[2,9] Éloge de la vie monastique. Bienheureux sectateurs du pur dogme chrétien, De propre à chacun d'eux, ils ne réservent rien. Soumis à leur abbé, dont la règle est le titre, Nul ne voudrait agir suivant son propre arbitre. Tous n'ont qu'un coeur, tous ont le même sentiment Pareille nourriture et pareil vêtement ; A moins que le besoin, ou d'âge ou de faiblesse, N'entraîne à concéder une dispense expresse. Le luxe est inconnu : rarement du péché L'occasion peut naître. A tous rien n'est caché. Chacun, s'il voit le mal, doit le faire connaître, Et le mal est détruit même avant que de naître. Fuyant l'oisiveté qui nous corrompt le coeur, Tous poursuivent gaiement quelqu'utile labeur. Pas de confusion. Tout est réglé d'avance Le lever, le coucher, le travail, le silence, La conversation. Pas un détail menu Qu'à côté des grands faits la règle n'ait prévu. La nuit comme le jour, ils versent leurs prières Dans le temple sacré pour eux et pour leurs frères. Mais pourquoi ce détail? Tout est gain et profit Dans chaque acte ordonné du corps ou de l'esprit. Le monastère est seul un vaste sanctuaire. Si l'on a pu bâtir en la forme ordinaire, Autour d'un grand préau, quatre corps de logis Ouvrent un porche égal sur le même parvis. Trois sont prédestinés aux usages vulgaires, Le dernier est le temple, asile des prières. Les moines réunis vivent en cet enclos, Comme dans leur bercail s'abritent les troupeaux. C'est d'abord la cuisine, avec le réfectoire; Puis le dortoir commun, puis le laboratoire ; Enfin, le temple saint, au vrai Dieu consacré, Dont le flanc se prolonge et ferme le carré. Tel est l'asile chaste et digne de louanges, Où ces humbles d'esprit vivent comme des anges. Je les comparerais aux soigneuses fourmis, Qui, pour édifier leur merveilleux logis, Entraînent des fardeaux quatre fois plus gros qu'elles, Et remplissent de grain ces cellules nouvelles, Pour manger en commun durant l'hiver brumeux. Je les comparerais, tout aussi. bien et mieux, Aux abeilles du ciel qui, de corps si chétives Sont pour le saint travail si constamment actives. Leur cellule à six pans s'emplit d'un miel épais; Elles-mêmes ont fait l'admirable palais Où toutes vont, suivant les mêmes disciplines. Je les comparerais aux astres, fleurs divines, Qui brillent chaque nuit à la voûte des cieux, Et décrivent sans fin leur cercle harmonieux. Mais j'ai parlé des cieux : n'est-ce pas aux archanges Qu'il faudrait comparer ces modestes phalanges? Les moines sur la terre, et les anges aux cieux, Disent le même chant, simple et mélodieux ; Les chérubins là-haut, les moines ici même, Servent du même Dieu la majesté suprême.