinacia (obstination), on fait voir qu'il dérive de pertendere (tendre avec force vers une chose) ; veut-on faire connaître la chose à laquelle ce mot a été appliqué, on fait voir l'objet de la tendance obstinée, qu'on appelle pertinacia, et dont le contraire est la persévérance, qui consiste à persister dans une chose bonne. La science qui a pour objet la raison et l'origine des mots s'appelle chez les Grecs étymologie; celle qui a pour objet la chose désignée, g-peri g-sehmainomenohn. Je traiterai indistinctement de ces deux sciences dans cet ouvrage: mais, plus brièvement, de la seconde. 3. L'étymologie a ses obscurités, parce que l'origine des mots se perd dans la nuit des temps ou parce que leur dérivation n'est pas toujours exacte ou n'est pas demeurée pure par suite de l'altération des mots; ou bien encore parce que les mots de notre langue ne sont pas tous d'origine latine; enfin, parce que beaucoup de mots ont changé de signification, comme hostis, par exemple, qui désignait autrefois un étranger appartenant à une autre nation, et désigne aujourd'hui ce qu'on entendait alors par perduellis (ennemi avec qui on est en guerre). 5. Quand le genre ou le cas d'un mot en indiquera plus manifestement l'origine, c'est sur ce genre ou sur ce cas que j'appuierai mes inductions. Pour justifier cette manière de procéder, je citerai seulement le mot impos (qui n'est pas maître de): il est évident qu'on aperçoit moins dans ce nominatif l'origine de potentia, que dans l'accusatif impotem; et, à son tour, impos est moins obscur que pos, qui semble plutôt synonyme de pons (pont) que de potens (puissant, maître de). 5. Le temps altère ou efface l'origine de beaucoup de mots. Cet homme que vous avez connu brillant de jeunesse et de beauté, vous le voyez aujourd'hui vieux et flétri par l'âge. Trois générations ont passé sur lui et l'ont rendu méconnaissable. Aussi, ce que le fleuve de l'oubli a entraîné dans son cours, et dérobé aux yeux mêmes de nos ancêtres, la perspicacité de Mutius et de Brutus ne saurait le découvrir dans les ombres du passé. Je ne m'arrêterai donc pas longtemps dans de vaines investigations : je me hâterai au contraire, autant du moins que me le permettront les difficultés du chemin ; car je vais m'engager dans les détours d'une forêt ténébreuse, infréquentée, et remplie d'obstacles qui peuvent m'empêcher d'avancer. 6. Tout change avec le temps : de là toutes ces discordances entre la signification ancienne et la signification actuelle des mots. Si l'on prend soin de constater d'abord les différentes modifications dont les mots sont susceptibles en passant par la bouche des hommes, on aura moins de peine à remonter à leur origine. L'altération des mots, comme je l'ai démontré dans les livres précédents, a huit causes principales. Elle résulte du retranchement ou de l'addition d'une ou plusieurs lettres, de leur attraction ou de leur changement, de l'allongement ou de l'abréviation des syllabes; enfin de... Comme, dans les livres précédents, j'ai démontré par des exemples assez nombreux les causes de cette altération, je me borne ici à les rappeler. 7. Je commencerai par l'origine des mots, laquelle a quatre degrés. Le premier est celui qui est à la portée de tout le monde. Qui ne voit en effet d'où viennent les mots arenifodinae (sablonnière) et viocurus (intendant des chaussées) ? Le second est celui auquel on s'élève pour étudier le vieux langage, et rechercher comment les poètes ont formé, composé, modifié chaque mot. A ce degré appartiennent les mots suivants de Pacuvius : rudentisibilus (sifflement des cordages), incurvicervicum pecus (le troupeau à la tête courbée), clamyde clupeat brachium (il s'arme de sa chlamyde en guise de bouclier). 8. Le troisième est celui où s'élève la philosophie pour découvrir l'origine des mots qui sont dans l'usage commun, tels que oppidum (fort), vicus (quartier, village), via (voie). Le quatrième est celui qui nous initie à la connaissance des principes des choses. Que si je ne parviens pas à l'atteindre, au défaut de science certaine je m'appuierai sur la conjecture, à l'exemple des médecins, qui quelquefois n'agissent pas autrement dans le choix des remèdes qu'ils conseillent aux malades. 9. Si je n'atteins pas ce quatrième degré, j'irai du moins au-delà du degré précédent, grâce au flambeau non seulement d'Aristophane, mais encore de Cléanthe. J'ai voulu aller plus loin que ceux qui se sont bornés à rechercher l'origine des mots créés par les poètes ; car il ne me semblait pas satisfaisant de rechercher l'origine d'un mot d'Ennius, et de négliger celle d'un mot du roi Latinus. La plupart des mots poétiques, en effet, sont plutôt faits pour mon plaisir que pour mon usage ; mais les anciens sont plutôt faits pour mon usage que pour mon plaisir. Les mots que nous a légués le roi Romulus ne sont-ils pas plus véritablement miens que ceux que nous a légués le poète Livius ? 10. Or, puisque les mots sont de trois espèces, latins, étrangers ou oblitérés, j'exposerai la raison des premiers et la dérivation des seconds, sans m'occuper de ceux dont la trace est perdue, en vous faisant part tantôt de mes découvertes, tantôt de mes conjectures. Dans ce livre je rechercherai l'origine des noms des lieux et des accesoires ; dans le livre suivant, des noms des temps, ainsi que des noms des choses qui se passent en mêmes temps; dans le troisième, de ces deux sortes de mots par rapport aux poètes. 11. Pythagore de Samos dit que le principe de toutes choses est double; qu'ainsi, par exemple que le fini et l'infini, le bien et le mal, la vie et la mort, le jour et la nuit, sont choses corrélatives et inséparables. Ainsi l'immobilité et le mouvement sont deux états corrélatifs. Ce qui se meut ou reste immobile, c'est le corps; l'espace où se meut le corps, c'est le lieu; la durée du mouvement c'est le temps; le mouvement, c'est l'action. Un exemple fera mieux ressortir cette quadruple division : le corps est comme le coureur; le lieu, comme le stade où il court; le temps, comme la durée de sa course; l'action, c'est comme la course. 12. De là vient que presque toutes les choses impliquent éternellement quatre parties : point de temps sans mouvement, puisque le temps en est le mesure; point de mouvement sans corps qui se meuve, et sans un lieu où le corps se meuve; point de corps qui se meuve, sans action. Donc tout principe implique les quatre idées de lieu, de corps, de temps et d'action. 13. A ces quatre idées correspondent quatre espèces de mots. Je traiterai sommairement dans ce livre de ceux qui servent à désigner les lieux et les choses que contiennent les lieux, en suivant les ramifications de leur parenté, car il en est des mots comme des arbres, qui poussent souvent leurs racines dans l'héritage voisin. Ainsi, lorsque, en parlant des lieux, je viendrai du mot ager (champ) au mot agrosus (homme riche en terres), ou agricola (laboureur), et je ne croirai pas m'écarter de mon chemin. Les sociétés des mots sont très nombreuses : ainsi Vinalia (fêtes ou l'on faisait à Jupiter des libations de vin nouveau) conduit à vinum (vin); Calabra, nom d'une curie, à calatio (convocation). [5,2] II. 14. Je commencerai par les lieux, et par conséquent par l'origine du mot locus. Le lieu (locus) est l'endroit où l'on peut placer (locare) quelque chose. Le mot collocare a aujourd'hui le même sens qu'autrefois, comme on le voit dans ce passage de Plaute: J'ai une fille nubile, qui n'a point de dot, et à qui je ne puis trouver de parti (inlocabilis); et dans cet autre d'Ennius : O terre de Thrace, où j'ai élevé (locavi) un temple à Bacchus au milieu de la ville. 15. Le lieu est aussi le point où l'on s'arrête : de là le mot locare, qui, dans les ventes publiques, signifie adjuger à celui dont l'enchère n'est point couverte. De là le mot locarium, qui désigne le prix du gîte dans une hôtellerie ou une taverne ; de là encore loci muliebres, pour désigner la matrice. [5,3] 16. Les lieux de la nature, suivant l'ancienne division, sont, en général, au nombre de deux, le ciel et la terre, lesquels se subdivisent en une infinité d'autres. On appelle cieux les lieux supérieurs, le séjour des dieux; et terres les lieux inférieurs, le séjour des hommes. Comme l'Asie, le ciel se prend dans deux acceptions. En effet, l'Asie désigne en général la contrée, qui n'est pas l'Europe, et qui comprend la Syrie; on entend aussi sous ce nom une partie de l'Asie, qu'on appelle Asie mineure, et dans laquelle se trouvent l'Ionie et notre province. 17. De même le nom de ciel désigne et cette partie élevée où sont les étoiles, et ce vaste espace que Pacuvius décrit dans le passage suivant : Vois cette sphère immense, au centre de laquelle est suspendue la terre, et que nous appelons ciel. Lucilius a adopté cette double division, qu'il indique au commencement de ses vingt et un livres: Je me propose d'étudier la saison féconde de l'éther et de la terre. 18. Ælius prétend que le mot coelum dérive de coelare (ciseler); ou, par antiphrase, de celare (cacher), parce qu'il est à découvert. Cette dernière étymologie est plus plausible que l'autre, parce que caelare viendrait plutôt de coelum que coelum ne vient de coelare; et même, sans recourir à une antiphrase, on pourrait dire que coelum dérive avec autant de raison de celare, parce que le ciel est caché pendant le jour, que parce qu'il n'est pas caché pendant la nuit. 19. Pour moi, je crois bien plutôt que chaos a forme choum, puis cavum, et enfin caelum, puisque le ciel, comme je l'ai dit, est une sphère concave, qui enveloppe la terre. Ainsi Andromaque dit à la Nuit: O toi qui parcours sur ton char étoilé la voûte du ciel; et Agamemnon : Sur le bouclier retentissant du ciel; car un bouclier est concave. Nous lisons encore dans Ennius : Les vastes voûtes du ciel. 20. Donc, de même que cavum a produit cavea (fosse, caverne), caullae (bergerie), convallis ou vallis convata (vallée creuse), ainsi coelum dérive de cavum, qui dérive à son tour de chaos, le chaos, d'ou, suivant Hésiode, sont issues toutes choses. [5,4] IV. 21. Terra (terre) vient, ainsi que le dit Aelius, de terere (broyer, frotter) : c'est pourquoi, dans les livres des Augures, on trouve ce nom écrit avec un seul R. De la même racine dérivent 1° territorium(territoire), nom des alentours publics des villes, parce qu'ils sont très fréquentés; 2° extermentarium, espèce de tunique, qui s'use au frottement du corps; 3° tritura, temps où l'on moud le blé, et trivolum, instrument propre à moudre le blé; 4° terminus (terme), nom des limites des champs, parce qu'elles confinent au chemin de passage. Dans certaines parties du Latium on ne dit pas terminus, mais termen, que l'on trouve dans Accius; et de là les Grecs ont dit g-termohn; peut-être même ce mot est-il d'origine grecque, car Evandre, qui vint s'établir sur le mont Palatin, était Arcadien. 22. Via (voie) vient de vehere (porter, charrier), de même que iter (passage) vient de ire (aller); actus, (droit de passage avec une bête de somme et un chariot), de vehere (conduire); ambitus de circumire (aller autour), car ambitus et circumitus (circuit) sont synonymes; et les interprètes des Douze Tables donnent à ambitus en parlant d'un mur, le sens de circuitus. Donc tera produit terra, et comme la surface de la terre est foulée par la plante du pied (solum), les poètes ont appelé solum cette partie extérieure de la terre. 23. Terra et humus sont regardés comme identiques: ainsi Ennius a dit, en parlant d'hommes tombés a terre: cubitis pinsibant (ils ont frappé de leurs coudes) humum, c'est-à-dire la terre. De la encore humatus, pour dtésigner un mort enterré, et inhumatus (qui n'a pas reçu la sépulture), pour désigner, suivant l'expression des pontifes, l'état du cadavre d'un Romain qui a été brûlé, mais qui n'a pas encore été couvert de la terre sépulcrale, ou dont la tête a été détachée pour servir aux purifications de la famille, laquelle est, pendant ce temps, considérée comme souillée. De là encore humilior, humillimus, pour désigner l'abaissement, parce que la terre est la plus basse partie du monde. 24. De humus vient humor (eau, humidité) : ce qui explique cette expression de Lucilius : la terre s'évapore en nuées et en pluie; et cette autre de Pacuvius : la terre exhale un air humide, c'est-à-dire imprégné de humus. De là, uliginosus ager (champ marécageux); udus, uvidus; de là, sudor, parce que la sueur dégoutte vers la terre. 25. De là vient peut-être puteus (puits), si ce n'est plutôt de ce que les Éoliens disaient g-pyteos, dérivé de g-potos au lieu de g-phrear; de même qu'ils disaient g-pytamos au lieu de g-potamos. De putei dérive le nom de la ville de Puteoli, parce qu'elle est entourée d'une grande quantité d'eaux froides et chaudes; à moins plutôt qu'il ne vienne de putor (puanteur), à cause des odeurs puantes de soufre et d'alun que la terre y exhale souvent. De putei dérive encore puticlio, sorte de fosses communes dans les environs des villes, à cause des morts qu'on y ensevelissait, ou plutôt puticulae, comme l'écrit Aelius, parce que c'était là que pourrissaient les cadavres des morts. Au-delà des Exquilies est un lieu public de cette espèce, que, dans une de ses comédies, Afranius appelle subluculi, parce que les cadavres y sont sans cesse exposés à la lumière du ciel. 26. Lacus (lac), grand bassin qui peut contenir de l'eau. Palus (marais), eau peu profonde (paululum), mais répandue visiblement (palam) sur un grand espace : stagnum (étang), du mot grec g-stergnon, qui n'a pas d'issue : aussi voit-on des étangs auprès des villae (fermes, métairies), parce qu'un bassin d'une forme ronde est plus propre à contenir l'eau qu'un bassin dont les bords sont à angles. 27. Fluvius et flumen (fleuve), ce qui coule, fluit : d'où ce qu'on lit dans la loi des héritages urbains : stillicidia fluminaque ut fluant ita cadantque. Il y a cette différence entre stillicidium (gouttière) et flumen, qu'une gouttière tombe goutte à goutte, stillatim cadit), et qu'un fleuve a un écoulement continu, fluit. 28. Amnis, de ambitus (circuit), courant d'eau qui entoure quelque chose : de là le nom d'Amiterniniens donné aux habitants des alentours d'Aterne. De là encore le mot ambire, servant à désigner l'action du candidat qui veut obtenir les suffrages du peuple, parce qu'il tourne autour des citoyens. Celui qui, dans ce cas, recourait à des moyens interdits par la loi, s'exposait à être accusé de ambitus indagabilis (brigue criminelle). Le Tibre est appelé amnis, parce qu'il roule autour du champ de Mars et de Rome. La ville d'lnteramne est ainsi nommée, parce qu'elle est située entre des fleuves (inter). Antemnes doit aussi son nom à ce qu'elle a devant ellle (ante) l'Anio, rivière qui se jette dans le Tibre. Antemnes est aussi un vieux terme de guerre, que l'usage n'a point sanctionné. 29. L'étymologie du nom du Tibre n'appartient pas à la langue latine, quoique ce nom s'y soit introduit; car ce fleuve a sa source hors du Latium. J'en dis autant du Volturne, qui sort du Samnium; mais, de même que du nom de ce fleuve nous avons nommé Volturnum la ville située dans son voisinage sur les bords de la mer, nom qui est arrivé jusqu'à nous comme un mot latin, ainsi nous avons fait Tiberinus de Tiberis. Nous avons en effet notre colonie Volturnum, et notre dieu Tiberinus. 30. Quant à l'origine du nom de Tibre, l'Étrurie et la Latium se le disputent : selon les Étrusques, Tibre viendrait du nom d'un petit roi de Véies, ville voisine, lequel s'appelait Thebris; selon les Latins, l'ancien nom du Tibre serait Albula, nom qu'il aurait perdu pour celui qu'il a aujourd'hui, en mémoire de Tiberinus, roi du Latium, mort dans les eaux de ce fleuve, qui est regardé comme son tombeau. [5,5] V. 31. De même que la nature entière est divisée en ciel et en terre, ainsi la terre est divisée en deux parties correspondantes aux deux régions du ciel, l'Asie et l'Europe. L'Asie s'étend au midi, vers l'Auster, et l'Europe au nord, vers l'Aquilon. L'Asie tire son nom d'une nymphe aimée de Japet, et mère de Prométhée. L'Europe doit son nom à la fille d'Agénor, que, selon Mallius, un taureau enleva de la Phénicie : enlèvement qui est le sujet d'un admirable ouvrage en airain de Pythagore, sculpteur, de Tarente. 32. L'Europe est habitée par un grand nombre de peuples. La plupart de ses contrées portent le nom de leurs habitants, comme Sabini et Lucani, ou un nom dérivé de celui du peuple, comme l'Apulie et le Latium. L'Étrurie, appelée aussi Tusci, a un nom de chaque espèce. Le territoire où régnait Latinus a été, en général, appelé Latium, et a reçu des surnoms particuliers, tels que celui de Praenestinus, à cause de la ville de Préneste, et d'Aricinus à cause d'Aricie. 33. Suivant nos augures publics, il y a cinq sortes de territoires, dont les différents noms sont : Romanus, Gabinus, Peregrinus, Hosticus, Incertus. Romanus dérive, comme Rome, de Romulus ; Gabinus dérive du nom de la ville de Gabies. Peregrinus, champ cultivé, séparé des deux territoires précédents, parce qu'on y prend les auspices d'une manière particulière. Le nom de peregrinus dérive de pergere (aller vers), parce que c'est là qu'on arrivait d'abord en venant du territoire romain. C'est pourquoi le territoire Gabinus est aussi peregrinus; mais parce qu'on s'y rend pour prendre des auspices particuliers, il forme une partie distincte. Hosticus dérive de hostis (ennemi). Le cinquième est appelé Incertus, parce que sa qualité est indéterminée, et participe à celle des quatre autres. [5,6] VI. 34. Ager (champ, territoire), de agere (conduire, mener), désigne une terre où l'on va et d'où l'on revient, avec ce qui est nécessaire à la culture; ou, selon d'autres, du mot grec g-agros. Du même mot agere on a fait actus, pour désigner le lieu par lequel on passe avec bête de somme et chariot. La plus grande largeur du passage, appelé actus, a été fixée à quatre pieds, peut-être en considération du quadrupède avec lequel on a le droit de passer ; sa longueur a cent vingt pieds, et sa contenance a cent vingt pieds carrés. Les anciens ont adopté en beaucoup de choses le nombre 12, qui est, par exemple, le nombre des décuries. 35. Jugerum (arpent) dérive de iungere (joindre), parce qu'il se compose de la réunion des deux actus carrés. Le nom de centuria (centurie) fut originairement employé pour désigner cent arpents, puis pour en désigner deux cents, de même que tribus (tribus) sert à désigner les divisions du peuple au-delà de trois. De même que actus désigne le lieu par où l'on peut passer avec une bête de somme et un chariot, ainsi via (voie) dérive de vehere (charrier); villa (ferme, métairie) désigne le lieu où les fruits sont transportés (convehebantur), iter (passage) dérive de ire (aller), et semita (sentier) désigne un chemin où l'on marche à l'étroit et, pour ainsi dire, à demi. 36. On dit qu'un champ est cultus (cultivé), parce que les semences s'incorporent (coalescunt) avec la terre. Incultus (inculte) s'explique de même en sens contraire. De ce que l'usage était originairement de recueillir (capere) les fruits dans la plaine, on lui a donné le nom de campus (champ); mais, depuis, la culture s'étant étendue aux lieux qui la dominent, on appela ces lieux colles (collines), de colere (cultiver). Quant aux terrains que les propriétaires ne pouvaient cultiver, à cause des bois ou d'autres obstacles, mais où ils pouvaient faire paître leur bétail, l'usage auquel on les employait leur fit donner le nom de saltus. Les Grecs disent g-nomai, de g-nemoh (paître), d'où est venu notre mot nemora. 37. Fundus (fonds de terre) dérive de fundamentum (fondement), parce qu'un champ est, en quelque sorte, un fondement de bestiaux et d'argent; ou bien de fundere (répandre, produire), parce qu'il produit beaucoup de fruits annuellement. Vineta et vineae, vignobles, dérivent de vitis (vigne) et multa (abondantes), vitis (vigne), de vinum (vin), qui dérive de vis (violence) ; et de là vindimenia (vendange), de demere (ôter, cueillir), et de vitis. Seges (moisson), de satus, qui vient de semen (semence). Semer veut dire chose qui n'est pas pleinement ce qu'elle est ensuite; et de là seminaria (pépinière), sementis (semaille), et d'autres mots de la même espèce. Fruges désigne ce que la moisson produit (fert); fructus (fruit) vient de frui (jouir), spicae (épis) de spes (espérance), culmus (tige) de culmen (sommet, élévation), parce que la tige se balance au-dessus du champ. 38. Area (aire) désigne le lieu où le blé coupé est battu et sèche (arescit). La ressemblance a fait donner le même nom à certains lieux vides de la ville. Ara (autel) a peut-être la même étymologie, à moins plutôt qu'il ne dérive de ardor (ardeur), l'autel étant la place du feu des sacrifices ; et, dans ce dernier cas, area et ara diffèrent peu, puisque la sécheresse a pour cause l'ardeur du soleil. 39. On appelle champ restibilis celui que l'on cultive et resème chaque année (restuiitur ac reseritur); et novalis, de novare (changer, mettre en jachère), celui dont la culture est intermittente. Arvus (champ labouré) et arationes (id.) viennent de arare (labourer) ; sulcus (sillon), de ce que le fer de la charrue soulève la terre (sustulit); porca (sillon de terre) de proicere (jeter devant). 40. Prata (prés) vient de parare, parce qu'ils sont préparés sans travail. Le nom de rura a été donné aux champs, parce qu'il faut chaque année recommencer le même travail, pour recueillir de nouveaux fruits (rursum). « Siccius s'empresse, dit Sulpicius, de concéder au peuple une vaste étendue de champs (rura) pour une place publique. » Praedia (héritages) et praedes (biens hypothéqués) viennent de praestare (fournir, donner), parce qu'ils garantissent, à titre de gage, la foi du vendeur. [5,7] 41. Là où est aujourd'hui Rome, était autrefois le Septimontium ainsi nommé à cause des sept montagnes que Rome a depuis renfermées dans son enceinte. Au nombre de ces montagnes est le Capitole, qui a été ainsi appelé parce que, dans le même lieu ou l'on jetait les fondements du temple de Jupiter, on trouva, dit-on, une tête d'homme (caput). Cette montagne se nommait auparavant Tarpéienne, du nom de la vestale Tarpeia qui y périt sous les coups des Sabins, et y fut ensevelie, comme l'atteste encore maintenant le nom de roche Tarpéienne donné à une partie du Capitole. 42. La même montagne était originairement appelée Saturnienne, nom qu'Ennius a étendu à toute la contrée. On lit que dans l'antiquité on y voyait une ville appelée Saturnia, dont il reste encore aujourd'hui trois vestiges : un temple de Saturne dans les gorges de la montagne ; une porte nommée actuellement Pandana, et qui, selon Junius, s'appelait Saturnia, et était située au même endroit ; et enfin le nom de postici (de derrière), qui, dans les lois privées sur les édifices, est donné aux murs adossés au temple de Saturne. 43. Le nom de l'Aventin a plusieurs étymologies. Naevius le fait dériver de aves (oiseaux), parce que c'est là que les oiseaux se rendent des bords du Tibre ; d'autres veulent que ce mont ait été ainsi appelé du nom d'un roi Albain qui y aurait été enseveli ; d'autres enfin tirent ce nom de adventus (arrivée), parce que les Latins y venaient adorer Diane dans un temple commun, consacré à cette déesse. Je crois plutôt que ce nom dérive d'advectus, parce qu'autrefois ce mont était entouré de marais, et qu'on ne pouvait s'y rendre de la ville que sur des bateaux, comme semblent l'indiquer le nom de Vélabre, que porte aujourd'hui le lieu par où se faisait le transport, et la chapelle Vélabre, qu'on voit à l'extrémité de la nouvelle voie, à l'endroit du débarquement. 44. Vélabre vient de vehere (transporter ). Faire passer l'eau moyennant un salaire se dit aujourd'hui velaturam facere. Merces vient de mereri (acquérir) et de aes (cuivre, monnaie). Le prix du transport était de trois deniers ou quart de l'as. Ainsi on lit dans Lucilius : quadrantis ratiti (d'une pièce à l'effigie d'un navire), par allusion au transport dont je parle. [5,8] 45. Rome était originairement divisée en vingt-sept parties, comme l'atteste le nombre égal des lieux consacrés à la sépulture des Argiens. On croit que ce nom d'Argiens remonte à l'époque où l'Hercule argien vint, avec d'autres chefs, s'établir dans la terre de Saturne, au lieu où Rome fut bâtie. De ces différentes régions, la première est appelée Suburane, la seconde Exquiline, la troisième Colline, la quatrième Palatine. 46. La région Suburane est dominée par le mont Caelius, ainsi nommé de Caelius Vibennus, célèbre chef tusque, qui vint, dit-on, avec sa troupe secourir Romulus contre le roi Tatius. Plus tard ces auxiliaires, après la mort de leur chef, furent, dit-on, forcés par les Romains de descendre dans la plaine, parce qu'ils occupaient un lieu fortifié, qui les rendait suspects. De là le nom de Tusque, donné à un quartier de Rome où l'on voit la statue de Vertumne, divinité principale de l'Étrurie. Suivant la même tradition ceux des compagnons de Caelius qui n'avaient point paru suspects obtinrent la permission de résider dans un lieu appelé Caeliolus, qui fait aujourd'hui partie du Caelius. 47. A ce mont touchent les Carènes, qui renferment un lieu appelé Céroliensis, comme l'atteste l'inscription du quatrième sanctuaire de la quatrième région Ceriolensis, quarticeps circa Minerva etc. Ce lieu, d'abord appelé Carènes à cause de sa contiguïté, fut ensuite nommé Cerolia, parce que c'est là, près de l'oratoire de Strénia, que commence la voie Sacrée, qui aboutit à la citadelle (arx), par où les sacrificateurs passent tous les mois pour se rendre à la citadelle, et par laquelle les augures, venant de la citadelle, ont coutume d'inaugurer. On ne connaît communément de la voie Sacrée que la partie où l'on commence à monter en venant du forum. 48. A la même région appartient Subure, quartier ainsi nommé, parce qu'il est situé sous le mur de terre des Carènes. Dans ce quartier se trouve le sixième oratoire des Argiens. Junius fait dériver le nom de subure de sa situation sous l'ancienne ville (sub urbe); et en effet ce quartier s'étend au-dessous du mur, appelé mur Terreus. Pour moi, je crois plutôt qu'il faut dire Sucussa, et non Subure, nom dérivé du bourg Succusanus; car aujourd'hui encore, dans les inscriptions, la troisième lettre est un C, et non un B. Le bourg Succusanus est ainsi nommé, parce qu'il vient après les Carènes (succurrit). 49. Le nom de la seconde région, Exquiles, vient, selon les uns, de excubiae, parce que c'était là que campaient les sentinelles du roi Tullius; selon d'autres, de excolere (cultiver), parce que Tullius avait fait cultiver ce lieu; selon d'autres enfin, de aesculetum (chênaie). Cette dernière étymologie est la plus plausible; car on trouve, dans le voisinage, un bois Facutalis, un bois des Lares, un sanctuaire dit Querquetulanus, un bois dit Mefitis et de Junon Lucine. Tout cela est renfermé dans un espace étroit : ce qui ne doit pas étonner; car depuis longtemps la soif de posséder ne connaît plus de bornes. 50. Les Exquilies sont regardées comme formant deux montagnes, ainsi qu'on le voit encore aujourd'bui dans les livres sacrés, où, d'après leur ancien nom, les deux parties de cette région sont appelées, l'une mont Oppius, l'autre mont Cespeus. On lit dans les livres sacrés des Argiens: Le mont Oppius, dominant les Exquilies au-delà du bois Facutal, à gauche après le mur. - Le mont Oppius, en deçà du bois Exquilin, à droite dans le Tabernola. - Le mont Oppius, en deçà du bois Exquilin; à droite dans le quartier Figalinus. - Le mont Cespius, en deçà du bois Poetilis... aux Exquilies. - Le mont Cespius, près du temple de Junon, où habite ordinairement un gardien commis à la garde du temple. 51. La troisième région contient cinq collines qui ont reçu leurs noms de cinq temples, et dont les plus célébres sont les collines Vimimale et Quirinale. La colline Viminale est ainsi nommée de Jupiter Viminus, à qui on y a élevé des autels: suivant quelques-uns, de vimineta (oseraie). La colline Quirinale doit son nom au temple de Quirinus, ou, suivant quelques étymologistes, aux Quirites, qui vinrent de Cures à Rome avec Tatius, et établirent leur camp sur cette colline. 52. Le nom de Quirinale a effacé ceux des autres régions contiguës; on trouve dans les livres sacrés des Argiens plusieurs autres noms de collines, qui sont oubliés aujourd'hui : colline Quirinale, etc.; colline Salutaire, etc.; colline Martiale, etc.; colline Latiare. Ces dieux ont en effet dans la même région des autels qui portent leurs noms. 53. La quatrième région, le Palatium, est ainsi appelée, ou des Palatins, qui accompagnaient Évandre, ou des Palatins aborigènes qui vinrent du territoire de Réate, appelé Palatium, et s'établirent dans cette region. Selon d'autres, elle doit son nom à Palante, épouse de Latinus, ou rappelle le bêlement des troupeaux qu'on y faisait paître : ce qui expliquerait le nom de Balatium que lui donne Naevius. 54. Auprès du Palatium étalent le Germalum et Vélies, suivant ce qui est écrit : germalense, etc ; veliense, etc. Le nom de Germalum rappelle l'exposition des frères (germani) Romulus et Rémus, qui furent trouvés dans ce lieu sous le figuier ruminal, où le débordement du Tibre les avait transportés. Entre autres étymologies du nom de Vélies, on le fait dériver de vellera (toisons), parce que c'est Ià que les pâtres Palatins venaient arracher (vellere) la laine de leurs brebis, avant qu'on eût inventé l'art de les tondre. [5,9] IX. 55. Le territoire romain fut originairement divisé en trois parties, d'où le nom de tribus (tribus) des Tatienses, des Ramnes et des Lucères, ainsi appelées, selon Ennius, de Tatius, de Romulus, et, selon Junius, de Lucumon. Or, tous ces noms sont tusques, comme le disait Volnius, qui a composé des tragédies tusques. 56. Le nom de tribu fut aussi donné à cinq parties de Rome qui, suivant les lieux, furent appelées Suburane, Palatine, Exquiline, Colline, et Romilie (sub Roma, sous Rome). Les trente autres reçurent de même différents surnoms, dont j'ai indiqué l'origine dans le livre des tribus. [5,10] X. 57. Voilà ce qui regarde les lieux et leurs accessoires : je vais maintenant parler de ce qu'ils contiennent. Je traiterai des choses immortelles et mortelles, mais d'abord des immortelles. Les principaux dieux sont le Ciel et la Terre. Ce sont les mêmes que le Sérapis et l'Isis des Égyptiens, quoique Harpocrate commande, avec son doigt, de garder le silence sur Isis. Le Latium adorait les mêmes dieux sous les noms de Saturne et de Ops. 58. Car la Terre et le Ciel, comme l'enseignent les mystères des Samothraces, sont les grands dieux, dont je viens de citer les noms divers, et qu'il ne faut pas confondre, comme le fait le vulgaire, avec Castor et Pollux, dieux mâles, dont on voit les statues d'airain exposées publiquement dans la Samothrace : ces grands dieux sont mâle et femelle. Ce sont encore ceux qui sont appelés dans le livre des Augures, les dieux qui ont la puissance, nom que leur donnent les Samothraces, g-theoi g-dynatoi. 59. Le Ciel et la Terre correspondent à l'âme et au corps. Le corps a pour éléments l'humide et le froid ou la terre, et l'âme a pour essence la chaleur ou le ciel, selon ce que dit Ennius : L'oiseau produit l'oeuf, mais l'âme, qui vivifie l'oeuf, a un principe divin; ou Zénon de Citium, qui prétend que la semence des animaux n'est pas autre chose que le feu, c'est-à-dire, l'âme, la vie. La chaleur vient du ciel, parce que le ciel est rempli de feux innombrables et immortels : ce qui a fait dire à Épicharme, au sujet de l'âme humaine: C'est un feu émané du soleil, lequel est une pure âme. L'humide et le froid émanent de la terre (humus), comme je l'ai expliqué plus haut. 60. Le ciel et la terre ont tout produit, par le mélange du froid avec le chaud et du sec avec I'humide. Aussi est-ce avec beaucoup de justesse que Pacuvius a dit : L'éther accouple l'âme; et qu'Ennius a dit aussi : La terre, qui est le corps s'ouvre pour concevoir l'âme, et n'éprouve aucune perte. La séparation de l'âme et du corps étant pour les êtres vivants une sortie de la vie (exitus), on a appelé la mort exitium, de même que l'on a donné le nom d'initium à la naissance, c'est-à-dire à l'union de l'âme et du corps (quom in unum ineunt). 61. C'est pourquoi tout corps, lorsqu'il est trop chaud ou trop humide, périt ou demeure stérile, comme on peut le remarquer dans les deux saisons contraires de l'année : en été, l'air est brûlant et l'épi se dessèche ; en hiver, la nature, refroidie et humide, attend pour produire le retour du printemps. Le feu et l'eau sont donc les deux causes de la naissance : c'est pourquoi on les dépose au seuil des nouveaux mariés comme symbole de l'union. Le feu représente la nature mâle, parce qu'en elle est la semence; et l'eau représente la nature féminine, parce qu'en elle est l'humidité qui développe le fruit de la conception. 62. Vénus est le lien qui unit ces deux éléments : de là ce mot d'un poète comique : huic victrix Venus, videsne haec? ce qu'il ne faut pas entendre dans le sens de vincere (vaincre), mais dans le sens de vincire (lier) ; car victoire est un mot qui vient lui-même de vincire, parce que ceux qui ont le dessous sont, en quelque sorte, liés. La poésie, qui donna le Ciel pour père à la Victoire et à Vénus, atteste la commune origine de leurs noms. ?n effet, de l'antique mariage qui unit (vinxit) le Ciel et la Terre, naquit la Victoire. On la représente avec une couronne et une palme, parce que la couronne est le lien de la tête, et parce que la palme déploie de chaque côté des feuilles d'égale grandeur, unies entre elles avec symétrie : d'où est venu le mot vieri, qui a la même signification que vinciri (être lié), et qu'on trouve dans le Sota d'Ennius : Ils allaient voluptueusement tresser une couronne, symbole d'amour. 63. Suivant les poètes, Vénus naquit de l'écume de la mer, mêlée à une semence de feu tombée du ciel : ce qui donne à entendre que la puissance de Vénus consiste dans l'union du feu et de l'eau. Du mot vis (puissance, force) est issu le mot vita (vie), comme le dit Lucilius : La vie, c'est la force (vis), qui nous fait faire tout. 64. Le ciel étant le principe de toutes choses, Saturne fut ainsi nommé de satus (génération, semence) ; et comme il est aussi le feu, on présente des cierges aux vieillards. La terre fut appelée ops, parce que tout travail se fait sur la terre, et qu'on a besoin d'elle (opus) pour vivre; et de là le nom de mère donné à Ops et à la Terre. La terre, en effet, suivant Ennius, enfante tous les animaux, les alimente, et les recueille, après la mort, dans son sein. Elle a été nommée Cérès, parce qu'elle porte des fruits (gerit), le C étant autrefois ce qu'est aujourd'hui le G. 65. Jupiter et Junon sont encore les mêmes dieux que le Ciel et la Terre. Notre Jupiter, dit Ennius, est le même dieu que les Grecs appellent g-Aehr, c'est-à-dire le vent qui engendre les nuées, puis la pluie; d'où sort le froid, qui ramène le vent ou l'air. Or tout cela a été appelé Jupiter, c'est-à-dire le dieu qui fait vivre (juvat) les hommes et tous les animaux. Comme tout vient de lui et relève de lui, le même poète l'a appelé le père et le roi des dieux et des hommes. Le nom de pater (père) vient de patere (se manifester), parce que du père sort la semence, qui produit la conception et la vie. 66. L'ancien nom de Jupiter confirme cette étymologie; car on l'appelait anciennement Diopis et Diespiter, c'est-à-dire père du jour. De là les noms de Dies et Divos, et les expressions sub divo, Dius Fiditus. C'est pourquoi son temple est ouvert par le haut, afin que par cette ouverture on puisse voir le ciel (divom). Quelques-uns prétendent qu'il n'est pas permis de jurer par lui dans un édifice couvert, Suivant Aelius, Dius Fidius veut dire fils de Diovis, de même que le surnom de g-Dioskoros, fils de Jupiter, que les Grecs donnent à Castor. Le même auteur pense que ce dieu est le Sancus des Sabins, et l'Hercule des Grecs. Jupiter est encore appelé Dis pater, en tant que dieu des lieux bas de la terre, où tout retourne après la vie; et comme il préside à la fin de l'existence (ortus), on l'appelle aussi Orcus. 67. De même que Jupiter est le ciel, la terre, son épouse, a été nommée Junon, parce qu'elle concourt avec lui à la vie (iuvat), et reine, parce que toutes les choses terrestres sont sous sa puissance. 68. Le soleil est ainsi nommé, ou parce que les Sabins rappelaient de ce nom, ou parce que seul (solus) il produit le jour. La lune tire son nom de lucere (luire), parce qu'elle luit seule pendant la nuit. C'est pourquoi elle est appelée Noctiluca sur le Palatium, où son temple resplendit pendant la nuit. De même qu'on a donné le nom d'Apollon au soleil, on a donné celui de Diane à la lune. Le premier est grec, et le second latin. La lune est aussi nommée Diviana, parce qu'elle parcourt le ciel en haut et en large. Ennius, dans son Épicharme, l'appelle encore Proserpine, parce qu'elle se cache souvent dans le sein de la terre. Le nom de Proserpine exprime le mouvement qu'elle décrit à droite et à gauche, comme un serpent ; car serpere et proserpere étaient autrefois synonymes, comme on le voit dans Plaute : Quasi proserpens bestia. 69. Les Latins semblent aussi lui avoir donné le nom de Junon Lucine, ou parce qu'elle est la terre, suivant les physiciens, et parce qu'elle luit; ou parce que, depuis le moment de la conception jusqu'à celui de l'accouchement, la lune aide au développement de l'enfant (iuvat) pendant un certain nombre de mois : de sorte que le nom de Junon Lucine aurait été formé de iuvare et de lux ( lumière). C'est pourquoi les femmes en mal d'enfant l'invoquent comme la mère des mois et la déesse tutélaire de la naissance. Les anciens ont sans doute en vue ces rapports ; car autrefois les femmes étaient dans l'usage de consacrer leurs sourcils à cette déesse comme l'offrande la plus agréable qu'elle pût recevoir, la partie du corps qui reçoit la lumière étant naturellement la plus digne de Junon Lucine. 70. Ignis (feu) dérive de gnasci (naître) parce que le feu produit tout ce qui naît. C'est pourquoi la chaleur est un des éléments de la vie et le froid un signe de mort. Volcanus (Vulcain dieu du feu) tire son nom de vis (violence). Comme la nature du feu est de briller, fulgere (briller) a donné naissance à fulgor ou fulgur (éclair), fulmen (foudre), et fulguritum (ce que les dieux irrités ont frappé de la foudre). 71. Lympha rappelle le mot écoulement de l'eau (lapsus lubricus). La fontaine Juturna attire les malades par l'appât de son nom, qui dérive de juvare (aider, soulager). Des divers noms des fontaines, fleuves, et autres eaux, ont été formés ceux des dieux qui y président, comme Tiberinus de Titieris (Tibre), Velinia du lac Velinus, Lymphae Commotiae du mouvement (motus) qu'éprouve l'île du lac Cutiliensis. 72. Neptune a été ainsi nommé de nubere, qui chez les anciens signifiait se voiler, se couvrir, et d'où est dérivé nuptus, nuptiae (noces), parce que la mer couvre la terre, comme les nuages couvrent le ciel. Salacia (reflux), de salum (mer agitée); venelia (flux), de vendre (venire) et du mot ventus, qu'on lit dans Plaute ; Quod ibi dixit, etc. 73. Bellone, autrefois Duellone, dérive de bellum (guerre), qui a remplacé l'ancien mot duellum. Mars est ainsi appelé parce que dans la guerre il préside aux mâles (maribus), ou par dérivation de Mamers, nom sabin. Quirinus, de Quirites; virtus (vertu), de virilitas, virilité, force de l'homme; honos (honneur), de honus ou onus (fardeau). C'est pourquoi on appelle honnête ce qui est pesant, comme dans cette sentence : C'est un fardeau que l'honneur qui soutient la chose publique. Castor est un mot grec. Le nom de Pollux, qui vient du grec, se voit écrit Polluces, g-Polydeukehs dans les anciens livres latins. Concordia (concorde) vient de cor, cordis (coeur), et de congruere (qui sympathise). 74. Feronia, Minerva, Novensides, sont des noms sabins. Hercule, Vesta, Salut, Fortune, Fons, Fides (foi), sont aussi des noms d'origine sabine. Les autels elevés à Rome par le roi Tatius portent également des noms qui sentent la langue des Sabins. On voit, en effet, dans les annales, qu'il en éleva à Ops, à Flore, à Vedius, Jupiter et Saturne, au Soleil, à la Lune, à Vulcian, à Summanus, à Larunda, à Terminus, à Quirinus, à Vertumne, aux Lares, à Diane et Lucine. Quelques-uns de ces noms tiennent des deux langues, comme des arbres plantés sur les confins de deux héritages mêlent et entrelacent leurs racines. Le nom de Saturne, en effet, peut avoir dans notre langue une autre cause que dans celle des Sabins; ainsi de Diane et des autres divinités dont j'ai parlé plus haut. [5,11] XI. 75. Voilà ce qui regarde les êtres immortels : passons maintenant aux êtres mortels. Parmi ces derniers sont les animaux aériens, aquatiques et terrestres. Je commencerai par ceux qui hahitent la région la plus élevée. Leur nom général est aves (oiseaux), de ala (aile), et volucres, de volatus (vol). On les divise en plusieurs espèces, dont le plupart tirent leur nom de leur cri, comme la huppe, le coucou, l'hirondelle, la chouette (ululo), le hibou (bubo), le paon, l'oie (anser), le poule (gallina), la colombe. 76. Les noms de quelques autres ont d'autres causes, comme noctua, parce que l'oiseau qu'on appelle ainsi veille et chante pendant la nuit; lusciniola, parce que le chant plaintif (luctuosus) du rossignol rappelle les malheurs et la métamorphose de Progné. Ainsi galeritus (cochevis) et motacilla (hoche-queue) sont les noms de deux oiseaux, dont l'un a le tête surmontée d'une plume qui ressemble à un chapeau (galerus), et l'autre a la queue toujours en mouvement. Le merle est ainsi appelé, parce qu'il vole seul (mera) ; au contraire, le geai (graculus) tire son nom de ce que cette espèce d'oiseaux vole en troupe (gregatim), comme certains troupeaux que les Grecs appellent g-gargara. Ceux qu'on appelle ficedula (bec-figue) et miliariae (linot), ont été ainsi nommés, parce que les uns se nourrissent de figue et les autres de millet. [5,12] XII. 77. Les noms des animaux aquatiques sont en partie latins, en partie étrangers. Murena (lamproie), cybium, thunnus (thon), melandrya et uraeon, sont entièrement grecs. La plupart des poissons doivent leurs noms à quelque ressemblance avec des choses terrestres : anguilla (anguille), lingulaca (sole), sudis; d'autres à leur couleur : asellus (merlus), umbra, turdus; d'autres à une certaine propriété : lupus (loup), canicula (chien de mer), torpedo (torpille.) Les noms de quelques coquillages sont également grecs, comme peloris (palourde), ostreae (huîtres), echinus (hérisson). Ceux qui sont latins tirent leur origine de quelque ressemblance, comme : surenae, pectunculï, ungues. [5,13] XIII. 78. II y a quelques animaux amphibies, dont les uns ont des noms grecs, comme : polypus, hippopotamos, crocodilos; et les autres des noms latins, comme : rana, (grenouille), à cause de son coassement; anas (canard), qui dérive de nare (nager), et mergus, qui vient de mergere (plonger), parce que cet oiseau plonge dans l'eau pour y chercher sa proie. 79. Il y a encore d'autres noms, ou dérivés du grec, comme querquedula (cercelle), de g-kerkouris ; halcedo (alcyon), de g-halkyohn, ou latins, comme testudo, parce que la tortue est couverte d'une écaille épaisse (testa) ; lolligo, poisson volant, dont le nom s'écrivait autrefois volligo, de volare. Dans le Latium, comme en Égypte, il y a des quadrupèdes amphibies, que nous appelons lytra (loutre) et fiber (bièvre) : le premier, parce qu'il scie, dit-on, les racines des arbres sur la rive et les coupe, ??e? ; le second, parce qu'il a coutume de se montrer sur les bords du fleuve, et que chez les anciens fiber signifiait extrémité : d'où fimbriae, extrémité de la saie, et fibra, fiber, extémité du foie. [5,14] XIV. 80. Je parlerai d'abord de ce qui regarde les hommes, puis les animaux domestiques, puis les bêtes sauvages. Je commencerai par les titres publics. Le nom de consul désigne le magistrat chargé de consulter le peuple et le sénat, à moins plutôt qu'il ne faille entendre consulere dans le sens que lui donne Accius dans son Brutus : qui recte consulat, consul fuat. Ici consulere signifie juger avec sagesse. Le préteur est ainsi nommé, parce qu'il préside (praeit) à la justice et aux armées, d'où cette expression de Lucilius: L'office du préteur est de marcher devant. 81. Le nom de censeur désigne le magistrat à l'arbritage duquel (ad censionem) le recensement du peuple est commis; le nom d'édile, celui à qui est confié le soin des édifices sacrés et privés. Le nom de questeur dérive de quaerere, parce que la fonction du questeur était de percevoir les impôts et d'informer des délits : fonction qui a été depuis conférée aux triumvirs. Plus tard, le même nom de questeurs fut donné aux magistrats chargé des jugements qui ordonnent la question. Les tribuns des soldats furent ainsi appelés parce que chacune des trois tribus des Ramnes, des Luceres et des Titienses envoyait à l'armée un homme revêtu de cette fonction. Ce même nom fut donné aux magistrats chargés de protéger le peuple parce que, lors de la retraite à Crustumerium, les premiers tribuns du peuple furent des tribuns militaires. 82. Le nom de dictateur dérive de dictum, parce que tout le monde était tenu d'obéir à la parole de celui que le consul investissait de la souveraine puissance. Le maître de la cavalerie a été ainsi nommé, parce qu'il exerce une souveraine autorité sur la cavalerie et sur les officiers, de même que le dictateur exerce une universelle autorité sur le peuple, et a été aussi appelé pour cette raison maître du peuple. Les autres fonctionnaires publics ont été nommés magistrats, parce que leur autorité est inférieure à celle de ceux qu'on appelle maîtres (magistri), de même que de albus (blanc) on a fait albatus (blanchi). [5,15] ?V. 83. Le nom de sacerdos (prêtre, sacrificateur) dérive de sacra (choses sacrées). Suivant le souverain pontife Quintus Scaevola, pontifices (pontifes) dérive de posse (pouvoir) et facere (faire). Je crois plutôt que ce nom vient de pons, pontis (pont). Ce sont en effet les pontifes qui ont construit pour la première fois (car il a été souvent reconstruit) le pons sublicius, où, des deux côtés du Tibre, on célébre des sacrifices solennels. Le nom de curiones désigne les prêtres qui font les sacrifices dans les curies. 84. Les flamines ont été ainsi appelés parce que, dans le Latium, ces prêtres avaient toujours la tête voilée, entourée d'un fil. Ils ont différents surnoms, suivant les divinités qu'ils servent. De ces surnoms, les uns ont une dérivation manifeste, comme Martialis, Volcanalis; les autres sont d'une origine obscure, comme Dialis et Furinalis, quoique Dialis vienne de Jupiter, qu'on appelle aussi Diovis, et que Furinalis vienne de Furina, qui, suivant les Fastes, a donné lieu aux fêtes Furinales. II en est de même de Falarer, surnom du flamine consacré ou dieu Falacer. 85. Le nom des Saliens dérive de salitare, ces prêtres étant dans l'usage et l'obligation de danser au milieu du comice, dans les sacrifices qui s'y célébrent annuellement. Les Luperques ont été ainsi nommés de Lupercal, lieu où ils font leurs sacrifices. Les frères Arvales sont les prêtres qui font des sacrifices pour obtenir la fertilité des champs, et leur nom dérive de ferre (porter, produire) et arva (champs); selon d'autres, il dérive de fratria, mot grec qui désigne une certaine partie de la société, une confrérie, et qui est encore usité dans ce sens à Naples. Les prêtres qu'on appelle sodales Titii ont tiré leur nom des pigeons ramiers, dits aves Titiae, qu'ils consultent dans des augures particuliers. 86. Les féciaux sont ainsi appelés parce qu'ils présidaient à la foi publique entre les nations, comme arbitres de la guerre et de le paix. Avant la déclaration de guerre, des féciaux étaient députés pour demander satisfaction; et c'est encore aujourd'hui par eux que se conclut le traité de paix, foedus, qui, suivant Ennius, se prononçait fidus. [5,16] XVI. 87. Dans l'ordre militaire, le nom de préteur désigne celui qui marche à la tête de l'armée (praeit). Le titre d'imperator fut donné au général victorieux, qui avait vengé l'injure faite par l'ennemi à l'empire du peuple. On appela legati ceux qui étaient choisis publiquement, lecti, pour assister de leurs soins et de leurs conseils les magistrats en tournée, ou pour être les messagers du peuple et du sénat. Le nom d'exercitus (armée) dérive d'exercitare, parce que l'exercice aguerrit le soldat; celui de legio (légion), de legere, (choisir, enrôler). 88. Cohors (cohorte) désigne la réunion de plusieurs manipules, par un emploi métaphorique du même mot, qui au propre signifie la réunion de plusieurs bâtiments, appelée villa, et dérive de coercere, parce qu'on retient les troupeaux dans l'enceinte de la métairie. Cependant Hypsicrate prétend que ce mot, appliqué a une maison des champs, vient de g-chortos (herbage), qu'on trouve dans les poètes grecs. Manipulus, de manus (poignée d'hommes), désigne la plus petite division de l'armée, marchant sous un seul étendard ; centurie, une troupe de cent hommes, marchant sous la conduite d'un seul chef, appelé centurion. 89. Originairement la légion se composait de trois mille hommes, dont chacune des tribus Titiensis, Ramnensis et Lucerensis envoyait un tiers : de là le nom de milites (soldats). On appela hastati ceux qui combattaient, en tête de l'armée, avec la lance; pilani, ceux qui combattaient avec le javelot; principes, ceux qui combattaient, au premier rang, avec l'épée. Depuis, la tactique militaire ayant changé, ces dénominations sont devenues moins importantes. Les pilani furent aussi nommés triarii, parce qu'ils combattaient au troisième rang et soutenaient (subsidebant) l'arrière-garde : de là le mot de subsidium, et la signification que Plaute donne au mot subsidere dans ce passage : Allons, prétez-moi tous main-forte (subsidite), comme font les triaires. 90. Auxilium (secours) a été formé de auctus (augmentation), parce que les auxiliaires étrangers augmentent la force de l'armée. Praesidium (garnison), de praesidere (être placé devant), désigne ceux qui sont placés hors du camp, pour en protéger les alentours. Obsidere (être auprès) a produit obsidium (siège), qui désigne la présence d'une armée campée auprès d'une ville, pour empêcher les habitants d'en sortir. Obsidium peut aussi venir de abscidere (couper), les assiégeants étant dans l'habitude de couper toute communication à l'ennemi pour l'affaiblir. On a appelé duplicarii ceux à qui l'usage est d'accorder double ration de vivres en récompense de leur courage. 91. Turma, formé de terima par suite du changement de l'e en u, vient du mot ter (trois fois), parce que l'escadron ainsi nommé était composé de trente cavaliers (ter deni), fournis par les trois tribus Titiensis, Ramnensis et Lucerensis. C'est pourquoi les chefs de chaque décurie furent appelés décurions, et sont encore aujourd'hui au nombre de trois dans chaque escadron. Ceux que les décurions choisissaient (adoptabant) pour aides de camp furent nommés optiones. Ce sont aujourd'hui les tribuns qui les élisent, à cause des brigues auxquelles le choix donnait lieu. Tubicines (qui sonnent de la trompette) vient de tuba (trompette) et de canere (chanter). Liticines (qui sonnent du clairon) a la même origine. Ceux qui sonnent du clairon et du cor pour appeler les classes à l'assemblée des comices, et qu'on appelle classici, tirent leur nom de classes (division du peuple). [5,17] XVII. 92. Parmi les noms qui servent à désigner la fortune et la condition, il y en a quelques-uns dont l'origine est assez obscure, comme pauper (pauvre), dives (riche), miser (misérable), beatus (bienheureux), etc. Pauper vient de paulus (petit), et lar (lare, foyer) ; mendicus (mendiant) de minus, parce que ce dont on a besoin est moins que rien. Dives, de divus, parce que celui qui est riche semble, comme un dieu, n'avoir besoin de rien ; opulentes, de ops, parce que l'homme opulent a tout en abondance. Inops (qui manque), copis et copiosus (abondant), dérivent du même mot : pecuniosus (qui a beaucoup d'argent) de pecunia (argent), qui vient de pecus (bétail). Ces mots ont pour origine pastor (pâtre), pascere (paître). [5,18] XVIII. 93. Les artistes tirent en général leur nom de l'art qu'ils exercent. Ainsi medicus (médecin) dérive de medicina (art de la médecine), sutor (cordonnier) de sutrina ( métier de cordonnier), et non des verbes mederi (guérir) et suere (coudre), qui ne sont que les extrémités de la racine des noms des arts ou métiers auxquels ils se rapportent. Je ne m'arrêterai pas sur cette sorte d'étymologie, qui n'a rien d'incertain. 94. Il en est de même de praestigiator (charlatan), monitor (souffleur), nomenclator (nomenclateur), cursor (coureur), natator (nageur), pugil (athlète qui se bat à coups de poing). Les mots de cette espéce ont, pour la plupart, une origine manifeste, comme legulus (qui cueille des fruits)... L'un vient de olea (olive), l'autre de uva (raisin); vindemiator (vendangeur), vestigiator (chasseur) venator (veneur) ont quelque chose de plus obscur. Cependant vindemiator ne peut venir que de legere vinum (recueillir le vin), ou de demere vinum de vili (ôter le vin de la vigne); vestigiator, de vestigia indigare ferarum (poursuivre la trace des bêtes sauvages) ; venator, de ventus (venue), qui se rattache à adventus (arrivée) et inventus (découverte). [5,19] XIX. 95. Passons des hommes aux bestiaux. Pecus (bétail), d'où dérive pecunia, parce que la richesse des pasteurs consistait uniquement dans leur bétail, a une double origine : perpascere (paître) et pes (pied). Le pied est, en effet, la base sur laquelle repose ce qui est debout. Ainsi on appelle pes magnus (grand pied) l'aire d'un édifice. On dit encore que celui qui a commencé une chose a posé le pied. Par la même raison, pes a donné naissance à pecus, à pedica (lacet) et pedisequus (valet de pied). De là le nom de paeculia, servant à désigner les taureaux et les brebis, ou toute autre chose de cette nature ; car c'est en cela que consiste principalement le pécule. De là encore le nom de péculat, vol des deniers publics, parce que l'amende consistait autrefois en troupeaux. 96. Les bestiaux dont on tire le plus grand fruit sont les mêmes en Italie qu'en Grèce. Sus (porc) vient de g-hys; bos (boeuf), de g-bous; taurus (taureau), de g-tauros; ovis. (brebis), de g-ois, mot ancien, qui a été remplacé par g-probaton, qui est moderne. Il est possible que ces mêmes mots doivent leur origine, en latin comme en grec, au cri de ces animaux. Armenta (troupeau de gros bétail) dérive de arare (labourer), parce que les boeufs sont principalement destinés au labourage : de là arimenta, qui, par suite du retranchement de la troisième lettre, a produit armenta. Vitulus (veau) vient ou de l'ancien mot grec g-italos, ou de vegetus (bien portant, vigoureux), vigitulus, vitulus; juvencus, de juvare (aider, servir à), parce que le jeune taureau peut déjà servir au labourage. 97. Capra (chèvre) vient de carpere (brouter), d'où caprae omnicarpae; ircus (bouc), du mot sabin fircus, de même que edus (chevreau), qu'on écrit à Rome, et en beaucoup d'autres lieux, aedus, du mot sabin fedus. Porcus (porc) a aussi une origine sabine, qui est aprimo porcopor, à moins plutôt qu'il ne vienne du grec; car on lit dans les livres sacrés d'Athènes g-kaproh g-kai g-porkoh. 98. Aries (bélier) vient de l'ancien mot grec g-arehn, auquel correspond, chez les Latins, celui de arviga, d'où arvignus. Les victimes appelées arviges sont celles dont on fait cuire les entrailles dans une chaudière et non à la broche, comme on le voit dans Accius et dans les livres des pontifes. On appelle arviga la victime qui a des cornes, parce que le bélier, qu'on a châtré, n'en a pas : d'où le nom de vervex (mouton), ainsi appelé parce que sa nature a été, pour ainsi dire, renversée (versa). 99. Agnus (agneau) vient de agnasci (naître auprès) ; catulus (petit chien), de catus (fin), à cause de son odorat subtil : d'où le mot canis (chien), à moins que cet animal n'ait été ainsi appelé parce que, comme la trompette et le cor, il semble donner le signal (canere), ou parce que, soit en gardant la maison de nuit et de jour, soit en chassant, il donne le signal par ses aboiements. [5,20] XX. 100. Parmi les noms des bêtes sauvages, plusieurs sont également étrangers, comme panthera (panthère), leo (lion), et pantheris (panthère femelle), leaena (lionne) qui sont des mots grecs. Panther et leaena, noms d'une espèce de filets, ont la même origine. Tigris (tigre), nom d'une sorte de lion bigarré, qui n'a pas encore pu être pris vivant, est un mot arménien. Chez les Arméniens, en effet, ce mot désigne une flèche et le fleuve de ce nom, ainsi appelé à cause de sa rapidité. Dans la Lucanie, le nom de l'ours a la même origine que celui des habitants; dans le Latium, le nom de cet animal est imité de son cri. Camelus (chameau) est un mot qui nous est venu de la Syrie avec l'animal de ce nom, comme celui de camelopardalis (girafe), nom d'un quadrupède semblable au chameau pour la forme, et tacheté comme la panthère, qu'on a tout récemment amené d'Alexandrie. 101. Apri (sangliers) vient de asper (âpre), parce que ces animaux vivent dans les bois, à moins qu'il ne dérive du mot grec g-kapros. Caprea (chevreuil), nom formé de capra, à cause de la ressemblance du chevreuil avec la chèvre. Cervi (cerfs), de gervi, mot employé par plusieurs auteurs, le g ayant été changé en c parce que les cerfs ont de grandes cornes. Lepus (lièvre) a pour origine g-leporis, mot grec usité dans quelques parties de la Sicile. Les Sicules, suivant nos anciennes annales, étant issus de Rome, il est possible qu'ils aient porté ce mot en Sicile, après l'avoir laissé ici. Volpes (renard) dérive, suivant Aelius, de volare (voler) et de pes (pied). [5,21] XXXI. 102. Après les animaux viennent les plantes, (virgulta) qui, sans être animées, sont vivantes. Virgultum vient de viridis (vert), qui dérive de vis (force, vertu), et désigne cette nature humide, sans laquelle la plante se dessèche et meurt. Vitis (vigne) dérive de vinum, parce que la vigne produit le vin ; malum (pomme, fruit), du mot grec éolien g-malon; pinus (pin) .... juglans (noix, fruit du noyer), de Jupiter et de glans (gland), parce que ce fruit, qui est très bon et très gros (optumus rnaximus), a été consacré à Jupiter, et ressemble à un gland avant d'être écalé. Nux (noix) vient de nox (nuit), parce que le suc de la noix noircit les mains, de même que la nuit obscurcit le ciel. 103. Les noms des plantes des jardins sont tantôt étrangers et tantôt indigènes. Au nombre des premiers sont ocimum (basilic), menta (menthe), ruta (rue), que les Grecs appellent aujourd'hui g-pehganon, caulis (chou), lapathium (oseille), rapum (rave), anciennement g-raphos et aujourd'hui g-raphanos, serpillum (serpolet), rosa (rose), où l's a remplacé le d, coriandron (coriandre), malachen (sorte de mauve), cyminon (cumin). De même lilium (lis) vient de g-loiron, malva (mauve) de g-malacheh, et sisumbrium (sorte de menthe) de g-sisymbrion. 104. Parmi les mots d'origine latine, je citerai latuca (laitue), qui dérive de lac (lait), parce que ce légume a du lait; brassica (chou), de praesicare, parce qu'il se dessèche peu à peu par la tige; asparagi (asperges), de asper (âpre), parce qu'on les récolte dans les broussailles, et parce que la tige de l'asperge est âpre et rude : à moins que ce mot ne vienne du grec g-asparagos; cucumeres (concombres), de curvor (courbure), comme qui dirait currvimeres. Fructus (fruits), dérivé de ferre (porter), désigne tout ce que produit un fonds pour la jouissance du possesseur, ut fruamur. De là fruges (biens de la terre) et frumentum (froment). Frumentum peut encore venir de mola, gâteau composé de sel et de blé moulu (far molitum), qu'on plaçait sur Ies entrailles de la victime. Uvae (raisins} a pour racine uvor (humidité). [5,22] XXII. 105. Je passe aux choses qui sont l'ouvrage de la main de l'homme, comme le vivre, le vêtement, les instruments, et tous les accessoires. Les aliments, le plus ancien est celui qu'on appelle puls (bouillie), mot dérivé du grec, ou, suivant Apollodore, du bruit que fait cette espèce d'aliment, quand on le jette dans l'eau bouillante. Le pain (panis) doit son nom à la forme qu'on lui donnait autrefois, et qui était celle d'un peloton de laine (panus). Depuis on a adopté d'autres formes. De panis et de facere (faire) on a formé panificium (boulangerie). Du même mot panis est issu panarium, qui désigne le lieu où l'on serre le pain ; de même que granarium, où l'on serrait le grain de froment. 106. Hordeum (orge) vient de horridus (hérissé); triticum (froment), de tritus (broyé); far (farine), de farcire, parce que la farine remplit la boulangerie; milium (millet), du mot grec g-melineh; libum (sorte de gâteau), de libare (offrir à une divinité), parce qu'on le déposait sur l'autel avant de le manger; testuatium (sorte de gâteau), de testu, vase de terre où l'on faisait cuire ce gâteau, comme le font aujourd'hui les dames romaines dans les fêtes appelées matralia; circulus (petit gâteau rond, composé de farine, de fromage et d'eau, de circuitus (circuit). 107. Ceux qui ne réussissaient pas à bien façonner ce gâteau reçurent le nom de lixulae ou semilixulae, qui est d'origine sabine : aussi ces deux mots sont-ils très usités chez les Sabins ; globus, gâteau en forme de boule, composé d'une poignée de farine délayée dans de l'huile, doit son nom à sa rondeur. Crusta, espèce de croûte qui se forme sur la bouillie et qu'on enlève comme une peau (ut corium exuitur), a produit crustulum (galette). La plupart des autres noms d'aliments ont été empruntés à la langue grecque, comme thrion et placenta. 108. Ce qu'on mangeait avec la bouillie fut appelé pulmentum, mot qui se trouve dans Plaute, et d'où a été formé pulmentarium. Le premier aliment de ce genre, le fromage (caseus), est dû aux bergers, et signifie lait coagulé (lac coactum). Plus tard, lorsque Ie goût de la simplicité naturelle se fut affaibli, ils firent cuire les fruits qui pouvaient perdre leur crudité; et du mot olla (chaudière) se forma celui d'olera (légumes), qui dans la suite désigna abusivement les fruits qui étaient crus, comme ceux qui ne l'étaient pas. Le légume appelé rapa (rave), par abréviation de ruapa, a été ainsi nommé parce qu'on l'arrache de terre (eruitur) pour le cuire. Olea (olive) vient du mot grec g-elaia. La grosse olive a été appelé orchitis, du nom attique g-orchis. 109. Je passe aux noms qu'on a donnés à la chair des bestiaux. Comme le porc, dont la chair est appelée suila, chaque animal a donné son nom à sa chair. On distingue la chair rôtie, la chair bouillie, et la chair cuite dans son jus. Les hommes ont dû observer la même succession dans la manière de se nourrir. Assum (chair rôtie) dérive de assudescere, parce que la chair sue lorsqu'elle est soumise à l'action du feu. Uvidum vient d'humidum (humide), et ce qui n'est point humide manque de suc : d'où le mot sudare, c'est-à-dire distiller l'humidité; et de même que crudum signifie ce qui a trop d'humidité, excoctum signifie ce qui a peu de suc. Elixum (chair bouillie) dérive de liquor (eau) ; et ex jure (chair cuite dans son jus) désigne la nature agréable (jucundum) d'une chair succulente. 110. Succidium (morceau de porc salé) vient de sus (porc) et de caedere (tuer), parce que l'usage est de tuer d'abord cet animal, et de le saler ensuite pour le conserver; tegus (peau du porc), de tegere (couvrir); perna (jambon), de pes (pied). Offula, diminutif de offa, désigne une partie de la panse. Insicia (saucisse) vient de caro (chair) et insecta (coupée), mot qui se retrouve dans le chant des Saliens, et servait autrefois à désigner la partie des entrailles qu'on appelle aujourd'hui prosectum ; murtatum (cervelas), de murta, parce que le cervelas est rempli de baies de myrte. 111. On appelle chair de Lucanie et ventre de Falisque deux sortes de boudins, dont nos soldats ont appris la recette chez les Lucaniens et les Falisques. Fundolum (sorte de boudin) vient de fundus (fond), parce que le boyau du boudin n'a qu'une seule lssue : ce qui l'a probablement fait appeler chez les Grecs g-typhlon g-enteron (intestin aveugle, bouché). Du mot fartura (action de farcir) on a formé farcimina, nom d'une partie des entrailles des victimes, préparées de la même manière. Les boudins ou saucissons faits avec les petits intestins du porc furent appelés hila, de hilum (petit point noir au bout de la fève de marais), mot dont s'est servi Ennius : neque dispendi facit hilum (elle n'éprouve aucune perte). Comme le boudin est terminé par un noeud qui a quelque ressemblance avec la houppe d'un bonnet (apex), on a donné à ce nœud le nom de apexabo. Il y a encore une sorte de boudin qu'on appelle longavo, parce qu'il est plus long que deux saucissons (hila). 112. Augmentum, de augere (mettre sur l'autel), désigne la partie du foie de la victime immolée, que l'on coupe pour la brûler sur l'autel. Magmentum (mets de surcroît) dérive de magis (plus), parce qu'il est plus particulièrement en usage dans certains sacrifices. C'est pourquoi on a élevé dans des lieux particuliers des autels, appelés magmentaris où l'on offre aux dieux cette espèce de mets. Matteae (mets délicats) vient du mot grec g-mattuai. De même chez les Grecs… [5,23] XXIII. 113. Lana (laine) est un mot grec, qu'on trouve dans Polybe et dans Callimaque. Purpura (pourpre) tire son nom de la couleur de la pourpre marine ; et poenicum, variante de purpura, dérivé de Poenus (Carthaginois), rappelle le nom du peuple à qui on en doit l'importation. Stamen, de stare (s'arrêter), désigne le fil qui sert de chaîne au tisserand; subtemen, le fil qui passe au-dessous de celui qui sert de chaîne. Trama (vêtement de drap fin) dérive de transmeare (traverser), parce que le froid pénètre cette espèce de vêtement; densum (tissu serré), de dens (dent), parce que le tissu est frappé par les dents du peigne du tisserand. Filum (fil) a pour racine hilum (petit point noir au bout de la fève de marais), le fil étant la plus petite partie du vêtement. 114. Pannus (drap) est grec. Panuvellum (navette), mot formé de pannus (drap) et de volvere filum (filer, tisser); tunica (tunique) de tueri (protéger), ou de induere (vêtir), par corruption de induca; toga (toge), de tegere (couvrir) ; cinctus (ceinture d'homme) et cingulum (ceinture de femme), de cingere (ceindre). [5,24] XXIV. 115. Arma (armes) vient de arcere (écarter, repousser) ; parma (bouclier), de par (égal), à cause de l'égale distance de tous les rayons du centre du cercle à la circonférence ; conum (cône), de cogere (rétrécir, rapprocher), parce que cette figure se rétrécit et se termine en pointe; asta (lance), de astare (se tenir droit), parce que cette arme se porte verticalement; jaculum (javelot) de jacere (jeter); tragula (hallebarde), de traicere (traverser) ; scutum (sorte de bouclier), de sectura (coupure), comme qui dirait secutura parce que ce bouclier est formé de plaques très minces; umbones (convexité du bouclier), vient du grec g-ambohn. 116. Gladius (glaive) vient de clades (destruction), le c ayant été changé en g; pila (trait, javelot), par contamination de perilum, dérivé de ferire (frapper); lorica (cuirasse), de lorum (cuir), parce que la cuirasse était faite de bandes de cuir. Depuis, tout en gardant le même nom, la cuirasse fut faite à la manière des Gaulois, en mailles de fer. Balteum (baudrier), ceinture de cuir ornée par des clous, appelée bulbae. Ocrea (bottine) vient de crus, parce qu'elle entoure la jambe; galea (casque), de galerus, bonnet de peau qui était fort en usage dans l'antiquité. 117. Tubae (trompettes) vient de tubus (tube), nom que ceux qui sonnent de la trompette dans les sacrifices donnent encore aujourd'hui à cet instrument, cornua (cors), de cornu, parce que les instruments d'airain qu'on appelle ainsi aujourd'hui étaient anciennement faits de cornes de bœuf; vallum (retranchement), de varicare (écarter les jambes), parce que personne ne peut les franchir, ou de la forme des pieux des palissades où l'extrémité, terminée en pointe de fourche, ressemble à un v; cervi (chevaux de frise), à cause de la ressemblance avec des cornes de cerf. Les mots vineae (vigne), testudo (tortue), aries (bélier), instruments de guerre, ont la même similitude. [5,25] XXV. 118. Cilliba était anciennement le nom de la salle à manger. Elle était carrée, comme celles dont on se sert encore aujourd'hui dans les camps. Ce mot dérive de cibus (nourriture). Depuis on a adopté la forme ronde. Mensa dérive peut-être du mot grec g-mesa (placée au milieu), ou bien de mensus (mesuré), parce que la plupart du temps les aliments sont mesurés. Trulla (petite cuiller à pot), diminetit de trua, d'où le mot grec g-tryehlehn. Trua, de travolare (voler au-delà), parce que cette cuiller sert à verser l'eau de la cuisine dans l'évier. Du même mot est issu truleum, autre sorte de cuiller à pot qui a le même forme, mais qui est plus large, et dont le manche n'est pas creux celle qui sert à verser le vin. 119. De matula (sorte de vase) a été formé matellio, nom auquel l'usage a substitué celui de aqualis (de aqua, eau), depuis que la forme du matellio eut cessé de ressembler à celle du vase matula. On a donné le nom de futis, de infundere (verser), au vase destiné à recevoir l'eau qu'on apportait dans la salle à manger. Le temps introduisit deux autres vases, dont l'un est appelé nanus, nom grec, et l'autre barbatus, dont la forme est grecque, et le nom latin. Pelvis (bassin), abréviation de pedeluis, a été formé de pes (pied) et lavare (laver). Candelabrum (candélabre), de candela (chandelle), parce qu'il soutient des torches ardentes. Plus tard on a formé le mot lucerna (lampe) de lux (lumière) ou du mot grec g-lychnon. 120. Les vases qu'on place sur la table à manger ont reçu différents noms. Celui dans lequel on servait la bouillie ou quelque autre mets liquide a été nommé catinus, de capere, contenir, ou du mot grec g-katinon, nom d'une sorte de plat ou les Siciliens servent la viande rôtie. Deux autres vases ont été appelés, l'un magida à cause de sa grandeur (magnitudine), l'autre langula à cause de sa largeur (latitudine). Patina (plat), formé de patulus (large, évasé), a pour diminutif patella (assiette). Tryblia (écuelle) et canistra (corbeille), qui passent pour être latins, sont d'origine grecque : on dit en effet g-tryblion et g-kanoun. Je laisse de côté d'autres mots dont l'origine grecque est évidente. [5,26] XXVI. 121. La table ronde, où l'on met le vin, a été appelée cilibantum, nom encore usité dans les camps. Ce nom paraît dérivé du grec g-kylikeion, g-kylix. Capis et son diminutif copula, noms d'une espèce de coupes, de capere (prendre), parce qu'elles avaient des anses, au moyen desquelles on Ies prenait. On voit encore aujourd'hui parmi les vases sacrés quelques-unes de ces anciennes coupes en bois et en terre. 122. Il y a aussi des coupes appelées patera, dont le nom dérive de patulus (large, évasé). On s'en sert encore aujourd'hui dans les festins publics, en mémoire des usages antiques, lors de la création des magistrats; et c'est dans une coupe de cette forme que, dans les sacrifices, le magistrat offre le vin aux dieux. Poculum dérive de potio (action de boire), d'où le fréquentatif potatio et repotia (repas du lendemain des noces). Ces mots peuvent encore venir du mot grec g-potos, potio. 123. Aqua (eau) dérive de aequus, parce que sa surface est plane. Fons (source, fontaine) désigne le lieu d'où l'eau vive s'épanche (funditur), de même que fistula désigne le tuyau par lequel l'eau se répand (fusus). Le grand vase à vin fut nommé sinum, de sinus (sein, concavité), parce qu'il était plus profond que les coupes ordinaires. On a donné aussi le nom de lepesta au vase destiné au même usage, que, dans les sacrifices sabins, on dépose encore aujourd'hui sur la table des dieux. J'ai trouvé dans les anciens écrivains grecs le nom de g-lepasteh, qui a probablement passé de là chez les Sabins et les Romains. 124. Ceux qui versaient le vin goutte à goutte ont créé le mot guttus, et ceux qui le prenaient goutte à goutte ont également formé de sumere (prendre) le mot simpulum. Ces deux vases ont été remplacés dans les repas par l'epichysis et le cyathus des Grecs; ce n'est que dans les sacrifices qu'on a conservé l'usage des vases nommés guttus et simpulum. 125. Il y avait une autre table pour les vases, qui s'appelait cartibulum : elle était en pierre, carrée, oblongue, et n'ayant qu'un seul pied. Dans mon enfance, on voyait dans plusieurs maisons, sous le compluvium, cette espère de table, sur laquelle étaient posés des vases en airain comme la table. De gerere (porter) on forma le mot cartibum, d'où plus tard celui de cartibulum. [5,27] XXVII. 126. Il y avait en outre une troisième table, également carrée, pour les vases, appelée urnarium, et sur laquelle on mettait dans la cuisine les urnes remplies d'eau : ce qui depuis a fait donner le même nom au vestibule des bains, où l'on plaçait ordinairement cette sorte de table. Le mot urna vient de urinare (plonger), parce qu'on plonge l'urne dans l'eau pour la remplir. 127. Imburvom, de urvum (courbure de la charrue), parce que ce vase se recourbe par en haut; calix (calice), de caldus, parce qu'on y versait la bouillie chaude ou quelque breuvage chaud. Le vase où l'on faisait cuire les aliments tira de coquere et de cibus le nom de caccabum. Veru (broche) dérive de versare (tourner). [5,28] 128. Sedere (s'asseoir) a produit sedes, sedile, solium, sella, seliquastrum, qui, à leur tour a donné naissance à subsellium. De même subripere désigne l'état d'un homme qui ne goûte pas ou ne goûte pas pleinement une chose, subsellium est un diminutif de sella. Un siège qui peut contenir deux personnes a été nommé bisellium. Arca désigne un coffre qui écarte les voleurs (arcet), parce qu'ils le trouvent fermé. Armarium (armoire) et armamentarium (arsenal) ont la même origine, mais par une dérivation différente. [5,29] XXIX. 129. Mundus muliebris (toilette, parure de femme) dérive de munditia (propreté). Ornatus (orné) a pour racines os (visage) et nasci (naître). C'est en effet du visage que les femmes ont leur principale beauté : de là l'usage des miroirs. Elles se servent aussi d'un fer chaud pour faire les boucles de leur chevelure : de là calamistrum, de calefacere. L'esclave chargé de ce soin fut appelé cinerarius (semblable à la cendre), parce qu'il plongeait le fer dans la cendre pour le faire chauffer. L'aiguille servant à partager les cheveux (discernere) fut appelée discerniculum. De explicare (démêler) vient le mot pecten (peigne) ; et de spectare (regarder, contempler), speculum (miroir). 130. Vestis (vêtement) vient de velum (voile) ou bien de vellus, toison, laine qui couvrait le corps de la brebis; vellus, de vellere (arracher). Lanea, faite de laine. Reticulum, résille propre à contenir la chevelure, de rete (filet), de raritudo (interstice) ; capital, (bandeau), nom de la bandelette qui servait à retenir les cheveux, et que les prêtresses portent encore aujourd'hui; rica, de ritus (rite), nom d'une sorte de voile dont, selon le rite romain, les femmes se couvrent la tête dans les sacrifices. La mitre (mitra), et la plupart des autres ornements de la tête dont le temps a introduit l'usage, tirent leurs noms de la langue grecque. [5,30] XXX. 131. Je vais toucher ce qui regarde les vêtements de dessous et de dessus (indutus et amictus). Je parlerai d'abord des premiers. Capitium, sorte de cape qui enveloppe la poitrine, de capere, pris dans le sens du verbe comprehendere, dont se servaient les anciens, c'est-à-dire contenir. Il y a deux vêtements de l'espèce appelée indutus : l'un nommé subucula, de subtus (dessous) ; l'autre, supparus, de supra (dessus), qui, du reste, est aussi un nom osque. Il y a de même deux vêtements de l'espèce appelée amictus : l'un nommé palla, de palam (extérieurement) ; l'autre intusium, de intus (intérieurement), dont parle Plaute : lntusiatam patagiatam (garni de clous d'or et de noeuds de pourpre) caltulam (robe de femme, de couleur jaune) ac crocotulam (robe de femme, couleur de safran). Le luxe a introduit beaucoup d'autres vêtements, dont les noms sont évidemment grecs, comme asbeston (a priv., g-sbennymi, consumer). 132. Amictus dérive de ambjectus, c'est-à-dire circumjectus (jeté autour). On appelle aussi circumjectus le manteau dont les femmes s'enveloppent par-dessus leurs vêtements ordinaires. La bande de pourpre qui entoure l'amictus lui a fait encore donner le nom de circumtextum (tissu autour). Ricinium était anciennement le nom du vêtement que nous appelons amictus, de rejicere, parce qu'on en rejetait la moitié en arrière, à cause de son ampleur. 133. Plus tard on en fit deux d'égale grandeur (par), d'où est venu le mot parilia, qui a produit pallia, l'r ayant été supprimé par euphonie :parapechia (habit de femme), chlamydes, noms grecs, ainsi que beaucoup d'autres. Laena (manteau des augures ou des soldats à la guerre), de lana (laine) : ce vêtement avait l'épaisseur de deux toges. Comme l'ancien ricinium des femmes, celui des hommes. était double. [5,31] XXXI. 134. Instruments rustiques, propres aux semailles ou à la culture. Sarculum, de serere (semer) et de sarrire (sarcler). Ligo (hoyau), de legere (recueillir), parce que cet instrument est très commode, à cause de sa largeur, pour extraire ce qui est sous terre. Pala (bêche), de pangere (enfoncer), l'L étant aujourd'hui ce qu'était autrefois le G. Rustrum (sorte de bêche), de ruere (soulever). 135. Aratrum (charrue), de arare (labourer). Vomer (soc de la charrue), de vomere (vomir), parce que le soc est la partie de la charrue qui projette la terre. Dens, pointe du soc, qui mord la terre. Stiva, de stare (se tenir droit), nom de l'ais qui surmonte la charrue. L'ais posé transversalement sur l'autre a été nommé manicula, de manus, parce qu'il est tenu par la main du bouvier. Bura, espèce de timon auquel on attelle les boeufs, de bubus (boeuf). D'autres appellent cette partie urvom, de curvus (courbe). La partie vide, où aboutit le timon entre les deux boeufs, est appelée cous, de cavus (creux). Jugum (joug) et jumentum (bête de somme), de iungere (joindre). 136. Irpices (râteau, herse), de serpere (serpenter, ramper), pièce de bois armée de dents, que les boeufs traînent comme un chariot, pour enlever les herbes qui serpentent sur la terre. On disait autrefois sirpices. Rastelli (serpette), instrument dont on se sert, après la fenaison, pour sarcler (radere). Rastri (râteau), instrument dont les dents raclent et soulèvent la terre, de ruere, rutum. 137. Falces (faux), de far (toute sorte de grains propres à faire de la farine), l'r ayant été changé en l. Dans la Campanie, cet instrument s'appelle secula, de secare (couper). La ressemblance a fait donner le nom de falces à des instruments destinés à un autre usage, tels que les faux appelées fenariae, de fenum (foin), et arboriae, de arbor (arbre), et les faux appelées lumariae et sirpiculae, dont l'origine est moins manifeste. Lumariae a pour racine lumecta (ronces), parce que cet instrument sert à couper (solvere, luere) les ronces, qui, de luere, ont été appelées lumecta. Sirpicula vient de sirpare (cercler, lier), parce que cet instrument sert à préparer les cercles des tonneaux. On en fait usage, dans les vignobles, pour façonner des ligaments, des échalas, etc. ; les Chersonésiens les appellent zanclae. 138. Pilum, qui sert à piler le blé, de pisere (piler), d'où pistrinum, nom du lieu où l'on pile le blé, à cause de l'affinité de l's et de l'l. De là les mots de pistrina (boulangerie) et de pistrix (boulangère), qu'on lit dans Lucilius, et qui sont utilisés dans Rome. Trapetes (pressoir à olives), de terere (broyer) ; peut-être ce mot est-il grec. Molae (meules), de mollire (amollir). Vallum (van), de volare, parce que le van fait envoler les choses légères. Ventilabrum (van), de ventilare (agiter). 139. Instruments propres à porter les fruits et les choses nécessaires. Fiscina (corbeille), de ferre (porter). Corbis (panier), son diminutif corbula, de corruere (jeter dedans). Tragula (charrette), de trahere (traîner). Sirpea (sorte de voiture en osier, propre à transporter du fumier ou autre chose de même nature, de sirpare (natter, tresser). 140. Vehiculum, chariot léger, propre à transporter des légumes, de vimen (osier), ou de vehere (charrier). Cette sorte de chariots est aussi appelée arcera, nom ancien qu'on lit dans les Douze Tables, et qui dérive de arca, parce que, d'après les Tables il était fait comme un coffre. Plaustrum (chariot), espèce de chariot, ainsi nommé de palam (ouvert), pace qu'il est ouvert de tous côtés et laisse voir ce qu'on charrie, comme pierres, planches, poutres. [5,32] XXXII. 141. Aedificia (édifices), nom commun à toutes sortes de bâtiments, et employé par synecdote comme beaucoup d'autres; car il dérive de aedes (temple). Oppidum (ville), de opes (force), parce qu'on fortifie une ville pour protéger les habitants, et parce qu'elle est nécessaire (opus est) pour les besoins de la vie publique. Moenia (fortifications), de munire (fortifier) Aggeres (remparts), de exaggerare (amplifier). Moerus (mur), de moenus (matériau pour les fortifications), dérivé de moenire (fortifier). 142. Pinnae, nom donné par métaphore aux créneaux des murs, à cause de leur ressemblance avec les aigrettes qui ornent les casques de nos soldats et ceux des gladiateurs samnites. Turres (tours), de torvus (qui fait saillie) parce que les tours s'élèvent au-dessus des autres édifices. Porta (porte), de portare (porter) car une porte étant un passage ouvert dans les murs aux choses qu'on porte dans la ville. 143. La fondation des villes se pratiquait dans le Latium comme beaucoup d'autres choses, selon les rites étrusques. Avant de construire la ville et le mur, on traçait un sillon avec une charrue attelée de bœufs, entre lesquels on plaçait un taureau et une génisse. C'était un lieu consacré par la religion; le jour était désigné par les auspices. On appelait fossé l'endroit où l'on avait extrait la terre, et mur le tas formé par la terre en deçà du fossé. La circonférence extérieure fut appelée principium; et la circonférence intérieure, postmoerum, point de circonscription des auspices urbains. L'amas de terre du pomerium subsiste encore autour d'Aricie et de Rome. De là la synonymie de oppidum et de urbs (ville). Urbs, en effet, dérive de orbis (cercle) et de urvum (courbe tracée par la charrue). C'est pourquoi, dans les livres anciens, toutes nos colonies portent le nom de urbes, parce qu'elles furent fondées comme la ville de Rome, c'est-à-dire enfermées dans une circonférence appelée pomerium. 144. La première ville romaine, fondée dans le Latium, fut Lavinium, asile de nos dieux pénates. Cette ville fut ainsi nommée de Lavinie, fille de Latinus, mariée à Énée. Trente ans après eut lieu la fondation d'Albe, ainsi nommée en mémoire d'une truie blanche (alba), qui s'était échappée du vaisseau d'Énée et réfugiée à Lavinium où elle avait mis bas trente petits. Le souvenir de ce prodige fit donner le nom d'Albe à la ville bâtie trente ans après le fondation de Lavinium et surnommée la Longue à cause de la disposition du lieu. Dans cette ville naquit Rhéa, mère de Romulus, dont le nom, dérivé de Rhéa, fut l'origine de celui de Rome. 145. Vicus (quartier d'une ville) vient de via (rue), parce que les deux côtés d'une rue sont bordés d'édifices. Fundula (impasse), rue sans issue, de fundus (fond). Angiportum (ruelle), de angustus (étroit) ou de agere (mener), et de portus, (passage). Forum de ferre, place où l'on porte ses procès ou ses marchandises. 146. Au nom de forum on ajouta différents surnoms, tirés de l'espèce de marchandises à laquelle une place était particulièrement affectée : de là le forum boarium (marché aux bœufs), le forum olitorium (marché aux légumes), qu'on appelait autrefols macellum. C'est le nom que les Lacédémoniens donnent encore aujourd'hui aux marchés, Les Ioniens donnent ce nom à l'entrée des jardins et des places fortes. Sur les bords du Tibre, auprès de Junius, il y a aussi le forum piscarium (marché aux poissons) ; ce qui a fait dire à Plaute : Apud piscarium ubi variae res. Dans le quartier des cornouillers est le forum cupedinis (marché aux comestibles), dont le nom vient de cupedium (friandises, mets délicats). Plusieurs disent cupidinis, qu'ils font dériver de cupiditas (désir). 147. Quand les marchands eurent adopté un seul et même lieu pour l'exposition et la vente des vivres, on construisit une halle qui fut appelée macellum, parce qu'auparavant il y avait là, suivant quelques-uns, un jardin, ou, suivant d'autres, une maison surnommée macellus, dont les magistrats avaient ordonné la destruction, et dont les ruines servirent à édifier ce marché, qui dut à cette origine le nom de macellum. 148. Il y a dams le forum un lieu appelé le lac Curtius, qui, suivant une tradition généralement adoptée, doit son nom à un nommé Curtius. Quant à la cause qui lui a fait donner ce nom, Procilius, Pison et Cornélius Stilon ne s'accordent pas entre eux. Suivant Procilius, la terre s'étant entrouverte en ce lieu, le sénat en référa aux aruspices, qui répondirent que la volonté des dieux mêmes était qu'un citoyen courageux se précipitât dans le gouffre. Alors un citoyen courageux, nommé Curtius, monta tout armé sur un cheval, et, partant du temple de la Concorde, s'élança avec son cheval dans ce gouffre, qui se referma sur lui, et, en devenant son tombeau, laissa à ses concitoyens le souvenir de son dévouement et de la puissance des dieux. 149. Pison raconte dans ses Annales que, pendant la guerre des Romains et des Sabins, un Sabin très courageux, nommé Metius Curtius, voyant Romulus, à la tête des siens, se précipiter sur lui d'un lieu élevé, se jeta dans un marais, qui couvrait alors le forum avant la construction des égouts, et regagna le Capitole, où se trouvait l'armée sabine : ce qui fit donner à ce marais le nom de Curtius. 150. Cornélius et Lutatius ont écrit que, ce lieu ayant été frappé de la foudre, le sénat ordonna qu'il fût entouré d'une clôture; et que cet ordre ayant été exécuté par le consul Curtius, collègue de Marcus Génutius, le lieu reçut le nom de Curtius. 151. Arx (citadelle) vient de arcere (repouser) parce qu'une Citadelle est le lieu le plus fortifié d'une ville, et d'où l'on peut le plus aisément repousser l'ennemi. Carcer (prison), de coercere (contenir, renfermer). La partie souterraine de la prison de Rome, qu'on appelle Tullianum, a été ainsi nommée du roi Tullius qui la fit creuser. On appelle aussi cette prison Latumia, par dérivation de latomiae, nom des prisons de Syracuse, ou de lapis (pierre), parce que ce lieu était originairement une carrière. 152. Une partie du mont Aventin a été nommée Laurentum, soit en mémoire du roi Tullius qui y fut tué par les Laurentes et enseveli, soit à cause d'un bois de lauriers, qui fut remplacé par des maisons, dont l'emplacement garda le nom de Lauretum, de même que le quartier situé entre la rue Sacrée et le marché a conservé celui de Corneta, à cause des cornouillers qu'on y avait coupés. Ainsi Esculetum vient de esculus (chêne); fagutal, de fagus (hêtre), d'où le surnom de Fagutalis donné à Jupiter, qui a dans ce lieu un petit temple. 153. Armilustrurn (lieu où se faisait la revue religieuse de l'armée) vient de ambire (aller autour) et de lustrum (purification, revue). Le même lieu a été appelé grand cirque, parce qu'on construisit autour (circum) un amphithéâtre pour les jeux, et qu'on y plaça des bornes, autour desquelles (circum) se font les courses solennelles de chevaux. C'est dans ce sens qu'Il faut entendre ce que l'auteur de la pièce intilulée Cornicularia fait dire à une troupe d'hommes, dont l'arrivée d'un soldat a interrompu les jeux « Pourquoi cesser nos jeux? voici notre cirque. » L'endroit de l'enceinte du cirque, d'ou l'on fait sortir les chevaux, s'appelle carceres. Naevius lui donne le nom d'oppidum. Carceres dérive de coercere, parce que c'est là qu'on retient les chevaux jusqu'à ce que le magistrat ait donné le signal. Ces écuries étant autrefois surmontées de créneaux et de tours, leur ressemblance avec les murs d'une ville a fait dire au poète : Dictator ubi... usque ad OPPIDUM. 154. L'intérieur du cirque est appelé ad Murcim, nom que Procilius faisait dériver de urceus (pot de terre), parce que ce lieu était entouré de potiers. Selon d'autres, il vient de murtelum, lieu planté de myrtes; et ce qui semble confirmer cette étymologie, c'est qu'il y a dans ce lieu un sanctuaire consacré à Venus Murtea. Le cirque Flaminien a été aussi appelé cirque, parce qu'il fut construit autour du champ Flaminius (circum), et parce que dans ce lieu il y a des bornes autour desquelles (circum) se font les courses de chevaux pendant la célébration des jeux Tauriens. 155. Comitium, lieu où s'assemblait le peuple par curies ou pour le jugement des procès, de coire (aller ensemble). Il y avait deux espèces de curies, celles ou les prêtres s'occupaient (curarent) des choses divines, comme les curies anciennes, et celles où le sénat s'occupait des choses humaines, comme la curie Hostilienne, bâtie par le roi Hostilius. Devant cette curie sont les Rostres, ainsi nommés de rostrum, parce qu'on y plaça les éperons de navires pris sur les ennemis. A droite des Rostres en venant du comice est un lieu appelé, par synecdoque Grécotase, où les députés des nations étrangères attendent les audiences du sénat. 156. Au-dessus du Grécostase on rencontre le Senaculum, lieu des assemblées du sénat, près du temple de la Concorde et de la basilique Opimia. Senaculum vient de senior (vieillard), de même que, chez les Grecs, g-gerousia, de g-gerohn. Lautolae, de lavare (baigner, laver), parce qu'il y avait là, près de Janus Géminus, des eaux chaudes, qui formaient autrefois un marais dans le petit Vélabre. Le nom du petit Vélabre venait, comme celui du grand Vélabre, dont j'ai parlé plus haut, de vehere (transporter), parce qui on traversait ce lieu sur des bateaux. 157. Aequimelium, nom de la place ou était la maison de Mélius, qui fut rasée en exécution de la sentence publique qui l'avait condamné comme coupable de haute trahison. L'Ossuaire Gaulois rappelle la délivrance de Rome et la défaite des Gaulois, dont les ossements furent rassemblés et ensevelis dans ce lieu. Près du grand égout est un autre lieu nommé Doliola, où il n'est pas permis de cracher, de doliolum, parce qu'il y a là des tonneaux cachés en terre. Il y a deux traditions sur le mystère de ce lieu : suivant les uns, il renferme des ossements; suivant d'autres, on y aurait enfoui, après la mort de Numa Pompilius, certaines choses qui avaient appartenu à ce roi, et que sa mémoire rendait sacrées. On n'est pas d'accord non plus sur l'origine du nom d'Argiletum, que les uns font dériver de celui d'un certain Argola ou Agrola, qui serait venu dans ce lieu, et y aurait été enseveli; les autres, de argilla, parce qu'en cet endroit la terre est argileuse. 158. La montée Publicius, ouvrage des édiles publics, doit son nom à son origine. Celles qu'on appelle Pullius et Cosconius ont également retenu le nom des intendants publics qui les avaient fait faire. La montée qui commence au temple de Flore s'appelle vieux Capitole, parce qu'il y a en cet endroit une chapelle consacrée à Jupiter, à Junon et à Minerve, et que cette chapelle est plus ancienne que le temple qui fut bâti sur le Capitole. 159. Vicus Africus, quartier des Exquilies, ainsi nommé parce que c'est là, dit-on, que, pendant les guerres Puniques, on garda les otages envoyés d'Afrique. Celui qu'on appelle Cyprius vient de cyprum, mot sabin qui veut dire bon, parce que les Sabins, après la réunion des deux peuples, s'établirent dans ce quartier et lui donnèrent ce nom, comme étant d'heureux augure. Auprès est le vicus Sceleratus, dont le nom rappelle l'attentat impie de Tulie, femme de Tarquin le Superbe, qui ordonna à son cocher de faire passer son char sur le cadavre de son père. [5,33] XXXIII. 160. Je passe des noms des quartiers à ceux des maisons. Domus est un mot grec, qu'on retrouve dans g-prodomos et g-opisthodomos, dont le premier désigne la partie des temples en deçà du sanctuaire, et le second, la partie qui est au-delà. Aedis (temple) vient de aditus, parce qu'on y allait de plain pied. C'est ce qui explique pour quoi, dans les funérailles, le crieur public se sert des mots ex aedibus efferri en annonçant sépulture du citoyen le plus pauvre, et pourquoi, dans le recensement, on donne le non d'aedes à toutes les maisons des champs. 161. On appelle cavum le lieu couvert d'une maison, qui est commun à tous les habitants de cette maison. Si ce lieu ne reçoit le jour d'aucun côté, il prend le nom de testudo, à cause des ressemblances avec le toit d'une tortue, comme dans le prétoire des camps. S'il est ouvert par le milieu, la partie basse où la pluie tombe s'appelle impluvium, et la partie haute sur laquelle la pluie tombe, compluvium. Ce lieu fut aussi appelé Tuscanicum, parce que la forme en avait été empruntée aux Tusques. Le nom d'atrium vient, pour la même raison, de celui d'Atriates, nom d'un peuple tusque. 162. Autour du Iieu appelé cavum étaient des chambres qui, selon l'usage auquel elles étaient destinées, reçurent différents noms : cella, de celare (cacher); penaria, de penus (provisions de bouche); cubiculum, de cubare (coucher); cenaculum, de cenare (dîner, souper), nom usité encore aujourd'hui dans le temple de Junon à Lanuvium, dans le reste du Latium, à Faléries, à Cordoue. Depuis qu'on a adopté l'usage de prendre ses repas dans le plus haut étage de la maison, cet étage reçut le nom général de cenaculum. Le cénacle ayant été ensuite distribué en plusieurs parties, il y eut, comme dans les camps, le quartier d'hiver, hibernum ... [5,34] XXXIV. 163. - - - Porcius dit qu'Ennius habita le lieu consacré à la déesse Tutilina. Vient ensuite la porte Naevia, ainsi nommée parce qu'elle se trouve dans les bois Naeviens : c'était là en effet qu'habitait Naevius. Puis la porte dite Rauduscula, parce qu'elle était en airain, raudus et aes sont synonymes, comme on peut le voir dans les anciennes lois sur la mancipation, où on lit: raudusculo libram ferito. Enfin la porte dite Lavernalis à cause du voisinage d'un autel dédié à la déesse Laverna. 164. En deçà des murs sont placées plusieurs portes. Sur le mont Palatin, la porte dite Mucion, de mugitus (mugissement), parce qu'on y faisait paître les bœufs autour de l'ancienne ville. La porte dite Romunala, de Roma (Rome), située dans la rue Neuve, et continuant par des degrés au sanctuaire de Volupia. 165. La troisième est la porte lanuale, près de la statue de Janus, et qui, d'après l'institution de Numa, ainsi que Pison nous l'apprend dans ses Annales, devait être toujours ouverte en temps de guerre. Elle ne fut fermée que deux fois, la premère sous Numa, et la seconde sous le consulat de Titus Manlius, après la première guerre punique. [5,35] XXXV. 166. Voici ce que que j'ai découvert sur l'origine des noms des lits. Lectica (litière), de legere (rassembler, amasser), parce qu'une litière était faites d'herbe et de paille, comme celle des soldats dans les camps. Lecti (lits), de lignum (bois), parce qu'on les dressait sur des planches, pour éviter la fraîcheur de la terre, ou venant de l'ancien mot grec g-lektron. La litière a encore un autre nom, segestria, dérivé de seges (champ de blé), et usité encore aujourd'hui dans les camps, à moins plutôt qu'il ne vienne du mot grec g-stegastron (ce qui sert à couvrir). Feretrum (funéraire) vient également du mot grec g-pheretron. 167. L'espèce de lit appelé culcita, dont l'usage s'introduisit plus tard, a tiré son nom de calcare (fouler), parce que ce lit était formé de paille ou de jonc, ou de quelque autre chose de cette nature. Tout ce qu'on étendait dessus a été appelé stragulum, de sternere. Pulvinar (coussin) dérive de plures ( plusieurs) ou de populi (de petite dimension); operimentum (couverture), de operire (couvrir). Operculum, nom donné aux vêtements (pallia) qui servent de couverture de lit, a la même origine. Plusieurs de ces vêtements ont des noms étrangers, comme sagum (saie), reno, qui sont gaulois, et comme gaunacum, amphimallum,qui sont grecs. Mais toral (sorte de couverture) est latin, et vient de torus (lit), qui à on tour dérive de torvus, parce qu'un lit est apparent. C'est par analogie qu'on a donné le nom de torulus à un ornement de tête dont les femmes font usage. 168. Le simple marchepied servant à monter sur un lit très bas a été appelé scabellum, de scandere. Scamnum, qui désigne un marchepied servant à monter sur un lit un peu plus élevé, a la même racine. Un marchepied qui a deux échelons a été nommé gradus, de gerere, parce qu'il transporte de haut en bas. g-peristrohmata et g-peripetasmata sont des mots grecs, ainsi que quelques autres, servant à désigner les couvertures dont on se sert dans les repas, comme gausape. [5,36] XXXVI. 169. La monnaie a plusieurs noms. Elle est de cuivre et d'argent. As (livre de douze onces) vient de aes (cuivre); dupondius (monnaie de deux livres), de duo (deux), et pondus (poids) la livre ou as se nommait assipondium. De as on a formé les noms singuliers centussis (pièce de cent as), tressis ( pièce de trois as), nonussis (pièce de neuf as). 170. Au-delà de dix, on dit decussis (pièce de dix as), bicessis (pièce de vingt as), tricessis (pièce de trente as), et ainsi proportionnellement jusqu'à cent. Au-delà de cent, le nom d'as n'entre plus dans la formation des noms de nombre, et ducenti (deux cents), trucenti (trois cents), ne désignent pas plus des as que des deniers, ou toute autre chose. 171 . La plus petite partie de la monnaie de cuivre s'appelle sextula, parce qu'elle est la sixième partie de l'once. Semuncia (demi-once) mot composé de uncia (once) et de se, qui signifie moitié, comme dans selibra (demi-livre) et semodius (demi-boisseau). Uncia, de unus (un) ; sextans (sixième partie de l'as), de sextus; quadrans ( quart de l'as), de quartus; triens (tiers de l'as ); de tertius ; semis (demi-as), contraction de semias; septunx (sept onces), de septem. 172. Lee autres noms des parties de l'as sont un peu obscurs, à cause de la contraction des initiales et des finales, comme deunx (un as moins une once), dextans (un as moins un sixième ou dix onces), dodrans (un as moins un quart ou neuf onces ), et bes, autrefois des, (un as moins un tiers ou huit onces). 173. Nummus, nom de la monnaie d'argent, est un mot qui nous vient de la Sicile. Denarius (denier, valant dix as), de decem (dix) ; quinarius (pièce de cinq as), de quini (cinq ); sestertius (pièce de deux as et demi ), dont la composition implique l'idée de l'addition de trois nombres, c'est-à-dire 2 plus 1/2, et rappelle l'ancien usage de compter en commençant par le plus petit nombre. 174. La dixième partie du denier a été appelée libella, diminutif de libra (livre), parce qu'elle avait le poids d'un as, et était représentée par une petite pièce d'argent. Sembella (demi-livre), de semis et de libella; terruncius (pièce de trois onces), de tres et de uncis. De même que cette pièce est le quart de la livre, elle est aussi le quart de l'as. 175. On dit aussi dos (dot), arrabo (arrhes), merces (intérêt), corollarium (surplus), pour désigner différentes sortes de payement. Dos, ce qu'on donne à une fille en mariage, vient de g-dohtineh mot grec usité en Sicile. Du même mot dérive donum (don), dont la racine est grecque comme l'indique issedonion, g-dohma et, dans le dialecte attique, g-dosin. Arrabo, du grec g-arrabohn, ce qu'on donne pour assurance du payement du reste. 176. Damnum (perte), de demptio (diminution), lorsque la chose ne vaut pas ce qu'elle a coûté. Lucrum (gain), de luere (payer) ce qu'on a gagné au-delà du véritable prix d'une chose. Detrimentum, perte qu'on a éprouvée dans l'achat d'une chose usée, de deterere (user). Il faut rapporter à la même origine le mot de intertrimentum, qui désigne le détriment que deux choses se sont causé par leur contact, ainsi que le mot intertrigo (blessure, écorchure). 177. Multa (peine pécuniaire imposée à un magistrat) implique la double idée d'unité et de multiplicité, parce que la simple amende, considérée somme unité, pouvait être augmentée, et devenait multiple. Autrefois unum et multi étaient synonymes ; et même encore aujourd'hui lorsque les gens de la campagne versent du vin dans un tonneau ou dans une outre, ils appellent la première urne multa. Poena (peine) vient de punire (punir), ou de ce que la peine suit le crime (post peccatum). Pretium (prix d'une chose de peritus, parce que le prix d'une chose ne peut être justement déterminé que par des connaisseurs. 178. Merces (prix d'une chose ou d'une œuvre), de mereri (mériter). Manupretium (prix de la main-d'oeuvre), de manus et de pretium. Corollarium (ce qui est par-dessus), de corolla, petite couronne qu'on donne sur la scène aux acteurs qui ont bien joué. Praeda (proie, butin), de manus (main) et partus (acquis), par contraction de parida. Praemium (récompense), de praeda. 179. Mutuum (prêt), du mot sicilien g-moiton; ainsi on lit dans Sophron : g-moiton g-anthymoh. Munus, (présent), de mutuus, parce que ceux qui se font des présents sont mutuellement bien disposés les uns envers les autres. Munus (charge, fonction), de munire (exécuter) : d'où municipes (compatriotes soumis à des lois communes). 180. Sacramentum (consignation judiciaire), de sacer (sacré). Le demandeur et le défendeur déposent au pont Sublicius, soit cinq cents as, soit une somme déterminée par la loi, selon la nature du procès. Celui qui gagnait sa cause recevait la consignation des mains du pontife; la caution de celui qui avait perdu sa cause était confisquée. 181. Tributum (tribut), de tribus (tribu), parce que les contributions étaient exigées par tiers à chaque tribu. De là le mot attributum (allocation de fonds) : de là encore le mot de tribuni aerarii, donné à ceux qui distribuent l'argent destiné à l'armée, aes militare. Nous lisons dans Plaute : Le soldat se présente et réclame sa solde. Comme la solde se payait en monnaie de cuivre, les troupes stipendiées ont été nommées milites aerarii. 182. Stipendium (solde) vient de stips, nom qu'on donnait aussi à la monnaie de cuivre. Comme l'as pesait une livre, ceux qui en avalent reçu une grande quantité déposaient leur argent, non dans une cassette, mais dans quelque lieu convenable, où ils le rangeaient et l'entassaient, pour qu'il occupât moins de place; et de stipare on a fait stips. On pourrait voir aussi l'origine de stips dans le mot grec g-stoibeh, qui a le même sens que stipatio. Ce qui autorise cette étymologie, c'est qu'on appelle stips l'offrande d'argent que, suivant l'usage antique, on dépose dans le tronc des temples, et que stipulari et restipulari se disent de ceux qui s'engagent à payer une somme. Stipendium est composé de stips et de pendere (peser, payer). On lit dans Ennius : Poeni stipendia pendunt. 183. Du même mot pendere est venu dispensator (payeur, trésorier). De là encore le mot expensum (dépense), qu'on emploie dans les registres ou dans les contrats, prima pensio (premier payement), secunda pensio (second payement), etc. Dispendium (dépense) implique l'idée de diminution du poids; compendium (épargne, gain, profit), celle d'accumulation ; impendium (intérêt) indique l'addition de l'intérêt au poids du capital. Usura, qui a le même sens, dérive de usus (usage) ; et sors (capital) désigne le bien dont le sort nous a donné la propriété. Le payement se faisait ordinairement au moyen d'une balance, comme l'indique celle dont on se sert encore aujourd'hui dans le temple de Saturne. Ærarium (trésor public), de aes, aeris. [5,37] XXXVII. 184. Je crois m'être étendu suffisamment sur les noms des lieux et des choses qui sont dans les lieux, parce que l'étymologie de la plupart de ces mots est manifeste, et en même temps parce que, en poussant plus loin mes recherches, je dépasserais les bornes de ce livre. Je vais donc traiter, comme je l'ai annoncé dans le premier livre, des noms qui regardent le temps. Ce sera l'objet du livre suivant.