[121] CXXI. Plaisanterie de l'illustre Dante. Dante, notre poète, pendant son exil à Sienne, venait de temps à autre dans l'église des Minimes. Le coude appuyé sur l'autel, il s'abimait dans la méditation. Un jour, un importun vint le trouver et le fatigua de ses questions. Alors Dante de lui dire : « — Quelle est la plus grosse bête de la terre?» — « L'éléphant! » répondit l'interlocuteur. — « éléphant ! laisse-moi, car des pensées plus élevées que ton verbiage me préoccupent ; cesse donc de m'ennuyer. » [122] CXXII. De la femme qui accouche au bout de douze mois. Un citoyen de Florence qui était allé en voyage, en rentrant chez lui au bout d'un an, trouva sa femme en train d'accoucher; ce dont il fut fort vexé, car il soupçonna sa femme. Cependant comme il n'était sûr de rien, il s'enquit auprès d'une voisine, matrone respectable et fort expérimentée, de savoir si un fils pouvait lui naître au bout de douze mois. Celle-ci, voyant à quel imbécile elle avait à faire, lui répondit : — « Assurément, car si ta femme a vu un âne le jour où elle a conçu, elle a dû porter une année entière, comme les ânesses. » Le mari goba l'histoire, remercia bien la matrone de l'avoir délivré d'un léger soupçon, et d'avoir préservé sa femme d'un grand scandale, finalement il endossa la paternité de l'enfant. [123] CXXIII. Question inconvenante d'un prêtre. Un jour de fête solennelle que tous les fidèles étaient accourus en foule à l'église Saint-Marc, hors la porte de Pérouse, le curé Cicero termina le sermon d'usage en disant : — "Mes frères, je désire que vous me tiriez d'un grand embarras. Pendant ce Carême, j'ai entendu vos femmes en confession, aucune n'a oublié de déclarer qu'elle était restée fidèle à son mari. Vous, au contraire, m'avez tous déclaré avoir forniqué avec les femmes des autres. Eh bien! pour ne pas me laisser plus longtemps dans l'incertitude, je désire donc savoir de vous quelles sont ces femmes avec lesquelles vous avez forniqué et où elles sont". [124] CXXIV. Plaisanterie au sujet d'un ambassadeur de Pérouse. A l'époque où les Florentins étaient en guerre avec le pape Grégoire, les habitants de Pérouse qui avaient abandonné le parti du souverain Pontife pour celui de Florence, envoyèrent dans cette ville des ambassadeurs, afin de solliciter du secours. L'un d'eux, un docteur, commença sa longue harangue en prononçant ces mots à titre de préambule : — « Donnez-nous de votre huile. » Un joyeux compère qui détestait les circonlocutions, l'interrompit : — « Qu'est-ce que cette huile? Tu demandes de l'huile, quand ce sont des soldats qui nous manquent. Tu ne te souviens donc pas que ce sont des armes et non de l'huile qui nous sont nécessaires? » — « Mais ce texte est tiré de l'Ecriture Sainte », repartit le docteur. — « La belle affaire, répliqua son interlocuteur, nous sommes les ennemis de l'Église, et c'est dans l'Ecriture Sainte que tu vas chercher un appui ! » Tous se mirent à rire, en présence de l'entrain de celui qui venait d'arrêter ainsi le flux de paroles inutiles que le docteur allait débiter, et l'on traita la question. [125] CXXV. Les Ambassadeurs de Pérouse et le Pape Urbain. La ville de Pérouse ayant envoyé à Avignon, auprès d'Urbain V trois ambassadeurs, ceux-ci trouvèrent le pontife très malade. Cependant, pour ne pas leur faire subir une longue attente, Urbain ordonna de les introduire près de lui, en les prévenant toutefois qu'ils eussent à expliquer en peu de mots le but de leur mission. L'un d'eux, solennel docteur, qui, en route, avait préparé un long discours pour l'adresser au Saint-Père, sans tenir compte du mal dont souffrait Sa Sainteté, et quoiqu'elle gardât le lit, débita un tel fatras de paroles, que le Pape en témoigna à plusieurs reprises de l'ennui. Toutefois, lorsque ce maladroit eut cessé de pérorer, Urbain, avec sa courtoisie habituelle, s'enquit auprès des autres ambassadeurs s'ils avaient quelque chose à ajouter. L'un d'eux, qui s'était aperçu du manque de tact de son compagnon et de la contrainte qu'en avait éprouvée le Pape, dit: — « Très Saint-Père, nos instructions portent expressément que si vous ne consentez sur l'heure à accorder ce que nous sollicitons, nous ne sortions pas de votre palais avant que notre collègue n'ait déclamé de nouveau sa harangue. » Ces paroles enjouées ayant fait sourire le souverain Pontife, ordre fut donné d'expédier immédiatement l'affaire. [126] CXXVI. Propos insensés des ambassadeurs de Florence. Les ambassadeurs que la ville de Florence envoyait en France étant arrivés à Milan, voulurent, par déférence, présenter leurs hommages à Barnabo, seigneur de cette ville. Lorsqu'ils furent en présence du prince, celui-ci leur demanda qui ils étaient : — « Nous sommes, répondirent-ils, citoyens et envoyés de Florence, s'il vous plaît » (ainsi que cela se dit communément par politesse). Après un excellent accueil, ils prirent congé du souverain. Déjà ils avaient gagné Verceil, lorsqu'en repassant dans leur mémoire ce qu'ils avaient fait ou dit jusque-là, ils se souvinrent des termes qu'ils avaient employés en parlant à Barnabo. L'un d'eux ayant fait remarquer qu'ils avaient eu tort de se servir de ces mots : « S'il vous plait », car, que ce fut ou non son plaisir, ils étaient bel et bien citoyens et ambassadeurs de Florence; tous partagèrent son avis, reconnurent que ces mots avaient été prononcés à tort et pouvaient compromettre leur dignité. D'un commun accord, ils retournèrent donc à Milan pour se rétracter et demandèrent audience au prince. Le plus âgé (ce devait être aussi le plus instruit,) prit la parole: — « Prince, dit-il, en arrivant à Verceil, nous nous sommes rappelés que nous vous avions dit : Nous sommes citoyens et envoyés de Florence, s'il vous plait. C'est à tort et sans réflexion que nous avons employé ces termes, car que vous le vouliez ou non, nous sommes citoyens et envoyés de Florence. » Le prince, habituellement très sérieux, éclata de rire en entendant formuler cette vaine préoccupation : — « Allez, dit-il, je suis content de vous, vous êtes bien tels que je croyais. » [127] CXXVII. Mot plaisant de Jean-Pierre de Sienne. Giovanni Pietro, citoyen de Sienne, toujours prêt à rire et à plaisanter fut un jour, invité à Rome par Bartolomeo de Bardi, à venir boire un coup. C'était le matin, en été. Nous rencontrâmes là plusieurs amis, venus, non tant pour nous rafraîchir, que pour faire enrager notre hôte. Suivant l'habitude, on offrit à chacun une bouchée de pain ; tous en prirent et se mirent à manger. Seul Giovanni Pietro conservait son morceau dans la main. On s'enquit du motif qui l'empêchait de manger: — « Bartolomeo, dit-il en riant, ton pain est le plus humble et le plus modeste que j'aie jamais rencontré; plusieurs fois je l'ai approché de ma bouche ; il s'est obstiné à ne vouloir passer qu'après le vin ». La boutade de cet homme nous fit rire. Elle prouvait que le manger ne doit pas toujours précéder le boire, surtout lorsqu'on est très altéré. [128] CXXVIII. D'un mari qui avait fait faire a sa femme une toilette d'un grand prix. Un mari qui avait fait faire à sa femme une toilette d'un grand prix, se plaignait de ce que l'accomplissement de ses devoirs d'époux lui revenaient à pas moins d'un ducat d'or en moyenne chaque fois. — « Tiens, lui répliqua sa femme, c'est ta faute, que ne le fais-tu tant de fois que ça ne te coûte plus qu'un sou. » [129] CXXIX. Plaisant récit d'un médecin. Le Cardinal de Bordeaux m'a raconté qu'un individu de son pays étant rentré tard chez lui, se plaignit d'une douleur à la jambe. Sa femme alors se mit à frictionner avec de l'huile de roses la jambe malade, la couvrit d'étoupe et de laine, puis appliqua sur le tout une bande de toile. Le patient continuait, magré ces soins, à se plaindre et demandait, en gémissant, un médecin. Il en vint un qui, peu à peu, avec beaucoup de précautions, découvrit la jambe du malade, qui, pendant ce temps manifestait la plus vive douleur, et le médecin déclara, après l'avoir bien palpée, qu'il n'y avait aucun mal. Alors le campagnard de dire : — « C'est donc de celle-ci que je souffre », et il présenta l'autre jambe. Amusante naïveté d'un homme qui attend de connaître l'opinion du médecin, pour savoir où il a mal. [130] CXXX. De l'homme qui trouva de l'or en dormant. Un de nos amis racontait qu'une nuit, en rêve, il avait trouvé de l'or. — « Prends garde, lui dit un des auditeurs, qu'il ne t'en advienne comme à un de mes voisins qui vit son or se changer en ordures. » Sur notre demande, il nous raconta le songe de cet individu : — « Mon voisin rêva une nuit, que le diable l'avait conduit au milieu d'un champ pour y déterrer un trésor. Il trouva beaucoup d'or... Il n'est pas permis, lui dit alors le démon de l'enlever maintenant, fais une marque à l'endroit de manière à pouvoir seul le reconnaître. Notre homme ayant demandé quel signe il pourrait bien employer : — Chie dessus, dit le diable, c'est le meilleur moyen pour que personne ne suppose qu'il y a de l'or dessous, toi seul connaîtras le secret. La chose fut trouvée parfaite, mais le rêveur, se réveillant aussitôt, constata qu'il s'était horriblement lâché le ventre dans son lit. Il se lève alors au milieu des excréments et de l'infection, puis, voulant prendre l'air, il pose sur sa tète un capuchon dans lequel un chat venait de faire ses ordures. Furieux de l'odeur infecte qui le poursuivait, il s'empressa de se laver la tête et les cheveux. C'est ainsi qu'un rêve d'or s'évanouit dans l'ordure. [131] CXXXI. D'un Secrétaire de l'Empereur Frédéric II. Pierre des Vignes, homme plein de savoir et d'une grande habileté, fut secrétaire de l'Empereur Frédéric. A l'époque où il faisait la guerre au Pape Alexandre III, ce souverain ayant envahi les Etats de l'Eglise prêta l'oreille aux calomnies des Barbares contre Pierre qui était Italien et lui fit crever les yeux. Poussé ensuite par le repentir car il avait agi injustement, il admit sa victime dans son Conseil privé. Le besoin d'argent s'étant fait sentir, Pierre des Vignes conseilla à Frédéric de faire la guerre à l'Eglise avec les ressources de l'Eglise elle-même, de saisir et de faire fondre, pour l'entretien des troupes, les objets d'or et d'argent qui ornaient les édifices religieux, parmi lesquels figuraient les célèbres chaines d'or qui entouraient alors la cathédrale de Pise. Ce conseil plut à l'Empereur, qui dépouilla les temples sacrés au profit de son armée : — "Sire, dit alors Pierre des Vignes, j'ai enfin vengé l'injure que vous m'avez injustement faite. Vous étiez odieux aux hommes, mais en vous faisant commettre ce sacrilège, j'ai attiré sur vous la malédiction de Dieu. Désormais, toutes vos entreprises tourneront mal". Frédéric, cependant, gagna bien encore quelques victoires, mais Alexandre finit par briser son orgueil. Ce fait nous montre qu'il ne faut pas employer les choses sacrées à des usages profanes, Dieu punissant toujours les transgresseurs de sa loi. [132] CXXXII. D'un juif mangé par un Florentin. Deux Juifs, habitants de Venise, étant allés à Bologne, l'un d'eux y tomba malade et mourut. Le survivant, soucieux de ramener à Venise le cadavre de son compagnon, mais sachant qu'il était défendu de le faire ostensiblement, coupa le corps en plusieurs morceaux, puis le mit dans une petite tonne après y avoir ajouté des aromates et du miel, de telle sorte qu'il s'en exhalait une odeur suave. Il confia, en le recommandant vivement, ce dépôt à un autre Juif qui retournait à Venise. Celui-ci gagnait Ferrare par le canal et beaucoup de passagers avaient pris place dans le bateau, lorsqu'un Florentin vint s'asseoir près de la tonne. La nuit venue, notre homme, alléché par la délicieuse odeur qui s'exhalait de cette barrique, soupçonna qu'elle renfermait d'excellentes provisions de bouche. Il l'ouvrit donc à la dérobée et se mit à goûter le contenu ; or le mets lui parut si succulent, qu'il passa toute la nuit à vider petit à petit la tonne. A Ferrare, le Juif sortit du bateau, mais en reprenant la tonne, il la trouva si légère qu'il comprit qu'elle était vide. Il protesta hautement alors, contre le vol qu'il prétendait lui avoir été fait du corps de son coreligionnaire. De cette façon, le Florentin apprit qu'il servait de sépulcre à un Juif. [133] CXXXIII. Vision de François Philelphe. François Philelphe, jaloux de sa femme, ne vivait pas à la pensée qu'elle pourrait avoir affaire à d'autres; aussi, jour et nuit, était-il toujours en éveil. Une nuit qu'il rêvait (car nous nous occupons fréquemment en rêve des mêmes choses qui nous préoccupent éveillés), il vit un démon qui lui promit la sécurité à l'égard de sa femme, s'il voulait suivre son conseil. Philelphe, toujours endormi, accepte avec grand plaisir et promet même une récompense. — « Prends donc cet anneau, dit le démon, garde-le avec soin à ton doigt et jamais ta femme ne pourra, à ton insu, coucher avec un autre. » La joie l'ayant réveillé, Philelphe s'aperçut qu'il avait le doigt dans le pertuis de sa femme. En effet, cet anneau est le remède par excellence contre la jalousie, en empêchant les femmes d'être incontinentes à l'insu de leur maris. [134] CXXXIV. D'un buveur. Certain ivrogne, buveur remarquable, fut pris d'une fièvre, qui, naturellement, redoubla sa soif. Comme les médecins mandés cherchaient le moyen de couper la fièvre et la soif: — « Occupez- vous seulement de la fièvre, dit le malade, laissez-moi le soin de guérir la soif. » [135] CXXXV. Facétie d'Everardo Lupi. Le Cardinal de Conti, gros personnage, plein d'embonpoint, revenait un jour de la chasse. Mourant de faim, car il était midi environ, il descendit pour prendre son repas. Comme il était tout en nage, on était en été, il demanda que quelqu'un vint le rafraîchir avec un éventail. Les valets étant occupés à droite et à gauche, le Cardinal pria un certain Everardo Lupi, secrétaire apostolique, de lui faire du vent. — "Mais, dit ce dernier, je ne connais pas vos habitudes à cet égard? — Fais comme tu l'entendras et suivant ton inspiration — « Très volontiers, » répliqua Everardo et levant la cuisse droite, il tira des profondeurs de son ventre le plus retentissant des pets : — "Voilà comment je m'y prends toujours," ajouta-t-il. L'assistance était nombreuse et tout le monde éclata de rire. [136] CXXXVI. Plaisanterie d'un autre Cardinal. C'est de la même manière que le Cardinal de Tricarico répondit aux remontrances d'Atto de Conti. Le Cardinal était très libre en ses allures. Un jour, à la chasse, Atto ayant fait tout son possible pour lui inspirer des pensées sérieuses, l'Eminence, après l'avoir regardé fixement un instant, se pencha sur l'encolure de son cheval : — « A ta barbe ! » dit-elle, en lâchant un gros pet, puis s'éloigna sans ajouter un mot ; indiquant ainsi le cas qu'il faisait des admonestations qui lui avaient été adressées. [137] CXXXVII. D'une femme qui découvrit son cul en voulant se couvrir la tête. Une femme qui s'était fait raser les cheveux à la suite d'une maladie, ayant été appelée au dehors par une voisine, oublia dans sa précipitation de se couvrir la tête. La voisine se mit à la blaguer de ce qu'elle montrait à tout le monde son crâne déplumé et fort laid, celle-ci, relevant aussitôt ses jupons pour couvrir sa tête chauve, découvrit son cul. Les passants rirent beaucoup de cette femme, qui, pour éviter une petite honte, commettait une grosse indécence. Ceci s'adresse aux gens qui, pour palier une faute légère, en commettent une beaucoup plus grave. [138] CXXXVIII. Histoire d'un individu qui avait envoyé des lettres à sa femme et à un négociant. Francisco de Ortana, chevalier napolitain à qui le roi Ladislas avait confié le gouvernement de Pérouse, reçut un jour deux lettres : l'une de sa femme, l'autre d'un marchand Génois, auquel il devait quelque argent; celle de sa femme le rappelait à la maison, lui parlait de la fidélité promise, de ses devoirs conjugaux et le priait de rentrer au plus vite. L'autre lui réclamait de l'argent prêté. Au marchand, il répondit naturellement qu'il lui rembourserait bientôt et lui demandait un petit délai. Quant à sa femme, il lui prodigua de douces paroles et par ses tendresses s'efforçait d'adoucir ses regrets : il lui écrivit qu'il allait bientôt partir, qu'il ferait son possible pour la dédommager des plaisirs perdus, et comme il était tout aussi amoureux qu'elle, il ne se gêna pas pour employer des expressions assez lestes; il lui disait, par exemple, en terminant qu'il la baiserait et rebaiserait de toutes les façons. En mettant les suscriptions de ses lettres, il adressa au marchand celle qu'il écrivait à sa femme, et à sa femme celle qui était pour le marchand. La femme, quand elle reçut cette missive fut bien étonnée de n'y pas lire un mot de réponse à ce qu'elle demandait. Le Génois lut et relut la sienne, n'y trouvant que des bêtises, des histoires de femmes, la principale chose était qu'il allait revenir, qu'il se promettait de bien faire l'amour et un tas de facéties de ce genre. Le marchand crut à une farce, se rendit chez le roi, montra la lettre en se plaignant qu'on lui promit de l'amour en remboursement de ses écus, criant bien fort qu'il avait été assez foutu dedans le jour où il avait prêté son argent. Tout le monde s'esclaffa de rire, mais ce fut bien pis encore quand on apprit que les deux lettres s'étaient trompées d'adresse. [139] CXXXIX. Histoire d'un homme qui grondait souvent sa femme. Un de mes confrères nommé Dante avait une femme qui passait pour légère. Souvent, ses amis l'ayant engagé à veiller à l'honneur de sa maison, il faisait à sa femme de vifs reproches. Celle-ci protestait de son honnêteté à grand renfort de larmes et de serments, et disait que ces histoires étaient le fait des mauvaises langues, de gens qui voulaient brouiller leur ménage. Ces belles paroles et d'autres du même genre persuadèrent le mari, et comme ses amis continuaient à accuser sa femme, il leur dit : — « Holà ! ne me cassez plus la tête à ce sujet, si elle pêche, pouvez-vous le savoir mieux qu'elle ?» Les amis déclarèrent que cela leur était impossible — "Eh bien! reprit le mari, elle affirme que vous mentez, et j'ai plus de confiance en elle qu'en vous." [140] CXL. Testament d'un vieillard en faveur d'une femme. Pietro Massini, notre concitoyen, était d'un esprit fort caustique ; vieux, et tout proche de son dernier jour, il fit son testament par lequel il ne laisait rien de plus à sa femme que sa dot. Celle-ci, fort mécontente, se plaignit amèrement à son mari de ce qu'il ne lui laissait rien, et comme elle le suppliait en pleurant abondamment de lui assurer ses vieux jours, le moribond lui dit : — « Faites venir le notaire et les témoins, pour que je teste en faveur de ma femme. « Ceux-ci n'ayant point tardé à venir, il dit aux témoins, en désignant sa femme : — « Voyez-vous, cette femme, elle me fend la tète pour que je lui laisse quelque chose. Eh bien ! uniquement pour faire comme tout le monde, je veux bien céder, et je vous prends à témoin que je lui laisse le pertuis le plus infecte et le plus large qui soit de toutes les femmes de cette ville. » Et tout le monde de s'en aller sur ces mots en éclatant de rire, laissant la pauvre femme honteuse et désappointée.