[4,10] CHAPITRE X. Quel profit tirent les princes de l'observation de la justice. Mais vous demanderez peut-être que gagnera le prince observer si étroitement cette loi, le discours suivant vous l'apprend, "afin qu'il règne longtemps lui et son fils sur Israël". On lui promet pour récompense de ses peines de lui continuer dans sa race le royaume de père en fils. En quoi vous voyez que Dieu prolonge la succession des enfants en faneur de la vertu des pères, et coupe le bonheur des successeurs en punition des crimes de leurs devanciers, tant est véritable cette parole du saint esprit, que "les injustes périront, et qu'avec eux mourront les reliques des impies". Et qu'au contraire "le salut des justes vient du Seigneur qui les protège durant le temps de la tribulation". Mais vu que toute la durée du temps, quelque grande qu'elle soit, s'écoule par petits moments, et que toute sa longueur n'a qu'un instant dont elle jouisse présentement, que pourra-t-il y avoir de long en une espace, ou, quand toutes les parties seraient assemblées en une, elles ne feraient qu'un point en comparaison de la vraie éternité, ni même pas un point seulement, parce qu'il n'y a point de comparaison des choses finies aux infinies. Certes seon l'opinion de plusieurs il y a bien quelque proportion du centre à la circonférence, encore qu'elle soit petite, mais il n'y en saurait avoir du temps â l'éternité, que trouverez-vous de grand dans un espace qui de soi est si court, quelle félicité temporelle semblera de longue durée à l'âme, puisqu'étant perpétuelle, quelque si longtemps que vous puissiez donner à son bonheur, on doit un jour être privée. Mais pour moi, considérant ces raisons, j'entends sans préjudice néanmoins d'une meilleure opinion par ce royaume de longue durée, l’immortaIité de l'âme, qui sera couronnée de la gloire éterneIIe pour récompense du bon gouvernement de l'état: car, puisqu'il est certain que Dieu récompensera les oeuvres d'un chacun par une abondance de miséricorde ou par une plénitude de justice, doit-il examiner les actions de quelqu'un plus rigoureusement que celles des supérieurs qui maintiennent tous leurs sujets dans la justice ou qui les traînent avec eux à la mort par leur mauvaise administration. Comme les puissarts seront puissamment tourmentés, de même ils jouiront plus pleinement des fruits de la justice s'ils s'acquittent bien de leur charge. Ils auront d'autant plus de gloire au dessus de leurs sujets qu'ayant une plus grande licence de malfaire il les auront devancés par une plus grande vertu. "Ils ont pu violer les lois, et ne les ont pas violées ; ils ont pu faire des maux, et ne les ont pas faits. Voilà pourquoi leurs biens ont été assurés dans le Seigneur". Les princes font de bonnes actions, lorsqu'ils se retiennent de faire tort 'à personne, la puissance qu'ils ont de faillir leur est une matière de mérite. C'est un grand bien pour eux que de se détourner du mal, encore qu'ils ne fassent pas beaucoup de bien, pourvu toutefois que par leur trop grande indulgence à souffrir les méchants ils ne se rendent pas coupables de la mort de leurs sujets. Au reste leur promet-on pas une grande récompense lorsqu'on les assure de la continuation de leur béatitude s'ils se gouvernent bien. Quelques-uns tiennent qu'il est impossible de fleurir ici avec le monde, et de se réjouir dans l'éternité avec Jésus-Christ, leur opinion est fort véritable, s'ils comptent les attraits de la volupté parmi les fleurs de ce monde. Mais autrement les souverains peuvent fleurir ici bas, et des fleurs de la terre cueillir dans le ciel des fruits de parfaite douceur, et d'un profit inestimable. O princes, reconnaissez que votre bonheur est sans pareil, puisqu'il peut, si vous voulez, vous transporter des richesses dans les richesses, des délices dans les délices, de la gloire dans la gloire, et des biens temporels dans les biens infinis de l'éternité.