[10,0] LIVRE DIXIÈME. [10,1] I. - Pline à l'empereur Trajan. Votre piété, vertueux empereur, vous avait fait désirer de ne succéder que fort tard à votre père; mais les dieux immortels sont hâtés de remettre en de si nobles mains les rênes d'un empire déjà confié à vos soins. Je vous souhaite donc, et, par vous, au genre humain, toutes sortes de prospérités, c'est-à-dire, tout ce qui est digne de votre règne. Excellent prince, je fais des voeux publics et particuliers pour le bonheur et la santé de votre personne sacrée. [10,2] II. Pline à l'empereur Trajan. Je ne puis exprimer, seigneur, de quelle joie vous m'avez comblé en me jugeant digne du privilége réservé aux pères de trois enfants. Je sais que vous avez accordé cette grâce aux sollicitations de Julius Servianus, homme d'une rare probité, et qui vous aime tendrement; mais, je n'en puis douter aux termes du rescrit : vous avez cédé d'autant plus volontiers à sa demande que j'en étais l'objet. Je n'ai plus de voeux à former, quand vous daignez, dès le commencement de votre heureux principat, me témoigner une bienveillance particulière. Cette faveur redoublera en moi le désir d'avoir des enfants. J'en ai souhaité sous le plus malheureux de tous les règnes, ainsi que l'attestent les deux mariages que j'ai contractés; mais les dieux en ont mieux ordonné en réservant à vos bontés le pouvoir de tout m'accorder. Je serai plus content d'être père, aujourd'hui, que je puis me promettre de vivre heureux et tranquille. [10,3] III. - Pline à l'empereur Trajan. La bienveillance dont vous m'honorez, seigneur, et dont je reçois tant de preuves, m'enhardit à vous demander des grâces, même pour mes amis, entre lesquels Voconius Romanus tient le premier rang. Dès notre plus jeune âge, nous avons été élevés et nous sommes toujours demeurés ensemble. Ces raisons m'avaient engagé à supplier votre auguste père de vouloir bien lui donner place dans le sénat. Mais il a été réservé à votre bonté de me faire cette faveur, parce que la mère de Romanus ne lui avait pas encore assuré avec les solennités requises le don des quarante millions de sesterces qu'elle avait déclaré lui faire dans les lettres qu'elle avait écrites à l'empereur votre père. Elle a depuis satisfait à tout, selon mes avis. Elle lui a cédé des fonds de terre, en observant dans cette cession les formalités nécessaires. Ainsi, aujourd'hui que l'obstacle qui retardait nos espérances est levé, c'est avec une grande confiance que je sollicite pour mon ami. Je vous réponds de ses moeurs que relèvent encore son goût pour les nobles études et sa tendresse pour ses parents. C'est à cette tendresse qu'il doit la libéralité de sa mère, l'avantage d'avoir recueilli sur-le-champ la succession de son père, celui d'avoir été adopté par son beau-père. Ajoutez l'éclat de sa naissance et des richesses de sa famille. J'espère assez en vos bontés pour penser que mes prières donneront quelque poids à ces motifs. Daignez donc, seigneur, me mettre à même de le féliciter sur l'accomplissement de ce que je souhaite tant pour lui; et, par votre condescendance pour mes affections, que j'ose croire honorables, faites que je puisse me glorifier de votre estime, non-seulement pour moi, mais encore pour mes amis. [10,4] IV. - Pline à l'empereur Trajan. Une cruelle maladie, seigneur, pensa m'emporter l'année dernière. J'eus recours à un médecin dont je ne puis dignement reconnaître le zèle et les services, si vos bontés ne m'aident à m'acquitter. Je vous supplie donc de lui accorder le droit de cité: car, ayant été affranchi par une étrangère, il est lui-même étranger. Il s'appelle Harpocras. Celle qui lui a donné la liberté s'appelait Thermutis, femme de Théon, morte il y a longtemps. Je vous supplie encore d'accorder le même droit, au premier degré, à Hélia et à Antonia Harméridés, affranchies d'Antonia Maximilla, femme d'un mérite distingué. Je ne vous adresse cette prière qu'à la sollicitation de leur maîtresse. [10,5] V. - Pline à l'empereur Trajan. Je ne puis vous exprimer, seigneur, de quelle joie m'a comblé votre lettre, en m'apprenant que vous avez daigné accorder aussi le droit de cité d'Alexandrie à mon médecin Harpocras, quoiqu'à l'exemple de vos prédécesseurs vous vous fussiez fait une loi de ne la conférer qu'avec choix. Harpocras est du nome de Memphis. Je vous supplie donc, seigneur, de vouloir bien m'envoyer, comme vous me l'avez promis, une lettre pour Planta, gouverneur d'Égypte, votre ami. Je compte aller au-devant de vous pour jouir plus tôt du bonheur de votre présence, si impatiemment désirée, et je vous demande la permission d'aller à votre rencontre aussi loin qu'il me sera possible. [10,6] VI. - Pline à l'empereur Trajan. Seigneur, le médecin Posthumius Marinus m'a tiré de ma dernière maladie. Je ne puis m'acquitter envers lui que par le secours des grâces que votre bonté ne refuse pas ordinairement à mes prières. Je vous supplie donc de vouloir bien conférer le droit de cité romaine à ses proches parents, Chrysippe, fils de Mithridate, et à sa femme Stratonice, fille d'Épigone; de concéder aussi la même faveur à Épigone et à Mithridate, enfants de Chrysippe, de manière qu'ils soient en la puissance de leur père, et qu'ils conservent leur droit sur leurs affranchis. J'ajoute une dernière supplication, c'est d'accorder le plein droit de cité romaine à Lucius Satrius Abascantius, à Publius Césius Phosphorus, et à Pancharie Sotéridès. C'est du consentement de leurs patrons que je vous le demande. [10,7] VII. - Pline à l'empereur Trajan. Seigneur, je sais que ma demande est gravée dans votre mémoire, toujours si fidèle, quand il s'agit de faire du bien. J'ose cependant, comme vous me l'avez permis quelquefois, vous faire souvenir, et en même temps vous supplier de nouveau d'accorder la charge de préteur, qui est vacante, à Accius Sura. Quoiqu'il l'attende sans impatience, il fonde l'espoir de l'obtenir sur l'éclat de sa naissance, sur une vertu demeurée intègre dans une fortune plus que médiocre, et, avant tout, sur les circonstances heureuses qui engagent tous les citoyens dont la conscience est pure à rechercher et à briguer vos bonnes grâces. [10,8] VIII. - Pline à l'empereur Trajan. Persuadé, seigneur, que rien ne peut donner une si haute opinion de mon caractère que les témoignages d'estime dont m'aura honoré un si bon prince, je vous supplie de vouloir bien ajouter la dignité, ou d'augure, ou de septemvir (car elles sont toutes deux vacantes), à celle où votre faveur m'a déjà élevé. Le sacerdoce me donnera le droit d'adresser publiquement aux dieux les voeux que je leur adresse sans cesse en particulier pour votre prospérité. [10,9] IX. - Pline à l'empereur Trajan. Excellent prince, je félicite et la république et vous-même de la victoire si grande, si belle, si mémorable, que vous venez de remporter. Je prie les dieux immortels d'accorder un aussi heureux succès à toutes vos entreprises, pour que vous renouveliez et accroissiez par vos rares vertus la gloire de cet empire. [10,10] X. - Pline â l'emperur Trajan. Servilius Pudens, que fous m'aviez envoyé, seigneur, est arrivé à Nicomédie le vingt-quatre novembre, et m'a enfin délivré de l'inquiétude d'une longue attente. [10,11] XI. - Pline à l'empereur Trajan. Vos bienfaits, seigneur, m'ont très-étroitement lié à Rosianus Géminus. Je l'ai eu pour questeur pendant mon consulat, et je l'ai toujours trouvé plein d'égards pour moi. Il continue, depuis que je suis sorti de charge, à me donner tant de marques de déférence, que son attachement particulier met le comble aux preuves publiques que j'avais déjà de son amitié. Je vous supplie donc de vouloir bien l'élever selon son mérite. Si vous daignez vous en fier à moi, vous lui accorderez même votre bienveillance. Il saura bien, par son exactitude à exécuter vos ordres, s'acquitter des charges les plus importantes. Si je m'étends moins sur son éloge, c'est que je me flatte que son intégrité, sa probité, son talent vous sont connus par les emplois qu'il a exercés sous vos yeux à Rome, et par l'honneur qu'il a eu de servir dans les mêmes armées que vous. Mais ce que je ne crois pas avoir fait autant que le veut mon amitié pour lui, c'est de vous supplier, seigneur, avec les dernières instances, de me donner au plus tôt la joie de voir croître la dignité de mon questeur, c'est-à-dire la mienne en sa personne. [10,12] XII. - Pline à l'empereur Trajan. Il serait difficile, seigneur, d'exprimer la joie que j'ai éprouvée en voyant qu'à la prière de ma belle-mère et à la mienne, vous ayez bien voulu accorder le gouvernement de cette province à Célius Clémens, après son consulat. Quand je reçois de vous, avec toute ma maison, des témoignages d'une bienveillance si complète, je comprends parfaitement quelle est l'étendue de la faveur dont vous m'honorez. Quoique je sente bien à quelles actions de grâces elle m'oblige, je n'ose me hasarder à payer ma dette. C'est donc aux voeux que j'ai recours, et je prie les dieux de ne me rendre jamais à vos yeux indigne des faveurs dont vous me comblez chaque jour. [10,13] XIII. - Pline à l'empereur Trajan. Lycormas, votre affranchi, m'a mandé, seigneur, que, s'il passait par ici des ambassadeurs du Bosphore pour aller à Rome, je les retinsse jusqu'à son arrivée. Il n'est encore venu, au moins dans la ville où je suis, aucun ambassadeur de ce pays-là; mais il y est arrivé un courrier de Sarmatie. J'ai cru devoir profiter de cette occasion pour le faire partir avec celui que Lycormas a envoyé et qui a pris les devants, afin que vous sachiez en même temps, et par les lettres de Lycormas et par celles du roi des Sarmates, les nouvelles qu'il vous importe peut-être de savoir tout à la fois. [10,14] XIV. - Pline à l'empereur Trajan. Le roi des Sarmates m'a écrit qu'il vous mandait certaines choses dont il était important que vous fussiez instruit au plus tôt. Par cette raison, et pour lever tous les obstacles qu'aurait pu trouver sur la route le courrier qui vous porte ses dépêches, je lui ai donné un passe-port. [10,15] XV. - Pline à l'empereur Trajan. L'ambassadeur du roi des Sarmates, seigneur, s'étant volontairement arrêté deux jours entiers à Nicée où il m'avait trouvé, je n'ai pas cru devoir y prolonger son séjour; premièrement, parce que je ne savais pas encore quand arriverait votre affranchi Lycormas, et puis parce que je partais moi-même, appelé par des affaires indispensables en d'autres endroits de la province. Je me crois obligé de vous mander ceci, parce que je vous avais écrit dernièrement que Lycormas m'avait prié de retenir jusqu'à son arrivée les ambassadeurs qui pourraient venir du Bosphore. Je ne vois aucune raison plausible de me conformer plus longtemps à cet avis, d'autant plus que les lettres de Lycormas, dont je n'ai pas voulu retarder le courrier, ainsi que je vous l'ai déjà mandé, auront devancé l'ambassadeur de quelques jours. [10,16] XVI. - Pline à l'empereur Trajan. Apuléius, soldat de la garnison de Nicomédie, m'a écrit, seigneur, qu'un nommé Callidrome, arrêté par Maxime et Denys, boulangers, au service desquels il s'était engagé, avait cherché un asile aux pieds de votre statue. Conduit devant le magistrat, il avait déclaré qu'autrefois, et pendant qu'il était esclave de Labérius Maximus, il avait été pris par Susagus dans la Moesie, et donné par Décébale à Pacore, roi des Parthes; qu'il l'avait servi plusieurs années; qu'ensuite il s'était échappé, et s'était sauvé à Nicomédie. Amené devant moi, il m'a fait la même déclaration, et j'ai cru alors devoir vous l'envoyer. J'ai un peu différé, parce que je faisais rechercher une pierre précieuse où était gravée l'image du roi Pacore avec ses ornements royaux : on la lui avait volée, disait-il. Je voulais, si on eût pu la trouver, vous l'envoyer, comme je vous ai envoyé un lingot de métal qu'il disait avoir apporté du pays des Parthes. Je l'ai scellé de mon cachet dont l'empreinte est un quadrige. [10,17] XVII - Pline à l'empereur Trajan. Pendant tout le temps, seigneur, que j'ai demeuré avec Maxime, votre affranchi et votre intendant, je l'ai toujours trouvé homme de bien, habile, appliqué, et aussi attaché à vos intérêts que rigoureux observateur de la discipline. C'est un témoignage que je lui rends avec plaisir, et avec toute la fidélité que je vous dois. [10,18] XVIII. - Pline â l'empereur Trajan. J'ai trouvé, seigneur, dans Gabius Bassus, commandant sur la côte du Pont, toute l'intégrité, toute la probité, toutes les lumières possibles, accompagnées de beaucoup de déférence pour moi, et je ne puis lui refuser mes voeux et mon suffrage : je les lui accorde avec toute la fidélité que je vous dois. Car j'ai bien reconnu qu'il s'était formé en servant sous vous, et qu'il était redevable à la sévérité de votre discipline de tout ce qui lui a fait mériter votre bienveillance. Les soldats et les bourgeois ont si bien connu sa justice, qu'ils se sont empressés à l'envi de s'en louer en public et en particulier. C'est ce que je vous certifie avec toute la fidélité dont vos bontés m'ont fait un devoir. [10,19] XIX. -- Pline à l'empereur Trajan. Seigneur, Nymphidius Lupus le primipilaire, et moi, nous avons servi ensemble. J'étais à la tête d'une légion, et il commandait une cohorte : ainsi commença notre liaison. Le temps accrut ensuite notre mutuelle amitié. Je l'ai donc tiré de sa retraite, et je l'ai engagé à m'assister de ses conseils en Bithynie. C'est ce qu'il a fait d'une manière très obligeante; c'est ce qu'il continuera de faire, sans écouter ce que la vieillesse et l'amour du repos lui peuvent demander. Aussi je m'associe à toutes ses affections, et surtout à sa tendresse pour son fils, Nymphidius Lupus. C'est un jeune homme plein de droiture, de talent, et bien digne d'un père si distingué. Il saura répondre à votre bienveillance. Nous en avons pour garants la conduite qu'il a tenue comme chef de cohorte, et les honorables témoignages que lui ont accordés des hommes tels que Julius Férox et Fuscus Salinator. Je trouverai, seigneur, dans l'élévation du fils, un nouveau sujet de joie et de reconnaissance. [10,20] Pline à l'empereur Trajan. Aussitôt que votre bienveillance, seigneur, m'a élevé à la place de préfet du trésor de Saturne, j'ai entièrement renoncé à plaider, ce qu'au reste je n'ai jamais fait indistinctement et sans choix. J'ai voulu me livrer tout entier aux devoirs de mon nouvel emploi. Voilà pourquoi, lorsque les peuples d'Afrique me demandèrent au sénat pour avocat contre Marius Priscus, je m'en excusai, et mon excuse fut reçue. Mais lorsque ensuite le consul désigné eut déclaré que ceux dont l'excuse avait été admise n'en étaient pas moins soumis à la puissance au sénat, et qu'ils devaient souffrir que leurs noms fussent jetés dans l'urne avec les autres, j'ai cru qu'on ne pouvait moins faire, sous un empire aussi doux que le vôtre, que de céder aux sages décrets de cette illustre compagnie. Je souhaite que vous approuviez les raisons de mon obéissance : car je ne veux rien faire, ni rien dire, qu'une prudence aussi éclairée que la vôtre puisse condamner. [10,21] XXI. - Trajan à Pline. Vous avez rempli tous les devoirs d'un bon citoyen et d'un bon sénateur en déférant à ce que le sénat désirait justement de vous. Je ne doute pas que vous ne remplissiez avec fidélité le ministére dont vous avez été chargé. [10,22] XXII. - Pline à l'empereur Trajan. Je vous rends gràces, seigneur, d'avoir bien voulu si promptement accorder le droit de bourgeoisie romaine aux affranchis d'une dame de mes amies, et à Harpocras, mon médecin. Mais lorsque j'ai voulu faire enregistrer son âge et son revenu, ainsi que vous me l'aviez ordonné, des gens habiles m'ont averti qu'avant de lui obtenir la bourgeoisie romaine, je devais lui obtenir celle d'Alexandrie, parce qu'il est Égyptien. Comme je ne croyais pas qu'il y eût de différence entre les Égyptiens et les autres peuples étrangers, je m'étais contenté de vous mander qu'il avait été affranchi par une étrangère, et que cette étrangère était morte, il y avait déjà longtemps. Je ne me plains pas pourtant de mon ignorance, puisqu'elle me donne lieu de recevoir de vous plus d'une grâce pour un même homme. Je vous supplie donc, afin que je puisse jouir de votre bienfait selon les lois, de lui accorder le droit de cité d'Alexandrie et de Rome. Pour ne rien laisser qui pût retarder le cours de vos bontés, j'ai envoyé son âge et l'état de ses biens à vos affranchis, comme vous me l'aviez commandé. [10,23] XXIII. - Trajan à Pline. J'ai résolu, en suivant la coutume de mes prédécesseurs, de n'accorder qu'avec beaucoup de circonspection le droit de cité d'Alexandrie. Mais, après vous avoir déjà donné, pour Harpocras, votre médecin, le droit de bourgeoisie romaine, je ne puis me résoudre à vous refuser ce que vous me demandez encore pour lui. Faites-moi donc savoir à quel nome il appartient, afin que je vous envoie une lettre pour Pompéius Planta, gouverneur d'Égypte, mon ami. [10,24] XXIV. - Pline à l'empereur Trajan. Après que votre auguste père eut invité tous les citoyens à la munificence par un magnifique discours et par de glorieux exemples, je lui demandai la permission de transporter dans ma ville adoptive les statues des empereurs qui m'étaient venues par différentes successions, et que, je gardais, telles que je les avais reçues, dans des terres éloignées. Je le suppliai de souffrir que j'y ajoutasse la sienne. Dès qu'il y eut consenti, en y joignant beaucoup de témoignages de satisfaction, j'en écrivis aux décurions, afin qu'ils marquassent le lieu où je pourrais bâtir un temple à mes frais. Ils crurent devoir, par honneur pour mon entreprise, me laisser le choix du lieu. Mais ce que je n'ai pu encore entreprendre, retenu d'abord par ma maladie, ensuite par celle de votre auguste père, et enfin par les devoirs de la charge que vous m'avez confiée, je crois pouvoir aisément l'exécuter aujourd'hui : car mon mois de service finit au premier septembre, et il y a beaucoup de fêtes dans le mois suivant. Je vous supplie donc, avant toute autre chose, de souffrir que votre statue ait sa place dans le temple que je vais bâtir ; ensuite, pour me mettre en état d'y travailler au plus tôt, de m'accorder un congé. Mais il ne convient pas à ma franchise de vous dissimuler qu'en m'accordant cette grâce, vous servirez beaucoup mes intérêts particuliers. Il m'est tellement impossible de différer la location des terres que je possède dans ce pays, et dont le bail d'ailleurs passe quatre cent mille sesterces, que le fermier qui entrera en jouissance doit tailler les vignes aussitôt après la prochaine vendange. La continuelle stérilité m'oblige de plus à faire des remises que je ne puis bien régler, si je ne suis présent. Je devrai donc, seigneur, à vos bontés, et le prompt accomplissement du religieux devoir que je me suis imposé, et la satisfaction de placer mes statues, si vous voulez bien m'accorder un congé de trente jours : car un temps plus court ne me serait d'aucun usage, puisque la ville et les terres dont je parle sont à plus de cent cinquante milles de Rome. [10,25] XXV. - Trajan ci Pline Vous m'avez expliqué, pour obtenir votre congé, toutes les raisons tirées de l'utilité publique et de votre intérêt particulier; mais une seule me suffisait : c'est que vous le désiriez. Car je ne doute point qu'aussitôt que vous le pourrez, vous ne vous rendiez à un emploi qui exige tant d'assiduité. Je vous permets de placer ma statue dans le lieu que vous lui destinez, quoique j'aie résolu d'être fort réservé sur ces honneurs. Je ne veux pas avoir l'air de gêner l'expression de votre dévouement pour moi. [10,26] XXVI. - Pline à l'empereur Trajan. Comme j'ose croire, seigneur, que cette nouvelle vous intéresse, je vous annonce que je suis arrivé à Éphèse avec toute ma suite, après avoir passé le cap Malée. En dépit des vents contraires, je me dispose à me rendre d'ici dans mon gouvernement, en employant tour à tour des bâtiments légers et des chariots: car si les chaleurs sont incommodes par terre, les vents Étésiens ne permettent pas non plus de faire toute la route par mer. [10,27] XXVII. - Trajan à Pline. Votre avis m'a fait plaisir, mon cher Pline. Il importe à mon affection pour vous de savoir par quel chemin vous vous rendez dans votre gouvernement. Vous faites sagement d'user tantôt de chariots, tantôt de barques, selon que les lieux vous y invitent. [10,28] XXVIII. - Pline à l'empereur Trajan. Ma navigation, seigneur, avait été très heureuse jusqu'à Éphèse. Mais dès que j'ai fait usage des voitures, l'extrême chaleur, et même quelques accès de fièvre m'ont forcé de m'arrêter à Pergame. M'étant rembarqué, j'ai été retenu par les vents contraires, et je suis arrivé en Bithynie un peu plus tard que je l'avais espéré, c'est-à-dire le quinzième jour avant les calendes d'octobre. Cependant je ne puis me plaindre de ce retard, puisque je suis entré dans mon gouvernement assez tôt pour y célébrer le jour de votre naissance, ce qui est pour moi le plus favorable de tous les présages. J'examine actuellement l'état des affaires publiques des Prusiens, leurs charges, leurs revenus, leurs dettes. Plus j'avance dans cet examen, plus j'en reconnais la nécessité. D'un côté, plusieurs particuliers retiennent, sous divers prétextes, ce qu'ils doivent à cette république; et, de l'autre, on la surcharge par des dépenses qui ne sont guère légitimes. Je vous ai écrit tout ceci, seigneur, presque en arrivant. Je suis entré dans la province le quinzième jour avant les calendes d'octobre. Je l'ai trouvée dans les sentiments de soumission et de dévouement pour vous que vous méritez de tout le genre humain. Voyez, seigneur, s'il serait à propos que vous envoyassiez ici un architecte. Il me semble que si les ouvrages publics sont fidèlement mesurés, on pourra obliger les entrepreneurs de rapporter des sommes considérables. Au moins cela me parait ainsi, par l'examen que je fais avec Maxime des comptes de cette république. [10,29] XXIX. - Trajan à Pline. Je voudrais que vous eussiez pu arriver en Bithynie sans que votre santé en souffrit, non plus que celle de vos gens, et que votre route depuis Éphèse vous eût été aussi commode que votre navigation avait été heureuse. Votre lettre m'apprend, mon cher Pline, quel jour vous êtes entré dans la Bithynie. Je ne doute pas aue ces peuples ne sentent bientôt que je m'occupe de leur bonheur. En effet, je suis sûr que vous n'oublierez rien de ce qui pourra prouver, qu'en vous choisissant j'ai choisi l'homme le plus propre à tenir ma place chez eux. Vous devez commencer par examiner les comptes des affaires publiques, car on dit qu'elles sont dans un grand désordre. Quant aux architectes, à peine en ai-je ici ce qu'il en faut pour les ouvrages publics qui se font à Rome et aux environs. Mais il n'y a point de province où il ne s'en trouve en qui l'on puisse avoir confiance. Vous n'en manquerez donc pas, si vous vous donnez bien la peine d'en chercher. [10,30] XXX. - Pline à l'empereur Trajan. Je vous supplie, seigneur, d'éclairer mes doutes sur un point. Dois-je faire garder les prisons par des soldats, ou, comme on l'a pratiqué jusqu'ici, par des esclaves publics? Je crains qu'elles ne soient pas assez sûrement gardées par des esclaves, et que ce soin n'occupe un grand nombre de soldats. Cependant j'ai renforcé de quelques soldats la garde ordinaire des esclaves publics. Mais je m'aperçois que cette précaution a ses inconvénients, et qu'elle peut fournir aux esclaves et aux soldats une occasion de se négliger dans l'espérance de pouvoir rejeter les uns sur les autres une faute commune. [10,31] XXXI. - Trajan à Pline. Il n'est pas nécessaire, mon cher Pline, d'employer les soldats à la garde des prisons. Tenons-nous en à l'usage toujours observé dans cette province, d'en confier le soin à des esclaves publics. C'est à votre zèle et à votre sévérité à faire en sorte qu'ils s'en acquittent fidèlement. Car il est surtout à craindre, comme vous me le mandez, que si on les mêle ensemble, ils ne s'en reposent les uns sur les autres, et n'en deviennent plus négligents. Souvenons-nous d'ailleurs qu'il faut, autant qu'on le peut, ne point éloigner les soldats de leurs drapeaux. [10,32] XXXII. - Pline à l'empereur Trajan. Gabius Bassus, qui commande sur la côte du Pont avec beaucoup de zèle et de dévouement pour votre service, est venu me trouver, seigneur, et est demeuré plusieurs jours avec moi. C'est, autant que je l'ai pu connaître, un homme distingué et digne de votre bienveillance. Je lui ai communiqué l'ordre que j'avais de ne lui laisser, de toutes les troupes dont il vous a plu de me donner le commandement, que dix soldas bénéficiaires, deux cavaliers et un centurion. Il m'a répondu que ce nombre ne lui suffisait pas, et qu'il vous en écrirait. Cela m'a empêché jusqu'ici de rappeler ceux qu'il a de plus. [10,33] XXXIII. - Trajan à Pline. Gabius Bassus m'a écrit aussi que le nombre de soldats que je lui avais destiné ne lui suffisait pas. Vous demandez quelle a été ma réponse. Afin que vous en soyez bien informé, je la fais transcrire ici. Il importe beaucoup de distinguer ce qui est exigé par les circonstances, et ce qui est réclamé par les hommes avides d'étendre leur pouvoir. Quant à nous, l'utilité publique doit être notre seule règle, et nous devons, autant que possible, prendre garde que les soldats ne quittent point leurs drapeaux. [10,34] XXXIV. Pline à l'empereur Trajan. Les Prusiens, seigneur, ont un bain vieux et en mauvais état. Ils voudraient le rétablir, si vous le permettez. Je crois, après examen, qu'il est nécessaire d'en construire un nouveau, et il me semble que vous pouvez leur accorder leur demande. Les fonds pour le construire se composeront d'abord des sommes que j'ai obligé les particuliers à restituer, et puis de l'argent qu'ils avaient coutume d'employer à l'huile du bain, et qu'ils ont résolu de consacrer à la construction. C'est, d'ailleurs, ce que semblent exiger à la fois la beauté de la ville et la splendeur de votre règne. [10,35] XXXV. - Trajan à Pline. Si la construction d'un nouveau bain n'est point à charge aux Prusiens, nous pouvons leur accorder ce qu'ils souhaitent, pourvu qu'ils n'imposent aucune contribution pour cet ouvrage, et qu'ils ne prennent rien sur leurs besoins ordinaires. [10,36] XXXVI. - Pline à l'empereur Trajan. Maximus, votre affranchi et votre intendant, m'assure, seigneur, qu'outre les dix soldats que, par votre ordre, j'ai donnés à l'honorable Gémellinus, il en a besoin aussi pour lui. J'ai cru lui devoir laisser provisoirement ceux qui étaient déjà attachés à sa commission, surtout le voyant partir pour se procurer des blés en Paphlagonie. J'y ai même ajouté deux cavaliers qu'il m'a demandés pour sa garde. Je vous supplie de m'apprendre ce que vous voulez dans la suite que je fasse. [10,37] XXXVII. - Trajan à Pline. Vous avez bien fait de donner des soldats à mon affranchi qui partait pour aller chercher des blés : car il s'acquittait en cela d'une commission extraordinaire. Quand il sera revenu à son premier emploi, il aura assez des deux soldats que vous lui avez , donnés, et des deux qu'il a reçus de Virbius Gémellinus, mon intendant, auquel il sert de second. [10,38] XXXVIII. - Pline à l'empereur Trajan. Sempronius Coelianus, jeune homme plein de mérite, m'a envoyé deux esclaves qu'il a trouvés parmi les soldats de recrue. J'ai différé leur supplice, afin de vous consulter sur le genre de peine à leur infliger, vous le créateur et le soutien de la discipline militaire. Pour moi, j'ai quelque scrupule, parce que, bien qu'ils eussent prété serment, ils n'étaient encore enrôlés dans aucune légion. Ayez donc la bonté, seigneur, de me prescrire vos intentions dans une occasion qui doit faire exemple. [10,39] XXXIX. -Trajan à Pline. Sempronius Coelianus a exécuté mes ordres, quand il vous a envoyé des hommes dont il fallait juger le crime en connaissance de cause, pour savoir s'il était capital. Mais il faut bien distinguer s'ils se sont offerts volontairement, ou s'ils ont été choisis, ou enfin s'ils ont été donnés pour en remplacer d'autres. S'ils ont été choisis, c'est la faute de l'officier chargé des levées; s'ils ont été donnés pour en remplacer d'autres, il faut s'en prendre à ceux qui les ont donnés ; si, quoique instruits de leur état, ils sont venus volontairement s'offrir, il faut les punir. Il importe peu qu'ils n'aient été encore distribués dans aucune légion : car, le jour qu'ils ont été engagés, ils ont dû déclarer leur origine. [10,40] XL. - Pline à l'empereur Trajan. Puisque vous m'avez donné, seigneur, le droit de vous consulter sur mes doutes, il faut, sans déroger à votre grandeur, que vous descendiez aux moindres soins qui m'embarrassent. Dans la plupart des villes, particulièrement à Nicomédie et à Nicée, des hommes condamnés, soit aux mines, soit aux combats de gladiateurs, soit à d'autres peines semblables, servent comme esclaves publics, et reçoivent même des gages en cette qualité. J'en ai été averti; mais j'ai beaucoup hésité sur ce que je devais faire. D'un côté, je trouvais trop rigoureux de renvoyer au supplice, après un long temps, des hommes dont la plupart sont vieux maintenant, et dont la conduite, m'assure-t-on, est sage et réglée ; de l'autre, je ne croyais pas convenable de retenir au service de la république des criminels condamnés; mais aussi je jugeais qu'il lui serait inutile de les nourrir oisifs, et dangereux de ne les nourrir pas. J'ai donc été contraint de suspendre ma décision jusqu'à la vôtre. Vous demanderez peut-être comment il a pu se faire qu'ils se soient dérobés à leur condamnation. Je m'en suis informé, sans en avoir pu rien découvrir que j'ose vous certifier. Les décrets de leur condamnation m'ont été représentés; mais je n'ai vu nul acte qui prouve que la peine leur ait été remise. Il y en a pourtant quelques-uns qui m'ont dit que, sur leurs instantes supplications, les gouverneurs ou leurs lieutenants les avaient fait mettre en liberté. Ce qui pourrait donner lieu de le penser, c'est qu'il n'est pas croyable qu'on eût osé l'entreprendre sans y être autorisé. [10,41] XLI. - Trajan à Pline. Souvenez-vous que si vous avez été envoyé dans cette province, c'est surtout parce qu'il y avait beaucoup d'abus à réformer. L'un des plus grands qui doivent disparaître, c'est que des criminels condamnés à des peines capitales, non seulement en aient été affranchis sans ordre supérieur, mais encore qu'on leur rende les privilèges des esclaves irréprochables. Il faut donc faire subir leur condamnation à ceux qui ont été jugés dans le cours des dix dernières années, et qui n'en ont pas été valablement déchargés. S'il s'en trouve de plus anciennement jugés, des vieillards, dont la condamnation remonte à plus de dix ans, il faut les employer à des travaux qui se rapprochent de leurs peines. Ordinairement on charge ces malheureux de soigner les bains, de nettoyer les égouts, de travailler aux réparations des grands chemins et des rues. [10,42] XLII. - Pline â l'empereur Trajan. Perdant que je visitais une autre partie de ma province, un incendie affreux a consumé à Nicomédie, non seulement plusieurs maisons particulières, mais même deux édifices publics, la Maison-de-Ville et le temple d'Isis, quoique la voie les séparât. Ce qui a contribué à en étendre les ravages, c'est d'abord la violence du vent, ensuite l'insouciance du peuple : car il parait certain que, dans un si grand désastre, il est demeuré spectateur oisif et immobile. D'ailleurs, il n'y a dans la ville, pour le service public, ni pompes, ni crocs, enfin aucun des instruments nécessaires pour éteindre le feu. J'ai donné des ordres pour qu'il y en ait à l'avenir. C'est à vous, seigneur, d'examiner s'il serait bon d'établir une communauté de cent cinquante artisans. J'aurai soin, en effet, que l'on n'y reçoive que des artisans, et qu'on ne fasse point servir à autre chose le privilége accordé. Il ne serait pas difficile de surveiller une association aussi peu nombreuse. [10,43] XLIII. - Trajan à Pline. Vous avez pensé qu'on pouvait établir une communauté à Niconédie, à l'exemple de plusieurs autres villes. Mais n'oublions pas combien cette province et ces villes surtout ont été troublées par les sociétés de ce genre. Quelque nom que nous leur donnions, quelque raison que nous ayons de former un corps de plusieurs personnes, il s'y établira, au moins passagèrement, des intelligences de confrérie. II sera donc plus prudent de se procurer tout ce qui peut servir à éteindre le feu, d'engager les posseseurs des biens de ville à en arrêter eux-mêmes les ravages, et, si les circonstances l'exigent , d'y employer le concours de la multitude. [10,44] XLIV. - Pline à l'empereur Trajan. Nous avons acquitté, seigneur, et renouvelé nos voeux solennels pour votre conservation à laquelle est attaché le salut de l'empire; nous avons en même temps prié les dieux de permettre que ces voeux soient toujours accomplis, et que le témoignage en subsiste toujours. [10,45] XLV. - Trajan à Pline. J'ai appris avec plaisir, par votre lettre, mon cher Pline, que vous aviez acquitté, avec le peuple de votre gouvernement, les voeux faits aux dieux immortels pour ma santé, et que vous en aviez fait de nouveaux. [10,46] XLVI. - Pline à l'empereur Trajan. Les habitants de Nicomédie, seigneur, ont dépensé pour se construire un aqueduc, trois millions trois cent vingt-neuf mille sesterces, et cet ouvrage a été laissé imparfait; il est même détruit. On en a depuis commencé un autre, et l'on y a dépensé deux millions de sesterces. Il a été encore abandonné; et, après avoir si mal employé tout cet argent, il faut faire une nouvelle dépense, si l'on veut avoir de l'eau. J'ai trouvé une source très pure, d'où il semble que l'on en pourra tirer, ainsi que l'on avait d'abord tenté de le faire, par un ouvrage cintré, afin que l'eau ne soit pas seulement portée à la basse ville. Il nous reste encore quelques arcades de cet ouvrage. On peut en élever d'autres: les unes, avec de la pierre carrée, tirée du premier édifice; d'autres, je crois, pourront être bâties en briques ; ce qui sera plus aisé et moins coûteux. Il est surtout nécessaire que vous veuillez bien nous envoyer un ingénieur ou un architecte pour éviter ce qui est arrivé. Je puis seulement vous répondre que, par son utilité et par sa beauté, cette entreprise est tout à fait digne de votre règne. [10,47] XLVII. - Trajan à Pline. Il faut avoir soin de faire conduire de l'eau à Nicomédie. Je suis très persuadé que vous dirigerez cette entreprise avec tout le zèle nécessaire. Mais, en vérité, vous n'en devez pas moins apporter à découvrir par la faute de qui les habitants de Nicomédie ont perdu de si grandes sommes, et si ces ouvrages commencés et laissés ne leur ont point servi de prétexte à se faire des gratifications mutuelles. Vous me ferez savoir ce que vous en aurez appris. [10,48] XLVIII. - Pline à l'empereur Trajan. Le théâtre de Nicée, bâti en très grande partie, mais encore inachevé, a déjà coûté, seigneur, plus de dix millions de sesterces. C'est du moins ce que l'on me dit, car je n'en ai pas vérifié le compte. Je crains que cette dépense ne soit inutile. Le théâtre s'affaisse et s'entr'ouvre déjà, soit par la faute du terrain, qui est humide et mou, soit par celle de la pierre, qui est mince et sans consistance. Il y a lieu de délibérer si on l'achèvera, si on l'abandonnera, ou même s'il faut le détruire : car les appuis et les constructions dont on l'étaie de temps en temps me paraissent moins solides que dispendieux. Des particuliers ont promis un grand nombre d'accessoires, des basiliques autour du théâtre, des galeries qui en couronnent les derniers gradins. Mais ces travaux sont ajournés, depuis qu'on a suspendu la construction du théâtre qu'il faut d'abord achever. Les mêmes habitants de Nicée ont commencé, avant mon arrivée, à rétablir un gymnase que le feu a détruit; mais ils le rétablissent beaucoup plus considérable et plus vaste qu'il n'était. Cela leur coûte encore, et il est à craindre que ce ne soit sans utilité: car il est irrégulier, et les parties en sont mal ordonnées. Outre cela, un architecte (à la vérité, c'est le rival de l'entrepreneur) assure que les murs, quoiqu'ils aient vingt-deux pieds de large, ne peuvent soutenir la charge qu'on leur destine, parce qu'ils ne sont, point liés avec du ciment et flanqués de briques. Les habitants de Claudiopolis creusent aussi, plutôt qu'ils ne bâtissent, un bain immense dans un bas-fond dominé par une montagne. Ils y emploient l'argent que les sénateurs surnuméraires que vous avez daigné agréger à leur sénat, ont déjà offert pour leur entrée, ou paieront dès que je leur en ferai la demande. Comme je crains que les deniers publics dans une de ces entreprises, et que dans l'autre vos bienfaits (ce qui est plus précieux que tout l'argent du monde) ne soient mal placés, je me vois obligé de vous supplier d'envoyer ici un architecte pour déterminer le parti à prendre à l'égard et du théâtre et des bains. Il examinera s'il est plus avantageux, après la dépense qui a été faite, d'achever ces ouvrages d'après le premier plan, ou bien de changer ce qui doit l'être, de déplacer ce qui doit être déplacé. Car il faut craindre, en voulant conserver ce que nous avons déjà dépensé, de perdre ce que nous dépenserons encore. [10,49] XLIX. - Trajan à Pline. C'est à vous, qui êtes sur les lieux, d'examiner et de régler ce qu'il convient de faire relativement au théâtre de Nicée. Il me suffira de savoir à quel parti vous vous êtes arrêté. Le théâtre achevé, n'oubliez pas de réclamer des particuliers les accessoires qu'ils ont promis d'y ajouter. Les Grecs aiment beaucoup les gymnases, et ce goût excessif pourrait bien leur avoir fait entreprendre indiscrètement celui-ci. Mais il faut sur ce point qu'ils se contentent du nécessaire. Quant aux habitants de Claudiopolis, vous leur ordonnerez ce que vous jugerez le plus à propos sur le bain dont ils ont, dites-vous, si mal choisi l'emplacement. Vous ne pouvez manquer d'architectes. Il n'est point de province où l'on ne trouve des gens entendus et habiles ; à moins que vous ne pensiez qu'il soit plus court de vous en envoyer d'ici, quand nous sommes obligés de les faire venir de Grèce. [10,50] L. - Pline à l'empereur Trajan. Quand je songe à votre rang et à votre grandeur d'âme, il me semble que c'est un devoir de vous proposer des ouvrages dignes de votre gloire et de l'immortalité de votre nom, des ouvrages dont l'utilité égale la magnificence. Sur les confins du territoire de Nicomédie est un lac immense dont on se sert pour transporter jusqu'au grand chemin, à peu de frais et sans beaucoup de peine, le marbre, les fruits, le bois et toute sorte de matériaux. De là on les conduit jusqu'à la mer sur des chariots, ce qui coûte beaucoup de travail et plus encore d'argent. Pour remédier à cet inconvénient, il faudrait beaucoup de bras; mais ils ne manquent pas ici. La campagne et la ville surtout sont fort peuplées, et l'on peut compter que tout le monde s'empressera de travailler à un ouvrage utile à tout le monde. Il faudrait seulement, si vous le jugez à propos, envoyer ici un ingénieur ou un architecte qui examinât de près si le lac est plus haut que la mer. Les experts de ce pays soutiennent qu'il est plus élevé de quarante coudées. J'ai trouvé près de là un bassin creusé par un roi. Mais on ne sait pas trop si c'était pour recevoir les eaux des champs d'alentour, ou pour joindre le lac à un fleuve voisin: car ce bassin est demeuré imparfait. On ignore également si cet ouvrage a été abandonné parce que ce roi fut surpris par la mort, ou parce qu'il désespéra du succès. Mais je désire ardemment pour votre gloire (vous excuserez une telle ambition) de vous voir achever ce que les rois n'ont fait que commencer. [10,51] LI. - Trajan à Pline. La jonction de ce lac à la mer peut me tenter; mais il faut avant tout s'assurer complétement qu'en l'y joignant il ne s'y écoulera pas tout entier. Instruisez-vous de la quantité d'eau qu'il reçoit, et d'où elle lui vient. Vous pourrez demander à Calpurnius Macer un ingénieur; et moi, je vous enverrai d'ici quelque artiste habile dans ces sortes d'ouvrages. [10,52] LII. - Pline à l'empereur Trajan. En examinant les dépenses publiques des Byzantins, dépenses qui se montent très haut, j'ai appris, seigneur, que pour vous offrir leurs hommages et vous en porter le décret, ils vous envoyaient tous les ans un député auquel ils donnaient douze mille sesterces. Attentif à l'exécution de vos desseins, j'ai retenu le député, et je vous envoie le décret, épargnant ainsi les deniers de la province, sans nuire à l'accomplissement des devoirs publics. La même ville est chargée de trois mille sesterces, qu'elle paie tous les ans pour frais de voyage à celui qui va de sa part saluer le gouverneur de Mésie. J'ai cru qu'il fallait retrancher ces dépenses à l'avenir. Je vous supplie, seigneur, de vouloir bien me faire connaître votre avis, et de daigner me confirmer dans ma pensée ou corriger mon erreur. [10,53] LIII. - Trajan à Pline. Vous avez très bien fait, mon cher Pline, d'épargner aux Byzantins les douze mille sesterces alloués au député qu'ils m'envoient tous les ans pour me renouveler les assurances de leur soumission. Le décret seul que vous m'adressez y suppléera suffisamment. Le gouverneur de Mésie voudra bien aussi leur pardonner, s'ils ne lui font pas leur cour à si grands frais. [10,54] LIV. - Pline à l'empereur Trajan. Je vous supplie, seigneur, de me marquer vos intentions sur les passe-ports dont le terme est expiré; si c'est votre volonté qu'ils continuent, et pour combien de temps. Dans l'incertitude où je suis, je crains de me tromper dans l'un ou dans l'autre sens, soit que j'autorise des choses défendues, soit que j'en défende de permises. [10,55] LV. - Trajan à Pline. Les passe-ports dont le terme est expiré ne doivent plus servir, et je me fais un devoir particulier d'en envoyer dans toutes les provinces, avant qu'elles puissent en avoir besoin. [10,56] LVI. - Pline à l'empereur Trajan. Lorsque j'ai voulu, seigneur, connaitre les débiteurs publics d'Apamée, ses revenus et ses dépenses, on m'a représenté qu'ils souhaitaient tous que je discutasse les comptes de leur ville ; que cependant aucun des proconsuls ne l'avait fait avant moi; que c'était pour eux un privilége et une ancienne coutume d'administrer à leur discrétion les affaires publiques. J'ai voulu qu'ils exposassent dans une requête tout ce qu'ils ont dit et rappelé. Je vous l'ai adressée telle que je l'ai reçue, quoiqu'ils l'aient remplie de détails dont la plupart sont étrangers à la question. Je vous supplie de vouloir bien me prescrire ce que je dois faire : car j'ai peur d'avoir dépassé les bornes, ou de n'avoir pas rempli toute l'étendue da mon devoir. [10,57] VII. - Trajan â Pline. La requête des habitants d'Apamée, jointe à votre lettre, m'a dispensé de l'obligation d'examiner les raisons qui ont empêché, disent-ils, les proconsuls d'examiner leurs comptes, puisqu'ils ne refusent pas de vous les communiquer. Pour récompenser leur droiture, je veux donc qu'ils sachent que l'examen que vous en ferez par mon ordre ne dérogera ni ne préjudiciera point à leurs priviléges. [10,58] LVIII. - Pline à l'empereur Trajan. Avant mon arrivée, les habitants de Nicomédie avaient entrepris d'ajouter une nouvelle place publique à l'ancienne. Dans un angle se trouve un temple de Cybèle qu'il faut reconstruire ou transférer ailleurs, par la raison surtout qu'il se trouve aujourd'hui beaucoup trop bas, auprès du nouvel ouvrage dont l'élévation est considérable. Je me suis informé s'il y avait eu quelque acte de consécration, et j'ai appris qu'elle se faisait ici autrement qu'à Rome. Je vous supplie donc, seigneur, d'examiner si un temple, qui n'a point été solennellement consacré, peut être transféré sans offenser la religion. Rien ne sera plus facile, si la religion le permet. [10,59] LIX. - Trajan à Pline. Vous pouvez, sans scrupule, mon très cher Pline, si la situation des lieux le demande, transporter le temple de Cybèle de l'endroit où il est à celui qui lui convient mieux. S'il ne se trouve point d'acte de consécration, c'est une circonstance qui ne doit pas vous arrêter : le sol d'une ville étrangère ne comporte pas la consécration selon les rites de notre patrie. [10,60] LX. - Pline à l'empereur Trajan. Nous avons célébré, seigneur, avec tout l'enthousiasme que vous devez inspirer, ce jour où, vous chargeant de l'empire, vous l'avez sauvé. Nous avons prié les dieux de conserver votre personne sacrée et vos vertus au genre humain dont elles font le repos et la sûreté. Vos troupes et tout le peuple ont renouvelé entre mes mains leur serment de fidélité dont je leur ai dicté la formule, d'après la coutume ordinaire, et tous ont à l'envi signalé leur zèle. [10,61] LXI. - Trajan â Pline. J'ai appris avec plaisir par votre lettre, mon cher Pline, que vous avez, à la tête des troupes et du peuple, célébré avec autant de joie que de zèle le jour de mon avènement à l'empire. [10,62] LXII. - Pline à l'empereur Trajan. Je crains, seigneur, que les deniers publics que j'ai déjà fait recouvrer par vos ordres, et que l'en recouvre encore actuellement, ne demeurent sans emploi. On ne trouve pas l'occasion d'acheter des fonds de terre, ou du moins elle est fort rare. On ne trouve pas, non plus, des gens qui veuillent devoir à une république, principalement pour lui payer des intérêts à douze pour cent par an, et sur le même pied qu'aux particuliers. Examinez donc, seigneur, s'il serait à propos de les prêter à un intérêt plus bas, et d'inviter par là des débiteurs solvables à les prendre; ou si, en supposant qu'avec cette facilité on n'en puisse encore trouver, il ne faudrait point obliger les décurions à s'en charger, chacun pour sa part, sous bonne et suffisante caution. Quelque fâcheux qu'il soit de les contraindre, il le sera toujours moins quand l'intérêt sera plus modique. [10,63] LXIII. - Trajan à Pline. Je ne vois, comme vous, mon cher Pline, d'autre remède que de baisser le taux de l'intérêt pour trouver à placer plus aisément les deniers publics. Vous en règlerez le cours sur le nombre de ceux qui se présenteront pour les demander. Mais il ne convient pas à la justice qui doit honorer mon règne, de forcer quelqu'un à emprunter un argent qui pourrait lui être inutile. [10,64] LXIV. - Pline â l'empereur Trajan. Je vous rends mille grâces, seigneur, d'avoir daigné, au milieu de tant d'importantes affaires, m'éclairer sur celles que j'ai soumises à vos lumières. Je vous demande encore aujourd'hui la même faveur. Un homme est venu me trouver, et m'a fait connaître que ses adverses parties, condamnées par l'illustre Servilius Calvus à un bannissement de trois ans, séjournaient encore dans la province. Ceux-ci ont soutenu, au contraire, qu'ils avaient été réhabilités par Calvus lui-même, et m'en ont lu le décret. En conséquence, j'ai cru nécessaire d'en référer à votre sagesse: car vos instructions portent bien que je ne dois pas relever de leur condamnation ceux qui auront été condamnés, soit par moi, soit par un autre; mais il n'y est rien dit de ceux qu'un autre aura condamnés et rétablis. J'ai donc cru, seigneur, qu'il fallait savoir de vous ce qu'il vous plaisait que je fisse, non seulement de ces gens, mais même de ceux qui, après avoir été bannis à perpétuité hors de la province, y sont toujours demeurés, quoiqu'ils n'aient point été relevés de la condamnation : car j'ai à décider aussi sur cette espèce. On m'a amené un homme banni à perpétuité par Julius Bassus. Comme je sais que tout ce qui a été fait par Bassus a été cassé, et que le sénat a donné à tous ceux que Bassus avait condamnés le droit de réclamer et de demander un nouveau jugement dans les deux ans, j'ai demandé au banni, si dans les deux ans il s'était adressé au gouverneur, et l'avait instruit de l'affaire. Il m'a répondu que non. J'ai donc à vous consulter sur ceci : dois-je lui faire subir la peine qui lui était destinée, ou le condamner à une peine plus grande? et, dans ce dernier cas, quelle peine lui imposer, à lui et à ceux qui se trouveront dans une pareille position? Je joins à cette lettre le jugement rendu par Calvus, et l'acte qui l'annule. Vous y trouverez aussi le jugement prononcé par Bassus. [10,65] LXV. - Trajan à Pline. Je vous manderai prochainement ce qu'il faut faire de ceux qui ont été bannis pour trois ans par P. Servilius Calvus, et qui, après avoir été réhabilités par ses édits, sont restés dans la province. Je veux apprendre d'abord, de Calvus même, les motifs qui l'ont fait agir ainsi. Quant à celui qui, banni à perpétuité par Julius Bassus, pouvait, s'il se croyait injustement condamné, réclamer pendant deux ans, et qui, sans l'avoir fait, est toujours demeuré dans la province, vous l'enverrez lié aux préfets du prétoire : car il ne suffît pas de faire exécuter contre un coupable la condamnation à laquelle il a eu l'audace de se soustraire. [10,66] LXVI. - Pline à l'empereur Trajan. Comme je convoquais des juges pour tenir ma séance, Flavius Archippus a demandé une dispense en qualité de philosophe. Quelques personnes ont prétendu qu'il fallait, non pas l'affranchir de l'obligation de juger, mais le retrancher tout à fait du nombre des juges, et le rendre au supplice auquel il s'était dérobé en se sauvant de prison. On rapportait la sentence de Vélius Paulus, proconsul, qui le condamne aux mines comme faussaire. Archippus ne présentait aucun acte qui l'eût réhabilité, mais il prétendait y suppléer, et par une requète qu'il avait adressée à Domitien, et par des lettres honorables de ce prince qui le réhabilitaient, et parr une délibération des habitants de Pruse. Il joignait à tout celaa des lettres que vous lui aviez écrites, un édit de votre auguste père, et une de ses lettres, par laquelle il confirmait toutes les grâces que Domitien avait accordées. Ainsi, malgré les crimes qu'on lui imputait, j'ai cru devoir ne rien résoudre sans avoir su vos intentions sur une affaire qui me paraît digne d'être décidée par vous-même. Je renferme dans ce paquet tout ce qui a été dit de part et d'autre. LETTRE DE DOMITIEN A TÉRENCE MAXIME. "Flavius Archippus, philosophe, a obtenu de moi qu'on lui achetât aux environs de Pruse, sa patrie, une terre de six cent mille sesterces, avec le revenu de laquelle il pût nourrir sa famille. Je vous ordonne de lui faire payer cette somme, et de la porter en dépense dans le compte de mes libéralités". LETTRE DU MÊME A LUCIUS APPIUS MAXIMUS. "Je vous recommande Archippus, philosophe, homme de bien, qui n'est point au-dessous de sa profession, et qui soutiendrait même une plus grande élévation. Accordez-lui, mon cher Maxime, une entière bienveillance pour toutes les demandes raisonnables qu'il pourra vous adresser". ÉDIT DE NERVA. "Romains, il est, sans contredit, certaines choses dont le bonheur seul des circonstances fait un devoir, et dont il ne faut pas faire honneur à la bonté du prince. Il suffit de me connaître; il suffit de s'interroger. Il n'est pas un citoyen qui ne puisse répondre que j'ai sacrifié mon repos particulier au repos public, afin d'être en état de répandre de nouvelles grâces, et de maintenir celles qui ont été accordées avant moi. Cependant, pour que l'allégresse générale ne soit troublée ni par la crainte de ceux qui les ont obtenues, ni par la mémoire de celui qui les a données, j'ai cru qu'il était bon et nécessaire de prévenir tous ces doutes en expliquant ma volonté. Je ne veux pas qu'on pense que, si l'on a obtenu de mes prédécesseurs quelque privilège ou public ou particulier, je puisse l'annuler pour qu'on me doive de l'avoir rétabli.. Tous ces privilèges sont reconnus et confirmés. Il ne faudra pas renouveler les remerciements pour une grâce déjà obtenue de la bienveillance d'un empereur. Qu'on me laisse m'occuper de bienfaits nouveaux, et qu'on ne sollicite que ce qu'on n'a pas". LETTRE DU MÊME A TULLIUS IUSTUS. "La résolution que j'ai prise de respecter tout ce qui a été fait par mes prédécesseurs veut que l'on défère aussi aux lettres de Domitien". [10,67] LXVIL - Pline à l'empereur Trajan. Flavius Archippus m'a conjuré, par vos jours sacrés et par votre gloire immortelle, de vous envoyer la requête qu'il m'a présentée. Je lui ai accordé ce qu'il demandait, mais après en avoir averti la personne qui l'accuse. De son côté, elle m'a donné une requête, que je joins aussi à cette lettre, afin que vous puissiez prononcer, comme si vous aviez entendu les deux parties. [10,68] LXVIII. - Trajan à Pline. Domitien a bien pu ignorer le véritable état d'Archippus, lorsqu'il écrivait tant de choses honorables pour lui. Mais il est plus conforme à mon caractère de croire que ce prince, par ces marques d'estime, a voulu le réhabiliter. Ce qui me confirme dans cette opinion , c'est l'honneur des statues qui lui a été tant de fois décerné par ceux qui n'ignoraient pas le jugement que Paulus, leur gouverneur, avait rendu. Ce que je vous écris, mon cher Pline, ne doit pourtant pas vous empêcher de le poursuivre, si on l'accuse de quelque nouveau crime. J'ai lu les requêtes de Furia Prima, accusatrice, et celles d'Archippus, que vous aviez jointes à votre lettre. [10,69] LXIX. - Pline à l'empereur Trajan. Votre sage prévoyance, seigneur, vous fait craindre que le lac, une fois uni au fleuve, et par conséquent à la mer, ne s'y écoule tout entier. Mais moi, qui suis sur les lieux, je crois avoir trouvé un moyen de prévenir ce danger. On peut, par un canal, conduire le lac jusqu'au fleuve, mais sans l'y introduire. Il restera une côte qui l'en séparera, et qui contiendra les eaux. Ainsi, sans le réunir au fleuve, nous jouirons du même avantage que si leurs eaux se confondaient : car il sera aisé de transporter sur le fleuve, par cette rive étroite, tout ce qui aura été chargé sur le canal. C'est le parti qu'il faudra prendre, si la nécessité nous y force; mais je ne crois pas que nous devions le craindre. Le lac par lui-même est assez profond, et de l'extrémité opposée à la mer sort un fleuve. Si l'on en arrête le cours dans cette direction pour le porter du côté où nous en avons besoin, il versera dans le lac, sans aucune perte, toute l'eau qu'il en détourne aujourd'hui. D'ailleurs, sur la route qu'il faut creuser au canal, coulent des ruisseaux qui, recueillis avec soin, augmenteront encore la masse d'eaux fournies par le lac. Toutefois si l'on aimait mieux prolonger et resserrer le canal, le mettre au niveau de la mer, et, au lieu de le conduire dans le fleuve, le verser dans la mer même, le reflux de la mer arrêterait les eaux du lac, et les lui conserverait. Si la nature du lieu ne nous permettait aucun de ces expédients, il nous serait facile de nous rendre maîtres du cours des eaux par des écluses. Tout cela sera mieux conçu et calculé par l'ingénieur que vous devez m'envoyer, seigneur, comme vous me l'avez promis : car cette entreprise est digne de votre magnificence et de vos soins. J'ai écrit, suivant vos ordres, à l'illustre Calpurnius Macer de m'envoyer l'ingénieur le plus propre à ces travaux. [10,70] LXX. - Trajan à Pline. Il paraît, mon cher Pline, que vous n'avez négligé ni soins ni recherches pour le succès de l'entreprise du lac, puisque vous avez rassemblé tant d'expédients pour éviter qu'il ne s'épuise, et pour nous le rendre d'un usage plus commode. Choisissez donc celui que la nature des lieux vous fera juger le plus convenable. Je compte que Calpurnius Macer vous fournira un ingénieur, car les provinces où vous êtes ne manquent pas de ces hommes habiles. [10,71] LXXI. - Pline à l'empereur Trajan. L'état et l'entretien des enfants, appelés ici du nom de g-Threptoi (nourris), sont la matière d'une grande question qui intéresse toute la province. Comme, dans les constitutions de vos prédécesseurs, je n'ai trouvé sur ce sujet aucune décision, ni générale ni particulière, qui s'appliquât à la Bithynie, j'ai cru devoir vous consulter sur vos intentions à cet égard : car je ne pense point qu'il me soit permis de me régler par des exemples dans ce qui ne doit être décidé que par votre autorité. On m'a lu un édit qu'on me disait être d'Auguste pour Annia, des lettres de Vespasien aux Lacédémoniens, de Titus aux mêmes et aux Achéens et enfin de Domitien aux proconsuls Avidius Nigrinus, Arménius Brocchus, et aux Lacédémoniens. Je ne vous les envoie point, parce que ces pièces ne me paraissent pas en assez bonne forme; quelques-unes même ne me semblent pas authentiques. Je sais d'ailleurs que les véritables originaux sont en bon état dans vos archives. [10,72] LXXII. - Trajan à Pline. On a souvent traité la question relative aux enfants nés libres, exposés, recueillis ensuite par quelque citoyen, et élevés dans la servitude. Mais, parmi les constitutions de mes prédécesseurs, il ne s'en trouve sur ce sujet aucune qui regarde toutes les provinces. Il est vrai qu'il existe des lettres de Domitien à Avidius Nigrinus et à Arménius Brocchus, sur lesquelles on pouvait peut-être se régler. Toutefois parmi les provinces dont elles parlent il n'est point fait mention de la Bithynie. Je ne crois donc pas, ni que l'on doive refuser la liberté à ceux qui la réclameront sur un tel fondement, ni qu'on les puisse obliger à la racheter par le remboursement des aliments qu'on leur aura fournis. [10,73] LXXIII. - Pline à l'empereur Trajan. Plusieurs personnes m'ont demandé permission de transporter d'un lieu dans un autre les cendres de leurs parents dont les tombeaux ont été détruits, ou par l'injure des temps, ou par des inondations, ou par d'autres accidents; et elles se sont fondées sur les exemples de mes prédécesseurs. Mais, comme je sais qu'à Rome on n'entreprend rien de semblable sans en avoir référé au collége des pontifes, j'ai cru devoir vous consulter, seigneur, vous souverain pontife, pour conformer ma conduite à vos volontés. [10,74] LXXIV. - Trajan à Pline. Il y aurait de la dureté à contraindre ceux qui demeurent dans les provinces de s'adresser aux pontifes, lorsque, par des raisons légitimes, ils désireront transporter, d'un lieu dans un autre, les cendres de leurs parents. Vous ferez donc bien mieux de suivre l'exemple de vos prédécesseurs, et d'accorder ou de refuser cette autorisation, suivant la justice des demandes. [10,75] LXXV. - Pline à l'empereur Trajan. Je cherchais à Pruse, seigneur, une place où l'on pût commodément élever le bain que vous avez permis à ses habitants de bâtir. J'en ai trouvé une qui me convient. On y voit encore les ruines d'une maison qui, dit-on, a été fort belle. Je trouve ainsi, le moyen d'embellir la ville que ces ruines défigurent, et même d'en accroître la grandeur. Je ne démolis aucun bâtiment, et je répare, au contraire, ceux que le temps a détruits. Voici ce que j'ai appris de cette maison. Claudius Polyénus l'avait léguée à l'empereur Claude auquel il voulut que l'on dressât un temple dans une cour environnée de colonnes, et que le reste fût loué. La ville en a touché quelque temps le revenu. Ensuite le pillage et la négligence ruinèrent peu à peu toute cette maison, ainsi que le, péristyle, de sorte qu'il n'en reste presque plus rien que la place. Si vous daignez, seigneur, ou la donner ou la faire vendre aux Prusiens qui y trouveront un emplacement commode, ils en seront reconnaissants comme du plus grand bienfait. S'ils obtiennent ce qu'ils demandent, je me propose d'établir le bain dans cette cour, vide aujourd'hui, d'entourer de galeries et de siéges les lieux où étaient autrefois les bâtiments, enfin de vous consacrer cet ouvrage dont la ville sera redevable à vos bontés, et qui, par sa magnificence, sera digne de votre nom. Je vous envoie une copie du testament, quoiqu'elle soit peu correcte. Vous verrez que Polyénus, outre la maison, avait laissé, pour l'embellir, bien des choses qui ont péri comme elle. J'en ferai pourtant la plus exacte recherche que je pourrai. [10,76] LXXVI. - Trajan à Pline. On peut se servir, pour bâtir le bain des Prusiens, de cet emplacement, et de cette maison tombée en ruine, qui est vide comme vous me le mandez. Mais vous ne me marquez point assez nettement si l'on a élevé un temple à Claude dans la cour environnée de colonnes. Car si le temple a été élevé, quoique depuis il ait été détruit, la place demeure toujours consacrée. [10,77] LXXVII. - Pline à l'empereur Trajan. Plusieurs personnes m'ont pressé de prononcer sur les questions d'état relatives à la reconnaissance des enfants et à leur rétablissement dans tous les droits de leur naissance suivant une lettre de Domitien à Minutius Rufus, et conformément à l'exemple de mes prédécesseurs. Mais, ayant examiné le décret du sénat sur cette matière, j'ai trouvé qu'il ne parle que des provinces qui sont gouvernées par des proconsuls. Par cette raison, j'ai tout suspendu, jusqu'à ce qu'il vous ait plu, seigneur, de me faire savoir vos intentions. [10,78] LXXVIII. - Trajan à Pline. Quand vous m'aurez envoyé le décret du sénat qui a causé vos doutes, je déciderai s'il vous appartient de prononcer sur ce qui regarde les reconnaissances des enfants, et leur rétablissement dans tous les droits de leur naissance. [10,79] LXXIX. - Pline à l'empereur Trajan. Iulius Largus, de la province du Pont, que je n'avais jamais vu, dont je n'avais même jamais entendu parler, estimant en moi l'homme de votre choix, seigneur, m'a chargé, en mourant, des derniers hommages qu'il a voulu rendre à votre personne sacrée. Il m'a prié, par son testament, d'accepter sa succession, d'en faire le partage, et, après en avoir retiré pour moi cinquante mille sesterces, de remettre le surplus aux villes d'Héraclée et de Thiane, pour qu'il soit employé, selon que je le trouverais plus à propos, ou à des ouvrages qui vous seraient consacrés, ou à des jeux publics que l'on célébrerait tous les cinq ans, et. que l'on appellerait les jeux de Trajan. J'ai cru, seigneur, vous en devoir informer, pour savoir ce qu'il faut choisir. [10,80] LXXX. - Trajan à Pline. Iulius Largus vous a choisi pour placer en vous sa confiance, comme s'il vous eût parfaitement connu. C'est donc à vous, pour immortaliser son nom, à examiner et à faire ce qui conviendra le mieux, selon les moeurs du pays. [10,81] LXXXI. - Pline à l'empereur Trajan. Dans votre sage prévoyance, seigneur, vous avez donné ordre à l'illustre Calpurnius Macer d'envoyer un centurion légionnaire à Byzance. Daignez examiner si les habitants de Iuliopolis ne mériteraient point une pareille faveur. C'est une très petite ville, qui supporte pourtant de très grandes charges, et qui est d'autant plus foulée qu'elle est plus faible. D'ailleurs le bien que vous ferez aux habitants de Iuliopolis, vous le ferez à toute la province: car ils sont à l'entrée de la Bithynie, et fournissent le passage aux nombreux vovageurs qui la traversent. [10,82] LXXXII. - Trajan à Pline. La ville de Byzance est si considérable par le concours de ceux qui y abordent de toutes parts, que nous n'avons pu nous dispenser, à l'exemple de nos prédécesseurs, de lui accorder un centurion légionnaire pour veiller à la conservation des priviléges de ses habitants. Accorder la même grâce à ceux de Iuliopolis, ce serait nous engager par un exemple imprudent. D'autres villes nous demanderaient la même faveur avec d'autant plus d'instances qu'elles seraient plus faibles. J'ai confiance dans vos soins, et vous n'oublierez rien, j'en suis sûr, pour préserver les habitants de Iuliopolis de toute injustice. Si quelqu'un agit contre mes ordonnances qu'il soit réprimé aussitôt. Dans le cas où la faute serait trop grave pour qu'on la punît sur-le-champ, si le coupable était soldat, vous en informeriez ses chefs; s'il devait venir à Rome, vous m'en donneriez avis. [10,83] LXXXIII. -- Pline à l'empereur Trajan. La loi Pompéia, donnée à la Bithynie, défend d'exercer aucune magistrature, et d'entrer au sénat avant trente ans. La même loi veut que ceux qui auront été magistrats, soient de plein droit sénateurs. Auguste a publié depuis un édit qui permet, à vingt-deux ans accomplis, d'exercer les magistratures inférieures. On demande donc si les censeurs peuvent donner place au sénat à celui qui a été magistrat avant trente ans; et, en cas qu'ils le puissent, si, par une suite naturelle de la même interprétation, il ne leur est pas permis d'y donner entrée à ceux qui ont atteint l'âge auquel ils pourraient avoir été créés magistrats. C'est ce qu'on prétend être autorisé par l'usage et même par la nécessité, puisqu'il est plus convenable de remplir le sénat de jeunes gens de grande famille, que de personnes d'une naissance obscure. Les censeurs m'ont demandé ce que j'en pensais. Je leur ai dit qu'il me semblait que, selon l'édit d'Auguste et la loi Pompéia, rien n'empêchait ceux qui, avant trente ans, avaient été magistrats, d'avoir entrée au sénat avant leur trentième année, parce qu'Auguste permettait d'exercer la magistrature avant trente ans, et que la loi Pompéia voulait que ceux qui avaient exercé la magistrature fussent sénateurs. Mais j'ai plus longtemps hésité sur ceux qui ont atteint l'âge où les autres ont été magistrats, sans pourtant l'avoir été eux-mêmes. C'est ce qui m'oblige, seigneur, à vous soumettre cette question. Je joins à cette lettre les titres de la loi et l'édit d'Auguste. [10,84] LXXXIV. - Trajan à Pline. J'approuve votre interprétation, mon cher Pline, et je pense que l'édit d'Auguste a dérogé à la loi Pompéia, en permettant à ceux qui ont vingt-deux ans accomplis, d'exercer la magistrature, et à ceux qui l'auraient exercée, d'entrer dans le sénat de chaque ville. Mais je ne crois pas que ceux qui sont au-dessous de trente ans, et qui n'ont point été magistrats, puissent, sous prétexte qu'ils pourraient l'avoir été, demander entrée dans le sénat. [10,85] LXXXV. - Pline à l'empereur Trajan. Pendant que j'étais à Pruse, près du mont Olympe, seigneur, et que j'expédiais quelques affaires dans la maison où je logeais, me disposant à partir ce jour-là même, Asclépiade, magistrat, m'apprit que Claudius Eumolpe demandait à paraître devant mon tribunal. Coccéianus Dion avait demandé, dans le sénat de cette ville, que l'on reçût l'ouvrage qu'il avait exécuté. Alors Eumolpe, plaidant pour Flavius Archippus, dit qu'il fallait faire rendre compte à Dion de l'ouvrage avant de le recevoir, parce qu'il l'avait exécuté autrement qu'il ne le devait. Il ajouta que dans le même lieu on avait élevé votre statue, et enterré les corps de la femme et du fils de Dion. Il demandait que je voulusse bien décider la cause en audience publique. Je déclarai que j'étais tout prêt et que je différerais mon départ. Alors il me pria de remettre à en juger dans au autre temps et dans une autre ville. J'indiquai Nicée. Comme j'y prenais séance pour connaître de cette affaire, Eumolpe, sous prétexte de n'être pas encore préparé, me supplia d'accorder un nouveau délai. Dion, au contraire, insista pour être jugé. On dit de part et d'autre beaucoup de choses, même sur le fond de l'affaire. Mais, comme je pensais qu'il ne fallait rien précipiter, et qu'il était à propos de vous consulter sur une question si importante pour l'exemple, je dis aux parties de me remettre entre les mains leurs requêtes. Je voulais que vous fussiez instruit par elles-mêmes de leurs prétentions et de leurs raisons. Dion déclara qu'il me donnerait la sienne; Eumolpe dit qu'il expliquerait ce qu'il demandait pour la république; que du reste, quant aux sépultures, il n'était point l'accusateur de Dion, mais l'avocat de Flavius Archippus, auquel il avait seulement prêté son ministère. Archippus, pour qui Eumolpe plaidait comme pour la ville de Pruse, dit qu'il me remettrait ses mémoires. Cependant, quoiqu'un temps considérable se soit écoulé depuis, Eumolpe et Archippus ne m'ont rien donné. Dion seul m'a remis son mémoire que j'ai joint à cette lettre. Je me suis transporté sur le lieu. On m'y a montré votre statue dans une bibliothèque. Quant à l'endroit où la femme et le fils de Dion sont enterrés, c'est unegrande cour, enfermée de galeries. Je vous supplie, seigneur, de vouloir bien m'éclairer dans le jugement d'une affaire de ce genre. Tout le monde en attend ici la décision qui d'ailleurs est nécessaire, soit parce que le fait est certain et publiquement reconnu, soit parce qu'on allègue pour le défendre plus d'un exemple. [10,86] LXXXVI. - Trajan à Pline. Vous ne deviez pas hésiter, mon cher Pline, sur la question que vous me proposez. Vous savez fort bien que mon intention n'est point de m'attirer le respect par la crainte et par la terreur, ou par des accusations de lèse-majesté. Laissez donc là cette information que je ne permettrais pas quand il y en aurait des exemples; mais prenez connaissance de ce qui regarde l'ouvrage entrepris par Coccéianus Dion, et réglez les contestations formées sur ce point, puisque l'utilité de la ville le demande, et que Dion s'y soumet, ou doit s'y soumettre. [10,87] LXXXVII. - Pline à l'empereur Trajan. Les Nicéens, seigneur, m'ont conjuré, par tout ce que j'ai et dois avoir de plus sacré, c'est-à-dire par vos jours et par votre gloire immortelle, de vous faire connaître leurs prières. Je n'ai pas cru qu'il me fût permis de refuser. J'ai joint à cette lettre la requète qu'ils m'ont remise. [10,88] LXXXVIII. - Trajan à Pline. Les Nicéens prétendent tenir d'Auguste le privilége de recueillir la succession de ceux de leurs citoyens qui meurent sans avoir fait de testament. Examinez cette affaire en présence des parties intéressées avec Virbius Gémellinus et Epimachus, mon affranchi, tous deux mes intendants; et, après avoir pesé toutes les raisons, de part et d'autre, ordonnez ce qui vous paraitra le plus juste. [10,89] LXXXIX. - Pline à l'empereur Trajan. Je souhaite, seigneur, que cet heureux anniversaire de votre naissance soit suivi de beaucoup d'autres aussi heureux; que vous jouissiez, dans une longue et parfaite santé, de cette immortelle gloire que vous ont méritée vos vertus; qu'elle puisse croître de plus en plus par des exploits sans nombre. [10,90] XC. - Trajan à Pline. Je suis sensible, mon cher Pline, aux vœux que vous faites le jour de ma naissance pour m'obtenir des dieux une longue suite d'autres anniversaires au milieu de la gloire et du bonheur de la république. [10,91] XCI. - Pline à l'empereur Trajan. Les habitants de Sinope, seigneur, manquent d'eau. Il y en a de fort bonne et en grande abondance, à peu près à seize milles de là, que l'on y pourrait conduire. Il se trouve cependant, près de la source, un endroit long de mille pas environ, dont le terrain humide ne me paraît pas sùr. J'ai donné ordre que l'on examinât ce qu'il est possible de faire à peu de frais, si le sol peut soutenir un ouvrage solide. J'ai rassemblé l'argent nécessaire. Il ne nous manquera pas, si vous approuvez, seigneur, ce dessein en faveur de l'embellissement et de la salubrité de la colonie qui a vraiment besoin d'eau. [10,92] XCII. - Trajan à Pline. Examinez avec soin, comme vous avez commencé, mon cher Pline, si ce lieu qui vous est suspect peut porter un aqueduc. Car il n'est point douteux que l'on doive fournir de l'eau à la colonie de Sinope, si, par ses propres moyens, elle peut se procurer un avantage qui doit contribuer beaucoup à son agrément et à sa salubrité. [10,93] XCIII. - Pline à l'empereur Trajan. Grâce à votre indulgence, 1a ville d'Amise, libre et alliée de Rome, se gouverne par ses propres lois. J'y ai reçu une requête relative à leurs contributions volontaires. Je l'ai jointe à cette lettre, afin que vous vissiez, seigneur, ce que l'on pouvait sur cela tolérer ou défendre. [10,94] XCIV. - Trajan à Pline. Si les habitants d'Amise, dont vous avez joint la requête à votre lettre, peuvent, aux termes de leurs lois autorisées par le traité d'alliance, s'imposer des contributions, nous ne pouvons les empêcher de le faire, et moins encore s'ils emploient les impôts qu'ils lèvent, non à former des cabales et à tenir des assemblées illicites, mais à soulager les pauvres. Dans toutes les autres villes sujettes à notre obéissance, il ne faut point le souffrir. [10,95] XCV. - Pline à l'empereur Trajan. Suétone, le plus intègre, le plus honorable, le plus savant de nos Romains, seigneur, partage depuis longtemps ma maison. J'aimais en lui son caractère, son érudition, et, plus je l'ai vu de près, plus je me suis attaché à lui. Il peut appuyer d'un double motif ses droits au privilége dont jouissent ceux qui ont trois enfants. Il mérite d'abord tout l'intérêt de ses amis, et ensuite son mariage n'a pas été heureux. Il faut qu'il obtienne de votre bonté ce que lui a refusé l'injustice de la fortune. Je sais, seigneur, combien est importante la grâce que je sollicite. Mais c'est à vous que je la demande, à vous dont j'ai toujours trouvé la bienveillance si facile à mes désirs. Vous pouvez juger à quel point je souhaite cette faveur: si je ne la désirais que médiocrement, je ne demanderais pas de si loin. [10,96] XCVI. -- Trajan à Pline. Vous savez, mon cher Pline, combien je suis avare de ces sortes grâces. Vous m'avez entendu souvent assurer le sénat que je n'ai point encore dépassé le nombre dont je lui ai déclaré que je me contenterais. J'ai néanmoins souscrit à vos désirs. Et afin que vous ne puissiez douter que vous n'ayez obtenu pour Suétone le privilège de ceux qui ont trois enfants, sous la condition accoutuée, j'ai ordonné que le brevet en fût enregistré. [10,97] XCVII. - Pline à l'empereur Trajan. Je me suis fait un devoir, seigneur, de vous consulter sur tous mes doutes. Car qui peut mieux que vous me guider dans mes incertitudes ou éclairer mon ignorance? Je n'ai jamais assisté aux informations contre les chrétiens; aussi j'ignore à quoi et selon quelle mesure s'applique ou la peine ou l'information. Je n'ai pas su décider s'il faut tenir compte de l'âge, ou confondre dans le même châtiment l'enfant et l'homme fait ; s'il faut pardonner au repentir, ou si celui qui a été une fois chrétien ne doit pas trouver de sauvegarde à cesser de l'être ; si c'est le nom seul, fût-il pur de crime, ou les crimes attachés au nom, que l'on punit. Voici toutefois la règle que j'ai suivie à l'égard de ceux que l'on a déférés à mon tribunal comme chrétiens. Je leur ai demandé s'ils étaient chrétiens. Quand ils l'ont avoué, j'ai réitéré ma question une seconde et une troisième fois, et les ai menacés du supplice. Quand ils ont persisté, je les y ai envoyés : car, de quelque nature que fût l'aveu qu'ils faisaient, j'ai pensé qu'on devait punir au moins leur opiniâtreté et leur inflexible obstination. J'en ai réservé d'autres, entêtés de la même folie, pour les envoyer à Rome, car ils sont citoyens romains. Bientôt après, les accusations se multipliant, selon l'usage, par la publicité même, le délit se présenta sous un plus grand nombre de formes. On publia un écrit anonyme, où l'on dénonçait beaucoup de personnes qui niaient être chrétiennes ou avoir été attachées au christianisme. Elles ont, en ma présence, invoqué les dieux, et offert de l'encens et du vin à votre image que j'avais fait apporter exprès avec les statues de nos divinités; elles ont, en outre, maudit le Christ (c'est à quoi, dit-on, l'on ne peut jamais forcer ceux qui sont véritablement chrétiens). J'ai donc cru qu'il les fallait absoudre. D'autres, déférés par un dénonciateur, ont d'abord reconnu qu'ils étaient chrétiens, et se sont rétractés aussitôt, déclarant que véritablement ils l'avaient été, mais qu'ils ont cessé de l'être, les uns depuis plus de trois ans, les autres depuis un plus grand nombre d'années, quelques-uns depuis plus de vingt ans. Tous ont adoré votre image et les statues des dieux; tous ont maudit le Christ. Au reste ils assuraient que leur faute ou leur erreur n'avait jamais consisté qu'en ceci: ils s'assemblaient, à jour marqué, avant le lever du soleil ; ils chantaient tour à tour des hymnes à la louange du Christ, comme en l'honneur d'un dieu; ils s'engageaient par serment, non à quelque crime, mais à ne point commettre de vol, de brigandage, d'adultère, à ne point manquer à leur promesse, à ne point nier un dépôt; après cela, ils avaient coutume de se séparer, et se rassemblaient de nouveau pour manger des mets communs et innocents. Depuis mon édit, ajoutaient-ils, par lequel, suivant vos ordres, j'avais défendu les associations, ils avaient renoncé à toutes ces pratiques. J'ai jugé nécessaire, pour découvrir la vérité, de soumettre à la torture deux femmes esclaves qu'on disait initiées à leur culte. Mais je n'ai rien trouvé qu'une superstition extraordinaire et bizarre. J'ai donc suspendu l'information pour recourir à vos lumières. L'affaire m'a paru digne de réflexion, surtout à cause du nombre que menace le même danger. Une multitude de gens de tout âge, de tout ordre, de tout sexe, sont et seront chaque jour impliqués dans cette accusation. Ce mal contagieux n'a pas seulement infecté les villes; il a gagné les villages et les campagnes. Je crois pourtant que l'on y peut remédier, et qu'il peut être arrêté. Ce qu'il y a de certain, c'est que les temples, qui étaient presque déserts, sont fréquentés, et que les sacrifices, longtemps négligés, recommencent. On vend partout des victimes qui trouvaient auparavant peu d'acheteurs. De là on peut aisément juger combien de gens peuvent être ramenés de leur égarement, si l'on fait grâce au repentir. [10,98] XCVIII. - Trajan à Pline. Vous avez fait ce que vous deviez faire, mon cher Pline, dans l'examen des poursuites dirigées contre les chrétiens. Il n'est pas possible d'établir une forme certaine et générale dans cette sorte d'affaires. Il ne faut pas faire de recherches contre eux. S'ils sont accusés et convaincus, il faut les punir; si pourtant l'accusé nie qu'il soit chrétien, et qu'il le prouve par sa conduite, je veux dire en invoquant les dieux, il faut pardonner à son repentir, de quelque soupçon qu'il ait été auparavant chargé. Au reste, dans nul genre d'accusation, il ne faut recevoir de dénonciation sans signature. Cela serait d'un pernicieux exemple et contraire aux maximes de notre règne. [10,99] XCIX. - Pline à l'empereur Trajan. La ville d'Amastris, seigneur, qui est belle et bien bâtie, compte parmi ses principaux ornements une place magnifique et d'une vaste étendue, le long de laquelle se trouve ce qu'on appelle une rivière, niais ce qui n'est en effet qu'un cloaque impur, dont l'aspect est aussi choquant que les exhalaisons en sont dangereuses. Il n'importe donc pas moins à la santé des habitants qu'à la beauté de leur ville de le couvrir d'une voûte. C'est ce que l'on fera, si vous le permettez. J'aurai soin que l'argent ne manque pas pour un ouvrage si grand et si nécessaire. [10,100] C. - Trajan à Pline. Il est juste, mon cher Pline, de couvrir d'une voûte ce cloaque dont les exhalaisons sont préjudiciables à la santé des habitants d'Amastris. Je suis très persuadé que votre diligence ordinaire ne laissera pas manquer l'argent nécessaire à cet ouvrage. [10,101] CI. - Pline à l'empereur Trajan. Nous nous sommes acquittés, seigneur, avec beaucoup d'enthousiasme et de joie des voeux que nous avions faits pour vous les années précédentes, et nous en avons fait de nouveaux. Les troupes et les peuples y ont également signalé leur zèle. Nous avons prié les dieux pour votre santé et pour la prospérité de votre empire; et nous les avons conjurés de veiller à votre conservation avec cette bonté que vous avez méritée d'eux par tant de hautes vertus, mais particulièrement par votre piété et par le culte religieux que vous leur rendez. [10,102] CII. - Trajan à Pline. J'apprends avec plaisir par votre lettre, mon cher Pline, qu'à la tête des troupes et des peuples vous avez, avec allégresse, acquitté vos anciens voeux, et que vous en avez formé de nouveaux pour ma santé. [10,103] CIII. - Pline à l'empereur Trajan. Nous avons solennisé avec zèle le jour où une heureuse succession vous a chargé de la tutelle du genre humain; et nous avons recommandé aux dieux qui vous ont donné l'empire l'accomplissement des voeux publics auquel est attachée toute notre joie. [10,104] CIV. - Trajan à Pline. J'ai appris avec plaisir par votre lettre, mon cher Pline, qu'à la tète des troupes et des peuples vous avez célébré avec zèle et avec joie le jour de mon avénement à l'empire. [10,105] CV. - Pline à l'empereur Trajan. Valérius Paulinus, seigneur, m'a confié ses affranchis, à l'exception d'un seul, avec droit pour eux de cité latine. Je vous supplie aujourd'hui de vouloir bien accorder le droit de cité romaine seulement à trois d'entre eux : car je craindrais qu'il n'y eût trop d'indiscrétion à demander à la fois la même grâce pour tous. Plus vous me prodiguez votre bienveillance, plus je dois la ménager. Ceux pour qui je vous adresse ma prière, sont C. Valérius Estiéus, C. Valérius Dionysius et C. Valérius Aper. [10,106] CVI. - Trajan ci Pline. La prière que vous m'adressez en faveur de ceux que Valérius Paulinus a confiés à votre foi fait honneur à vos sentiments. J'ai donné le droit de cité romaine à ceux pour qui vous l'avez demandé, et j'en ai fait enregistrer l'acte, prêt à accorder la même grâce à tous les autres, si vous la demandez pour eux. [10,107] CVII. - Pline à l'empereur Trajan. Publius Accius Aquila, centurion de la sixième cohorte à cheval, m'a prié de vous envoyer sa requête où il implore votre bienveillance pour sa fille. J'ai cru qu'il y aurait de la dureté à le refuser, sachant avec quelle douceur et avec quelle bonté vous écoutez les prières des soldats. [10,108] CVIII. - Trajan à Pline. J'ai lu la requête que vous m'avez envoyée au nom de Publia Accius Aquila, centurion de la sixième cohorte à cheval. J'ai accordé, à sa prière, le droit de cité romaine pour sa fille, et je vous en ai envoyé le brevet pour le lui remettre. [10,109] CIX. - Pline à l'empereur Trajan. Je vous supplie, seigneur, de m'apprendre quel droit il vous plaît qu'on accorde aux villes de Lithynie et du Pont pour le recouvrement des sommes qui leur sont dues, soit pour loyers, soit pour prix de ventes ou autres causes. Je trouve que la plupart des proconsuls leur ont accordé la préférence sur tous les créanciers, et que cela s'est établi comme une loi. Je crois pourtant qu'il serait à propos que vous voulussiez bien établir sur cela quelque règlement certain qui assurât à l'avenir leur état. Car ce que d'autres ont ordonné, quoique avec sagesse, ne se soutiendra pas, si votre autorité ne le confirme. [10,110] CX. - Pline à Trajan. Le droit à accorder aux villes de Bithynie et du Pont sur les biens de leurs débiteurs doit être déterminé par les lois particulières à chacune d'elles. Car si elles ont un privilége qui leur assure une préférence sur tous les autres créanciers, il le leur faut conserver; si elles n'en ont pas, je ne dois pas le leur donner au préjudice des particuliers. [10,111] CXI. - Pline à l'empereur Trajan. Le procureur syndic de la ville des Amiséniens a poursuivi devant moi Jules Pison pour la restitution de quarante mille deniers environ qui lui ont été donnés par la ville, il y a plus de vingt ans, du consentement de leur sénat, et s'est fondé sur vos édits qui défendent ces sortes de donations. Pison a soutenu, au contraire, que la ville lui devait beaucoup, et qu'il avait presque épuisé tout son bien pour elle. Il s'est retranché d'ailleurs dans l'espace de temps qui s'est écoulé depuis, et a demandé qu'on ne lui arrachât pas, avec l'honneur, ce qui lui avait été accordé depuis tant d'années, et ce qui lui avait tant coûté. J'ai cru, par ces raisons, que je devais suspendre mon jugement jusqu'à ce que j'eusse appris, seigneur, vos intentions. [10,112] CXII. - Trajan à Pline. Il est vrai que mes édits défendent les largesses qui se font des deniers publics. Mais, d'un autre côté, la tranquilité du grand nombre de particuliers dont la fortune serait dérangée, si l'on révoquait toutes les donations de cette espèce, faites depuis un certain temps, exige qu'elles soient respectées. Laissons donc subsister les actes de cette nature faits il y a plus de vingt ans. Car je ne veux pas prendre moins de soin du repos des habitants de chaque ville, que de la conservation des deniers publics. [10,113] CXIII. - Pline à l'empereur Trajan. La loi Pompéia, seigneur, qui s'observe dans la Bithynie et dans le royaume du Pont, n'assujettit point ceux qui sont choisis par les censeurs pour être admis au sénat à donner de l'argent. Mais ceux qui n'y sont entrés que par votre faveur, et par la permission que vous avez accordée à quelques villes d'ajouter de nouveaux sénateurs aux anciens, ont payé au trésor public, les uns mille deniers, les autres deux mille. Dans la suite, le proconsul Anicius Maximus a voulu que ceux même qui seraient choisis par les censeurs payassent en quelques villes une certaine somme, les uns plus, les autres moins. C'est à vous, seigneur, à régler si à l'avenir tous ceux qui seront choisis pour sénateurs paieront également dans toutes les villes une somme fixe pour leur entrée. Il vous appartient d'établir les lois destinées à subsister toujours, vous, seigneur, dont les paroles et les actions sont destinées à l'immortalité. [10,114] CXIV. - Trajan à Pline. Je ne puis faire pour toutes les villes de la Bithynie une loi générale qui décide que pour être admis au sénat il faut, ou non, payer une certaine somme et en déterminer la quotité. Il me semble donc que, pour nous tenir à ce qui est toujours le plus sûr, il faut suivre la coutume de chaque ville contre ceux qui sont nommés sénateurs malgré eux. Je pense que les censeurs feront en sorte que ceux qui sont disposes à contribuer volontairement soient préférés aux autres. [10,115] CXV. - Pline à l'empereur Trajan. La loi Pompéia, seigneur, permet aux villes de Bithynie de donner le droit de cité à leur gré, pourvu que ce soit à des citoyens, non d'une ville étrangère, mais de quelque autre ville de la province. La même loi énonce les raisons qui autorisent les censeurs à exclure guelqu'un du sénat, et il n'y est point fait mention de celui qui n'est pas citoyen du lieu. Quelques censeurs ont pris de là occasion de me demander s'ils devaient exclure un homme qui était citoyen d'une ville étrangère. J'ai cru, seigneur, qu'il fallait savoir vos intentions sur cette affaire: car, si la loi défend d'agréger un citoyen qui n'est pas d'une ville de la province, elle n'ordonne pas que l'on retranche du sénat celui qui n'est pas citoyen. D'ailleurs plusieurs personnes m'ont assuré qu'il n'y avait point de ville où il ne se trouvât grand nombre de sénateurs dans ce cas, et que l'on troublerait beaucoup de villes et de familles, sous prétexte d'une loi qui, dans ce chef, semblerait depuis longtemps abolie par un consentement tacite. J'ai joint à cette lettre les divers titres de la loi. [10,116] CXVI. - Trajan à Pline. C'est avec raison, mon cher Pline, que vous avez hésité sur la réponse à faire aux censeurs qui vous demandaient s'ils pouvaient choisir pour sénateurs des citoyens d'autres villes que de la leur, mais de la même province : car vous pouviez être partagé entre l'autorité de la loi et l'ancienne coutume qui avait prévalu. Voici le tempérament que je crois devoir prendre. Ne touchons point au passé. Laissons dans leur état ceux qui ont été faits sénateurs, quoique contre la disposition de la loi, et de quelque ville qu'ils soient; mais suivons exactement, à l'avenir, la loi Pompéia, dont nous ne pourrions faire remonter l'observation aux temps passés, sans causer beaucoup de troubles. [10,117] CXVII. - Pline à l'empereur Trajan. Ceux qui prennent la robe virile, qui célèbrent un mariage, qui entrent en exercice d'une charge, ou qui consacrent quelque ouvrage public, ont coutume d'y inviter tout le sénat de la ville même un grand nombre de personnes du peuple, et de donner à chacun un ou deux deniers. Je vous supplie de m'apprendre si vous approuvez ces cérémonies, et jusqu'à quel point on doit les souffrir. Pour moi, comme j'ai cru, et peut-être avec raison, qu'il fallait permettre d'inviter, principalement en ces occasions solennelles, je crains aussi que ceux qui invitent quelquefois jusqu'à mille personnes et plus, ne passent toutes les bornes permises, et ne donnent lieu à l'accusation de former un attroupement défendu. [10,118] CXVIII. - Trajan à Pline. Vous n'avez pas tort, mon cher Pline, de craindre que ces assemblées si nombreuses où l'on invite, pour des rétributions publiques, non les personnes que l'on connaît, mais, pour ainsi dire, des corps entiers de citoyens, ne semblent bientôt dégénérer en attroupements. J'ai compté sur votre prudence pour réformer les abus de cette province, et y fonder les institutions qui peuvent lui procurer une perpétuelle tranquillité. [10,119] CXIX. - Pline à l'empereur Trajan. Les athlètes, seigneur, prétendent que le prix que vous avez établi pour les vainqueurs, dans les combats isélastiques, leur est dû dès le jour qu'ils ont reçu leur couronne; qu'il importe peu quel jour ils font leur entrée solennelle dans leur patrie; qu'il ne faut songer qu'au jour où ils ont vaincu, et à celui, par conséquent, où ils ont pu la faire. Pour moi, au contraire, le nom même d'isélastique me fait pencher à croire qu'il ne faut compter que du jour où ils ont fait leur entrée. Ces athlètes demandent encore leur rétribution pour le combat que vous avez depuis rendu isélastique, quoiqu'il ne le fût pas encore au temps où ils ont remporté la victoire. Ils allèguent que, si on ne leur donne rien pour ces combats qui ont cessé d'être isélastiques depuis qu'ils ont vaincu, il est juste de leur donner pour ceux qui le sont devenus. Je me trouve encore fort embarrassé sur ce point. Je doute que l'on doive faire remonter les prix avant leur établissement, et les donner à ceux à qui ils n'avaient point été proposés, quand ils ont vaincu. Je vous supplie donc, seigneur, de résoudre mes doutes, ou plutôt de vouloir bien interpréter vos grâces. [10,120] CXX. - Trajan à Pline. La récompense assignée au vainqueur dans les combats isélastiques ne me paraît due que du jour où il a fait son entrée dans sa ville. Les rétributions pour les combats qui, avant que je les eusse rendus isélastiques, ne l'étaient point, ne peuvent remonter au temps où elles n'étaient point établies. Et les changements survenus, soit dans les combats qui ont commencé à être isélastiques, soit dans ceux qui ont cessé de l'être, ne décident rien en faveur des athlètes : car, bien que la nature de ces combats change, on ne leur fait point rendre ce qu'ils ont une fois reçu. [10,121] CXXI. - Pline à l'empereur Trajan. Jusqu'à présent, seigneur, je n'ai accordé aucun passeport de faveur, ni pour d'autres affaires que pour les vôtres. Une nécessité imprévue m'a forcé de violer cette loi que je m'étais faite. Sur la nouvelle que ma femme a reçue de la mort de son aïeul, elle a souhaité de se rendre au plus tôt près de sa tante. J'ai cru qu'il y aurait de la dureté à lui refuser des passe-ports. Le mérite d'un devoir si légitime consiste dans l'empressement à le remplir, et je savais d'ailleurs que vous ne désapprouveriez pas un voyage entrepris par piété. Je vous mande ces détails, seigneur, parce que je me serais accusé d'ingratitude, si, parmi tant de gràces que je dois à votre bienveillance, j'avais dissimulé celle-ci. C'est la confiance que j'ai en elle qui m'a fait faire, comme si vous me l'aviez permis, ce que j'eusse fait trop tard, si j'eusse attendu votre permission. [10,122] CXXII. - Trajan à Pline. Vous avez eu raison, mon cher Pline, de compter sur mon affection. S'il vous eût fallu me consulter et attendre ma réponse pour délivrer à votre femme les passe-ports nécessaires à son voyage, et que vous pouvez accorder par un privilège que j'ai attaché à vos fonctions, ces passe-ports, sans contredit, eussent mal servi son dessein. C'était une obligation pour elle d'ajouter par sa diligence au plaisir que son arrivée devait causer à sa tante.