[7,0] 7ème Sermon de Saint Pierre Chrysologue. [7,1] Quand Dieu s’est muté en Père, Il a préféré régner plutôt par l’amour que par la puissance, être aimé plutôt qu’être craint. Son affection paternelle nous met en garde pour qu’un effort pénible, très saint par lui-même, n’entraîne pas notre perte, selon les mots de l’Evangéliste : quand vous jeunez, ne prenez pas un visage triste comme font les hypocrites. Ils prennent une mine défaite pour que les hommes voient bien qu’ils jeûnent. En vérité, en vérité, je vous le dis, ils ont reçu leurs récompenses. L’hypocrisie est un mal subtil, un ver solitaire, un venin latent, une contrefaçon des vertus, la teigne de la sainteté. Tous les ennemis font usage de leurs forces, combattent avec leurs propres armes, font la lutte ouvertement, On se protège contre eux d’autant plus facilement qu’on les voit. Mais l’hypocrisie feint en toute sécurité, prospère en trompant, ment par curiosité, et avec une adresse cruelle, elle émousse la pointe des vertus. Elle anéantit le jeûne par le jeûne, elle évacue la prière par la prière, elle terrasse la miséricorde par la miséricorde. La jalousie , apparentée à la fièvre, met du feu dans la coupe froide. Ce que l’hydropisie est pour les corps, l’hypocrisie l’est pour les âmes. L’hydropisie assoiffe quelqu’un, l’hypocrisie l’enivre. Ils prennent une mine défaite, pour que les hommes voient bien qu’ils jeûnent. L’hypocrisie, en cherchant à captiver les yeux, devient elle-même captive des yeux. Ils prennent une mine défaite. Et s’ils assombrissent leurs faces, quel ornement du corps demeurera ? Il en est vraiment comme le dit le Seigneur : Si la lumière qui est en toi est ténèbres, que ne seront pas ces ténèbres ? Hypocrisie, s’il te plaît de rendre terne le visage, d’avoir la peau négligée, l’air triste, un visage d’enterrement, tu n’as même pas recueilli de louanges auprès des hommes, et, auprès de Dieu, tu as perdu le fruit du jeûne. Hypocrisie, tu as peiné par le jeûne de façon à ce que la peine du jeûne ne te soit d’aucun profit. Hypocrisie, tu es entrée dans les eaux de l’abstinence, tu as été ballotée par les vagues , tu t’es aventurée en haute mer, mais tu as fait naufrage dans le port du jeûne. Tu n’as remporté aucun profit, mais tu as fait l’acquisition de la vanité, toi qui as voulu t’enrichir sur le compte de Dieu. Tu devras donc Lui rendre des comptes, toi qui as perçu les intérêts de la misérable louange humaine. Frères, il faut fuir ce virus, il faut se protéger contre cette peste, qui crée les maladies à partir des remèdes, qui produit la fièvre à partir des médicaments, qui transforme la sainteté en crime, la tentative d’apaisement en faute, qui d’un sacrifice propitiatoire fait un instrument de rejet. Celui qui fuit l’hypocrisie remporte la victoire. Celui qui donne de la tête sur l’hypocrisie, croule. Fuyons l’hypocrisie, mes frères. Fuyons-la. Que notre jeûne soit sanctifié par la simplicité, par l’innocence. Que la pureté le rende pur, la sincérité sincère. Qu’il soit caché aux hommes , ignoré du démon, mais connu de Dieu. Celui qui ne cache pas un trésor l’exhibe au grand jour. Les vertus dont on fait parade ne dureront pas. Comme les vertus abandonnent ceux qui en font étalage, elles gardent ceux qui les tiennent sous surveillance. Donc, le jeûne qui est pour nous la première ressource contre les vices, doit être placé dans l’arène du cœur. Parce que, si le jeûne préside à l’intérieur, les vices n’auront pas la force de nous ébranler à l’extérieur. Pour que le chrétien puisse avoir cette sorte de jeûne, le Christ l’exhorte en disant : Toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête, lave-toi le visage, pour que ton jeûne soit connu non des hommes mais de ton Père qui est là dans le secret. Et ton Père qui voit dans le secret te le rendra. Dieu ne se complait pas dans les minois voluptueux, mais Il rejette les visages qui présentent une fausse apparence. Le visage défait, abattu par la douleur recherche la vaine gloire. Il n’est d’aucun profit au jeûne volontaire. Si quelqu’un veut jeûner, quel besoin a-t-il de la tristesse ? S’il ne veut pas jeûner, pourquoi jeûner ? C’est en toute justice qu’il porte le poids de la tristesse celui qui fait de la vertu un vice, de la vérité un mensonge, de la récompense une dépense, de la remise des peines un péché. Le cultivateur, s’il ne herse pas, s’il ne laboure pas, s’il ne creuse pas de profonds sillons, s’il n’arrache pas les mauvaises herbes, s’il ne dépose pas la semence en sécurité, c’est à lui-même qu’il ment, non à la terre, A la terre il ne fait pas de tort, mais il se prive de la récolte. Et c’est ainsi qu’il s’appauvrit, se frustre et se nuit celui qui ment à la terre d’une main trompeuse. Que fera-t-il, qu’aura-t-il, que trouvera-t-il celui qui ment à Dieu, pour apaiser sa faim, quand surabondera l’hypocrisie ? Parce que nous avons fait mention du cultivateur, qu’il sache devoir soutenir un labeur incessant, qu’il n’aura rien si, saisissant la charrue du jeûne et avalant les mauvaises herbes de la gourmandise et éradiquant l’ivraie de la luxure, il ne jette pas la semence de la miséricorde. C’est ce que le Seigneur a voulu nous faire comprendre lui qui, en nous prêchant sur le jeûne, ajoute ensuite : Ne vous amassez point de trésors sur la terre où la mite et le ver consument, où les voleurs percent et cambriolent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel. Là, point de mite ni de ver qui consument, point de voleurs qui perforent et cambriolent. Qu’y a-t-il de plus paternel ? Qu’est-ce qui provient plus directement de l’amour ? Quel conseil plus convoyeur de charité ! Il veut que rien de ce qui est à toi ne périsse, lui qui veut déposer tes trésors dans les voûtes célestes. En quelle sécurité il dort celui qui a mérité d’avoir Dieu comme gardien de ses biens ! Comme il ignore l’inquiétude, comme il a surmonté les angoisses, comme il est sans anxiété, comme il est éloigné du faste, celui qui a confié ses biens à la garde de son Père ! Ce que la crainte servile ne pouvait pas surveiller, comme l’affection paternelle le fait ! Quand le Père donne quelque chose à ses fils, Il ne le prélève pas sur les choses qui avaient été par eux remises à sa garde . Il ne sait pas ce qu’est le Père, il ne sait pas qu’il est fils celui qui ne croit pas au Père. Les choses mises sous clé n’éliminent pas les mites, mais elles les emprisonnent. S’il elles les engendrent, elles ne les repoussent pas. Les choses conservées nourrissent la rouille, elles ne peuvent l’éviter, car ce qui nait d’une chose ne peut être évité. Où il y a des trésors, les voleurs ne peuvent manquer. Celui donc qui remet ses biens à la garde des mites, de la rouille et des voleurs, ne les met pas en sécurité. Les mites naissent nécessairement des vêtements, la rouille du métal, les voleurs de l’argent. De la même façon, l’avarice naît des richesses, la cupidité du luxe, le désir d’acquérir, de l’avoir. Celui donc qui veut vaincre l’avarice, qu’il se dépouille des richesses, qu’il ne mette pas sa confiance en elles. Déposons d’avance, mes frères, notre trésor dans le ciel. Que les porteurs en soient les pauvres, eux qui peuvent apporter nos biens au ciel, dans leurs cœurs. Personne ne croit sérieusement au messager qui porte les morts. C’est toi qui es responsable de ce transfert, au cours duquel nos biens sont apportés à Dieu sous la sauvegarde de Dieu. A Lui honneur et gloire, vertu et règne, et actions de grâces dans les siècles des siècles. Amen.