[0] LIVRE DE JACQUES SADOLET SUR LA MANIÈRE DE BIEN ÉLEVER LES ENFANTS. INTRODUCTION. Euripide prétend, je crois que c'est dans Andromaque, qu'un mari n'est pas aussi charmé de la beauté de sa femme que de ses vertus. Mais vous, Guillaume du Bellay, le meilleur de tous les amis, quel doit étre votre bonheur, vous qui avez trouvé dans la femme que vous avez dernièrement épousée la beauté du corps unie aux nobles vertus et qualités de l'ûme, et digne de son excellente éducation! Elle a pu la recevoir, cette excellente éducation, étant née dans une très-noble famille, et élevée dans ces habitudes journalières qui sentent si bien la splendeur et l'élégance d'une haute naissance. En vérité, et c'est votre sentiment, vous avez eu le bonheur de prendre une épouse telle que vous l'aviez toujours souhaitée. En effet, puisque votre noblesse étant ancienne et vos aïeux illustres, vous avez acquis par votre mérite des honneurs plus nombreux et beaucoup plus grands que ceux que vous avez reçus de la fortune, tout nombreux et grands qu'ils soient, il était de toute justice que la compagne de votre couche et de votre vie répondit par son esprit et sa vertu à vos aimables qualités. On doit surtout louer la sagesse de notre roi François Ier et son esprit de prévoyance, digne d'un grand prince, de faire spécialement à l'égard des hommes ce que d'autres font pour les chevaux et pour les chiens, de pourvoir à ce que, tant d'un côté que de l'autre, ceux qui se choisissent pour s'unir par les liens sacrés du mariage prennent en considération la race d'où ils sont issus, afin que de bons parents naissent des enfants qui soient ensuite utiles au roi et à la patrie. Mais il nous semble qu'il faut en outre une certaine discipline domestique, d'après laquelle les enfants et les adolescents doivent être nourris et élevés. Dernièrement, je ne sais sur quel sujet je voulais vous écrire, lorsque, m'étant occupé de montrer aux pères la voie et le moyen de bien élever leurs enfants, j'ai résolu de vous offrir cet ouvrage comme un témoignage de mon affection, quoique moins que tout autre vous ayez besoin de tels préceptes. En effet, quel est celui qui, voulant écrire sur l'éducation des enfants, ne trouverait dans votre maison des renseignements supérieurs en nombre et en qualité à ceux qu'il pourrait fournir lui-même? Je me suis souvent pris d'admiration pour le bonheur ou la vertu de votre père, ou, pour dire plus vrai, pour l'un et l'autre, lui qui, ayant engendré et élevé beaucoup d'enfants, les a tous rendus également remarquables par la beauté de leur instruction et la distinction de leurs moeurs, au point que, sous le rapport des formes corporelles et de la dignité morale, tous paraissent être comme sortis ensemble du même moule , et en quelque sorte frappés au même coin. Et pourtant je n'ai pas pensé que vous refuseriez ce travail de mon esprit, que doit vous rendre agréable votre amitié pour moi, et auquel votre récent mariage donne de l'à-propos. C'est pourquoi je ne cesse de prier Dieu de vous donner des enfants qui portent l'empreinte de la vertu de leur père et de leur aïeul, et la transmettent à toute leur postérité. Mais il est temps d'en venir à traiter de la manière de bien élever les enfants.