11. Si vous demandez : Quelle est donc, entre tant de paroles, cette Parole de Dieu, et comment arrivons-nous jusqu'à elle? l'apôtre saint Paul nous répond dans son Épître aux Romains, I : "C'est l'Évangile de Dieu touchant son Fils qui s'est fait chair, qui a souffert, qui est ressuscité et qui est glorifié par la puissance de l'Esprit". C'est la justification, la délivrance et le salut de l'àme qui croit à cette prédication. « Si tu confesses de ta bouche que Jésus est le Seigneur, et si tu crois du cœur que Dieu l'a ressuscité des. morts, tu seras sauvé. » « Christ est la fin de la loi pour justifier tous ceux. qui croient. » — « Le juste vivra de sa foi. » Si l'âme ne parvient à la vie et à la justice que par la Parole de Dieu, il est clair qu'elle ne saurait ètre justifiée que par la foi seule et non par les oeuvres. Si une oeuvre pouvait la rendre juste devant Dieu, à quoi servirait donc sa Parole! 12. Bien plus : La foi ne souffre pas le concours des oeuvres. Qui présume être justifié en même temps par la foi et par les oeuvres, cloche des deux pieds, comme les adorateurs de Baal. Du jour, au contraire, où tu commences à croire, tu reconnais que tout ce qui est en toi n'est que misère et péché. « Tous ont péché, dit saint Paul, et sont privés de la gloire de Dieu — Il n'est pas un seul juste, pas un qui fasse le bien. Tous les hommes se sont détournés de Dieu et sont tombés dans la vanité. » Tu comprends alors que Christ t'est nécessaire, que c'est en croyant à celui qui a souffert et qui est ressuscité pour toi, que tu deviens un homme nouveau, que tous tes péchés te sont remis et que c'est par ses seuls mérites que tu es justifié devant Dieu. 13. Puisque cette foi, qui seule justifie, ne peut naitre que dans les profondeurs de l'âme, il est manifeste que les oeuvres extérieures, quelles qu'elles soient, n'ont pas la puissance d'affranchir et de sauver, car elles ne pénètrent pas dans le centre de la vie. Ce n'est point non plus le péché extérieur, l'action visible, qui rend l'âme coupable, l'asservit et la condamne, mais bien l'impiété et l'incrédulité du cœur. Que les chrétiens, renonçant à s'appuyer sur des œuvres sans efficacité, s'appliquent avant tout à croître dans la foi, et, par elle, dans la connaissance non de leurs mérites, mais de Jésus-Christ, qui a souffert et qui est ressuscité pour eux! Les juifs demandent un jour à Notre- Seigneur Jésus-Christ : Que ferons-nous pour accomplir les œuvres de Dieu ? Celui-ci leur répond : C'est ici l'oeuvre de Dieu que vous croyiez à celui qu'il a envoyé. 14. La foi en Christ est un incomparable trésor; elle porte avec soi. la délivrance, elle sauve de tous les maux. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé, mais celui qui ne croira point, sera condamné. » Ésaïe en a eu la prophétique intuition quand il s'écriait : « Dieu enverra sur la terre sa parole qui est un feu consumant, et cette parole remplira la terre de justice (Ésaïe, X)". » En effet, la foi qui est la plénitude et l'accomplissement de la loi, remplit le cœur des croyants d'une telle justice que ceux-ci n'ont plus besoin d'aucune autre chose. « C'est du coeur que l'on croit, dit saint Paul, pour arriver à la justice (Rom. X). » Si c'est la seule foi qui sauve, qui justifie, qui donne une telle abondance de biens, pourquoi, dira-t-on, l'Écriture-Sainte nous prescrit-elle un si grand nombre d'oeuvres, de cérémonies et de lois ? 15. Je réponds : il faut distinguer deux choses dans l'écriture : : les préceptes et les promesses. Les préceptes enseignent ce qui est bien; mais qu'il y a loin du commandement à l'obéissance! Ils prescrivent les choses qu'il faut faire; mais ils n'en donnent pas le pouvoir. Ils révèlent l'homme à lui- même, et, en le persuadant de son impuissance pour le bien, ils l'amènent à désespérer de ses forces. Les préceptes appartiennent à l'Ancien Testament. 16. C'est ainsi que le commandement qui nous dit : « Tu ne convoiteras point, » nous convainc tous de péché, puisque personne, quelle que soit la grandeur de l'effort, n'échappe à la convoitise. Cette impuissance à obéir à la loi de Dieu, nous pousse à désespérer de nous et à chercher en un autre un secours que nous ne trouvons pas en nous-mêmes. « Dans ta ruine, ô Israël! moi seul, je puis t'assister (Osée, XIII). » 17. Il en est de même de tous les autres commandements : nous ne saurions vraiment en accomplir aucun. Quand un homme, par la hauteur même des préceptes, se rend compte de son impuissance, et qu'il cherche avec anxiété le moyen de satisfaire à cette loi qui le condamne et dont pas un iota ne saurait être effacé, sa bassesse et son néant se révèlent à ses yeux, et il ne trouve rien en lui qui puisse le justifier et le sauver. 18. C'est alors qu'apparaissent les promesses divines, qui constituent le second enseignement des Écritures, et qui manifestent particulièrement la gloire de Dieu. Ces promesses disent : Si tu veux accomplir la loi et surmonter la convoitise, crois à Jésus-Christ, en qui te sont offertes la grâce, la justice, la paix et la liberté. Par la foi, toutes ces choses sont à toi; sans elle, tu demeures privé de tout. Ce qui est impossible aux oeuvres de la loi, si nombreuses et pourtant si vaines, est facile à la foi, car c'est à elle que le Père donne tout. Qui l'a, possède toutes choses. «Il les a tous enfermés dans l'incrédulité, dit l'apôtre, pour avoir pitié de tous (Rom. XI). » La promesse donne donc ce que le précepte réclame, elle accomplit ce que la loi ordonne. Le précepte et son accomplissement viennent ainsi de Dieu seul, et celui qui ordonne est en même temps celui qui accomplit. Ces promesses constituent le Nouveau Testament. 19. Toutes ces promesses de Dieu sont des paroles saintes, véridiques, justes; paroles de liberté, de paix et d'inépuisable bonté. L'âme qui s'y attache par une foi assurée, s'unit à elles, s'en pénètre, s'y absorbe et s'inonde de leur vertu. Si Jésus, en les touchant, guérissait les malades, quelles vertus l'âme ne puisera-t-elle pas dans ce contact intime avec lui, dans cette absorption de sa Parole ? Oui, c'est par la foi seule et non par les oeuvres que la Parole la justifie, la sanctifie, l'affranchit, la pénètre de tous les biens, et fait d'elle un enfant de Dieu. « A ceux qui croient en son nom, dit saint Jean, il leur a donné la puissance d'être faits enfants de Dieu (Jean, I). » 20. Mais d'où viennent cette puissance incomparable de la foi et cette impuissance des oeuvres ? C'est qu'aucune oeuvre ne saurait saisir la Parole de Dieu et pénétrer jusqu'à l'âme. Il n'y a que la Parole et la foi qui puissent avoir accès dans celle-ci. Comme le fer s'échauffe au contact du feu et devient lui- même incandescent, ainsi la Parole pénètre l'âme et la transforme à son image. La foi donc suffit à tout, et pour justifier une âme, aucune oeuvre n'est nécessaire. Si l'oeuvre est inutile, la loi l'est de même et l'âme est affranchie. Le juste est au-dessus de toute loi. Telle est la liberté chrétienne, liberté de la foi, qui ne nous jette ni dans l'oisiveté ni dans la vie mauvaise, mais qui, pour nous donner la justice et le salut, n'a besoin ni des oeuvres ni de la loi.