SAMIPPOS Tu t'imagines être encore à Athènes, bienheureux homme, alors que tu es dans la plaine de Babylone, campé devant ses remparts, entouré d'une nombreuse armée et délibérant sur la guerre. LYKINOS Tu fais bien de me le rappeler. Je me croyais dans mon état normal, et je ne pensais pas que j'allais opiner à côté de la question. SAMIPPOS 36. Nous marchons donc à l'ennemi, si c'est ton avis. Soyez braves au milieu des dangers et ne trahissez pas votre fierté patriotique. Déjà les ennemis arrivent sur nous. Que le mot d'ordre soit Ényalios z4'. Dès que la trompette aura donné le signal, poussez le cri de guerre, frappez vos boucliers avec vos lances et hâtez-vous d'en venir aux mains avec l'ennemi et de vous mettre en deçà des traits, sans lui donner le temps de les lancer de loin et de vous atteindre de ses coups. Maintenant nous voilà aux prises. Timolaos, à la tête de l'aile gauche, a mis en fuite ceux qu'il avait en tête : ce sont les Mèdes; mais, en face de moi, la lutte est encore indécise : ce sont les Perses et le roi est au milieu d'eux. Cependant toute la cavalerie des barbares s'avance contre notre aile droite. C'est le moment, Lykinos, de montrer que tu es un brave et d'exhorter tes gens à recevoir le choc. LYKINOS 37. Quelle malchance 1 C'est sur moi que tombe toute la cavalerie et je suis le seul qu'elle ait jugé à propos d'attaquer. En vérité, pour peu qu'elle me presse, je sens que je vais prendre la fuite et me réfugier vivement dans cette palestre, en vous laissant continuer la guerre. SAMIPPOS Ne fais pas cela; car tu es vainqueur à ton tour, toi aussi. Pour moi, comme tu vois, je vais combattre seul à seul contre le roi. Il me défie et il serait tout à fait honteux de reculer. LYKINOS Oui, par Zeus, et tu vas être à l'instant même blessé par lui; car il est digne d'un roi d'être blessé en combattant pour l'empire. SAMIPPOS C'est bien dit. Heureusement, ma blessure est super- ficielle et n'a pas touché les endroits apparents du corps, en sorte que la cicatrice ne m'enlaidira point par la suite. Mais tu vois comme je l'ai chargé et comme d'un seul coup de javeline je l'ai percé d'outre en outre, lui et son cheval. Puis je lui ai coupé la tête, lui ai enlevé son dia- dème, et me voilà devenu roi et adoré de tout le monde. 38. Qu'ils m'adorent donc. Mais avec vous, suivant l'usage de la Grèce, je ne prendrai pas pour vous com- mander d'autre titre que celui de stratège. Après cette victoire songez combien de villes je vais fonder, auxquelles je donnerai mon nom, combien d'autres je détruirai de fond en comble, après les avoir prises de vive force, pour avoir bravé ma puissance. Je me vengerai surtout de Kydias, le riche, qui, lorsqu'il était encore mon voisin, m'a expulsé de mon domaine en empiétant insensiblement sur mes limites. LYKINOS 39. Arrête-toi à présent, Samippos. Il est temps, après avoir remporté une si grande victoire que tu reviennes à Babylone pour la célébrer par de grands festins, car ton empire a, je crois, dépassé les six stades qui lui ont été accordés, et c'est le tour de Timolaos de souhaiter ce qu'il lui plaira. SAMIPPOS Eh bien, Lykinos, que te semble de mes souhaits? LYKINOS Ils sont beaucoup plus pénibles, admirable monarque, et beaucoup plus audacieux que ceux d'Adeimantos. Celui-ci menait une vie luxueuse, offrant des coupes d'or de deux talents aux convives dont il portait la santé, tandis que toi, blessé en combat singulier, tu vivais nuit et jour dans la crainte et les soucis. Tu avais à