C'est la guerre. Peut-être mondiale. Sans doute mondiale. Elle l'est par ses implications qui mêlent plusieurs continents, par ses conséquences qui concernent l'ensemble de la communauté internationale, par ses objectifs, ses cibles qui symbolisent les pouvoirs de la première puissance de la planète sur le reste du monde, sa fierté, son orgueil, sa gloire: le quartier financier de New York, où trônaient les deux tours du World Trade Center, et, à Washington, le Pentagone, siège de l'armée américaine. C'est la guerre. Et non plus une guerre comme les autres, locales, régionales, parfois impliquant plusieurs pays mais jamais, comme autrefois les deux grandes guerres, la totalité des hommes et des femmes qui, de part et d'autre des océans, pleurent, s'inquiètent, tremblent. Ou se laissent aller à des manifestations de joie obscène. Il est trop tôt, à l'heure où s'écrivent ces lignes (mardi soir) que l'on pensait n'avoir jamais à écrire, pour répondre aux questions. Qui a déclaré cette guerre? Qui l'a savamment orchestrée, bénéficiant, pour parvenir a ses tristes fins, de complicités et de moyens considérables, inimaginables? Qui a donné l'ordre secret, dans quel pays, de quel bunker? Inutile de montrer du doigt un homme, un groupe, un pays, un mouvement international. Pour l'instant, à cette heure, l'ennemi sans visage n'a qu'un nom: terrorisme. Depuis des années, il tue, provoque des attentats aveugles, cherche à déstabiliser jusqu'à réussir ce coup de force et atteindre son but. Oui, le monde est aujourd'hui sous le choc, et les démocraties - c'est-à-dire pour les appeler autrement: les pays les plus riches, dont le nôtre, l'Europe et l'Amérique - ne savent que faire pour se protéger et riposter. En déclenchant l'apocalypse, les terroristes ont réussi par l'incroyable effet de surprise, qui, sans trop forcer la comparaison, rappelle l'attaque sur Pearl Harbor, à semer la panique sur tout le territoire des Etats-Unis et à paralyser - un temps - le gouvernement et les services de sécurité qui en dépendent. C'est une première bataille perdue par la Maison-Blanche et le peuple américain. Mais la réaction, sans qu'on puisse en deviner la forme, est certaine et attendue. La première puissance mondiale ne peut accepter d'être humiliée sur son sol. Elle contre-attaquera. Quand? Où? Comment? Cette guerre est la première de l'ère de la mondialisation. Cette nouvelle époque, pionnière, confuse et complexe, où s'opposent les intérêts contraires de l'hurnanité. C'est dans ces périodes de transition et d'incertitude, là où les siècles s'ouvrent, que les plus grandes menaces surgissent sans que l'on sache, faute de repères encore connus, comment les combattre. «Les démocraties doivent s'unir.» La première réaction des hommes d'Etat occidentaux, que résument ces mots de Jacques Chirac et de Tony Blair, est sincère et juste. Mais au-delà des alliances militaires et de l'indispensable - et aujourd'hui follement inexistante - coordination des actions menées contre le terrorisme international, cet appel à l'union et a la solidarité s'adresse à chacun d'entre nous, à tous ceux qui éprouvent cette impression, nouvelle et terrifiante, que, depuis ce mardi noir, la paix du monde est en jeu. C'est en ce sens, au nom de ce sentiment partagé par la communauté des hommes et des femmes, quelles que soient leur nationalité, leur race ou leur religion, que cette guerre déclarée à l'Amérique est mondiale. Elle désespère tout le monde. Sauf ceux qui l'ont déclarée.