[1] LES BIENS ET LES MAUX Les Maux, profitant de la faiblesse des Biens, les chassèrent. Ceux-ci montèrent au ciel. Là, ils demandèrent à Zeus comment ils devaient se comporter avec les hommes. Le dieu leur dit de se présenter aux hommes, non pas tous ensemble, niais l'un après l'autre voilà pourquoi les Maux, habitant près des hommes, les assaillent sans interruption, tandis que les Biens, descendant du ciel, ne viennent à eux qu'à de longs intervalles. L'apologue fait voir que le bien se fait attendre, mais que chaque jour chacun de nous est atteint par les maux. [2] LE MARCHAND DE STATUES Un homme, ayant fabriqué un Hermès de bois, l'apporta au marché et le mit en vente. Aucun acheteur ne se présentant, il se mit en tète d'en attirer en criant qu'il vendait un dieu pourvoyeur de biens et de profits. Un de ceux qui se trouvaient là lui dit : « Hé, l'ami, s'il est si bienfaisant, pourquoi le vends-tu, au lieu de tirer parti de ses secours ? — C'est que moi, répondit-il, j'ai besoin d'un secours immédiat, et que lui n'est jamais pressé de procurer ses bienfaits.» Cet apologue convient à un homme bassement intéressé et qui ne se soucie même pas des dieux. [3] L'AIGLE ET LE RENARD Un aigle et un renard, ayant fait amitié ensemble, décidèrent d'habiter l'un près de l'autre, dans la pensée que la cohabitation affermirait leur liaison. Et alors l'aigle prenant son essor s'établit sur un arbre très élevé et y fit sa couvée, tandis que le renard, se glissant dans le buisson qui était au pied de l'arbre, y déposa ses petits. Mais un jour que le renard était sorti pour chercher pâture, l'aigle à court de nourriture fondit sur le buisson, enleva les renardeaux et s'en régala avec ses petits. A son retour, le renard, voyant ce qui s'était passé, fut moins affligé de la mort de ses petits que de l'impossibilité de se venger ; en effet il ne pouvait, lui quadrupède, poursuivre un volatile. Il dut se contenter, seule ressource des impuissants et des faibles, de maudire son ennemi de loin. Or il arriva que l'aigle ne tarda pas à subir la punition de son crime contre l'amitié. Des gens sacrifiaient une chèvre à la campagne; l'aigle fondit sur l'autel, y ravit un viscère enflammé et l'apporta dans son nid. Or un vent violent s'étant mis à souffler fit flamber un vieux fétu, et par suite les aiglons furent brûlés, car ils étaient encore hors d'état de voler, et ils tombèrent sur le sol. Le renard accourut et sous les yeux de l'aigle les dévora tous. Cette fable montre que, si vous trahissez l'amitié, vous pourrez peut-être vous soustraire à la vengeance de vos dupes, si elles sont faibles ; mais qu'en tout cas vous n'échapperez pas à la punition du ciel. [4] L'AIGLE ET L'ESCARBOT Une aigle poursuivait un lièvre. Ce lièvre, se voyant dénué de tout secours, recourut au seul être que le hasard offrit à ses yeux ; c'était un escarbot; il le supplia de le sauver. L'escarbot le rassura, et, voyant approcher l'aigle, il la conjura de ne pas lui ravir son suppliant. Mais l'aigle, dédaignant sa petitesse, dévora le lièvre sous les yeux de l'escarbot. Dès lors l'escarbot, plein de rancune, ne cessa d'observer les endroits où l'aigle faisait son nid, et, quand elle couvait, il s'élevait en l'air, faisait rouler les oeufs et les cassait, tant qu'enfin pourchassée de partout, elle eut recours à Zeus (car c'est à Zeus que cet oiseau est consacré), et elle le pria de lui pro-curer un asile sûr pour y faire ses petits. Zeus lui permit de pondre dans son giron, 'nais l'escarbot avait vu la ruse : il fit une boulette de crotte, prit son essor, et, quand il fut au-dessus du giron de Zeus, il l'y laissa tomber. Zeus se leva pour secouer la crotte, et jeta les oeufs à terre sans y penser. Depuis ce temps-là, dit-on, pendant la saison où paraissent les escarbots, les aigles ne nichent plus. Cette fable apprend à ne mépriser personne; il faut se dire qu'il n'y a pas d'être si faible qui ne soit capable un jour de venger un affront. [5] L'AIGLE, LE CHOUCAS ET LE BERGER Un aigle, fondant d'une roche élevée, enleva un agneau. A cette vue, un choucas, pris d'émulation, voulut l'imiter. Alors, se précipitant à grand bruit, il s'abattit sur un bélier; mais ses griffes s'étant enfoncées dans les boucles de laine, il battait des ailes sans pouvoir s'en dépêtrer. Enfin le berger, s'avisant de la chose, accourut et le prit; puis il lui rogna le bout des ailes, et, quand vint le soir, il l'apporta à ses enfants. Ceux-ci lui demandant quelle espèce d'oiseau c'était, il répondit: « Autant que je sache, moi, c'est un choucas; mais, à ce qu'il prétend, lui, c'est un aigle. »C'est ainsi qu'à rivaliser avec les puissants non seulement vous perdez votre peine, mais encore vous faites rire de vos malheurs. [6] L'AIGLE AUX AILES ÉCOURTÉES ET LE RENARD Un jour un aigle fut pris par un homme. Celui-ci lui rogna les ailes et le lâcha dans sa basse-cour pour vivre avec la volaille. Alors l'oiseau baissait la tête et, de chagrin, ne mangeait plus : on l'eût pris pour un roi prisonnier. Mais un autre homme l'ayant acheté, lui arracha les plumes de l'aile, puis les fit repousser en en frottant la place avec de la myrrhe. Alors l'aigle, prenant l'essor, saisit un lièvre dans ses serres et le lui rapporta en présent. Un renard, l'ayant aperçu, lui dit : «Ce n'est pas à celui-ci qu'il faut le donner, mais à ton premier maître ; le deuxième en effet est naturellement bon ; tâche plutôt de te faire bien venir de l'autre, de peur qu'il ne te reprenne et ne t'arrache les ailes.» Cette fable montre qu'il faut généreusement payer de retour ses bienfaiteurs, et tenir prudemment les méchants à l'écart. (version B - traduction DDC) Un jour un aigle fut capturé par un homme qui lui pluma immédiatement les ailes pour le mettre dans le poulailler avec les volailles, puis s’en désintéressa. Tout triste l’aigle demeurait replié sur lui-même. Un autre homme le racheta qui lui rendit bientôt l’usage de ses ailes. Prenant son envol l’aigle enleva un lièvre qu’il rapporta immédiatement pour l’offrir à son bienfaiteur. Un renard, qui avait observé la scène, lui criait : « Ne fais pas de cadeau à celui-là, mais au premier, afin que si en chassant il t’attrape à nouveau, il ne te dépouille une fois encore de tes ailes » ! La fable démontre qu’il faut témoigner bien de la reconnaissance envers les bienfaiteurs et fuir les méchants. Commentaire (DDC) : Dans les deux versions la morale est curieusement en contradiction avec le récit. [7] L'AIGLE FRAPPÉ D'UNE FLÈCHE Un aigle s'était perché au faîte d'un rocher à l'affût des lièvres. Un homme le frappa d'une flèche, et le trait s'enfonça dans sa chair, et la coche avec ses plumes se trouva devant ses yeux. A cette vue, il s'écria : « C'est pour moi un surcroît de chagrin de mourir par mes propres plumes. » L'aiguillon de la douleur est plus poignant, quand nous sommes battus par nos propres armes. [8] LE ROSSIGNOL ET L'ÉPERVIER Un rossignol perché sur un chêne élevé chantait à son ordinaire. Un épervier l'aperçut, et, comme il manquait de nourriture, il fondit sur lui et le lia. Se voyant près de mourir, le rossignol le pria de le laisser aller, alléguant qu'il n'était pas capable de remplir à lui seul le ventre d'un épervier, que celui-ci devait, s'il avait besoin de nourriture, s'attaquer à des oiseaux plus gros. L'épervier répliqua : « Mais je serais stupide, si je lâchais la pâture que je tiens pour courir après ce qui n'est pas encore en vue. »Cette fable montre que chez les hommes aussi, ceux-là sont déraisonnables qui dans l'espérance de plus grands biens laissent échapper ceux qu'ils ont dans la main. [9] LE ROSSIGNOL ET L'HIRONDELLE L'hirondelle engageait le rossignol à loger sous le toit des hommes et à vivre avec eux, comme elle-même. Le rossignol répondit : « Je ne veux point raviver le souvenir de mes anciens malheurs : voilà pourquoi j'habite les lieux déserts. » Cette fable montre que l'homme affligé par quelque coup de la fortune veut éviter jusqu'au lieu où le chagrin l'a frappé. (Version B - traduction DDC) Une hirondelle approchait un rossignol pour lui proposer de nicher près d'elle. Mais tout en larmes il lui criait: Non! Comment pourrai-je, moi, faire cela ? Je revis les maux de mes aïeux, et c’est pour cela que je ne hanterai que des lieux solitaires. Ainsi, celui qu’un malheur afflige, fuit même l’endroit où il a été affligé. Commentaire DDC : La fable fait référence à la légende des deux sœurs Philomèle et Procné (Ovide, Mét. 412-674) transformées la première en rossignol, et sa sœur en hirondelle, (à moins que ce ne soit le contraire, comme hésite la tradition !), après leur vengeance atroce et sanglante sur Térée, amant de l’une, époux de l’autre. Cette version omet τοῖς ἀνθρώποις complément de ὁμόροφος, ce qui rend au premier abord moins compréhensible le refus du rossignol. Au lecteur de se rappeler que l’hirondelle niche dans des lieux habités ! Par ailleurs la réaction du rossignol est nettement plus appuyée que dans la version A, par l’emploi notamment du présent et de l’imparfait et le choix du vocabulaire, et sa réponse plus véhémente dans sa longueur. À noter qu’en grec les dénominations des deux oiseaux - ἀηδών/χελιδών- non seulement trisyllabiques et homéotéleutes, sont toutes deux aussi féminines, ce qui rend plus plausible la réaction si émotionnelle du rossignol. Avant de recevoir une conclusion morale, la fable expliquait la différence d’habitat des deux oiseaux. La conclusion est un peu en porte-à-faux puisqu’il s’agit de maux affligeant les ascendants du rossignol et non pas directement lui-même. [10] LE DÉBITEUR ATHÉNIEN A Athènes, un débiteur, sommé par son créancier de rembourser sa dette, le pria d'abord de lui accorder un délai, sous prétexte qu'il était gêné. Ne pouvant le persuader, il amena une truie, la seule qu'il possédât, et la mit en vente en présence du créancier. Un acheteur se présenta et demanda si la truie était féconde. « Oui, elle est féconde. répondit-il, elle l'est même extraordinairement : aux Mystères elle enfante des femelles, et aux Panathénées des mâles. » Comme l'acheteur était surpris de ce qu'il entendait, le créancier ajouta : « Cesse de t'étonner ; car cette truie te donnera aussi des chevreaux aux Dionysies. » Cette fable montre que beaucoup de gens n'hésitent pas, quand leur intérêt personnel est en jeu, à jurer même des choses impossibles. [11] LE NÈGRE Un homme avait acheté un nègre, s'imaginant que sa couleur venait de la négligence du précédent propriétaire. L'ayant emmené chez lui, il le soumit à tous les savonnages, il essaya tous les lavages pour le blanchir; mais il ne put modifier sa couleur, et il le rendit malade à force de soins. La fable fait voir que le naturel persiste tel qu'il s'est montré d'abord. [12] LA BELETTE ET LE COQ Une belette, ayant attrapé un coq, voulut donner une raison plausible pour le dévorer. En conséquence elle l'accusa d'importuner les hommes en chantant la nuit et en les empêchant de dormir. Le coq se défendit en disant qu'il le faisait pour leur être utile; car s'il les réveillait, c'était pour les rappeler à leurs travaux accoutumés. Alors la belette produisit un autre grief et l'accusa d'outrager la nature par les rapports qu'il avait avec sa mère et ses soeurs. Il répondit qu'en cela aussi il servait l'intérêt de ses maîtres, puisque grâce à cela les poules leur pondaient beaucoup d'oeufs. « Eh bien ! s'écria la belette, tu as beau être en fonds de belles justifications, moi je ne resterai pas à jeun pour cela, » et elle le dévora. Cette fable montre qu'une mauvaise nature, déterminée à mal faire, quand elle ne peut pas se couvrir d'un beau masque, fait le mal à visage découvert. [13] LE CHAT ET LES RATS Une maison était infestée de rats. Un chat, l'ayant su, s'y rendit, et, les attrapant l'un après l'autre, il les mangeait. Or les rats, se voyant toujours pris, s'enfonçaient dans leurs trous. Ne pouvant plus les atteindre, le chat pensa qu'il fallait imaginer quelque ruse pour les en faire sortir. C'est pourquoi il grimpa à une cheville de bois et, s'y étant suspendu, il contrefit le mort. Mais un des rats sortant la tête pour regarder, l'aperçut et dit : « Hé ! l'ami, quand tu serais sac, je ne t'approcherais pas. » Cette fable montre que les hommes sensés, quand ils ont éprouvé la méchanceté de certaines gens, ne se laissent plus tromper à leurs grimaces. [14] LA BELETTE ET LES POULES Une belette, ayant appris qu'il y avait des poules malades dans une métairie, se déguisa en médecin, et, prenant avec elle les instruments de l'art, elle s'y rendit. Arrivée devant la métairie, elle leur demanda comment elles allaient : a Bien, répondirent-elles, si tu t'en vas d'ici. » C'est ainsi que les hommes sensés lisent dans le jeu des des méchants, malgré toutes leurs affectations d'honnêteté. [15] LA CHÈVRE ET LE CHEVRIER Un chevrier rappelait ses chèvres à l'étable. L'une d'elles s'étant attardée à quelque friande pâture, le chevrier lui lança une pierre, et visa si juste qu'il lui cassa une corne. Alors il se mit à supplier la chèvre de ne pas le dire au maître. La chèvre répondit : « Quand bien même je garde-rais le silence, comment pourrais-je le cacher ? Il est visible à tous les yeux que ma corne est cassée.» Quand la faute est évidente, il est impossible de la dissimuler. [16] LA CHÈVRE ET L'ÂNE Un homme nourrissait une chèvre et un âne. Or la chèvre devint envieuse de l'âne, parce qu'il était trop bien nourri. Et elle lui dit : « Entre la meule à tourner et les fardeaux à porter, ta vie est un tourment sans fin, » et elle lui conseillait de simuler l'épilepsie, et de se laisser tomber dans un trou pour avoir du repos. Il suivit le conseil, se laissa tomber et se froissa tout le corps. Son maître ayant fait venir le vétérinaire, lui demanda un remède pour le blessé. Le vétérinaire lui prescrivit d'infuser le poumon d'une chèvre ; ce remède lui rendrait la santé. En conséquence on immola la chèvre pour guérir l'âne. Quiconque machine des fourberies contre autrui devient le premier artisan de son malheur. (Version B - traduction DDC) Quelqu’un élevait une chèvre et un âne. La chèvre se prit à envier l’âne qui était nourri si abondamment. Or comme si de rien n’était, elle lui prodiguait des conseils: « Tu subis d’interminables vexations ! Quand tu ne fais pas tourner la meule, c’est pour porter des charges ! Feins l’épilepsie et laisse-toi tomber dans la crevasse »! Se laissant convaincre, l’âne suivit alors ses instructions et se retrouvait tout disloqué ! Le propriétaire des deux bêtes appela le médecin en le priant de soigner l’âne. Ce médecin prescrivit de mélanger une potion préparée à base de poumon de chèvre. Ainsi l’âne recouvrirait la santé. C’est donc en sacrifiant la malheureuse chèvre, auteur de sa propre perte, qu’on soignait l’âne ! Quiconque ourdit une ruse contre autrui, provoque lui-même ses propres maux. Commentaire DDC : Les deux versions sont assez proches, la seconde reprenant textuellement des membres de phrases de la première, mais le récit est plus sec et plus pauvre en vocabulaire. [17] LE CHEVRIER ET LES CHÈVRES SAUVAGES Un chevrier, ayant mené ses chèvres au pâturage, s'aperçut qu'elles étaient mêlées à des chèvres sauvages, et, quand le soir tomba, il les poussa toutes dans sa grotte. Le lendemain un gros orage éclata. Ne pouvant les mener au pâturage habituel, il les soigna dedans ; mais il ne donna à ses propres chèvres qu'une poignée de fourrage, juste de quoi les empêcher de mourir de faim ; pour les étrangères, au contraire, il grossit la ration, dans le dessein de se les approprier elles aussi. Le mauvais temps ayant pris fin, il les fit toutes sortir dans le pâtis ; mais les chèvres sauvages, gagnant la montagne, s'enfuirent. Comme le berger les accusait d'ingratitude pour l'abandonner ainsi, après les soins particuliers qu'il avait pris d'elles, elles se retournèrent pour répondre : « Rai-son de plus pour nous d'être en défiance ; car si tu nous as mieux traitées, nous, tes hôtesses d'hier, que tes vieilles ouailles, il est évident que, si d'autres chèvres viennent encore à toi, tu nous négligeras pour elles.» Cette fable montre qu'il ne faut pas accueillir les protestations d'amitié de ceux qui nous font passer, nous, les amis de fraîche date, avant les vieux amis. Disons-nous que, quand notre amitié aura pris de l'âge, s'ils se lient avec d'autres, c'est ces nouveaux amis qui auront leurs préférences. [18] L'ESCLAVE LAIDE ET APHRODITE Une esclave laide et méchante était aimée de son maître. Avec l'argent qu'elle recevait de lui, elle s'ornait de brillantes parures et rivalisait avec sa propre maîtresse. Elle faisait de continuels sacrifices à Aphrodite et lui rendait grâces de la rendre belle. Mais Aphrodite apparut en songe à l'esclave et lui dit : « Ne me sache pas gré de te faire belle, car je suis fâchée et en colère contre cet homme à qui tu parais belle. » Il ne faut pas se laisser aveugler par l'orgueil, quand on s'enrichit par des moyens honteux, surtout quand on est sans naissance et sans beauté. [19] ÉSOPE DANS UN CHANTIER NAVAL Un jour Ésope le fabuliste étant de loisir entra dans un chantier de construction navale. Les ouvriers le raillèrent et le provoquèrent à la réplique. Alors Ésope leur dit : « Autrefois il n'y avait que le chaos et l'eau ; mais Zeus voulant faire apparaître un autre élément, la terre, l'engagea à avaler la mer par trois fois. La terre se mit à l'ouvre une première fois, et elle dégagea les montagnes; puis elle avala la mer une deuxième fois et mit à nu les plaines ; si elle se décide à absorber l'eau une troisième fois, votre art deviendra sans usage. » Cette fable montre qu'à railler plus fin que soi, on s'attire imprudemment des répliques d'autant plus cuisantes. [20] LES DEUX COQS ET L'AIGLE Deux coqs se battaient pour des poules; l'un mit l'autre en fuite. Alors le vaincu se retira dans un fourré où il se cacha, et le vainqueur s'élevant en l'air se percha sur un mur élevé et se mit à chanter à plein gosier. Aussitôt un aigle fondant sur lui l'enleva ; et le coq caché dans l'ombre couvrit dès lors les poules tout à son aise. Cette fable montre que le Seigneur se range contre les orgueilleux et donne la grâce aux humbles. [21] LES COQS ET LA PERDRIX Un homme qui avait des coqs dans sa maison, ayant trouvé une perdrix privée à vendre, l'acheta et la rapporta chez lui pour la nourrir avec les coqs. Mais ceux-ci la frappant et la pourchassant, elle avait le coeur gros, s'imaginant qu'on la rebutait, parce qu'elle était de race étrangère. Mais peu de temps après ayant vu que les coqs se battaient entre eux et ne se séparaient pas qu'ils ne se fussent mis en sang, elle se dit en elle-même : « Je ne me plains plus d'être frappée par ces coqs ; car je vois qu'ils ne s'épargnent pas même entre eux. » Cette fable montre que les hommes sensés supportent facilement les outrages de leurs voisins, quand ils voient que ceux-ci n'épargnent même pas leurs parents. (Version B - traduction DDC) : Un homme qui avait chez lui des coqs acheta aussi une perdrix qu’il laissa partager leur nourriture. Mais les coqs la frappaient et la chassaient. Désespérée, elle pensait que les coqs la maltraitaient ainsi parce qu’elle était d’une autre race. Or, peu de temps après, elle se rendit compte qu’eux-mêmes se battaient entre eux et échangeaient des coups. Libérée de son chagrin, elle dit : « Moi, je ne pleurerai plus sur mon sort actuel, maintenant que les vois se battre entre eux ». La fable démontre que les gens sensés endurent facilement les outrages des autres en voyant que ceux-ci n’épargnent même pas leurs proches. Commentaire DDC : La version B est moins explicite dans la description de l’acharnement cruel des coqs entre eux, mais insiste davantage sur les états d’âme de la perdrix. [22] LES PÊCHEURS ET LE THON Des pécheurs étant allés à la pêche avaient peiné longtemps sans rien prendre ; assis dans leur barque, ils s'abandonnaient au découragement. Juste à ce moment un thon qui était poursuivi et se sauvait à grand bruit, sauta par mégarde dans leur barque. Ils le prirent et l'emportèrent à la ville, où ils le vendirent. Ainsi souvent ce que l'art nous refuse, le hasard nous le donne gratuitement. (Version B - traduction DDC) : Des pêcheurs étaient partis pêcher. Mais en dépit de leurs longs efforts, ils n’avaient rien pris. Découragés, ils s’apprêtaient déjà à rentrer, quand un thon pourchassé par un poisson parmi les plus grands se dirigea vers leur barque. Ils le capturèrent et rentrèrent tout joyeux. La fable démontre que le hasard offre ce que le savoir-faire n’a pas procuré. Commentaire DDC : Encore une fois le récit se réduit sèchement à l’essentiel, notamment dans la description de l’attitude des pêcheurs. Le seul ajout précise qui poursuit le thon ! [23] LES PÉCHEURS QUI ONT PÉCHÉ UNE PIERRE Des pêcheurs trairaient une seine ; comme elle était lourde, ils se réjouissaient et dansaient, s'imaginant que la pêche était bonne. Mais quand ils eurent tiré la seine sur le rivage, ils y trouvèrent peu de poisson : c'étaient des pierres et autres matières qui la remplissaient. Ils en furent vive-ment contrariés, moins pour le désagrément qui leur arrivait que pour avoir préjugé le contraire. Mais l'un d'eux, un vieillard, leur dit : « Cessons de nous affliger, mes amis ; car la joie paraît-il, a pour soeur le chagrin; et il fallait qu'après nous être tant réjouis à l'avance, nous eussions de toute façon quelque contrariété. » Or donc nous non plus nous ne devons pas, si nous considérons combien la vie est changeante, nous flatter d'obtenir toujours les mêmes succès, mais nous dire qu'il n'y a si beau temps qui ne soit suivi de l'orage. (Version B - traduction DDC) : Des pêcheurs traînaient une seine. Qu’elle était lourde ! Ils se réjouissaient et dansaient, croyant leur prise abondante. Quand ils eurent fini de la tirer, ils n’y trouvèrent que quelques poissons : c’était une énorme pierre qu’ils avaient ramenée dans leur seine ! Les pêcheurs de laisser éclater une colère démesurée, pas tellement à cause de la rareté des poissons, mais pour s’être d’avance accrochés à l’idée contraire L’un d’eux, un homme âgé, déclara : « Amis, ne nous affligeons pas ! Car la joie, parait-il, a pour sœur le chagrin et, puisque nous nous sommes tellement réjouis, il fallait que de toute façon nous soyons un peu contrariés ». La fable démontre qu’il ne faut pas se laisser contrarier par les échecs quand on prend conscience des hasards de la vie. Commentaire DDC : Ce texte reprend textuellement des passages entiers de la version A. Le texte s’appauvrit quand il explique la raison de la colère des pêcheurs : si dans la version A apparaît alors ce qui sous-tend le récit, l’impuissance mal assumée des hommes devant les caprices du hasard, dans la version B la rareté de la prise ne fait pas le poids avec le constat qu’on fait d’office trop confiance aux idées préconçues. N’est pas explicite non plus, comme dans la version A, le lien entre grand âge et sagesse. Enfin la présentation de l’inévitable alternance entre joie et contrariété est nettement plus sommaire. [24] LE PÊCHEUR QUI JOUE DE LA FLÛTE Un pêcheur, habile à jouer de la flûte, prenant avec lui ses flûtes et ses filets, se rendit à la mer, et, se postant sur un rocher en saillie, il se mit d'abord à jouer, pensant que les poissons, attirés par la douceur de ses accords allaient d'eux-mêmes sauter hors de l'eau pour venir à lui. Mais comme, en dépit de longs efforts, il n'en était pas plus avancé, il mit de côté ses flûtes, prit son épervier, et, le jetant à l'eau, attrapa beaucoup de poissons. Il les sortit du filet et les jeta sur le rivage; et, comme il les voyait frétiller, il s'écria: « Maudites bêtes, quand je jouais de la flûte, vous ne dansiez pas ; à présent que j'ai fini, vous vous mettez en branle.» Cette fable s'applique à ceux qui agissent à contre-temps. [25] LE PÊCHEUR ET LES GROS ET LES PETITS POISSONS Un pêcheur, ayant retiré de la mer son filet de pêche, put capturer les gros poissons, qu'il étala sur le sol ; mais les petits. se glissant par les mailles, se sauvèrent dans la mer. Les gens d'une médiocre fortune se sauvent aisément; mais on voit rarement un homme qui jouit d'une grande renommée échapper aux périls. (Version B - traduction DDC) : Un pêcheur qui avait jeté son filet à la mer s’était emparé de très gros poissons et de tout petits. Il étendit son filet sur la grève…et le voilà dépouillé des menus poissons qui s’échappaient de partout par les trous du filet et se réfugiaient dans l’eau. Quant au pêcheur, il s’efforçait de contenir les plus gros, dédaignant les plus menus. Il est facile de trouver le salut pour les gens de peu d’importance, mais ceux qui brillent par leur réputation ne peuvent échapper qu’avec peine aux périls. Commentaire DDC : Dans la version A, le pêcheur joue un rôle actif dans le choix des poissons à garder et à rejeter tandis que dans le doublet les petits poissons sont les maîtres du jeu qui s’échappent en contrariant l’activité du pêcheur. Cette version B, tout en ayant perdu la saveur de certains détails s’adapte mieux à la conclusion. [26] LE PÉCHEUR ET LE PICAREL Un pêcheur, ayant laissé couler son filet dans la mer, en retira un picarel. Comme il était petit, le picarel supplia le pêcheur de ne point le prendre pour le moment, mais de le relâcher en considération de sa petitesse. « Mais quand j'au­rai grandi, continua-t-il, et que je serai un gros poisson, tu pourras me reprendre; aussi bien je te ferai plus de profit. — Hé mais ! répartit le pêcheur, je serais un sot de lâcher le butin que j'ai dans la main, pour compter sur le butin à venir, si grand qu'il soit. » Cette fable montre que ce serait folie de lâcher, sans espoir d'un profit plus grand, le profit qu'on a dans la main, sous prétexte qu'il est petit. (Version B - traduction DDC) : Un pêcheur lança son filet et ne ramena qu’un picarel. Celui-ci le supplia de le relâcher, puisque justement il était si petit, et de ne le prendre que quand il aurait grandi pour en tirer un plus grand profit. Le pêcheur lui répondit : « Mais je serais le plus grand idiot du monde si je négligeais le gain que j’ai en main pour poursuivre un espoir invisible ! » La fable démontre qu’il faut préférer le gain qui se présente, si petit soit-il, plutôt que celui qu’on escompte, même s’il est important. Commentaire DDC : Le récit s’est desséché en rapportant les propos du picarel en discours indirect. La réplique du pêcheur met seulement en balance un gain présent et un gain envisageable dans le futur, et non pas leur importance, autrement dit « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Dans la version A, la morale est une périphrase de la réponse du pêcheur et a pu être ressentie comme une insistance inutile par l’auteur du doublet, qui cite presque textuellement comme morale la réponse du pêcheur au picarel dans la version A. On peut établir une comparaison avec "Le Rossignol et l’épervier" (8). [27] LE PÉCHEUR QUI BAT L'EAU Un pêcheur pêchait dans une rivière. Il avait tendu ses filets, et en avait barré le courant d'une rive à l'autre ; puis ayant attaché une pierre au bout d'une corde de lin, il en battait l'eau, pour que les poissons affolés se jetassent en fuyant dans les mailles du filet. Un des habitants du voisinage, le voyant faire, lui reprocha de troubler la rivière et de les forcer à boire de l'eau trouble. Il répondit : « Mais si la rivière n'est pas ainsi troublée, force me sera à moi de mourir de faim. » Il en est ainsi dans les États : les démagogues y font d'autant mieux leurs affaires qu'ils ont jeté leur pays dans la discorde. (Version B - traduction DDC) : Un pêcheur dans une rivière pêchait. Il y avait tendu ses filets et contenait le courant d’une rive à l’autre. Ayant attaché une pierre au bout d’un lacet, le voilà qui battait l’eau afin que les poissons dans leur fuite éperdue tombent dans ses nasses. Un des habitants des alentours le surprenant en train de faire ainsi, lui reprochait de polluer le fleuve et les empêcher de boire une eau limpide. Et lui de rétorquer : « Mais si le fleuve n’est pas troublé comme je le fais, il me faudra tomber mort de faim » ! La fable démontre que les démagogues des cités, eux aussi, sont particulièrement actifs lorsqu’ils poussent leurs patries à la sédition. Commentaire DDC : Cette version reprend textuellement quelques phrases de son modèle en les simplifiant à l’occasion, p. ex. en remplaçant dans une hypothétique l’éventuel par le réel (εἰ μὴ οὕτως ὁ ποταμὸς ταράττεται...δεήσει reprenant ἐὰν μὴ ταράσσηται...δεήσει). Dans une version comme dans l’autre la conclusion s’accorde plutôt laborieusement au récit. [28] L'ALCYON L'alcyon est un oiseau qui aime la solitude et qui vit constamment sur la mer. On dit que, pour se garder contre les hommes qui le chassent, il niche dans les rochers du rivage. Or un jour un alcyon qui allait couver monta sur un promontoire, et, apercevant un rocher qui surplombait la mer, y fit son nid. Mais un jour qu'il était sorti pour aller à la pâture, il arriva que la mer, soulevée par une bourrasque, s'éleva jusqu'au nid, le couvrit d'eau et noya les petits. Quand l'alcyon fut de retour et vit ce qui était arrivé, il s'écria : « Que je suis malheureux, moi qui, me méfiant des embûches de la terre, me suis réfugié sur cette mer, pour y trouver encore plus de perfidie ! » C'est ainsi que certains hommes, qui se tiennent en garde contre leurs ennemis, tombent, sans qu'ils s'en doutent, sur des amis beaucoup plus dangereux que leurs ennemis. [29] LES RENARDS AU BORD DU MÉANDRE Un jour des renards se rassemblèrent sur les bords du Méandre, dans l'intention de s'y désaltérer. Mais, comme l'eau coulait en grondant, ils avaient beau s'exciter les uns les autres, ils n'osaient s'y aventurer. Alors l'un d'eux, prenant la parole pour humilier les autres, se moqua de leur couardise. Quant à lui, se vantant d'être plus brave que les autres, il sauta hardiment dans l'eau. Comme le courant l'entraînait vers le milieu, les autres, postés sur la berge, lui crièrent : « Ne nous abandonne pas, reviens, et montre-nous le passage par où nous pourrons boire sans danger. » Et lui, emporté par le courant, répondit : « J'ai un message pour Milet, et je veux l'y porter ; à mon retour je vous ferai voir le passage.» Ceci s'applique à ceux qui par fanfaronnade se mettent eux-mêmes en danger. [30] LE RENARD AU VENTRE GONFLÉ Un renard affamé, ayant aperçu dans le creux d'un chêne des morceaux de pain et de viande que des bergers y avaient laissés, y pénétra et les mangea. Mais son ventre s'étant gonflé, il ne put sortir et se mit à gémir et à se lamenter. Un autre renard, qui passait par là, entendit ses plaintes et s'approchant lui en demanda la cause. Quand il sut ce qui était arrivé : « Eh bien ! dit-il, reste ici jusqu'à ce que tu redeviennes tel que tu étais en y entrant, et alors tu en sortiras facilement. » Cette fable montre que le temps résout les difficultés. [31] LE RENARD ET LA RONCE Un renard, franchissant une clôture, glissa, et se voyant sur le point de tomber, saisit une ronce pour s'aider de son secours. Les épines de la ronce lui ayant mis les pattes en sang, il eut mal et lui dit : « Hélas ! j'ai eu recours à toi pour m'aider, et tu m'as mis plus mal en point. - Eh bien ! tu t'es fourvoyé, l'ami, dit la ronce, en voulant t'accrocher à moi qui ai l'habitude d'accrocher tout le monde. » Cette fable montre que chez les hommes aussi ceux-là sont des sots qui ont recours à l'aide de ceux que leur instinct porte plutôt à faire du mal. (Version B - traduction DDC) : Un renard qui avait escaladé une clôture et allait en tomber, s’accrocha à une ronce. Il eut la peau éraflée. En proie à la hargne, le voilà qui s’en prenait à la ronce de l’avoir mis plus mal en point, lui qui s’était réfugié auprès d’elle pour se faire aider. La ronce répliqua « Dis donc toi, tu t’es trompé dans tes méninges, en voulant t’accrocher à moi ! D’habitude, c’est moi qui m’accroche à tout» ! Ainsi parmi les hommes, bien sots sont ceux qui recherchent l’aide de personnes portées naturellement à nuire. Commentaire DDC : Si la version B recopie entièrement ou partiellement certaines phrases de son modèle, elle est plus faible sur le plan descriptif : la blessure du renard est décrite avec force détails dans la version A au point que c’est la souffrance qui déclenche-en style direct- ses lamentations. Les dégâts sont moindres dans la version B où le ressentiment mentionné en style indirect l’emporte sur la douleur. Il est piquant dans les deux récits que le renard, animal malin et rusé par excellence, passe pour un idiot. [32] LE RENARD ET LES RAISINS Un renard affamé, voyant des grappes de raisin pendre à une treille, voulut les attraper ; mais ne pouvant y parvenir, il s'éloigna en se disant à lui-même : « C'est du verjus. » Pareillement certains hommes, ne pouvant mener à bien leurs affaires, à cause de leur incapacité, en accusent les circonstances. (Version B - traduction DDC) : Un renard avait vu dans une corbeille suspendue des raisins mûrs et voulait en manger, mais comme ils se trouvaient assez haut, il n’arrivait pas à les manger. Une souris l’avait surpris qui lui dit en riant sous cape: « Tu ne manges rien ? Le renard ne voulant pas laisser le dernier mot à la souris « Ils sont encore verts ! » lui dit-il. La fable prouve que les méchants ne veulent pas non plus reconnaître ce qui relève du bon sens. Commentaire DDC : L’auteur de la version B a cru bon d’introduire une souris comme témoin. Curieusement il ne fait pas mention de la faim qui pousse le renard à manger des raisins, un mets curieux pour pareil animal et, pour renforcer l’effet de la piteuse réaction du renard, il précise que les raisins sont mûrs ! La version A présente finement le renard comme n’acceptant pas sa propre faiblesse et se trompant lui-même dans son monologue intérieur. Ici la susceptibilité du renard n’accepte pas la douce moquerie d’une souris narquoise, un être si inférieur. Il est sans doute le seul à croire à la pertinence de son argument d’autorité. Le style est assez peu soigné [33] LE RENARD ET LE DRAGON {Il y avait un figuier près d'une route.} Un renard, ayant aperçu un dragon endormi, envia sa longueur, et, voulant l'égaler, il se coucha près de lui et essaya de s'allonger, jusqu'à ce que, outrant son effort, l'imprévoyant animal creva. C'est le cas de ceux qui rivalisent avec de plus forts qu'eux : ils crèvent eux-mêmes, avant de pouvoir les atteindre. [34] LE RENARD ET LE BÛCHERON Un renard qui fuyait devant des chasseurs aperçut un bûcheron, et le supplia de lui trouver une cachette. Celui-ci l'engagea à entrer dans sa cabane et à s'y cacher. Quelques instants après les chasseurs arrivèrent et demandèrent au bûcheron s'il n'avait pas vu un renard passer par là. De la voix il répondit qu'il n'en avait pas vu; mais de la main il fit un geste pour indiquer où il était caché. Les chasseurs ne prirent pas garde au geste, mais s'en rapportèrent aux paroles; et le renard, les voyant s'éloigner, sortit et s'en alla sans mot dire. Comme le bûcheron lui reprochait que, sauvé par lui, il ne lui témoignait même pas d'un mot sa reconnaissance, le renard répondit : « Je t'aurais dit merci, si tes gestes et tes procédés s'accordaient avec tes discours. » On pourrait appliquer cette fable aux hommes qui font hautement profession de vertu et en fait se conduisent en coquins. [35] LE RENARD ET LE CROCODILE Le renard et le crocodile contestaient de leur noblesse. Le crocodile s'étendit longuement sur l'illustration de ses aïeux et finit par dire que ses pères avaient été gymnasiarques. « Tu peux t'épargner la peine de le dire, répliqua le renard : ta peau fait assez voir que depuis de longues années tu es rompu aux exercices du gymnase. » Il en est de même chez les hommes : les menteurs sont con-fondus par les faits. (Version B - traduction DDC) : Un renard et un crocodile se disputaient au sujet de la noblesse de leurs familles. Le crocodile exposait force faits brillants qui faisaient la gloire de ses ancêtres. « Des gymnasiarques » ! disait-il. Le renard répondit : « Mais mon cher » dit-il, « même si tu ne m’en parles pas, il est évident que, rien que d’après ta peau, ta formation au gymnase remonte à la nuit des temps ». La fable démontre que les faits confondent les menteurs. Commenatire DDC : Deux versions assez proches, la seconde reprenant des passages complets de son modèle. La première mettant mieux en évidence la profession de gymnasiarques des ascendants du saurien, la B remplace avec bonheur ἀπὸ πολλῶν ἑτῶν par ἐκ παλαιῶν ἐτῶν. [36] LE RENARD ET LE CHIEN Un renard s'étant glissé dans un troupeau de moutons, prit un des agneaux à la mamelle et fit semblant de le caresser. Un chien lui demanda : « Que fais-tu là ? - Je le cajole, dit-il, et je joue avec lui. — Lâche-le tout de suite, s'écria le chien ; sinon, je vais te faire des caresses de chien.» La fable s'applique au fourbe et au voleur maladroit. [37] LE RENARD ET LA PANTHÈRE Le renard et la panthère contestaient de leur beauté. La panthère vantait à tous coups la variété de son pelage. Le renard prenant la parole dit : « Combien je suis plus beau que toi, moi qui suis varié, non de corps, mais d'esprit. » Cette fable montre que les ornements de l'esprit sont préférables à la beauté du corps. [38] LE RENARD ET LE SINGE ÉLU ROI Le singe, ayant dansé dans une assemblée des bêtes et gagné leur faveur, fut élu roi par elles. Le renard en fut jaloux et, ayant vu un morceau de viande dans un lacs, il y mena le singe en lui disant qu'il avait trouvé un trésor, mais qu'au lieu d'en user lui-même, il le lui avait gardé, comme étant un apanage de la royauté, et il l'engagea à le prendre. Le singe s'en approcha étourdiment et fut pris au lacs. Comme il accusait le renard de lui avoir tendu un piège, celui-ci répliqua : « O singe, sot comme tu es, tu veux régner sur les bêtes ! » C'est ainsi que ceux qui se lancent inconsidérément dans une entreprise, non seulement échouent, mais encore prêtent à rire. (Version B - traduction DDC) : Devant l’assemblée des animaux -privés de raison !-, le singe avait dansé et s’était fait acclamer. Ainsi fut-il élu leur roi à main levée. Le renard se prit à le jalouser. Or il avait vu de la viande placée dans un piège. Il y amena donc le singe tout en lui disant qu’il avait trouvé un trésor, mais qu’il n’en disposait pas selon la loi à cause de son élection au trône. Au contraire, il le lui avait réservé comme apanage de sa royauté. Il l’engageait aussi à s’en saisir lui-même. L’autre s’approcha sans réfléchir et le piège se referma sur lui. Le singe alors d’accuser le renard de l’avoir enjôlé et attiré dans le piège. « C’est à cause d’une folie comme la tienne que tu règnes sur des êtres privés de raison» ! La fable démontre qu’ainsi ceux qui s’engagent inconsidérément dans des entreprises s’exposent à l’échec et au ridicule. Commentaire DDC : Les deux versions ne sont pas très différentes, si ce n’est que dans la première le singe se rend de lui-même vers le soi-disant trésor. Les deux versions insistent en désignant les animaux par ἄλογα ζῷα sur la bêtise du singe si fier de son titre. On peut se demander si cette appellation inclut le renard. [39] LE RENARD ET LE SINGE DISPUTANT DE LEUR NOBLESSE Le renard et le singe voyageant de compagnie disputaient de leur noblesse. Tandis que chacun d'eux détaillait ses titres tout au long, ils arrivèrent en un certain endroit. Le singe y tourna ses regards et se mit à soupirer. Le renard lui en demanda la cause. Alors le singe lui montrant les tombeaux répondit : « Comment ne pas pleurer, en voyant les cippes funéraires des affranchis et des esclaves de mes pères ? — Oh ! dit le renard, tu peux mentir à ton aise : aucun d'eux ne se lèvera pour te démentir ». Il en est ainsi des hommes : les menteurs ne se vantent jamais plus que quand il n'y a personne pour les confondre. [40] LE RENARD ET LE BOUC Un renard étant tombé dans un puits se vit forcé d'y rester. Or un bouc pressé par la soif étant venu au même puits, aperçut le renard et lui demanda si l'eau était bonne. Le renard, faisant contre mauvaise fortune bon coeur, fit un grand éloge de l'eau, affirmant qu'elle était excellente, et il l'engagea à descendre. Le bouc descendit à l'étourdie, n'écoutant que son désir. Quand il eut étanché sa soif, il se consulta avec le renard sur le moyen de remonter. Le renard prit la parole et dit : « J'ai un moyen, pour peu que tu désires notre salut commun. Veuille bien appuyer tes pieds de devant contre le mur et dresser tes cornes en l'air; je remonterai par là, après quoi je te reguinderai, toi aussi ». Le bouc se prêta avec complaisance à sa proposition, et le renard, grimpant lestement le long des jambes, des épaules et des cornes de son compagnon, se trouva à l'orifice du puits, et aussitôt s'éloigna. Comme le bouc lui reprochait de violer leurs conventions, le renard se retourna et dit : « Hé ! camarade, si tu avais autant d'idées que de poils au menton, tu ne serais pas descendu avant d'avoir examiné le moyen de remonter. » C'est ainsi que les hommes sensés ne doivent entreprendre aucune action, avant d'en avoir examiné la fin. (Version B - traduction DDC) : Un bouc qui commençait à avoir soif à cause de la chaleur descendit tout au fond d’un puits pour en boire l’eau. Abreuvé, le bouc n’arrivait pas à remonter et tout en s’en rendant compte après coup, il cherchait de l’aide pour remonter de cette profondeur. Le renard l’avait observé de loin, et riant sous cape, lui tenait ces propos : « Pauvre imbécile ! Comme tu as l’esprit lent ! Si tu étais aussi intelligent que ta barbe est poilue, tu ne serais pas descendu sans avoir compris qu’il n’y avait pas moyen de remonter ! » Ainsi en est-il des hommes de bon sens : ils doivent d’abord examiner l’aboutissement de leurs projets, et ensuite seulement les mettre en œuvre. Commentaire DDC : Une réduction drastique a été opérée du récit qui perd, le renard étant réduit au rôle de spectateur caustique et moralisateur, toute la saveur de l’échange entre les deux prisonniers du puits. Peut-être l’auteur s’est il interrogé sur la raison de la chute du renard dans le puits sobrement évoquée dans la version A et est-il arrivé à la conclusion que c’était pour la même raison que le bouc, ce qui est gênant pour un animal traditionnellement perçu comme intelligent, et ce d’autant plus qu’il fait au bouc la leçon dans ce sens! [41] LE RENARD ÉCOURTÉ Un renard, ayant eu la queue coupée par un piège, en était si honteux qu'il jugeait sa vie impossible ; aussi résolut-il d'engager les autres renards à s'écourter de même, afin de cacher dans la mutilation commune son infirmité personnelle. En conséquence il les assembla tous et les engagea à se couper la queue, disant que c'était non seulement un enlaidissement, mais encore un poids inutile que cet appendice. Mais un des renards prenant la parole dit : « Hé ! camarade, si ce n'était pas ton intérêt, tu ne nous aurais pas donné ce conseil. » Cette fable convient à ceux qui donnent des conseils à leur prochain, non par bienveillance, mais par intérêt personnel. (Version B - traduction DDC) : Un renard pris dans un piège avait eu la queue coupée en s’en échappant. Jugeant que la honte lui rendait la vie insupportable, il résolut d’inspirer la même mutilation aux autres renards pour noyer dans cette expérience commune sa propre honte. Les ayant tous réunis, il les engageait à se couper la queue en décrivant ce membre non seulement comme malséant, mais comme un poids superflu à traîner. L’un d’eux lui objecta : « Dis donc toi, si n’y allait pas de ton intérêt, tu ne nous conseillerais pas la même chose» ! La fable démontre que les gens pervers ne donnent pas de conseils à leurs proches par bienveillance, mais pour leur propre intérêt. Commentaire DDC : Les deux versions sont très proches, la seconde décrivant davantage la séquence du renard pris au piège et sa décision d’influencer ses congénères. [42] LE RENARD QUI N'AVAIT JAMAIS VU DE LION Un renard n'avait jamais vu de lion. Or le hasard le mit un jour en face de ce fauve. Comme il le voyait pour la première fois, il eut une telle trayeur qu'il faillit en mourir. L'ayant rencontré une deuxième fois, il eut peur encore, mais pas autant que la première fois. Mais à la troisième fois qu'il le vit, il s'enhardit jusqu'à s'en approcher et à causer avec lui. Cette fable montre que l'accoutumance adoucit même les choses effrayantes. (Version B - traduction DDC) : Lorsqu’un renard qui n’avait jamais vu de lion, par hasard en croisa un, il eut cette première fois si peur qu’il se sentit à deux doigts de mourir. Lorsqu’il le croisa une deuxième fois, il eut peur, mais certes pas autant que la première. Le croisant une troisième fois, il résista si bien à sa peur qu’il s’avança vers lui pour engager la conversation. La fable démontre que l’accoutumance rend accessibles les situations effrayantes. Commentaire DDC : La différence entre les deux versions se marque par l’appauvrissement du style dans la version B. [43] LE RENARD ET LE MASQUE Un renard s'étant glissé dans la maison d'un acteur, fouilla successivement toutes ses hardes, et trouva, entre autres objets, une tête de masque artistement travaillée. Il la prit dans ses pattes et dit : « Oh ! quelle tête ! mais elle n'a pas de cervelle. » Cette fable convient aux hommes magnifiques de corps, mais pauvres de jugement. (Version B - traduction DDC) : Un renard était entré dans l’atelier d’un statuaire et y fouinait à la recherche de tout ce qui s’y trouvait, quand il découvrit un masque de tragédien et le souleva. «Pareille tête n’a pas de cervelle !» dit-il. Le récit s’applique parfaitement à un homme qui en impose par son bel aspect tout en étant incapable de réfléchir. Commentaire DDC : La traduction littérale du titre de la fable devrait être «Le Renard devant l’épouvantail », ce qui nous renvoie à la version A où le renard curieux découvre un masque d’épouvantail chez un acteur. Outre le changement de décor dans la B, son auteur fait à nouveau l’impasse sur les détails, notamment la brève mais éloquente description du masque, dont la beauté suscite précisément l’exclamation du renard et annonce la morale. [44] LES DEUX HOMMES QUI DISPUTENT DES DIEUX Deux hommes disputaient qui des deux dieux, Thésée ou Hercule, était le plus grand. Mais les dieux, s'étant mis en colère contre eux, se vengèrent chacun sur le pays de l'autre. Les querelles des subordonnés excitent les mitres à la colère contre leurs sujets. [45] LE MEURTRIER Un homme qui venait de commettre un assassinat était poursuivi par les parents de sa victime. Étant arrivé au bord du Nil, il rencontra un loup; il eut peur et monta sur un arbre de la rive, où il se cacha. Mais là il aperçut un dragon qui montait vers lui ; alors il se laissa choir dans le fleuve ; mais dans le fleuve un crocodile le dévora. La fable montre qu'aucun élément, ni la terre, ni l'air, ni l'eau, n'offre de sûreté aux criminels poursuivis par les dieux. (Version B - traduction DDC) : Un homme qui venait de perpétrer un meurtre était poursuivi par les parents de la victime. Arrivé au bord du Nil, il tomba sur un lion. Pris de panique, il grimpa dans un arbre où il vit un serpent. Plus mort que vif, il se jeta dans le fleuve. Dans le fleuve un crocodile s’en régala. En ce qui concerne les meurtriers, le récit démontre que ni la terre ni l’air ni l’eau ni nul autre endroit ne les mettra à l’abri. Commentaire DDC : Comme toujours l’argument est ramené à l’essentiel,- le récit de la fuite tenant en une seule phrase,-et des détails imagés se perdent. On appréciera quand même que le loup de la version A soit remplacé par un lion, animal plus plausible dans le contexte africain. S’ajoutent des négligences de style, particulièrement quand l’auteur, sans se soucier d’une répétition reprend telle quelle la phrase : Ἐν δὲ τῷ ποταμῷ κροκόδειλος τοῦτοω κατεθοινήσατο, qui débute comme se termine la précédente. Enfin est aussi passée sous silence la malédiction (τοῖς ἐναγέσιν) qui dans la version A marque le meurtrier, ce qui explique qu’il tombe d’un piège dans un autre. [46] L'HOMME QUI PROMET L'IMPOSSIBLE Un homme pauvre était malade et mal en point. Comme les médecins désespéraient de le sauver, il s'adressa aux dieux, promettant de leur offrir une hécatombe et de leur consacrer des ex-voto, s'il se rétablissait. Sa femme, qui se trouvait justement près de lui, lui demanda : « Et où prendras-tu de quoi payer tout cela? — Penses-tu donc, répondit-il, que je vais me rétablir pour que les dieux me le réclament? » Cette fable montre que les hommes font facilement des promesses qu'ils n'ont pas l'intention de tenir effectivement. (Version B - traduction DDC) : Quand, malade et mal en point, un pauvre se mit à désespérer des médecins, à qui il n’avait rien à donner, il invoquait les dieux et leur faisait des promesses : « Ô dieux illustres et très grands, si vous me redonnez la santé, je vous apporterai cent bœufs en sacrifice. Sa femme alors de lui demander : « Avec quel argent payeras-tu cela, s’il t’arrive de guérir » ? « Crois-tu, dit-il, que je me rétablirais pour que les dieux me le réclament » ? La fable démontre que beaucoup d’hommes font clairement des promesses, mais n’ont pas l’intention de les concrétiser. Commentaire DDC : Assez proches l’une de l’autre, les deux versions se différencient quelque peu dans le choix du vocabulaire. D’autre part, cette version-ci lie explicitement au manque d’argent le désespoir de l’homme devant la démission des médecins, ce qui ne rend sa promesse que plus chimérique. [47] LE LÂCHE ET LES CORBEAUX Un homme lâche partait pour la guerre; mais ayant entendu croasser des corbeaux, il posa ses armes et ne bougea plus ; puis il les reprit et se remit en marche. Mais les corbeaux croassant de nouveau, il s'arrêta, et à la fin il leur dit : «Libre à vous de crier aussi fort que vous pourrez ; mais vous ne goûterez pas à ma chair.» Cette fable vise les poltrons. [48] L'HOMME MORDU PAR UNE FOURMI ET HERMÈS Un jour un vaisseau ayant coulé à fond avec ses passagers, un homme, témoin du naufrage, prétendait que les arrêts des dieux étaient injustes, puisque, pour perdre un seul impie, ils avaient fait périr aussi des innocents. Tandis qu'il parlait ainsi, comme il y avait beaucoup de fourmis à l'en-droit on il se trouvait, il arriva qu'une d'elles le mordit, et lui, pour avoir été mordu par une seule, les écrasa toutes. Alors Hermès lui apparut, et le frappant de son caducée, lui dit : « Et maintenant tu n'admettras pas, toi, que les dieux jugent les hommes comme tu juges les fourmis » Ne blasphémez pas contre les dieux, quand il arrive un malheur; examinez plutôt vos propres fautes. [49] LE MARI ET LA FEMME ACARIÂTRE Un homme avait une femme qui était rude à l'excès envers tous les gens de la maison. Il voulut savoir si elle avait la même humeur envers les domestiques de son père, et il l'envoya chez lui sous un prétexte spécieux. Quand, après quelques jours, elle fut de retour, il lui demanda comment les gens de sa maison l'avaient reçue. « Les bouviers, répondit-elle, et les bergers me regardaient de travers. — Eh bien ! femme, reprit-il, si tu étais mal vue de ceux qui sortent les troupeaux au point du jour et ne rentrent que le soir, que devait-ce être de ceux avec qui tu passais tout le jour ? » C'est ainsi que souvent les petites choses font connaître les grandes, et les choses visibles, les choses cachées. (Version B - traduction DDC) : Un mari dont la femme se faisait haïr par tout le personnel voulut savoir si elle se comportait aussi de cette façon avec la domesticité de sa famille. C’est donc bien pourquoi il trouva un bon prétexte pour la faire séjourner chez son père. Elle revint à peine quelques jours plus tard. Lui alors de s’informer comment cela s’était passé avec le personnel de là-bas. Elle lui dit « Les bouviers et les bergers me regardaient de travers» ! Il lui rétorqua : « Mais, ma chère, si tu es odieuse à ceux qui font sortir les troupeaux aux aurores et ne les font rentrer que le soir, à quoi faut-il t’attendre de la part de ceux avec qui tu passais toute la journée » ? La fable démontre qu’ainsi on découvre souvent ce qui est important à partir de petits détails et ce qui est invisible à partir de ce qui est bien visible. Commentaire DDC : Les deux versions ne diffèrent que par quelques variantes de vocabulaire. [50] LE FOURBE Un fourbe s'était engagé envers quelqu'un à prouver que l'oracle de Delphes était menteur. Au jour fixé, il prit dans sa main un petit moineau, et, le cachant sous son manteau, se rendit au temple. Là, se plaçant en face de l'oracle, il demanda si l'objet qu'il tenait dans sa main était vivant ou inanimé. Il voulait, si le dieu répondait « inanimé », faire voir le moineau vivant ; s'il disait « vivant », présenter le moineau, après l'avoir étranglé. Mais le dieu, reconnaissant son artificieuse intention, répondit : « Assez, l'homme ; car il dépend de toi que ce que tu tiens soit mort ou vivant. » Cette fable montre que la divinité défie toute surprise. (Version B - traduction DDC) : Un fourbe venait trouver l’Apollon de Delphes dans l’intention de le mettre à l’épreuve. Pour ce faire il prit dans sa main un moineau qu’il dissimula sous ses vêtements. Il s’arrêta tout près du trépied pour interroger le dieu en ces termes : « Apollon, ce que je tiens entre mes mains est-il encore en vie ou sans vie »? Il avait l’intention, si le dieu disait « sans vie » de lui mettre sous les yeux le moineau vivant, mais s’il disait « en vie » d’étouffer le moineau pour le lui présenter mort. Or le dieu, saisissant son dessein vicieux, répliqua : « Dis donc toi, que ce soit l’une ou l’autre chose, fais celle que tu veux faire ! Cela ne dépend que de toi de me montrer vivant ou mort ce que tu renfermes entre tes mains ». La fable démontre que la divinité ne se laisse pas tromper et qu’on ne peut rien lui cacher. Commentaire DDC : L’argument est un peu différent de la version A puisque le fourbe ne fait avec personne le pari de confondre le dieu. Sur le plan de l’expression, le fabuliste a fait un véritable exercice de vocabulaire dans la recherche des synonymes et sa conclusion insiste surtout sur l’infaillibilité et l’omniscience de la divinité tandis que la version A présente une conclusion plus évasive.