COMMENTAIRE DE PROCLUS SUR LE PARMÉNIDE Sept Livres sur le Parménide LIVRE SIXIÈME. § 122. — « Soit donc, dit il ; si l'un est, n'est il pas certain[2] que l'un ne saurait être plusieurs? — Et comment le serait-il? —Donc nécessairement il n'y a pas de lui, partie, et il n'est pas un tout. — Comment cela? — »[3] D'abord sur la question comment Parménide a établi dans son exposition le nombre des hypothèses[4] qu'il a déterminé, c'est ce qu'il nous faut en examiner en abordant cette recherche; car qu'il y ait quatre hypothèses, ou six, ou huit, ou neuf ou dix, il importe de voir d'où viennent ces nombres qu'on amène ici. Car on pourrait soulever l'objection logique à savoir si la pluralité des hypothèses ne ruine pas la première et alors il n'y a rien qui ait rapport à la méthode exposée; car en partant d'elle, si toutefois on la pose, nous n'avons que deux seules hypothèses ; lune, si l'un est; l'autre s'il n'est pas, que doit il s'ensuivre? Il n'y en a pas davantage, si du moins nous nous rappelons les règles que nous avons précédemment formulées:[5] comment donc au lieu de deux, en fait-on un si grand nombre. Je veux, en répondant d'abord à cette question, aborder le laborieux examen des sujets mêmes que nous avons à traiter. Je dis donc que le nombre des hypothèses présenté se manifeste d'une façon très conséquente par les termes dont est formée l'hypothèse; car si l'un est, il y aura cinq hypothèses, par suite de l’hyparxis différente de l'un, que nous avons fait connaître plus haut ; s'il n'est pas, il y en a quatre, par la notion différente qu'on se peut faire du non être. Car l'un se dit en trois sens: tantôt comme supérieur à l'être; tantôt comme au même rang que l'être ; tantôt comme abaissé au-dessous de l'être, et le non être se dit en deux significations : tantôt comme n'étant absolument pas ; tantôt comme étant sous un rapport, tantôt comme n'étant pas sous un autre. Nécessairement donc la discussion procédant selon les significations de ces deux termes,[6] multiplie et diversifie les hypothèses, parce qu'elle recherche dans la première, quel rapport l'un, qui est supérieur à l'être, soutient et avec lui-même et avec les autres, ?? ????, dans la deuxième, comment se comporte l'un, qui est immanent à l'être, dans la troisième, comment se comporte l'un qui est plus pauvre d'essence que l'être et par rapport ù lui-même et par rapport aux autres; dans la quatrième, comment les autres, ayant participé de l'un, se comporteront par rapport à eux-mêmes et à l'un ; dans la cinquième, comment les autres n'ayant pas participé de l'un, se comporteront par rapport à eux-mêmes et à l'un; dans la sixième,[7] comment l’un, s'il n'est pas en ce sens que sous un rapport il est, sous un autre n'est pas, se comportera relativement et à lui-même et aux autres; dans la septième, comment l'un s il n'est pas, dans le sens de l'absolu non être, se comportera relativement et à lui-même et aux autres ; dans la huitième, comment les autres se comporteront par rapport et à eux-mêmes et à l'un qui n'est pas, quand on les coordonne à celui qui sous un rapport est, sous un autre n'est pas; dans la neuvième, comment les autres, coordonnés à l'un qui n'est pas absolument, se comporteront relativement et à eux mêmes et à l'un qui n'est pas. Et c'est à celle-ci que prend fin la méthode qui a traversé et suivi toutes les significations de l'un et du non être, et par toutes ces significations étant arrivée à sa fin achevée, a rassemblé et réuni toute la théorie en neuf hypothèses. Car dans l'un qui a le sens vrai de un, se trouvent les conclusions impossibles et les affirmatives et les négatives et les deux réunies ensemble : par exemple que l'un,[8] n'est ni le même ni autre, et qu'il est en même temps, le même et autre, et encore qu'il est à la fois et le même et n'est pas le même, qu'il est autre et n'est pas autre. Nécessairement donc celui qui veut, sur cet un, tirer toutes les conclusions, se livre véritablement à un jeu. Un jeu indigne d un homme âgé et vraiment enfantin, et il faut se prononcer énergiquement contre cette méthode. Mais si l'on veut rester dans le vrai, dans toutes les conclusions qui se peuvent formuler concernant l'un, en admettant que l'un est, et qui sont les conséquences nécessaires de l’existence de l’un, en sorte que sont fausses les conséquences de l'hypothèse du non être de l'un (car il est impossible et que des propositions vraies suivent de deux prémisses contradictoires et que les contradictoires appartiennent au même sujet, à moins que les conséquences nécessaires ne soient entendues dans des sens différents,[9] — par conséquent il est clair[10] que l'un doit être pris dans des sens différents, afin que dans l'un des sens, les négations soient vraies, dans l'autre, les affirmations qui sont les conséquences nécessaires de la position de l'un. Et ainsi il faut ramener à des unions la pluralité des hypothèses, quoiqu'elles soient toutes posées sur l'un de Parménide, parce que l’argumentation le considère ou en tant que un, ou en tant que être ou en tant que un et en tant que être à la fois et que par là elle aboutit à des conclusions différentes, et que d'un autre côté, lorsqu'on pose que l'un n'est pas, soit que nous entendions celui qui n'est pas sous un rapport, ou le non étant absolument,[11] elle aboutit par là, dans les deux cas, à des conclusions absurdes,[12] et que par toutes ces démarches logiques, elle constitue le nombre complet de neuf hypothèses, selon la division que nous avions établie. Maintenant, qu'il y a trois conceptions de l'un, considéré ou comme seulement un, ou comme participé par l'être, et par là étant imparfait, ou comme participé, il est vrai, mais dans le sens d'un état habituel, d'une possession constante, ?? ????,[13] cela est évident. Car la raison est ou imparticipable,[14] ou participable et substantielle, ou participable, comme état constant et essentiel; l'âme également est ou imparticipable, ou participable mais séparable des choses qui participent d'elle, ou participable et inséparable de ces mêmes choses. Or nous avons tous ces sens et de la raison et de l'âme, chez Platon, dans le Timée, et d'une manière très distincte. Et qu'aussi non être se dise en deux sens, tantôt comme étant sous un rapport, tantôt comme n'étant pas sous un autre, et comme le non être absolu, c'est une division qu'il a établie lui même dans la République. De sorte que si celui là est dit en trois sens, celui ci en deux, il est logique que le nombre des hypothèses soit celui qui est posé ; caries autres, si l'un est posé être, seront nécessairement divisés en deux, selon qu'ils participent de l'un, ou n'en participent pas; et s'il est posé n'être pas ils seront également divisés en deux, selon que l'un est relativement, mais cependant est étant,[15] ou qu'il n'est absolument pas, et ils ont alors ou le être et l'un relatif, ou le non un absolu, de sorte qu'il y aura nécessairement neuf hypothèses. Que tel est réellement le nombre des hypothèses, la preuve certaine en a été faite par ceux-là même qui n'ont vu dans le dialogue que son caractère logique[16] et qui n'ont poursuivi et atteint que les traces des raisonnements de Platon. Car quoique ce ne fussent que des traces, en les suivant, ceux qui nous ont précédés ne se sont pas trompés sur le vrai plan et le but du philosophe, et sur l'économie de cette laborieuse recherche. Mais qu’est-il besoin d'en dire plus long? Le philosophe lui-même va nous éclaircir la division, lorsque nous entrerons dans le fond des mots mêmes, et nous montrera que tous ceux qui ont à tort diminué ou augmenté le nombre des hypothèses, ont, les uns confondu ensemble celles qui sont différentes, les autres[17] ont divisé celles qui sont unies et suspendues à un seul principe Pour nous, nous devrons nous arrêter aux termes mêmes et affirmer que les hypothèses sont en nombre égal (à celui des termes), et c'est, suivant nous, le nombre que Platon lui même nous fera connaître dans le cours de son dialogue ; car il ne faut pas tirer la division totale d'ailleurs que des termes donnés. Il y a donc neuf hypothèses : ce nombre est produit de la manière que nous avons dite, à savoir des notions différentes que nous avons de l'un et du non être. De sorte qu'en réponse à cette question, il n'est pas nécessaire d'en dire davantage ; ce que nous avons dit suffit en ce qui concerne le point de vue logique des questions proposées. Maintenant quelques-uns s'appuyant sur des arguments plus difficiles et plus embarrassants, ne pensent pas qu'il y ait plusieurs hypothèses,[18] ni que les conclusions[19] multiples et diverses, portent sur des sujets multiples et différents; mais ils demandent : admettez-vous dans toutes les hypothèses un seul et même sens de l'un, ou n'admettez-vous pas qu'il soit partout le même et qu'il est différent selon les diverses hypothèses? Car si l’on donne à l'un, un seul et même sens, il n'y aura pas plusieurs hypothèses, mais une seule; car il n'y a qu'une seule hypothèse pour une seule idée; le dialogue n'aura pas pour sujet les principes, comme vous le prétendez, diront-ils, mais un principe. Car l'un dont il traite est un principe, mais pas du tout les principes. Mais si l'un est entendu dans plusieurs sens, si c'est parce qu'il est, dans les différents passages compris dans un sens différent, qu'on combine les arguments hypothétiques et qu'on diversifie les hypothèses, on manque le but de la méthode précédemment décrite ; car il faut, pour considérer ce qui résulte, que ce soit toujours le seul et même un qu'on pose ou qu'on supprime, et qu'on ne saute pas d'un sens à un autre. C'est là, comme je l'ai dit, une question de beaucoup plus embarrassante que la précédente, qui était d'un caractère de logique formelle. Avant de passer à la solution de cette objection, je veux présenter quelques idées qui contribueront à l'intelligence pénétrante et complète[20] du sujet qui nous est proposé. Ainsi donc appelant l'un le principe de tous les êtres et de tous les non êtres[21] (puisque être unifiés est pour tous un bien et le plus grand des biens, tandis qu'être séparés absolument de l'un[22] est un mal et le plus grand des maux ; car la division devient la cause de la dissemblance et de l'antipathie et de la tendance des choses à sortir de l'état qui est selon la nature), ainsi donc appelant l'un le principe du tout, comme le chorège pour tout du plus grand des biens, qui donne l'unité à toutes les choses, et c'est pour cela que nous le dénommons un, partant de cette idée, nous disons que par cela même, tout principe, en tant qu'il remplit parmi les êtres cette haute fonction, est une sorte d'hénade et ce qu'il y a, dans chaque ordre des choses réelles, de plus parfaitement un. D'abord nous posons cette force archique[23] non pas dans les parties, mais dans les touts, ni dans un quelconque déterminé des plusieurs, mais dans les monades qui conservent dans leur nature les choses de la pluralité; ensuite nous la considérons surtout dans les sommités des monades, et dans ce qu'il y a de plus parfaitement un en elles, dans la nature où elles sont unifiées à l'un, où elles sont déifiées, où elles ne s'écartent pas de ce principe unique et un.[24] Voici ce que je veux dire : (car parlons ici du fond des choses mêmes[25]) les causes visibles de la lumière sont nombreuses, les unes dans le ciel, les autres au-dessous de la lune : car ce sont des lumières différentes qui descendent, sous des formes différentes, du feu matériel, de la lune et des autres astres, dans ce bas monde. Mais si l'on cherche la monade une de tout le feu encosmique, de laquelle dépendent les autres choses lumineuses, et qui sont les chorèges de la lumière, on n'en admettra pas une autre, je crois, que la révolution visible du soleil.[26] C'est elle en effet qui procédant de quelque lieu d'en haut, de la lumière invisible et cachée[27] et du diacosme hypercéleste, sème et répartit, selon la loi de la proportion, à toutes les choses encosmiques, la lumière : car de quelle autre source[28] les astres et l'élément obscur de la matière participent-ils de la lumière? Mais, quoi! appellerons- nous donc ce corps visible et phénoménal, principe de la lumière? Non! car il est étendu dans l'espace, divisible; des différentes parties qu'il contient procède une différente lumière, et nous, nous cherchons le principe unique de la lumière. Faut-il donc prendre l'âme qui dirige le mouvement des corps comme ce qui a la puissance d'engendrer par elle-même la lumière? Sans doute elle engendre aussi la lumière, mais pas cependant primairement : car elle est pluralité, et la lumière est la manifestation d'une hypostase simple et uniforme. Sera-ce donc la raison, cause de l'âme, (qui sera la source de la lumière)? Mais la raison est très intimement unie à l'âme, et n'est pas encore le principe suprême et premier. Il reste donc que ce soit l'un de cette raison, son hyparxis et pour ainsi dire sa fleur, qui soit le premier principe et le principe de cette lumière. Car le véritable soleil qui règne dans le monde visible est le fils du Bien.[29] Toute hénade vient de là, et toute divinité vient de l'hénade des hénades et de la source des Dieux.[30] Et de même que celle là est pour les intelligibles le principe de la lumière intelligible, de même l’hénade de l’ordre héliaque est pour les choses visibles le principe de la lumière d'ici-bas : de sorte que s'il faut concevoir la cause une et le principe un de toute la lumière encosmique, c'est cette hénade qu'il faut prendre, parce qu'elle est analogue à l'un, qu'elle est fondée selon un mode secret et caché en lui, et qu'elle est inséparable de lui. Comme cette hénade est placée selon son rang avant la raison[31] héliaque, il y a aussi dans la raison en tant que raison, l'un participé par elle, sorte de semence jetée en elle,[32] et par l'intermédiaire de laquelle elle est rattachée à cette hénade, et ce n'est pas seulement en elle (la raison) qu'est cet un : il est aussi dans l'âme héliaque; — car cette âme aussi, par la vertu de son un propre, remonte à cette hénade par l'intermédiaire de l'un qui est dans la raison. De même encore dans le corps héliaque, il y a nécessairement une sorte d'écho de cette hénade ; car il faut que ce corps participe des choses qui sont au-dessus de lui : de l'âme, selon la vie qui a été semée en lui;[33] de la raison, selon l'espèce;[34] de l'hénade, selon l'un, puisque l'âme participe de la raison et de cette hénade, et que les participations sont différentes selon les différents participés,[35] et l'on pourrait dire que cet un est la cause immédiate[36] de la lumière solaire, qui le possède par la participation de cette hénade. De même si l'on cherchait la racine, si on peut la nommer ainsi, de tous les corps, d'où ont poussé les corps qui sont dans le ciel et ceux qui sont au-dessous de la lune, soit les touts, soit les parties, ce ne serait pas sans raison vraisemblable que nous dirions que c'est cette nature[37] qui est le principe pour tous les corps du mouvement et du repos, et qu'elle a son fondement en eux, soit qu'ils se meuvent soit qu'ils soient en repos. Et j'appelle nature cette vie une, située au-dessus[38] de tout le Cosmos, et qui, placée après la raison et l’âme, par l'intermédiaire de la raison et de l’âme, participe de la génération ; c'est elle qui, plutôt que l'un quelconque des plusieurs ou des choses particulières, est principe : mais néanmoins elle, non plus, n'est pas au sens propre, principe : car elle a une pluralité de forces, et emploie des forces différentes pour bien diriger les parties différentes du tout. Mais nous, nous cherchons pour le moment le principe un et commun de tout et non les principes distincts, divisés et plusieurs. Si donc nous devons découvrir[39] le principe un et unique, il nous faut remontera ce qu'il y a de plus un dans la nature et à sa fleur,[40] en tant que même la nature est Dieu,[41] qui est suspendu à sa source propre, qui conserve dans son essence et unit le Tout et le fait sympathique à lui-même : c'est cet un là, qui est le principe de toute génération et pour la pluralité des puissances de la nature et pour les natures particulières et en un mot pour toutes les choses gouvernées par la nature. Parlons en troisième lieu de la connaissance; car nous disons qu'il y a un principe de la connaissance, mais assurément nous n'entendons pas que ce soit l'opinion ni la sensation : car il n'y a en elles aucune partie[42] capable de connaître[43] qui soit sans matière et sans figure; nous ne dirons pas non plus que la connaissance conjecturale, ni même la connaissance de l'entendement discursif soit le principe de la connaissance ; car l'une ne connaît pas les causes et la raison lui fait défaut,[44] comme le dit également Diotime:[45] car elle poursuit et cherche exclusivement le ??? des choses (c'est-à-dire qu'elles sont);[46] l'autre, quoiqu'elle connaisse la cause, ne saisit cependant les choses que divisément ; elle n'en possède pas le tout, ni le toujours, ni le de la même manière, ni le tout d'un bloc, ni l’incomposé, ni le simple. Il ne faut donc pas poser ces facultés comme principe de la connaissance. C'est peut être la raison qui est le principe de la connaissance ; car toute connaissance dans la raison est simultanée; elle ne procède pas par actes transitifs ni par actes divisés. Or, si la connaissance de la raison est implurifiée et comme absolument implurifiée est une, sans doute nous devrions la poser principe de la connaissance. Mais puisqu'il n'y a pas qu'une seule pensée dans la raison, mais que la pensée est diversifiée, puisqu'il y a en elle plusieurs pensées, et que la pensée du tout n'est pas de la même manière la pensée des autres intelligibles, car de même que les intelligibles sont distincts les uns des autres, de même aussi les pensées de ces intelligibles;[47] nécessairement aucune de ces pensées n'est le principe de la connaissance:[48] car elles sont toutes semblablement des pensées.[49] Mais si l'on veut formuler le principe un de la connaissance, il faut poser pour tel l'un de la raison, celui qui a la puissance d'engendrer toutes les connaissances qui sont en elle, et qu'on voit dans les ordres deuxièmes des êtres. Car ce principe détaché et élevé au-dessus des plusieurs, est pour eux principe de la connaissance, mais ii ne se confond pas avec l'identité des intellectuels;[50] car il est coordonné et accouplé à la différence et est plus pauvre que la substance (intellectuelle), tandis que l'un est au-delà de la substance intellectuelle et la conserve dans son tout,[51] et c'est par là que l'un est Dieu et raison, mais non par l'identité ni par la substance : car il n'est pas Dieu, universellement, en tant que raison ; puisqu'il y a aussi une raison particulière, et qui n'est pas Dieu. Le propre de la raison est de voir, de comprendre, de juger les êtres,[52] et le propre du Dieu est d'unir, d'engendrer, de conduire selon sa providence chacun de ces êtres.[53] Ainsi par ce qui d'elle n'est pas raison, la raison est Dieu ; et par ce qui d'elle n'est pas Dieu, le Dieu qui est en elle, est raison.[54] La raison divine, qui est le tout, est une substance intellectuelle accompagnée de sa sommité propre et de sa propre unité,[55] se connaissant elle-même en tant qu'intellectuelle, s'enivrant, comme quelqu'un[56] l'a dit de nectar, engendrant la connaissance universelle, entant qu'elle est la fleur de la raison et est une hénade hypersubstantielle. Ainsi donc encore une fois, en cherchant le principe de la connaissance, nous sommes remontés à l'un. Et ce n'est pas seulement dans ces choses,[57] mais dans toutes les autres que nous trouverions semblablement que les monades sont en tête de leurs nombres propres, et que les hénades des monades sont les principes les plus vrais des choses;[58] car partout l'un est principe. Et c'est de ce principe qu'a dû dire Socrate dans le Phèdre: Le principe est inengendré.[59] Car s'il n'est pas possible qu'aucune des espèces fasse tout entière défaut, à beaucoup plus forte raison il est nécessaire que le principe suprême de chaque chose soit conservé et demeure éternellement, afin qu'autour de ce principe, ait son hypostase toute la pluralité des choses qui sortent,[60] d'une manière propre, de chaque principe. C'est la même chose de dire hénade ou principe, puisque le principe est en toutes choses ce qu'elles ont de plus un. De sorte que celui qui traite dans une discussion de tous les uns, traitera des principes,[61] et qu'il n'y a aucune différence entre dire que le sujet (du dialogue de Platon) est : les Principes et dire que c'est l'un. C'est pourquoi ces grands esprits[62] ont jugé bon d'appeler un, toute substance incorporelle, et autres, ????, toute substance corporelle et en un mot toute substance divisible. De sorte que, dans quelque sens que tu entendes l'un, tu ne sors pas du domaine de la science qui étudie les hypostases incorporelles et les hénades archiques ; car toutes les hénades sont les unes dans les autres et unies les unes aux autres; et leur union est beaucoup plus grande que la communauté et l'identité qu'on trouve dans les êtres : car dans ceux-ci, il y a mélange des espèces, ressemblance, amitié, participation mutuelle; mais l'union de celles-là étant une union d'hénades, est de beaucoup plus uniforme,[63] ineffable, et au-dessus de toute autre union. Toutes sont dans toutes, ce qui ne se trouve pas dans les espèces : les espèces participent bien les unes des autres, mais ne sont pas toutes en toutes. Mais cependant, malgré l'union qui y règne, les hénades gardent une telle pureté sans mélange,[64] la propriété caractéristique de chacune est tellement plus parfaite que la différence des espèces, en ce qu'elle garde sans les confondre ses éléments divins et ses puissances propres distinctes, que autres sont les plus générales, autres les plus particulières; autres celles qui sont selon la persistance, autres celles qui sont selon la procession, autres celles qui sont selon la conversion, autres celles qui sont capables d'engendrer, autres celles qui ont la puissance de faire remonter, autres les démiurgiques, et en un mot les propriétés des Dieux[65] différents sont différentes, telles que sont la propriété de contenir dans son système les parties d'un tout,[66] la propriété télésiurgique, démiurgique, assimilatrice, et toutes celles que nous avons admises et nommées avec celles là. Ainsi donc quoique l'union soit là inexprimable, la propriété caractéristique de chacune ne l’est pas moins; car toutes les hénades sont dans toutes les hénades, et chacune est à part et pour soi, ?????, et nous pouvons, en partant des choses inférieures et qui leur sont suspendues, connaître et leur union et leur propriété distinctive. Car dans les Dieux visibles, nous affirmons qu'autre est l'âme héliaque, autre l'âme de la terre, en voyant que les corps visibles ont entre eux de grandes différences et selon la substance et selon les puissances, et selon l'importance et la valeur de la fonction qu'ils remplissent dans l'univers. De même donc qu'en nous appuyant sur ces données sensibles, nous saisissons la différence des substances incorporelles,[67] de même en parlant de la diversité des substances incorporelles, nous pouvons connaître la distinction sans mélange des hénades premières et hypersubstantielles et les propriétés distinctives de chacune. Car chaque hénade a une pluralité qui lui est suspendue, celle ci, une pluralité intelligible, celle-là une pluralité intellectuelle ; mais comme il y en a aussi une qui possède une pluralité qui est intelligible et à la fois intellectuelle, sans détermination, en tant qu'il y a en elle une pluralité imparticipable et une participable, une hypercosmique et une encosmique, et comme la procession des hénades ne va que jusque là,[68] considérant ainsi la largeur[69] (l'extension) de toute l’hypostase intellectuelle qui leur sert de substrat,[70] et la diversité proportionnée et mesurée qui procède du principe caché dans le distingué, nous sommes assurés[71] qu'il y a dans les hénades elles-mêmes et propriété distinctive et ordre, en même temps qu'union. C'est donc par la différence des participants que nous connaissons la distinction des participés : car ce n'est pas en participant au même, sans aucune diversité dans le mode de participation, que les participants auraient pris une si grande différence les uns avec les autres. Tout ce que nous venons de dire concerne l'hypostase des hénades premières, de leur communauté[72] et de leur distinction les unes par rapport aux autres, caractères que nous nommons habituellement, l'un, propriété distinctive, l'autre, union, les opposant même par les mots et les séparant de l'identité et de la différence qui se trouvent dans les substances. Car ces hénades hypersubstantielles[73] sont, comme quelqu'un l'a dit[74] les sommités et les fleurs, (des substances). Or, puisqu'il y a en elles, comme nous l'avons dit, union et distinction, Parménide, se proposant précisément de dérouler au grand jour toute leur procession en partant d'en haut, de l’hénade séparée des choses et élevée au-dessus d'elles, pose pour hypothèse l'un qui lui est propre, c'est à dire celui qui est perçu dans les êtres et vu tantôt en tant que un, tantôt en tant que participé. Il conserve toujours la même majeure[75] en l'envisageant sous plusieurs points de vue ; mais la conséquence varie, afin de montrer par l'identité de la majeure, l'union des hénades divines, (car quelle que soit celle que tu prendras, tu la prends identique aux autres, parce qu'elles sont toutes les unes dans les autres, qu'elles ont leur racine enfoncées dans l'un ; car de même que les arbres, même par leurs têtes[76] ont leur fondement dans la terre, et par elles sont terrestres, de même les choses divines, par leurs propres sommités, ont leur racine dans l'un, et chacune d'elles est hénade et un, par son union avec l'un, quoiqu'elle ne se confonde pas avec lui) et de démontrer et par la variété et le changement de la conséquence, où il prend tantôt le tout, tantôt la figure, tantôt quelque autre caractère, et cela par des propositions affirmatives ou négatives, la distinction de ces hénades et la propriété caractéristique de chacun des ordres divins ; enfin de prouver, par l'argument hypothétique tout entier, à la fois la communauté de ces ordres divins et la pureté sans mélange de chacun d'eux. Ainsi la majeure conditionnante, ?? ?????????, est une, les conséquents, ?? ???????, sont plusieurs ; plusieurs aussi sont les arguments hypothétiques, ?? ?????????, et les hypothèses sont plus de deux : Parménide, par l'hypothèse de l'un être, tantôt remontant à l'un qui est avant les hénades participables, tantôt parcourant leur largeur[77] dans les êtres,[78] tantôt découvrant l'hypostase abaissée de leur être. Et en un mot, puisqu'il a dit plus haut de cette méthode, que son but, après avoir posé une certaine chose déterminée, ???? ??, est de voir qu'est-ce qui en résulte pour elle par rapport à elle-même et aux autres, et qu'est-ce qui n'en résulte pas, et à leur tour qu'est-ce qui en résulte pour les autres et par rapport à eux-mêmes et par rapport à la chose posée par hypothèse, nous verrons que, selon la première hypothèse, il démontre quelles choses ne s'ensuivent pas pour l'un par rapport à lui-même et par rapport aux autres ; — selon la deuxième, quelles choses en résultent ; — et selon la troisième, quelles choses en résultent et n'en résultent pas ; et que dans les deux hypothèses suivantes, il examine quelles choses résultent pour les autres et par rapport à eux-mêmes et par rapport à la chose posée, et quelles ne résultent pas, et enfin que dans les quatre dernières, il varie et multiplie semblablement les hypothèses. De sorte qu'il ne faut pas se laisser troubler en voyant la multitude des hypothèses, ni croire qu'il ne se renferme pas dans les limites de la méthode qu'il a proposée, ni qu'il s'écarte de la recherche de l'hénade en traitant des principes,[79] mais reconnaître qu'il nous en montre à la fois et l'union et la distinction ; car toutes sont réunies par le fait de demeurer dans l'un, et sont distinctes par le fait qu'elles ont une procession de l'un différente ; et n'étonne pas si nous affirmons cela (la procession) dans les hénades divines ; car même dans les substances intellectuelles nous avons l'habitude de nommer ainsi une, toute substance indivisible et toute substance intellectuelle, et toutes les raisons, une, et inversement d'appeler raison une, toutes les raisons, à cause de l'identité qui réunit et conserve dans leur système toutes les hypostases intellectuelles. S'il en est ainsi dans celles ci, que faut-il penser quand il s'agit des hénades qui sont dans les êtres? Ne faut-il pas penser qu'elles sont unies d'une façon éminente,[80] qu'elles sont les unes dans les autres ; que leur mélange est extrême ; qu'elles ne sortent pas de l'un ; qu'elles ont toutes la forme de l'un? en effet en toutes choses, celles du premier degré gardent la forme de leur propre cause. Le premier des corps en est là plus vivant, de sorte qu'il se rapproche de l'âme ; des âmes, la première ressemble à la raison[81] des raisons, la première est Dieu ; de sorte que des nombres aussi, le premier ressemble à l'un, est hénadique et hypersubstantiel, comme l'un. Si donc les hénades sont nombre, il y a en elles en même temps pluralité et union : — voilà ce que nous avions à dire sur ce sujet. Mais puisque Parménide selon les différentes hypothèses pose et renverse des choses différentes, et que souvent il nie les mêmes choses d'une certaine façon et les affirme d'une autre,[82] et en un mot puisqu'il joue un jeu réellement difficultueux en se faisant sa route à travers la nature même, et non, comme quelques-uns l'ont dit avec une légèreté frivole, se livrant à une sorte de gymnastique logique sans vie et vide de contenu réel, et puisqu'il ne cherche pas à jeter les grâces du style ni la magnificence dans des arguments probables, tous ceux de nos prédécesseurs qui ont vraiment compris la doctrine de Platon, ont pensé à accorder avec les hypothèses un certain contenu qui leur fût propre, afin que selon chaque hypothèse, on vit apparaître clairement un certain ordre des êtres, découvert par les procédés de la méthode de Parménide,[83] et qui ferait voir la différence des autres ordres dont l'hypostase est différente,[84] et de celui-ci même, et dans quelle mesure cet ordre a une influence sur les autres choses. Dans ce sentiment qui leur est commun, ils ont fait la répartition de ce contenu réel entre les hypothèses, en suivant, les uns certaines directions, les autres certaines[85] autres. Mais nous devons préalablement définir ce qu'appellent hypothèse, ceux qui ont voulu montrer la concordance des démonstrations d'un contenu réel avec certaines hypothèses, et faire observer qu'ils n'entendent pas la méthode dans son sens pur[86] (car il y a deux hypothèses selon cette méthode, l’une qui seulement pose que l'un est, l'autre qu'il n'est pas) ; mais ils nomment hypothèse, la proposition qui, s'emparant d'une partie de la méthode, amène les conclusions semblables, ou toutes affirmatives, ou toutes négatives, ou l'un et l'autre à la fois. Il ne leur importe pas si les conclusions que nous tirons de la chose posée sont par rapport à elle-même ou par rapport à quelque autre chose ; ils regardent seulement si la qualité est la même, et c'est ainsi qu'ils établissent certaines hypothèses pour l'un, et certaines autres différentes, pour les autres que l'un ; et dans chacune prise dans son sens simple, les mêmes antécédents conditionnants étant posés, ils recherchent si les conséquences diffèrent par la qualité, et alors il appellent cela l'hypothèse. Ceci étant expliqué, passons à ce qui suit. Les uns donc divisant en huit toutes les hypothèses, disent, que dans la première Parménide traite de l'un; dans la deuxième, de la raison et de l'hypostase intellectuelle ; dans la troisième, des âmes douées de raison ; dans la quatrième, des âmes privées de raison ; dans la cinquième, de la matière à laquelle appartient une certaine aptitude à la participation des espèces ; dans la sixième, de la matière déjà pourvue d'ordre, et ayant reçu en acte les espèces ; dans la septième, encore de la matière mais de la matière complètement privée des espèces elles mêmes et de l'aptitude à en participer, de la matière, entendue dans son sens nu, en soi et par soi;[87] dans la huitième, de l'espèce engagée dans la matière ; car c'est là tout ce qui reste appartenir aux principes[88] après l'un, après la raison, après les deux genres d'âmes, après la matière sous ses formes multiples. Mais si ce système d'arrangement et de division est exact en ce qu'il maintient chaque principe, — car l'espèce dans la matière est une sorte de principe quoique composée d'éléments et quoique matière ; l'âme est nécessairement un principe, quoique l'âme irrationnelle le soit d'une façon, l'âme pensante d'une autre, et outre ceux-là, la raison, tant vantée et honorée, et à plus forte raison, le Dieu est un principe ; — si cet arrangement maintient les principes, il pêche en ce qui concerne leur nombre et leur ordre ; car puisqu'il y a manifestement neuf hypothèses, comme il sera prouvé par les termes mêmes de Platon, il diminue, à tort, leur nombre, et de plus renverse l'ordre des choses réelles, en amenant en dernier lieu l'espèce, qui est supérieure non pas seulement à la matière privée des espèces, mais à l'aptitude qu'elle peut avoir pour elles : et en outre parce que dans l'ordre qu'il établit, ce système met avant la matière ordonnée la matière dépourvue d'ordre et n'ayant que des manifestations vides des espèces. Et cependant ce système a trouvé, même chez des esprits au courant de la science, une sorte d'approbation fondée. Car, disent- ils, l'hypothèse qui pose seulement l'aptitude de la matière a été placée la première parce qu'elle est plus claire que celle qui n'a même pas reçu cette aptitude, et est plus obscure que celle qui est déjà pourvue d'ordre, et peut faire mieux voir la nature de la matière[89] que celle qui est déjà possédée par les espèces, et elle répugne moins[90] à l'entendement réfléchissant que celle dont la perception est nécessairement faite par la privation. Mais d'autres, et en plus grand nombre, ont refusé leur agrément à cette opinion et l'ont contredite. De ceux qui ont admis la division des hypothèses en neuf, les uns en ont réparti le contenu réel comme il suit : la première traiterait du Dieu absolument premier : car tous s'accordent sur ce point ; la deuxième, de la largeur intelligible ; la troisième, de l’âme, (mais non pas seulement de l'âme pensante, comme leurs prédécesseurs l'avaient dit) ; la quatrième, d'un certain corps qui est pourvu d'ordre ; la cinquième, du corps dépourvu d'ordre; la sixième, de la matière pourvue d'ordre ; la septième, de la matière dépourvue d'ordre ; la huitième, des espèces matérielles, mais perçues dans un substrat; la neuvième, des espèces matérielles considérées en soi et à part de la matière. Ils ont établi là, eux aussi, en certaines parties, un bon ordre et une bonne division; mais ils prennent deux fois la même chose : car en quoi la matière ordonnée diffère-t-elle du corps dépourvu d'ordre ou pourvu d'ordre, c'est ce qu'on ne saurait dire ; car si la chose sans qualité, devenue corps, a reçu l’ordre, elle est identique au corps dépourvu d'ordre, et les deux seront la même chose. De plus ils ne présentent pas dans leur système les principes des êtres ; car comment un principe peut-il être pourvu d ordre dans un corps?[91] et comment celui-ci n'est-il pas ce dont l’hypostase est faite des principes? et comment la cinquième peut-elle traiter du corps non pourvu d ordre? la conclusion de cette hypothèse est ouvertement, que les autres, qui ne participent pas de l'un, ne sont ni en repos ni en mouvement ; or le corps non pourvu d'ordre,[92] tumultueusement il est vrai, et d'une façon désordonnée, se meut cependant, dit le Timée. Et comment l’espèce qui est conçue mentalement sans matière pourrait-elle être le principe de quelque chose? Car les principes conçus par abstraction n’ont pas une hypostase mais seulement une hyparxis. En effet, dans les cas où la pensée abstraite a son domaine et joue le rôle prédominant, avec la suppression[93] de cet acte mental on fait évanouir l'hypostase des choses conçues, tandis que les principes sont par eux-mêmes des principes, et non par les opérations de notre entendement réfléchissant. En un mot il y a manifestement beaucoup d objections contre cette opinion, parce que la neuvième hypothèse renversant tout, ne permet d établir aucun être par une action mentale et se prononce contre cette espèce d'être qu'on appelle de raison.[94] Ceux qui sont venus après ceux-ci[95] introduisent dans les hypothèses les êtres réels ; ils disent que la première traite de Dieu et des Dieux; car elle traite non seulement de l'un, mais encore de toutes les hénades divines ; la troisième[96] n'a plus pour objet l’âme, comme l'avaient dit ceux qui les ont précédés, mais les genres supérieurs à nous, les anges, les démons, les héros;[97] (car ces genres sont suspendus immédiatement (sans intermédiaires) aux Dieux et sont supérieurs aux âmes universelles; c'est là une opinion des plus paradoxales et qui fait qu'ils lui donnent dans les hypothèses rang avant les âmes). La quatrième a pour sujet les âmes pensantes ; la cinquième, les âmes inférieures, dont la vie est mêlée dans la trame des âmes pensantes ; la sixième, les espèces engagées dans la matière[98] et toutes les raisons séminales ; ensuite la septième, la matière elle-même ; la huitième, le corps céleste ; la neuvième, le corps engendré et sublunaire. Ceux ci sont exacts, en ce qu'ils ne prennent pas deux lois la même chose ; mais ils ont tort en faisant entrer dans la sphère de cet arrangement les genres supérieurs; car s'ils sont intellectuels, nous avons dans la deuxième hypothèse une discussion qui porte sur toute la largeur intellectuelle; s'ils sont physiques, il est évident que la question qui les concerne sera comprise dans l'hypothèse sur les âmes. Enfin ils commettent encore une erreur en admettant des conséquences et non des principes, dans les dernières hypothèses. L'erreur commune à tous ces systèmes dans cette question, c'est de n'avoir pas vu que les cinq premières hypothèses aboutissent à des conclusions vraies, et que les quatre autres montrent des conclusions absurdes,[99] or c'est là ce que Parménide se propose de démontrer: comment, l'un étant, tous les êtres sont engendrés, et comment, l'un n'étant pas, tous sont anéantis, et qu'il n'y a plus absolument rien. C'est là ce que toute la méthode a pour but de démontrer et par la position de propositions vraies et par la réfutation des fausses. Par exemple, si la proposition hypothétique est : s'il y a une providence, tous les êtres seront comme il est bon qu'ils soient ; s'il n'y a pas de providence, rien ne sera bien et les choses universelles et les particulières seront mal administrées:[100] donc il y a une Providence ; car son être est cause des biens, et son non être des maux. Il aurait donc fallu que ces critiques sussent que le but de Parménide était de montrer que par le être de l'un, tous les êtres obtiennent et possèdent leur hypostase, et que par son non être toute la nature des choses s'évanouit complètement, et c'est ce que lui-même dit ouvertement dans la conclusion de toutes les hypothèses.[101] Et s'ils avaient vu cela, nécessairement, ils n'auraient pas donné aux quatre dernières hypothèses des sujets différents ; ils n'auraient pas poussé leurs raisonnements en ligne droite;[102] mais ils auraient vu dans les cinq hypothèses les principes des êtres, et n'auraient pas cherché pour le groupe des quatre autres des natures propres et particulières ; mais ils auraient dû démontrer que de la suppression de l'un, il résulte que beaucoup des conséquences qui nous paraissent être possibles sont absurdes. Pour éviter cette faute, le premier, à notre connaissance, le philosophe de Rhodes[103] a disposé d'une autre manière les hypothèses : il en porte à dix le nombre total, opposant aux cinq premières les cinq autres, et soutenant que la première montre que, si l'un est, il en résulte les théories philosophiques les plus dignes d'admiration: ce sont toutes celles que même ailleurs a professées Platon sur l'un; concernant la sixième, que si l'un n'est pas, aucun des philosophèmes qui peuvent être posés sur l'un, ne concordera avec cette hypothèse ; que dans la deuxième et la septième, qui traitent de la raison et de l'intelligible, on examine, tantôt, que s'il est, il en résulte pour eux toutes les plus belles vérités,[104] tantôt, que s'il n'est pas, nous détruisons toutes les vérités que nous possédons sur eux ; dans la troisième et la huitième, qui traitent des objets de l'entendement discursif, (car ceux-ci viennent immédiatement à la suite des intelligibles), tantôt, que s'il est, il est démontré que ces objets concordent avec nos notions, tantôt, s'il n'est pas, qu'ils se montrent en désaccord avec elles ; dans la quatrième et la neuvième, qui ont pour sujet les espèces corporelles, (car elles sont des objets de l'entendement discursif, selon la division de la ligne dans la République), que si l'un est, ces objets sont, mais que s'il n'est pas, il n'est pas possible qu'ils soient; dans les deux dernières, la cinquième et la dixième, qui traitent du réceptacle des corps, tantôt que la dixième est d'accord avec la cinquième,[105] qui pose l'être de l'un, tantôt qu'elle n'est pas d'accord avec elle.[106] Il faut admirer cette disposition et à cause de l'ordre qu'elle établit et à cause de l'intelligence pénétrante qu'elle atteste; car l'auteur a compris que tantôt il faut prendre les conclusions comme absurdes, tantôt comme vraies et résultant de la nature des choses ; et en outre on peut excuser l'innovation qu'il présente sur le nombre des hypothèses et en imaginant une certaine hypothèse qui ne sert à rien et surtout en essayant d'en opposer aux cinq premières un nombre égal, chacune à chacune. Il n'y a rien d'absurde à soutenir que l'un n'est pas, et on ne conclurait[107] rien d'impossible en admettant cette hypothèse ; car cet un n'est pas l'un absolument premier de l'universalité des choses ; il est seulement supérieur à l'être.[108] Mais les absurdités qui viennent après cette hypothèse, en sont des conséquences nécessaires: ainsi nous ne pourrons pas faire correspondre la sixième hypothèse[109] à la première[110] ni les autres aux autres : car c'est cet ordre qui lui a donné l'idée de diviser l'hypothèse qui était une, et d'augmenter le nombre. Après ces commentateurs, Plutarque, notre grand père, (qui avait admis sur l'autorité des anciens maîtres que les hypothèses sont au nombre de neuf, et concluait, conformément à la nouvelle interprétation, d'après les cinq, du fait que l'un est, la vérité des propositions, mais dans les autres montrait les absurdités résultant du fait que l'un n'est pas, et en outre que tout le traité a pour objet les principes) — soutient que par le fait que l'un est, sont les hypostases premières et archiques des êtres, aussi bien celles qui en sont séparées et élevées au-dessus d'elles que celles qui apparaissent et se manifestent dans les choses mêmes, et que par le fait que l'un n'est pas, l’ordre des choses disparaît complètement. Admettant ces données, il établit que la première hypothèse a pour sujet Dieu ; la deuxième, la raison ; la troisième, l'âme ; la quatrième, l'espèce matérielle; la cinquième, la matière, dans lesquelles[111] dernières sont posés les autres que l'un : (car, comme nous l'avons dit, c'était l'usage chez les Pythagoriciens de nommer un toutes les substances incorporelles et séparables, et autres la substance corporelle et dont l'hypostase est dans les corps) de sorte que, comme il est rationnel, les trois hypothèses qui recherchent quel rapport l'un soutient avec lui même et avec les autres, ont pour sujet les trois causes archiques,[112] les trois causes séparables ; les deux autres,[113] qui recherchent comment se comportent les autres et par rapport les uns aux autres et par rapporta l'un, amènent la forme et la matière ; car celles-ci sont réellement autres,[114] et appartiennent à d'autres, et non à elles mêmes:[115] ce sont plutôt des causes coopérantes que des causes mêmes, comme il a été déterminé dans le Phédon. Ayant donc vu que par le fait de l'être de l'un, Parménide par ces cinq hypothèses, amène ces cinq principes, et ceux qui sont en dehors des choses et ceux qui sont en elles, il dit que dans les quatre dernières il est démontré que, si cet un qui est dans les êtres n'est pas, — si l’on entend ce non être comme sous un rapport étant, sous un autre n'étant pas, il n'y aura plus que le sensible; (car n'étant pas intelligible, l'un sera seulement sensible); et parmi les connaissances, il n'y aura plus que la sensation, ce qui est démontré absurde dans la sixième hypothèse, à savoir, que parmi les connaissances il n'y ait que la sensation, et que parmi les choses connaissables, il n'y ait que les choses sensibles. Mais si l'un n'est véritablement pas, entendu dans le sens du non être absolu, toute connaissance s’évanouit, comme tout objet connaissable, ce dont l'absurdité est démontrée dans la septième des hypothèses ; et de même les autres, l'un n'étant pas, ce que pose la sixième hypothèse, seront semblables à des rêves et à des ombres, thèse dont la huitième des hypothèses démontre l'absurdité. Et si l'un n'est pas, dans le sens de l'absolument non étant, il n'aura même pas l'hypostase de ces imaginations qui se produisent dans les rêves, comme le prouve clairement la neuvième des hypothèses. De sorte que si l’on disait que la première hypothèse est par rapport aux autres hypothèses[116] ce que le premier et unique principe de l'universalité des choses est aux êtres, que les quatre suivantes du premier groupe traitent des principes qui sont après l'un, et que les quatre qui viennent après celles-là concluent que l'un étant supprimé, tout ce qui est montré enfermé dans des limites,[117] est par la même anéanti, on aurait présenté une interprétation exacte et vraie. Car la troisième[118] hypothèse montrant que si l'un être est, sera tout l'ordre de l'âme, la septième montre que, s'il n'est pas, toutes les facultés de connaissance sont anéanties, la faculté de sensation, celle de l'imagination, celle de l'entendement. La quatrième montrant que si cet un là est, sont aussi en quelque manière les espèces matérielles, (car celles-ci participent en quelque manière de l'un être), la huitième montre, que si cet un là seul n'est pas, la pluralité des sensibles sera comme des rêves, et ils ne participeront d'aucune manière de la substance et de la distinction spécifique. La cinquième faisant voir que si l'un est, sera aussi la matière (quoique ne participant pas de l'un être, en tant qu'il est étant, mais seulement en tant qu'il est un), la neuvième montre que rien absolument ne sera et ne participe même d'une ombre, si l'un n'est pas ; car comment, cette cause étant anéantie, pourrait-il y avoir l'une quelconque de toutes les choses? Nous avons donc selon ce plan, la première hypothèse traitant de l'un, que Platon, dans la République[119] a posé ouvertement au-delà de la substance et de l'être ; les quatre suivantes traitant des êtres, dont les deux premières ont pour sujet les êtres qui sont toujours, les deux autres, les êtres engendrés, d'après la division du Timée, qui distingue des choses connaissables par la pensée aidée de l'entendement,[120] les choses connaissables par l'opinion aidée de la sensation;[121] ou si tu le préfères, les quatre seront selon la division de la ligne, dans la République,[122] dont il a attribué une partie aux intelligibles, l'autre aux sensibles, l’une aux hénades, l'autre à ce qu'on appelle ici les autres ; et de la partie la plus grande, l’une consiste dans les intelligibles, l'autre dans les choses objets de l'entendement discursif, de même que de nos deux hypothèses, l'une a pour objet la raison, l'autre l'âme ; et de la partie la plus petite, il a attribué l'une aux choses sensibles, l'autre aux choses perçues par l'imagination, de même qu'ici nous avons dit que la quatrième a pour objet les espèces matérielles, qui sont proprement sensibles ; la cinquième, la matière, qui est analogue aux choses vues par l'imagination, à cause de l'indétermination de la connaissance que nous acquérons d'elle. Ainsi donc quatre principes, après le principe un et premier, deux séparés des choses et élevés au-dessus d'elles,[123] deux qui servent à compléter la nature des choses,[124] et quatre hypothèses après la première, où l'un est posé être, et quatre autres montrant les absurdités qui résultent si l'on supprime l'un : voilà ce qu'on doit adopter de ce grand homme qui, par une science parfaite, distingue les uns des autres les buts des hypothèses, qui amène les principes suprêmes, tous, sans qu'ils nous en manque un, qui a pris une conscience sûre de toute la méthode de discussion de Parménide, et qui, après en avoir distingué les membres, reconstitue en un corps vivant et un les opinions dispersées et confondues dans les écrits des anciens.[125] Que pourrons-nous donc dire, après tant et de si éminents commentateurs de Platon? Qu'ajouterons-nous de notre propre fonds? Sans doute il nous conviendra de répéter bien haut ce mot d'Homère,[126] « le dernier est le plus parfait[127] ». C'est celui qui, à Athènes, nous a dirigé dans ces études,[128] qui a allumé la lumière intellectuelle qui éclaire toute cette discipline, tantôt la ramenant à une forme d'interprétation plus théologique, tantôt se bornant à faire quelques changements, tout en suivant fidèlement et Platon lui-même et le texte de son ouvrage. Car il estime que la première hypothèse a pour sujet le Dieu absolument premier ; la deuxième, les intelligibles ; mais puisqu’il y a une largeur dans les intelligibles et une pluralité d'ordres des Dieux, il estime que chacun de ces ordres est désigné d'un nom symbolique par Platon, qu'ils sont tous exprimés par des noms philosophiques, qui ne sont pas, d'habitude, employés par les auteurs qui ont écrit des Théogonies, mais qui ne signifient pas les hyparxis des Dieux, comme le font les surnoms des genres divins qui nous ont été révélés par les Dieux eux mêmes ; mais il pense, comme je l'ai dit,[129] que par des termes connus des philosophes, tels que totalité,[130] pluralité, infinité, limite, qui ont avec ces ordres un rapport extrême d'affinité et occupent le rang qui leur appartient,[131] nous sont enseignées et interprétées, sans qu'il en manque, toutes les processions divines intelligibles, intellectuelles, hypercosmiques. C'est par là que sont en outre acquises toutes les conséquences qui en dérivent, qui sont les symboles des diacosmes divins ; et de plus, toutes celles qui sont affirmées dans la deuxième hypothèse[132] sont niées selon la première: ce qui fait voir,[133] que la cause première est séparée et élevée au dessus de tous les diacosmes divins, tandis que les autres (causes) ont procédé diversement selon diverses propriétés caractéristiques déterminées ; car dans celle-ci[134] l'un n'est pas le premier un; (car tout y est tissu avec l'être[135]); ce n'est pas non plus l'un inséparable de l'être : mais il est en lui (dans l'un) comme une sorte d'habitude, de possession constante et habituelle, ?? ???? ???. Ainsi donc il le distingue clairement et affirme que cet un ci est à part (pour et en lui-même), et évidemment qu'il signifie une hénade divine, absolue et indépendante. Car toute cause séparable, présidant à une pluralité, engendre une double pluralité, l’une séparable, semblable à elle-même, l'autre inséparable de ses participants. Ainsi de même que l'âme une a engendré et les âmes séparables des corps et les inséparables, et de même que la raison une et universelle a créé d'une part les raisons séparables des âmes et les raisons qui sont en elles selon l'habitude, ???' ????, de même l'un a produit d'une part les hénades absolues et indépendantes, séparées et au-dessus de leurs participants, et d'autres comme étant les unions[136] d'autres choses unifiées selon elles et dans lesquelles elles sont. Il dit donc que toute la deuxième hypothèse nous fait apparaître la pluralité des hénades absolues et indépendantes, auxquelles sont rattachées toutes les choses dont nous parie la deuxième hypothèse, qui nous fait connaître clairement, dans leur succession, toutes les propriétés de ces choses, par le moyen de ces hénades, et quelle est leur nature.[137] Si cela est exact, il nous faut examiner chacune des conclusions, voir à quels ordres divins chacune convient, et opérer ainsi la division[138] de la deuxième hypothèse selon ses membres naturels.[139] La troisième ne traite pas de toute espèce d'âme purement,[140] mais de toutes celles qui ont procédé après l'âme divine : car toutes lésâmes divines sont comprises dans la deuxième hypothèse, et il est évident que c'est en celle-là que Platon lui-même a dit que l'un participe aussi du temps. Or participer du temps est une propriété qui appartient aux âmes premières, mais non aux substances intellectuelles, dans lesquelles n'ont place ni le : était, ni le : sera, mais seulement le : est, qui est éternel. Donc la substance universelle étant divisée en substance divinisée et substance considérée en soi et par soi, toute substance divinisée, sans exception ni réserve ni addition, qu'elle soit par hyparxis, intelligible ou intellectuelle ou physique, est exposée dans la deuxième des hypothèses ; de sorte que si tu veux concevoir, selon cette théorie, comment et dans quel ordre ont été disposées les hypothèses qui suivent, admets que la première hypothèse est sur l'un Dieu,[141] et explique comment il engendre et ordonne tous les ordres des Dieux ; que la deuxième traite de tous les ordres divins et explique comment ils ont procédé de l'un, et de l’ordre conjoint et lié à chaque substance;[142] que la troisième traite des âmes qui sont devenues semblables aux Dieux, mais n'ont pas obtenu, dans le partage, une substance divinisée ; que la quatrième traite des choses matérielles, et explique comment elles sont produites par les dieux et dans quels rangs elles ont été produites ; que la cinquième traite de la matière et explique comment elle ne participe pas des hénades spécifiques, et a obtenu, dans le partage,[143] son hypostase d'en haut, de la monade hypersubstantielle et une;[144] car l'un et l'illumination de l'un va jusqu'à la matière[145] et en éclaire la nature indéterminée. Voilà les idées générales et les points de vue communs que j'avais à présenter sur les hypothèses : mais il faut maintenant exposer sur chacune à part les arguments qui lui appartiennent en propre. Il nous faut donc de nouveau reprendre dès le commencement le texte littéral de la première hypothèse, et examiner toute la discussion qui porte sur elle. § 123. — « Soit donc, dit-il : Si l'un est, n'est-il pas certain que l'un ne sera pas plusieurs[146] »? Il nous faut dire d'abord quel est le but de la première hypothèse : est ce Dieu seulement, ou Dieu et les Dieux, comme le disent quelques commentateurs. Car il est évident que la discussion porte sur une chose qui possède une hyparxis, et que contrairement à l'idée que quelques-uns s'en sont faite, cet un n'est pas exclusivement dépourvu d'hypostase, et que l'hypothèse n'aboutit pas à une conclusion absurde, quoiqu'on puisse apporter en témoignage ce qui est dit à la fin de l'hypothèse : « Est-ce que tout cela que nous disons de l'un n'est pas impossible?[147] » (nous expliquerons dans quel sens il a dit cela), il est évident, comme je le disais, que cet un, dont l'argumentation présente nie tous les prédicats, n'est pas dépourvu d'hypostase; car toutes les conclusions qui sont prouvées être impossibles par une argumentation rigoureuse, il en démontre l'impossibilité par l'hypothèse ou par la conséquence : quand l'une et l'autre sont possibles, la proposition qu'on expose est possible. Or l'hypothèse que l'un est, est vraie. En effet l'hôte d'Élée[148] montre que c'est la chose du monde la plus absurde[149] que l'un ne soit pas, puisque c'est seulement parce qu'il a participé à cet un là, préexistant en toute chose, que l'un réel[150] existe. Car il a, là,[151] défini, à son tour, le être véritablement un absolument sans parties. Or ce qui est démontré tout d'abord dans la première hypothèse, c'est que l'un n'a pas de parties, et il amène, comme conséquences à sa suite, toutes les autres conclusions qui se suivent et qui sont démontrées par des lemmes nécessaires. Si donc l'un véritablement un, (car tous les autres sont véritablement) est avant les véritablement, il est ridicule de dire que le véritablement est dépourvu d'hypostase.[152] Le véritablement un est l'un sans parties,[153] et c'est celui qui dans la première hypothèse est démontré au-delà de tout,[154] puisque du fait qu'il n'a pas de parties, s'ensuivent toutes les propriétés par lesquelles il est démontré être l'un avant tout. Il est donc nécessaire absolument que ce soit cet un dont tout est nié, car c'est nécessairement lui, puisque le sans parties est véritablement un. En effet, comme il est dit dans le Sophiste, le véritablement un est tel qu'est exposé ici l'un. Ainsi donc la conséquence des propositions de l'argument hypothétique est nécessaire. Donc tout ce qui est est quelque chose, qui a une hyparxis, est prouvé par cette force de la conséquence. Si donc ce dont traite la discussion est quelque chose qui a une hypostase, il est évident d'un autre côté que ce quelque chose n'est pas substantiel : car il niera de l'un la substance même.[155] Il reste donc nécessairement que cet un soit de la catégorie des choses qui sont après la substance, telles que le devenir, ou la matière ou appartienne à la catégorie des choses qui sont au-dessus de la substance.[156] Or il n'est pas de la catégorie des choses qui sont après la substance ; (car tout ce qui appartient à cette catégorie participe du temps, en tant que génération et devenir: et il nie cela même de l'un, à savoir qu'il participe du temps :) il est donc en quelque sorte comme la matière; mais il prouve que celui-ci même n'est pas. Donc il est au-dessus de la substance, cet un sur lequel portent les démonstrations selon la première hypothèse. Donc nécessairement, puisque le divin seul, mais tout le divin, est au-dessus de la substance, la discussion engagée ici porte exclusivement sur le Dieu Premier, qui seul est au-dessus de la substance, ou aussi sur tous les dieux qui viennent après lui, comme le pensent quelques auteurs dont l'opinion est pour nous digne de respect. Car puisque tout Dieu, en tant que Dieu, est une hénade (car ce qui constitue la divinité de toute substance, c'est l'un), ils croient pouvoir rattacher par cet un à la recherche sur le Dieu premier, l'exposition de la doctrine relative à tous les dieux; car tous sont des hénades hypersubstantielles, et qui s'élèvent au- dessus de la pluralité des êtres et sont les sommités des substances. Mais si nous appelons dans le même sens un et la cause absolument première et les autres dieux, il fallait leur assigner une seule hypothèse ; car nous ne ferions par là que dire que la discussion ne porte pas plutôt sur l'un primairement un que sur les autres hénades?[157] Mais si l’un absolument premier, comme ils le pensent eux- mêmes de préférence, est assurément ce qui est seul et à part de tout, qui ne se coordonne avec aucune des autres choses, qui est imparticipable lui même et se ravit, comme ils le disent, au-dessus et se détache de l'universalité des choses, qui, séparé et élevé au-dessus d'elles, est inconnaissable à tous, si d'un autre côté chacune des autres hénades est en quelque manière participable et non pas seulement hénade, mais aussi participant de sa pluralité propre et de la substance[158] soit intelligible, soit intellectuelle, soit psychique, soit corporelle : — car la participation procède jusqu'à cette dernière: — quelle raison y a-t-il alors de rapporter à une seule hypothèse l'un qui n'est pas connuméré avec les êtres, ni en général coordonné avec les plusieurs, c'est-à-dire avec les hénades qui sont, il est vrai, participées par les êtres, mais qui embrassent et contiennent les plusieurs? Car les mêmes raisonnements ne s'appliquent pas à l'âme imparticipable et à l'âme participable ; les propriétés caractéristiques de la participable ne sauraient convenir à l'imparticipable, et celles de l'âme supérieure à celles de la plus pauvre; car l'une alors ne serait pas en soi et par soi et ne serait pas séparée et élevée au-dessus des plusieurs, ni l'autre coordonnée à la pluralité des âmes.[159] Mais il ne faut pas davantage connumérer la raison participable avec les raisons plusieurs, car[160] les propriétés caractéristiques de toutes ces raisons ne sont pas les mêmes. En effet alors l'une ne jouerait pas le rôle de monade, et les autres celui de nombre, dont l'hypostase est autour de cette monade. Et si ceux qui ont avancé cette théorie sur la première hypothèse croient que les trois Rois dont il est question dans les Lettres existent par le deuxième un,[161] (en effet c'est ainsi que le pensent dans leurs explications sur ceux-ci, ceux qui soutiennent que la première hypothèse a pour objet non seulement Dieu, mais tous les dieux purement dieux, (sans restriction ni réserve, ni limitation, ni détermination) afin que l'un ne soit pas connuméré avec les choses inférieures, parce qu'il est supérieur à toute connumération avec les choses qui viennent après lui, et ne peut se coordonner avec aucune,[162] — c'est ainsi qu'ils interprètent la théologie de Platon) — comment pourrons nous encore ranger Dieu et les Dieux dans une seule et même hypothèse, et faire accorder également avec eux tous les mêmes négations. Car supposons même que tout Dieu soit un:[163] du moins l'un qui est en lui n'est ni séparable ni inconnaissable ni incirconscrit de la même manière que l'un absolument premier. Et si Platon lui- même à la fin de la première hypothèse dit que l'un ne participe ni de la substance ni de l'être, et que l'un n'est participé par aucune substance, comment est-il possible d'unir et de lier cet un avec les autres hénades, puisqu'elles sont toutes participées par des substances.[164] De même donc que si quelqu'un disait que l'âme ne se sert d'aucun corps, il ne parlerait pas de toute âme, mais seulement de l'âme imparticipable, et s'il disait en général que la raison n'est pas participée par l'âme, il parlerait seulement de la raison imparticipable, de même, celui qui pose l'un hypersubstantiel absolument séparé et élevé au-dessus de toute substance et de tout être, entend seulement l'un absolument premier et imparticipable et- non tout ce qui est, de quelque manière que ce soit, un. Et s'il dit encore que l'un est au- delà de l'un et de la substance, (car il ne donne pas ici à ce mot son sens propre et éminent)[165] comment pourrait-on être dans le vrai en le disant des hénades qui sont après le premier un; car de l'un participé par la pluralité et de celui qui est immanent aux êtres, il n'est pas du tout possible de dire qu'il est supérieur à l'un, puisqu'il n'est même pas pure ment élevé au-dessus et séparé de l'être.[166] C'est comme si quelqu'un prétendait que l'âme qui a des points communs avec les corps est supérieure à l'âme. Et si nous croyons toute la pluralité[167] des Dieux et tout l'un qui est participé par l'être, exposés et traités dans la deuxième hypothèse[168] si c'est celui-là même qu'ils étudient et cherchent en poussant toute la discussion sur les dieux dans la première hypothèse,[169] de quoi devra traiter[170] cette discussion ci qui ajoute aux considérations sur le Premier la recherche relative à la pluralité des Dieux? Car cet un là, coordonné à l'être et qui procède avec l'être, qu'est il autre chose que la pluralité des Dieux, qui divinise toute l’hypostase de l'être et qui contient dans son essence une[171] toute la pluralité substantielle? Car toute substance divine est comme le substrat des hénades des Dieux, et tout l'un participé est le principe d'unité de la substance intelligible ou intellectuelle, et, en outre, de la substance psychique ou corporelle, et chacun des dieux n'est autre chose que ce qui a participé de l'un. Car de même que l'homme au sens éminent n'est tel que selon l'unie, de même le dieu au sens éminent n'est tel que selon l'un; car chacun des deux (l'un et l'âme) est l'élément le plus éminent et le plus vrai de ceux qui constituent chacun des deux (l'homme et le Dieu) dans son essence complète, et chacune de toutes les choses ne subsiste que par son élément le plus propre et le plus vrai. Donc nécessairement la première hypothèse a pour objet seulement Dieu, en tant que celui-ci est générateur de la pluralité des Dieux, qu'il est de plus séparé et élevé au dessus de la pluralité, et qu'il est incoordonné avec ceux qui ont procédé de lui. C'est pourquoi il nie tout de cet un, en tant qu'il est fondé au dessus de tout, qu'il est séparé et élevé au-dessus de tout, qu'il produit toutes les propriétés distinctives des dieux, tandis que, par son hyparxis, il est lui- même indéterminé et incirconscrit pour tous;[172] car il n'est pas un certain un, ?? ??, mais purement un :il n'est ni intelligible ou intellectuel, mais il est le principe de l'hypostase des hénades intelligibles et des hénades intellectuelles. Car dans tous les ordres de principes il faut que la pluralité participée suit précédée et présidée[173] par leur imparticipable et leur espèce primordiale, quoique l'imparticipable soit une cause encore supérieure à l'espère. C'est ainsi qu'avant les espèces matérielles sont[174] les espèces immatérielles, et avant la vie qui devient dans un autre, la vie séparable, qui n'appartient qu'à elle-même, la vie sans mélange; c'est ainsi que toutes les choses qui sont devenues les choses d'un autre[175] sont précédées et présidées par les choses qui ont leur hypostase par elles-mêmes;[176] donc aussi avant la pluralité des âmes qui se sont partagé les corps est, selon la substance, l’âme imparticipable qui se retourne vers le lieu hypercéleste,[177] et avant la pluralité des raisons, la raison une imparticipable, séparable, fondée dès l'éternité en elle-même, maintenant d’en haut, dans son tout, toutes les substances intellectuelles; et au-dessus de la pluralité des êtres plane l'intelligible absolument premier, sans mélange, qui subsiste par lui-même et seul de son espèce; car autre est l'intelligible dans chaque raison, el autre l'intelligible qui est fondé en lui-même et au-dessus de celui là. Celui-ci est uniquement intelligible, l'autre est intelligible, mais placé dans les intellectuels; donc aussi au-delà de la pluralité des hénades participées est l’un imparticipable, séparé, comme il a été déjà dit, et élevé au- dessus de tous les diacosmes divins. Ainsi il s'en faut de beaucoup que nous appelions le Dieu Premier la sommité de l'intelligible, comme je vois que le font quelques-uns des plus éminents dans la théologie,[178] et que nous fassions le Père de là-haut identique à l'auteur de Tout. Car celui-ci est une hénade participable : il est donc nommé Père intelligible et la sommité des intelligibles, et s'il embrasse tout l'intelligible,[179] du moins c'est comme Père, tandis que le premier Dieu, dans toute la première hypothèse est dit, non pas Père, mais supérieur à toutes les divinités paternelles. Car celui-là est opposé[180] à la puissance et à la raison des choses dont il est dit le Père, et il constitue avec celles-ci un tout complet, une seule triade.[181] Et c'est là le Dieu véritablement premier, qui est ainsi séparé et élevé au dessus de toute opposition et de toute composition avec toute chose; il est ainsi beaucoup plus que le Père intelligible;[182] car il n'est le Père d'aucune des choses inférieures, ni tout entier participable ; il n'est ni au-dessous de la substance intellectuelle, ni au dessous de la substance intelligible.[183] Son unité l'élève au- dessus des hénades participées : il se ravit lui-même au-dessus de toutes les processions de l'être. Concevons donc, nous, comme le but de la première hypothèse, ceci: à savoir qu'elle remonte de l'un être à l'être véritablement être, examine comment il se sépare et s'élève au-dessus de l'universalité des choses, et comment il ne peut être connuméré avec aucun des diacosmes divins. Deuxièmement[184] voyons à ce sujet quel mode d'argumentation conviendra à cette recherche, comment nous aborderons le plus correctement l'interprétation des questions posées ici, comment enfin, nous pourrons mettre en jeu notre activité mentale au point de vue logique, dirai-je, et intellectuel et en même temps divin,[185] afin que nous soyons en état de comprendre la puissance de démonstration de Parménide, de suivre ses conceptions qui ont pour objet l'être réellement être, de remonter enfin par un mouvement d'enthousiasme intellectuel, â la conscience ineffable et inconcevable à la raison, de l'un. Car nous, en tant qu'appartenant à l'ordre des âmes, nous possédons des images des causes absolument premières ; nous participons à l'âme universelle, à la largeur intellectuelle[186] et à l’hénade divine. Il nous faut donc réveiller en nous les puissances de ces images, pour saisir les questions ici proposées : comment nous rapprocherons-nous plus près de l'un, si ce n'est en réveillant l'un de l’âme, qui est en nous, pour ainsi dire, l'image de l'un, selon laquelle, nous disent les plus exacts des théologiens,[187] nait surtout l'enthousiasme.[188] Et comment ferons-nous briller de toute sa lumière cet un là même, cette fleur de l'âme, si nous ne mettions pas d'abord en mouvement notre activité selon la raison? car l'activité conforme à ta raison amène l'âme à l'état d'activité sereine ; et comment acquerrions-nous cet état de parfaite activité intellectuelle, si nous ne procédions pas par des concepts logiques, si nous n'employions pas, avant les plus simples, des notions plus composées? Nous avons donc besoin, dans les propositions mineures d'un grand art de démonstration, et dans les recherches de l'être d'une grande force d'activité intellectuelle; (caries ordres de l'être sont niés de l'un) d'un grand élan d'enthousiasme intellectuel[189] dans l'acte de conscience, qui saisit - ce qui est séparé et élevé au-dessus de tous les êtres, afin que nous ne soyons pas, sans nous en apercevoir, rejetés par les négations dans le non être, dans l'incertitude qui l'enveloppe, par l'imagination qui n’a pas de limites précises, mais que réveillant l'un en nous, et réchauffant notre âme, grâce à lui, nous nous rattachions à l'un en soi, que nous nous élancions d'un bond pour ainsi dire au-delà de tout l'intelligible qui est en nous, que nous nous y installions à demeure,[190] que, renonçant à toutes nos autres activités, nous nous confondions avec lui seul, nous formions autour de lui comme une sorte de chœur chantant, abandonnant les pensées de notre âme qui tournent autour des choses inférieures.[191] Ainsi donc le mode de discussion que nous adopterons sera logique, intellectuel, mystique.[192] Car c'est ainsi que l'on comprendra l'hypothèse présentée ici. Une troisième et autre question devra être examinée : que sont ces hypothèses elles-mêmes? ont-elles plus de force ou moins que les affirmations. Tout le monde croit que l'affirmation est d'un ordre plus élevé que la négation : car la négation est privation et l'affirmation, disent-ils, est une certaine présence réelle, une sorte d'habitude, de possession ; dans les espèces et les choses spécifiées, l'affirmation est supérieure en dignité à la négation ; car il faut que les espèces aient ces deux choses : et l'état habituel qui constitue leur nature et la force d'éviter la privation. En un mot, l'être est plus apparenté aux êtres que le non être, et l'affirmation que la négation : car l'être est le paradigme de l'affirmation, le non être celui de la négation. Et on voit clairement quel rapport il a établi dans le Sophiste entre le non être et l'être, et qu'il a dit que l'être a une puissance supérieure;[193] car s'il a dit là que le non être n'est pas moins que l'être, en ajoutant : s'il est permis de s'exprimer ainsi, il a montré la supériorité de l'être. Donc, dans toutes les choses étant, l'affirmation purement, sans limitation ni addition, a plus de valeur que la négation. Mais puisque le non être est pris en plusieurs sens; dans l'un comme supérieur à l'être,[194] dans l'autre, comme au même rang que l'être,[195] dans l'autre, comme privation de l'être, il est évident que nous aurons à examiner trois espèces de négations : l'une qui est au-dessus de l'affirmation, l'autre au-dessous de l'affirmation, l'autre enfin qui est en quelque sorte l'égale de l'affirmation. Ainsi donc l'affirmation n'est pas, comme si elle était unique en son espèce, toujours supérieure à la négation : il y a des cas où elle est au second rang, c'est lorsque la négation pose ce non être qui est au delà de l'être. Mais puisque ce non être est de deux sortes, l'un qui est embrassé par l'être, l'autre qui n'est connuméré avec aucun des êtres, il est évident qu'au sens propre, ni l'affirmation ni la négation ne s'appliquent à celui-ci, mais que c'est à l'autre que s'applique la négation, comme aussi l'affirmation entant qu'il a quelque chose de commun avec l'être. Mais si aucune proposition n'est vraie, au sens propre, de celui-là, (je parle de celui qui ne se coordonne pas avec l'être) on s'exprimera plus proprement en ce qui le concerne par des négations que par des affirmations : car de même que lorsqu'il s'agit des êtres, les affirmations conviennent, de même les négations conviennent au non être. Pour généraliser, l’affirmation veut mettre la main sur quelque espèce, et lorsque l'âme dit qu'une chose est présente dans une autre et fait une affirmation, elle pose quelqu'une des choses qui sont de la même nature qu'elle.[196] Or le Premier est au dessus de de l'espèce ; il n'est pas permis d'introduire en lui aucune des choses qui appartient à l'ordre inférieur, et de transporter à lui les choses en nous, qui nous appartiennent en propre. Sans nous en apercevoir, c'est nous mêmes et non pas lui que nous affirmons ainsi. Nous aurons donc tort, quand il s'agit de lui, de nous servir des affirmations : il faut plutôt prendre pour le désigner les propositions qui nient de lui les choses inférieures (à lui);[197] car les affirmations veulent absolument connaître qu'une certaine chose appartient à une autre. Mais le Premier est inconnaissable par les connaissances qui sont du même ordre que les êtres, et il n'est pas possible de concevoir quelque chose comme lui appartenant, mais plutôt quelque chose qui ne lui appartient pas ; car il se dérobe et est au- dessus de toute composition et de toute participation.[198] Et en outre, les affirmations montrent et expriment quelque chose de déterminé ; les négations ont une valeur indéfinie; car le non homme est quelque chose de plus infini que le : homme; il est donc plus conforme à sa nature que la cause insaisie et insaisissable et indéterminée de l'un soit exposée par des négations. Les affirmations découpent en morceaux les êtres; les négations les ramènent à la forme simple, de la forme circonscrite à la forme incirconscrite, de la forme divisée par des limites propres, à l'indétermination. Comment donc ne conviendraient-elles pas à la recherche de l'un? car sa nature incompréhensible, insaisissable et inconnaissable à nos conceptions particulières, s'il est permis de le dire, ne peut être exposée que par là. Donc les négations ont une plus grande valeur que les affirmations ; elles conviennent à ceux qui remontent du particulier à l'universel, de ce qui est coordonné à ce qui est incoordonné, de l'espèce morcelée de la connaissance à l'espèce d'activité mentale incirconscrite, uniée et simple. En quatrième lieu nous chercherons à concevoir comment et de quelle manière ces négations conviennent à la cause première. Ce n'est pas assurément[199] comme à des choses susceptibles d'admettre l'affirmation, mais qui ne l'ont pas admise : comme si nous disions que Socrate n'est pas blanc; car d'une façon générale, l'un n'est susceptible d'admettre aucune chose,[200] mais il est séparé et élevé au-dessus de tout être et de toute participation ; ce n'est pas non plus comme ce qui ne peut absolument pas admettre l’affirmation, qui n'en a que la privation, qui ne peut se mêler à l'espèce, comme si l'on disait que la ligne est un non blanc, parce qu'elle ne peut pas participer de la blancheur : car le Premier n'est pas purement séparé des choses niées de lui, et on ne peut pas dire que toutes ces choses n'ont aucune communauté avec l'un, puisqu'au contraire elles sont produites de lui : ni non plus que, de même que la blancheur ni n'engendre la ligne ni n'est engendrée par elle, de même les choses qui viennent après l'un ne sont pas engendrées par l'un; car c'est de lui qu'elles ont leur hypostase. Ce n'est pas non plus dans le sens où nous dirions que la négation est entendue selon le mode moyen, à savoir quand elle est appliquée à des choses qui, il est vrai, ne peuvent admettre l’affirmation, mais qui sont causes, pour d'autres choses où elles se trouvent, que l'affirmation y est admise, comme par exemple, le mouvement n'est pas mû, mais le mobile l’est : la négation est donc dite de lui ; car il n'est pas mû, quoique les autres choses soient mues par lui. Et, d'une façon générale, chacun des états passifs est exempt de cet état même;[201] car étant simple, il est ou il n'est pas; mais ce qui subit cet état passif par lui-même,[202] c'est le composé; car l'un ne devient pas dans l'un; il est cause des affirmations dont nous lui attribuons les négations; mais il ne s'introduit pas dans les choses dont il est cause. Et s'il me faut dire sommairement ce que je pense[203] de même que l'un est cause de l'universalité des choses, de même les négations sont causes des affirmations. C'est pourquoi tout ce que la deuxième hypothèse, disons-le d'avance, affirme, tout cela est nié par la première; car toutes les propositions affirmatives procèdent de ces propositions négatives, et l'un est cause de celles-ci en tant que un[204] avant tout. Car de même que l’âme qui est incorporelle produit le corps, que la raison, qui est pour ainsi dire sans âme, ???/oc, parce qu'elle n'est pas âme, a donné l'hypostase à l'âme, de même l'un qui est implurifié a donné l'hypostase à toute la pluralité, l'un qui est sans nombre a donné l'hypostase au nombre, et sans figure a donné l'hypostase h la figure. Et il en est de même des autres: il n'est aucune des choses dont il crée l'hypostase; car le causant n'est ni autre ni le même que ses propres produits,[205] et s'il n'est aucune des choses qu'il crée, et s'il les crée toutes, il n'est aucune de toutes. Si donc nous connaissons toutes choses par des affirmations, nous le faisons connaître, lui, par la négation de chacune de toutes. Et ainsi cette espèce de négation est génératrice de la pluralité des affirmations. Ainsi la propriété d être sans figure, appliquée à l'un, n'est pas la même qu'appliquée à la matière, qui est perçue par la privation de la figure, tandis que l'autre engendre et produit tout l’ordre de la figure. Dans la matière donc, les négations ont une moindre valeur que les affirmations parce qu'elles sont des privations, et que les affirmations sont des participations des choses dont elle est privée par elle-même ; dans les êtres, les négations sont du même rang que les affirmations; car le non être participe de la substance non moins que l'être,[206] comme il est dit dans le Sophiste.[207] Dans l'un elles montrent la supériorité de la cause, et par là ont une plus haute valeur que les affirmations. C'est pourquoi, en ce qui concerne les causants des choses qui viennent après l'un, les négations des choses inférieures à eux, qui leur sont attribuées, sont vraies. Ainsi lorsque nous disons que l'âme ne parle pas et ne se tait pas, nous ne disons pas cela d'elle dans le même sens que lorsque nous parlons des pierres, de morceaux de bois, ou de toute autre chose insensible, mais en tant qu'elle est génératrice des deux facultés dans l’animal, et de la voix et du silence, et nous disons de même que la nature n'est ni une chose blanche ni une chose noire, mais une chose incolore et de plus étrangère à la catégorie de l'étendue. La considérons-nous donc comme la matière? Pas du tout; car elle est supérieure en dignité aux choses qui sont niées d'elle; mais nous la con sidérons comme génératrice des couleurs et de toutes les propriétés variées de l'espace. Semblablement donc, nous disons que la monade est sans nombre, non pas parce qu'elle est abaissée a un rang inférieur aux nombres et est indéterminée, mais parce qu'elle engendre les nombres et les définit et détermine. Je parle de la monade absolument première et que nous disons posséder toutes les espèces des nombres. Donc tout ce qu'il nie de l'un, procède de l'un; car il faut qu'il ne soit aucune de toutes les choses afin que toutes soient issues de lui. C'est pour cela, je crois, qu'il nie souvent même les contraires, en disant par exemple qu'il (l'un) n'est ni tout ni partie, ni le même ni durèrent, ni immobile ni mû.[208] Car l'un est exempt de toute opposition ; il plane au-dessus de toute relation ; il est pur de toute dyade, parce qu'il est la cause de toute la pluralité de ces deux ordres de couples,[209] et de la première dyade et de toute relation et de toute opposition. La nature est cause de toutes les oppositions corporelles, l'âme de toutes les causes vitales, la raison de tous les genres psychiques, l'un de toutes les divisions, purement;[210] car on ne peut pas dire qu'il est la cause des unes, et n'est pas la cause des autres. Mais causant de toutes les oppositions, il n'est lui-même opposé à rien : car il faudrait qu'il y eût quelque autre causant de cette opposition, et l'un ne serait plus le causant de toutes. Nous soutenons donc par ces raisons que les négations contenues dans la première hypothèse, sont génératrices des affirmations qui seront examinées dans la deuxième. Car toutes les choses que le Premier engendre dans la première, sont toutes engendrées dans la deuxième et procèdent dans leur ordre propre,[211] et on voit ainsi apparaître le diacosme des Dieux tenant son hypostase de l’hénade séparée et élevée au-dessus d'eux Voici une cinquième question qu'il faut étudier à la suite de celles-ci : Comment, si Parménide a dit qu'il commencera par l'un qui lui est propre, commence-t-il par les négations de l'un et non par les affirmations, lorsque lui- même dans son poème, affirme tout de lui et n'en nie rien : car il dit qu'il est complet (a toutes ses parties), ?????????, immobile, qu'il est nécessaire,[212] qu'il n'est pas une chose qui se dérobe à la pensée, et que celui-là est dans l’erreur[213] qui prétend qu'il n'est pas.[214] « Car l'une (des voies pour arriver à connaître,) celle qui dit qu'il (l'un) est, est, d'après lui, le chemin de la persuasion; l'autre, qui dit qu'il n'est pas, et qu'il est nécessaire qu'il ne soit pas, celle-là je te dis que c'est le chemin d'une parfaite erreur.[215] » Et en général, il s'étend avec force sur lui, et écrit qu'il est et exprimable et intelligible.[216] Comment donc l'un de Parménide ayant une telle nature, Parménide ici, disant qu'il va commencer par cet un cette méthode logique qu'il a proposée, procède-t il d'abord par les négations des choses que là (dans son poème) il a affirmées de l'un qui lui est propre? A cette question il faut répondre que l'étranger, dans le Sophiste,[217] s'appuyant sur son premier maître[218] pour montrer que l'un être est au-delà des êtres plusieurs, et rectifiant Parménide, par là, place[219] l'un être avant les plusieurs, recherche si l'un de Parménide est réellement un, et si être un en soi est identique à l'être,[220] ou si l'un, dans sa nature propre, est une chose, et l'être une autre: et dans cette recherche, il a montré que si l'un être est un tout déterminé. comme l'a dit Parménide, il a commencement et fin, il est partagé en ces parties,[221] et qu'ayant toutes ses parties, il a nécessairement, il est vrai, subi l'action de l'un, qu'il participe de l'un dans son tout, mais qu'il n'est pas cependant le véritablement un ; c'est pourquoi c'est à ce principe que le grand Parménide s'est élevé, comme le plus ferme et le plus assuré, parce qu'il est le plus sans besoin. Mais il est nécessaire de dire avec Platon que l'unifié n'est pas l'un même, mais ce qui a subi l'influence de l'un, et il est évident alors qu'il sera placé, dans l'ordre des principes, après l'un.[222] Car il faut que le principe ne participe d'aucune autre chose, parce que tout participant est nécessairement inférieur au participé, comme ayant besoin de quelque chose autre que lui et dont il désire participer.[223] De sorte que si quelqu'un raisonne en conséquence de la position de l'un, il niera tout ce qu'affirme celui qui pose l'un ayant participé de l'un. Ainsi donc, comme nous l'avons dit souvent, Parménide même ici commence par l'un qui lui est propre, c'est-à-dire ayant participé de l'un, Mais considérant surtout l'un, en tant qu'il est seulement un, et non comme l'un ayant participé de l'un, et envisageait la participation, il fait remonter la discussion au concept pur de l'un, et par là il a connu nécessairement, négativement tout ce qu'il a attribué affirmativement à ce qui a participé de l'un, mais n'est pas identique à l'un être. Et même aussi il a commencé les négations par le tout, par lequel l'hôte d'Elée a montré que l'un, qui a participé de l'être, est l'un de Parménide, mais non le véritablement un, et il formule ainsi sa première conclusion : à savoir que l'un n'est pas un tout. Et il faudrait que les Platoniciens vissent que Parménide démontre ici par le concept de l'un, la thèse qu'ailleurs le sage disciple de Parménide,[224] ramenant à la vérité[225] l'opinion de celui-ci, a prouvée, et ne vinssent pas accuser la première hypothèse de parler à vide, mais cherchassent à quel sujet réel appliquée cette hypothèse est vraie, et qu'ils l'apprissent de Platon ; mais ce que nous venons de dire suffit sur ce point. Peut-être quelqu'un nous posera-t il encore cette question: est-ce que nous employons les formes négatives par suite de la faiblesse de la nature humaine, qui ne peut pas saisir la simplicité de l'un par une sorte d'intuition violente et divine,[226] par une connaissance de vive force et prise comme d'assaut,[227] ou bien les facultés supérieures de notre âme connaissent-elles l'un négativement et par analogie? nous répondons que la raison, par les pensées, qui sont en elle, accouplées aux espèces, les connaît, et embrasse les intelligibles, et que c'est là une sorte de connaissance affirmative : car l’être est intimement proche de l’être:[228] elle est ce qu'elle pense, et elle pense ce qu'elle dit : donc ce qu'elle est, la raison le dit en quelque manière par sa propre pensée ; elle est rattachée et réunie à l'un par l'hénade qui est au-dessus de la raison, et par cette union connaît l'un qui est, par le non étant:[229] donc elle connaît négativement l'un ; car elle a deux sortes de connaissances, l’une en tant que raison, l'autre en tant que non raison, l’une, comme se connaissant elle même, l'autre, comme par une ivresse,[230] selon le mot de quelqu'un, et comme ravie par le nectar d'un transport divin ; l’une, connaissant qu'il est, l'autre qu'il n'est pas. Ainsi donc cette raison si glorifiée a une de ses connaissances négative, et l'autre affirmative. Or si la raison et les âmes divines par leurs propres sommités et leurs unifications,[231] s'élancent d'une pensée mue par un transport divin vers l'un, et si elles sont des âmes divines surtout à cause de cet acte, mais par leurs facultés intellectuelles sont aussi séparées et élevées au dessus de la raison[232] et l'entourent, comme en dansant en chœur autour d'elle; et si par leurs facultés noétiques elles se connaissent elles mêmes et déploient et développent leur propre substance qui est sans mélange et leurs propres notions ; et si par leurs facultés conjecturales, elles anticipent et rectifient comme il convient toutes les perceptions sensibles.[233] Ces connaissances et toutes leurs autres connaissances sont affirmatives.[234] Car elles connaissent que les êtres sont, et c'est là le propre de l'affirmation ; mais le caractère négatif de la connaissance est aussi en elles, par l'acte mental mystique qui les porte vers l'un ; car elles ne connaissent pas que l'un est, mais qu'il n'est pas, en tant qu'il est supérieur à: il est ; or la pensée que il n'est pas est une négation. Donc puisque les Ames divines et la raison si vénérée connaissent l'un par négation, qu'est-il besoin d'accuser d'impuissance notre âme, qui a la force et le désir de faire voir négativement la nature incompréhensible de l'un; car rien du Premier, dit-il, rien n'est pareil à ce que nous connaissons habituellement, comme il l'a dit lui-même dans les Lettres.[235] Ce qui est la cause, pour l'âme, de tous ses maux, c'est de chercher le caractère propre du Premier, de confier au raisonnement la fonction de le connaître, tandis qu'il faut[236] éveiller l'un qui est en nous, afin d'être capables, conformément au rang que nous occupons, de connaître d'une certaine manière le semblable, s'il est permis de le dire, par le semblable. Car de même que nous connaissons les choses opinables par l'opinion, les choses dianoétiques par l'entendement discursif, et les choses intelligibles par la faculté intellectuelle qui est en nous, de même nous connaissons l'un par l'un qui est en nous. Cet un est identique à non être l'un, et celui ci est identique à la négation de l'un;[237] car le non être est négation, mais non l'absolument non être; car ce non être ci, outre le non étant, est aussi Rien : c'est pourquoi il est tombé hors de toute hypostase et est privé de l'un même. Ainsi, outre toutes les autres choses (qu'il n'est pas), il n'est pas même un, et ce qui ne participe pas à l'un étant absolument non participant,[238] est dépourvu de toute hypostase ; car tout contenu réel fait défaut au dernier[239] (le non être absolu) : car avant lui est l'être, et avant l'être le vivre, et avant le vivre, le penser : c'est pour cela que quelque chose qui ne pense pas peut vivre et être, et quelque chose qui n'est pas vivant, peut être et que le non être un a une sorte d'hypostase; tandis que ce qui n'est pas même un, outre toutes les choses (qu'il n'est pas), est nécessairement tombé hors de tout ; c'est là l'absolument non être. Maintenant l'un qui est avant l'être est, il est vrai, non être, mais cependant pas aussi rien : car étant un, il est impossible de le dire : rien. Appelons-le donc non être, et concevons· le par le semblable qui est en nous (car il y a en nous une sorte de semence de ce non être,) et appelons-le seulement un[240] parce qu'il est tellement séparé et élevé au-dessus des êtres, dans la crainte que, sans nous en apercevoir, nous ne soyons entraînés dans la région de l'indétermination, et que nous ne projetions[241] le non être par un acte de l'imagination et non par un acte d'une raison mue par un transport divin.[242] Car cela non seulement nous éloignerait de la connaissance de l'un, mais même de celle de l'être. Ainsi donc, que les négations ont un rapport d'affinité avec l'un, de quelle manière toutes choses sont niées de lui, que toute connaissance de l'un a lieu par négation, cela, parce que nous avons dit, est clair. Nous avons encore une septième question à examiner : à savoir, si tous les êtres sont niés de l'un, et, s'ils ne le sont pas tous, quelle est la répartition, et pourquoi le dialogue va jusqu'à ceux-ci, et par suite de quelle considération il s'y arrête. D'abord il nous faut assurément exposer toutes les choses qui, dans la première hypothèse, sont niées de l'un ; elles sont ainsi rangées dans l'ordre de succession : il est dit qu'il est non plusieurs, qu'il n'est ni tout ni parties, qu'il n'a ni commencement, ni milieu, ni fin, qu'il n'a aucune limite, qu'il n'a pas de figure, qu'il n'est pas dans un autre,[243] ni dans lui-même, qu'il n'est pas en repos et qu'il ne se meut pas, qu'il n'est ni le même ni autre, qu'il n'est ni semblable ni dissemblable, qu'il n'est ni égal ni plus grand ni plus petit, qu'il n'est ni plus vieux ni plus jeune, qu'il ne participe absolument pas de la génération parce qu'il ne participe pas du temps, qu'il n'est ni nommable ni exprimable, qu'il n'est ni l'objet de l'opinion ni l'objet de la science. Voilà donc, pour les énumérer chacune sommairement, toutes les choses qui sont niées. Mais pour quelle raison celles-là seulement ont été admises, nous avons à le rechercher. Et si toutes les choses qui sont n'importe comment, ne sont pas[244] niées de lui, comment ne le sont-elles pas toutes, et pour quelle raison, c'est une chose qui vaut sans doute la peine que nous la connaissions; car elle a déjà a ceux qui nous ont précédé, occasionné de grands et nombreux embarras. Je laisse de côté[245] complètement ceux qui disent que les deux espèces du quantum, le discret et le continu, sont niées de l'un ; car il n'y a pas que deux espèces du quantum selon les Pythagoriciens et selon Platon, qui nous crie lui-même partout qu'il y a trois sciences qui ont pour objet le quantum : l'arithmétique, la science qui mesure, la statique, (l'art de peser). De plus, toutes les espèces qui sont admises (dans les négations) ne sont pas toutes de la nature du quantum, par exemple la figure, le être mû, le être en repos ; — et tous ceux qui croient que dans ces négations se déroulent les dix catégories ; car ces négations ne sont pas les seules choses qui soient subsumées sous les dix catégories ; on pourrait en nommer beaucoup d'autres dont Parménide ne fait aucune mention ; — et ceux qui nous rebattent les oreilles des cinq genres de l'être:[246] ceux-là en effet, il les a niés de l'un, à savoir, la substance, le même, l'autre, le mouvement et le repos : mais il ne nie pas seulement ces choses-là, mais encore la figure,[247] le tout, le temps, le nombre, le semblable et le dissemblable qui ne sont pas des genres de l’être. Tous ceux qui veulent montrer toutes ces négations dans la monade sont encore de tous les plus dignes d'être crus; car la monade est sous un mode caché, plusieurs, tout et parties ; elle embrasse les figures, est en elle-même et dans un autre, en tant qu'elle est présente à toutes les choses qui procèdent d'elle ; elle est en repos et en mouvement, elle demeure et à la fois elle procède; en se multipliant elle ne sort jamais d'elle-même. Évidemment on peut affirmer encore d'elle le semblable et également les autres propriétés ; mais puisqu'il est facile de montrer ces propriétés dans la monade, il faut les faire précéder de celle ci : que la monade est imitation de la raison, de sorte que toutes les autres sont, beaucoup antérieurement, anticipées dans la raison, et elles sont niées de l'un parce qu'il est au-dessus de la raison et de toute la substance intellectuelle; et c'est aussi parce qu'il a vu cela, que Parménide dans son poème sur l'être véritablement être, pose en outre en lui la sphéricité, le tout, le même et l'autre : car il le nomme à la fois « semblable à une masse sphérique, partout absolument égale distance de son centre, ayant toutes ses parties et immobile,[248] » de sorte que toutes ces propriétés sont primairement dans la raison, secondairement et comme image dans la monade et dans tout le sensible, physiquement dans celui-ci, imitativement[249] dans celle-là. Car la sphère intelligible, c'est la raison ; la sphère dianoétique, c'est la monade; la sphère sensible, c'est ce monde, qui porte en lui-même les images des dieux éternels. Ceux donc qui introduisent ici la monade auraient parfaitement raison, s'ils passaient de la monade[250] à la raison, et s'ils niaient ces propriétés de l'un[251] parce qu'il est au-dessus de la raison. Car l'Un ne sera pas bien grand ni bien vénérable, s'il dépasse seulement la monade, puisque la raison même est au- dessus d'elle, mais s il est supérieur à la raison et aux pléromes de la raison. Mais eux, ne nous disent pas pour quelle raison ces propriétés là sont seules admises, et pourquoi pas un plus grand ou un plus petit nombre que celles qui sont énumérées; car elles n'appartiennent pas seules à la monade et on pourrait en trouver aussi beaucoup d'autres ; car elle est impaire et paire et contient chacune des espèces qui sont au dessous de celles là. Pourquoi donc parmi toutes, celles-là seulement, c'est ce qu'on ne dit pas clairement. Seul d'entre tous ceux que nous connaissons, le Chef de notre École,[252] qui appartient au chœur de Platon dans la connaissance des choses divines, a vu que tout ce qu'il affirme successivement par la deuxième hypothèse, il le nie de l'un, comme il a été dit plusieurs fois ; et que chacune de ces propriétés est là le symbole de quelque ordre de Dieux : les plusieurs, le tout, la figure, le dans soi-même et dans un autre et chacune de celles qui viennent ensuite ; car toutes ne se manifestent pas d'une manière semblable dans tous les ordres de l'être ; mais ici apparaît la pluralité, ailleurs quelque autre propriété particulière des dieux.[253] Car, comme nous l'avons appris dans le Sophiste,[254] l'un être est absolument premier, au deuxième rang vient le tout (la totalité qualitative) : au troisième, le tout,[255] la totalité quantitative, et de même que dans le Phèdre,[256] après les dieux intelligibles apparaît au premier rang la substance incolore, non figurée et intangible; au deuxième la couleur, au troisième la figure, il en est de même aussi[257] pour les autres propriétés, et dans les différents ordres de l'être se manifestent différentes espèces de choses réelles. Si donc toutes ces propriétés nous montrent la largeur[258] de l'un être dans une succession sériée et sans qu'il en manque aucune, et s'il veut que l'un soit au-delà et au dessus de tous les êtres, il est rationnel qu'il nie ces propriétés seules, de l'un. Comment chacune d'elles est divisée par les ordres divins, nous le saurons avec plus de précision, quand il sera question de la deuxième hypothèse. Ainsi quelles sont les propriétés niées de l'un, qu'elles sont nécessairement seulement dans ce nombre, (car c'est le même nombre que celui des ordres distingués et énumérés des êtres[259]), cela résulte clairement de ce que nous avons dit. Maintenant il est clair aussi que toutes sont prises de la propriété particulière de l'être, et non de la vie et de la connaissance.[260] Car vouloir et désirer et toutes les fonctions de cette nature, sont propres aux vivants ; penser, raisonner, sentir, sont propres aux êtres capables de connaissance; mais là ces propriétés[261] sont communes à tout ce qui est, de quelque manière qu'il soit. Donc toutes les propriétés dont il a été question appartiennent à tous les êtres animés (et inanimés,)[262] parce qu'elles sont la conséquence nécessaire de leur être[263] et comme il est logique ; (car l'hypothèse est : Si l'un est, qu'est-ce qui s'ensuit). Toutes ces propriétés il les nie toutes de l'un, afin de nier à la fin cela même : l'un est puisqu'il dit « si donc l'un est » cet un n'est pas, en ce sens qu'il est supérieur à le : il est; car il n'admet aucune des choses qui sont la conséquence nécessaire du : il est, et il est rationnel que celles- là seulement qui appartiennent aux êtres, en tant qu'être, soient en toutes celles qu'affirme et pose la deuxième hypothèse, et que nie la première. Nous ne pourrions en effet, sauf celles-là, en trouver qui soient communes à tous les êtres ; celles qui sont plus haut qu'elles, étant plus universelles, les autres, qui sont plus bas, étant plus particulières, C'est pourquoi en éliminant celles qui sont plus haut, il élimine celles qui les suivent selon l'hypothèse. Il a donc admirablement[264] découvert quelles sont les choses qui sont les conséquences de l'être en tant qu'être et celles-là, il les affirme dans la deuxième hypothèse et les nie dans la première, voulant montrer que l'un est au-delà des êtres en montrant qu'il est au- delà des propriétés communes à tous les êtres, et ce sont toutes celles qui sont niées de l'un selon la première hypothèse ; de sorte que si l'un ne les admet pas, il n'admet pas non plus le est.[265] Si quelque un s'imagine que cette hypothèse aboutit à des conclusions impossibles, qu'il se rappelle ce qui est écrit dans le Sophiste, dans le passage[266] où mettant à l'épreuve la thèse de Parménide sur l'être, et démontrant qu’il ne peut pas être un[267] et surtout d'après lui-même qui dit que l'être est un tout, il ajoute très clairement : « Car il faut que le véritablement un soit sans parties.[268] » Et l'objection critique faite ici à Parménide n'est pas sans fondement. Car celui-ci a dit à peu près[269] qu'il[270] est véritablement un, de sorte qu'il est aussi indivisible, de sorte qu'il n'a pas de parties, de sorte que tout ce qui est démontré à la suite de cet un est la conclusion de la première hypothèse; de sorte que toute la première hypothèse est vraie et s'accorde parfaitement à l'un véritablement un et à lui seul, et que celui-ci est la cause de tous les êtres. Ainsi les négations ne nous jettent pas dans le non être absolu, mais au contraire, nous amènent à l'un en soi, au véritablement un. Car il serait absurde que l'être véritablement être fût, (et pourquoi dire : l'être? car on peut dire aussi le véritablement égal, ou le véritablement beau, et chacune des espèces) et que le véritablement un, entre tous, ne fût pas, ou ne fût qu'un nom, et que par ce nom tous les êtres fussent conservés et fussent.[271] Mais s'il est, il est évident qu'il n'est pas plusieurs ; car il ne serait pas véritablement un, s'il était rempli du pas un ; car les plusieurs sont non un. Et s'il n'est pas plusieurs, ceci admis, toute la première hypothèse encore une fois en résulte, et il ne faut pas l'accuser de poser des impossibles. Ce point est donc ainsi démontré. Maintenant la huitième question que nous devons examiner concerne l’ordre des négations, à savoir : si elles commencent par en haut et par les premières, comment se fait-il qu'il supprime d'abord les plusieurs, et en dernier lieu l'un lui- même; (car il nous semble aussi à nous que l'un est d'une plus haute dignité que la pluralité, et que l'être est, parmi les êtres, celui qui a la dignité la plus haute) mais s'il commence par les dernières, comment admet-il après les genres de l'être, et l'égal et le semblable, l'inégal, et le plus grand et le moindre? car ce sont des catégories plus pauvres[272] que les genres de l'être. Il vaut donc mieux dire qu’il commence par les plus élevées et procède jusques aux dernières négations.[273] C'est ainsi que aussi dans le Phèdre,[274] niant du plus haut des ordres intellectuels tous les ordres qui le suivent et procèdent de lui, il opère l'élimination par en haut, en disant d'abord qu'il est incolore, ensuite qu'il est sans figurent en troisième lieu, non apparent, car c'est l'ordre qui règne sur les trois triades intellectuelles : la triade qui contient les choses dans leur essence et leur tout, qu'il range selon la couleur; la seconde, la triade télésiurgique, qu'il admet selon la figure ; la triade intellectuelle qu'il nous désigne symboliquement par le toucher, comme nous l'avons interprété dans notre commentaire sur la palinodie.[275] Et ces triades[276] occupent le même rang que les négations. Ainsi donc aussi ici les négations commencent par en haut, et procèdent et se déroulent en même temps que l'ordre des diacosmes divins.qui ont tous pour principe générateur, l'un. Et que ce soit à la fin qu'ilote à l'un l'un en soi et l'être, il ne faut pas nous en étonner, et si nous suivons exactement tout l’ordre de la discussion, nous le comprendrons très clairement Car je pense qu'il est par soi-même évident que dans les conclusions affirmatives il faut commencer par les conséquences de l'hypothèse les plus proches par leur origine de cette hypothèse, et démontrer par elles les conséquences affirmatives qui le sont le moins, tandis que dans les négations, il faut commencer par celles qui sont le plus étrangères et par elles ce qui ne résulte pas de l'hypothèse. Car il faut, avons nous dit, que ceux qui emploient cette méthode commencent par les choses les plus connues. C'est donc pour cela qu'il nie d'abord de l'un les plusieurs, qui se manifestent les premiers, et desquels résulte, dans un ordre sérié de succession, tout ce qui est nié entre les plusieurs et l'un. Le dernier nié est l'un même, qui est, lui[277] le plus proche par son origine (logique) de la thèse; il est participé par la substance, et par là, il est un certain un, mais non l'un purement. Il fallait donc que le commencement de toute cette hypothèse, puisque les conclusions en sont négatives, fût le : non plusieurs, et que la fin en fût : le non un.[278] Après avoir établi ces déterminations, nous aurons à examiner, en neuvième lieu,[279] quel est le premier nié : or c'est lui-même qui dit : que l'un est[280] non plusieurs. Donc ce sont lès plusieurs qui sont la première chose qu'il nie de l'un Mais où[281] sont donc ces plusieurs, et qu'est-ce que cette pluralité que n'est pas l'un? Il y a, en fait, des critiques qui disent qu'il supprime de l'un les plusieurs qui sont partout, parce que l'un est au-dessus de toute pluralité, soit intelligible soit sensible : mais nous les engagerons à se rappeler que dans la deuxième hypothèse les plusieurs sont affirmés. Quelle pluralité sensible verrons nous donc en elle? car tous ces plusieurs sont dits des êtres réellement êtres, parce que là l'un et l’être sont égalés D'autres, plus sérieux que ceux-là, croient qu'il nie de l'un la pluralité intellectuelle; car assurément le Premier est l'un implurifié, ensuite vient la raison qui est un plusieurs; puis l'âme, qui est un ei plusieurs, parce que, par suite de la division, elle a besoin de conjonctions; puis le corps qui est plusieurs et un, parce que, en tant que divisible, il est caractérisé par la pluralité; enfin la matière qui est seulement plusieurs. C'est donc ce plusieurs, qui est la pluralité intellectuelle, qu'il supprime de la cause première afin qu'elle soit seulement un et au dessus de la raison. Nous leur demanderons donc : Eh! qu'entendez vous donc,[282] vous autres, par la raison? Car s'ils entendent la raison, au sens vrai et propre, qui est deuxième après l'intelligible, non seulement l'un est au-delà la pluralité intelligible, mais l’intelligible l’est également, comme étant d'une essence supérieure à la raison.[283] Et s'ils appellent raison tout l’intelligible, ils méconnaissent la différence qui distingue les Dieux de la génération des êtres qui procèdent selon une loi déterminée par la mesure. Il y en a encore qui sont inspirés par un mouvement plus divin de l'âme, qui, méprisant[284] la pluralité sensible, et ne s'arrêtant même pas à la pluralité intellectuelle, soutiennent qu'avant les intellectuelles sont les monades intelligibles, d'où est sortie, pour se manifester, toute la pluralité intellectuelle selon les nombreux ordres qui la divisent. C'est donc cette pluralité qu'il retranche de l'un, pluralité qui est intelligible, parce qu'elle vient sans discontinuité après l’un, et non la pluralité intellectuelle, et il ne faut pas être étonné si l'un est séparé et élevé au-dessus de la pluralité intellectuelle, au-dessus de laquelle planent aussi les monades intelligibles. C'est donc là une[285] explication divine et qui nous fait remonter à certaines causes plus simples. Il faut encore observer que dans les intellectuels il y a beaucoup d'ordres, et, comme on le dit chez les Théologiens, il y a en eux trois triades que nous démontrerons clairement avoir été transportées de là dans la deuxième hypothèse.[286] Il y a aussi dans les intelligibles et intellectuels autant de triades analogues à celles-là. S'il on est ainsi, il est clair qu'il faut poser ces plusieurs, ou bien[287] selon la première pluralité, c'est à- dire la pluralité intelligible : car ces plusieurs, en tant que plusieurs, subsistent uniquement par l'un, et c'est d'eux que procède par en haut le triadique, jusques aux derniers degrés, dans les intellectuels, dans les hypercosmiques, dans les sensibles, et dans tout ce qui, participant n'importe comment de l'être, participe de cette triade ; car quelque un des Dieux a dit : « La Raison du Père[288] a dit que tout soit divisé en trois : et quand, par un signe d'approbation, il a eu témoigné sa volonté, aussitôt tout a été partagé (en trois)[289] ». C'est donc cette pluralité intelligible qui la première s'est manifestée en sortant de l'un, qu'il a dû nier tout d'abord de l'un, et c'est parce qu'ils sont remontés jusqu'à cet ordre que quelques commentateurs en ont identifié la sommité avec l'un. — Ou bien[290] ces plusieurs, qu'on vient tout à l'heure par les raisons précédentes, de nier de l'un, il faut les placer selon la pluralité intelligible ou selon la pluralité absolument première, dans les intellectuels qui sont aussi à la fois intelligibles;[291] car la pluralité des hénades n'est pas dans les Dieux intelligibles, mais dans ceux qui viennent immédiatement après eux : il n'y a en effet, qu'une seule hénade pour chaque triade intelligible. La pluralité des hénades se voit donc d'abord dans le premier ordre des intelligibles et intellectuels, comme cela deviendra clair par les choses qui seront démontrées dans la deuxième hypothèse.[292] Maintenant donc il faut comprendre que Platon supprime et retranche l'un de toute la pluralité des hénades, parce que c'est lui qui les engendre et leur donne l'hypostase, et il fait cela, en admettant a priori selon les notions communes, que l'un est non plusieurs. Voilà pourquoi c'est par cet ordre qu'il commence les négations, parce que c'est l’ordre dans lequel a apparu la première pluralité des hénades, issue de la première hénade. Où est cette première pluralité des hénades, c'est, comme nous l'avons dit, la deuxième hypothèse qui nous l'enseignera clairement ; la discussion montrera qu'elle est dans les premiers des Dieux intelligibles et intellectuels, mais non des Dieux qui sont nommés seulement intelligibles, et s'il y a,[293] même parmi ceux-ci, une pluralité, c'est dans un autre sens, qui ne fait pas que l'un est aussi plusieurs, et au contraire que les plusieurs sont un. Car à la proposition : la un est non plusieurs, est évidemment contraire la proposition : le un est plusieurs ; et à la proposition : le un être plusieurs, est contraire la proposition : le un être non plusieurs ; de sorte que s'il dit : le un être non plusieurs, nous devrons poser que ces plusieurs sont de l'ordre des plusieurs intelligibles, et lorsqu'il dit : l'un non ces plusieurs, nous les placerons là où il est prouvé qu'est d'abord l'un plusieurs, mais non l'un être. Or il sera prouvé qu'il est après les ordres intelligibles, comme nous le disons, et dans ce qu'on appelle les diacosmes intelligibles et intellectuels des Dieux, lors de la discussion qui montrera qu'à part est l'un plurifié, à part l'être, et qui retranchera de l'un en dernier lieu la pluralité intelligible même, reliant ainsi la fin au commencement, et démontrant là que[294] l'un n'est pas l'un être, comme nous l'apprendrons par cette démonstration. En voilà assez sur ce point. Il nous reste à étudier le texte même, afin de le mettre d'accord avec la théorie du fond des choses. Cette proposition, donc, que le un est le non plusieurs, il n'a pas cru qu'elle avait besoin d'une démonstration ni même d'une explication destinée à la faire admettre; mais il l'admet d'après une notion commune et indubitable.[295] Car il faut, dans l'examen des questions sur le Premier, et dans celles-là surtout, réveiller les notions communes, puisque toutes choses spontanément et sans intention expresse se règlent sur lui, et réveiller tous les principes qui sont en acte selon la raison et tous ceux dont l'acte est seulement selon la nature. En un mot il faut que le principe de toute démonstration soit l'indémontrable, et que les notions communes président aux démonstrations et les précèdent, comme le disent les géomètres.[296] Or il n'y a rien qui nous soit plus connu et plus clairement que la proposition : l'un n'est pas plusieurs ; c'est pourquoi il l'admet, parce qu'il n'a pas besoin pour l'admettre d'aucun appareil démonstratif ni d'un plus grand développement. Il tire donc de la notion commune, que l'un est non plusieurs. Mais s'il faut donner de cet axiome une explication qui la fasse accepter,[297] nous dirons qu'en toutes choses, chaque un qui est primairement tel est séparé et élevé au-dessus des choses qui sont pour ainsi dire ses contraires, et qu'il est purement ce qu'il est, de même que le primairement beau n'est d'aucune manière non beau, et que l'être qui est de cette façon[298] n'est pas aussi non être, de sorte que le primairement un n'est pas aussi plusieurs; car s'il y a aussi en lui pluralité, il serait unifié, mais non un purement. Or avant l'unifié est l'un, de même qu'avant le spécifié, il y a assurément quelque chose de spécifiant. Il y aurait donc quelque chose qui serait au-delà du premier étant : ce qui est impossible ; et si celui-là, à son tour, a avant lui une pluralité, nous aurons à en rechercher un autre, et alors ou bien nous marcherons à l'infini, ou après avoir trouvé ce qui est seulement un, nous dirons que celui là est nécessairement seul causant, tandis que la pluralité unifiée est sans doute apparentée au principe, mais n'est pas principe même. Donc l’un n'est pas plusieurs, mais causant des plusieurs; car il est non plusieurs dans ce sens que non plusieurs est principe générateur des plusieurs ; or ce que nous disons ici s'applique à la négation entendue selon la notion commune. Maintenant nous avons encore à examiner quelle est la nature, ?????, de cet un qu'admet Parménide lorsqu'il dit : si un est.[299] Car si c'est l'un qui lui est propre, la proposition : l'un ne saurait être plusieurs, est fausse ; car l’un être[300] est plusieurs; et si c'est le primairement un, l'un imparticipable, la conséquence est vraie, mais ce n'est pas là l'un de Parménide, car celui-ci est l'un être, comme nous l'avons dit plus haut. Et maintenant il faut remarquer qu'après avoir promis de poser pour hypothèse son un propre, et après avoir posé celui ci, par la proposition : s'il est; (car le est est propre à cet un,) il va maintenant, usant de la notion commune de l'un, remonter de celui ci à l'un en soi,[301] qui n'est ni plusieurs ni aucune des autres choses. En effet,[302] après avoir admis l’un être, tantôt appuyant sa pensée sur le un et usant du est selon seulement une représentation[303] toute passive, afin de pouvoir faire une proposition,[304] il trouve la cause qui est avant[305] l'un être même ; tantôt s'appuyant également sur les deux idées (un et est), il déroule d'en haut toute la pluralité des substances divines jusqu'à la dernière ; tantôt insistant davantage sur le est, comme le terme conditionnant et dominant, et n'employant le un que pour ne pas le réduire au non étant en le privant de l'un, il expose l’hypostase qui résulte de cette condition, pour la substance divine.[306] Il est possible que l'un ne participe pas de l'être, mais que l'être ne participe pas de l'un, cela est impossible, car le non être est possible,[307] et en effet l'un est un tel (non être);[308] mais le pas même un, absolument dépourvu de l'un, il est impossible qu'il soit, de quelque manière que ce soit. La voie (logique) qui part donc de l'un être se dirige ou vers le principe supérieur (à l'un être), c'est-à-dire vers lui, (c'est à dire vers l'un), ou vers ce qui est au-dessous. Par la méthode qui remonte,[309] on voit apparaître le véritablement un, élevé au dessus et délivré de toutes les formes de l'être : c'est pourquoi il en supprime à la fin le : il est un, parce que même cette affirmation ne convient pas à l'un. Voilà tout ce qu'il y a à répondre à cette question. Maintenant l'entrée en matière de la première hypothèse montre l'ardeur empressée de celui qui parle, en se portant avec toute son énergie vers le sujet proposé, et qui y ramène l'auditeur ; car ce mot : soit !, (????), est plein d'énergie, et de nature à rehausser les forces de l'âme, en ne nous laissant pas pour ainsi dire nous endormir devant la question qui va être traitée, ni même l'approcher avec un esprit de mollesse et d'indifférence; car c'est bien là ce que signifie l'Oracle émis au sujet des Dieux : « La lâche indifférence des mortels qui n'ont d'inclination que pour les choses d'ici-bas, c'est déserter Dieu.[310] » Car il faut, si nous devons comprendre ces conceptions négatives de l'un, nous arracher nous mêmes à nos propres habitudes, supprimer la diversité et la multiplicité de notre vie, nous dépouiller des pensées des plusieurs, faire que l'âme s'appartienne à elle-même et à elle seule, et dans cet état la déployer tout entière en la dirigeant vers le divin, et la disposer à recevoir la faculté de l'enthousiasme, afin que nous mêmes, ayant cherché d'abord (l'un)[311] par la négation de la pluralité qui est en nous, nous remontions, par cet état, au concept implurifié de l'un. Mais c'est là une chose évidente. — On pourrait encore faire cette question : pourquoi n'a-t-il pas, de même qu'il l’a fait dans les autres, c'est à dire qu'il a retranché de l'un véritablement un, les contraires, par exemple, qu'il a démontré qu'il n'est pas le même et qu'il n'est pas l'autre, qu'il n'est pas en repos et qu'il n'est pas en mouvement,[312] pourquoi de la même manière n'a-t-il pas démontré qu'il n'est pas plusieurs et qu'il n'est pas un, mais s'est borné à poser comme mineure qu'il n'est pas plusieurs, et n'a pas, avec ce caractère, démontré qu'il n'est pas un, afin de le montrer partout pur des contraires, ne pouvant pas être les deux (contraires), (car l'un n'est pas l'un et l'autre ensemble) ni contradictoire à l'un ou à l'autre : car il aurait fallu[313] alors un un préexistant pour faire celui-ci même un? A cette question nous répondons, en nous plaçant au point de vue logique, qu'il fallait maintenir l'hypothèse d'où part et procède la discussion : or l'hypothèse est : s'il est un. La conséquence logique est de conclure le: il n'est pas plusieurs; (car le concept de l'un écarte et nie la pluralité ;) ce qui ne s'ensuit pas, c'est le : il n'est pas un, même si l'un contraire à la pluralité est autre (que celui dont il est question). Et s'il en est ainsi, il sera possible de supprimer l'un du véritablement un; et c'est ce qu'il fera à la fin,[314] (car il niera l'un qui est accompagné du : est ;) et il est aussi possible de l'y admettre,[315] de même qu'il n'était pas possible que le n'être pas plusieurs ne fût pas le un dans ce sens,[316] parce qu'il fallait que la discussion partit nécessairement de prémisses accordées par tout le monde et indiscutables, et non de propositions ayant besoin d'une preuve. C'est là le précepte de tous ceux qui admettent cette méthode de gymnastique logique. Voilà donc ce qu'il faut répondre, comme je le disais tout à l'heure, en se plaçant au point de vue formel.[317] Mais à ceux qui regardent les choses mêmes, le contenu, il faut dire que nécessairement cet un, dont les plusieurs sont le contraire,[318] coexiste avec la pluralité, de même que le même coexiste avec l'autre, et qu'il n'y a pas d'un impluriiié, ni non plus de pluralité sans unité.[319] Car l'un est un dans la pluralité, parce que la pluralité a subi l'action de l'un. Donc Parménide en même temps qu'il nie de l'un[320] les plusieurs, a aussi fait disparaître cet un,[321] comme nié avec et en même temps qu'eux.[322] Car si cet un là était le véritablement un, il ne serait pas uniquement non plusieurs, en tant que coexistant avec les plusieurs; il ne serait pas en soi non plusieurs, et plusieurs par accident; il ne serait jamais le purement non plusieurs ; mais seulement le non plusieurs dans certaines circonstances, quoique partout notre raison réclame le purement avant le relativement, et refuse de prendre pour principes des choses qui sont, ce qu'elles sont seulement relativement. C'est pour cela que l'hypothèse a mis les espèces avant les choses sensibles, parce qu'elle cherche les intelligibles purement intelligibles avant les êtres qui ne sont que relativement êtres et seulement homonymes aux intelligibles. Parménide ayant donc posé que l'un est non plusieurs, et entendant ce non plusieurs dans le sens de purement non plusieurs, n'avait pas conséquemment besoin de supprimer l'un qui est relativement non plusieurs et non purement plusieurs. Partant de ces données et passant aux choses mêmes, nous disons que c'est cet un qu'il a dit dans le Sophiste,[323] en tant que véritablement un, être sans parties et différent de celui qui a subi l'action de l’être[324] et qu'il a nommé dans les Lettres,[325] le Premier de tout, celui auquel il ne faut pas appliquer le : de quelle espèce donc; car tout le quale n'est pas purement : par exemple, on dit : quelle espèce de beau, ????? ?????, ou quelle espèce d'égal. En effet le quale étant une différence fait un certain beau, ?? ?????, et un certain égal, de sorte qu'il ne faut pas attribuer le quale à l'un en soi et purement un, afin qu'il ne devienne pas tel ou tel un au lieu de l'un en soi. Si donc l'un en soi et le Premier c'est la même chose, et si le Premier est Dieu, il est évident que l'un en soi et Dieu c'est la même chose, et que ce n'est pas un certain Dieu, mais Dieu en soi, et ceux qui disent que le Premier est Démiurge ou Père,[326] ont tort;[327] car le Démiurge et le Père sont un certain Dieu particulier; cela est évident; car ce n'est pas tout Dieu[328] qui est démiurge ou père, et le Premier est purement Dieu ; c'est par lui que tous les Dieux sont dieux, et tous ceux qui sont démiurges par le premier démiurge et pères par le premier père, sont des dieux déterminés, ?????. Disons donc que l'un est Dieu purement, parce qu'il est pour tous les dieux la cause qu'ils sont dieux, non pas certains dieux, tels que Dieux démiurgiques, paternels, ou ayant quelque autre forme particulière de la divinité, forme qui est le divin d'une certaine espèce, mais non le purement divin. C'est pour cela que dans les Lettres, Platon n'a pas voulu que l’on fit à l'égard du Premier la question:[329] de quelle espèce donc? afin que nous ne fassions pas du Premier quelque chose de particulier, au lieu du purement Premier. Car la question quelle espèce d'animal, s'applique dans son vrai sens iuin certain animal, et non à l'animal purement: car le purement tout[330] (animal) est sans détermination d'espèce, ??????, parce qu'il est antérieur à la différence qui fait l'animal qui a un quoi, ??, et non le purement. Car qu'est-ce que, l'animal, ?? ? c'est l'animal déterminé par une qualité. Nous obtenons donc par là la conclusion que le Premier et l'un c'est la même chose. Ajoutons encore que c'est ce qui dans la République,[331] est appelé le Bien, et dit là au-delà de l'être, au-delà de la substance et être hypersubstantiel. Car l'un et le Bien, c'est la même chose, si, comme il est dit dans le Phédon,[332] le Bien est ce qui contient toutes les choses dans leur essence : or ce qui contient toutes les choses dans leur essence, c'est la même chose que l'un. Ou alors il est ou au delà de l'un, ou n'est rien, ?????, c'est-à dire non un, et l'un et l'autre sont absurdes. Donc le Premier, le Roi de Tout et le Bien, c'est le véritablement un. § 124. — « Il est donc nécessaire et qu'il n'y ait pas de partie de lui, et qu'il ne soit pas un tout. — Pourquoi donc? — La partie est sans doute[333] partie d'un tout? — Oui. — Qu'est-ce que le tout? Ce à quoi aucune partie ne manque, ne serait-ce pas un tout?[334] — Assurément —. Donc par ces deux raisons ensemble, et parce qu'il est un tout et parce qu'il a des parties, l'un serait composé de parties. — Nécessairement[335] ». La première négation de l'un, c'est que l'un n'est pas plusieurs : car il est primairement générateur des plusieurs. En effet la première pluralité, la pluralité en soi, qui est la plus haute de toutes, a procédé de l'un. La deuxième négation après celle-là, c'est que l'un et n'est pas un tout et n'a pas de parties : car ce second ordre[336] a été créé par l'un, après la première pluralité, qui est ce qu'il a nié, en premier lieu, de l'un. Et afin que nous nous fassions de cela une notion très claire, examinons ceci tout d'abord au point de vue logique; car celui qui abordera par là les arguments verra que ce que nous disons est exact. Ainsi donc voici une chose qui est pour tous manifeste : c'est que lorsqu’un argument hypothétique, par la suppression de l'antécédent conditionnant, prouve la suppression du conséquent conditionné, l'antécédent est plus universel : par exemple, dans l'argument hypothétique : s'il n'est pas animal, il n'est pas homme : or il n'est pas animal : donc il n'est pas non plus homme : l'animal est plus universel que l'homme. Car comment autrement l'animal supprimé supprimerait-il en même temps l'autre, s'il ne possédait pas une puissance de généralité plus grande. Car même dans les choses qui sont dites être sur le pied d'égalité, il y a encore une certaine supériorité dans celles dont la suppression emporte avec elle une autre suppression, sur celles dont la suppression est emportée avec elle, par cela même qu'elles sont pour l'autre la condition de leur suppression et que par elles mêmes elles suppriment aussi cet autre,[337] sinon selon le quantum, du moins selon la puissance. Qu'il soit donc bien établi que dans les conclusions négatives, lorsque par la suppression de l'antécédent conditionnant, nous concluons le conséquent[338] comme conclusion négative, l'antécédent conditionnant a une plus grande puissance (logique), et que lorsque par la suppression du conséquent nous supprimons l'antécédent, c'est le conséquent qui a une plus grande puissance. Et en général ce qui, par la suppression de lui même, supprime en même temps l'autre, soit conséquent soit antécédent, est plus fort et plus puissant que cet autre. Voilà donc un premier point sur lequel on est d'accord. Le deuxième est celui-ci : tout ce qui a une compréhension selon la puissance, plus grande qu'un autre, est, rationnellement, plus près de l'un, parce que l'un en soi est de tous les principes, s'il est permis de le dire, le plus compréhensif, qu'il n'y a rien en dehors de l'un, pas même la privation elle-même et même les choses les plus vides de contenu réel Par conséquent, même si l’un n'existait pas de quelque manière, il serait nécessaire que les choses qui sont le plus rapprochées de l'un fussent plus compréhensives que celles qui en sont plus éloignées, imitant la cause incirconscrite et l'excédant infini de l’un.[339] C'est ainsi que l'être est plus compréhensif que la vie et que la raison est plus près de l'un et la vie plus que la· raison. Ces deux axiomes étant posés, regardons comment Parménide prouve syllogistiquement que l'un n'est pas un tout et qu'il n'a pas de parties, et suivons la marche de son raisonnement : s'il est un tout, dit-il, ou s'il a des parties, l'un est plusieurs : or il n'est pas plusieurs, comme il a été dit auparavant : donc l'un ne sera pas un tout et n'aura pas de parties;[340] et inversement, si l'un est non plusieurs, il n'est pas un tout et il n'a pas de parties. Dans ces deux directions de l'argumentation, par la suppression des plusieurs sont avec eux supprimés les parties et le tout. Il est donc acquis pour nous que ce qui, dans les arguments hypothétiques, supprime avec lui-même l’autre partie, est plus puissant et plus compréhensif. Or le plus compréhensif est le plus près de l'un; donc ces plusieurs sont plus près de l'un que[341] le tout et les parties; car les parties sont plusieurs, mais les plusieurs ne sont pas nécessairement parties, de sorte que les plusieurs sont plus compréhensifs que les parties : ils sont donc au-delà des parties. Donc les plusieurs sont premiers dans les êtres; le tout et les parties sont deuxièmes; et voilà pourquoi[342] l'un produit ceux-ci les premiers, et par les plusieurs, les deuxièmes; car toujours les premiers procédants produisent aussi, par leurs propres causes, les choses qui viennent à leur suite. Si donc les négations engendrent les affirma lions, il est évident que la première négation engendre les premiers principes, la deuxième, les deuxièmes, car ce qui a les plusieurs purement est plus général que le tout et que ce qui a des parties et est formé de limités ; car qu'arriverait il si les plusieurs étaient infinis?[343] De sorte que si quelque chose a des parties, elle a besoin des plusieurs ; mais si elle a seulement une pluralité, elle n'est pas[344] nécessairement un tout. Et vois ici l’ordre géométrique des arguments, comment il a été admis comme axiome et comme notion commune, que l'un n'est pas plusieurs; comment il est prouvé par l'intermédiaire de cette notion commune qu'il n'est pas un tout et qu'il n'a pas de parties, et ensuite qu'il n'a ni commencement ni fin, par la conclusion précédente, et ainsi de suite en suivant la série, la véritable Chaîne d'or des êtres, dans lesquels tous viennent de l'un, mais ceux-ci sans médiation, ceux-là par un seul membre moyen, ceux là par deux, ceux-là par un plus grand nombre,[345] mais tous purement de l'un. Ainsi donc par la méthode logique il a été démontré que le rang de ces plusieurs est avant le tout et les parties. Mais si tu veux te placer au point de vue du contenu réel, regarde : les plusieurs, en tant que plusieurs, ont une seule cause, l'un ; car il n'y a pas d'autre principe d'où toute pluralité soit dérivée que de l'un, puisque la pluralité des êtres en tant que intelligible, vient de l'être, mais en tant que pluralité tient son hypostase de l'un. Car si la pluralité la tenait de toute autre cause que de l'un, nécessairement cette cause devrait être, à son tour, ou un, ou rien, ou non un. Si elle n'est rien, il ? est pas possible qu'elle soit une cause ; mais d'un autre côté si elle n'est pas un, étant non un, elle ne différera en rien des plusieurs, tandis que la cause partout diffère de ce qu'elle produit. Il reste donc à admettre ou bien que les plusieurs n'ont pas de cause, qu'ils sont incoordinables les uns avec les autres et infiniment de fois infinis, parce qu'il n'y a aucun un en eux, ou bien que l'un est cause pour les plusieurs de leur être. Car ou chacun des plusieurs n'est pas un, non plus que le composé de tous, et ainsi ils seront tous infiniment de fois infinis, ou bien chacun d'eux est un. et le composé de tous n'est pas un, et ils ne seront pas coordinables les uns avec les autres;[346] car les choses coordonnées entre elles participent nécessairement de l'un; ou bien c'est l'inverse, et si chacun d'eux est infiniment de fois infini, parce qu'il n'est participant d'aucun un, ou bien tous deux participent de l'un, et alors il y a avant eux un principe qui fait l'un des deux ensemble, et des parties et du tout, principe qui ne sera pas un tout et n'aura pas de parties; ou bien inversement, à celui-ci l'un fera défaut,[347] et si nous ne voulons pas aller à l'infini, nous arriverons à l'un qui est avant le tout et les parties.[348] Outre cela, et s'il y avait quelque autre cause des plusieurs que l'un, il n'y aurait pas une pluralité des hénades, qu'il (Parménide) fait produire, comme l'un.[349] Si donc il y a plusieurs hénades, ce sera l'un qui sera cause de ces pu-sieurs en tant que plusieurs ; car l'un est cause primairement des hénades, et c'est pour cela qu'elles sont dites hénades, et la pluralité des êtres vient de la pluralité des hénades, de sorte que toute pluralité est par l'un, aussi bien que le tout des êtres[350] et que leurs parties. En effet si l’un être est un tout, il est assurément évident que le tout est avec le être et que si l'un est participé, nécessairement cet un coexiste avec l’être, et que si celui-ci est uniquement l'être par soi, il est substance. Si donc le tout et la partie sont en quelque manière des êtres soit par hyparxis soit par participation, ils sont également produits de l'un, mais aussi de la substance, si du moins le tout et la partie tombent dans la catégorie des êtres. C'est ce que dit Parménide quand il les a placés dans l'un être, on disant que l'un étant est un tout et a des parties, en rattachant l'être à l'un, et voyant le tout dans l'être un, et en faisant, comme de raison, du tout un certain être, ?? ??.[351] Car tout ce qui participe de la totalité substantielle, cela participe aussi de la substance : mais tout ce qui participe de la substance ne participe pas aussi de la totalité.[352] Ainsi donc les parties de la substance, en tant qu'elles sont parties, en participant de la substance ne participent pas de la totalité, en tant qu'elles sont telles. S'il en est ainsi,[353] la substance est au-delà de la totalité substantielle ; donc le tout substantiel participe de la substance, mais n'est pas la même chose que la substance. Ainsi donc s'il y a quelque totalité uniforme[354] elle participe de l'un ; mais si la partie uniée participe nécessairement de l'un, il n'est pas nécessaire qu'elle soit aussi un tout, ou plutôt, cela est impossible en tant qu'elle est partie.[355] Or, ou bien le tout et la partie sont quelque chose de substantiel, ou quelque chose d'unie, (car il y a même dans les substances et dans les hénades tout et partie) : donc l'un est au delà du tout et de la partie, aussi bien substantiels qu'unies. Et non pas cela seulement; mais les plusieurs aussi préexistent au tout et aux parties, car chacun d'eux est nécessairement, en quelque manière, plusieurs, comme nous le montrerons.[356] Or les plusieurs qui ont été posés primairement participent de l'un seul. Donc les plusieurs sont au-delà du tout et des parties. Voilà ce qu'il nous fallait démontrer et comment il fallait le faire. Maintenant il faut examiner la vérité de ces démonstrations, et, si elles sont des démonstrations, elles nous montreront que tout tout nécessairement embrasse quelque pluralité. Donc toute totalité a nécessairement une manifestation qui laisse voir ses parties propres ; car l’une, celle qui est dans la partie, est nécessairement coordonnée avec la partie, et non seulement est un tout, mais aussi partie ; celle qui est formée des parties est remplie et constituée complète par ses propres parties ; celle qui est antérieure aux parties possède les causes des parties, de sorte qu'elle possède aussi les causes de la pluralité. Donc l'un n'est d'aucune manière un tout[357] Car si tout tout est accompagné de pluralité, et que l'un soit sans pluralité, la conséquence est que l'un n'est pas un tout. Au rebours, la partie est partie d'un autre, de sorte que ce qui a des parties a pluralité ; car toute partie veut, avec d'autres, compléter une certaine chose une ; or ces autres, il est évident qu'ils sont plusieurs. Si donc l'un ne participe d'aucune pluralité et si ce qui a des parties a pluralité, il est clair que l'un ne saurait avoir de parties. Ainsi il est démontré que l'un n'est pas un tout et qu'il n'a pas de parties.[358] Et tu vois que ce premier point a été démontré par les non plusieurs, de même que dans les êtres la totalité est produite par la première pluralité ; or ce qui est prouvé par la cause, est l'objet d'une véritable démonstration. Si donc le tout est un tout par les plusieurs, inversement le non être plusieurs est la cause du non être un tout, et l'un seul est la cause de ces deux caractères. Et c'est là cet un duquel le sage d'Élée a montré qu'il ne peut pas être réellement un, je parle ici du tout : car il dit que rien n'empêche qu'il subisse une modification de la part de l'un, mais qu'il est impossible qu'il soit l'un. Ainsi donc en montrant là[359] ce qui a été démontré, que l'un de Parménide n'est pas véritablement un, il a démontré ici que le véritablement un n'est pas un tout[360] en convertissant la première argumentation qui a été donnée ici, avec l'autre démonstration ; car là il montre[361] que, s'il est un tout, il n'est pas véritablement un, et ici il montre que s'il est véritablement un, il n'est pas un tout. De sorte qu'il faut refuser de croire que ces théorèmes soient de Platon, ou les accepter et considérer que, suivant Platon, c'est là le premier principe et que le véritablement un est le Premier, et tel est bien celui-ci. Et s'il semble que le tout et ce qui a des parties, ce soit en quelque manière la même chose, il ne faut pas s'en étonner ; car nous voyons qu'une même chose est à la fois unifiée et distinguée: comme unifiée nous la qualifions de tout, et comme distinguée nous la disons ayant des parties ; mais l'un n'est ni unifié, de sorte qu'il n'est pas un tout, ni distingué, de sorte qu'il n'a pas de parties; car s'il est unifié, comme s'il est distingué, il est plusieurs. En effet l'unifié est une pluralité subjuguée par l'un:[362] or l'un est au delà de toute pluralité, et de la pluralité unifiée et à plus forte raison de la pluralité discrète. En voilà assez sur ce point. On pourrait encore poser la question : est-ce qu'il (Parménide) nie ces catégories de l'un, en le considérant par rapport à lui-même, sans examiner ce qui en résulte pour lui, ou par rapport aux autres:[363] car il a paru à quelques commentateurs que les plusieurs étaient autres[364] que l'un, et ceux-ci, le tout et la figure, étant niés de l'un, les autres le sont également. Il est évident que le philosophe a admis au commencement de l'hypothèse tout ce qui ne résulte pas pour l'un même par rapport à lui-même ; car qu'il est implurifié et qu'il n'est pas un tout, ce sont des considérations qui le concernent lui-même en lui-même et quand bien même il n'y aurait pas d’autres ; au milieu, il amène tout ce qui ne résulte pas pour lui ni par rapport à lui-même ni par rapport aux autres,[365] comme qu'il n'est pas le même que lui même, ni différent de lui-même, ni le même que les autres ni différent des autres, ni semblable ni dissemblables sous les mêmes rapports, ni touché ni réparé également; — et à la fin, tout ce qui ne résulte pas de l'un par rapport aux autres seulement, où il est aussi montré qu'il n'est ni exprimable, ni concevable par l'opinion, ni compris par la science, ni en général connaissable à quelque un des autres, mais qu’il est, lui, détaché et élevé au dessus des autres soit connaissances soit connaissables,[366] s'il est permis de le dire, parce que étant seulement par lui-même, il n'est coordonné avec aucun des autres, mais reste indéfinissable pour tous. Et lorsqu'il dit que l'un n'est pas plusieurs, il ne dit pas que les autres que l'un ne sont pas l'un, comme niant ceux-là de l'un, mais il dit qu'il n'a pas en lui-même de pluralité; et que l'un n'est pas en même temps que un aussi plusieurs, mais qu'il est exclusivement un, l'un en soi, purifié de toute pluralité. Car lorsque dans la seconde hypothèse, l'hypothèse Jupitérine,[367] il affirme que l'un est plusieurs, qu'il est implurifié, exclusivement un, et qu'ainsi il n'est pas un tout et n'a pas de parties, c’est que l'hypothèse[368] examine comment cet un se comporte par rapport à lui-même. § 125. « — L'un serait alors, des deux manières, plusieurs et non pas un. — C'est vrai. — Or il faut que l'un ne soit pas plusieurs, mais un seulement. — Il le faut. — Il ne sera donc pas un tout et n'aura pas de parties, si l'un doit être un. — Non certes.[369] » Il réunit ici et résume par ces mots toute l'argumentation, que nous avons exposée plus haut, et que sans doute[370] il est à propos de rappeler maintenante savoir, que l'un n'est pas plusieurs et que le tout est plusieurs : donc l'un n'est pas un tout ; et en outre, que l'un n'est pas plusieurs,[371] que ce qui a des parties est plusieurs,[372] donc l'un n'a pas de parties. De sorte que le syllogisme qui conclut : donc l'un n'a pas de parties, est de la seconde figure[373] et a la forme d'un argument hypothétique: S'il est un tout, l'un a des parties ; si l'un a des parties, il est plusieurs : or l'un n'est pas plusieurs : donc il n'est pas un tout et n'a pas de parties. Et considère moi cette rigueur logique de Platon qui ne dit pas que l'un est indivis (??????), mais qu'il n'a pas de parties : car l'indivis n'est pas la même chose que n'avoir pas de parties ; car il est possible de dire celui-ci de l'un, mais il n'est pas absolument pas possible de lui attribuer l'indivis ; car l'indivis exprime parfois une certaine nature et pour ainsi dire une certaine espèce : ou plutôt il n'exprime pas autre chose que l'espèce uniforme, pas autre chose que ce que Timée a appelée l'indivisible. Il est ainsi évident' qu'ici (Platon) appelle la même chose indifféremment et indivis et indivisible, mettant l’un de ces mots à la place de l'autre, comme il a été écrit[374] au commencement de la psychogonie.[375] Dans le Sophiste[376] il a appelé le véritablement un, indivis, lorsqu'il dit : « Car à mon sens, il faut que le véritablement un soit indivis, » lui donnant là la même signification que l'indivisible qu'il a appelé ici : le n'ayant pas de parties. De sorte que s'il y a quelque chose qui n'ait pas de parties, cela, d'après lui, est indivis. Mais n'est pas indivis, ajAepéç, ce qui n'a pas de parties,[377] puisque chacun des genres de l'être est tantôt indivis, tantôt divisible, tantôt intermédiaire entre les deux. Ainsi le point est indivis, comme n'ayant pas de parties semblables à celles qui seraient parties d'un objet occupant un espace étendu : il n'est pas purement indivis en tant que n’ayant aucune partie; car la notion du point est complétée par certaines choses, et toutes les choses qui complètent l'essence d'une autre chose, font fonction et ont le rang départies par rapport à la chose qu'elles complètent. Ainsi même la monade,[378] parce qu'elle n'est pas formée de certaines parties distinctes, comme tous les nombres qui sont formés d’elle, (est indivise);[379] mais comme elle est constituée par certaines choses qui font que la monade diffère du point, en disant que ces choses sont des parties de la notion de la monade, on ne commettrait pas d'erreur ; car les choses qui contribuent à la définition de chaque espèce sont certainement parties de cette espèce, et cette espèce en est composée comme de part es, et est une sorte de tout qui a subi l’influence de l'un, mais qui n'est pas elle-même l'un : seul le purement un, n'est ni formé de parties en tant que continues ni en tant que discrètes ni en tant que complétives : il est. lui, exclusivement un, purement un, et non unifié. C'est là une chose certaine, et il n'en saurait être autrement. Et cependant je vois beaucoup de trouble jeté dans cette question par ceux qui croient que ces négations nous conduisent à l'absolu non être ou à quelque chose de semblable, par suite de l’indétermination de notre imagination[380] qui ne trouve pas ici à saisir une certaine chose déterminée, puisqu'il n'y a rien de posé catégoriquement, que tout est purement supprimé de l’un, et qui par suite se persuadent qu'il faut introduire ici une certaine nature, un certain caractère particulier de l'un. C'est là ce que pensent certains critiques qui remontent de la raison et de la substance intellectuelle à l'un, veulent avant la raison placer la rationalité, la rationalité étant plus simple que la raison et pour ainsi dire l’habitude, ????, la possession de la puissance de penser. Car les actes, disent-ils, sont antérieurs aux substances, parce qu'ils sont plus un qu'elles, et avant le penser, ?? ?????, est le pensant, appelant ainsi non le sujet en acte, mais le principe causant de l'acte,[381] comme ce qui crée la pensée : comme si l'on disait le animant ou le mouvant, et qu'avant celui-ci on plaçait de nouveau le ?????, l'entité objective de la pensée, estimant que celui ci est le premier comme le plus indivis, de même que le ?????? est avant le mouvant. Et ce n'est pas seulement dans cette forme de démonstration[382] qu'ils agissent ainsi : ils font de inertie pour chaque espèce ; de manière qu'ils aboutissent toujours à des termes semblables ; je veux dire par exemple, ???????, ???????, ???????, ???????, et autres semblables, et que tout ce qui est tel est un.[383] Mais il faut leur demander si tous ces plusieurs diffèrent les uns des autres par leur essence ou seulement par le nom. Ensuite ils ne disent pas ce qu'est l'un, qu'ils ont mis le premier ; ils se complaisent dans un bavardage vide en traitant des choses les plus divines. Et si ces choses digèrent les unes des autres par la substance, ils admettront dans l'un la pluralité, quoique Platon l'ait niée de l'un avant tous les autres attributs et cela sans la moindre équivoque. Et d'où ont ils pris ces noms, à quels théologiens ont ils entendu dire que les substances sont après et inférieures aux actes? Car partout Platon et les autres théologiens disent que les actes sont suspendus aux puissances[384] et les puissances aux substances. Mais il est inutile de les réfuter, d'autres se sont chargés vis à vis d eux défaire bonne justice. Il y en a aussi qui veulent distinguer Dieu de l'essence de Dieu,[385] et attribuer au Premier l'essence de Dieu, et considérer cela comme la propriété distinctive de l’un : à ceux là, il faut demander comment ils entendent cette essence de lui, ?? ????? ????, lorsque Platon lui retranche le : il est ; et comment dans ces termes nous distinguerons le chacun et l'essence de chacun, et comment nous transférerons toutes ces sortes de règles des choses composées aux simples,[386] aux divines, aux plus unes de toutes. Car nous ne pouvons admettre, quand il s'agit de lame, que l'âme est une chose et l'essence de l'âme une autre, ni quand il s'agit d’aucune autre des espèces immatérielles; donc à beaucoup plus forte raison, nous refuserons d'introduire, quand il s'agit de Dieux, de semblables différences. Et comment l'un sera t il autre que l'essence de l’un? par là nous ferons, sans nous en apercevoir, l'un non un, puisqu'il est au dessous de l'essence de l'un et participe d'un principe supérieur à lui. D'autres ont dit qu’étant causant de tout, fondé le premier, au dessus de la vie, au-dessus de la raison, au-dessus de l’être même, il a, en quelque manière, les causes de fous ces principes, quoiqu'on ne puisse ni dire ni concevoir comment, mais sous un mode le plus un possible, et qui nous est inconnaissable ; qu'il y a en lui les causants cachés des choses universelles, paradigmes avant les paradigmes, qu'il est le premier tout, le tout en soi, avant les touts, un tout qui n’a pas besoin de parties. Car le tout qui est avant les parties a encore, en quelque manière, besoin des parties, mais celui-ci, que Platon a bien connu, ce tout avant les touts, n'a pas besoin de parties. Ceux qui soutiennent cette thèse ne comprennent rien à Platon, s'ils croient que, en ce qui concerne l'un, il n'emploie que le procédé de l'élimination ; ils ne se souviennent pas de ce qui est écrit dans la lettre à Denys,[387] et de la prescription qui y est faite, de ne donner à l'un aucun prédicat, mais de les lui ôter tous, afin que, sans nous en apercevoir, nous ne lui attribuions quelque propriété qui appartienne aussi à notre nature et ne convienne qu’à nous. Car la il a expliqué clairement[388] que cette recherche, ce désir de savoir de quelle espèce ou nature est l'un, est la cause de tous les maux. Outre ces difficultés, comment garderons- nous l’un? Car le tout des touts est plus compréhensif que les touts sous la forme de l'unité. Mais l'un en soi en est séparé et élevé au dessus de lui, et dépasse et surpasse toute espèce de totalité : or le tout des touts, (puisqu'il appartient à l’ordre moyen des intelligibles, comme nous le montrerons : car cet ordre dépasse et surpasse la totalité intellectuelle et l'embrasse de tous les côtés), le tout des touts est un des intelligibles,[389] mais l'un est au-delà des intelligibles. Et si non seulement à partir de la raison, de la vie et de l'être, nous déposons dans l'un les causes inconnaissables de tout, mais encore à partir de chacun des êtres, par exemple, de la beauté, de la vertu, du juste, et de chacune des autres espèces, l'un sera, en quantité, en aussi grand nombre que la raison ; il ne sera plus en aucune manière, un, et ainsi nous aurons, sans nous en apercevoir, doublé le nombre des êtres ; car ils seront eux et leurs causants, ayant leur hypostase dans l'un. Et alors nous aurons à rechercher à leur sujet comment étant plusieurs ils sont unifiés, et nous les forcerons de reconnaître que nécessairement avanteux est l’un; et alors ou bien gardant l'un en soi et l'un au sens propre, nous les retrancherons tous de lui, ou bien au contraire nous les poserons tous en lui, et nous triplerons les êtres, et remontant toujours ainsi à l'infini, nous n'aurons plus où nous arrêter et nous serons obligés de dire que l'un même a une pluralité,[390] ce que quelques-uns des partisans de Platon ont spontanément osé dire, quoique toute pluralité réclame et postule quelque autre principe qui donne l'union à la pluralité ; ou bien, s il n'y en a aucun de tel, nous serons obligés de dire que cette pluralité première n'ayant qu'une union introduite du dehors, n'est pas un principe absolu et se suffisant à lui- même, parce qu il manque d'unité. Il vaut donc mieux, comme Platon l'a fait,[391] s'arrêter aux négations et par elles démontrer la supériorité de l'un qui est affranchi et séparé de tout, parce qu'il n'est ni intelligible, ni intellectuel, ni aucune autre des propriétés qui nous sont connues par des appréhensions divisibles : car étant causant de toutes, il n'est aucune de ces toutes : et il ne faut pas dire qu'inconnaissable à nous, il est connaissable à lui-même ; car cela même, nous l'ignorons, puisque dire qu'il est la source de la divinité, comme le beau en soi et le primairement beau est l’hénade de tous les beaux ; et comme régal en soi, et l'égalité primairement égalité est l’hénade de tous les égaux (car même dans ces sortes d'espèces, nous ne cherchons pas ce qu'est (?? ????)[392] le beau en soi, mais nous savons qu'il est la source de la divinité et nous estimons que cela est suffisant), ainsi donc dire que l'un est la source de toute divinité, et qu'il est le Dieu en soi, (????????), (car tout Dieu, en tant que Dieu, tient son hypostase de l'un), même dire cela n'est pas absolument exact. Car si, comme le dit Platon,[393] il n'y a pas de lui, même un nom, comment l'appellerions-nous Dieu en soi ou de quelque autre nom? Ce nom même et tous les autres sont complètement plus vides et plus pauvres que la supériorité inconnaissable de ????. Si donc il faut exprimer un jugement affirmativement sur lui, je crois, en m'appuyant sur le suffrage de Platon, qu'il vaut mieux l'appeler Source de toute divinité, mais avec quelque réserve,[394] puisque nous le disons aussi fauteur de tout, la fin de tout, le désirable pour tout ; car c'est en vue de lui[395] que tout est ; c'est lui qui est l'autour de toutes les choses belles, comme lui même le dit dans les Lettres[396] ternies par lesquels nous ne disons pas ce qu'il est, ??, mais comment se comportent par rapport à lui, les choses qui viennent après lui et dont il est l'auteur. Donc pour nous résumer brièvement, toute divinité est sainte,[397] mais l'un même n'est rien autre chose que la divinité en soi, ?????????? par laquelle il arrive à tous les Dieux d'être dieux, comme il arrive à toutes les raisons d'être raisons par la première raison, et aux âmes d'être âmes par l’âme première : car ce qui est primairement est cause pour les autres d'être secondairement ce qu'il est lui même primairement. — Ces explications sont suffisantes sur ce point. Mais il faut aussi aborder l'étude du texte et voir comment Platon montre que ces négations ne sont pas privatives, mais qu'il faut les entendre dans le sens d'une supériorité qui les sépare et les élève au dessus des affirmations; car l'un, dit-il, ne doit être ni un tout ni ayant des parties : et il démontre cela par sa supériorité selon le bien. Et voici la preuve, c'est qu'aux choses qui sont privées, nous n'ajoutons pas le mot : il faut. Qui, en effet, dirait jamais qu'il faut que l’âme s'ignore elle même, parce que l'ignorance est pour les choses capables de connaître, privation. C'est ainsi qui! dit lui-même dans le Théétète[398] à l'occasion de tous les maux, qu'il est nécessaire qu'ils soient. Donc ce n'est pas aux choses privées qu'il faut appliquer le : il ne faut pas être, mais aux choses qui sont supérieures aux habitudes.[399] Par exemple, il faut que le Premier ne se pense pas lui-même, parce qu'il est supérieur à l'acte de penser; il faut qu'il ne soit pas plusieurs, parce qu'il est supérieur aux plusieurs; il faut qu'il ne soit pas un tout ni qu'il ait des parties, parce qu'il est supérieur à ces propriétés: car le: i t faut, n'exprime pas ici la privation, mais un excédant de puissance. C'est parce que Platon, comme je l'ai dit, veut montrer cela, qu'il ajoute le : il faut,[400] destiné à rappeler la puissance de signification de ces négations, et en même temps à faire voir qu'il va traiter d'une certaine chose subsistant réellement, et non d'une chose dépourvue d'hyparxis. Car qui dirait d'une chose dépourvue d'hyparxis qu'il faut qu'elle soit dépourvue d'hyparxis? le il faut n'est dit que des touts[401] possédant l'hyparxis. § 125 bis. — « Donc s'il n’a aucune partie, il n'a non plus ni commencement, ni fin, ni milieu: car ce seraient là, ipso facto, des parties de lui. — Parfaitement.[402] » Il a d'abord séparé l'un de la première pluralité; en second lieu, il a retranché de l'un la totalité, qui contient le lien qui unit les dieux intellectuels, et que c'est cette totalité et non pas -seulement la totalité intelligible qu'il a retranchée de l'un sera pour nous tout à fait clair, par la deuxième hypothèse. En avançant dans le cours de la discussion, nous verrons encore très clairement pour quelle raison il a commencé par cette pluralité les négations, comme nous l'avons dit plus haut, et non par la sommité intellectuelle, qui est l'un être en soi, tandis qu'il supprimera celui-ci tout à la fin, en montrant que l'un est au-delà de tout l'intelligible. Le troisième attribut qu'il enlève maintenant, c'est le commencement, le milieu, la fin, qui est le symbole de l'ordre abaissé[403] ou qui est caractérisé par le tout et ce qui a des parties; et nous ferons remarquer qu'il démontre encore ce théorème au moyen de celui qui précède, conformément aux règles de la démonstration : car si l'un n'a pas de parties, il n'aura ni commencement, ni milieu, ni fin ; car tout ce qui a commencement, milieu et fin, a des parties.[404] Or l'antécédent conditionnant est, donc le conséquent est : donc si l'antécédent est supprimé, le conséquent est supprimé par lui et avec lui; donc ce qui a commencement, milieu et fin, est symbole d'un ordre plus particulier, car le plus universel est un causant plus puissant, et le plus particulier est plus éloigné du principe, puisque cela arrive même aux choses.[405] Mais ce qui a des parties, il n'est pas encore évident par là qu'il a commencement, milieu et fin, puisqu'il peut y avoir un tout composé de deux parties? en effet, la dyade est, sous un certain rapport, une sorte de tout, et c'est par là qu'elle est le principe de toutes les choses divisibles. Mais ce qui a commencement, milieu et fin, dans une triade est premier. Et si l'on dit que tout tout est triadique, rien n'empêche cependant que ce qui a de telles parties, comme on vient de le dire,[406] ne soit par cela même, en quelque manière, une chose parfaite[407] et préexistante au parfait qui est aussi un tout. C'est pourquoi il n'a pas établi sa démonstration sur le tout, mais sur le fait d'avoir des parties. Mais tout cela est clair d'après ce que nous avons dit plus haut. Quelques-uns présentent cette objection qui n'est pas sans raison d'être : Comment Parménide introduit il ici, sans la moindre hésitation : « Car de telles choses seraient des parties »: car il nous dit clairement ceci : que tout ce qui a commencement, fin et milieu, possède le commencement de soi-même, le milieu de soi-même, la fin de soi-même: or ceci n'est pas exact : ainsi la ligne a le point comme commencement et fin, et l’on ne peut pas dire que ce sont là des parties de la ligne : car d'aucune chose[408] qui a une limite, les parties ne sont infinies : or les points sont infinis, mais la ligne n'est pas composée de points, et en général il n'est pas possible qu'une grandeur soit composée de points. A cette objection,[409] il faut répondre d'abord que Platon, traitant de l'un, a eu raison de dire:[410] « S'il a commencement, milieu et fin, ce serait là des parties : » car l'un n'est pas composé de choses dissemblables, assemblées pêle-mêle ensemble, comme la ligne, et il n'aura pas des limites terminales semblables. Mais il l'a dit dans ce sens, que si en général on plaçait dans l'un : fin, milieu et commencement, ce serait là des complémentaires de l'un, de sorte qu'ils feraient, par rapport à lui, fonction de parties, et ce sont ces parties là qu'il aura, comme la triade a, comme parties, le commencement le milieu et la fin. Il faut dire ensuite que si quelque chose a certaines limites, ces limites auraient d'autres choses comme parties, à savoir, toutes celles qui sont limitées et entourées par elles; car puisqu'elles sont limites, elles sont limites de certaines choses : et la chose qui les a sera nécessairement composée de celles dans lesquelles elles sont, et aura celles-là pour parties. De sorte que par la proposition : « ces choses là seraient les parties de lui », nous entendrons non pas les limites mêmes, mais les choses limitées. Et en effet si quelque chose a des limites, elle a aussi des parties ; mais si quelque chose a des parties, il n'est pas nécessaire qu'elle ait des limites, mais certaines autres choses des parties[411] comme chacun des nombres. Il a donc eu raison de dire que tout ce qui a commencement, milieu et fin aura des parties : car il aura ou ces moments ou ce en quoi ces moments sont. Voilà ce qu'il y a d'abord à dire. En second lieu, on pourrait répondre avec beaucoup plus d'exactitude, que la partie est de ces choses qui ont plusieurs significations; car, ce qui a partiellement des caractères en quelque sorte les mêmes que le tout, et tous ceux que le tout a universellement, nous l'appelons partie : par exemple, nous disons que chacune des plusieurs raisons est une partie de la raison universelle, quoique toutes les espèces soient dans chacune,[412] et que la sphère fixe est une partie du tout, quoique celle-ci embrasse tout, mais d'une autre manière que le monde; et le mot[413] a une seconde signification encore, à savoir, ce qui est complémentaire de quelque chose, comme nous disons que toutes les sphères sont des parties du Tout, et que les facultés de l'entendement discursif et de l'opinion sont des parties de l'unie; car les uns complètent le tout, les autres l'âme. Enfin outre ces deux sens, nous appelons, selon une signification commune, partie, tout ce qui est coordonné, de n'importe quelle manière, a une certaine chose, pour contribuera constituer son unité. C'est ainsi que lu pourrais dire que chacun de nous est une partie du monde, non pas qu'il complète le tout, comme si le tout était formé par nous ; car le tout ne devient pas imparfait par la mort de l'un de nous; mais parce que nous aussi nous sommes coordonnés ù toutes les parties du monde, que nous sommes soumis au même gouvernement que toutes les autres choses, et en un mot que nous sommes dans le monde comme dans un animal un, et que nous sommes individuellement tous des parties du tout, que nous le complétons, non pas en tant qu'il est, mais en tant qu’il est capable d'engendrer.[414] Ainsi la partie étant entendue dans trois sens, et Platon ayant dit précédemment que l'un n'en a aucune, il est évident qu'il ôte de l'un toutes les notions qu'on se fait de la partie: car tout ce qui a partie dans quelque sens que ce soit, a pluralité : or l'un n'a pas de pluralité : donc il n'aura absolument pas de parties. S'il est tel, il n'aura ni commencement, ni milieu, ni fin: car ces moments-là, tu pourrais dire qu'ils sont des parties de la chose qui les a, dans le troisième sens du mot partie, qui dit que tout ce qui est coordonné, n'importe de quelle manière, à quelque chose, en est une partie, et que le tout est complété par la composition et la réunion de ces moments. Car la ligne en tant que ligne,[415] doit certainement avoir d'autres parties que ces moments, mais en tant que limite, elle est certainement limitée par eux, parce qu’ils en sont les complémentaires; car c est par ces moments qu'elle est et est dite limitée, et ceux-ci pourront donc être dits limités, quoique pas en tant que ligne. A cette objection nous répondrons encore en signalant cette autre différence du mot partie, à savoir ; qu’on appelle encore le commencement et la fin, parties de la chose dans laquelle ils sont. Quelques-uns soulèvent encore une difficulté, en posant la question à un autre point de vue. Comment l’étranger Athénien, dans les Lois,[416] dit il que « Dieu, possède le commencement, les milieux et la fin de tout » tandis que Parménide, ici, expose qu'il n'a ni commencement, ni milieu, ni fin : ce sont, en quelque sorte, ce qu'on appelle des sous-contraires (?????????).[417] Maintenant à cette objection, quelques uns répondent que le Premier a commencement, milieu et fin, et qu'il ne les a pas : car il les a d'une manière latente, secrète (???????), et d'une façon distincte et divisément, il ne les a pas ; car tout est en lui sous un mode inexprimable, inconcevable, et connaissable seulement à lui-même. Nous n'admettrons pas cette explication qui plurifie encore, n'importe de quelle manière, le Premier; car cette pluralité latente et indivisible convient à quelque autre classe des choses du second ordre, mais non au Premier en soi, qui est pur de toute pluralité. En général, des divisions, les unes, les divisions monadiques vont jusqu'aux intelligibles, les autres qui s'étendent dans les nombres, ne sont perçues que dans les diacosmes qui viennent à la suite des intelligibles. Mais l'un est antérieur à toute division, à toute pluralité, aussi bien l'unifiée que la pluralité discrète;[418] il est exclusivement un. Laissons donc de côté cette explication qui est sans aucune force : car nous ne nous proposons pas de réfuter les autres ni de discuter les opinions des autres, si ce n'est en passant et par occasion. Mais il en est qui répondent plus spirituellement et plus ingénieusement à l'objection, en disant qu’à la vérité l'Étranger Athénien parle de Dieu, et que c'est aussi de Dieu que traite Parménide. Mais que celui ci traite du Dieu premier qui est séparé et élevé au dessus de toute pluralité, tandis que l'autre parle d'un certain Dieu, qui a son rang dans un autre ordre, et pourquoi ne pas le dire clairement, du Démiurge et du Père, dont les paroles sont parfaitement justes.[419] Car le mot : « accomplissant sa marche circulaire » ne convient pas à l'un, et les mots : « que Diké le suit », nous indiquent un ordre absolument autre, un tout autre Dieu,[420] et on a raison d'attribuer ces caractères au Démiurge, qui divise en trois le Tout, selon la triade démiurgique, (fui. par la connaissance intellectuelle embrasse le Tout et, accompagné de la Justice, ramène dans la voie du bien, les autres, ?? ????. Cette interprétation est exacte, comme je l'ai dit. Mais celle de notre Maître[421] est encore plus parfaite : il réfute l'instance en disant que ce n'est pas la même chose de rechercher comment l'un se comporte par rapport à lui même et comment il se comporte par rapport aux autres, comme nous l'avons dit plusieurs fois. Ces questions ayant été bien distinguées et définies, Platon a eu raison, maintenant qu'il recherche quelles choses ne résultent pas pour l'un par rapport à lui-même, de nier de lui le commencement, le milieu et la fin: car ces moments introduiraient dans l'un[422] la pluralité. D'un autre côté l'Étranger Athénien dit, non pas comment le Dieu se comporte par rapport à lui même, mais comment il se comporte par rapport aux autres, et qu'il a le commencement, le milieu, et la fin en ce sens que ces moments-là sont dans toutes les choses mais non en Dieu, et que le Dieu parce qu'il est avant tout, est exempt d'avoir le commencement, le milieu et la fin, mais contient et embrasse tous les êtres dans lesquels sont ces trois moments. De sorte que si, dans cet ouvrage là, il traite aussi du Premier, cela n'est pas en contradiction avec ce qu'il dit ici. Car l'Etranger Athénien dit non pas que le Dieu a en lui-même et par rapport à lui même cette triade, mais qu'il plane sur tous les êtres, dans lesquels sont ces trois moments. Et si dans les Lettres[423] il dit que tout est autour du Roi de Tout, qu'il est la fin que tout se propose, qu'il est l'auteur de tout ce qui est beau, il est évident que c'est lui aussi qui est le commencement, (le principe) de tout, le milieu et la fin, mais par là il ne dit pas qu'il ? commencement, milieu et fin : car il nous enseigne comment il a ces moments par rapport aux autres, mais non qu'il les a par rapport à lui-même. Le Premier est donc le principe, le milieu et la fin des autres, mais il ne se divise pas par lui même en principe, milieu et fin. Car il est le principe de tout, parce que tout vient de lui ; il en est la fin, parce que tout tend à lui ; parce que tout ce qui veut enfanter, tout ce qui désire, se porte naturellement vers l'un, comme le bien unique, et il est milieu, parce que tous les centres des êtres soit intelligibles, soit intellectuels, soit psychiques, soit sensibles, tendent[424] tous vers l'un. De sorte qu'il est principe, fin et milieu de tout,[425] mais que lui même par rapport à lui-même n'a aucun de ces moments, parce qu’il n'a pas même toute autre pluralité, pas même par rapport à un autre. De sorte qu'il n'a pas de principe, parce que rien n'est plus puissant que lui, et qu'il n'est pas par une cause; il n'a pas non plus une Qn, parce qu'il n'est pour aucune fin ; car tout ce qui a une fin est nécessairement pour quelque but; or l'un est uniquement ce pourquoi (sont toutes les choses», comme la matière et le dernier de tout[426] est uniquement pour une fin. Et il n'y a pas de milieu de l'un, autour duquel comme milieu, l'un serait, afin que l'un ne soit pas plusieurs, en étant le milieu de tous. Donc l'un est séparé et élevé au-dessus de ces moments : il ne faut lui en attribuer aucun, mais, comme Platon l'expose, il faut demeurer dans les négations : car lorsque nous disons qu'il est désirable, ou fin, nous voulons dire que ce sont les autres qui tendent vers lui ; car par une nécessité de la nature, toutes les choses qui sont après le Premier, désirent le Premier; et comment les choses qui ont leur centre et leur racine dans le Premier pourraient-elles ne pas désirer leur propre cause? Ces moments expriment donc un rapport des choses à lui, mais lui, il est séparé et élevé au dessus de toutes les choses également. § 126 — « Or la fin et le commencement sont la limite de chaque chose. — Assurément. — Donc l'un est infini, s'il n'a ni commencement ni fin. — Il est infini.[427] » Dans la deuxième hypothèse[428] pour constituer cette triade, je dis: le commencement, le milieu et la fin,[429] après l'un et les plusieurs, le tout et ce qui a des parties, il crée le limité et l'infini, coordonnant ensemble ces trois antithèses: car ce sont les expressions d'un ordre divin, qui demeure, procède, et se penche sur lui-même, qui se contient lui-même dans son essence avec une intensité extrême. Ensuite, il engendre de la même manière, d'abord ce qui a des extrêmes, puis les choses qui ont le commencement, le milieu et la fin ; troisièmement le droit et le circulaire et le mélangé, qui sont les marques caractéristiques d'un autre ordre divin, qui vient immédiatement après celui-là. Maintenant dans le passage don t nous traitons, après le tout et ce qui a des parties, il a nié de l'un la triade que nous avons déjà nommée,[430] le commencement, le milieu et la fin, et de là, il a conclu qu'il est infini : or, l'infini est-ce qui n'a pas d'extrémité. Car dans l'infini, il n'y a rien d'extrême, ni comme commencement, ni comme fin. Il pouvait donc montrer par le fait qu'il n'a pas d'extrémités, que l'un est sans commencement et sans fin, et qu'il n'a pas d'extrémités par le fait, qu'il n'a pas de parties et qu’il n'est pas plusieurs. Mais il a établi son argumentation en partant des choses plus connues et plus faciles à connaître, et a conclu directement du fait qu'il n'a pas de parties, qu'il est sans principe et sans fin,[431] afin qu'il ne soit pas trois au lieu d'un. De cette démonstration, il a tiré ensuite le corollaire que l'un est infini, puisqu'il n'a ni commencement ni Un, admettant a priori le commencement, le milieu et la fin, qui est la même chose que l'extrémité. Il me semble donc que cet infini maintenant ne signifie pas purement la négation de la limite, mais la suppression des extrémités. Ainsi donc affirmant dans la deuxième hypothèse[432] le fait qu'il a des extrêmes, et comme de juste, le niant ici, il démontre qu'il est infini parce qu'il n'a pas de termes extrêmes, ce que nous appelons habituellement, des limites. Mais ce limité et son contraire, l'infini, qu'il affirmera de l'un après le tout et les parties dans la deuxième hypothèse, il le passe sous silence, parce qu'il l'a supprimé, avec le tout et les parties, de la pluralité qui l'entoure, ou même avant cela, parce qu'il l'a supprimé par le moyen des plusieurs. Car tout limité et toute pluralité infinie est ou plusieurs seulement, ou à la fois tout et ayant des parties. Si d'un côté il a l'infini en puissance, et si en acte, il est quelque chose de limité, un certain tout et ayant des parties, par là même, il est plusieurs; si d'un autre côté, il est séparément limité, et séparément infini, il le sera en acte. Or il est impossible qu'il soit, d'un côté à la fois un certain tout et ayant des parties, et que de l'autre, il soit, sans empêchement, exclusivement plusieurs; car l'infini ? étant pas un tout, est par conséquent,[433] plusieurs. Par là donc qu'il a nié le tout et ce qui a des parties, par là, il lui était possible de nier le limité et l'infini. Mais qu'il conçoive que parfois et dans une certaine mesure, ces moments soient coordonnés les uns aux autres, c'est-à-dire le tout et les parties avec le limité et l’infini, cela nous deviendra manifeste parce que nous dirons lorsque nous aurons à parler de la pluralité des Dieux. Mais pour le moment notre objet est de soutenir que l'un est l'auteur de tout, et qu'il crée tous les nombres[434] divins. Ici on a encore l’habitude de rechercher comment l'un est infini.[435] Les uns disent que l'un est qualifié d'infini, parce qu'il ne peut pas être parcouru, et parce qu'il est la limite des touts. (Car l'infini se dit en deux sens; tantôt comme l'insaisissable et ce qui ne peut être parcouru ; tantôt comme ce qui est limite et n'a pas une autre chose qui lui soit limite ; or l'un est infini dans les deux sens ; et comme insaisissable aux choses qui viennent immédiatement après lui, et comme une chose dont on ne peut faire le tout, et en outre comme limite des touts, et n'ayant besoin d'aucune autre chose qui lui soit une limite). — D'autres le disent infini comme ayant une puissance infinie, comme générateur de toutes choses, comme auteur de toute l'infinité qui est dans les êtres et comme étendant le don de lui-même à toutes les choses qui sont un tout;[436] car toutes choses sont contenues dans l'un, toutes sont par l'un, et elles ne sauraient subsister par leur propre nature, si elles ne devenaient pas un. — Les autres, parce que la raison est limite et que l'un est au-dessus de la raison, par cela ils le disent infini ; car, disent-ils, Platon n'attribue que deux choses seulement à l'un, l'infini et l'immobile, puisque la raison est limite et que l'âme est mouvement, montrant par là qu'il est plus puissant que la raison et que l'âme ; car ce sont trois hypostases archiques,[437] dont la première préside aux deux autres et les précède. Pour nous, tout en estimant que ces explications et d'autres semblables sont fort ingénieuses, quoique nous approuvions les unes plus que les autres, nous écouterons notre maître,[438] qui a ici poursuivi avec une force extrême et atteint directement[439] la pensée de Platon, et nous jugerons que ceux là ont saisi et contemplé la vérité, qui voient d'abord combien il y a dans les êtres d'ordres d'infinité; ensuite quelles sont les processions de la limite qui sont pour ainsi dire les contraires de ces ordres, et après cela, qui examinent enfin[440] qu'est ce qu'est ici l'infini. Car à ceux qui aborderont selon cette manière de l'entendre l'étude du sujet proposé, se manifestera facilement ce qu'a voulu dire Platon. Il faut donc, pour commencer par en bas, considérer cette infinité dans la matière, parce qu'elle est par elle-même indéfinie et amorphe et informe, tandis que les espèces et les formes sont les limites de la matière. Il faut ensuite la considérer dans le corps non qualiiié, selon la division ; car c'est le premier divisible à l'infini, comme le premier étendu. Il faut aussi la voir selon les qualités premières qui subsistent autour de l'infini, dans lesquelles, pour la première fois, est le plus et le moins; car c'est par ces propriétés (plus et moins) que Socrate dans le Philèbe caractérise l'infini.[441] Il faut encore la voir dans toutes les choses de la génération; car la génération a l'infini selon sa propriété d'être sans cesse et toujours engendrée, selon le cercle qu'elle décrit et qui n'a pas de point d'arrêt, selon les changements et transmutations indéfinies des choses susceptibles d'être engendrées, qui sans cesse deviennent et sans cesse périssent, et dans lesquelles l'infinité selon la pluralité a son origine, parce qu'elle existe uniquement dans le devenir sans cesse, et que jamais elle n'appartient à quelque chose[442] qui soit lié et enchaîné. Avant ces infinis il faut voir encore. L’infini dans le mouvement circulaire du Ciel; lui aussi possède l'infini par suite de la puissance infinie du moteur; car il est corps, et en tant que corps, n'a pas une puissance infinie; mais par la participation de la raison, le corps lui-même est toujours[443] et le mouvement est infini. Ne finissant pas et étant continu, ce mouvement identifie la fin et le commencement. Encore avant ceux-ci, il faut concevoir l'infini dans l'âme; car quoique pensant par des actes transitifs, elle a une puissance de mouvement qui ne fait jamais défaut; elle est toujours en mouvement ; elle lie les unes aux autres ses périodes.[444] Et encore avant l'âme, il faut considérer l'infinité dans le temps lui même, qui mesure toutes les périodes de l'âme. Car lui aussi, dans son tout, est infini, parce que son acte, par lequel il déroule successivement les mouvements des âmes, et par lequel il en mesure les périodes procédant selon le nombre, est infini selon la puissance : car jamais il ne cesse de demeurer, de procéder, de s'attacher à l'un, de dérouler le nombre, qui mesure les mouvements de toutes les autres choses.[445] Mais avant le temps encore, considère moi l'infini dans la raison en soi et dans la vie intellectuelle : car cette vie n'est pas sujette à un mouvement transitif; elle est toujours présente tout entière et d'un seul bloc ; elle est éternelle et d’une puissance infinie. Car la constance et l'indéfectibilité du mouvement est lofait de sa substance et de sa puissance qui ne fait jamais défaut, mais qui a toujours l'acte de vivre éveillé ; c'est par cette puissance que tout ce qui est mû, peut toujours être mû, parce qu'il participe dans le mouvement de l'infinité en repos. Et ce n'est pas seulement jusqu'à ces choses que va l'infini ; mais avant la raison, il y a nécessairement l'éternité elle même, tant célébrée, l'éternité qui est infinie et embrasse toute l'infinité intellectuelle. Car d'où viendrait à la raison le fait de vivre éternellement, si ce n'est de l’éternité? L'éternité est donc infinie et avant la raison, selon la puissance. Ou plutôt les autres sont infinis selon la puissance, mais l'éternité est puissance; car la première éternité n'est pas autre chose que la puissance.[446] Remonte donc enfin à la source primordiale de l'infinité, et par ce mouvement d'ascension, en engendrant la cause secrète de tous ces infinis quelle qu'en soit la nature, tu verras, dans la mesure du possible, que c'est de là que découlent tous les infinis : ce sera, si tu veux, l'infini en soi ; tel qu'est, dans Orphée, le Chaos,[447] dont il a dit ce mot : « Il n'avait aucune limite » ; car l’éternité, quoiqu'elle soit infinie par le toujours, cependant assurément comme mesure des choses éternelles est aussi limite. Mais le Chaos est primairement infini, et exclusivement infini, et source de toutes les infinités, intelligible, intellectuelle, psychique, corporelle, matérielle. Tu vois donc combien il y a de classes d'infinités, et que toujours les secondes sont rattachées aux premières; car l'infinité matérielle est contenue dans son essence par la puissance de génération qui engendre toujours, celle-ci par le mouvement incessant de l'éther, ne peut jamais faire défaut, et ce mouvement incessant de l'éther est produit par le mouvement périodique, qui ne s'arrête jamais, de l’âme divine : car il en est une image; et le mouvement périodique de celle-ci est déroulé par la puissance continue et indéfectible du temps, parce qu'elle fait coïncider en une seule chose le commencement et la fin, parle maintenant du temps, ?? ??? ????????, et l'acte du temps est infini par suite de l'infinité intellectuelle qui est toujours en repos. La raison vit à l'infini par l'éternité; car l'éternel vient à toutes choses de l'éternité, et c'est à elle que sont suspendus, pour tous les