[1,6] CHAPITRE 6. Comment la noire humeur sait les hommes ingénieux. Quelqu'un par aventure demandera quel est ce corps ainsi composé de ces trois humeurs en la proportion que nous avons dit ? Il est presque tel en couleur comme nous voyons être l'or tirant toutefois quelque peu sur la pourpre. Et quand il advient que tant par la chaleur naturelle que par le mouvement du corps ou de l'âme il s'embrase, lors non autrement que l'or embrasé rougissant mêlé au pourpre il est ardent et luit, et comme l'arc en ciel du coeur ardent tire diverses couleurs. Quelqu'un derechef s'enquerra en quelle sorte telle humeur peut profiter à la subtilité de l'esprit ? Certainement les esprits créés de telle humeur, premièrement sont subtils non moins que l'eau qu'ils nomment de la vie, ou de la vigne, qui est ardente et alambiquée toutefois et quand elle est tirée et exprimée du plus gros vin par une certaine distillation au feu de l'alambic selon la coutume. Car les esprits étant pressés et resserrés par les conduits plus étroits de telle noire humeur, à cause de l'unité deviennent fort déliés, mêmement par la chaleur, et passant par les plus étroits conduits , sortent plus subtils puis plus chauds, et en pareil et par même raison plus luisants. Tiercement agiles en mouvement et fort véhéments en action ; quartement toujours fourgeonnants d'une humeur ferme et stable, ils servent à l'action fort longtemps. Or notre âme assistée de telle compagnie recherche véhémentement et persévère en la recherche plus longuement. Et tout ce qu'elle a recherché, aisément elle l'invente, le perçoit clairement, en juge sincèrement et retient longtemps ce qu'elle a jugé. Ajoustez-y que, comme ci-dessus nous avons démontré, que l'âme par tel instrument qui convient en quelque sorte avec le centre du monde, et (pour dire ainsi) qui recueille l'âme comme en son centre, tend toujours au centre de toutes choses et y pénètre au plus profond. En outre il convient avec Mercure et Saturne l'un desquels est le plus haut des planètes qui élève l'homme de recherche aux plus hauts secrets. De là viennent les philosophes singuliers, principalement quand l'âme est ainsi abstraite des mouvements externes et du propre corps et que fort proche des divins elle est faite instrument des choses divines. Donc, étant remplie de divines influences et des oracles d'en haut, elle invente toujours quelque chose de nouveau et non usité et prédit les choses futures. Ce qu'affirment non seulement Démocrite et Platon mais aussi Aristote au livre des Problèmes et Avicenne au livre des choses divines, et au livre de l'âme le confessent. Mais à quelle fin tendent tant de propos de l'humeur noire? afin qu'il nous souvienne que cette noire, avant (auparavant) cette blanche humeur, doit être autant cherchée et nourrie, ainsi que très bonne, comme celle qui lui est contraire (comme nous l'avons dit) doit être évitée, ainsi que très mauvaise et dommageable. Car c'est une chose tant pernicieuse que Sérapion a dit que ses impétuosités étaient poussées du malin démon, ce que le sage Avicenne n'a point dénié.