[0] Grégoire, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, en perpétuelle mémoire. Parmi les très nobles tâches de notre ministère pastoral, celle de mener à bonne fin, avec l'aide de Dieu, ce qui a été réservé au Saint-Siège par le saint concile de Trente n'est pas la moindre. [1] Comme les pères conciliaires appliquaient aussi leur attention à d'ultimes réflexions sur le bréviaire mais qu'ils furent arrêtés par le manque de temps, ils décidèrent sagement de se rapporter de toute cette question à l'autorité et au jugement du pontife romain. [2] Or il y a deux parties principales dans le bréviaire: la première comprend les prières et les hymnes religieux à réciter les jours fériés et les jours ouvrables, et la seconde porte sur cycle annuel de Pâques et des autres fêtes mobiles, réglé sur le cours du soleil et de la lune. [3] La réforme de la première partie, Pie V, notre prédécesseur d'heureuse mémoire, s'en est acquitté et l'a mise en vigueur. [4] Celle de la seconde partie, qui exige au préalable la restauration du calendrier, a souvent et depuis longtemps été tentée par les pontifes romains nos prédécesseurs; mais elle n'a pu jusqu'à ce jour être menée à terme parce que les divers projets de réforme du calendrier proposés par de savants astronomes, en plus de présenter les difficultés immenses et presque inextricables qui ont toujours accompagné une telle réforme, n'étaient pas durables ni surtout en maintenaient intacts les rites antiques de l'Église, et c'était là notre première préoccupation en cette affaire. [5] Alors que nous aussi par conséquent, fort de l'autorité que Dieu nous a confiée tout indigne que nous en fussions, nous nous adonnions à ces réflexions, notre cher fils Antonio Lilio, professeur de sciences et de médecine, nous apporta un livre écrit naguère par son frère Luigi dans lequel celui-ci démontrait qu'au moyen d'un tout nouveau cycle d'épactes qu'il avait inventé et qui d'une part utilisait ses propres règles très précises pour le nombre d'or et d'autre part s'adaptait à toute durée de l'année solaire, tous les défauts du calendrier pouvaient être corrigés d'une manière cohérente et qui durerait jusqu'à la fin des siècles, de telle sorte qu'il ne paraisse plus susceptible de varier à l'avenir. Ce nouveau projet de restauration du calendrier, résumé dans un petit livre, nous l'avons fait parvenir il y a quelques années aux princes chrétiens et aux grandes universités afin que cette œuvre, qui est l'affaire de tous, soit réalisée après consultation de tous; ceux-ci nous ayant manifesté leur accord, comme nous le souhaitions vivement, nous avons, fort de ce consensus, fait venir dans la ville sainte pour réformer le calendrier des hommes très compétents en la matière et que longtemps auparavant nous avions choisis dans les principaux pays du monde chrétien. Ceux-ci, après avoir consacré beaucoup de temps et d'attention à ce travail nocturne et avoir discuté entre eux de cycles qu'ils avaient recueillis de partout, tant chez les anciens que chez les modernes, et qu'ils avaient soigneusement étudiés, ont, à la réflexion et de l'avis d'hommes savants qui ont écrit à ce sujet, choisi de préférence à tout autre ce cycle d'épactes, y ajoutant même des éléments qui, après mûr examen, ont paru indispensables à la réalisation d'un calendrier parfait. [6] On constate à l'examen qu'il est nécessaire de statuer en même temps sur trois points pour rétablir la célébration de Pâques selon les règles fixées par les pontifes romains d'autrefois, particulièrement Pie premier et Victor premier, et par les pères des conciles, notamment ceux du grand concile œcuménique de Nicée, à savoir: d'abord la date précise de l'équinoxe vernal, puis la date exacte du quatorzième jour de la lune qui atteint cet âge le jour même de l'équinoxe ou immédiatement après, enfin le premier dimanche qui suit ce même quatorzième jour de la lune. Aussi avons-nous veillé non seulement à ce que l'équinoxe vernal revienne à sa date d'autrefois, dont il s'est déjà écarté d'environ dix jours depuis le concile de Nicée, et à ce que le quatorzième jour de la lune pascale soit remis à sa juste place dont il est maintenant éloigné de quatre jours et plus, mais aussi à ce que soit instauré un système méthodique et rationnel qui empêche qu'à l'avenir l'équinoxe et le quatorzième jour de la lune ne se déplacent encore de leurs positions appropriées. [7] Afin donc que l'équinoxe vernal, qui a été fixé par les pères du concile de Nicée au douzième des calendes d'avril, soit replacé à cette date, nous prescrivons et ordonnons que soient supprimés du mois d'octobre de l'an 1582 les dix jours qui vont du troisième des nones à la veille des ides inclusivement, et que le jour qui suivra le quatrième des nones, où l'on fête traditionellement saint François, soit appelé ides d'octobre et que soient célébrées en ce jour la fête des saints martyrs Denis, Rustique et Éleuthère, ainsi que la mémoire de saint Marc, pape et confesseur, et des saints martyrs Serge, Bacchus, Marcel et Apulée; que soit célébrée le lendemain, dix-septième des calendes de novembre, la fête de saint Callixte, pape et martyr; que soient ensuite récités, le seizième des calendes de novembre, l'office et la messe du dix-huitième dimanche après la Pentecôte, la lettre dominicale passant de G à C; qu'ait enfin lieu, le quinzième des calendes de novembre, la fête de saint Luc, évangéliste, après quoi se succéderont les autres jours de fête, de la façon dont ils sont décrits dans le calendrier. [8] Mais afin que cette suppression de dix jours ne cause aucun préjudice à quiconque doit effectuer des paiements mensuels ou annuels, il incombera aux juges, dans tout litige qui pourrait en résulter, de tenir compte de ladite suppression en reportant de dix jours l'échéance de n'importe quel paiement. [9] Ensuite, afin que l'équinoxe ne s'éloigne plus à l'avenir du douzième des calendes d'avril, nous décrétons qu'un bissexte devra être intercalé tous les quatre ans selon la coutume, sauf durant les années séculaires; mais que celles-ci, bien qu'elles aient toujours été bissextiles jusqu'à présent, et bien que nous voulions que l'an 1600 le soit encore, ne le seront plus toutes par la suite; mais que pour toute période de quatre cents ans, chacune des trois premières années séculaires s'écoulera sans bissexte, et que la quatrième sera bissextile, de telle sorte que les années 1700, 1800 et 1900 ne seront pas bissextiles; mais qu'en l'an 2000 un bissexte sera intercalé selon la coutume, février comptant 29 jours, et que le même ordre d'omissions et d'intercalations de bissextes durant chaque période de quatre cents ans sera respecté à jamais. [10] De plus, afin que le quatorzième jour de la lune pascale soit déterminé avec précision et que l'âge de la lune soit présenté avec exactitude aux fidèles conformément à l'antique usage de l'Église d'en prendre connaissance chaque jour à la lecture du martyrologe, nous ordonnons qu'une fois le nombre d'or retiré du calendrier, on lui substitue le cycle des épactes qui, grâce à ses règles très précises ci-dessus mentionnées pour le nombre d'or, fait en sorte que la nouvelle lune et le quatorzième jour de la lune pascale soient toujours parfaitement localisés. Et ceci se voit clairement dans l'explication de notre calendrier, où sont aussi présentées des tables pascales conformes aux coutumes antiques de l'Église et qui permettent de trouver plus sûrement et plus facilement la date du très saint jour de Pâques. [11] Enfin, puisque d'une part à cause des dix jours retranchés du mois d'octobre de l'an 1582 (qu'on doit maintenant appeler année de la réforme) et d'autre part à cause de chacun des trois jours qui ne devront plus être intercalés durant chaque période de quatre cents ans, il sera nécessaire d'interrompre le cycle de 28 ans des lettres dominicales en usage jusqu'à ce jour dans l'Église romaine, nous voulons que lui soit substitué le même cycle de 28 ans tel qu'adapté par ce même Lilio à la règle d'intercalation de bissextes pour les années séculaires ainsi qu'à toute durée de l'année solaire, de sorte que la lettre dominicale puisse pour toujours être déterminée aussi facilement qu'avant à l'aide du cycle solaire, comme cela est expliqué dans le canon qui s'y rapporte. [12] Conformément donc à ce qui est traditionnellement l'attribut du souverain pontife, nous approuvons par ces présentes le calendrier maintenant réformé et rendu parfait grâce à l'infinie bienveillance de Dieu envers son Église, et nous avons ordonné qu'il soit imprimé à Rome en même temps que le martyrologe, puis publié. [13] Mais afin que l'un et l'autre soient maintenus intacts et exempts de fautes et d'erreurs partout sur la terre, nous interdisons à tous les imprimeurs établis sur le territoire soumis avec ou sans intermédiaire à notre juridiction et à celle de la sainte Église romaine d'avoir l'audace ou la présomption d'imprimer ou de publier sans notre autorisation le calendrier ou le martyrologe, ensemble ou séparément, ou d'en tirer bénéfice en aucune manière, sous peine de la perte de contrats et d'une amende de cent ducats d'or à payer ipso facto à la Chambre apostolique; quant aux autres, où qu'ils demeurent sur terre, nous leur faisons la même interdiction, sous peine d'excommunication "latae sententiae" et sous d'autres peines à notre discrétion. [14] Nous supprimons donc et abolissons absolument l'ancien calendrier et nous voulons que tous les patriarches, primats, archevêques, évêques, abbés et autres dirigeants d'Églises mettent en vigueur pour la lecture de l'office divin et la célébration des fêtes, chacun dans son Église, monastère, couvent, ordre, armée ou diocèse, le nouveau calendrier, auquel a été adapté le martyrologe, et ne fassent usage que de celui-ci, tant eux-mêmes que tous les autres prêtres et clercs, séculiers et réguliers, de l'un et l'autre sexes, ainsi que les militaires et tous les chrétiens, calendrier dont l'utilisation commencera après la suppression de dix jours du mois d'octobre 1582. Quant à ceux cependant qui habitent des régions trop éloignées pour prendre à temps connaissance de cette lettre, qu'il leur soit permis de faire un tel changement au mois d'octobre de l'année qui suivra immédiatement, à savoir 1583, ou de la suivante de celle-ci, aussitôt bien sûr que cette lettre leur sera parvenue, de la manière que nous avons indiquée ci-dessus et comme cela sera plus abondamment expliqué dans le calendrier de l'année de la réforme. [15] D'autre part, en vertu de l'autorité dont nous avons été investi par Dieu, nous exhortons et prions notre très cher fils en Jésus-Christ Rodolphe, l'illustre roi des Romains devenu empereur, ainsi que les autres rois et princes, de même que les républiques, et nous leur recommandons, étant donné qu'ils nous ont vivement pressé d'accomplir cette œuvre si admirable, mais aussi, et même surtout, afin de maintenir entre les nations chrétiennes l'harmonie dans la célébration des fêtes, d'adopter eux-mêmes notre calendrier et de veiller à ce que tous leurs sujets l'adoptent respectueusement et s'y conforment scrupuleusement. [16] Comme il serait difficile toutefois de faire parvenir cette lettre à tous les pays du monde chrétien, nous ordonnons qu'elle soit rendue publique et affichée aux portes de la basilique du prince des apôtres et à celles de la Chancellerie apostolique, ainsi qu'à l'entrée du Campo dei Fiori; et que, chez tous les peuples et dans tous les pays, on accorde le même crédit absolu à des copies de cette lettre, même imprimées, accompagnées d'exemplaires du calendrier et du martyrologe mentionnés précédemment, à la fois signées de la main d'un notaire public et authentifiées du sceau d'un dignitaire de l'Église, que celui qui serait accordé par tous à la lettre originale affichée. [17] Qu'il soit donc interdit à tous sans exception d'enfreindre cet acte de nos prescription, ordonnance, décret, volonté, approbation, interdiction, suppression, abolition, exhortation et prière, ou de s'y opposer avec une audace téméraire. Si toutefois quelqu'un avait cette présomption, qu'il sache qu'il encourrait la colère du Tout-Puissant et de ses bienheureux apôtres Pierre et Paul. [18] Donné à Tusculum le sixième des calendes de mars de l'an 1581 de l'Incarnation, dixième de notre pontificat.