[9,0] LES DIONYSIAQUES ou BACCHUS. Chant neuvième. Cependant, à la sortie des flancs embrasés de Sémélé, Jupiter reçut Bacchus formé à demi, fruit de cette délivrance produite par la foudre; il l'enferma dans la couture de sa cuisse masculine, et attendit le cours de la Lune qui devait amener la maturité. Bientôt sa rondeur s'amollit sous les douleurs de l'enfantement; et l'enfant qui avait passé avant terme du giron d'une femme dans un giron masculin vint au monde sans quitter une mère. Car la main du fils de Saturne, présidant elle-même à la naissance, détruisit les obstacles et dénoua les fils qui recousaient la cuisse génératrice. A peine échappé à cet accouchement divin, les Heures, qui en avaient marqué le temps, couronnèrent Bacchus de guirlandes de lierre en présage de l'avenir. Elles ceignirent sa tète chargée de fleurs et ornée déjà de cornes de taureaux avec les anneaux tortueux et les cornes des dragons. (16) Puis, l'enlevant de la colline de Draconie qui l'avait vu naître, Mercure, le fils de Maïa, s'envola au milieu des airs, le tenant dans ses bras repliés, et lui donna le premier le nom de Dionysos, en souvenir de son origine paternelle. Car, dans la langue de Syracuse, Nysos signifie boiteux, et Jupiter boitait lorsqu'il marchait portant dans sa cuisse le fardeau de sa grossesse. On le nomma également Éraphiote, le dies Cousu, parce qu'il venait d'être cousu dans la cuirs féconds de son père. (25) C'est ainsi qu'à la suite de ces couches surnaturelles, Mercure, son allié, emporte dans ses bras l'enfant déjà semblable à la lune, aux belles cornes, et qui ne verse pas une seule larme. Il chargea les nymphes, filles du fleuve Lamos du soin de ce rejeton de Jupiter, à la chevelure parée de grappes. Elles le reçurent dans leurs bras, et chacune d'elles offrit d'elle-même à sa bouche enfantine le lait de son sein. Renversé sur leurs genoux, et ne sommeillant jamais, le dieu tendait constamment son regard vers le ciel, et se plaisait à battre l'air de ses pieds alternatifs. A la vue du pôle nouveau pour lui, il observait avec stupeur la rondeur des astres de sa patrie, et souriait. (37) Mais bientôt l'épouse de Jupiter aperçut le divin nourrisson, et s'irrita. Par l'effet de sa terrible colère, les filles du Lamos devinrent furieuses sous le fouet de la méchante divinité. Dans leurs maisons, elles se précipitaient sur leur suivantes; dans les maisons, elles égorgeaient les voyageurs avec leurs poignards. Elles jetaient des cris horribles, et, au milieu de violentes convulsions, les roulements de leurs yeux défiguraient leurs visages ; elles couraient ça et là au gré de leur frénésie, tantôt tournoyant et bondissant sur leurs pieds mobiles, tantôt livrant aux ouragans leurs chevelures errantes. Les voiles safranés de leur poitrine blanchissaient sous l'écume de leur bombes Dans leur démence et dans l'excès de leur délire, elles auraient mis en pièces Bacchus lui-même, tout enfant encore, si Mercure, se glissant pas à pas et en silence, ne l'eût dérobé une seconde fois sur ses ailes, le remportant apporté à peine dans ses bras protecteurs, et s'il ne l'eût déposé dans la maison d'Ino récemment accouchée. (55) Celle-ci venait de mettre au monde et berçait sur ses bras et sur ses genoux l'enfant Mélicerte; son sein gonflé regorgeait d'un lait abondant. Le Dieu lui parla ainsi d'une voix affectueuse, et lui dévoila les décrets des oracles divins : (61) « Femme, voici un autre fils. Recevez-le sur vos genoux. C'est, l'enfant de votre soeur Sémélé. Les éclairs de la chambre nuptiale ne l'ont point atteint, et les étincelles qui ont perdu sa mère l'ont épargné. Qu'il reste chez vous obscurément cachée et que l'oeil du Soleil pendant le jour, ni l'oeil de la Lune pendant la nuit, ne l'aperçoivent jamais hors de votre palais élégant; de crainte que Junon, bien qu'on l'invoque aussi sous le nom de déesse aux yeux de taureau, ne le découvre dans sa jalouse colère. Recevez l'enfant de votre soeur, et le roi des dieux vous récompensera dignement de vos peines de nourrice. (72) Vous serez heureuse entre toutes les filles de Cadmus. Déjà Sémélé a succombé sous les traits de la foudre; la terre recouvre Autonoé avec ses fils ; et le Cithéron prépare pour tous les deux un monument commun. Agavé, joyeuse homicide de son fils, après avoir couru la montagne, et touché, sans la reconnaître, la tête de Penthée qu'elle aura immolé, abandonnera bientôt sa prairie. Vous seule serez justement célèbre. Vous habiterez la mer immense. Vous vivrez sous le nom de Leucothée avec votre fils l'immortel Mélicerte ; vous tiendrez sur la mer le sceptre des flots paisibles, et vous présiderez, avec Éole, aux navigations favorables. Sur votre foi, le nautonnier, avide du commerce, s'endormira dans sa traversée; il n'élèvera qu'un seul autel pour Mélicerte et pour Neptune, et viendra y sacrifier à tous les deux. Enfin ce même Neptune fera de votre fils Palémon le guide de son char maritime. Quant à vous, le Cithéron ne vous recevra pas dans ses flancs souterrains ; vous deviendrez l'une des Néréides, et, au lieu de Cadmus, c'est Nérée que, dans un avenir plus heureux, vous appellerez votre père. Vous aurez pour séjour la demeure de Neptune, et l'on vous invoquera sous le nom de la maritime Io, à l'égal de Thétis et de Galatée. » (92) A ces mots, Mercure, balançant dans les airs ses talonnières agiles, s'envole et disparaît dans les cieux. Ino obéit; dans ses tendres soins, elle entoure de ses bras empressés Bacchus privé de mère; et portant à la fois sur son sein ce couple d'enfants, elle offre une double mamelle à Bacchus et à Palémon. Elle confie Bacchus à la garde particulière de la nymphe Mystis, la Sidonnienne Mystis à la riche chevelure, [9,100] que Cadmus avait élevée dès son enfance pour le service intime d'Ino. C'est elle qui détachait l'enfant du sein où il puisait sa divine nourriture, et le renfermait dans un ténébreux réduit. Mais la lumière resplendissante de son front annonçait assez d'elle-même le rejeton de Jupiter : les murs les plus obscurs des palais s'illuminaient, et l'éclat de cet invisible Bacchus dissipait toutes les ombres. Ino, pendant toute la nuit, assistait aux jeux de l'enfant ; et souvent Mélicerte, se hâtant d'un pas incertain, rampait vers Bacchus, qui balbutiait le cri d'Evohé, et venait presser de ses lèvres rivales la mamelle voisine. (111) Après le lait de sa maîtresse, Mystis donnait au dieu ses autres aliments, et veillait sur lui sans jamais s'abandonner au sommeil. Habile dans son zèle intelligent, et exercée dans l'art mystique dont elle portait le nom, c'est elle qui institua les fêtes nocturnes de Bacchus; c'est elle qui, pour chasser le sommeil loin des initiations, inventa le tambourin, les grelots bruyants, et le double airain des cymbales retentissantes. (118) La première, elle alluma les torches de mélèze pour éclairer les danses de la nuit, et fit résonner Évohé en l'honneur de Bacchus, ami de l'insomnie. La première aussi, courbant les tiges des fleurs en guirlandes, elle ceignit sa chevelure déployée d'un bandeau de pampres, et tressa le lierre autour du thyrse; puis elle en cacha la pointe de fer sous le feuillage, pour que le dieu n'en fût pas blessé. (125) Elle voulut que les phalles d'airain fussent attachés sur les poitrines nues des femmes, et les peaux de cerf sur leurs flancs; elle inventa le rit de la corbeille mystique, toute pleine des instruments de la divine initiation, jouets de l'enfance de Bacchus ; et la première elle attacha autour du corps ces courroies entrelacées de reptiles, où le dragon formant ses replis sur la ceinture doublée, serpente en arrondissant ses noeuds. (132) Ce fut là sous la garde et sous les nombreuses attentions de la discrète Mystis, dans un coin du palais, que les regards infaillibles de la soupçonneuse Junon découvrirent Bacchus. Elle jura alors par l'onde infernale et vengeresse du Styx d'inonder de malheurs la maison d'Ino ; et sans doute elle eût exterminé le fils de Jupiter lui-même, si Mercure ne l'eût promptement emporté dans les hauteurs de la forêt de Cybèle; (139) Junon y courut aussi de toute la vitesse de ses pieds mal affermis dans les airs. Mais Mercure arriva avant elle, et emprunta aussitôt la forme éternelle de l'antique Phanès. Junon, à l'aspect des rayons de ce front trompeur, dans ses égards pour le plus ancien des dieux, lui céda les honneurs du pas, et ne s'aperçut ni de la métamorphose ni de la ruse. Mercure parcourt ainsi, plus vite qu'elle, la route des montagnes, porté sur ses bras entrelacés le dieu cornu à la déesse Rhéa, nourrice des lions, qui fait naître Jupiter; puis il dit ce peu de mots à cette mère du plus noble enfant : (149) « Accueillez, déesse, le nouveau fils de votre Jupiter ; il est destiné à vaincre les Indiens sur la terre, et ensuite à figurer parmi les astres du ciel. Que revient-il à Junon de sa colère ? Elle n'a pu voulu qu'lno nourrit celui que Jupiter a fait naître, et voilà que celle qui fit naître Jupiter va gaver Bacchus, et sera mère de Jupiter, et nourrice des ses petit-fils à la fois. » (155) Il dit, et, arrondissant ses ailes que gonflent les violentes haleines des vents, le rapide Mercure remonta dans les cieux ; là, se dépouillant de la ressemblance du primitif Phanès, il reprit la forme qu'il venait de quitter pour confier aux soins d'une mère bienveillante, Bacchus qui sait changer de forme aussi. (160) La déesse l'éleva, et le fit monter tout jeune encore sur son char traîné par ses voraces lions. Dans sa cour hospitalière, les Corybantes tournoyants formaient autour de Bacchus les choeurs bienveillants de leurs danses; ils faisaient heurter leurs glaives, frappaient leurs boucliers d'un fer bondissant, et dissimulaient ainsi l'adolescence et les progrès de l'enfant. Celui-ci, au bruit de ces boucliers protecteurs croissait, comme son père, par les soins des Corybantes. (169) A neuf ans, possédé déjà de la passion de la chasse, il dépassait les lièvres à la course; de sa main enfantine, il domptait la vigueur des faons tachetés; il portait en travers de son épaule, droit sur son dos, la tigresse intrépide, à la peau mouchetée, dégagée de tout lien ; et montrait à Rhéa dans ses mains les petits qu'il venait d'arracher au lait abondant de leur mère ; puis il traînait après lui de terribles lions tout vivants ; et, serrant dans ses deux poignets leurs pieds réunis, il en faisait don à la mère des dieux pour les atteler à son char. Rhéa observait en souriant, et admirait ce courage et ces exploits du jeune Bacchus ; tandis qu'à la vue de son fils vainqueur des formidables lions, les yeux paternels de Jupiter rayonnaient encore de plus de joie. (184) Bacchus, dès qu'il eut dépassé la limite de l'enfance, se revêtit de moelleuses fourrures, et orna ses épaules de l'enveloppe mouchetée d'un cerf, en imitation des taches variées de la sphère céleste. Il réunit des lynx dans ses étables de la plaine de Phrygie, et attela à son char des panthères diaprées, honorant ainsi l'image scintillante de la demeure de ses aïeux. (191) Parfois, debout sur le char de l'immortelle Rhéa, il tenait de sa main gauche, toute délicate encore, les rênes arrondies, dirigeait la course rapide des lions ; et, nourrissant dans son coeur la vaillance du souverain des dieux lui-même, il saisissait de son poignet la gorge l'ourse furieuse, et enfonçait ses doigts courageux, ses doigts d'adolescent, dans la terrible gueule, tandis que l'animal, subitement apaisé, offrait une bouche soumise à l'enfant, dont il léchait la main d'une langue haletante. [9,200] C'est ainsi que, de bonne heure, il développe ses goûts montagnards auprès de Rhéa, l'amie des hautes collines; sur les pics, les égipans entourent dans leurs rondes le fils de Thyone, habile danseur aussi ; ils franchissent les ravins de leurs pieds velus; et, célébrant Bacchus dans leurs sauts bondissants, ils font résonner le sol sous leurs pieds de chèvres. (206) Sémélé alors, à peine échappée à la foudre, leva dans l'Olympe sa tète superbe, et fit entendre ces paroles altières : (208) « Junon, tes efforts sont vains; le fils de Sémélé remporte le prix de la bravoure. Jupiter a mis mon fils au monde, et s'est fait sa mère à ma place. Le germe qu'il avait semé, il l'a fait naître. Des entrailles qui ne lui étaient pas destinées ont porté d'elles-mêmes mon fils, et le destin a trompé la nature. Oui, c'est aux yeux de l'univers entier que mon fils a été enfanté par son père. Ô prodige ! regarde toi-même, ô Junon, Bacchus couché dans les bras caressants de ta propre mère : la mère universelle, la dispensatrice du globe éternel, la source primitive des dieux, est devenue la nourrice de Bacchus ! Elle lui tend cette mamelle qu'a pressée le souverain du monde. Quel Jupiter a enfanté, quelle Rhéa a nourri Mars ton fils ? Et pourtant, cette Cybèle qu'on dit ta mère a produit Jupiter et alimenté Bacchus d'un même sein, élevant l'engendreur et l'engendré à la fois. Mais quoi ! Bacchus est bien supérieur à Mars ; Jupiter a formé Mars, votre fils commun sans doute, mais il ne l'a pas enfanté de sa cuisse : (214) Thèbes efface la gloire d'Ortygie; la divine Latone persécutée y donna furtivement le jour à Apollon ; oui, Latone y a donné le jour à Phébus, mais le fils de Saturne n'en a point accouché. Maïa fut mère de Mercure aussi, mais son époux n'en eut pas la grossesse. Eh quoi? Vulcain, qui n'eut pas de père, pourrait-il lutter contre l'enfant de Sémélé? Junon, seule et sans aide, le mit au monde, il est vrai ; mais, boitant sur ses pieds inégaux et débiles, il ne manifeste que trop l'imperfection des couches de sa mère. (232) Maïa ne peut pas mieux s'égaler à Sémélé ; bien que son fils, le rusé Mercure, déguisé sous l'armure et l'apparence de Mars, ait réussi à tromper Junon jusqu'à boire le lait de son sein. Toutes vous cédez à Sémélé ; elle seule a possédé un époux, père et mère à la fois de son enfant. Oh ! comme son fils la rend heureuse ! C'est à bon droit que notre Bacchus figurera parmi les astres, et habitera les airs, son paternel héritage, puisqu'il a sucé le lait d'une si sublime nourrice. Certes il parviendra sans effort dans les cieux, et il n'a nul besoin de la voie lactée de Junon, lui qui a puisé à une plus puissante mamelle. » (243) Ainsi Sémélé s'enorgueillissait même au sein des airs, pendant que l'épouse de Jupiter, déjà ennemie de Bacchus encore dans son enfance, s'appesantissant tout à coup sur le palais d'Athamas, remplissait Ino de terreur et l'exilait. (247) Ino, la malheureuse épouse, s'échappe de ses appartements, parcourt de ses pieds nus les pierreuses collines, à la recherche de Bacchus, qu'aucune trace ne lui révèle. La nymphe erra longtemps de montagne en montagne, jusqu'aux torrents des vallons de la Pythie de Delphes. A peine, dans ses constantes sollicitudes, eut-elle tourné ses pas vers les bords ravagés par les dragons sacrés, qu'elle déchira, en signe de deuil, les vêtements qui recouvraient sa poitrine, et fut saisie des accès d'une fureur impétueuse. Le berger tremble en entendant les gémissements inaccoutumés de la nymphe insensée. (257) Parfois, saisissant le serpent aux trois anneaux qui s'entrelace au trépied divin, elle en entourait ses cheveux, et, l'attachant sur le haut de sa tête, elle retenait ses longues boucles sous les noeuds du reptile. Puis elle mettait en fuite les vierges prophétesses : plus de libations, plus de patriotiques sacrifices, plus de danses delphiques auprès du temple ; les femmes se sentaient frappées par les sanglantes lanières d'un lierre fortement tressé. Le chasseur, à la vue d'Ino dans les montagnes, fuyait abandonnant ses filets et ses épieux. Sur les hautes collines, le berger cachait ses chèvres sous les roches caverneuses. Le vieux laboureur, effrayé des bonds furieux d'Ino, eut peine à contenir sous le joug ses boeufs haletants; et la Pythie fatidique, épouvantée par l'étrange écho de cette voit terrestre, s'enfuit à travers la montagne, agitant encore sur sa tête le laurier habituel de Panope; enfin, sous les sommets qui dominent ces profonds précipices, elle chercha dans l'antre de Delphes un asile contre les violences d'Ino. (275) La prêtresse fugitive dans les détours de la forêt n'échappa point à l'oeil vigilant d'Apollon. Il en eut pitié, accourut aussitôt auprès du bois sacré, prit une forme humaine, s'approcha d'Ino, et la touchant légèrement de son laurier salutaire, il l'endormit. Pendant ce doux sommeil, il oignit d'ambroisie le corps entier de la malheureuse nymphe, et dissipa ses fureurs et ses fatigues à l'aide de cette bienfaisante liqueur. (283) Elle demeura longtemps dans la forêt du Parnasse. Enfin, après quatre ans, pour obéir aux oracles de Phébus, elle institua, auprès de la roche fatidique, des choeurs en l'honneur de Bacchus, tout enfant qu'il était. Là, les bacchantes du mont Coryce célébrèrent, pendant toute la nuit, à l'éclat des torches embaumées, les mystères des dieux; et, cueillant de leurs mains divines les plantes qui domptent la rage, elles guérirent Ino. (290) Cependant les émissaires d'Athamas étendaient partout leurs recherches. Ses suivantes elles-mêmes parcouraient dans tous les sens les montagnes pour y reconnaître quelque vestige de leur reine, dont rien ne manifestait la présence. Les femmes, amies des lamentations déchiraient leurs joues de leurs ongles sanglants, et armaient leurs mains volontaires contre les roses de leurs seins. Le palais, plein de cris et de gémissements, en renvoyait l'écho dans la ville, où retentissait aussi le bruit des sanglots. Plus que toute autre, l'expérimentée Mystis s'inquiète, [9,300] car elle ressent le double chagrin des infortunes de sa maîtresse qu'on ne peut retrouver, et de la perte de Bacchus. Le roi Athamas ne pleura pas longtemps sa plaintive épouse. Mais, perdant le souvenir d'Ino disparue, après Néphélé, qui lui avait donné d'abord deux enfants, il rechercha Thémisto à la belle ceinture, et oublia l'amour d'Ino dans ce troisième hyménée qui l'unit à la fille d'Hypséis. (307) Un jour, il jouait avec Mélicerte, tel qu'un tendre père; et tandis que, pour l'amuser, il le haussait et le baissait dans ses bras en le faisant tournoyer en l'air, comme l'enfant pleurait et demandait le lait de sa nourrice, il lui présenta sa mamelle d'homme, et lui fit oublier sa mère. Thémisto donna d'abord à Athamas des fils courageux, Schoenée et Leucon, vaillant couple de guerriers, race robuste et nouvelle ; puis, mettant au jour deux fruits pareils d'une seule couche, elle nourrit à la fois d'un lait abondant Porphyréon et Ptoüs, beaux rameaux d'une florissante jeunesse ; tous les deux jumeaux et derniers nés, que leur mère Thémisto devait faire périr plus tard, car elle crut qu'ils étaient issus d'une rivale, (321) et que ces superbes enfants étaient les doubles rejetons de la noble Ino.