[0] SECONDES ACADEMIQUES A. M. TERENTIUS VARRON - LIVRE PREMIER. [1] I. J'étais dans ma campagne de Cumes, en compagnie de mon cher Atticus, quand M. Varron me fit annoncer qu'il était arrivé de Rome la veille au soir, et que, n'eût été la fatigue de la route, il serait venu incontinent nous trouver. A cette nouvelle, nous décidâmes qu'il ne fallait mettre aucun retard à voir un homme avec qui nous étions liés par la communauté de nos études et par une vieille amitié. Sur-le-champ, nous nous mîmes en route pour le joindre; nous étions encore à quelque distance de sa villa, lorsque nous le vîmes qui venait à nous; nous lui donnâmes le baiser d'amis, et le reconduisîmes chez lui. Il nous restait à faire un chemin assez long. Je demandai d'abord à Varron s'il y avait à Rome quelque chose de nouveau; mais bientôt Atticus nous interrompit : Laissez là, me dit-il, je vous en conjure, un sujet sur lequel on ne peut rien demander et rien apprendre sans douleur; et que Varron vous dise plutôt ce qu'il y a de nouveau chez lui. Les muses de notre ami gardent un silence plus long que de coutume; et pourtant, à ce que je crois, il n'a pas cessé d'écrire; mais il nous cache ce qu'il fait. — Point du tout, dit Varron; ce serait, selon moi, une folie que de faire des livres pour les cacher. Mais j'ai un grand ouvrage sur le métier; il y a déjà longtemps que j'ai mis le nom de cet ami (c'est de moi qu'il parlait) en tète d'un travail assez considérable, et que je tiens à exécuter avec le plus grand soin. — Il y a longtemps aussi, lui dis-je, que j'attends cet ouvrage, et cependant je n'ose pas le réclamer; car j'ai appris de notre ami Libon, dont vous connaissez le zèle pour les lettres (ce sont là des choses qu'on ne peut cacher), que vous n'interrompez pas un seul moment ce travail, que vous y employez tous vos soins , et que jamais il ne quitte vos mains. Mais il est une demande que jusqu'ici je n'avais jamais songé à vous faire, et que je vous ferai, maintenant que j'ai entrepris d'élever quelque monument à ces études qui m'ont été communes avec vous, et d'introduire dans notre littérature latine cette ancienne philosophie, fille de Socrate. Pourquoi, dites-moi, vous qui écrivez sur tant de sujets, ne traitez-vous pas celui-là, surtout lorsque vous y excellez, et que ce genre d'études et la philosophie entière l'emportent tellement sur toutes les autres études et occupations de l'esprit? [2] II. Vous me parlez là, dit Varron, d'une chose sur laquelle j'ai souvent délibéré, et que j'ai fort agitée en moi-même. C'est pourquoi je répondrai sans hésitation ; mais je dirai sans recherche ce qui me viendra à l'esprit, parce que, je le répète, c'est une question à laquelle j'ai beaucoup réfléchi. Voyant que la philosophie était parfaitement traitée par les écrivains grecs, j'ai pensé que si quelques-uns de nos compatriotes avaient du goût pour elle, ou ils connaîtraient la langue et la littérature grecques, et aimeraient mieux lire les ouvrages originaux que les nôtres; ou ils éprouveraient de la répugnance pour les arts et l'esprit de la Grèce, et ne trouveraient aucun intérêt à des livres que l'on ne pourrait comprendre sans avoir une certaine érudition grecque. Je n'ai donc pas voulu écrire ce que les ignorants ne pourraient comprendre, et ce que les doctes ne voudraient pas lire. Vous le voyez vous-même ; car vous savez que nous ne pouvons ressembler à ces Amafinius, à ces Rabirius, qui, sans aucun art, dissertent sur toutes choses en style vulgaire, n'emploient ni définitions ni divisions, argumentent sans aucune rigueur, et croient enfin que l'art de la parole et celui du raisonnement sont de pures chimères. Pour nous, qui obéissons aux préceptes des dialecticiens et des orateurs comme à des lois (car les nôtres tiennent que c'est une obligation d'y demeurer fidèles), nous sommes cependant forcés d'employer des termes nouveaux , que les gens instruits aimeront mieux aller chercher dans les écrivains grecs, et que les ignorants ne voudront pas entendre même de nous; en sorte que toutes nos peines seraient perdues. En physique, si je suivais Épicure , c'est-à-dire, Démocrite, je pourrais écrire tout aussi clairement qu'Amafinius. Quel grand mérite y a-t-il, lorsque vous avez supprimé les vraies causes efficientes, à venir parler du concours fortuit des corpuscules (c'est ainsi qu'ils nomment leurs atomes)? Vous connaissez notre physique , et vous savez quels en sont les principes, une cause efficiente et une matière que cette force motrice moule et forme; il y faut de plus employer la géométrie; mais je vais plus loin, et je crois qu'il serait très difficile d'exprimer et de faire comprendre cette partie de notre doctrine qui concerne les moeurs et la vie pratique, la détermination des biens et des maux. Les épicuriens pensent tout simplement que le bien de l'homme et celui de la brute, c'est tout un; mais vous savez combien ici les principes de nos écoles sont relevés et difficiles à entendre. Si vous suivez Zénon, il ne faut pas un médiocre effort pour faire comprendre ce que c'est que ce vrai et unique bien que l'on ne peut séparer de la vertu, et qui, selon Epicure, ne peut même pas être imaginé hors des voluptés qui chatouillent nos sens. Si vous êtes, comme moi, partisan de l'ancienne Académie, avec quelle finesse ne devez-vous pas en développer les principes? avec quelle subtilité et quelle obscurité ne vous faudra-t-il pas combattre les Stoïciens? Je fais donc pour ma part un grand usage de la philosophie, à laquelle je demande la force et l'égalité de caractère, et des jouissances pour mon esprit; je crois, comme Platon, que c'est le présent le plus beau et le plus précieux que les dieux aient fait aux hommes; mais quand quelqu'un de mes amis témoigne du goût pour cette étude, je l'envoie en Grèce, je veux dire, aux écrivains grecs, pour qu'il aille puiser à la source plutôt que de recueillir les eaux des conduits dérivés. Mais il est des notions dont personne encore ne s'était fait l'interprète public, et qu'avec le plus vif désir de s'instruire on ne savait où trouver; ce sont ces notions que j'ai essayé, selon mes forces (car je n'attache de prix extraordinaire à aucun de mes livres), de répandre parmi nous. On ne pouvait pas les demander aux Grecs, ni aux Latins eux-mêmes depuis la mort de notre cher L. Ellius. Toutefois, dans ces écrits de ma jeunesse, où je semai la plaisanterie, comme Ménippe que j'imitai, sans le traduire, j'avais puisé plus d'une réflexion au coeur même de la philosophie et pris plus d'une fois le langage de la dialectique. Après avoir facilité ainsi, par un certain attrait, l'intelligence de ces idées aux gens d'une instruction médiocre, j'ai voulu, je ne sais si j'y suis parvenu, introduire la philosophie dans mes Éloges, et dans les préambules de mes Antiquités. [3] III. Vous avez raison, Varron, lui dis-je alors; nous étions dans Rome errants et voyageurs comme des étrangers; grâce à vos livres, nous nous sommes, en quelque façon, retrouvés chez nous, en apprenant enfin à connaître où et qui nous étions. Vous avez révélé l'âge de Rome, l'ordre chronologique de son histoire, le droit religieux et sacerdotal; vous nous avez fait connaître ses institutions politiques et militaires, la distribution de ses quartiers, la situation de ses monuments; en un mot, les noms, les espèces, la destination et les causes de toutes les choses divines et humaines; vous avez répandu beaucoup de lumière sur les oeuvres de nos poètes, et en général sur toute la littérature et la langue latines. Vous avez composé vous-même un poème plein de variété et d'élégance, où vous employez le jeu de presque tous les rhythmes; enfin, vous avez mis en beaucoup d'endroits un premier trait de philosophie, qui est bien capable de nous en donner le goût, mais non la science. Vous nous dites, il est vrai, d'une façon assez plausible que les gens instruits aimeraient mieux lire les écrivains originaux, tandis que ceux qui ne seraient pas versés dans les lettres grecques ne voudraient pas même lire nos livres. Mais, je vous le demande, est-ce là une raison sans réplique? Ne serait-on pas bien plus fondé à croire que les livres latins seraient lus par ceux qui n'entendent pas le grec, et ne seraient nullement méprisés par ceux qui l'entendent? Pourquoi nos compatriotes, à qui les lettres grecques sont familières, lisent-ils les poètes latins, et ne liraient-ils pas les philosophes? Est-ce parce qu'ils trouvent du charme dans Ennius, Pacuvius, Accius, et tant d'autres, qui, sans traduire les poètes grecs, se sont accommodés à leur génie? Mais combien plus de charme ne trouverait-on pas dans les philosophes, si à l'émulation des poètes qui prennent pour modèles Eschyle, Sophocle, Euripide, ils imitaient Platon, Aristote, Théophraste! Je vois que l'on fait l'éloge de nos orateurs quand ils imitent Hypéride et Démosthène. Pour moi (je veux dire les choses telles qu'elles sont), tandis que l'ambition, les honneurs, le barreau, la politique, et plus encore ma participation au gouvernement de mon pays, m'enlaçaient dans un réseau d'affaires et de devoirs, je renfermais en moi mes connaissances philosophiques; et pour que le temps ne les ternît point, je les renouvelais, à mes loisirs, par la lecture. Mais aujourd'hui que la fortune m'a frappé d'un coup terrible, et que le fardeau du gouvernement ne pèse plus sur moi, je demande à la philosophie l'adoucissement de ma douleur, et je la regarde comme l'occupation de mes loisirs la plus noble et la plus douce à la fois. Cette occupation sied parfaitement à mon âge; elle est, plus que toute autre, en harmonie avec ce que je puis avoir fait de louable dans ma vie publique: rien de plus utile pour l'instruction de mon pays; et quand même ce seraient là des illusions, je ne vois pas quel autre travail je pourrais entreprendre. Brutus, notre excellent ami, qui réunit à un si haut degré tous les mérites, exprime avec tant de perfection la philosophie dans notre langue, que la Grèce elle-même ne saurait souhaiter mieux. Il est de la même école que vous; car il a entendu quelque temps à Athènes Aristus, frère d'Antiochus, votre maître. Essayez-vous donc, vous aussi, je vous en conjure, dans ce genre de compositions. [4] IV. J'y réfléchirai, me dit-il; et en tout cas je vous consulterai. Mais qu'est-ce que j'entends dire de vous? — A quel sujet? lui demandai-je. — On prétend que vous abandonnez l'ancienne Académie, et que vous vous faites l'organe de la nouvelle. — Eh quoi! lui dis-je, il sera permis à Antiochus, notre ami, de retourner d'une nouvelle maison dans l'ancienne, et moi je ne pourrais quitter l'ancienne pour la nouvelle! Est-ce que toujours la dernière édition n'est pas la plus châtiée et la plus irréprochable? Et toutefois, le maître d'Antiochus, Philon, un grand esprit, comme vous le reconnaissez vous-même, prétend dans ses livres, ce que d'ailleurs nous avons entendu de sa propre bouche, qu'il n'y a pas deux Académies, et réfute ceux qui ont introduit cette erreur.— Cela est vrai, repartit Varron; mais vous n'ignorez certainement pas ce qu'Antiochus a écrit contre cette opinion de Philon. — Non, sans doute ; et je voudrais, si ce n'est pas une demande indiscrète, vous entendre développer les raisons d'An&étiochus, et tout le système de l'ancienne Académie, que j'ai abandonnée depuis si longtemps : mais, si vous le trouvez bon, nous pourrions nous reposer. — Bien volontiers, reprit-il; car je me sens très faible. Mais il faut voir s'il plaît à Atticus que je fasse ce dont vous m'exprimez le désir. — Certainement, répondit Atticus; rien ne pourrait m'être plus agréable que d'entendre rappeler ce que je recueillis naguère de la bouche d'Antiochus, et de voir en même temps si ces idées peuvent être commodément exprimées dans la langue latine. Après ces mots, nous nous assîmes tous, en présence les uns des autres. Alors Varron commença ainsi : Socrate me paraît être le premier, et tout le monde d'ailleurs en tombe d'accord, qui rappela la philosophie des nuages et de cette poursuite des mystères de la nature, où tous les philosophes s'étaient engagés avant lui, pour s'appliquer à la vie commune, et lui donner pour objet les vertus et les vices et toute la question des biens et des maux. Il pensait qu'il ne nous appartient pas d'expliquer les phénomènes célestes, et que quand même l'homme pourrait s'élever jusqu'à cette science, elle ne leur servirait de rien pour bien vivre. Dans presque tous les discours qu'on reproduits avec tant de variété et en si grand nombre ceux qui l'avaient entendu, nous voyons que sa méthode est toujours de ne rien affirmer, mais de réfuter les autres; il confesse son ignorance, et déclare que c'est là son unique science; il ajoute que la supériorité qu'il a sur les autres, c'est qu'ils pensent savoir ce qu'ils ignorent; tandis que lui, la seule chose qu'il sache, c'est qu'il ne sait rien; c'est là, selon lui , le motif qui lui a valu d'Apollon l'éloge d'être le plus sage des hommes; car toute la sagesse consiste simplement à ne pas estimer que l'on sache ce que l'on ne sait pas. Ce fut là sa maxime constante et son opinion invariable; aussi tourna-t-il tous ses efforts à louer la vertu, à en inspirer l'amour aux hommes, comme nous le montrent les livres des Socratiques et surtout ceux de Platon. A l'ombre du génie de Platon, génie fécond, varié, universel, s'établit une philosophie unique sus la double bannière des académiciens et des péripatéticiens, qui, d'accord sur les choses, ne différaient que sur les termes. Car Platon, qui avait fait en quelque sorte Speusippe, fils de sa soeur, l'héritier de sa philosophie, laissait aussi deux disciples de grand talent et d'une rare science, Xénocrate de Chalcédoine et Aristote de Stagire : ceux qui suivaient Aristote, furent nommés péripatéticiens, parce qu'ils discouraient en se promenant dans le Lycée ; tandis que ceux qui, d'après l'institution de Platon, tenaient leurs assemblées et dissertaient dans l'Académie, l'autre gymnase d'Athènes, reçurent de ce lieu même le nom d'Académiciens. Mais les uns et les autres, tous pénétrés du fécond génie de Platon, formulèrent la philosophie en un certain système complet et achevé, et abandonnèrent le doute universel de Socrate, et son habitude de discuter sur tout sans rien affirmer. Il y eut alors ce que Socrate désapprouvait entièrement, une science philosophique, avec des divisions régulières et tout un appareil méthodique. Cette philosophie, comme je l'ai dit , sous une double dénomination, était une ; car, entre la doctrine des péripatéticiens et l'ancienne Académie, il n'y avait aucune différence. Aristote l'emportait, à mon sens, par la richesse de son génie; mais les uns et les autres avaient les mêmes principes, et jugeaient pareillement des biens et des maux. [5] V. Mais à quoi donc mon esprit pense-t-il ? n'est-ce pas une folie que de vous apprendre ces choses? Car si l'on ne peut pas précisément me dire ici que je suis l'animal proverbial qui en remontre à Minerve, cependant c'est toujours une sottise que de lui faire la leçon. — Continuez, Varron, lui dit Atticus; j'aime beaucoup tout ce qui est romain, hommes et choses, et j'ai grand plaisir à entendre cette philosophie parler latin et le parler de cette façon. — Et moi, dis-je à mon tour, qui ai pris l'engagement de faire connaître la philosophie à mes compatriotes, que pensez-vous que j'éprouve? — Poursuivons donc, puisque vous le voulez, reprit Varron. C'est à Platon que remonte la division de la philosophie en trois parties, dont l'une traite de la vie et des moeurs; la seconde, de la nature et de ses mystères; la troisième, du raisonnement, de l'art de distinguer le vrai et le faux , de discerner ce qui est bien ou mal dans le discours, de saisir la conséquence ou la contradiction dans le jugement. Relativement aux moeurs, la doctrine de cette école était de prendre pour règle la nature, et de lui obéir; on y établissait qu'il ne fallait chercher nulle part ailleurs que dans la nature ce souverain bien auquel tous les autres se rapportent, et que le comble de la fortune et le dernier terme de tous les biens, était d'avoir reçu de la nature tous les trésors de l'âme, du corps et de la vie. Les biens du corps étaient, selon ces philosophes, les uns généraux, les autres particuliers. Parmi les premiers, ils comptaient la santé, les forces, la beauté; parmi les seconds, l'intégrité des sens et une certaine excellence propre à chacun de ses membres ou de ses organes, telle que la vitesse des pieds, la vigueur des mains, la clarté de la voix, et, pour la langue elle-même, l'articulation distincte des sons. Ils appelaient biens de l'âme ceux qui étaient capables de graver en nous la vertu ; de ces biens les uns étaient naturels, les autres constituaient les moeurs. Ils regardaient la facilité d'apprendre et la mémoire comme des dons naturels, tous deux propres à l'intelligence. Ils pensaient, au contraire, que les moeurs étaient le fruit de nos efforts, et reposaient en quelque sorte sur une habitude que l'exercice et la raison concouraient à former. Un de ces derniers biens était la philosophie elle-même. Ce qu'il y a d'ébauché et d'inachevé en elle est appelé un acheminement à la vertu; ce qu'il y a d'achevé, c'est-à-dire, la vertu, est regardé comme la perfection de notre nature, et de tous les biens de l'âme le plus excellent. Voilà ce qu'ils disaient de ces biens. Quant au troisième genre de biens, ceux de la vie, ils les considéraient comme des accessoires utiles à l'exercice de la vertu ; car souvent la vertu brille en de certaines actions qui ont moins leur condition dans la nature que dans quelques accessoires d'une vie heureuse. Ils voyaient dans l'homme le membre d'une grande cité et du genre humain tout entier, et le regardaient comme lié avec tous les hommes par les liens d'une certaine société universelle. Voilà ce qu'ils pensaient sur le souverain bien conforme à la nature ; ils estimaient que les autres avaient pour effet ou de l'accroître, ou de le maintenir. Et c'est ainsi qu'ils arrivaient aux trois parties de leur division des biens. [6] VI. C'est là cette division que l'on attribue d'ordinaire aux péripatéticiens, et avec raison, car elle leur appartient; mais une très fausse opinion serait de croire que les académiciens, comme on les nommait alors, et les péripatéticiens, fissent deux écoles. Les uns et les autres employaient cette division, et tenaient que le souverain bien est la possession de ces premiers trésors de la nature que l'on doit rechercher pour eux-mêmes, de tous ou au moins des principaux. Les principaux sont ceux dont le siége est dans l'âme et dans la vertu. Ainsi, toute cette ancienne philosophie a pensé que c'est dans la vertu seule que réside le bonheur, lequel toutefois ne serait pas complet si l'on ne réunissait en outre les biens du corps et les autres dont nous avons parlé plus haut, et qui donnent tant de facilités à l'exercice de la vertu. De ces principes découlaient naturellement l'obligation d'agir et la règle des devoirs, dont l'unique fondement était de conserver ce que la nature voulait que l'on conservât. De là résultait la fuite de la mollesse et le mépris des voluptés; et, en conséquence, on devait s'imposer beaucoup de labeurs et de souffrances, et supporter de rudes épreuves pour la cause du bien et de la justice, et de tout ce qui est conforme à la nature bien entendue; de là sortaient l'amitié, la justice, l'équité, que l'on mettait bien au-dessus des voluptés et de tous les agréments de la vie. Telle était chez ces philosophes la doctrine des moeurs, la distribution et la teneur de cette partie de la philosophie que j'ai mise en tête des autres. Vient ensuite ce qui concerne la nature; ils y reconnaissaient deux principes, dont l'un était la cause efficiente, et l'autre, se prêtant en quelque façon à la puissance du premier, recevait de son opération une forme déterminée. Selon eux, le principe actif contenait une certaine force, et le principe passif, une certaine matière ; mais chacun d'eux aussi renfermait l'autre; car il est impossible qu'il y ait de la cohésion dans la matière, si elle n'est contenue par aucune force ; tout comme il est impossible qu'il existe une force en dehors de toute matière ; car rien n'est qui ne doive occuper un certain lieu. Le composé de matière et de force constituait le corps, qu'ils nommaient aussi une certaine qualité. Vous me permettrez, sans doute, d'employer quelquefois des termes nouveaux pour exprimer des choses qui n'ont jamais été nommées dans notre langue, comme font les Grecs, qui depuis si longtemps déjà s'occupent de ces sujets. [7] VII. — Bien certainement, dit Atticus. Nous vous permettons même d'employer les expressions grecques, si les termes latins vous font défaut. — Je vous en remercie ; mais je ferai tous mes efforts pour parler toujours notre langue, tout en employant certains mots, comme ceux de philosophie, rhétorique, physique, dialectique, que la coutume a déjà naturalisés chez nous, avec une foule d'autres. J'ai donc appelé qualité ce que les Grecs nomment g-poiotehta ; expression, qui, chez les Grecs eux-mêmes, ne fait pas partie du langage ordinaire, mais appartient à la langue philosophique, ainsi que beaucoup d'autres du même genre. Aucun des termes de la dialectique n'appartient au domaine public; elle a sa langue à part : c'est là d'ailleurs la condition dans laquelle se trouvent presque toutes les sciences. Car il faut bien pour exprimer des choses nouvelles, créer des mots nouveaux, ou mettre à contribution les langues étrangères. Et si les Grecs usent encore de cette licence, eux qui depuis tant de siècles sont versés dans ce genre d'études, à plus forte raison devons-nous en jouir, nous qui nous y essayons pour la première. fois. — Selon moi, Varron, lui dis-je, vous rendrez encore de grands services à vos concitoyens si, après les avoir enrichi de tant de connnaissances, vous les enrichissez aussi d'expressions nouvelles. —Nous oserons suivre vos conseils, me répondit-il, et créer, s'il le faut, des mots nouveaux. De ces qualités donc les unes sont primordiales, et les autres sortent des premières. Les primordiales sont uniformes et simples. Leurs dérivées, au contraire, sont variées, et revêtent mille formes diverses. Ainsi l'air (on peut recevoir ce mot dans notre langue), le feu, l'eau et la terre, sont les qualités primitives; de ces qualités sont sorties les espèces animales et toutes celles que la terre engendre. Tels sont les principes, et, suivant la force du grec, les éléments des choses; parmi ces éléments, l'air et le feu ont une puissance motrice et efficiente; les deux autres, à savoir l'eau et la terre, ont la capacité d'être modifiés, et en quelque façon de pâtir. Aristote admettait un cinquième élément tout particulier, distinct de ceux que j'ai nommés, et dont étaient faits les astres et les esprits. Mais nos philosophes pensent que tous les êtres ont au fond de leur substance une même matière qui n'a aucune forme, est dépouillée de toute qualité (l'emploi fréquent de cette expression la rendra moins étrange et d'un usage plus commode), mais avec laquelle tout est composé et formé, qui peut recevoir toutes les déterminations, subir tous les changements et dans toutes ses parties, et par là même périr, non par anéantissement, mais par le retour à ses propres éléments, que l'on peut couper et diviser à l'infini; car il n'est pas de si petite particule dans la nature qu'on ne puisse encore diviser; et d'ailleurs tout ce qui se meut, se meut dans l'espace, dont les parties peuvent aussi se diviser à l'infini. La force, que nous avons appelée qualité, se meut, se répand de tous côtés sur la matière, qu'elle pénètre, transforme tout entière, et d'où elle tire ces êtres déterminés et caractérisés, dont la réunion par toute la nature où tout se joint, et où la continuité n'est jamais rompue, compose le monde, en dehors duquel il n'y a plus ni matière ni corps. Les parties du monde sont tout ce qu'il renferme, et qui est contenu par une nature animée, douée d'une raison parfaite et qui vit éternellement; car il n'est rien de plus puissant qui puisse la faire périr. C'est cette force vivante qu'ils nomment l'âme du monde, et qu'ils appellent aussi un esprit et une sagesse parfaite; c'est leur dieu, et en quelque façon la providence du monde entier, qui lui est soumis; providence qui gouverne surtout les corps célestes, et sur cette terre les choses humaines : tantôt ils la nomment nécessité, parce que rien ne peut se faire autrement qu'il n'a été réglé par elle, et que ne le demande la suite immuable et fatale de l'ordre éternel; quelquefois ils la nomment fortune, parce qu'elle fait naître beaucoup d'événements imprévus, et que nous ne pouvions soupçonner, attendu notre ignorance des causes et leur obscurité. [8] VIII. Quant à la troisième partie de la philosophie, qui a pour objet l'intelligence et ses opérations, voici la doctrine commune aux deux écoles. Quoique l'esprit débute par la sensation , on n'accorde point aux sens le droit de juger de la vérité. La raison est l'unique juge des choses. Seule, elle mérite que l'on se fie à elle, parce qu'elle voit seule ce qui est toujours simple et uniforme, et le voit tel qu'il est. C'est cet objet de la raison qu'ils nommaient, et que Platon avant eux avait nommé idée, ce que nous pouvons assez bien exprimer par le mot espèce. Ils pensaient que tous les sens sont des instruments grossiers et lents, qu'ils ne peuvent en aucune manière percevoir même les objets qui semblent tomber sous leur prise; car ces objets sont ou si petits qu'ils échappent à nos sens, ou si mobiles et agités, qu'aucun d'eux ne garde un seul instant de fixité, qu'aucun même ne conserve d'identité, parce que tout est dans une décomposition et un flux continuels. C'est pourquoi ils appelaient toute cette partie des choses la région des opinions. Ils n'admettaient pas que la science pût se trouver ailleurs que dans les notions et les raisonnements de l'esprit; et en conséquence, ils établissaient des définitions et les faisaient intervenir dans tous les sujets soumis à leurs discussions. Ils donnaient aussi une explication raisonnée des mots, en montrant les causes diverses de leur acception; c'est ce qu'ils appelaient étymologie. S'étant fait par ce travail comme des marques précises des choses, ils arrivaient, par leur secours et celui des arguments, à prouver et démontrer ce qu'ils voulaient établir; c'est iei qu'étaient expliquées toutes les règles de la dialectique, qui est l'art du discours terminé par une conclusion logique. En regard de la dialectique, on plaçait l'art oratoire, qui donne les règles du discours développé et disposé pour produire la persuasion. Voilà la philosophie telle qu'ils la reçurent d'abord des mains de Platon; je vous exposerai, si vous le voulez, d'après Antiochus, les vicissitudes qu'elle a subies. — Nous le voulons sans doute, lui dis-je; car je puis répondre pour Atticus comme pour moi. [9] IX. Et vous avez raison, reprit Varron. Antiochus nous fait en effet une histoire fort intéressante des doctrines des péripatéticiens et de l'ancienne Académie. Aristote le premier porta une grave atteinte à la théorie des espèces, dont je parlais il y a un instant, et que Platon avait embrassée avec tant d'ardeur, qu'il déclarait voir dans les idées quelque chose de divin. Théophraste, homme d'une douce éloquence, et de moeurs si pures, qu'il s'exhale de ses écrits comme un parfum de probité et de candeur, ébranla plus fortement encore l'autorité de l'ancienne doctrine; car il dépouilla la vertu de ses beaux privilèges, et l'énerva en soutenant qu'elle ne pouvait suffire pour le bonheur. Quant à Straton, son disciple, malgré la pénétration de son esprit, on ne peut l'admettre dans les rangs de cette école; il négligea la partie la plus essentielle de la philosophie, celle qui a pour objet la vertu et les moeurs; et se tournant tout entier vers l'étude de la nature, il s'écarta, même ici, en beaucoup de points, des opinions du Lycée. Speusippe et Xénocrate, au contraire, qui les premiers avaient continué l'enseignement de Platon et reçu l'héritage de sa doctrine; et après eux Polémon, Cratès et Crantor, réunis dans l'Académie, conservèrent avec un soin religieux le dépôt qui leur fut successivement transmis. Zénon et Arcésilas avaient suivi assidûment les leçons de Polémon. Mais Zénon, plus âgé qu'Arcésilas, et qui avait une subtilité d'esprit et une finesse de dialectique peu communes, entreprit de réformer la philosophie. Si vous le voulez, je vous expliquerai cette réforme, comme le faisait Antiochus. —C'est tout à fait mon désir, lui dis-je, et vous voyez que Pomponius le manifeste comme moi. [10] X. Zénon n'était pas homme à briser, comme Théophraste, les ressorts de la vertu, mais à mettre au contraire tous les éléments du bonheur dans la vertu seule, en refusant à tout ce qui n'est pas elle le titre de biens ; ce bien simple, unique, sans partage, est ce qu'il appelait l'honnête. Quoique toutes choses en dehors de la vertu ne méritassent le titre ni de biens ni de maux, il avouait cependant que les unes étaient conformes et les autres contraires à la nature; entre les deux, il en admettait d'intermédiaires et de neutres. Il enseignait que celles qui sont conformes à la nature pouvaient être recueillies, et qu'on en devait faire une certaine estime; des opposées, le contraire : quant aux intermédiaires, il les laissait entre deux : on devait, selon lui, y être parfaitement indifférent. Dans la première classe, il distinguait des choses plus dignes d'estime les unes que les autres; celles qui en méritaient le plus, il les nommait préférées; les autres, rejetées. Dans tout ceci, comme on peut le voir, ce n'est pas tant les choses que les noms qu'il avait changés; c'est ainsi encore qu'entre l'accomplissement du bien et la faute, il plaçait, comme de certains intermédiaires, l'observation ou la négligence des devoirs. Il mettait l'accomplissement du bien dans les seules bonnes actions; le mal, dans les mauvaises; et il pensait qu'entre ces extrêmes, observer les devoirs ou y manquer, formaient comme des degrés moyens. Les anciennes écoles disaient que toutes les vertus ne sont pas le fruit de la raison, mais qu'il y en a de naturelles et d'autres acquises par l'habitude ; Zénon les ramène toutes à l'exercice de la raison : elles pensaient que les diverses sortes de vertus dont nous avons parlé plus haut peuvent se rencontrer les unes sans les autres; il démontrait que, d'aucune manière, il ne peut en être ainsi; il soutenait que la beauté morale n'est pas seulement dans la pratique de la vertu, mais dans l'état même de l'âme vertueuse, quoiqu'il fût impossible d'avoir la vertu sans en faire un continuel usage. Elles ne proscrivaient pas toutes les émotions de l'âme; car elles disaient que le chagrin, les désirs, la crainte et la joie nous sont inspirés par la nature ; mais elles les restreignaient et leur laissaient le moins de jeu possible : Zénon les regarde comme des maladies, et veut que le sage n'en soit jamais atteint. Considérant ces émotions comme naturelles et irraisonnables, les anciens en plaçaient le siége dans une partie de l'âme et mettaient la raison dans une autre; Zénon pensait tout différemment; selon lui, les émotions sont volontaires; elles naissent d'un faux jugement de notre esprit, et la mère commune de toutes les maladies de l'âme, c'est un certain déréglement de la volonté sortie des gonds. Voilà à peu près toute sa doctrine sur les moeurs. [11] XI. Dans la philosophie naturelle, il pensait d'abord qu'il ne fallait point ajouter aux quatre éléments des choses ce cinquième principe dont les anciens voulaient que les sens et l'esprit fussent composés. Le feu, selon lui, était cette nature qui engendre tout, et en particulier l'esprit et les sens. Il différait d'eux encore, en ce qu'il pensait qu'on ne peut attribuer aucune puissance affective à une nature tout à fait incorporelle ; car c'est ainsi que Xénocrate et les philosophes anciens avaient défini l'âme; mais il soutenait qu'aucun être ne pouvait produire ou être produit qui ne fût un corps. Il fit surtout beaucoup d'innovations dans la troisième partie de la philosophie. Il y dit d'abord plusieurs choses nouvelles touchant les sens dont l'exercice, selon lui, était déterminé par l'impulsion extérieure de ce qu'il nomme g-phantasian, et que nous pouvons appeler représentation: retenons cette expression, car elle nous sera fort utile dans la suite du discours. A ces objets aperçus, et en quelque façon reçus par les sens, correspond l'affirmation de l'esprit, affirmation qu'il prétend être en notre puissance et dépendre de notre volonté. Cet assentiment n'est pas accordé à toutes les représentations, mais à celles-là seules qui dénotent, par un certain tour exact, leur correspondance aux objets réels qu'elles font connaître. Une telle représentation, considérée en elle-même, est ce qu'il nommait le compréhensible. Me passerez-vous cette expression? —Certainement, dit Atticus. Par quel autre terme pourriez-vous traduire g-katalehpton? Mais reçue et approuvée par l'esprit, elle devenait la compréhension, parce que nous la possédions alors comme ces objets que la main a saisis; c'est même dans cette similitude qu'il faut chercher l'origine d'une expression que personne, avant Zénon, n'avait employée dans un tel sujet; il se servit d'ailleurs de beaucoup de mots nouveaux, car il apportait des idées nouvelles. Ce qui avait été saisi par les sens, s'appelait sensation; et si la compréhension était assez forte pour que la raison n'eût point de prise sur elle, c'était la science; sinon, l'incertitude, d'où naissait l'opinion, dont le caractère est la faiblesse, et qui ressemble beaucoup à l'ignorance et à l'erreur. Entre la science et son opposé, il plaçait cette compréhension dont je parlais, qu'il déclarait n'être, de sa nature, ni bonne ni mauvaise, mais dont il faisait l'unique fondement de notre créance. C'est pourquoi il maintenait l'autorité des sens, dont les perceptions, comme je l'ai dit, lui paraissaient vraies et fidèles; non pas qu'elles fussent une représentation complète de leur objet, mais parce qu'elles comprenaient exactement tout ce qui pouvait entrer en elles, et parce que la nature nous les avait données comme un type de science et un premier linéament d'elle-même, d'où les notions des choses pussent sortir ensuite et se graver dans l'esprit. Ces notions ne nous apprennent pas seulement quels sont les éléments du monde, mais nous ouvrent des routes bien plus larges pour en connaître le vrai système. Quant à l'erreur, aux préjugés, à l'ignorance, aux opinions, aux soupçons, en un mot à tous les modes de connaissance qui ne sont pas la ferme et inébranlable conviction, Zénon les regarde comme inconciliables avec la vertu et la sagesse. Voilà à peu près tous les changements dont il est l'auteur, et la différence qu'il y a entre lui et l'ancienne école. [12] XII. Lorsque Varron eut achevé : Vous nous avez, lui dis-je, exposé brièvement, et toutefois avec beaucoup de clarté, la doctrine de l'ancienne Académie et celle des Stoïciens. Mais ce dernier système, si nous en croyons notre ami Antiochus, c'est plutôt l'ancienne Académie amendée qu'une doctrine véritablement nouvelle. —Alors Varron : C'est à vous, qui vous séparez maintenant de l'ancienne école, et qui vous déclarez partisan des nouveautés introduites par Arcésilas, à nous apprendre en quoi consiste notre dissentiment, et sur quels motifs il se fonde, afin que nous voyions si notre défection était légitime. —Arcésilas, dis-je alors, dirigea toute sa controverse contre Zénon, non par opiniâtreté ou par le désir de triompher, à ce qu'il me semble, mais à cause même de l'obscurité de ces hautes questions qui avaient amené Socrate à confesser son ignorance; et déjà avant Socrate, Démocrite, Anaxagore, Empédocle, presque tous les anciens philosophes, dont l'opinion fut qu'on ne peut rien connaître, rien entendre, rien savoir; que les sens sont bornés; l'esprit, débile; la vie, trop promptement écoulée; et la vérité (comme ledit Démocrite), profondément enfouie ; que les opinions et les conventions ont tout envahi; qu'il n'y a plus de place pour la vérité; qu'en un mot, tout est couvert d'épaisses ténèbres. C'est pourquoi Arcésilas soutenait qu'on ne peut rien savoir, et non plus seulement qu'on ne sait rien; où s'en était tenu Socrate : tant les choses sont profondément cachées. Il n'est rien, selon lui, que l'on puisse voir ou comprendre; en conséquence, on doit ne rien tenir pour certain, ne rien affirmer, ne donner à rien son assentiment, mais retenir toujours son jugement, et se garder de toute précipitation fâcheuse et de cette légèreté qui se signale surtout lorsque l'on donne les mains à l'erreur, ou à des opinions sans motifs connus, tandis que rien n'est plus honteux que de se prononcer et d'affirmer avant d'être arrivé à la vue claire et à la connaissance exacte. Conséquent à ces maximes, il argumentait la plupart du temps contre tous les systèmes, pour donner, sur une même question, à chacune des deux thèses opposées, des raisons de même force, et faciliter par là la suspension de l'esprit entre les deux affirmations contraires. Voilà ce que l'on nomme la nouvelle Académie: j'avoue que, pour moi, elle ressemble beaucoup à l'ancienne, si toutefois l'ancienne comprend Platon, qui dans ses livres, n'affirme rien, présente des preuves nombreuses à l'appui des deux opinions opposées, est toujours en quête de la vérité, et n'arrive à aucune conclusion positive. Appelons cependant, j'y consens, ancienne Académie cette première école, et nouvelle Académie, celle-ci, où la doctrined'Arcésilas s'est fidèlement maintenue et transmise depuis son fondateur jusqu'à Carnéade, quatrième successeur d'Arcésilas. Carnéade était versé dans toutes les parties de la philosophie, et, comme je l'ai appris de ceux qui l'avaient entendu, surtout de Zénon l'épicurien, qui, tout en professant une doctrine fort différente de la sienne, l'admirait cependant plus qu'homme au monde. Il était doué d'un incroyable génie ...