[2,0] DE LA PROVIDENCE ET DU JUSTE JUGEMENT DE DIEU EN CE MONDE. LIVRE SECOND. [2,1] Il suffit, sans doute, des exemples que nous avons cités, pour prouver que notre Dieu ne cesse de considérer avec sollicitude les choses de la terre, qu'il les gouverne avec bonté, et qu'il les juge avec équité. Mais, pensera peut-être un de ces hommes inhabiles et peu éclairés : Si Dieu en agit encore aujourd'hui comme autrefois, d’où vient que les méchants prêtaient que les bons sont dans l'affliction ? Et si les impies ont senti jadis le poids de sa colère, et les justes les effets de sa miséricorde, d'où vient qu'aujourd'hui la sévérité paraît être réservée à ceux-ci, tandis que les faveurs sont pour ceux-là ? Je répondrai plus tard à cette objection ! Maintenant, comme je m'étais engagé à prouver par la raison, les exemples et les témoignages de ces trois points importants : la présence de Dieu, sa providence et sa justice, et que je n'ai satisfait à ma promesse qu'à l'égard des deux premières preuves, il me reste encore à produire des témoignages, quoique les exemples cités puissent à la rigueur en tenir lieu ; car je regarde comme une véritable autorité tout ce qui sert à établir un fait. Quel est donc celui des trois points énoncés qu'il faut prouver d'abord par les témoignages sacrés ? La présence, la providence ou la justice ? La présence, sans doute ; car pour gouverner ou juger, il faut nécessairement être présent. La parole divine s'exprime ainsi dans les livres saints : Les yeux de l’Éternel sont en tous lieux, observant les bons et les méchants. Voilà la présence de Dieu, voilà son regard attentif à tout, voilà ses soins et sa vigilance universelle. Si le sage nous assure que Dieu considère les bons et les méchants, c'est pour nous prouver que rien n'échappe à son exactitude, puisque rien ne se dérobe à sa pénétration. Voulez-vous mieux comprendre cela ; écoutez ce que dit le même Esprit-Saint dans un autre endroit des Écritures : L'œil du Seigneur est sur ceux qui le craignent. —-Pour délivrer leurs âmes de la mort, et les nourrir dans la famine. Voilà pourquoi le Seigneur tient ses yeux ouverts sur les justes, afin, sans doute, de les conserver et de les protéger. Un regard propice de la divinité, c'est la conservation des hommes et de la nature. Car le même prophète dit ailleurs : Les yeux du Seigneur sont ouverts sur les justes ; ses oreilles sont attentives à leurs cris. Voyez avec quelle bonté Dieu en agit avec les siens, au témoignage de l'Ecriture. Car, en nous disant que les yeux du Seigneur sont arrêtés sur les justes, elle nous montre la tendresse de ses regards ; en ajoutant que ses oreilles sont attentives à leurs cris, elle nous fait connaître la munificence de ce Dieu toujours prêt à exaucer. Il y a plus : affirmer que les oreilles divines sont toujours ouvertes aux cris des justes, c'est nous représenter Dieu non seulement attentif, mais en quelque sorte obéissant à nos vœux. Comment, en effet, les oreilles divines sont-elles ouvertes aux cris des justes ? Comment, si ce n'est pour écouter toujours, pour exaucer toujours, pour accorder avec empressement après, avoir entendu, pour donner sans retard après avoir exaucé ? Les oreilles de notre Dieu sont donc toujours ouvertes, toujours attentives aux prières des saints. Que nous aérions heureux nous tous, si cette prompte condescendance que nous trouvons en lui, on la retrouvait en nous à son égard ! Mais direz-vous peut-être : que Dieu tienne ses yeux ouverts sur les justes, cela n'importe guère à votre cause, puisque des regards qui tombent sur les justes seulement par une bonté spéciale, sont loin de s'étendre à toutes choses. Mais la parole sainte n'a-t-elle pas attesté plus haut que les yeux de l'Éternel sont en tous lieux, observant les bons et les méchants ? Toutefois, ai vous voulez vous en convaincre encore plus, voyez ce qui suit, car elle ajoute : Le regard de sa colère est sur ceux qui font le mal, il efface de la terre jusqu'à leur souvenir. Vous le voyez clairement, vous ne pouvez plus désormais vous plaindre que Dieu n'arrête pas aussi ses regards sur les impies ; vous comprenez que la vue de Dieu est universelle, à la vérité, mais diverse suivant la diversité des actions. Car il contemple les bons pour les conserver, les méchants pour les exterminer. Vous qui faites société avec eux en niant cette divine présence, sachez, donc non seulement que le Seigneur vous considère, mais aussi que vous périrez avec eux. En effet, si le regard de Dieu est sur ceux qui font le mal, pour effacer de la terre jusqu'à leur souvenir, vous qui, rebelle aux lumières de la foi, niez sa providence, vous ne pourrez manquer de la reconnaître aux châtiments de sa colère. En voilà sans doute assez sur la présence et la vigilance de Dieu. [2,2] II. Considérons à présent de quelle manière il gouverne ce que son œil ne cesse de voir, car l'inspection implique le gouvernement. Et en effet, regarderait-il les choses pour les négliger ? Comme si l'on ne voyait point qu'il les conserve, par là-même qu'il daigne les regarder ! D'autant que la parole sainte atteste plus haut que Dieu voit les méchants pour les perdre, les bons pour les sauver. Voilà bien, sans doute, qui montre dans la conduite divine une juste dispensation ; car c'est là gouverner avec équité ; et traiter tous les hommes en particulier suivant la diversité de leurs mérites. Vous en faut-il une preuve plus formelle ? L'Esprit-Saint dit à Dieu le Père, dans le psaume : Toi qui gouvernes Israël, écoute-nous. Israël signifie homme qui voit Dieu. Sans doute, ils contemplent Dieu dans la pureté de leur cœur et avec une foi vive, les chrétiens qui croient avec docilité ; mais, quoique ce Dieu gouverne tous les hommes, il est vrai de dire pourtant que la divinité donne une attention plus particulière à ceux qui méritent cette glorieuse préférence. Ainsi, vous, qui que vous soyez, si vous êtes chrétien, ne doutez pas que Dieu ne prenne de vous un soin tout spécial. Mais si vous refusez de croire que ce soin s'étende à vous comme au reste des chrétiens, il faut vous regarder comme n'étant plus de leur corps. Voulez-vous, au contraire, en revenir à cette Providence qui s'occupe de tous les hommes, et non plus seulement des chrétiens ; voilà que les Livres sacrés vous montrent d'une manière évidente toutes les choses d'ici-bas soumises chaque jour et à chaque instant au regard comme à la puissance de la divinité. Il aime la règle et le bon ordre, car il n'est point d'autre Dieu qui ait soin de tous les hommes, — Comme vous êtes Juste, ajoutent-ils, vous disposez toutes choses avec justice, — et vous nous gouvernez avec un grand respect. Voilà donc Dieu qui dispose, qui gouverne sans cesse ; et l'Ecriture en cet endroit n'établit pas seulement le règne de Dieu, mais elle déclare encore la dignité de l'homme. Vous nous gouvernez, dit-elle, c'est la puissance de Dieu ; elle ajoute, avec un grand respect, c'est la dignité de notre condition. Ailleurs aussi dans le Prophète : Est-ce que je ne remplis pas le ciel et la terre ? Et s'il remplit toutes choses, il en donne lui-même la raison. : Parce que je suis avec vous pour vous sauver. Le Seigneur manifeste ici non seulement sa puissance et sa présence universelle, mais encore les faveurs et les bienfaits qui en résultent pour nous. Car c'est le propre de la divine présence de sauver tout ce qu'elle remplit. Et voilà ce qui fait dire au bienheureux Paul, dans les actes des Apôtres : En lui nous avons la vie, le mouvement et l’être. Il fait plus sans doute que de gouverner notre vie, celui qui en est le principe même. Car l'Apôtre ne dit pas, c'est par lui, mais, c'est en lui que nous avons le mouvement, voulant par-là nous faire entendre que notre substance à nous tous est renfermée dans les attributs sacrés, puisque certainement nous avons la vie en celui de qui nous tenons l'existence. Mais le Sauveur lui-même ne dit-il pas dans l'Évangile : Voila que je suis avec vous, tous les jours, jusqu'à la consommation du siècle. Il ne dit pas seulement qu'il est avec nous, mais encore qu'il y est tous les jours. Vous, homme ingrat, celui qui est sans cesse avec nous, vous osez dire qu'il se met peu en peine de notre conservation ! Que fait-il donc avec nous ? Serait-ce pour nous abandonner, pour nous négliger qu'il voudrait s'y trouver ? Et comment concilier ces deux choses, que Dieu soit présent à la vertu et indifférent au crime ? Car, dit-il, voilà que je suis avec vous, tous les jours, jusqu'à la consommation du siècle. C'est bien mal interpréter la tendre affection d'un Dieu, que de l'accuser d'insouciance à notre égard, lui qui nous promet une attention continuelle. Il a voulu par-là nous montrer qu'il ne cesserait de nous accorder sa tendresse et sa protection, puisqu'il ne nous refuse pas sa présence. L'amour divin, nous l'interprétons en mépris ; des témoignages d'amour, nous les traduisons en manifestes de haine. Car les paroles qui nous assurent de sa présence, nous semblent plutôt des signes d'aversion, que des preuves de tendresse. Si le Seigneur nous avait avertis qu'il serait éloigné de nous, nous aurions moins sujet peut-être d'accuser sa négligence. Il y a bien plus de mépris et de dédain à négliger toujours celui dont on ne s'éloigne jamais ; et c'est montrer bien plus de haine de rester sans cesse avec nous pour nous bannir de son affection, quand on nous accorde sa présence. Mais gardons-nous de croire qu'un Dieu aussi bon et aussi miséricordieux n'ait voulu continuellement assister à nos actions, qu'afin de sembler par-là nous négliger avec plus de dédain ; loin de nous des paroles si criminelles. Car, dans tout le genre humain, il n'est personne, je pense, assez pervers pour vouloir être sans cesse avec un autre homme, par cela seul qu'il ne l'aimerait pas, et ne lui accorder sa présence, que pour lui faire sentir de plus près les effets de son mépris et de sa haine. Laissons-nous donc instruire et convaincre par la nature, si la raison qui nous fait désirer d'être avec un homme quelconque n'est pas l'amour que nous lui portons. Et parce que nous l'aimons, nous souhaitons que notre présence lui soit utile. Ce que nous ne pouvons pas même dénier au méchant, nous le refusons à Dieu ; nous l'abaissons au dessous des cœurs les plus dénaturés, comme s'il ne nous eut promis d'être avec nous que pour nous négliger avec plus de mépris ! C'en est assez. [2,3] III. Après avoir prouvé par les témoignages sacrés que Dieu voit et gouverne toutes choses, il nous reste encore à montrer que, même dès cette vie, il agit souvent en juge souverain. Le saint roi David avait été outragé par Nabal, habitant du Carmel ; et parce qu'il avait suspendu sa vengeance, ce fut Dieu qui bientôt s'en constitua l'exécuteur. Aussi, après la mort de son adversaire frappé d'une main céleste, fait-il entendre ces paroles : Béni soit le Seigneur, qui a vengé sur Nabal l’outrage que j’en avais reçu ! Ce même roi avait été chassé de son trône par un fils rebelle ; le Seigneur ne tarda pas à se déclarer encore son juge et son vengeur ; et, non content de le venger, il alla même au-delà de ce qu'aurait pu souhaiter l'offensé, pour montrer sans doute qu'il ressent plus vivement les injures qu'on fait aux siens, qu'ils ne les ressentent eux-mêmes. Car, en dépassant les désirs de l'offensé, que veut-il nous montrer autre chose, sinon qu'il adopte la vengeance de ses serviteurs ? Ainsi, après que cet enfant parricide eut expié son crime sur une croix que les hommes n'avaient point faite, voici en quels termes, au rapport de l'Ecriture, la nouvelle de cette vengeance divine fut donnée à David : Mon Seigneur roi, j'apporte une bonne nouvelle. Car le Seigneur a aujourd'hui jugé en votre faveur contre tous ceux qui se sont élevés contre vous. Vous le voyez, ce n'est point par des faits seulement, comme nous l'avons dit plus haut, et par des exemples ; c'est encore en se servant du mot de jugement que l'exercice de la divine justice en ce monde, se trouve prouvé dans les saintes Ecritures par les témoins sacrés. [2,4] IV. Mais peut-être allez-vous regarder comme une faveur particulière accordée au saint roi que Dieu juge si promptement en sa faveur contre ses adversaires. Le temps me manquerait pour énumérer toutes les sentences prononcées par Dieu sur la terre. Et toutefois si vous voulez vous convaincre que Dieu, dans ses censures et ses examens, a moins égard aux personnes qu'aux actions, écoutez avec quelle sévérité ce même arbitre qui avait toujours prononcé en faveur de David, son serviteur, a jugé plus souvent contre David lui-même, et cela, quand il ne s'agît ni d'un grand nombre d'hommes, ni de saints personnages, ce qui peut-être eût été plus puissant auprès de Dieu ; mais d'un seul homme d'un barbare dont la mort, dans tout autre circonstance, n'eût point rendu coupable un si grand prince. Une Héthéen, sorti d'une race impie et d'une nation rivale, est mis à mort ; aussitôt la parole divine se fait entendre à David : Tu as fait périr par l’épée Urie Héthéen, et tu as pris pour femme sa femme, et tu l'as tué par l’épée des enfants d'Ammon. —. C'est pourquoi l’épée ne sortira jamais de ta maison. — Voici ce que dit le Seigneur : Je susciterai le mal sur toi ; il naîtra de ta propre maison ; et je prendrai tes femmes devant tes yeux, et les donnerai à un autre. — Car tu as agi secrètement, mais j’accomplirai cette parole en la présence de tous ceux d’Israël et en la présence du soleil. Qu'avez-vous à dire ? vous qui prétendez non seulement que Dieu n'est pas le juge de nos actions, mais qu'il n'en est pas même le témoin ? Vous le voyez : le crime secret dans lequel David n'est tombé qu'une fois, n'a pu échapper aux regards de Dieu. Ainsi vous qui, pour soulager le trouble d'une conscience coupable, pensez que Dieu ne voit point nos actions, apprenez par-là que le Christ vous considère et qu'il vous punira peut-être au premier jour, puisque le saint roi David lui-même n'a pu cacher dans l'ombre de son palais une faute secrète, ni se garantir d'un prompt châtiment par l'éclat de ses grandes actions. Que lui dit le Seigneur ? Je prendrai tes femmes devant tes yeux, et l’épée ne sortira jamais de ta maison. Vous voyez comme ce grand personnage subit à l'instant sa sentence pour un seul péché. L'arrêt suit de près la faute, arrêt qui punit sur-le-champ, qui ne réserve rien, qui frappe aussitôt le coupable, qui ne remet rien à l'avenir. Aussi on ne lui dit pas : parce que tu as fait cela, tu sentiras un jour le jugement de Dieu, et tu seras livré aux flammes de la géhenne ; mais, tu vas recevoir ton châtiment, et tu verras suspendu sur ta tête le glaive de la colère divine. Et qu’arrive-t-il ensuite ? le coupable reconnaît sa faute, il s'humilie, il frappe sa poitrine, il confesse son péché, il pleure, il se repent, il supplie, il abdique les ornements de sa royauté, il dépose ses habits tissus d'or, il rejette la pourpre, il découronne son front du diadème, il montre un dehors et un cœur changés, il dépouille le roi avec les insignes de sa dignité, il ambitionne d'offrir dans un repentir prévoyant les marques suppliantes de la pâleur, il est exténué de jeunes, desséché par la douleur, il se répand en torrents de larmes, il s'emprisonne dans la solitude. Et cependant, ce roi d'un nom si illustre, plus grand en sainteté qu'en puissance, si élevé, par ses vertus passées, malgré ses ardentes supplications, ne peut se dérober à la peine. Et le seul fruit de cette rigoureuse pénitence, c'est de n'être point condamné aux supplices éternels, sans mériter toutefois son pardon en ce monde. Puis enfin, que lui dit le prophète ? Parce que tu as fait blasphémer les ennemis du Seigneur, le fils qui t'est né mourra de mort. Outre une perte si douloureuse, Dieu, pour ajouter au supplice de ce tendre père, lui fait sentir, qu'il sera comme le meurtrier de son fils chéri, puisque le crime qui a donné le jour à cet enfant de l'adultère doit être la cause de sa mort. [2,5] V. Ce fut là le commencement de la vengeance divine. Je dis le commencement, car suivirent bientôt de longues épreuves, de grandes afflictions, et une chaîne d'infortunes continuelles qui ne sortirent plus de sa maison. Amnon viole Thamar ; il est immolé par Absalon. Un grand crime est commis par l'un de ces deux frères, un plus grand crime encore est vengé par l'autre. Cependant David participe à la peine de ce double forfait. Le péché des deux princes entraîne après lui trois victimes. Thamar perd sa virginité ; le meurtre d'Amnon fait pleurer sur la perte de son frère. Il serait difficile de discerner lequel de ces deux enfants a causé par sa mort le plus de douleur à un père sensible, ou celui qui meurt en ce monde sous la main de son frère, ou celui qui périt pour l'autre en s'arrachant la vie. Mais voici ce qui met le comble, suivant la parole de Dieu, aux afflictions inexprimables de David. Il voit son fils conjurer contre lui, il est renversé du trône, et contraint, pour mettre ses jours en sûreté, de s'éloigner en fugitif. Absalon, dont on ne saurait dire s'il fut plus impudique que dénaturé, ne pouvant se délivrer de son père par un parricide, le déshonore par un inceste. Et ce n'est pas assez : outre la noirceur attachée à ce forfait, il cherche encore à se distinguer en ajoutant à sa scélératesse. Un crime assez hideux déjà dans le secret, ce fils rebelle le commet en public ; moins sans doute pour couvrir de honte, par cet horrible attentat, son père absent, que pour souiller les regards de l'univers, par la publicité de son infamie. S'il faut ajouter ici toutes les circonstances de sa fuite, quel spectacle ce dut être de voir un roi si puissant, d'un nom si illustre, placé au-dessus des autres rois, plus grand que le monde, fuyant tous les siens ; entouré d'un petit nombre de serviteurs, indigent et solitaire en comparaison de ce qu'il avait été ; s'éloignant avec crainte, avec honte, avec douleur, marchant, dit l'Ecriture, la tête voilée et les pieds nus, laissant derrière lui tous ses honneurs passés, se fuyant lui-même, se survivant en quelque sorte, tellement déchu parmi les siens, qu'il devient un objet de mépris aux uns, et ce qui est plus insupportable, un objet de pitié aux autres ; jusque-là, qu'il se voit nourri par Siba, et maudit publiquement par Sémei. Terrible effet des jugements de Dieu ! le voilà si différent de lui-même, qu'il est insulté en face par un seul ennemi, lui qui avait fait trembler la terre. [2,6] VI. Où sont-ils ceux qui refusent à Dieu la connaissance des choses humaines ? Dans toutes ces circonstances, les écrivains sacrés ne nous montrent-ils pas en la personne d'un seul homme, Dieu non seulement comme témoin, mais encore comme juge du crime ? Et pourquoi tout cela ? Pourquoi ! si ce n'est afin de nous convaincre que Dieu sera toujours ici-bas le juste et terrible vengeur des prévarications ? Et si nous lisons que des Saints même ont été châtiés par un jugement de Dieu, c'est pour nous faire entendre qu'il doit nous juger aussi dès cette vie. Comme Dieu est éternel, sa justice demeure toujours ; comme sa puissance est sans bornes, son jugement est immuable ; comme il règne à jamais, sa justice ne connaît point de terme. ! De là vient que dans les saintes Ecritures, tous les justes placés au milieu des craintes, des dangers les plus imminents et sous le glaive de leurs persécuteurs, ne cessent de réclamer le jugement de Dieu en ce monde. Car c'est ainsi que parle David dans le psaume : O Dieu, jugez-moi, et séparez ma cause de celle d'un peuple impie. Et pour qu'on ne croie pas qu'il en appelle au jugement futur, il ajoute aussitôt : Arrachez-moi à l’homme inique et trompeur. Celui-là sans doute réclame le jugement de Dieu en ce monde, qui demande d'être arraché aux mains de ses persécuteurs. Et c'est avec raison que, dans la conscience d'une bonne cause, il implore moins le suffrage du Seigneur qu'un jugement formel ; parce qu'il est de la justice d'accorder toujours à une bonne cause un suffrage favorable. Il dit ailleurs d'une manière bien évidente : Seigneur, jugez ceux qui me persécutent ; combattez ceux qui me combattent. — Prenez vos armes et votre bouclier, levez-vous pour me secourir. Vous le voyez encore, on ne demande point ici la sévérité d'un examen futur, mais la rigueur d'un jugement actuel. C'est là ce que signifient ces paroles : Prenez votre bouclier, et faites briller votre glaive ; le bouclier, pour la protection ; le glaive, pour la vengeance. Le prophète sait bien que pour juger, Dieu n'a pas besoin de tout cet appareil ; mais comme dans ce siècle, ces objets redoutables deviennent les exécuteurs de jugements terribles, David, parlant à notre intelligence en termes empruntés des choses humaines, lorsqu'il demande à Dieu de le juger et de le venger, nous fait concevoir la force des châtiments divins par l'image des instruments qui servent aux exécutions de ce monde. Enfin le même prophète montre ailleurs quelle différence existe entre le jugement futur el le jugement actuel de Dieu. En effet, que dit-il au Seigneur, quand il s'agit du premier ? Vous vous êtes assis sur votre trône, vous qui jugez la justice. Et quand il s'agit du second ? Il jugera l’univers selon sa justice. Et ensuite : Il jugera les peuples selon l’équité. Lorsqu'il emploie le même verbe au temps présent et au temps futur, il distingue assez par-là ces deux espèces de jugement. Car pour designer le jugement actuel, il dit : Vous jugez. Pour désigner au contraire le jugement à venir, il ajoute : Il jugera. Qu'il nous suffise donc d'avoir prouvé par la raison, les exemples et les témoignages, que Dieu prend soin de nous, qu'il nous gouverne et nous juge ; d'autant plus que tout ce qui va suivre, doit se rapporter à ces trois choses. Maintenant, si Dieu dont je défends la cause, me donne les forces suffisantes, je vais essayer de mettre dans tout leur jour, et de réfuter en même temps les objections que nos adversaires ont coutume d'opposer à ces points fondamentaux.