[1,61] Deux ans après la mort de Suanton, Christierne II succéda à Jean son père, dont il avait en partie causé les malheurs et voulut faire valoir par les armes le droit qu'il prétendait avoir sur le royaume de Suède, comme ayant succédé à tous les droits de son père et de son aïeul. Stenon, qui se croyait solidement affermi sur son trône, s'étant laissé corrompre par les conseils des flatteurs, dont les cours des princes sont toujours remplies, fit beaucoup de fautes, s'attira la haine des grands et perdit l'affection du peuple. Le Roi de Dannemarc, informé de cette disposition des Suédois, voulut en profiter et pour cela il leva une armée composée de Saxons, de Frisons, d'Écossais et de Français, et s'étant mis à la tête de ses troupes, vint mettre le siège devant Stockholm, capitale de la Suède. Mais Stenon étant accouru le contraignit bientôt de le lever et réduisit à l'extrémité son ennemi, qui pendant trois mois attendit inutilement un vent favorable pour retourner dans ses états. Cependant Stenon, qui avait ses raisons pour lui faire plaisir et gagner son amitié, lui fournit tout ce qui lui était nécessaire pour son retour, et engagea sa parole qu'il le laisserait tranquillement embarquer ses troupes, sans l'attaquer. Mais quatre ans après, Christierne paya de la plus noire perfidie un procédé si généreux. Car ayant souhaité d'avait une entrevue avec Stenon, il voulut alors se rendre maître de la personne de ce prince, qui croyant n'avait rien à craindre, était presque entré dans son vaisseau et il s'en fallut peu qu'il ne réussit dans cette détestable entreprise. Frustré de son espérance, il emmena avec lui en Dannemarc, contre la parole qu'il avait donnée, les ambassadeurs du Roi de Suède, Hemminge Gad et Gustave fils de Henri Ericson. Cette infâme trahison fut peu de chose, en comparaison de l'horrible anion qu'il commit l'année suivante. Les Danois étant entrés dans la Westgothie avec une armée plus forte qu'auparavant, il se donna une bataille sur les glaces de la mer, où Stenon reçut dans la cuisse un coup de feu, dont il mourut peu de temps après. Les Suédois ayant perdu leur Roi, se troublèrent et furent aisément mis en déroute. Christierne fut ensuite élu roi de Suède par les grands de la faction Danoise, et couronné à Stockholm. Mais le même jour, ce prince craignant que pendant son absence quelqu'un des enfants de Stenon ne fût mis sur le trône par les chefs de la faction contraire, fit fermer les portes de la ville et ayant assemblé les plus considérables de cette faction de différents états, comme pour leur donner un repas magnifique, il les fit tous massacrer, au nombre de 74, aux yeux du peuple effrayé de ce spectacle et laissa ensuite leurs corps sanglants exposés plusieurs jours à la vue de tout le monde, pour imprimer mieux la terreur dans tous les esprits. On exhuma aussi par l'ordre du nouveau tyran le corps de l'infortuné Stenon et on le brûla publiquement, avec ceux des autres. Christierne en même temps dépouilla de tous leurs biens les veuves et les enfants de ceux qui avaient été traités si cruellement. Après cette barbare exécution, il partit de Stockholm tout couvert du sang de ses nouveaux sujets et reprit le chemin de Dannemarc. Mais à peine avait-il fait trente milles, que les Suédois indignés de sa barbarie prirent les armes vinrent l'attaquer dans sa marche. Il fut obligé de prendre des chemins détournés, ne marchant que la nuit et passant le jour dans les bois et ce ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'il échappa à leur poursuite. De retour en Dannemarc, le tyran trempa sans horreur dans le sang des Danois ses mains, que dans la Suède il avait accoutumées au carnage. Mais comme rien ne pouvait assouvir sa barbarie et sa cruauté, son oncle Frédéric, prince d'Holsace, et la ville de Lubec lui déclarèrent la guerre, et leurs armes jointes aux affreux reproches de sa conscience le forcèrent de s'enfuir et de se retirer dans la Zélande, avec sa femme Isabelle, soeur de l'empereur, et avec ses enfants, trois années après le massacre de Stockholm, c'est-à-dire, l'an 1523. [1,62] Cependant Gustave, fils d'Eric, qui avait échappé à la fureur de Christierne et qui, sous prétexte d'avait soin des affaires de Christine, veuve de Stenon, avait épousé la princesse sa fille, fut mis sur le trône de Suède par les grands de l'état et par le secours de la ville de Lubec. C'est ce prince, qui ensuite abolit dans la Suède l'ancienne religion, et y introduisit celle de Luther. Pour ce qui regarde la couronne de Dannemarc, dont Christierne était déchu, on la mit sur la tête de son oncle Frédéric, prince d'une grande sagesse, qui fut élü par tous les ordres du royaume assemblés. Alors le roi fugitif écrivit à l'empereur pour lui faire des plaintes de la révolte de ses sujets et de l'injure qu'on lui avait faite. Mais le roi Frédéric et la ville de Lubec, qui est très puissante et qui a beaucoup d'autorité dans le Nord, publièrent conjointement un manifeste pour réfuter la lettre de Christierne et y exposèrent au pape et aux princes de l'Empire le détail de ses crimes énormes. Corneille Scepper y répondit au nom de Christierne, par un écrit qui nous reste, où il est dit entre autres choses, que Leon X, ayant envoyé le cardinal de Potenza, pour faire des informations sur le massacre de Stockholm, ce légat avait déclaré, après un mûr examen, que Christierne n'avait rien fait en cette occasion qui fut contre le droit. Cependant comme les écrits qu'on publia alors des deux côtés furent inutiles, il fallut avait recours à la voie des armes mais ce fut sans aucun succès de la part du roi banni, parce que l'empereur était alors occupé à faire la guerre à la France. Enfin ce prince féroce, ennuyé de son exil, et las de son repos, équipa une flotte au bout de neuf ans, par le secours de l'empereur et voulut tenter la fortune des armes. Mais la colère de Dieu et les vents contraires firent périr ou échouer la plus grande partie de ses vaisseaux, et le firent tomber lui-même entre les mains de son oncle. Afin qu'il ne restât rien de ce tyran et que la crainte de voir jamais reparaître un pareil monstre pût s'éteindre avec sa race, la providence permit que son fils, qui était à la cour de l'empereur, mourût dans le même temps. [1,63] Quatre années après, Frédéric étant mort, son fils Christierne III monta sur le trône. Il prit Copenhague et, craignant les intrigues de son cousin, qu'il tenait en prison, il renouvela les anciennes alliances avec les puissances voisines. Le roi déposé avait deux filles de sa femme Isabelle, Dorothée et Christine: la première avait été mariée à Frédéric, comte Palatin, et la seconde, premièrement à François Sforce et ensuite à François duc de Lorraine. Christierne III, sachant que le Palatin pressait l'empereur d'entreprendre la guerre pour délivrer son beau-père et le remettre sur le trône, jugea alors qu'une alliance avec le roi de France lui était nécessaire; c'est pourquoi il pria le duc de Clèves de proposer à ce monarque son accession au traité de ligue, qui se faisait contre l'empereur. Il y avait alors {en 1537} de grands troubles en Allemagne par l'opposition des sentiments et l'aigreur des esprits. Les uns étaient animés par le zèle de la religion; les autres par la passion et par des vues particulières. D'un côté l'empereur cherchait à profiter des conjonctures pour étendre son autorité et de l'autre le pape voyait avec douleur la sienne fort ébranlée et qu'on osait douter de sa puissance. Car, lorsque Luther, poussé à bout par la sévérité outrée de Léon X, se fut séparé de l'église Romaine, la plupart de ses sectateurs, qui étaient persuadés que les prêtres avaient introduit plusieurs choses nouvelles dans la religion, soit par rapport à la discipline, soit par rapport à la doctrine, par des motifs d'ambition ou d'intérêt, comme le disait leur maître, suivirent bientôt son exemple et plusieurs princes furent de ce nombre. On compte entre les plus considérables Frédéric III, électeur de Saxe, qui mérita le surnom de Sage; le prince Jean son frère, qui présenta en l'année 1530 à l'empereur, lorsqu'il était à Augsbourg, cette fameuse confession de foi ; un autre prince de la même maison appelé Jean Frédéric ; George de Brandebourg; Ernest et François, princes de Lunebourg ; Philippe Landgrave de Hesse ; Volfang prince d'Anhalt ; Philippe, prince de Poméranie; Ulric de Wittemberg et Albert de Mansfeld. Ils avaient tous protesté, un an avant que de présenter leur confession de foi, contre les décrets faits à Ratisbonne et ensuite à Spire, sur le fait de la religion; alléguant qu'ils étaient contraires à la liberté de conscience, autorisée par une diète précédente. C'est de là qu'est venu le nom de protestants, qu'on leur donna d'abord, et qu'on a donné ensuite à tous ceux qui ont voulu réformer ce qu'ils ont cru s'être glissé mal à propos dans la religion, et qui se sont à cette occasion séparés de l'église romaine. [1,64] Plusieurs villes libres avaient suivi l'exemple de ces princes; non seulement en Saxe, mais même dans la haute Allemagne, comme Strasbourg, Nuremberg, Ulm, Constance, Rotlingen, Winseim, Memingen, Lindaw, Kempten et quelques autres. Elles avaient envoyé des députés à Smalcalde, ville sur les confins de la Turinge, où l'on avait conclu un traité d'union, par lequel elles s'engageaient pour le temps de cinq années, de se secourir mutuellement, si on venait à les inquièter au sujet de la religion. La ville d'Augsbourg même professa peu de temps après la doctrine de Luther ; et ceux qu'en Bohème on appelait Picards, avaient présenté une requête à Ferdinand, frère de l'empereur, (qui avait hérité du royaume par la mort de Louis son beau-frère) lorsqu'il tenait les états assemblés à Prague. Ils demandaient qu'ils pussent jouir de la liberté de conscience autorisée par le décret d'une dernierc diète. Quelques seigneurs d'Autriche, la ville même de Vienne, capitale de ce duché, enfin les peuples de la Carniole, de la Carinthie et de la Stirie avaient aussi présenté de semblables requêtes. [1,65] D'un autre côté, Albert électeur archevêque de Mayence, George prince de Saxe et cousin de Jean, Guillaume duc de Baviere, et le -prince Louis, son frère, persécutaient vivement Luther et ses sectateurs, à l'instigation surtout de Henri de Brunswic, que les protestants avaient accusé auprès de l'empereur, comme auteur de tous les maux qui avaient désolé la Saxe. Guillaume de Brunswic frère de Henri, qui lui avait fait souffrir les rigueurs d'une longue et dure prison, s'était joint aussi à ces princes zélés catholiques. Il est vrai que les princes de Bavière, irrités de ce que l'empereur avait de sa propre autorité déclaré Ferdinand son frère roi des Romains, avaient fait une alliance secrète avec la France, l'électeur de Saxe et le Landgrave de Hesse, contre l'empereur et avaient laissé ralentir leur haine envers les protestants. Mais Louis électeur Palatin, et Joachim électeur de Brandebourg, princes tranquilles, et toujours ennemis des factions et des troubles, suivaient le parti de l'empereur, quoique le dernier professât la doctrine de Luther et qu'il l'eût declaré par un écrit rendu public. Pour Herman archevêque électeur de Cologne, prélat de l'illustre maison des Comtes de Weda, il y avait déja longtemps qu'il marquait de l'éloignement pour la religion Romaine, et il rejetait lui-même les décrets d'un Concile qu'il avait assemblé; ce qui le rendit odieux à l'empereur et attira enfin sur lui les foudres du Vatican. Enfin Richard, archevêque de Trèves, qui s'était fortement opposé à l'élection de Charles V et qui par sa sagesse et sa longue expérience pouvait tout auprès des autres électeurs ses collègues, était mort vers ce temps-là, et l'on croyait qu'il avait été empoisonné. [1,66] Au milieu de tant de haines, d'intérêts, et de sentiments contraires, on vit pourtant les deux partis contribuer à apaiser les troubles naissants. On dissipa des troupes de paysans, qui, ayant été défaits en plusieurs pays de l'Allemagne, s'étaient rassemblés de nouveau sous la conduite d'un certain Thomas Muncer, prédicant séditieux, qui étant également ennemi du pape et de Luther, portait les esprits simples et crédules à la révolte. Enfin ils furent entièrement détruits, surtout par la valeur du Landgrave de Hesse. Dix ans après, on essuya de plus grands périls au siège de Münster en Westphalie, dont les Anabaptistes s'étaient emparés ; ils en avaient chassé l'évêque et les bourgmestres et établi une religion singulière et même une forme de gouvernement inouïe. Ils avaient élu pour roi un certain Flamand tailleur d'habits, nommé Jean de Leyden, qui enseignait que tous les biens devaient être en commun et même les femmes, et qui se vantant que cette doctrine lui avait été révélée, abusait ainsi un peuple crédule et grossier : ainsi ce fut une guerre contre une populace vile et insensée. [1,67] Pour ce qui est de la guerre, que se firent l'évêque d'Hildesheim et Henri de Brunswic, après la mort de l'empereur Maximilien, elle fut heureusement terminée par les soins de Frédéric électeur de Saxe, qui était alors Vicaire de l'Empire dans. toute la Saxe. Il en vint assez facilement à bout, parce qu'on était persuadé qu'elle avait été suscitée par Henri de Lunebourg dévoué à François I pour empêcher que Charles d'Autriche ne fût élu empereur. On vit encore en ce même temps s'allumer une autre guerre moins grande à la vérité, mais qui pouvait avoir d'aussi fâcheuses suites, à l'occasion d'Ulric de Wittemberg, que les princes et les villes alliées par le traité de Souabe attaquèrent. Ce prince, qui avait pris les armes contre ses sujets soulevés à l'occasion de quelques impôts, les avait châtiés avec une extrême sévérité. Ensuite il avait fait marcher ses troupes contre ses voisins et entre autres contre la ville de Rotlingen ; ce qui avait obligé les alliés, pour venger les injures communes, de joindre leurs troupes, d'attaquer Ulric et de le dépouiller de tous les pays qu'il possédait au-delà du Rhin. Or, comme les princes de la maison d'Autriche prétendaient avoir un droit légitime sur ces pays, Ulric voyant que l'empire était échu à un de ces princes, et que Ferdinand avait eu en partage tous les biens situés en Allemagne, il fut contraint de céder au temps et de se retirer dans sa ville de Montbelliard située en deçà du Rhin : il y demeura tranquille pendant quelque temps. Mais voyant qu'on négligeait le traité de Souabe et que le roi Ferdinand était occupé en Hongrie à des préparatifs de guerre contre les Turcs, il appela à son secours le Landgrave et les deux princes de Bavière, dont il avait épousé la soeur, et ayant gagné la bataille de Lauffen, il reconquit ses états. François I favorisait en secret le duc de Wittemberg mais comme il ne pouvait, suivant le traité de Cambrai, l'aider ni d'hommes, ni d'argent, on trouva un expédient, qui fut que le duc engageât au roi sa ville de Montbelliard pour soixante mille écus d'or, dont il se servit pour subvenir aux frais de la guerre et qu'il rendit, quand elle fut terminée. Enfin, il se fit un traité par l'entremise de l'électeur de Saxe, entre le roi Ferdinand, le Landgrave, et le duc de Wittemberg, à des conditions qui parurent bien dures à ce dernier, dans la situation où étaient ses affaires. [1,68] Il s'alluma une autre guerre plus importante; je parle de celle que firent à Henri, duc de Brunswic, les puissances de la ligue de Smalcalde. Elle fut comme le malheureux prélude de cette grande guerre, que l'empereur fit enfin lui-même avec toutes ses forces aux protestants d'Allemagne. Afin de prévenir de si grands maux, on avait statué dans la diète de Nuremberg qu'on prierait le souverain pontife, avec l'agrément de l'empereur, d'indiquer incessamment un concile libre en un lieu convenable de l'Allemagne, pour terminer avec un esprit de paix et de charité les différends sur les matières de religion. On fit peu après un pareil décret dans la diète de Spire pour satisfaire les protestants. Clément VII, qui occupait alors le saint Siège, ne craignait rien davantage que l'assemblée d'un concile, persuadé que si la réforme de la discipline donnait de l'éclat et de l'autorité à l'église, ce ne pourrait être qu'aux dépens de sa grandeur et de sa puissance. Enfin il se vit obligé d'y consentir malgré lui, et il ne put avec bienséance refuser l'empereur, qui venait de se rendre maître de la ville de Florence et d'y établir la domination des Médicis ses parents. Cependant tant que ce pontife vécut, il sut éluder sa promesse par des prétextes spécieux et d'habiles détours, et laissa à son successeur cette affaire à démêler. [1,69] Paul III, qui remplit sa place, indiqua d'abord le concile à Mantoue, puis à Vicence, lorsque les protestants eurent donné l'exclusion à la première de ces deux villes. Enfin les princes de l'Allemagne ne voulant point la ville de Vicence, il fut ordonné qu'on s'assemblerait à Trente, qui est sur les confins de l'Allemagne et de l'Italie. Mais pendant qu'on se conduit dans cette affaire par des vues d'ambition et les ruses de la politique et que dans une cause qui regarde la gloire de Dieu, on compte plus sur des ressources humaines que sur la grâce du Tout-puissant, le schisme gagne et le remède vient trop tard. Déjà la plupart des Suisses s'étaient séparés de l'église Romaine, à la persuasion d'Ulric Zwingle, qui avait pris les mêmes prétextes que Luther. Car dans le temps que ceux de Lucerne reconnurent solennellement l'autorité du pape, par la vigilance et les soins de l'évêque de Constance, prélat zélé contre les nouveautés et contre les changements que l'on voulait introduire dans l'ancienne religion ; ceux de Zurich, quoique soumis au même évêque et du même diocèse, abolirent dans leurs eglises le culte des images par un décret public et enfin le sacrifice solennel de la messe par un autre du 13 avril 1515. D'abord les douze cantons prirent les voies de la douceur, et l'on établit à Bade des conférences pacifiques, où se trouvèrent les députés des évêques de Constance, de Bâle, de Coire, et de Lausanne. Eccius, Faber et Murner, docteurs catholiques, disputèrent contre Zwingle et Jean Oecolampade, qui ne voulurent répondre que par écrit, alléguant que dans le lieu où l'on s'était assemblé, ils ne voyaient pas pour eux une assez grande sureté. [1,70] Deux ans après, les Suisses du Canton de Berne font comme un défi aux évêques, les appellent à de nouvelles conférences : et après avoir publié quelques édits sur le fait de la religion, ils abolissent entièrement le culte catholique dans leur pays; ils suivent les conseils et l'exemple de ceux de Zurich et renoncent à toute alliance avec la France. D'un autre côté les cinq petits cantons, animés par Ferdinand et par le Pape, étaient dans des sentiments fort opposés, et aigrissaient les disputes par des paroles injurieuses et amères. Le roi de France, qui croyait avec raison que l'union entre les Suisses était très avantageuse à ses affaires, fit inutilement tous ses efforts pour les accorder, par l'entremise de ceux de Soleure, de Glaris, d'Appencel, de Mulhausen et de Saint Gal. Enfin on prit les armes, et il se donna une bataille dans un lieu fort serré le onzième jour d'octobre de l'année 1531 où ceux de Zurich furent défaits et où Zwingle lui même combattant courageusement dans les premiers rangs demeura sur la place. Les ennemis, ayant livré son corps aux flammes, elles ne purent agir sur son coeur ; ce que ceux de Zurich et leurs alliés regardèrent comme une marque visible de la protection du ciel sur l'auteur de leur secte. Il est certain néanmoins, qu'il y a quelques hommes, qui ont une partie du corps, sur laquelle le feu n'a point d'action : et nous lisons dans l'histoire, au sujet de Pyrrhus, roi des Épirotes, que l'orteil de son pied droit ne put être consumé sur le bûcher qui brûla son corps. Mais lorsque les esprits sont une fois prévenus d'inclination ou de haine, comme il arrive surtout dans les différends qui naissent au sujet de la religion, chacun guidé par un superstitieux intérêt interprète toutes choses en sa faveur. Ceux de Zurich, que leur défaite n'avait point abattus, reçurent du secours des cantons de Berne, de Bâle, et de Scaffouse, et donnèrent un second combat, où, s'ils furent vaincus, ils vendirent chèrement la victoire. Enfin ces peuples, ennuyés de leurs mutuelles fureurs, et se tournant à un repentir salutaire, firent bientôt la paix aux conditions suivantes : Que ceux de Zurich et leurs confédérés, renonceraient à l'alliance contractée depuis peu avec le Landgrave et avec ceux de Strasbourg; et que de leur côté les cinq petits cantons rompraient avec Ferdinand. Depuis ce temps-là ces peuples sensés n'eurent plus de guerres domestiques et malgré leurs oppositions au sujet de la foi, qui s'accrurent encore, ils sont toujours demeurés paisibles.