[7,0] LIVRE VII. PROLOGUE. La troisième partie de la médecine a pour objet de guérir par le secours de la main ; c'est là ce que personne n'ignore et ce que j'ai eu déjà l'occasion d'établir. Il ne s'ensuit pas cependant qu'elle oublie de tenir compte des remèdes et du régime; seulement elle place en première ligne les opérations manuelles. Des diverses branches de l'art, il n'en est pas non plus dont les résultats soient plus évidents. On peut dire en effet que, dans les maladies abandonnées au régime, la fortune intervient pour une large part, et qu'en voyant souvent les mêmes choses se montrer parfois utiles et d'autres fois impuissantes, il est permis de douter si le retour à la santé atteste plutôt les bienfaits de la médecine que l'excellence du tempérament. La même observation s'applique aux maladies contre lesquelles on veut surtout éprouver les vertus des médicaments; et, bien qu'ici l'influence des moyens curatifs soit plus facile à saisir, il est encore manifeste que, dans nombre de cas, on en attend vainement une guérison qui s'opère d'elle-même : cela est vrai notamment de certaines affections des yeux qui, après avoir été longtemps en butte aux tentatives des médecins, disparaissent ensuite tout naturellement. Il est incontestable au contraire que la chirurgie, malgré l'appui qu'elle reçoit des autres méthodes, est seule en état de décider le succès. Cette partie de l'art de guérir est celle aussi dont l'antiquité est la plus reculée, et néanmoins aucun de ceux qui précédèrent Hippocrate ne sut la cultiver avec autant de soin que ce père de toute la médecine. Séparée plus tard des autres branches, elle eut des maîtres particuliers et fit des progrès en Égypte, grâce surtout à Philoxène, qui a composé sur la matière un traité spécial en plusieurs volumes. Gorgias, Sostrate, Héron, les deux Apollonius, Aimmon d'Alexandrie et bien d'autres chirurgiens célèbres lui ont également apporté le tribut de leurs découvertes. Rome eut à son tour des professeurs habiles, parmi lesquels nous citerons dans ces derniers temps Tryphon le père, Évelpiste et Mégès, le plus savant de tous, comme en peut le voir par ses écrits. C'est en introduisant dans la pratique d'importantes améliorations que ces hommes ont agrandi le domaine de l'art. Il faut que le chirurgien soit jeune ou voisin encore de la jeunesse ; il doit avoir la main exercée, ferme, jamais tremblante, et se servir aussi facilement de la gauche que de la droite; sa vue sera nette et perçante, son cœur inaccessible à la crainte ; et, dans sa pitié, se proposant avant tout de guérir le malade, loin de se laisser ébranler par ses cris au point de montrer plus de précipitation que le cas ne l'exige ou de couper moins qu'il ne faut, il réglera son opération comme si les plaintes du patient n'arrivaient pas jusqu'à lui. Mais on demandera peut-être quelles sont les attributions réelles de la chirurgie, puisque ceux qui la cultivent réclament pour elle le traitement des plaies et des blessures que j'ai cru devoir exposer ailleurs. J'admets quant à moi que le même homme peut embrasser la science dans son ensemble, et, malgré les divisions établies, j'applaudis à celui qui se rapproche le plus de l'universalité. Toutefois, il faut, je crois, laisser à la chirurgie les cas où les blessures sont le fait de l'opérateur, et non le résultat d'un accident. J'en dis autant des plaies et des ulcères où j'estime le secours de la main plus efficace que l'application des remèdes, et je lui abandonne aussi tout ce qui concerne les os. Je vais donc parler des lésions chirurgicales, à l'exception de celles des os, que je réserve pour le livre suivant; et je m'occuperai des affections qui n'ont pas de siège déterminé, avant de passer à celles qui sont propres à certaines parties du corps. [7,1] I. Quel que soit le siège de l'entorse, il faut, dès qu'elle existe, pratiquer sur le point douloureux des incisions répétées, en ayant soin d'enlever avec le dos du scalpel le sang qui en découle. Si l'on n'arrive pas au premier moment, et qu'il y ait déjà rougeur et gonflement, ces scarifications ainsi faites sur la partie malade sont encore le meilleur remède. On doit recourir ensuite à des applications astringentes, et employer surtout la laine en suint trempée dans de l'huile et du vinaigre. Les mouchetures deviennent même inutiles quand le cas est léger, et les topiques peuvent suffire à la guérison. A défaut d'autre chose on prendrait de la cendre, celle de sarment entre autres, ou, faute de mieux, une substance quelconque incinérée, à laquelle ou donnerait par le moyen du vinaigre ou même de l'eau la consistance convenable. [7,2] II. Ici nulle difficulté dans le traitement ; mais il n'en est plus de même lorsque, par suite d'un vice interne, les parties se tuméfient et tendent à la suppuration. J'ai dit ailleurs que toutes ces affections constituaient des espèces d'abcès, et j'en ai donné tous les remèdes; il me reste à parler maintenant de l'emploi des moyens chirurgicaux que ces cas exigent. Ainsi, l'on doit, avant que ces tumeurs aient acquis de la dureté, dissiper à l'aide des ventouses scarifiées l'amas des matières nuisibles et corrompues; et il convient d'en renouveler l'application deux ou trois fois, jusqu'à ce que tout signe d'inflammation ait cessé. Il peut arriver cependant que les ventouses soient sans effet ; car, bien que cela se présente rarement, on trouve parfois des foyers de suppuration enveloppés d'une membrane à laquelle les anciens donnaient le nom de tunique. Mégès, convaincu que toute tunique est nerveuse, a prétendu qu'une trame de cette nature ne pouvait s'organiser sous l'influence d'un principe morbide dont l'action s'exerce en consumant les chairs, et il ne voyait là qu'une sorte de callosité produite par le séjour trop prolongé du pus. Cette opinion, au surplus, est indifférente au traitement, qui doit rester le même dans l'une ou l'autre supposition ; et rien n'empêche d'ailleurs, même en admettant la callosité, de l'appeler tunique, puisqu'elle fait l'office d'enveloppe. Quelquefois aussi la membrane existe avant la formation du pus, d'où il suit que les ventouses sont impuissantes à dissiper les matières enkystées. C'est une conviction qu'il est facile d'acquérir dès qu'une première application n'est suivie d'aucun changement. En conséquence, soit qu'on ait fait une expérience infructueuse, soit qu'il y ait déjà de l'induration, il n'y a plus de secours à espérer de ce moyen, et l'on doit avoir en vue ou de détourner le cours des humeurs, ou d'en provoquer la résolution, ou de conduire l'abcès à maturité. Si les deux premières terminaisons peuvent être obtenues, il n'y a rien à faire ultérieurement. Si la suppuration s'est établie, il est rarement nécessaire d'en venir aux incisions, quand le foyer se trouve dans l'aisselle ou la région inguinale ; cela n'est pas indiqué non plus tant pour les abcès médiocres, quel que soit le siège qu'ils occupent, que pour ceux qui se déclarent à la surface de la peau, on même dans les chairs superficielles. A moins que la faiblesse du malade n'oblige à se hâter, il suffira de recourir aux cataplasmes pour déterminer l'ouverture spontanée du foyer, et il peut se faire alors que les parties soustraites à l'action du fer portent à peine l'empreinte d'une cicatrice. Quand le mal est situé plus profondément, il importe d'examiner si l'endroit affecté est nerveux ou non, par la raison que, s'il est dépourvu de nerfs, il convient d'ouvrir l'abcès avec le fer rouge, procédé qui a l'avantage de ne faire qu'une petite plaie, laquelle reste plus longtemps ouverte à l'évacuation du pus, et ne donne lieu plus tard qu'à la formation d'une cicatrice étroite. S'il existe au contraire des nerfs dans le voisinage, il faut renoncer à l'emploi du feu, dans la crainte d'entraîner des convulsions ou l'affaiblissement du membre ; et c'est le cas de faire agir le scalpel. Pour les abcès autrement situés, on peut les ouvrir à demi ramollis ; mais, relativement à ceux qui se développent au milieu d'un tissu nerveux, il y a nécessité d'attendre que, par le fait d'une maturité complète, les téguments soient amincis, le pus tout à fait sous-jacent, et, par conséquent, plus à portée de l'instrument. Quelques abcès veulent être ouverts en ligne droite. Dans le panis, on est obligé d'enlever en entier la peau qui recouvre le foyer, parce qu'elle est singulièrement amincie. Il faut toujours avoir pour précepte, en employant le scalpel, de faire les incisions aussi courtes et aussi peu nombreuses que possible, en se réglant toutefois, quant sa nombre et à l'étendue, sur l'exigence des cas. Lorsqu'en effet les abcès sont considérables, il y a lien d'ouvrir plus largement, et même deux on trois incisions sont quelquefois nécessaires. On aura soin de pratiquer l'ouverture à la partie la plus déclive, pour empêcher que du pus ne séjourne dans le foyer, et n'altère, en formant de nouveaux sinus, les parties voisines encore saines. Les circonstances peuvent exiger aussi qu'on emporte une large portion des téguments. Il en est ainsi, quand la constitution générale est viciée par des maladies de longue durée, et que l'abcès s'étend au loin, recouvert déjà par une peau livide. On peut affirmer alors que cette peau n'a plus de vie et devient inutile; aussi vaut-il mieux l'exciser, surtout si le mal est situé aux environs d'une grande articulation, et si le sujet, épuisé par la diarrhée, n'est plus même en état de réparer ses forces par l'alimentation. Mais pour rendre la guérison plus facile, on fera l'excision de manière à donner à la plaie la forme d'une feuille de myrte ; et cette règle ne souffre pas d'exception, quel que soit le siège du mal, et quels que soient les motifs de l'opération. Dans les abcès de l'aine ou de l'aisselle, il n'est pas besoin d'employer la charpie après l'évacuation du pus ; on se contente d'appliquer une éponge trempée dans du vin. Quant aux abcès qui occupent une autre région, s'il n'y a pas lieu non plus de les panser avec la charpie, on se sert, pour les déterger, d'un peu de miel, et par-dessus on applique des agglutinatifs. Lorsque la charpie parait utile, il n'en faut pas moins la recouvrir d'une éponge trempée dans du vin et exprimée. Au surplus, j'ai fait connaître ailleurs les cas où la charpie est nécessaire, et ceux où l'on peut s'en passer. Après l'ouverture d'un abcès par l'incision, il faut se conduire exactement comme je l'ai dit pour les cas où la rupture du foyer n'est due qu'à l'application des médicaments. [7,3] III. A l'aide de plusieurs indices, on peut apprécier aussitôt le degré d'influence de la médication, et savoir jusqu'à quel point on doit espérer ou craindre. Ces indices sont en général ceux que nous avons exposés au chapitre des blessures. Ainsi, dormir, respirer librement, n'être point tourmenté de la soif, ne pas éprouver de répugnance pour les aliments, ne plus ressentir de mouvement fébrile, s'il y en avait, voilà des signes favorables ; et quand le pus est blanc, homogène et sans mauvaise odeur, c'est encore de bon augure. Voici les indices contraires : insomnies, embarras de la respiration, soif, dégoût des aliments, fièvre, écoulement d'un pus noir ou bourbeux et d'une odeur fétide. Le présage n'est pas meilleur, si pendant le pansement il survient une hémorragie, ou si avant que la régénération des chairs ait comblé l'abcès, les bords mêmes deviennent mous et fongueux. Rien n'est plus grave toutefois que de voir pendant ou après le pansement le malade tomber en défaillance. La maladie même qui a donné lieu à l'abcès excitera de légitimes inquiétudes, si, disparaissant soudainement, elle est remplacée par la suppuration, ou si le pus étant complètement évacué, elle se prolonge. Enfin il y a lieu de s'alarmer également quand la plaie demeure insensible à l'action des médicaments caustiques. Quelles que soient du reste les conditions que le hasard présente au médecin, c'est à lui de chercher les moyens de ramener la santé. A chaque pansement, par exemple, il aura soin de laver la plaie, en employant pour cela, s'il est nécessaire de modérer l'écoulement du pus, du vin étendu d'eau pluviale, ou bien une décoction de lentille; et s'il convient de déterger, il devra faire usage d'hydromel, puis recourir aux topiques déjà connus. La suppuration une fois tarie, et la plaie bien détergée, il faudra, pour favoriser la reproduction des chairs, faire des fomentations avec le vin et le miel mêlés à parties égales, et par-dessus appliquer une éponge imbibée de vin et d'huile rosat. Bien que ces moyens en effet contribuent à régénérer les chairs, c'est encore le régime, ainsi que je l'ai dit ailleurs, qui prend à ce résultat la part la plus grande. Lors donc que la fièvre a cessé et que l'appétit est revenu, on peut se baigner, mais à de longs intervalles, user tous les jours d'une douce gestation, et choisir parmi les aliments solides et liquides les plus propres à donner du corps. Ces préceptes s'appliquent également aux abcès ouverts à l'aide des médicaments ; et, si je me suis réservé d'en parler ici, c'est qu'il est peu d'abcès considérables qu'on puisse conduire à bonne fin sans l'emploi de l'instrument. [7,4] IV. 1. Contre les fistules qui ont pénétré trop profondément pour qu'on puisse en remplir tout le trajet avec une tente, contre celles aussi qui sont tortueuses et multiples, l'opération est encore d'un secours plus efficace que les médicaments, et elle offre moins de difficultés quand les fistules ont une direction transversale et sont situées sous la peau, que lorsqu'elles s'enfoncent perpendiculairement dans les chairs. Si donc il s'agit de fistules horizontales et sous-cutanées, il faut y introduire la sonde sur laquelle on pratiquera l'incision; et si l'on rencontre plusieurs sinus, on les ouvrira par le même procédé, sans laisser subsister aucune ramification. Dès qu'on est au fond du conduit fistuleux, il faut emporter toutes les parties calleuses, et rapprocher les bords au moyen de la boucle et des remèdes agglutinatifs. Si la fistule est perpendiculaire et profonde, après en avoir exploré la direction principale avec la sonde, il faut l'exciser, puis, pour réunir les lèvres de la plaie, faire également usage des agglutinatifs et de la boucle. Mais si le fond de l'ulcère est sordide (ce qui arrive quelquefois quand l'os est carié), c'est aux suppuratifs qu'il faut avoir recours, aussitôt que cette altération est guérie. 2. Les fistules peuvent occuper aussi l'espace intercostal, et dans ce cas il est nécessaire d'exciser et d'emporter la côte aux deux points correspondants, afin de ne laisser à l'intérieur aucune partie altérée. Ces fistules, en franchissant les côtes, vont parfois intéresser le diaphragme ; et l'on peut reconnaître la lésion de la cloison transverse d'après le siège de la fistule et l'intensité de la douleur, non moins que par l'air écumeux qui s'échappe quelquefois a travers la plaie, surtout quand le malade retient sa respiration. La médecine demeure entièrement nulle contre les affections de ce genre; quant aux fistules établies dans le voisinage des côtes, elles sont susceptibles de guérir, mais il faut écarter les médicaments onctueux, se servir des autres topiques appropriés au traitement des blessures ; ou mieux encore les panser soit avec de la charpie sèche, soit avec de la charpie enduite de miel, s'il parait nécessaire de les déterger. 3. Il n'existe point d'os sous les parois du ventre, et néanmoins les fistules de cette région sont tellement graves que Sostrate les regardait comme incurables. L'expérience, toutefois, a fait voir qu'il n'en est pas toujours ainsi ; et ce qui doit le plus surprendre, c'est que les fistules situées près du foie et de la rate sont moins à craindre que celles qui répondent aux intestins ; non que ces dernières aient en elles-mêmes rien de plus pernicieux, mais parce que le lieu qu'elles occupent expose à un autre danger. Quelques auteurs en tenant compte de ce fait en ont tiré des conséquences extrêmes. Car il est certain que, dans les plaies pénétrantes de l'abdomen produites souvent par des traits, on réduit les intestins qui font hernie, et qu'on réunit les bords de la plaie au moyen d'une suture dont j'indiquerai bientôt le procédé ; l'opération et la réunion par suture sont donc applicables aux fistules abdominales lorsqu'elles sont étroites. Mais si elles ont à l'intérieur une grande ouverture, l'excision laissera une perforation encore plus large, qu'on ne pourra coudre qu'avec une extrême difficulté, du côté surtout de la membrane qui tapisse tout l'abdomen, et que les Grecs appellent péritoine; alors, aux premiers mouvements du malade, ou sous les seuls efforts de la marche, la suture se rompant, et les Intestins s'échappant au dehors, il y aura péril de mort. Les choses, il est vrai, ne vont pas toujours jusque-là; mais c'est un motif pour n'opérer que les fistules étroites. 4. Il y a pour les fistules à l'anus une pratique particulière. On introduit jusqu'au fond la sonde, sur le bout de laquelle on doit inciser la peau ; et par cette nouvelle ouverture on retire l'instrument chargé d'un fil, l'extrémité libre se trouvant à cet effet percée d'un trou. On ramène ensuite les deux bouts de fil, et on les noue de façon à ne pas serrer les téguments qui recouvrent le trajet fistuleux. Le fil dont on se sert doit être écru et mis en double ou en triple, mais tellement tordu que les brins ne fassent plus qu'un. Par ce procédé, le malade peut continuer de vaquer à ses affaires, se promener, se baigner, et se nourrir comme en parfaite santé. Deux fois par jour seulement, il devra tirer le fil sans défaire le nœud, de sorte que la portion qui était en dehors pénètre à son tour dans la fistule. Il ne faut pas non plus attendre que le lien se pourrisse; en conséquence il convient de le dénouer tous les trois jours, pour attacher à l'un des bouts un nouveau fil qu'on introduit dans le conduit fistuleux et auquel on fait un nœud semblable au premier. Ainsi s'opère par degrés la section de la peau, et il arrive que les points abandonnés par le fil se guérissent, tandis que ceux qui en subissent l'action se divisent. Cette méthode curative est lente, il est vrai, mais exempte de douleur. Les malades impatients de guérir doivent, afin de rendre la division plus prompte, étreindre les téguments dans la ligature ; et même ils auront soin la nuit d'introduire une petite tente dans la fistule pour obtenir par distension l'amincissement de la peau. Tout cela néanmoins ne peut se faire sans douleur. Le procédé devient encore plus expéditif et aussi plus douloureux, si l'on enduit le fil et la tente de quelque médicament propre à consumer les callosités. Il y a des circonstances cependant où l'on est obligé d'employer l'instrument tranchant, soit parce que la fistule s'ouvre à l'intérieur, soit parce qu'elle est multiple. Dans les cas de ce genre, après avoir fait pénétrer la sonde, on pratique deux incisions parallèles, puis on enlève la petite bride qui les sépare, afin de prévenir la réunion immédiate, et de pouvoir Introduire tant soit peu de charpie dans la plaie. On se conforme ensuite à toutes les règles établies au sujet des abcès. Quand le même orifice conduit à plusieurs sinus, on incise selon le trajet le plus direct, après quoi l'on traite par la ligature les sinus qui se trouvent mis à découvert. S'il s'en trouve un trop profondément situé pour que le fer puisse y pénétrer sans danger, on y pourvoit par l'introduction d'une tente. Chirurgical ou médical, le traitement des fistules doit toujours être secondé par un régime humectant, des boissons abondantes, et un usage prolongé de l'eau pure. Lorsque les chairs commencent à se régénérer, on prend des bains de temps à autre, et l'on rend l'alimentation plus substantielle. [7,5] V. 1. Les traits dont le corps a reçu l'atteinte, et qui y demeurent engagés, n'en sont retirés souvent qu'avec de grandes difficultés, et ces difficultés dépendent ou de la forme des traits ou des parties qu'ils occupent. L'extraction de ces projectiles a lieu par l'ouverture d'entrée ou par l'endroit vers lequel ils tendent. Dans le premier cas, la voie de retour est déjà frayée, et dans le second le scalpel ouvre une autre issue en incisant les chairs sur la pointe du trait. Si ce corps n'est pas entré profondément, s'il n'a fait qu'effleurer les chairs, ou si du moins il n'a pénétré au delà ni de vaisseaux importants, ni de tissus nerveux, le mieux est assurément de l'extraire par la route qu'il s'est faite. Si cette route au contraire est plus longue que celle qu'il faudrait pratiquer, et si déjà le projectile se trouve au delà des nerfs et des vaisseaux, il est préférable de compléter le trajet et de retirer le trait par l'incision, car il est ainsi plus près de l'opérateur et plus sûrement amené. Il faut agir de même pour un membre considérable, quand l'arme en a traversé plus de la moitié ; ce qui est percé d'outre en outre se guérit plus facilement, parce qu'on peut y introduire des médicaments par les deux ouvertures. Quand on retire le trait en lui faisant rebrousser chemin, il est nécessaire d'agrandir la plaie avec l'instrument, tant pour faciliter l'extraction, que pour rendre l'inflammation moins vive qu'elle ne le serait si on laissait encore le projectile déchirer les chairs. De même, si on veut l'extraire par la contre-ouverture, il faut qu'elle soit assez large pour n'avoir plus à s'agrandir par le passage du trait. Que l'extraction, au surplus, s'opère par l'ouverture d'entrée ou de sortie, il n'en faut pas moins éviter avec un soin extrême de couper des nerfs, des veines et des artères. Si quelques-uns de ces organes sont mis à découvert, il faut, en les saisissant avec un crochet mousse, les éloigner de l'instrument. Dès que l'incision a reçu l'étendue convenable, on doit extraire le corps vulnérant en suivant la marche indiquée, et toujours avec la précaution de n'intéresser aucune des parties que j'ai dit devoir être ménagées. 2. Nous donnons là les règles générales ; mais il y a, selon l'espèce de traits, des indications particulières à remplir, et je vais m'en occuper immédiatement. Rien ne pénètre plus aisément et plus profondément dans le corps que la flèche; ce qui tient d'abord à la force d'impulsion qui l'anime, puis au peu d'épaisseur qu'elle présente. Aussi doit-on le plus souvent la retirer par une contre-ouverture, d'autant mieux que les pointes dont elle est armée déchireraient bien plus les chairs dans un mouvement rétrograde que dans un mouvement en avant. Après avoir frayé la route, il faut tenir les chairs écartées à l'aide d'un instrument qui reçoit la forme de la lettre grecque... V; puis, dès qu'on aperçoit la pointe de la flèche, on examine si le bois y tient encore, et on le pousse alors devant soi jusqu'à ce qu'on puisse le saisir par la contre-ouverture et l'extraire. Mais si le bois s'est détaché et que le fer reste seul dans la plaie, il faut s'en emparer par la pointe avec les doigts ou avec des pinces, et l'amener ainsi au dehors. On devra procéder de la même manière, s'il parait préférable d'opérer l'extraction par l'ouverture d'entrée. Ainsi, la plaie étant d'abord agrandie, ou arrachera le bois s'il s'y trouve, ou le fer lui-même. Quant aux pointes, si elles sont courtes et minées, on les brisera sur place avec la pince, et on retirera la flèche privée de ces aspérités ; mais si elles sont trop longues et trop fortes pour être brisées, on les empêchera de lacérer les chairs en les enfermant dans un roseau à écrire fendu en deux, et de cette façon on s'en rendra maître. Ces observations sont relatives à l'extraction des flèches. 3. Mais s'il s'agit d'un large trait enfoncé dans les chairs, on ne cherchera pas à le retirer par une contre-ouverture, pour n'avoir pas ainsi deux grandes plaies au lieu d'une. On emploie, dans ce cas, un instrument particulier appelé par les Grecs cyathisque de Dioclès, parce qu'il a pour inventeur Dioclès, que j'ai déjà cité au nombre des plus grands médecins de l'antiquité. Composé d'une lame de fer ou de cuivre, cet instrument est pourvu, à une extrémité, de deux crochets qui en regardent le dos; à l'autre bout, la lame est relevée sar les bords, et se termine par une légère courbure dans cette partie qui forme gouttière et qui est en même temps perforée. On applique l'instrument le long du trait dans une direction transversale, puis, dès qu'on en sent la pointe, on le fait entrer dans l'ouverture du cyathisque en donnant à celui-ci un léger mouvement de rotation ; et aussitôt que le trou qu'il présente a reçu le corps vulnérant, on saisit avec deux doigts les crochets de l'extrémité libre, et l'on retire à la fois le trait et l'instrument. 4. Souvent encore on est obligé d'extraire une troisième espèce de projectiles : ainsi des balles de plomb, des pierres on d'autres corps semblables, après avoir déchiré la peau, peuvent rester tout entiers dans les chairs. Il faut toujours, dans les cas de ce genre, dilater la plaie, puis à l'aide des pinces retirer le corps étranger par le chemin qu'il s'est ouvert. Mais l'extraction devient plus difficile toutes les fois que le projectile s'est logé dans un os, ou qu'en pénétrant dans une articulation il se trouve placé entre deux surfaces osseuses. Si le corps est engagé dans l'os, il faut chercher à le mouvoir jusqu'à ce qu'il soit ébranlé, et essayer ensuite de l'enlever avec les doigts ou les pinces, comme on le pratique pour l'évulsion des dents. La plupart du temps on amène ainsi le projectile au dehors ; si pourtant il résiste, on pourra lui donner de nouvelles secousses avec un instrument, en cas d'insuccès, on devra, comme ressource dernière, perforer l'os auprès de la blessure au moyen de la tarière. A partir de cette perforation on excisera l'os en forme de V, de telle sorte que les deux lignes que cette lettre présente viennent aboutir au corps étranger) cela fait, on ne peut manquer de l'ébranler, et il est facile ensuite de l'extraire. Mais si le projectile s'est logé dans une articulation, c'est-à-dire entre deux os, on applique au-dessus et au-dessous de la partie blessée des ligatures faites avec des bandes ou des courroies, puis on pratique l'extension et la contre-extension pour allonger les tendons. Il en résulte que les os laissent alors entre eux plus d'espace, et qu'on peut retirer le corps vulnérant sans difficulté. Pendant l'extraction, on aura soin, comme je l'ai dit ailleurs, d'éviter la lésion des nerfs, des veines et des artères, et l'on emploiera pour cela les moyens indiqués plus haut. 5. Si la blessure est produite par un trait empoisonné, il faut procéder à l'extraction de la même manière, mais avec plus de promptitude encore, s'il est possible; et, de plus, recourir au traitement prescrit contre les poisons pris à l'intérieur, ou contre les morsures de serpents. Le trait une fois retiré, on panse la blessure comme une plaie ordinaire, et c'est un sujet dont on a déjà suffisamment parlé. [7,6] VI. Ces différentes lésions peuvent affecter toutes les parties du corps ; mais celles qui vont suivre ont des sièges déterminés. Je m'occuperai d'abord de la tête. On y rencontre diverses tumeurs auxquelles on a donné les noms de ganglions, de mélicéris et d'athéromes, ou d'autres dénominations encore, d'après certains auteurs ; pour moi, j'y joindrai les stéatomes. Bien que ces tumeurs s'observent également au cou, aux aisselles et aux côtés, je n'ai pas dû les suivre dans chaque région, parce qu'elles n'ont entre elles que de légères différences, que d'ailleurs elles sont sans gravité, et réclament un traitement semblable. Elles sont toutes au début d'un très petit volume, s'accroissent par degrés et lentement, et sont renfermées dans un kyste. Les unes sont dures et rénitentes, les autres sont molles et cèdent à la pression ; on en voit qui par pinces sont dépouillées de cheveux, et d'autres qui en demeurent couvertes. Pour la plupart, elles sont indolentes. On peut bien par conjecture deviner la matière qu'elles contiennent, mais on n'a de certitude à cet égard qu'après les avoir enlevées. Le plus ordinairement cependant on trouve dans les tumeurs rénitentes des espèces de petites pierres, ou des amas de cheveux agglutinés ; dans celles qui ne résistent pas à la pression, il y a soit une matière semblable à du miel ou à de la bouillie claire, soit comme des débris de cartilages, soit de la chair molle et sanguinolente ; et ces diverses matières sont diversement colorées. Les ganglions sont presque toujours rénitents; l'athérome renferme une sorte de bouillie claire; le méliceris est plein d'une humeur plus liquide, qui est fluctuante au toucher; et le stéatome est rempli d'une substance graisseuse ; ce dernier présente en général une base très large, et relâche la peau qui le recouvre au point de la rendre mobile, tandis que, dans les autres cas, il y a resserrement des tissus. Après avoir rasé la tumeur lorsqu'elle est garnie de cheveux, on l'incise par le milieu. Dans le stéatome, il est nécessaire de fendre aussi l'enveloppe pour la vider entièrement des matières qu'elle contient, parce qu'en effet on vient difficilement à bout de séparer le kyste des téguments et des chairs sous-jacentes. Dans les autres tumeurs au contraire, il fout respecter la tunique, qui se montre blanche et tendue, dès qu'on a divisé la peau. On doit l'isoler alors des téguments et des chairs avec le manche du scalpel, puis emporter en même temps le contenant et le contenu. Si pourtant la partie inférieure du kyste avait contracté des adhérences arec un muscle, il faudrait, pour ménager celui-ci, exciser seulement la partie supérieure du sac et laisser l'autre. Lorsqu'on a tout enlevé, on rapproche les lèvres de la plaie au moyen de la boude, et l'on a recours aux topiques agglutinatifs. Mais s'il a fallu laisser tout ou partie du kyste, il y a lieu d'employer les remèdes suppuratifs. [7,7] VII. 1. Si la nature et le traitement de ces diverses tumeurs ne nous offrent que des différences légères, il n'en est pas de même des affections des yeux, qui réclament le secours de la chirurgie : celles-ci constituent des maladies distinctes, qu'il faut combattre par des médications également variées. Il survient quelquefois aux paupières supérieures des vésicules remplies d'un corps onctueux et pesant, qui permettent à peine a l'œil de s'ouvrir, et provoquent un écoulement de pituite peu considérable, mais opiniâtre. C’est presque toujours dans l'enfance qu'on les rencontre. Pour s'en défaire, il faut tendre la peau en comprimant la paupière avec deux doigts, et faire ensuite une incision transversale, mais d'une main légère, afin de laisser intacte la vésicule même, qui devient saillante dès qu'elle est mise à nu. On la saisit alors avec les doigts, et on l'arrache sans difficulté. Cela fait, on applique un des collyres indiqués contre les ophtalmies, et au bout de très peu de jours la cicatrice est fermée. Le cas est plus embarrassant lorsque la vésicule est ouverte, parce qu'elle se vide du corps qu'elle contient: et, comme elle est fort mince, on ne peut plus la saisir. Quand cet accident se présente, on excite la suppuration par un topique convenable, 2. On observe aussi sur le bord ciliaire des paupières on petit tubercule appelé par les Grecs g-kritheh, d'après sa ressemblance avec un grain d'orge. Renfermée dans un kyste, la matière qui le compose arrive difficilement à suppuration. Il faut dans ce cas fomenter le tubercule avec du pain chaud, ou de la cire qu'on fait chauffer de temps en temps, mais non pas au point d'incommoder la partie malade ; et souvent on obtient ainsi, soit la résolution, soit la suppuration de l'orgeolet. Quand le pus devient manifeste, on doit ouvrir le foyer et le vider entièrement. On renouvelle ensuite les fomentations chaudes et les onctions jusqu'à parfaite guérison. 3. Les paupières sont encore le siège de petites tumeurs qui, sans différer beaucoup des précédentes, n'ont cependant pas le même aspect, et sont assez mobiles pour obéir à l'impulsion qu'elles reçoivent du doigt. Elles ont reçu des Grecs le nom de g-chalazia. Il faut les ouvrir à l'extérieur quand elles sont situées sous la peau, et à l'intérieur quand elles sont sous le cartilage. On doit ensuite les isoler des parties saines avec le manche du scalpel. Si l'on a fait l'incision en dedans, on emploie d'abord des topiques adoucissants, remplacés en temps utile par déplus énergiques; et si la plaie est externe, on la panse avec un emplâtre agglutinatif. 4. L'onglet ou le g-pterygion des Grecs consiste en une membrane nerveuse qui de l'angle de l'œil s'étend quelquefois jusqu'à la cornée, et fait obstacle à la vision. C’est à l'angle voisin de la racine du nez qu'on l'observe le plus souvent, mais quelquefois aussi elle se manifeste du coté des tempes. Lorsque le mal est récent, on en vient facilement à bout à l'aide des médicaments dont on se sert pour effacer les cicatrices de l'œil ; il faut au contraire l'exciser quand il est invétéré, et caractérisé déjà par une certaine épaisseur. En conséquence, après avoir préparé le malade par un jour de diète, on le fait asseoir devant l'opérateur, ou bien en sens opposé, c'est-à-dire la tête renversée en arrière et reposant sur là poitrine du médecin. Selon quelques-uns, le malade doit se placer en face quand il s'agit de l'œil gauche, et prendre pour l'œil droit la position inverse. Dans le premier cas, la paupière inférieure est abaissée par le chirurgien, et la supérieure est relevée par un aide, tandis que dans le second cas le contraire a lieu. L'opérateur saisit ensuite un crochet aigu, dont la pointe un peu recourbée est dirigée vers le sommet du ptérygion, où elle doit s'implanter; cela fait, il abandonne à l'aide le soin d'écarter les paupières, et, soulevant la membrane avec le crochet, il la traverse au moyen d'une aiguille chargée d'un fil : débarrassé de l'aiguille, il doit s'emparer des deux bouts de fil pour tirer sur l'onglet ; et en même temps, s'il y a des adhérences, il les détruit avec le manche du scalpel jusqu'à l'angle de l'œil. Les tractions sont continuées avec des intervalles de repos, et ont pour but de mettre à découvert l'origine de l'onglet et le point où l'angle se termine. Il y a, en effet, deux dangers à redouter : l'un consiste à laisser une partie de la membrane, qui, une fois ulcérée, devient pour ainsi dire incurable; et l'autre à couper la caroncule située dans l'angle de l'œil. Celle-ci par le fait d'une traction trop forte peut suivre l’onglet à l'insu du médecin, et de cette excision il résulte alors un pertuis par où les larmes s'échappent continuellement : c'est l'état que les Grecs ont désigné sous le nom de rhyade. Il faut donc apprécier bien exactement les limites de cet organe et après les avoir reconnues, soulever la membrane avec ménagement, et l'exciser en ayant soin de n'intéresser aucune partie de l'angle de l'œil. On panse ensuite la plaie avec de la charpie enduite de miel, et par-dessus on applique une compresse, une éponge, ou de la laine grasse. Il sera bon dans le commencement d'ouvrir les yeux chaque jour, afin de s'opposer à la réunion des paupières entre elles, car c'est là un troisième accident à prévenir. Après avoir employé la charpie, on fait en dernier lieu des onctions avec un collyre cicatrisant. C'est au printemps on du moins avant l'hiver qu'on doit opérer le ptérygion, et cela pour des raisons communes à différents cas, et qu'il suffira d'énoncer une fois. Il y a en effet deux sortes d'opérations : pour les unes, on n'a pas à choisir le temps, et l'on est forcé d'obéir à l'indication présente, comme dans les blessures et les fistules. Les autres, au contraire, ne réclamant pas un jour précis, il est facile et en même temps beaucoup plus sûr d'attendre, ainsi qu'on le pratique dans les maladies qui se développent lentement et n'éveillent pas de vives douleurs. On peut dans ce cas renvoyer l'opération au printemps, ou, s'il y a quelque motif de ne pas différer autant, il faut alors préférer l'automne à l'été et à l'hiver, et prendre même le milieu de l'automne, temps où les grandes chaleurs sont tombées, et où le froid ne se fait pas encore sentir. En général, l'opération sera d'autant plus grave qu'on agira sur une partie plus nécessaire à la vie, et il sera d'autant plus urgent de la pratiquer dans une saison favorable, que la plaie qui devra s'en suivre aura plus d'étendue. 5. Certaines affections qui reconnaissent aussi d'autres causes sont quelquefois, comme je l'ai dit, la conséquence de l'excision de l'onglet, soit qu'on n'ait pas tout enlevé, on que d'autres influences s'exercent, il survient parfois à l'angle de l'œil une petite tumeur qui permet difficilement l'écartement des paupières, et c'est ce qui constitue g-egkanthis des Grecs. Il faut saisir le tubercule avec une érigne et l'exciser; mais on doit conduire l'instrument d'une main prudente, afin de conserver la caroncule intacte. On applique ensuite sur l'angle de l'œil, en écartant les paupières, un peu de charpie imprégnée de cadmie et de vitriol, et on la maintient au moyen d'un bandage. Les jours suivants, on renouvelle ce pansement; et, au début seulement, on bassine la partie malade avec de l'eau tiède ou même froide. 6. Quelquefois les paupières sont collées entre elles, et l'œil ne peut plus s'ouvrir. Souvent à ce premier mal il s'en joint un second qui consiste dans l'adhérence des paupières au blanc de l'œil. Ces deux états reconnaissent pour cause un ulcère mal soigné, et pendant la guérison duquel on a négligé d'isoler ces diverses parties; ce qui pouvait et devait se faire. Les Grecs désignent ce double accident sous le nom d’ g-agkyloblepharous. Quand l'adhérence n'est qu'entre les paupières, il n'est pas difficile de la détruire, mais c'est quelquefois inutilement, car on la voit se reproduire ; et cependant, comme les cas où l'on réussit sont encore les plus nombreux, il n'en faut pas moins essayer de maintenir l'écartement nécessaire. On doit donc, pour diviser les paupières, y introduire le dos d'une sonde, et interposer ensuite une petite tente qu'on laisse à demeure jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucune ulcération. Mais lorsque la paupière a contracté des adhérences avec le globe de l'œil, Héraclide de Tarente prescrit de les emporter au moyen du scalpel, dont le tranchant est dirigé en haut, et de procéder avec une grande circonspection pour n'intéresser ni l'œil, ni les paupières, ou du moins pour ne blesser que celles-ci, si cela devient inévitable. Après le débridement, on applique en onctions sur l'œil les topiques destinés à détruire les granulations, et l'on fait mouvoir les paupières chaque jour, non seulement pour mettre le médicament en contact avec les points ulcérés, mais pour prévenir aussi de nouvelles adhérences; de plus, on recommande au malade de soulever souvent la paupière avec deux doigts. Quant a moi, je n'ai point souvenir d'avoir vu personne guérir par cette méthode. Mégès aussi déclare avoir fait bien des expériences semblables et toujours en vain, parce que l'adhérence entre l'œil et la paupière se reproduit constamment. 7. On observe encore à l'angle de l'œil situé près de la racine du nez une petite fistule produite par quelque principe vicieux, et d'où s'écoule sans relâche une humeur pituiteuse. Cette maladie s'appelle en grec g-aigilohpa ; elle constitue pour l'oeil une incommodité perpétuelle, et quelquefois, après avoir carié l'os, elle pénètre jusque dans les narines. Dans certains cas même on lui voit prendre un caractère carcinomateux, et alors les veines sont gonflées et flexueuses, la peau devient dure, décolorée, sensible au moindre toucher, et l'inflammation envahit les parties voisines. Il est dangereux de vouloir guérir les fistules qui ont cet aspect carcinomateux, car le traitement a pour effet de rendre la mort plus prompte. Quant à celles qui se font jour dans les narines, il n'est pas moins inutile de les attaquer, puisqu'elles sont incurables. Mais on peut combattre par des moyens curatifs les fistules qui n'affectent que l'angle nasal, et toutefois il ne faut pas ignorer qu'on réussit rarement. La difficulté sera d'autant plus grande, que le pertuis fistuleux sera situé plus près de l'angle de l'œil, parce qu'on est beaucoup plus gêné pour y porter la main. Lorsque le mal est récent cependant, il est plus facile d'en venir à bout. On doit saisir avec une érigne l'orifice externe du conduit, puis exciser tout le trajet jusqu'à l'os, comme je l'ai dit en parlant des fistules : ensuite, l'œil et les parties voisines étant bien couverts, on porte sur l'os le fer brûlant, et si déjà il est atteint de carie, on le cautérise plus profondément, afin d'obtenir une exfoliation plus considérable. Quelques médecins appliquent des caustiques tels que le vitriol, le chalcitis ou le verdet ratissé; mais ces moyens agissent avec plus de lenteur et moins d'efficacité. L'os une fois cautérisé, on se conforme au traitement concernant les brûlures. 8. Les cils peuvent irriter l'œil de deux manières : ainsi, dans certains cas la face cutanée des paupières se trouve relâchée et s'abaisse, mais, le cartilage tarse n'éprouvant pas le même relâchement, il en résulte que les cils sont tournés vers le globe de l'œil; d'autres fois, au-dessous du bord ciliaire il existe une autre rangée de cils, qui se portent directement sur l'œil. Voici maintenant les procédés à suivre : si le mal est causé par des cils venus d'une manière anomale, on fait chauffer une aiguille de fer élargie en forme de spatule, et, quand elle est brûlante, on renverse la paupière pour bien apercevoir les cils qui sont nuisibles; puis, à partir du grand angle jusqu'au tiers de la paupière, on promène le cautère sur les racines, et, à l'aide d'une seconde et d'une troisième cautérisation, on arrive jusqu'à l'angle externe. Par ce moyen les poils brûlés dans leurs racines ne repoussent plus. On applique ensuite les topiques convenables pour prévenir l'inflammation, et à la chute des escarres on favorise la cicatrisation des points ulcérés, qui guérissent avec la plus grande facilité. D'après certains médecins, il faut traverser la paupière supérieure en dehors et tout près du bord ciliaire, avec une aiguille enfilée d'un cheveu de femme mis en double. Dans ce double on engage le cil dont la direction est vicieuse, et on le ramène sur la paupière supérieure, où l'on doit le fixer avec un agglutinatif. On a recours après cela aux cicatrisants pour guérir le trou fait par l'aiguille. En suivant ce procédé, on espère que désormais le cil ne se portera plus en dedans. Mais d'abord il n'est possible d'agir ainsi que sur des poils plus longs que ne le sont ordinairement ceux qui naissent en cet endroit; en second lieu, s'il y en a plusieurs, la souffrance prolongée qui résulte du passage de l'aiguille pour chacun d'eux peut susciter une inflammation violente; enfin, l'œil irrité déjà par le frottement des cils, puis par les perforations des paupières, venant à se remplir d'eau, la glu destinée à maintenir le poil sera presque inévitablement délayée, et alors le cil, affranchi de la résistance qu'on lui opposait, reprendra sa direction première. L'opération au contraire ne présente aucune incertitude, quand la déviation n'est due qu'au relâchement des paupières. On s'y prend de la manière suivante : l'œil étant fermé, on saisit, avec les doigte et par le milieu, les téguments de la paupière inférieure ou supérieure, et on les soulève pour voir ce qu'il en faut retrancher, afin de ramener les choses à l'état naturel. Ici encore il y a deux inconvénients à redouter : si l'on coupe en effet une portion trop considérable, la paupière ne peut plus recouvrir l'œil, et, d'un autre coté, si le lambeau est insuffisant, c'est comme si l'on n'avait rien fait, et le malade en est pour une excision inutile. On trace avec de l'encre deux lignes qui comprennent la portion de peau à retrancher, et on a soin de laisser entre le bord ciliaire et la ligne la plus voisine, un certain espace pour appliquer les points d'aiguille. Ces précautions prises, on pratique l'incision au-dessus des cils quand il y a prolapsus de la paupière supérieure, et au-dessous quand le relâchement existe à la paupière inférieure ; il faut commencer l'incision par l'angle temporal s'il s'agit de l'œil gauche, par l'angle nasal lorsqu'on opère sur l'œil droit, et emporter tous les téguments compris entre les deux lignes qu'on a tracées. On réunit ensuite les lèvres de la plaie par une seule suture, et l'on ferme l'œil. Si la paupière ne descend pas assez, on relâche la suture; si au contraire elle offre encore trop de laxité, on tient les fils plus serrés, ou même on enlève, aux dépens du bord le plus éloigné, une nouvelle bandelette de peau; après quoi l'on ajoute d'autres points de suture aux premiers, sans cependant les porter au delà de trois. Il faut de plus, relativement à la paupière supérieure, conduire une incision au-dessous des cils, pour qu'une fois redressés, ils ne se dirigent plus qu'en dehors ; et cette incision même peut suffire quand le renversement n'est pas trop marqué; mais il est inutile d'en venir là pour la paupière inférieure. L'opération terminée, on applique sur l'œil une éponge trempée dans l'eau froide, maintenue au moyen d'un bandage, et remplacée le lendemain par un emplâtre agglutinatif: le quatrième jour, on enlève les points de suture, et l'on fait des onctions avec on collyre propre à réprimer l'inflammation. 9. Il arrive parfois que, pour n'avoir pas assez ménagé la peau dans cette opération, l'œil ne peut plus se fermer; et cet accident, qui reconnaît aussi d'autres causes, a reçu des Grecs le nom de g-lagohphthalmous. Si la perte de substance est trop considérable, le cas est sans remède; mais il n'est pas impossible de la réparer, quand elle est légère. On fait alors un peu au-dessous du sourcil une incision en forme de croissant, dont les pointes sont dirigées en bas; l'incision doit pénétrer jusqu'au cartilage sans l'intéresser, car il résulterait de cette lésion un prolapsus de la paupière, auquel on ne pourrait plus remédier. On ne divisera donc que les téguments pour les attirer vers le bord palpébral, laissant à la face supérieure une plaie béante où l'on introduit de la charpie. On prévient par là une réunion immédiate, et l'on favorise la reproduction des chairs qui doivent combler l'intervalle. Ce résultat obtenu, l'œil recouvre en effet la faculté de se fermer régulièrement. 10. Si dans certains cas la paupière supérieure ne s'abaisse plus assez pour couvrir l'œil, il arrive aussi que l'inférieure ne remonte pas suffisamment, et demeure renversée et béante sans pouvoir se réunir à la supérieure. Cet état est parfois la conséquence d'une excision mal faite, et d'autres fois il est produit par la vieillesse; les Grecs lui ont donné le nom d' g-ektropion. Quand cette infirmité dépend d'une mauvaise opération, on emploie, pour y remédier, la méthode indiquée plus haut; seulement, les pointes de l'incision semi-lunaire sont tournées vers la mâchoire, et non plus vers l'œil. Si l'ectropion est le résultat de l'âge, on cautérise avec un fer mince tout ce qui fait bourrelet en dehors, puis on panse avec le miel : au bout de quatre jours on fait des fumigations avec la vapeur d'eau chaude, et l'on a recours ensuite aux cicatrisants. 11. En général ces maladies n'affectent que les parties extérieures de l'œil, c'est-à-dire les angles et les paupières; mais sur le globe oculaire lui-même, par suite du relâchement ou de la rupture des membranes internes, on observe quelquefois un soulèvement de la tunique externe, dont la forme est semblable à un grain de raisin, ce qui lui a valu des Grecs le nom de g-staphyloma. Il y a deux méthodes curatives : la première consiste à traverser la tumeur à la base et par le milieu avec une aiguille chargée de deux fils : on noue en haut et en bas les deux bouts de chaque fil ; de sorte que le staphylome est étranglé dans cette double ligature, qui le coupe insensiblement et le fait tomber. Dans le second procédé, on enlève gros comme une lentille du sommet de la tumeur, après quoi on la saupoudre avec de la tutie ou de la cadmie. Quelle que soit la méthode, il faut, dès qu'on a terminé l'opération, recouvrir l'œil d'une laine imbibée d'un blanc d'œuf, diriger vers cet organe des fumigations d'eau chaude, et faire des onctions avec des collyres adoucissants. 12. Sous le nom de clous, on désigne des tubercules calleux qu'on observe sur le blanc de l'œil, et dont le nom est tiré de la forme qu'ils présentent. Ce qu'il y a de mieux à faire, c'est d'en traverser la racine avec une aiguille, de pratiquer l'excision au-dessous, et d'appliquer ensuite des topiques émollients. 13. J'ai déjà fait mention de la cataracte dans un autre endroit, parce qu'en effet, quand elle est récente, les agents médicamenteux parviennent souvent à la résoudre; tandis que, lorsqu'elle est ancienne, elle réclame le secours de la main, c'est-à-dire une opération des plus délicates. Avant de la décrire, je dois faire connaître en peu de mots l'organisation de l'œil; car cette connaissance, importante dans plusieurs autres cas, est spécialement utile dans celui-ci. Le globe de l'œil a deux enveloppes, dont l'une, appelée kératoïde (sclérotique) par les Grecs, est extérieurement située ; assez épaisse dans sa partie blanche, elle s'amincit vers la pupille. En dedans elle est tapissée par la seconde tunique, qui laisse voir au centre, là où est la pupille, une petite ouverture. Cette membrane est mince autour du cercle pupillaire, et, comme la première, acquiert plus d'épaisseur dans le reste de son étendue; c'est la choroïde des Grecs. Ces deux tuniques, qui contiennent les parties internes de l'œil, viennent se réunir en arrière, et, après s'être amincies et confondues en passant par la fente orbitaire, elles se rendent à la membrane du cerveau, où elles s'attachent. A l'endroit où se trouve la pupille, elles laissent dans leur intérieur un espace vide. Puis se présente une troisième membrane d'une extrême ténuité, nommée par Hérophile arachnoïde : celle-ci, déprimée au centre, renferme dans sa cavité un corps appelé hyaloïde, à cause de sa ressemblance avec le verre. Ce corps vitré n'est ni solide ni liquide, mais forme une espèce d'humeur condensée. C'est de lui que le cercle pupillaire tire sa couleur noire ou bleue, tandis que l'enveloppe externe est entièrement blanche. Au-dessous de ces membranes, on remarque une goutte d'humeur semblable à du blanc d'œuf, et dans laquelle réside la faculté de voir. On la nomme en grec g-krystalloeidehs. 14. Or, il peut arriver que l'humeur placée à l'intérieur des deux premières membranes, dans l'espace vide que j'ai dit y exister, vienne à s'épaissir à la suite d'un coup ou d'un état morbide, et que peu à peu, en se condensant davantage, elle s'oppose à la vision. Cette maladie se distingue en plusieurs espèces; il en est de curables, et d'autres qui ne le sont pas. Si la cataracte est étroite, immobile, de couleur d'eau de mer ou de fer luisant ; si par les côtés elle laisse passer encore quelques rayons de lumière, il y a lieu d'espérer. Si au contraire elle est large, accompagnée d'une déformation de la pupille, d'une teinte bleuâtre ou jaune, et si elle est mobile et vacillante, il est pour ainsi dire impossible d'y remédier. Elle permet en général d'autant moins d'espoir qu'elle succède à une maladie plus grave, à de plus grands maux de tête, ou à des coups plus violents. L'âge avancé n'est pas non plus favorable à l'opération, parce qu'indépendamment de toute autre cause, la vue se trouve alors naturellement affaiblie. L'enfance est également une époque fâcheuse, et la plus convenable est l'âge mûr. On rencontre aussi plus de difficulté quand les yeux sont petits et enfoncés; et enfin il importe que la cataracte ait acquis une certaine maturité. En conséquence il faut attendre que l'humeur ne soit plus fluide, et paraisse au contraire offrir une assez grande dureté. On prépare le malade à l'opération en le faisant peu manger, en ne lui laissant boire que de l'eau pendant trois jours, et en lui imposant la veille une diète absolue. Toutes choses ainsi disposées, on fait asseoir le malade dans un endroit bien éclairé, la face tournée du côté du jour, tandis que l'opérateur se place devant lui sur un siège un peu plus élevé. Par derrière, un aide maintient la tête immobile, car au plus léger mouvement le patient serait en danger de perdre la vue sans retour. Pour mieux s'opposer à la mobilité de l'œil qu'on doit guérir, on applique sur l'autre un morceau de laine assujetti par un bandage. L'opération se fait sur l'œil gauche avec la main droite, et sur l'œil droit avec la main gauche. Au moment d'agir, le chirurgien prend une aiguille acérée, mais offrant une certaine largeur, et il l'enfonce en droite ligne à travers les deux premières tuniques, entre l'angle externe et la pupille, et au niveau du milieu de la cataracte, de manière à ne blesser aucun vaisseau; il peut au reste l'enfoncer avec assurance, parce qu'elle pénètre dans un espace vide. Lorsqu'elle y est parvenue (et l'absence de toute résistance ne permet à personne de s'y tromper), le chirurgien l'incline vers la cataracte, et, par un léger mouvement de rotation, il abaisse doucement le cristallin au-dessous de la pupille. Il doit alors appuyer plus fortement sur la cataracte pour la fixer en bas. Si elle reste dans cette situation, l'opération est terminée; mais si elle remonte, il faut la diviser en plusieurs parties avec le tranchant de l'aiguille, parce que ces fragments demeurent plus facilement; abaissés, et ne font plus du moins autant d'obstacle à la vision. Cela fait, on retire l'aiguille en droite ligne, on couvre l'œil d'une laine douce enduite de blancs d'œuf, par-dessus on applique des médicaments pour combattre l'inflammation, et l'on maintient le tout par un bandage. On prescrit ensuite au malade le repos, la diète, des liniments adoucissants, et le lendemain au plus tôt quelques aliments qui d'abord doivent être liquides pour qu'il n'y ait pas de mouvement des mâchoires. L'inflammation une fois disparue, on suit le traitement Indiqué pour les blessures, en y joignant seulement l'obligation de ne boire que de l'eau pendant longtemps. 15. Je me suis occupé déjà de l'écoulement de pituite ténue qui se jette sur les yeux, en tant que cette maladie pouvait céder à l'action des remèdes; je vais signaler maintenant les cas où l'on doit réclamer les secours de la chirurgie. On peut remarquer que chez certaines personnes l'œil n'est jamais sec, mais est au contraire constamment baigné d'une humeur ténue, qui a pour effet d'entretenir des granulations, d'exciter, à la moindre occasion, des inflammations et des ophtalmies, et de faire enfin le tourment de la vie entière. Il y a de ces sujets dont l'état ne peut être amélioré par aucun moyen, et d'autres pour lesquels la guérison est possible. Cette première distinction est importante à connaître, en ce qu'elle permet d'appliquer à ceux-ci le traitement chirurgical qu'il faut épargner à ceux-là. Il serait par exemple inutile de vouloir guérir ceux qui traînent cette affection depuis l'enfance, attendu qu'elle doit nécessairement se prolonger jusqu'à la mort. Les procédés manuels ne sont pas moins superflus, quand l'écoulement pituiteux, sans être abondant, présente néanmoins un caractère d'âcreté; et dans ce dernier cas, où l'opération n'amènerait aucun soulagement, on obtient la cessation du mal en rendant la pituite épaisse à l'aide d'un régime et de médicaments convenables. Les personnes qui ont la tête large opposent par cela même à la médecine des difficultés presque insurmontables : alors, il est d'un grand intérêt de savoir par quelles veines est fournie la pituite, si elle provient de celles qui rampent entre le crâne et le cuir chevelu, on de celles qui sont situées entre la membrane du cerveau et le crâne ; les premières arrosent l'œil par les tempes, les secondes par les membranes qui du fond de l'œil se rendent au cerveau. Lorsque l'écoulement a pour origine les veines placées en dehors du crâne, on peut y porter remède ; mais s'il dépend des veines intracrâniennes, le mal est incurable. Il l'est encore si la pituite descend des deux cotés à la fois ; car, si l'on vient à bout de la supprimer sur un point, on ne réussit pas à la tarir de l'autre. Voici donc le moyen de remonter à la source. On commence par raser la tête, puis, à partir des sourcils jusqu'au sommet du crâne, on applique les remèdes destinés à suspendre le cours de la pituite. Si les yeux cessent d'être humides, on acquiert la preuve que l'écoulement n'est dû qu'aux veines sous-cutanées; mais s'ils sont toujours remplis d'humeur, il faut évidemment s'en prendre aux vaisseaux situés en dedans du crâne ; enfin, si la pituite devient seulement moins abondante, on en doit conclure l'existence d'une double cause. Cependant comme ce flux d'humeur est le plus souvent entretenu par les vaisseaux extérieurs, on le combat avec succès dans la plupart des cas. Le traitement que ce mal exige n'est pas seulement en vogue chez les Grecs, mais chez d'autres nations encore, et même il n'en est pas en médecine de plus universellement répandu. Quelques chirurgiens en Grèce pratiquaient neuf incisions sur le cuir chevelu ; savoir, deux en droite ligne à l'occiput, rencontrées par une incision transversale ; deux au-dessus des oreilles séparées par une autre également transversale, et les trois dernières toujours en ligne droite, conduites du sommet de la tête au front. D'autres menaient directement l'incision du sommet aux tempes, et, après avoir reconnu par le mouvement des mâchoires l'insertion des muscles, ils coupaient légèrement au-dessus les téguments, qu'ils maintenaient écartés à l'aide de crochets mousses; ils remplissaient ensuite de charpie l'intervalle, afin de s'opposer à la réunion des lèvres de la plaie, et de pouvoir par la production de chairs nouvelles comprimer les vaisseaux d'où s'échappait l'humeur. D'autres praticiens encore traçaient avec de l'encre deux lignes, dont la première partant du milieu d'une oreille devait se rendre au milieu de l'oreille opposée, tandis que la seconde allait de la racine du nez au sommet de la tête; puis, au point de jonction de ces deux lignes, ils faisaient une incision, et cautérisaient l'os après avoir laissé couler le sang quelque temps. Ils n'en touchaient pas moins avec le fer rouge les veines superficielles des tempes, et de l'espace compris entre le front et le sommet. Une méthode assez générale consiste à brûler les veines temporales, qui sont presque toujours dilatées dans les cas de ce genre ; mais, pour les gonfler davantage et les rendre encore plus apparentes, on applique autour du cou une ligature médiocrement serrée, et l'on cautérise ensuite avec un fer mince et obtus, jusqu'à ce que le cours de la pituite soit tari. A ce signe en effet on peut reconnaître que les vaisseaux qui la charriaient sont oblitérés. Le traitement devient plus énergique quand les veines sont si petites et si profondes qu'on ne peut les distinguer; on applique alors, comme je l'ai dit, une ligature autour du cou, et le malade doit en même temps retenir sa respiration pour faire saillir les veines ; cela fait, on marque avec de l'encre celles qui se trouvent dans la région temporale et dans l'espace compris entre le front et le sommet de la tête; après quoi, la ligature étant enlevée, on ouvre les veines marquées de noir; et, lorsqu'on juge que le sang a coulé suffisamment, on les cautérise avec un fer mince. Sur les tempes la cautérisation doit être faite d'une main timide, afin de ne pas intéresser les muscles placés au-dessous, et qui soutiennent la mâchoire. On peut au contraire porter le cautère hardiment entre le front et le sommet, pour produire l’exfoliation de l'os. La méthode des Africains est plus efficace encore, car ils cautérisent le vertex jusqu'à ce qu'il se détache de l'os une lame exfoliée. Bien n'est préférable cependant à la pratique usitée dans la Gaule chevelue, où l'on choisit toujours les veines temporales et celles du sommet de la tête. J'ai dit ailleurs comment on doit traiter les brûlures; mais j'ajoute ici qu'après avoir cautérisé les veines, il ne faut pas se hâter de faire tomber les escarres et de cicatriser les plaies, tant pour éviter une hémorragie, que pour ne pas supprimer trop tôt la suppuration ; car il s'agit ici de rendre les parties plus sèches par la suppuration, et non de les épuiser de sang par l'hémorragie. Si cependant elle survient, on a recours aux topiques, qui peuvent arrêter l'écoulement sanguin sans produire un effet caustique. En parlant des varices des jambes, je dirai quelles sont les veines à choisir, et comment on doit opérer. [7,8] VIII. A coté des affections de l'œil qui non seulement exigent des remèdes multiples, mais réclament souvent encore le secours de la main, viennent se ranger les maladies de l'oreille, pour lesquelles les soins de la chirurgie se réduisent à peu de chose. Quelquefois cependant, par vice de naissance ou par le fait d'une cicatrice qui remplace une ulcération, le conduit auditif est fermé, ce qui enlève au malade la faculté de l'ouïe. Il faut alors employer le stylet pour voir si l'oblitération s'étend au loin dans le conduit, ou si elle n'est que superficielle. Quand l'obstacle est profond, il résiste à l'introduction de l'instrument, et se laisse au contraire franchir immédiatement s'il n'occupe que l'orifice externe. Dans le premier cas on s'abstiendra de toute manœuvre, attendu que, sans espoir de succès, on peut jeter le malade dans des convulsions et le mettre en péril de mort. Il n'en est pas ainsi du second cas, dont la guérison est facile. Au point même où doit se trouver le trou auditif, on applique soit des agents caustiques, soit le fer rouge, ou bien l'on fait une incision avec le scalpel. Après avoir ainsi rétabli l'ouverture et détergé la plaie, on y introduit une tente imprégnée d'un remède cicatrisant ; de ce remède on enduit encore l'orifice externe, pour que les parties vives se cicatrisent autour de la tente; car il suit de là que, ce corps étranger étant ensuite retiré, le malade recouvre la faculté d'entendre. Si quelqu'un rougit d'avoir les oreilles percées, il suffit de faire passer rapidement dans l'ouverture une aiguille brûlante, afin d'en ulcérer légèrement les bords; on atteint le même but à l'aide d'un médicament caustique, et l'on s'occupe ensuite de déterger la plaie, puis de combler le vide par la formation d'une cicatrice. Cependant, s'il s'agit d'une large ouverture, comme on en observe chez ceux qui ont porté des anneaux pesants, il faut achever de fendre le lobe de l'oreille, rafraîchir avec l'instrument la partie supérieure des bords de la division, employer la suture et recourir aux agglutinatifs. Une troisième application de la chirurgie consiste a réparer les pertes de substance: mais comme la méthode pour l'oreille est la même que pour les restaurations du nez et des lèvres, j'en traiterai dans on seul article. [7,9] IX. Il est possible, en effet, de remédier aux mutilations de ces trois organes quand elles ne sont pas trop considérables; si ce dernier cas se présente, l'opération est impossible, ou bien elle a pour résultat de rendre encore plus choquante la difformité des parties. Pour le nez et les oreilles, cette difformité est le seul inconvénient qu'on ait à craindre; au lieu que, si le raccourcissement des lèvres est porté trop loin, elles ne peuvent plus agir, et par conséquent la préhension des aliments et l'articulation des mots deviennent plus difficiles. Les restaurations se font non à l'aide d'un corps nouveau que l'on crée, mais aux dépens des parties voisines qu'on attire; si le changement qu'on leur fait subir est léger, on peut en imposer aux yeux, et paraître n'avoir rien enlevé, tandis que l'illusion est impossible quand l'état des choses est notablement modifié. Les sujets avancés en âge, ou mal constitués, et ceux qui sont atteints d'ulcères rebelles, se prêtent mal a cette opération ; car il n'en est pas où la gangrène se déclare plus promptement, et persévère avec plus d'opiniâtreté. Voici maintenant le procédé curatif. On commence par donner une forme carrée a l'endroit mutilé, puis, a partir des angles internes, on mène deux incisions transversales, qui doivent complètement séparer les chairs d'en bas de celles d'en haut ; cela fait, on tâche de réunir les deux lambeaux, et, si le contact n'est pas assez intime, il faut au delà des premières incisions en conduire deux autres en forme de croissant, et les pointes tournées vers la plaie. Celles-ci n'intéressent que la peau, et suffisent pour rendre la réunion plus facile. Il n'est pas nécessaire pour cela d'employer la force, et les téguments doivent obéir à des tractions ménagées, à tel point qu'abandonnés à eux-mêmes, ils n'éprouvent plus qu'un retrait peu sensible. Quelquefois cependant, faute d'avoir suffisamment attiré la peau d'un côté, il existe une difformité à l’endroit qu'elle ne recouvre pas. Dans ce cas, on complète l'incision de ce côté sans toucher à l'autre. Ce n'est ni de la partie inférieure des oreilles, ni du milieu ou de l'extrémité du nez, non plus que des commissures des lèvres, qu'il faut rien enlever; c'est sur les cotés qu'on doit prendre le lambeau, s'il y a perte de substance dans ces diverses parties. Quelquefois la mutilation porte sur deux points à la fois, mais cela ne change rien à la méthode curative. S'il se trouve un cartilage dans le lambeau qu'on a détaché, on doit le retrancher parce qu'il s'oppose à la réunion des chairs, et qu'il n'est pas prudent de le traverser avec une aiguille. Il importe de ne pas inciser trop profondément, dans la crainte de voir se former de chaque côté un amas de pus entre les bords libres de la division. On procède ensuite à la réunion par suture en traversant les deux lèvres de la plaie, et l'on réunit de la même façon les premières incisions. Quant aux parties sèches comme le nez, il suffit d'employer en topique de la litharge d'argent. Dans les secondes incisions en forme de croissant, il faut introduire de la charpie, pour que de nouvelles chairs remplissent l'espace privé de téguments. Parler, comme je l'ai fait plus haut, du danger de la gangrène, c'est dire qu'il faut surveiller les sutures avec le plus grand soin. En conséquence, de trois jours l'un on dirigera sur ce point de la vapeur d'eau chaude, et l'on fera de même des applications de litharge d'argent En général, l'adhésion est complète au bout de sept jours; alors il ne s'agit plus que d'enlever les sutures, et de conduire la plaie jusqu'à parfaite cicatrisation. [7,10] X. Ainsi que je l'ai dit ailleurs, c'est surtout avec le fer qu'il convient d'attaquer les polypes du nez. A l'aide d'un instrument pointu fait en forme de spatule, on doit donc détacher le polype de l'os, en ayant soin de ne pas blesser le cartilage qui se trouve au-dessous, attendu que cette lésion est difficile à guérir. Dès que l'excision est faite, on attire la production morbide au dehors avec une érigne ; on dispose ensuite une tente roulée, ou bien un plumasseau chargé d'un médicament pour réprimer l'hémorragie, et l'on en remplit doucement la narine. Quand il n'y a plus d'écoulement sanguin, il faut déterger la plaie avec la charpie, puis, comme je l'ai prescrit pour l'oreille, introduire dans le nez une tente qu'on enduit d'un remède cicatrisant, et qu'on laisse à demeure jusqu'à guérison complète. [7,11] XI. Quant à la maladie que les Grecs appellent g-ozaina, je n'ai trouvé dans les écrits des grands chirurgiens aucun procédé curatif qui pût suppléer à l'insuffisance des remèdes. La raison en est, je crois, que les moyens chirurgicaux sont rarement suivis de succès, et que de plus ils produisent une assez vive douleur. Quelques-uns, néanmoins, conseillent de porter au fond des narines et jusqu'à l'os une sonde ou un roseau à écrire sans nœuds, afin de conduire par ce canal un stylet rougi qui doit cautériser la partie osseuse. Le verdet et le miel servent ensuite à déterger l'endroit qui a subi l'action du feu, et le lycium sert à guérir la plaie quand elle est bien nette. Ils croient possible aussi de faire une incision depuis l’aile du nez jusqu'à l'os, pour mieux découvrir le siège du mal, et l'atteindre plus facilement avec le fer chaud. Cela fait, on recoud la narine, et on panse la plaie comme une brûlure ordinaire. Sur la suture on applique de la litharge d'argent, ou quelque autre agglutinatif. [7,12] XII. 1. Les secours de la chirurgie sont indiqués aussi dans certaines affections de la bouche. Les dents deviennent quelquefois vacillantes, soit parce que les racines sont mauvaises, soit parce que les gencives se flétrissent. Dans ce double cas, il faut employer le fer rouge, et le porter légèrement et rapidement sur les gencives. La cautérisation doit être suivie d'onctions avec le miel et l'hydromel; puis, quand la plaie prend un bon aspect, on applique dessus quelque poudre astringente. Mais s'il existe des douleurs dentaires, et qu'on juge à propos d'extraire la dent malade, après avoir éprouvé l'inefficacité des remèdes, il faut d'abord la déchausser, c'est-à-dire l'isoler des gencives, la percuter ensuite jusqu'à ce qu'elle soit bien ébranlée, attendu que l'avulsion d'une dent fortement enracinée peut offrir le plus grand danger, et qu'il en résulte parfois une luxation de la mâchoire. Les conséquences sont encore plus graves au maxillaire supérieur, parce que l'ébranlement peut se communiquer aux yeux et aux tempes. Dès que la dent vacille, on essaye de la saisir avec les doigts, ou, s'il n'y a pas moyen, avec la pince ; si elle est cariée, on remplit d'abord le trou qu'elle présente avec de la charpie ou du plomb convenablement préparé, pour éviter de la briser sous la pression de l'instrument. On aura soin de faire agir la pince perpendiculairement, de peur que les racines en s'inclinant ne déterminent quelque fracture de l'os spongieux dans lequel elles sont implantées. Cet accident est à craindre en effet, et surtout pour les dents courtes, dont les racines sont presque toujours plus longues ; et il arrive souvent que les mors de la pince, ne pouvant embrasser la dent ou n'ayant qu'une prise insuffisante, portent sur le bord gingival et brisent l'alvéole. On reconnaît aussitôt qu'il y a fracture à l'écoulement de sang, qui devient plus considérable. Il faut alors, à l'aide d'un stylet, rechercher l'esquille qui s'est détachée, et l'extraire avec une pince plus petite. En cas d'insuccès, on fait à la gencive une incision convenable pour saisir directement cette portion osseuse. Quand l'extraction n'a pas lieu sur-le-champ, on observe à l'extérieur de la mâchoire une induration qui ne permet plus d'ouvrir la bouche. Dans ce cas, on applique sur la partie malade des cataplasmes chauds de farine et de figue jusqu'à ce que la suppuration s'établisse, et on lui donne une issue par une incision faite aux gencives. L'abondance du pus dénonce également la fracture de l'os, et c'est encore un cas où il faut extraire l'esquille. Les fistules succèdent quelquefois à cette lésion de l'os, et nécessitent l'emploi de la rugine. Il faut de même racler les dents noires et rugueuses, et les frotter avec des roses pilées, auxquelles on ajoute un quart de noix de galle et autant de myrrhe. De plus, on doit se rincer fréquemment la bouche avec du vin pur, se tenir la tête couverte et la frictionner, puis se promener beaucoup, et éviter les aliments âcres. S'il y a des dents ébranlées à la suite d'un coup ou de quelque autre accident, on les maintient au moyen d'un fil d'or que l'on attache aux dents qui tiennent bien. On fait usage ensuite de gargarismes astringents ; et l'on peut prendre entre autres du vin dans lequel on aura fait bouillir de l'écorce de grenade, ou jeté de la noix de galle brûlante. Si, dans l'enfance, il survient une dent nouvelle avant que la première soit tombée, on doit déchausser celle-ci et l'extraire; puis, pour mettre à sa place celle qui pousse, on exercera chaque jour une pression avec le doigt, jusqu'à ce qu'elle ait atteint la grandeur convenable. Lorsqu'en arrachant la dent on a laissé la racine, il faut immédiatement en faire l'extraction avec un davier, que les Grecs appellent g-rizagran. 2. Quand l'induration succède à l'inflammation des tonsilles (en grec g-antiades), il faut avec le doigt isoler, ces corps revêtus d'une mince tunique, et les arracher. Si l'on ne parvient pas à les détacher ainsi, on devra les saisir avec une érigne et les exciser. On se sert ensuite de vinaigre pour laver la plaie, puis de certains médicaments pour arrêter l'écoulement du sang. 3. Lorsque l'inflammation détermine un prolongement de la luette et que cet organe est en même temps rouge et douloureux, on ne saurait le couper sans danger, car il en résulte ordinairement une perte de sang considérable. Aussi vaut-il mieux dans ce cas recourir aux moyens que j'ai prescrits ailleurs. Si au contraire il n'existe pas d'inflammation, et que l'abaissement exagéré de la luette ne soit dû qu'à un afflux de pituite, si de plus elle est grêle, pointue et blanche, on doit en pratiquer l'excision. On agira de même si l'extrémité libre est épaisse et livide, tandis que la partie supérieure est mince. Le meilleur procédé consiste à saisir la luette avec la pince, au-dessous de laquelle on peut retrancher ce qui paraît superflu. On n'est point exposé par là à couper plus ou moins qu'il ne faut, puisqu'on est libre de ne laisser dépasser que la portion reconnue inutile, et qu'alors on excise simplement ce qui excède la longueur naturelle de la luette. Les soins qui doivent suivre l'opération, ne différent point de ceux que je viens d'indiquer pour l'extirpation des amygdales. 4. Chez certains sujets, la langue reste, dès la naissance, adhérente aux parties sous-jacentes, et ce vice les met dans l'impossibilité de parler : pour y remédier, il faut saisir avec la pince l'extrémité de la langue, et diviser la membrane qui est au-dessous, mais en ayant grand soin de ne pas ouvrir les veines qui sont latéralement situées, si l'on veut éviter une hémorragie redoutable. On trouvera, dans les cas énoncés plus haut, ce qu'il convient de faire après l'incision. Dès que la blessure est cicatrisée, on voit le plus grand nombre recouvrer l'usage de la parole; j'ai connu cependant une personne à laquelle cette faculté n'a pas été rendue, bien qu'il lui fût permis de porter librement la langue au delà des dents. Tant il est vrai qu'en médecine les résultats ne sont pas toujours conformes aux règles les plus constantes! 5. Il se forme quelquefois sous la langue un abcès qui le plus souvent est renfermé dans un kyste, et provoque de violentes douleurs. Une seule incision doit suffire quand il n'est pas considérable. Mais s'il est volumineux, on divise les téguments jusqu'à la tunique; avec des érignes, on tient écartés les bords de la division, puis on détache le kyste des parties qui l'environnent. Pendant l'opération on prendra de grandes précautions pour n'intéresser aucun gros vaisseau. 6. Les lèvres sont sujettes à se fendre, et ce mal, indépendamment de la douleur qu'il entraîne, est encore importun en ce qu'il empêche de parler. Lorsqu'on veut en effet articuler des mots, les gerçures, se trouvant tiraillées, deviennent douloureuses et saignantes. Si ces gerçures sont superficielles, il est plus simple de les traiter avec les remèdes employés contre les ulcères de la bouche. Mais quand elles sont profondes, il est nécessaire de les cautériser avec un fer mince, en forme de spatule, qu'on fait passer rapidement et sans appuyer sur la fissure. Les moyens de traitement sont ensuite les mêmes que pour les oreilles cautérisées. [7,13] XIII. Dans la région du cou, entre la peau et la trachée-artère, il se développe quelquefois une tumeur que les Grecs appellent g-brogchokehlehn, et qui renferme tantôt une chair inerte, tantôt une humeur semblable à de l'eau ou à du miel, et, parfois même, des poils mêlés à de petits os. Cette matière, quelle qu'elle soit, est toujours contenue dans un kyste. On peut guérir la tumeur par l'application des caustiques, qui doivent perforer la peau et le kyste sous-jacent. Cela fait, la matière s'écoule d'elle-même si elle est fluide, ou, si elle a trop de consistance, on la retire avec les doigts, puis on panse la plaie avec la charpie. Mais le scalpel offre encore un moyen plus expéditif. On fait sur le milieu de la tumeur une incision qui pénètre jusqu'à la tunique ; avec le doigt, on isole le dépôt morbide des parties saines, et on l'emporte en entier, sans rien laisser du kyste. Il faut ensuite laver la plaie avec du vinaigre additionné de sel et de nitre, et procéder à la réunion par un point de suture. On fait usage après cela des topiques employés dans les autres cas de suture, et l’on a soin de serrer modérément le bandage pour ne pas gêner la respiration. Quand le kyste n’a pu être enlevé, on y introduit des caustiques pulvérulents, et l’on achève le pansement avec la charpie et d’autres suppuratifs. [7,14] XIV. Les affections qui se développent dans la région ombilicale sont assez rares, et cette raison explique le peu d’accord qui règne à ce sujet entre les médecins. Il est vraisemblable que chacun a passé sous silence ce qu’il ne savait point par expérience personnelle, et qu’aucun d’eux n’a imaginé des cas qu’il n’avait pas vus. Chez tous néanmoins, il est question de la saillie difforme de l’ombilic, mais li s’agit d’en trouver les causes. Selon Mégès, il y en a trois: la tumeur est formée tantôt par l’intestin, tantôt par l’épiploon, et tantôt par de l’humeur. Sostrate ne dit rien de l’épiploon, mais aux deux autres causes il joint celle-ci : savoir, l’excroissance de chairs qui peuvent être saines ou carcinomateuses. Gorgias ne fait pas non plus mention de l’épiploon, mais, en reconnaissant les trois espèces qui précèdent, Il prétend que la hernie est due quelquefois à la présence de vents. A ces quatre variétés, Héron ajoute la hernie épiploïque, et celle qui se compose à la fois de l’épiploon et de l’intestin. On peut fixer de la manière suivante les caractères de chaque espèce: S’il y a hernie intestinale, la tumeur n’offre ni dureté, ni mollesse; elle diminue sous l’influence du froid, augmente au contraire par rection de la chaleur, et devient aussi plus volumineuse quand le malade retient sa respiration; quelquefois elle fait entendre un bruit particulier, et si le patient est couché sur le dos, l’intestin rentre, et la tumeur disparaît. S’il y a sortie de l’épiploon, les signes sont en partie les mêmes, mais la tumeur est plus molle, elle va en rétrécissant de la base au sommet, et si l’on cherche à la saisir, elle fuit sous la main. Si la hernie est en même temps épiploïque et intestinale, les signes sont mixtes, et la tumeur tient de ces deux espèces. Y a-t-il excroissance de chair? la tumeur est plus dure, ne disparaît pas par le décubitus dorsal, et, comme les premières, ne cède point à la pression. S’il y a dégénérescence cancéreuse, on rencontrera les lignes que j’ai fait connaître en parlant du carcinome. Si c’est un amas d’humeurs, on sent de la fluctuation en comprimant; si ce sont des vents, la tumeur se laisse déprimer par le doigt, mais reprend aussitôt sa forme, qu’on ne change pas davantage en faisant coucher le malade sur le dos. Parmi ces tumeurs, celles qui sont formées par des gaz n’admettent aucun traitement; il n’y a pas à s’occuper non plus des excroissances de chair qui paraissent carcinomateuses, parce qu’il serait dangereux d’y toucher, Mais celles qui sont saines doivent être excisées, et la plaie est ensuite pansée avec la charpie. Quelques-uns ouvrent au sommet les tumeurs qui renferment du liquide, et se servent également de charpie pour guérir l’incision. Quant aux autres hernies, les avis sont partagés; il va sans dire qu’on doit donner au malade le décubitus dorsal, pour que l’intestin ou l’épiploon puisse rentrer dans le ventre. Certains praticiens ont coutume alors d’étrangler le sac ombilical devenu vide entre deux morceaux de bois qu’ils serrent assez fortement, pour le faire tomber en mortification. D’autres le traversent à la base, avec une aiguille chargée de deux fils; puis ils nouent chaque fil en sens contraire, comme cela se pratique dans l'opération du staphylome; et, par ce moyen, ce qui se trouve au-dessus de la ligature doit mourir. Quelques-uns enfin, avant de lier le sac, font une incision à la partie supérieure, afin de pouvoir, en introduisant le doigt, réduire plus facilement ce qui constituait la hernie; après quoi ils appliquent la ligature. Il suffit de recommander au malade de retenir sa respiration, pour que la tumeur acquière tout le développement qu'elle peut avoir. Il faut alors en circonscrire la base avec de l'encre, puis, le malade étant couché sur le dos, comprimer la hernie avec les doigts afin d'achever de la réduire, si elle n'est pas tout à fait rentrée. Cela fait, on attire à soi l'ombilic, et, au point même où se trouvent les marques d'encre, on établit une ligature fortement serrée. Il n'y a plus ensuite qu'à se servir du fer ou des médicaments, pour cautériser les parties placées au-dessus du fil jusqu'à mortification complète, et en dernier lieu à panser la plaie comme dans les autres cas de cautérisation. Cette méthode est celle dont on obtient les meilleurs succès, non seulement quand on l'applique aux hernies intestinales et épiploïques, mais aussi quand on veut guérir les tumeurs formées par une collection d'humeur. Il ne faut néanmoins en venir à la ligature qu'après s'être assuré qu'elle n'entraîne aucun danger. Le très jeune enfant, l'homme dans la force de l'âge ou le vieillard se prêtent mal à ce moyen curatif, qu'il vaut mieux employer à partir de la septième jusqu'à la quatorzième année. L'intégrité du corps est aussi une condition favorable; mais le mauvais état de la constitution, et l'existence de dartres ou de papules, sont des conditions fâcheuses. Cette méthode, dont l'application est facile aux tumeurs peu volumineuses, ne peut être essayée sans péril sur celles qui sont devenues trop considérables. Relativement à la saison, il ne faut choisir ni l'automne, ni l'hiver, et préférer le printemps ou du moins la première partie de l'été. De plus, il faut, la veille de l'opération, observer la diète ; et cela même ne suffit pas encore, car il est nécessaire de prendre des lavements, afin de faciliter la rentrée des parties qui sont sorties du ventre. [7,15] XV. J'ai dit ailleurs qu'il fallait évacuer les eaux des hydropiques; je vais indiquer maintenant la manière dont on doit s'y prendre. Les uns font la ponction à gauche au-dessous de l'ombilic et à quatre doigts environ de distance; d'autres placent le lieu d'élection à l'ombilic même. Selon quelques-uns, il vaut mieux commencer par cautériser la peau et fendre ensuite la membrane interne, attendu que les parties divisées par le feu se réunissent moins promptement. Il faut en enfonçant l'instrument avoir grand soin de n'ouvrir aucun vaisseau. On donne à cet instrument une forme telle que le tranchant ait à peu près un tiers de doigt de largeur, et on le fait pénétrer assez avant pour traverser aussi la membrane qui tapisse intérieurement les chairs. La ponction faite, on introduit dans l'ouverture une canule de plomb ou d'airain, dont les bords sont recourbés à l'extrémité libre, ou dont le milieu présente un renflement circulaire pour l'empêcher de tomber dans le ventre. La partie qui plonge dans l'abdomen, devant dépasser le péritoine, est un peu plus longue que celle qui reste en dehors. C'est par la canule qu'il faut faire écouler les eaux, et, après en avoir évacué la plus grande partie, on bouche le conduit avec du linge, qu'on laisse à demeure dans la plaie lorsqu'on n'a pas d'abord employé la cautérisation. Les jours suivants, on retire chaque fois la valeur d'une hémine d'eau, et l'on continue, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus vestige d'hydropisie. Certains chirurgiens enlèvent immédiatement la canule, lors même qu'ils n'ont pas cautérisé la peau, et sur l'ouverture appliquent une éponge mouillée qu'ils maintiennent par un bandage. Le lendemain, il leur est facile de replacer la canule en écartant légèrement les lèvres de cette plaie récente, et ils épuisent ainsi en deux fois seulement toute la collection aqueuse. [7,16] XVI. Le ventre est quelquefois atteint de blessures pénétrantes, par lesquelles les intestins peuvent s'échapper au dehors. Quand un pareil accident arrive, il faut examiner sur-le-champ si les intestins sont intéressés, et s'ils conservent une coloration naturelle. J'ai déjà dit que, dans les perforations de l'intestin grêle, il n'y a rien à faire. On peut traiter par suture celles du gros intestin, non que ce moyen mérite une entière confiance, mais parce qu'il vaut mieux tenter une chance incertaine que de laisser le malade sans aucun espoir ; et quelquefois en effet la réunion s'opère. Au reste, quel que soit l'intestin hernie, s'il est livide, pâle ou noir, et par conséquent privé de sentiment, toute médecine est impuissante. S'il conserve au contraire une bonne coloration, il faut agir sans retard ; car, soumis accidentellement à l'influence de l'air extérieur, auquel il n'est point fait, il s'altérerait en un moment. Le blessé doit être couché sur le dos, les cuisses relevées ; et si la blessure n'est pas assez large pour qu'on puisse commodément refouler l'intestin, on lui donne au moyen d'une incision l'étendue convenable. Si déjà les intestins sont dans un état de sécheresse, on les lave avec de l'eau à laquelle on ajoute même un peu d'huile. Alors un aide tient légèrement écartées les lèvres de la plaie, soit avec les doigts, soit avec deux érignes qui doivent saisir le péritoine ; puis le chirurgien fait rentrer d'abord les intestins qui sont sortis les derniers, de manière à conserver l'ordre des circonvolutions. La réduction terminée, on agite doucement le malade, afin que chaque partie des intestins se retrouve dans la situation première et s'y tienne. On examine ensuite l'épiploon, et s'il offre des points noirs et gangrena, on les emporte avec des ciseaux ; s'il n'a souffert aucune altération, on le replace avec ménagement sur les intestins. Recoudre isolément le péritoine ou la peau ne suffirait pas, et l'un et l'autre doivent être réunis par suture; il faut même la pratiquer avec un fil double, pour lui donner plus de force que partout ailleurs, attendu qu'ici les mouvements du ventre rendraient la rupture plus facile, et qu'ensuite cette partie du corps est moins exposée que les autres aux grandes inflammations. Chaque main sera donc armée d'une aiguille chargée d'un fil double, et l'on commencera par coudre le péritoine de telle sorte que l'aiguille de la main gauche traverse le coté droit de la plaie et celle de la main droite le côté gauche, à partir de l'origine de la blessure, et en procédant toujours de dedans en dehors, afin que l'extrémité mousse des aiguilles soit seule voisine des intestins. Les deux bords de la plaie se trouvant ainsi compris dans cette première suture, on change les aiguilles de main ; celle de gauche passant dans la main droite, et dans la main gauche celle de droite. On fait alors de la même manière un second point de suture, puis un troisième et un quatrième pour fermer l’ouverture, et chaque fois on change les aiguilles de main. On se sert après cela des mêmes fils et des mêmes aiguilles pour traverser la peau, et on la coud comme le péritoine, en conduisant toujours les aiguilles de dedans en dehors, sans oublier non plus de les changer de main. On applique ensuite des agglutinatifs qu’on doit recouvrir d’une éponge ou d’une laine grasse trempée dans du vinaigre; et cela même est assez évident pour qu’on soit dispensé de le répéter sans cesse. Le tout est maintenu par un bandage qui doit être médiocrement serré. [7,17] XVII. 1. La rupture du péritoine, sans aucune lésion des téguments externes, s’observe quelquefois; et cette rupture résulte ou d’une violence extérieure, ou d’un effort exagéré soit en retenant sa respiration, soit en portant un fardeau trop lourd. Chez les femmes, cet accident dépend souvent aussi de la distension de l’utérus, et c’est surtout vers les ainés qu’il se manifeste. Il arrive en effet, quand les intestins ne trouvent pas dans les parois du ventre une résistance assez grande, qu’ils poussent devant eux la peau, et lui font faire une saillie difforme. Ici encore se présentent diverses méthodes curatives. Les uns traversent la base de la tumeur avec deux fils, à l’aide desquels ils pratiquent la ligature des deux moitiés de la hernie, comme dans les cas de tumeur ombilicale et de staphylome, et ils ont également pour but de faire tomber en mortification tout ce qui se trouve au-dessus des fils. D'autres font dans le milieu de la tumeur une incision en forme de feuille de myrte, et c'est, ainsi que je l'ai dit, la forme qu'il faut toujours choisir; puis ils réunissent par suture. Mais le meilleur procédé consiste, le malade étant couché sur le dos, à déterminer par le toucher la partie de la tumeur qui résiste le moins; car il est évident que ce point doit répondre à la rupture du péritoine, et que la rénitence est plus grande là où la membrane conserve son intégrité. Alors, à l'endroit où la déchirure paraît exister, on conduit deux incisions ; puis, emportant l'intervalle qui les sépare, on pénètre jusqu'à la lésion du péritoine, dont il faut rafraîchir les bords, parce qu'une plaie non récente ne se prête pas à la suture. Si même, après avoir mis le péritoine à découvert, on voit encore des traces de l'ancienne rupture, on les fait disparaître par l'excision d'une bandelette fort mince. Quant aux détails relatifs à la suture et au pansement, ils se trouvent expliqués plus haut. 2. Quelques sujets sont affectés aussi de varices au ventre, dont le traitement ne diffère en rien de celui qu'on suit ordinairement pour les varices des jambes; je me réserve donc d'en parler en m'occupant de ces dernières. [7,18] XVIII. J'arrive maintenant aux maladies qui peuvent attaquer les parties naturelles et les testicules; et, pour me faire mieux comprendre, je vais d'abord décrire en peu de mots cette région. Les testicules ont une structure analogue à celle de la moelle, car ils sont privés de sang, et dépourvus de toute sensibilité. Il y a douleur au contraire lorsque les tuniques dans lesquelles ils sont contenus subissent des violences extérieures ou des inflammations. Deux muscles, que les Grecs appellent g-kremastehras, tiennent les testicules suspendus au-dessous des aines, et chaque muscle est accompagné de deux veines et de deux artères. Ces parties sont revêtues d'une tunique mince, nerveuse, privée de sang, blanche, et nommée par les Grecs g-elytroeidehs. Elle est elle-même recouverte d'une membrane plus épaisse, qui, par la face interne et inférieure, lui est fortement adhérente : c'est le dartos des Grecs. Un grand nombre de petites productions membraneuses servent de gaines aux veines, aux artères et aux crémastères, et viennent en s'amincissant se terminer entre les deux premières enveloppes. Indépendamment de ces tuniques qui entourent et protègent chaque testicule, il en existe une troisième commune à l'un et à l'autre, et tout à fait extérieure. Les Grecs ont donné le nom d'osceon, et nous celui de scrotum, à cette dernière, qui, légèrement adhérente en bas aux tuniques moyennes, ne fait que les recouvrir en haut. C'est en dedans du scrotum qu'on observe plusieurs maladies; tantôt elles succèdent à la déchirure des membranes, lesquelles, ainsi que je l'ai dit, partent de la région inguinale ; et tantôt elles se produisent sans cette rupture. Quelquefois il arrive que le péritoine, qui doit séparer les intestins des parties inférieures, se rompt sous le poids qu'il supporte, après avoir été le siège d'une inflammation, ou se déchire brusquement à la suite d'un coup. Alors l'épiploon ou même les intestins, entraînés par leur pesanteur, se présentent à cette ouverture, et, de la région inguinale faisant effort sur les parties situées au-dessous, ils écartent peu à peu les tuniques nerveuses, qui, par leur texture, ne résistent pas à la dilatation. Les Grecs appellent entérocèle et épiplocèle, les tumeurs formées par l'intestin ou l'épiploon. L'une et l'autre sont désignées parmi nous sous le nom général et peu convenable de hernie. Quand il y a descente de l'épiploon, la tumeur du scrotum ne s'affaisse jamais, et c'est inutilement qu'on prescrit la diète, qu'on tourne le malade en différents sens, ou qu'on lui fait prendre telle ou telle position. De plus, s'il retient sa respiration, la tumeur n'augmente pas beaucoup ; elle est inégale au toucher, molle et glissante. Dans la hernie intestinale, la tumeur, sans inflammation, augmente ou diminue de volume ; elle est presque toujours indolente, disparaît entièrement par le repos ou le décubitus dorsal, ou du moins s'affaisse tellement qu'il en reste à peine dans le scrotum une très minime partie ; les cris, l'état de plénitude alimentaire, ou les efforts qu'exigent certains fardeaux, la rendent au contraire plus volumineuse ; se resserrant sous l'influence du froid, elle se dilate à la chaleur, et donne enfin au scrotum une forme ronde, et douce au toucher ; en comprimant, on sent la hernie glisser sous le doigt, remonter vers l'aine, puis retomber avec un bruit particulier, dès qu'on retire la main. Cela se passe ainsi dans les cas les moins graves; mais quelquefois la tumeur, renfermant des matières fécales, prend un développement plus considérable, et ne peut plus être réduite. Alors se font sentir des douleurs dans le scrotum, la région inguinale et l'abdomen. Parfois le mal s'étend jusqu'à l'estomac, et l'on vomit de la bile, qui d'abord est jaune, puis verte, et même quelquefois noire. Dans certains cas aussi, et sans rupture des membranes, le scrotum est distendu par un liquide qui produit deux sortes de tumeurs : ainsi, tantôt il s'accumule entre les tuniques des testicules, et tantôt il s'infiltre dans les membranes qui servent de gaines aux veines et aux artères, ce qui les rend dures par engorgement. Entre les tuniques même, le siège de l'épanchement varie. Il peut se faire, soit entre l'enveloppe externe et la tunique moyenne, soit entre celle-ci et la tunique interne. Les Grecs donnent à ces deux espèces le nom commun d'hydrocèle. Pour les Latins, qui ne connaissent pas assez les caractères différentiels de ces diverses tumeurs, ce sont encore là des hernies. Celles-ci ont sans doute des signes communs, mais il y en a de propres à chacune d'elles. Les premiers servent à constater la présence du liquide, et les seconds à déterminer le siège qu'il occupe. Nous savons qu'un épanchement existe, quand la tumeur, au lieu de disparaître entièrement, devient seulement plus petite, à la suite d'une longue abstinence ou d'un accès de fièvre, comme on le voit surtout chez les enfants. Si l'épanchement est médiocre, la tumeur est molle; mais s'il est considérable, elle devient rénitente comme une outre pleine et fortement serrée. Les veines du scrotum sont également gonflées, et si l'on pèse avec le doigt sur la tumeur, le liquide, cédant à la pression, soulève en refluant les parties voisines qui ne sont pas comprimées. La présence de l'eau se décèle enfin à travers le scrotum, comme au travers d'une corne ou d'un verre. Voici la manière de déterminer le siège de cette affection, qui par elle-même n'est point douloureuse. Si l'épanchement existe entre la tunique externe et la moyenne, on sent en comprimant avec deux doigts que le liquide va lentement de l'un à l'autre. Le scrotum lui-même est plus blanc, et si l'on cherche à le tirer, on le trouve peu ou point extensible ; dans cette partie, le testicule devient inappréciable à l'œil et au toucher. Quand l'eau est renfermée dans la tunique moyenne, le scrotum est, encore plus distendu, et la verge même peut disparaître sous le développement de la tumeur. Indépendamment de ces hernies qui se produisent sans rupture des membranes, il en estime ; autre que les Grecs appellent cirsocèle. Celle-ci se reconnaît à la dilatation des veines, qui sont tordues et agglomérées dès la partie supérieure, et remplissent ou le scrotum même, ou la tunique moyenne, ou la tunique interne. C'est quelquefois en dedans de cette dernière membrane, au tour même du testicule et du crémastère, que ces vaisseaux se développent. Les varices du scrotum s'aperçoivent au premier aspect; quant à celles qui rampent sous les tuniques moyenne ou interne, comme elles sont situées plus profondément, il est plus difficile sans doute de les voir, mais néanmoins elles sont encore accessibles aux regards. Outre cela, la tumeur qui existe est en rapport avec la grosseur et le développement des veines; plus rénitente au toucher, elle offre aussi des inégalités qui sont dues à l'état variqueux des veines. Enfin, de ce coté le testicule descend plus bas que dans l'état naturel. C'est encore ce qui a lieu quand le cirsocèle occupe le corps même du testicule et le crémastère; ce testicule est à la fois plus bas que l'autre, et moins gros parce qu'il ne reçoit plus de nourriture. Il y a des cas assez rares où l'on observe des excroissances de chair entre les tuniques, et c'est ce que les Grecs appellent sarcocèle. L'inflammation provoque aussi quelquefois le gonflement du testicule même; alors il survient de la fièvre, et si l'état inflammatoire ne diminue pas rapidement, la douleur gagne les aines et les flancs, et ces parties se tuméfient. Il arrive encore que le crémastère, organe suspenseur du testicule, devient en même temps plus gros et plus dur. Enfin il peut se former dans l'aine une hernie appelée par les Grecs bubonocèle. [7,19] XIX. Ces maladies étant connues, il faut parler de la méthode curative, qui se compose de quelques moyens communs à toutes les hernies, et de certains procédés propres à chacune d'elles. J'exposerai d'abord le traitement général, en commençant par les hernies qui réclament l'emploi de l'instrument; car pour celles qui sont incurables ou que la chirurgie ne peut guérir, il en sera question quand j'entrerai dans les détails relatifs à chaque espèce. L'incision se pratique quelquefois à l'aine, et d'autres fois au scrotum. Dans l'un et l'autre cas, le malade ne boira que de l'eau trois jours avant l'opération, et la veille il s'abstiendra de tout aliment. Le jour même, on fait coucher le patient sur le dos ; s'il y a lieu d'inciser la région inguinale et qu'elle soit couverte de poils, on la rase préalablement, après quoi l'on tend les téguments de l'aine en tirant sur le scrotum, puis on pratique l'incision au bas-ventre, au point de réunion des enveloppes du testicule avec l'abdomen. Il faut ouvrir hardiment la tunique externe qui appartient au scrotum, pour arriver à la tunique moyenne. L'incision faite, on rencontre une ouverture qui regarde en bas, et dans laquelle il est nécessaire d'introduire le doigt index de la main gauche, afin d'écarter les prolongements membraneux et de dégager le sac herniaire. Un aide alors, saisissant le scrotum de la main gauche, doit l'élever en le tirant à lui, et le tenir, ainsi que le testicule, le plus loin possible de la région inguinale, pendant que le chirurgien coupe avec le scalpel, s'il ne peut séparer avec le doigt, toutes les brides membraneuses qui se trouvent au-dessus de la tunique moyenne. L'aide abandonne ensuite le testicule, afin que, cet organe se présentant à l'entrée de l'incision, on paisse le retirer du scrotum et le placée sur le ventre, revêtu de ces deux enveloppes. Dans cette situation on excise les points qui paraissent viciés. Parmi les nombreux vaisseaux qui se distribuent à ces parties, on peut couper immédiatement les plus petits; mais, pour éviter une hémorragie redoutable, il faut auparavant lier les plus gros avec un long fil. Si la tunique moyenne est endommagée, ou si le mal se développe au-dessous, on incisera cette tunique profondément vers le pli de l'aine, en ayant soin toutefois de ne pas l'emporter entièrement, car à la base du testicule elle adhère fortement à la tunique interne; et, comme sur ce point on ne saurait l'enlever sans un péril extrême, il convient de la respecter. On se conduira de même pour les lésions de la tunique interne; mais, au lieu de faire partir l'incision du sommet de la région inguinale, on devra la pratiquer un peu plus bas, de peur que la blessure du péritoine ne suscite une inflammation violente. Néanmoins il n'en faut pas laisser une trop grande partie, car cette portion de membrane pourrait, en se dilatant de nouveau, servir une seconde fois d'enveloppe à la hernie. Après avoir ainsi dégagé le testicule, on le fait rentrer doucement par la même ouverture, suivi de ses veines, de ses artères et de son muscle. On doit en même temps empêcher le sang de tomber dans le scrotum, et sur aucun point ne laisser ce liquide se former en caillot. Si le chirurgien a cru devoir lier quelque vaisseau, il laissera pendre les bouts de fil hors de la plaie; et, la suppuration une fois établie, les ligatures tomberont sans causer aucune douleur. Quant à la plaie, on en rapproche les bords avec deux boucles, et par-dessus on applique des remèdes agglutinatifs. Quelquefois il est nécessaire d'aviver l'un des bords pour donner à la cicatrice plus d'étendue en longueur et en largeur. La charpie dans ce cas ne doit pas comprimer la plaie, mais doit être simplement superposée, et recouverte de substances propres à combattre l'inflammation, telles que la laine grasse on l'éponge imbibée de vinaigre. Puis, quand le moment est venu d'exciter la suppuration, on passe aux remèdes destinés à remplir cette indication. Lorsqu'on opère au-dessous de l'aine, il faut, le malade étant couché sur le dos, glisser la main gauche sous le scrotum, le saisir fortement et l'ouvrir. Si le mal est peu développé, on conserve intact le tiers inférieur du scrotum pour soutenir le testicule ; mais si la tumeur est considérable, on agrandit l'incision de telle façon qu'il reste seulement au fond de la cavité scrotale de quoi loger le testicule. Le scalpel doit d'abord être tenu droit, pour diviser légèrement le scrotum; on incline ensuite la pointe de l'instrument pour couper les membranes situées transversalement entre la tunique externe et la moyenne. Il ne faut point toucher à celle-ci quand le mal est immédiatement au-dessous de la première ; mais s'il se trouve en dedans de la tunique moyenne, il faut ouvrir cette membrane, et même la tunique interne si elle cache l'altération. Quel que soit au reste le siège de la tumeur, l'aide aura soin de tirer le scrotum en le pressant doucement par en bas, tandis que le chirurgien, détruisant, avec le doigt ou le manche du scalpel, les adhérences qui existent a la partie inférieure, amènera la tunique en dehors. Il doit ensuite, au moyen d'un instrument que d'après sa forme on appelle bec de corbeau, l'inciser assez largement pour laisser passer l'index et le médius. Ces deux doigts introduits dans l'ouverture, on fait glisser entre eux le scalpel pour diviser le reste de la tunique, et retrancher ou détacher tout ce qui est vicié. Lorsqu'on a ouvert une enveloppe, n'importe laquelle, on doit en faire l'excision; mais si c'est celle du milieu, on la pratiquera très haut près de l'aine, comme je l'ai dit ci-dessus, et plus bas, s'il s'agit de la dernière. Au reste, avant d'exciser les tuniques, il convient de lier les veines, sans oublier de laisser pendre les bouts de fil en dehors, ainsi qu'on doit l'observer pour les autres vaisseaux dont la ligature est devenue nécessaire. Cela fait, on remet le testicule en place, puis on réunit par suture les bords de l'incision faite au scrotum. Les points de suture ne seront ni trop éloignés, parce que la réunion serait imparfaite et que la guérison traînerait en longueur, ni trop multipliés, parce qu'ils ajouteraient à l'inflammation. Ici encore, on prendra garde que du sang ne séjourne dans le scrotum, et l'on aura recours ensuite aux agglutinatifs. Si pourtant il existe dans la cavité scrotale un épanchement sanguin, on s'il y est tombé quelque caillot, il faut en débarrasser l'organe par une incision pratiquée en dessous, et appliquer sur la plaie une éponge imbibée de fort vinaigre. Dans toutes les incisions de ce genre, s'il ne survient pas de douleur, on ne doit lever l'appareil que le cinquième jour, et se contenter d'arroser lieux fois par jour de vinaigre la laine ou l'éponge dont on s'est servi. Quand il y a douleur, on renouvelle le pansement le troisième jour ; on coupe les boucles s'il y en a; ou si c'est de la charpie, on la change, et on l'imbibe d'huile rosat et de vin. Si l'inflammation augmente, on ajoute à ces premiers moyens des cataplasmes préparés, soit avec de la lentille et du miel, soit avec de l'écorce de grenade bouillie dans du vin astringent, soit avec tous ces ingrédients ensemble. Si ces remèdes ne diminuent pas l'état inflammatoire, il faudra, le cinquième jour écoulé, fomenter abondamment la plaie avec de l'eau chaude, jusqu'à ce que le scrotum s'affaisse et devienne rugueux. C'est alors le moment d'employer des cataplasmes de farine d'orge et de résilie de pin. On fait bouillir ces substances dans du vinaigre si le sujet est robuste, ou dans du miel s'il est délicat. Quelle que soit la nature du mal, il n'est pas douteux, quand l'inflammation est considérable, qu'il faut appliquer des suppuratifs. Si la suppuration a pour foyer le scrotum même, on devra lui donner issue par une petite ouverture qu'on recouvrira avec un peu de charpie. L'inflammation éteinte, on se servira, pour ménager les nerfs, du dernier cataplasme dont je viens de parler, et ensuite de cérat. Voilà ce que ces plaies offrent de particulier: quant au reste du traitement et au régime à suivre, il n'y a rien à changer à ce que nous avons prescrit pour toute espèce de blessure. [7,20] XX. Après avoir établi ces notions générales, nous allons passer aux cas particuliers. Si la hernie intestinale s'observe sur un très jeune enfant, il faut, avant d'en venir à l'opération, essayer d'un bandage. A cet effet, on dispose une bande à l'extrémité de laquelle est cousue une pelote remplie de chiffons; on applique celle-ci contre l'intestin même pour l'empêcher de s'échapper, et l'on serre fortement la bande autour du corps. Souvent par ce moyen on réussit à maintenir l'intestin dans l'abdomen, et à provoquer l'adhérence des tuniques entre elles. Dans un âge plus avancé, et lorsqu'on juge par le volume de la tumeur qu'une grande portion d'intestin est sortie du ventre, lorsque le prolapsus intestinal, produisant des arrêts de matières fécales et des indigestions, amène aussi, comme conséquence ordinaire, de la douleur et des vomissements, il devient manifeste que, dans ce cas, on ne pourrait sans danger employer l'instrument. On doit se proposer seulement d'adoucir le mal, et tenter de le réduire par d'autres moyens. Il faut alors recourir à la saignée du bras, et, si les forces le permettent, prescrire la diète pendant trois jours ; si la faiblesse du malade s'y refuse, on la prolongera du moins aussi loin que possible. On aura soin d'appliquer en même temps des cataplasmes préparés d'abord avec la graine de lin bouillie dans de l'hydromel, et faits ensuite avec de la farine d'orge et de la résine. Le malade sera mis aussi dans un bain d'eau chaude auquel on ajoutera de l'huile, puis on lui fera prendre chaud quelque aliment léger. D'après certains praticiens, on doit en outre administrer des lavements; mais ces remèdes peuvent bien faire arriver quelque chose dans le scrotum, ils n'en peuvent rien faire sortir. Si les moyens indiqués ci-dessus ont amené du soulagement, on les renouvellera dans le cas où la douleur se reproduirait. Lorsqu'une portion considérable d'intestins s'est échappée sans provoquer de souffrance, il n'est pas moins inutile de recourir à l'incision. L'opération, il est vrai, peut servir à débarrasser le scrotum quand l'inflammation toutefois ne s'y oppose pas, mais il suit de là que les intestins refoulés s'arrêtent à l'aine, où ils forment tumeur; de sorte qu'il y a seulement déplacement et non guérison du mal. S'il y a lieu cependant de faire agir l'instrument, on incisera le pli de l'aine jusqu'à la tunique moyenne, et un aide saisira cette enveloppe avec deux érignes placées près des bords de l'incision, pour donner le temps au chirurgien de la séparer des petites membranes qui l'entourent. On n'a pas à craindre en effet de blesser l'enveloppe, puisqu'on doit l'exciser; et quant à l'intestin, on sait qu'il est nécessairement au-dessous. Ainsi, la tunique étant bien isolée, on l'ouvrira depuis l'aine jusqu'au testicule, qu'on aura soin d'éviter; puis on fera l'excision. Dans l'enfance, et quand le mal est peu considérable, c'est là le procédé qu'il faut suivre. S'il s'agit d'un sujet robuste et que la tumeur soit plus forte, on devra laisser le testicule en place, et non le retirer du scrotum. On s'y prend alors de la manière suivante : on commence de même par diviser les téguments de l'aine jusqu'à la tunique moyenne, que l'on saisit également avec deux érignes, et l'aide est, en même temps, chargé de contenir le testicule pour l'empêcher de sortir par la plaie. On ouvre ensuite par en bas cette tunique moyenne, et, de l'index de la main gauche, que l'on porte en dessous à la base du testicule, on pousse l'organe vers l'incision. Cela fait, on sépare de la tunique supérieure, avec le pouce et l'index de la main droite, l'artère, la veine et le crémastère, ainsi que la gaine de ce cordon; puis on coupe toutes les brides membraneuses qui se présentent, jusqu'à ce que la tunique soit mise entièrement à nu. Après avoir retranché tout ce que l'opération exige, et remis le testicule en place, on agrandit un peu, aux dépens des bords de l'incision, l'ouverture faite à l'aine, afin d'avoir une plaie plus étendue, et par suite plus de bourgeons charnus. [7,21] XXI. 1. S'il y a descente de l'épiploon, il faut encore, d'après le procédé qu'on vient d'exposer, pratiquer une ouverture à la région inguinale, et isoler les tuniques. Il importe aussi d'examiner si la tumeur est volumineuse ou non, parce qu'en effet, lorsqu'elle est petite, on peut la repousser dans le ventre, en la refoulant au delà de l'aine avec le doigt ou le manche du scalpel; tandis que, si elle est considérable, il faut la laisser pendre telle qu'elle est sortie de l'abdomen, et la toucher avec des caustiques jusqu'à ce que la mortification la fasse tomber d'elle-même. Quelques-uns traversent la tumeur avec une aiguille enfilée d'un double fil, et l'étranglent en serrant les deux bouts de chaque fil en sens opposé. Cette ligature entraîne aussi, mais plus lentement, la mortification de la hernie. On peut cependant en accélérer l'effet en appliquant par-dessus les substances que les Grecs appellent septiques, et qui consument les chairs sans les ronger. Certains chirurgiens sont allés jusqu'à retrancher l'épiploon avec des ciseaux; ce qui n'est pas nécessaire quand la hernie est médiocre, et ce qui expose à une hémorragie quand elle est volumineuse, attendu qu'il y a dans l'épiploon un entrelacement de vaisseaux et même de gros vaisseaux. Le précepte que j'ai donné d'enlever avec des ciseaux l'épiploon, qui fait hernie dans les blessures du ventre, n'est pas applicable ici; car, dans le cas de blessure intestinale, la portion épiploïque étant bien morte, il n'y a pas de plus sûr moyen de s'en débarrasser. Lorsqu'on a fait rentrer l'épiploon, on doit réunir la plaie par suture ; mais si la hernie, trop considérable pour être réduite, est tombée par mortification, il faut alors, après avoir excisé les bords de l'incision, obtenir une cicatrice, comme on l'a dit plus haut. 2. Si la tumeur contient de l'eau, il faut, chez les enfants, faire une incision à l'aine, à moins que la trop grande quantité de liquide ne s'y oppose : chez les hommes, et toutes les fois que l'épanchement est considérable, c'est le scrotum qu'il faut ouvrir. Quand l'opération a lieu dans la région inguinale, on doit tirer les tuniques par l'incision pratiquée, et donner issue au liquide; si c'est le scrotum qu'on divise, et que l'épanchement soit tout à fait sous-jacent, il suffit d'évacuer l'eau, et de retrancher les membranes qui pouvaient la contenir ; puis, pour nettoyer le scrotum, on y injecte de l'eau qui tient en dissolution du sel ou du nitre. Si l'hydrocèle s'est formée sous la tunique interne ou moyenne, il convient d'extraire entièrement ces membranes du scrotum, et de les exciser. [7,22] XXII. Quand le cirsocèle existe sur le scrotum même, il faut cautériser avec un fer mince et pointu qu'on enfonce dans les veines dilatées, sans rien brûler au delà; et le fer doit porter surtout sur les pelotons variqueux qui résultent de l'entrelacement de ces vaisseaux. On applique ensuite des cataplasmes de farine préparés à l'eau froide, et on les maintient à l'aide du bandage que j'ai dit convenir dans le traitement des hémorroïdes. Le troisième jour, on emploie comme topique la lentille et le miel. Après la chute des escarres le miel sert aussi à déterger la plaie; puis on fait usage d'huile rosat pour régénérer les chairs et de charpie sèche pour arriver à la cicatrisation. Si les varices se développent sur la tunique moyenne, on devra faire à l'aine une incision vers laquelle on attirera la membrane, pour l'isoler de ces veines avec le doigt ou le manche d'un scalpel. Au-dessus et au-dessous des points où elles seront adhérentes, il faudra les lier, et les couper près de chaque ligature, puis replacer le testicule. Mais quand le cirsocèle est situé sur la troisième enveloppe, il est nécessaire d'emporter la seconde; et si l'on ne découvre que deux ou trois veines variqueuses, et que le mal, ainsi restreint, laisse intacte la plus grande partie de la tunique profonde, on procédera comme on vient de l'expliquer, c'est-à-dire que, les vaisseaux étant liés et coupés entre l'aine et le testicule, cet organe sera remis en place. Si, au contraire, les varices ont envahi toute la tunique, il faut, en pénétrant par la plaie, glisser le doigt sous les veines, et les soulever peu à peu jusqu'à ce que le testicule de ce côté soit à la hauteur de l'autre. Les boucles, qu'on applique alors aux lèvres de l'incision, doivent en même temps embrasser les veines ; et voici le procédé qu'on emploie : On traverse de dehors en dedans l'un des bords de l'incision avec une aiguille à laquelle on fait traverser aussi, non la veine elle-même, mais la membrane qui l'entoure, puis on vient percer le bord opposé. Dans la crainte d'une hémorragie, on évitera de piquer les veines ; or, il y a toujours entre elles un tissu qu'on peut blesser sans danger, et qui, assujetti par un fil, maintient convenablement les varices. Deux boucles même suffisent pour remplir cette indication. Il faut après cela repousser dans l'aine, avec le manche d'an scalpel, toutes les veines qu'on avait soulevées. Lorsqu'il n'y a plus d'inflammation, et que la plaie se trouve détergée, il est temps d'enlever les boucles, afin qu'une même cicatrice réunisse simultanément les bords de l'incision et les veines. Mais quand les varices ont pris naissance entre la tunique profonde, le testicule même et le cordon, l'ablation du testicule est la seule ressource qui se présente. Cet organe, en effet, complètement inhabile à la génération, devient, par la manière dont il pend, une difformité pour tous, et pour quelques uns une cause de douleur. Dans ce cas, c'est encore à l'aine qu'il faut pratiquer l'incision. On soulève ensuite la tunique moyenne qu'on emporte, et l'on agit de même pour la tunique interne et le crémastère. Cela fait, on lie dans l'aine les veines et les artères, pour en faire l'excision au-dessous de la ligature. [7,23] XXIII. S'il s'est formé des excroissances de chair entre les tuniques, nul doute qu'il ne les faille enlever ; seulement, il vaut mieux ici pratiquer l'incision au scrotum. Mais si le cordon lui-même est affecté, l'opération n'est pas moins inutile que l'emploi des médicaments ; car bientôt s'allume une fièvre ardente, des vomissements noirs et verdâtres se déclarent ; de plus, il y a soif intense, sécheresse, âpreté de la langue, et, dès le troisième jour, le malade rend le plus souvent par les selles de la bile écumeuse, avec des tranchées violentes. Il est hors d'état, pour ainsi dire, de prendre et de garder des aliments ; les extrémités ne lardent pas a se refroidir, un tremblement survient, les mains s'étendent sans motif, et le front se couvre d'une sueur froide, indice précurseur de la mort. [7,24] XXIV. Quand la dilatation des veines se rencontre dans la région inguinale, on peut, si la tumeur est médiocre, se contenter d'une seule incision. Mais il est nécessaire d'en faire deux lorsqu'elle est considérable, pour emporter ce qui est entre elles. Il faut ensuite, sans amener le testicule au dehors, comme je l'indique aussi en certains cas de hernies intestinales, rassembler les veines, les lier aux points où elles adhèrent aux tuniques, et les couper entre les deux ligatures. Le pansement qui doit suivre n'exige rien de particulier. [7,25] XXV. 1. Les affections des testicules nous conduisent à celles de la verge. Si quelqu'un a le gland découvert, et que, par bienséance, il veuille le recouvrir, cela peut se faire, mais plus facilement chez l'enfant que chez l'adulte ; quand cette conformation est naturelle, que lorsqu'elle est le résultat de la circoncision en usage chez certaines nations; plus aisément encore quand le gland est petit, entouré d'une peau très ample, et qu'enfin la verge elle-même offre peu de longueur, que dans les circonstances opposées. On traite de la manière suivante ceux qui tiennent cette disposition de la nature : On saisit le prépuce, que l'on force a s'étendre jusqu'à ce que le gland en soit tout à fait recouvert ; on le maintient dans cet état par une ligature, puis on divise la peau près du pubis par une incision circulaire qui met la verge à nu, sans toutefois intéresser l'urètre ou les vaisseaux qui se trouvent là. On abaisse ensuite les téguments vers la ligature, de manière à laisser autour du pubis un espace vide qu'on remplit de charpie; et cela, dans l'espoir de combler l'intervalle par des chairs nouvelles, et d'avoir une plaie assez grande pour rendre au prépuce la longueur convenable. Il ne faut cependant enlever la ligature que lorsque la cicatrice est complète, et réserver seulement un étroit passage aux urines. Chez le circoncis, on doit détacher la peau par la face interne, au-dessous de la couronne du gland. Cette opération est peu douloureuse, parce que, le prépuce étant devenu libre, on peut, avec la main, le ramener jusqu'au pubis, sans effusion de sang. On fait subir alors aux téguments rendus mobiles une nouvelle extension qui les porte au delà du gland. Cela fait, on trempe fréquemment la verge dans l'eau froide, et on la recouvre d'un emplâtre qui ait assez d'efficacité pour combattre l'inflammation. Les jours suivants, il faut que le malade soit presque abattu par la diète, pour éviter les érections que pourrait produire une trop forte alimentation. Aussitôt que l'inflammation a disparu, on doit lier la verge depuis le pubis jusqu'à l'incision circulaire, et ramener la peau sur le gland, dont elle doit être séparée par un emplâtre. Il suit de là que les parties se réunissent en bas, tandis qu'en haut le prépuce guérit sans contracter d'adhérence. 2. Si au contraire le gland est tellement recouvert qu'on ne puisse plus le mettre à nu (ce qui constitue g-ephimohsis des Grecs), il faut chercher à le découvrir, et voici le procédé qu'on emploie : on fait au dessous du prépuce, à partir du bord libre jusqu'au frein, une incision longitudinale qui a pour effet de relâcher les téguments qui sont en dessus, et de permettre par conséquent de les abaisser. Si, par suite du resserrement du prépuce, ou de la dureté qu'il présente, cette incision est insuffisante, on enlève immédiatement un lambeau triangulaire dont le sommet répond au frein, et la base à l'extrémité libre du prépuce. On se sert ensuite de charpie et de topiques convenables pour guérir la plaie; mais le malade doit garder le repos jusqu'à parfaite cicatrisation, parce que les frottements produits par la marche produiraient un ulcère sordide. 3. Quelques chirurgiens sont dans l'usage de soumettre les jeunes sujets à l'infibulation ; et cela, dans l'intérêt de leur voix ou de leur santé. Cette opération se pratique ainsi : on tire en avant je prépuce, et, après avoir marqué d'encre les points opposés que l'on veut percer, on laisse les téguments revenir sur eux-mêmes. Si les marques sont en rapport avec le gland, c'est une preuve qu'on a pris trop de peau, et il faut les reporter plus loin; mais si le gland n'est pas compris dans ces limites, c'est là qu'il convient de placer la boucle. On traverse alors le prépuce à l'endroit désigné avec une aiguille chargée d'un fil dont on noue les deux bouts, et qu'on fait mouvoir chaque jour jusqu'à ce que le pourtour de ces ouvertures soit bien cicatrisé. Ce résultat obtenu, on remplace le fil par une boucle, et la meilleure sera toujours la plus légère. Néanmoins cette opération est plus souvent inutile que nécessaire. [7,26] XXVI. 1. On est quelquefois obligé de rétablir avec la main le cours des urines interrompu, soit par l'atonie dont ce canal est frappé dans la vieillesse, soit par la présence d'un calcul ou d'un caillot sanguin. Il peut arriver aussi qu'une inflammation légère s'oppose au libre écoulement des urines; et, dans ces divers cas, non seulement chez les hommes, mais aussi chez les femmes, le secours de la chirurgie devient parfois nécessaire. A cet effet, on emploie des sondes d'airain, et le chirurgien doit toujours en avoir trois pour les hommes, et deux pour les femmes, afin d'en pouvoir faire usage sur tous les sujets grands ou petits. Les soudes destinées aux hommes doivent être, la plus grande de quinze doigts, la moyenne de douze, et la plus petite de neuf: elles auront pour les femmes neuf doigts au plus, et six au moins. Les unes et les autres, et surtout celles à l'usage de l'homme, présenteront une légère courbure ; enfui ces sondes, bien polies, ne seront ni trop grosses, ni trop minces. Lorsqu'on veut sonder un homme, on le fait coucher sur un banc ou sur un lit; et le chirurgien, se plaçant au côté droit du malade, saisit la verge de la main gauche, tandis que de la droite il introduit la sonde dans l'urètre. Parvenu au col de la vessie, il incline la verge et la sonde de manière à faire pénétrer celle-ci dans la vessie, et il la retire après avoir évacué l'urine. Chez les femmes, l'orifice de l'urètre ressemble à un mamelon, et se trouve situé au-dessus du vagin entre les grandes lèvres; elles ont aussi le conduit urinaire plus court et plus droit; et par cette raison, bien qu'elles aient, tout autant que les hommes, besoin d'être sondées, l'opération offre moins de difficulté. Quelquefois un calcul, après s'être engagé dans l'urètre, qu'il dilate, vient s'arrêter non loin du méat urinaire. Il faut alors essayer de le retirer, soit avec le cure-oreille, soit avec l’instrument qui sert à l'extraction de la pierre. Quand ces moyens échouent, on doit allonger le prépuce le plus possible, et le lier dès que le gland est bien couvert ; on fait ensuite à la verge une incision longitudinale par côté, et l'on retire le calcul. L'opération terminée, on laisse le prépuce revenir sur lui-même, de sorte que l'incision est recouverte par des téguments intacts et que l'urine peut reprendre sou cours naturel. 2. Puisqu'il est question des calculs et de la vessie, c'est ici le lieu, ce me semble, de parler de l'opération qu'on doit faire subir aux personnes attaquées de la pierre, quand les autres moyens sont demeurés impuissants. Cette opération est trop périlleuse pour souffrir aucune précipitation. Ou ne doit pas non plus l'entreprendre en tout temps, à tout âge, ni dans tous les cas ; mais au printemps seulement, sur les sujets de neuf à quatorze ans, lorsque le mal est de nature à résister à tous les remèdes, et qu'un plus long retard exposerait les jours du malade. Ce n'est pas qu'on ne puisse trouver en médecine d'heureuses témérités; mais c'est qu'ici les espérances sont trop souvent déçues, et qu'à diverses, époques surviennent des accidents divers, que j'aurai soin de signaler en décrivant la taille elle-même. Lors donc qu'on est résolu d'en venir à cette extrémité, il faut, quelques jours avant, y préparer le malade en ne lui laissant prendre en petite quantité que des aliments salubres et non glutineux, et de l'eau pour toute boisson. Il devra pendant ce temps se livrer à la marche pour favoriser la descente du calcul vers le col de la vessie. C'est par le toucher, comme je le dirai dans le cours de l'opération, qu'on peut reconnaître si la pierre occupe cette position. Des qu'on a constaté la présence du corps, il faut prescrire un jour de jeune à l'enfant, et le lendemain, dans un endroit chaud, procéder à la taille de la manière suivante : Un homme vigoureux et intelligent, s'asseyant sur un siège élevé, prend l'enfant sur ses genoux ; il lui fait ensuite plier les jambes, l'oblige à tenir les mains appliquées aux jarrets en les écartant le plus possible, et lui même le maintient dans cette situation. Quand le sujet peut faire plus de résistance, on rapproche deux sièges qui sont alors occupés par deux hommes robustes ; les sièges et les jambes de ces aides sont attachés ensemble de manière à prévenir tout déplacement, et l'enfant se trouve également assis sur deux genoux. Puis, selon que ces hommes sont placés, l'un contient la jambe gauche et l'autre la droite, pendant que le sujet tient lui-même ses jarrets écartés. Qu'il y ait au surplus un ou deux aides, c'est toujours contre la poitrine qu'on doit appuyer les épaules du patient. Les téguments au-dessus du pubis, entre les îles, sont ainsi bien tendus et sans rides ; et la vessie étant resserrée dans un espace étroit, il est plus facile de saisir la pierre. Indépendamment de ces précautions, on fait mettre sur les côtés deux, hommes doués d'une force assez grande pour empêcher celui ou ceux qui tiennent l'enfant de chanceler. Alors le chirurgien, dont les ongles doivent être soigneusement coupés, introduit avec précaution, dans l'anus, d'abord l'index, puis le médius de la main gauche, qu'il a frottée d'huile. En même temps il appuie la main droite sur le ventre, mais doucement, de peur que les doigts, pressant ainsi le calcul par deux points opposés, n'arrivent à blesser la vessie. Ce n'est point ici le lieu de se hâter, comme on peut le faire dans tant d'autres opérations ; et l'on ne doit au contraire procéder qu'avec la plus grande sûreté, car, en blessant la vessie, on détermine des convulsions qui peuvent devenir mortelles. On commencera donc par chercher le calcul autour du col, et, s'il s'y trouve en effet, il est moins difficile de l'extraire ; aussi ai-je dit qu'on ne devait opérer qu'après avoir reconnu par des signes précis que la pierre occupe cette position. Si elle n'est point arrivée là, on qu'elle soit retombée en arrière, il faut explorer le fond de la vessie avec les doigts de la main gauche ; et de la main droite, appuyée doucement sur le ventre, en suivre tous les mouvements. Lors qu'on a rencontré la pierre, qui ne peut manquer de s'offrir au doigt, il faut la conduire vers le col, avec d'autant plus de soin qu'elle est plus petite et plus lisse, et qu'en la laissant échapper on fatiguerait trop souvent la vessie. Ainsi donc la main droite, placée comme on a dit, s'oppose au retour du calcul en arrière, tandis que les deux doigts de la main gauche le font cheminer en avant jusqu'au col. Arrivé là, si la forme du calcul est oblongue, on le pousse dans le sens de sa longueur; s'il est plat, on le dispose transversalement ; s'il est carré, on le fait reposer sur deux angles ; s'il est plus gros d'un côté que de l'autre, on le présente par le bout le plus mince. Lorsqu'il est rond, la forme indique assez qu'il est indifférent de le placer de telle façon ou de telle autre ; à moins cependant qu'il ne soit plus lisse par un point, car ce serait alors cette partie qu'il faudrait engager la première. Dès que la pierre est parvenue dans le col de la vessie, on fait aux téguments près de l'anus une incision semi-lunaire, qui doit pénétrer jusqu'au col, et dont les angles sont un peu tournés vers les aines; puis, dans l'intérieur du croissant, on pratique, sous la peau, une autre incision transversale qui ouvre assez largement le col de la vessie pour que la plaie qui en résulte soit un peu plus grande que le calcul n'est gros. Ceux qui par crainte d'une fistule que les Grecs nomment dans cette région, ménagent trop l'incision, tombent précisément dans cet inconvénient, et le rendent plus grave, attendu que le calcul, tiré avec force, est obligé de se frayer une voie, s'il ne la trouve établie ; ce qui est pernicieux, et peut le devenir plus encore par la forme ou les aspérités du calcul. Les convulsions et l'hémorragie sont en effet les conséquences possibles de ces violences, et si le malade y échappe, la déchirure du col lui laissera certainement une fistule beaucoup plus grande que l'incision. Le col de la vessie étant ouvert, on aperçoit le calcul, dont la couleur est ici sans importance. S'il est d'un petit volume, on réussit, en le poussant en avant avec les doigts d'une main, à l'extraire avec l'autre main; mais s'il est trop gros, on applique à sa partie supérieure un crochet disposé pour cette opération. Aminci par une extrémité, où il prend la forme demi-circulaire, cet instrument est poli par la face qui est en rapport avec les chairs, tandis que la face interne qui doit saisir le calcul est inégale et raboteuse. Il est préférable de le choisir plutôt long que court, car le défaut de longueur lui enlève la force nécessaire pour l'extraction du calcul. Ce crochet une fois en place, on s'assure par un double mouvement latéral que le calcul est bien saisi ; et si on le tient en effet, il est en même temps ébranlé. Cette épreuve est nécessaire, parce qu'on peut craindre que le calcul, au moment où l'on cherche à l'attirer au dehors, ne s'échappe en dedans, et que l'instrument, venant alors heurter les bords de l'incision, ne les froisse violemment, ce qui constituerait, comme je viens de le dire, un accident fort grave. Quand on est sûr de bien tenir la pierre, il faut, pour ainsi dire, dans le même instant, exécuter trois mouvements, un à droite, l'autre à gauche et le troisième en avant, mais le tout sans secousse, et de façon à faire avancer la pierre par degrés. Cela fait, on élève l'extrémité du crochet pour l'engager plus avant, et ramener plus facilement le corps étranger. S'il est difficile de le saisir par la partie supérieure, on le prendra de côté. Telle est la manière la plus simple d'opérer. Mais la diversité des cas qui peuvent se présenter nécessite quelques observations. Certains calculs, en effet, n'ont pas seulement des aspérités, et ils sont parfois armés de pointes. Or, quand ceux-ci tombent d'eux-mêmes dans le col de la vessie, on peut les en retirer sans aucun danger; mais, dans le fond de la vessie, il y a péril à les chercher ou à les extraire, parce que les convulsions qu'ils provoqueraient en blessant l'organe pourraient accélérer la mort, surtout si, quelque épine étant fortement adhérente, les manœuvres d'extraction amenaient le plissement des parois. On reconnaît à la difficulté d'uriner que la pierre est engagée dans le col de la vessie; et l'on juge qu'elle est armée de pointes, quand l'urine charrie du sang. Mais le toucher dénonce bien mieux encore l'existence du calcul, et l'on ne doit jamais opérer que lorsqu'on est guidé par cette exploration. Il faut pratiquer avec précaution le toucher interne, de peur de blesser la vessie par une pression trop forte : après quoi vient le moment d'inciser; et pour cela, bien des chirurgiens se contentent du scalpel. Mais Mégès, trouvant l'instrument trop faible, a prétendu que, si le calcul offrait plusieurs saillies, le scalpel diviserait seulement les parties dont ces inégalités seraient recouvertes, sans toucher à celles qui se trouveraient dans les anfractuosités : d'où la nécessité de pratiquer une nouvelle incision. En conséquence, il a imaginé un instrument droit, muni d'un rebord à l'extrémité supérieure, et s'élargissant en bas pour constituer un tranchant de forme demi-circulaire. Alors saisissant l'instrument entre deux doigts, l'index et le médius, et le pouce étant appliqué par-dessus, il le faisait agir en appuyant assez fortement pour couper à la fois et les chairs et les inégalités du calcul, s'il y en avait. Par ce moyen, il donnait de suite à l'incision l'étendue convenable. Quel que soit au surplus, le procédé qu'on emploie pour ouvrir le col, il faut, quand la pierre est rugueuse, l'amener doucement au dehors, et ne se permettre aucune violence, sous prétexte de rendre l'extraction plus prompte. 3. On peut savoir d'avance que le calcul est sablonneux, puisque les urines charrient du sable ; et cela devient manifeste aussi pendant l'opération, parce que la pierre offre moins de résistance au toucher, et glisse plus facilement. L'urine, en entraînant avec elle des espèces d'écaillés, indique également que la pierre est molle et : composée d'un certain nombre d'autres beaucoup plus petites, et qui ont entre elles peu de cohésion. Il faut chercher à conduire vers le col tous ces calculs en agitant alternativement les doigts, mais avec précaution, dans la crainte de blesser la vessie, ou de détacher quelques fragments, dont le séjour dans cet organe ferait ensuite obstacle à la guérison. Dès qu'un calcul se présente à l'ouverture, il faut, quel qu'il soit l'extraire avec les doigts ou le crochet. S'il y en, a plusieurs, l'extraction doit se faire isolément pour chacun ; mais s'il reste une dernière pierre d'un très petit volume, le mieux est de l'abandonner, car il serait difficile de la rencontrer dans la vessie, et, même après l'avoir trouvée, on la perdrait bientôt. Or, la vessie ne peut manquer de souffrir de ces longues recherches ; de là naissent des inflammations mortelles ; et des personnes en effet ont succombé sans avoir subi la taille, mais parce que leur vessie avait été longuement et vainement tourmentée par ces explorations. Joignez à cela que ce calcul, étant très petit, sera plus tard entraîné par l'urine, et chassé par la plaie. Néanmoins quand la pierre est trop grosse pour qu'on puisse espérer de la retirer sans déchirure du col, il faut la fendre en deux. Ammonius est l'inventeur de ce procédé, qui lui a valu le surnom de lithotomiste, et qu'on exécute de la manière suivante. Le crochet doit d'abord embrasser le calcul assez fortement pour le maintenir au moment de la percussion, et l'empêcher de fuir en arrière. On prend ensuite un instrument d'une grosseur médiocre, et qui va en s'amincissant par un bout pour former une pointe émoussée. C'est cette extrémité qu'on appuie sur la pierre, tandis qu'on frappe sur l'antre bout pour la diviser. On évitera soigneusement de porter l'instrument jusqu'à lu vessie, comme aussi d'y laisser tomber des fragments du calcul. 4. Pour les femmes, la méthode opératoire est la même; mais il y a pourtant, à leur occasion, quelques particularités à noter. Ainsi, l'emploi du scalpel est inutile quand la pierre est d'un petit volume, parce qu'elle est poussée par l'urine dans le col de la vessie, lequel est naturellement plus court et plus large chez la femme que chez l'homme. Il suit de là que le calcul tombe souvent de lui-même, ou que, s'il s'arrête près de l'orifice de l'urètre, qui est la partie la plus resserrée du canal, on peut, sans le moindre accident, l'en retirer avec le crochet. Néanmoins, quand la pierre est considérable, il y a nécessité d'en venir à l'opération. Alors, si on la pratique sur une vierge, il faut, comme chez les garçons, introduire les doigts dans l’anus, et les placer au contraire dans le vagin s'il s'agit d'une femme. On doit pratiquer l'ouverture au bas de la grande lèvre chez la jeune fille ; et chez la femme, entre le conduit urinaire et l'os pubis. Dans les deux cas, l'incision sera transversale. Enfin, il n'y a pas lieu de s'alarmer, si l'on remarque chez la femme un écoulement de sang plus considérable. 5. Après l'extraction de la pierre, quand le sujet est robuste et qu'il n'a pas beaucoup souffert, on laisse couler le sang, pour tempérer la violence de l'inflammation. Il est utile aussi de marcher un peu, afin de faciliter la chute des caillots sanguins, s'il en est demeuré dans la vessie. Lorsque l'hémorragie ne cesse point d'elle-même, il convient de l'arrêter, car elle pourrait amener l'entier épuisement des forces. On cherchera même à la maîtriser dès que l'opération sera faite, si le malade paraît trop faible. En effet, les convulsions qui résultent des manœuvres pratiquées sur la vessie ne sont point le seul péril à redouter; il faut craindre aussi que l'hémorragie, si l’on n'y porte aucun secours, ne devienne assez forte pour entraîner la mort. Il faut donc, pour détourner un pareil danger, faire prendre au malade un bain de siège composé de fort vinaigre et d'un peu de sel. Sous l'influence de ce moyen, il arrive ordinairement que l'hémorragie s'arrête, que la vessie se resserre, et que par suite l'inflammation est moins vive. Si pourtant ce remède est insuffisant, on doit en outre appliquer des ventouses aux aines, aux hanches et au pubis. Soit que le sang ait coulé suffisamment, soit qu'on ait maîtrisé l'hémorragie, il faut, aussitôt après, faire coucher le malade sur le dos, la tête basse et le bassin élevé, puis recouvrir la plaie d'un linge mis en double ou en triple, et bien imbibé de vinaigre. Au bout de deux heures, on plonge le malade dans un bain d'eau chaude, mais depuis les genoux jusqu'à l'ombilic seulement, le reste du corps étant couvert, à l'exception des pieds et des mains; et cela pour qu'il soit moins affaibli, et puisse rester plus longtemps dans l'eau, il se déclare ordinairement une sueur abondante, qu'on essuie de temps en temps au visage avec une éponge; et le terme de ce bain est indiqué par un commencement de lassitude. On oint ensuite le malade avec beaucoup d'huile, et on enveloppe, avec de la laine mollement cardée et imbibée d'huile tiède, le pubis, les hanches, les aines et la plaie même, tout en laissant à demeure le linge dont on a déjà dû la recouvrir. On verse encore à plusieurs reprises de l'huile tiède sur l'appareil, pour soustraire la vessie à l'action du froid, et relâcher doucement les nerfs. Quelques chirurgiens font usage de cataplasmes chauds ; mais, en pesant sur la vessie, ils irritent la plaie, et ce poids devient plus nuisible que la chaleur qu'ils possèdent ne peut être utile. Par cette raison, il n'est pas même besoin d'appliquer aucun bandage. Le lendemain, si la respiration s'embarrasse, s'il y a rétention d'urine, si l'on remarque de bonne heure du gonflement au pubis, on en doit conclure qu'il y a dans la vessie du sang qui s'y est pris en caillot. Il faut alors, comme on l'a dit, introduire deux doigts dans l'anus, et secouer doucement la vessie, pour détacher ce sang caillé des parois et le diriger vers la plaie. Il est bon aussi, à l'aide d'une seringue à oreille qu'on place entre les bords de la plaie, de pousser dans la vessie des injections de nitre et de vinaigre; car lorsqu'il y a des caillots sanguins, elles peuvent également en faciliter l'expulsion. Si l'on craint en effet qu'il n'y ait à l'intérieur du viscère des concrétions sanguines, on devra dès le premier jour employer ces moyens; et l'on aura même un motif de plus, si la faiblesse du malade ne lui a pas permis d'essayer l'influence de la marche pour débarrasser la vessie. Pour le surplus, on se conforme au traitement déjà prescrit, c'est-à-dire qu'on baigne le malade, et qu'on applique, comme on l'a dit, un linge d'abord, puis de la laine cardée. Toutefois l'enfant sera baigné moins souvent, et tenu moins longtemps dans l'eau que l'adolescent ; le sujet faible, moins que le sujet robuste ; la personne affectée d'une inflammation légère, moins aussi que celle qui est gravement atteinte; et celui dont le corps est habituellement relâché, moins enfin que tel autre qui est naturellement resserré. Au milieu de ces circonstances diverses, si le sommeil est bon, la respiration égale, la langue humide, la soif modérée; si le bas-ventre ne se tend pas, que la douleur soit supportable et la fièvre sans intensité, cela permet d'espérer que l'opération sera suivie de succès. L'inflammation alors disparaît le plus souvent vers le cinquième ou septième jour, et, lorsqu'elle a cessé, le bain devient inutile. Il faut seulement faire conserver au malade le décubitus dorsal, et bassiner sa plaie avec de l'eau chaude, pour empêcher l'urine de produire des excoriations. On applique ensuite des suppuratifs, et si la plaie paraît devoir être détergée, on la panse avec du miel, sauf à le mitiger avec de l'huile rosat s'il est trop excitant. Le remède le plus convenable en pareil cas est l'emplâtre ennéapharmaque ; car il contient du suif pour favoriser la suppuration, et du miel pour déterger la plaie ; il y entre aussi de la moelle, et celle du veau surtout, qui réussit très bien à prévenir la formation des fistules. A ce moment, il n'est plus nécessaire d'appliquer on linge sur la plaie ; et il ne sert plus alors qu'à recouvrir les topiques qu'il maintient. Mais dès que la plaie se trouve bien détergée, on cherche à la cicatriser en ne faisant usage que de charpie sèche. Lorsque l'opération n'est pas heureuse cependant, c'est vers la même époque que divers accidents se manifestent. On peut les présager dès le début, s'il y a insomnie continuelle, embarras de la respiration, sécheresse de la langue, soif ardente, tuméfaction du bas-ventre, état béant de la plaie ; si cette plaie devient insensible au contact de l'urine, et s'il s'en détache avant le troisième jour quelque chose de livide; si le malade ne répond pas ou ne répond que lentement; si les douleurs sont violentes; si, passé le cinquième jour, il y a fièvre intense ; si le dégoût des aliments persiste, et si le patient se trouve mieux couché sur le ventre. Rien de plus grave cependant que les phénomènes convulsifs, et que les vomissements bilieux qui surviennent avant le neuvième jour. Aussi faut-il, dès qu'on a la crainte d'une inflammation, tâcher de la prévenir par la diète, puis par un choix sévère d'aliments donnés en petite quantité, et, pour seconder le régime, recourir aux fomentations et aux autres moyens que déjà nous avons prescrits. [7,27] XXVII. Ce qu'on a le plus à redouter ensuite, c'est la gangrène. On reconnaît qu'elle existe lorsque par l'incision, et par la verge même, s'écoule une sanie fétide, dans laquelle on trouve et des matières assez semblables à des caillots sanguins, et de petites caroncules, qui ont l'apparence de flocons de laine. Joignez à cela les caractères suivants : sécheresse des bords de la plaie, douleur aux aines, persistance de la fièvre avec redoublement dans la nuit, et frissons irréguliers. Il importe de bien déterminer la direction du mal. S'il tend à gagner la verge, cette partie devient dure, rouge et douloureuse au toucher, et les testicules se gonflent. S'il envahit la vessie, on ressent de la douleur au siège, il y a de l'induration au haut des cuisses, et les jambes ne s'étendent plus qu'avec peine. Si l'un des côtés de la plaie est affecté de gangrène, l'état morbide est alors appréciable aux regards, et les symptômes, également prononcés à droite ou à gauche, sont les mêmes que dans les cas précédents, et seulement moins intenses. Il faut commencer par placer convenablement le malade; c'est-à-dire qu'on donnera toujours la position la plus élevée à la partie menacée de gangrène. Ainsi, le malade sera couché sur le dos si le mal se dirige vers la verge; sur le ventre, s'il attaque la vessie ; et, s'il occupe un des côtés de la plaie, sur celui qui restera intact. Passant ensuite aux moyens curatifs, il faut faire prendre au malade un bain préparé avec une décoction de marrube, de cyprès ou de myrte, et se servir du même liquide pour l'injecter dans la vessie. Cela fait, on applique des cataplasmes de lentille et d'écorce de grenade qu'on a fait bouillir ensemble dans du vin ; ou des feuilles de ronces et d'olivier traitées de même par ébullition. On fait usage aussi de quelques-uns des topiques auxquels nous avons attribué la propriété de réprimer et de déterger les chancres ; et ceux de ces remèdes qui sont à l'état pulvérulent doivent être insufflés sur le mal avec un roseau à écrire. Dès que la gangrène ne cherche plus à s'étendre, on doit déterger l'ulcère avec l'hydromel, et ne jamais employer de cérat, parce qu'en relâchant les parties il les rend plus accessibles à l'action du mal. Mieux vaut alors faire des lotions avec un mélange de vin et de plomb lavé, puis recouvrir la plaie d'un linge trempé dans la même préparation. Ces remèdes peuvent conduire à la guérison; maison ne doit pas ignorer que dans ces cas de gangrène l'estomac se trouve souvent affecté, en raison de la sympathie qui existe entre cet organe et la vessie. De là résulte que le malade n'a plus le pouvoir du garder ses aliments, ou que le peu qu'il conserve n'est pas digéré, et que le corps ne prend plus de nourriture ; par une conséquence naturelle, la plaie ne peut ni se déterger, ni faire place à de nouvelles chairs, et ce concours de circonstances amène inévitablement une mort prochaine. Mais l'impuissance où l'on est de triompher de pareils accidents, n'empêche pas de prendre dès le premier jour les précautions convenables; et l'attention devra se porter notamment sur le boire et le manger. Ainsi, dans le commencement, on n'accordera que des aliments humectants; puis on permettra ceux de la classe moyenne, dès que l'ulcère sera détergé. Quant aux légumes et aux salaisons, ils sont constamment contraires. Les boissons doivent être données dans une juste mesure ; car si le malade ne boit pas assez, la plaie s'enflamme, le sommeil se perd, et les forces déclinent ; et s'il boit trop, la vessie se trouve fréquemment remplie, et par cela même irritée. On conçoit trop bien que l'eau doit constituer la seule boisson, pour qu'il soit nécessaire de le répéter. La constipation, il est vrai, est la conséquence ordinaire de ce régime; mais on donne alors en lavement une décoction de fenugrec ou de mauve. On peut, au moyen d'une seringue à oreille, se servir aussi de cette décoction mêlée à de l'huile rosat pour l'injecter dans la plaie, lorsque l'urine en irrite les bords et les empêche de se déterger. C'est presque toujours par la plaie que l'urine s'échappe dans les premiers temps; puis, à mesure que l'incision avance vers la guérison, elle se divise pour sortir en partie par l'urètre, jusqu'à ce que l'autre voie soit complètement fermée. Ce résultat s'observe quelquefois au bout de trois mois ; mais d'autres fois il n'arrive pas avant le sixième mois, ou se fait même attendre une année entière. Il ne faut renoncer à l'espoir d'obtenir une cicatrice définitive que lorsque le col a souffert une violente rupture, ou lorsqu'on a vu se détacher après la gangrène, et cela dans une proportion notable, de grands débris de chair et départies nerveuses. Il importe essentiellement de prévenir sur ce point la formation d'une fistule, ou de la réduire du moins aux plus étroites limites. Aussi, dès que la plaie commence à se cicatriser, le malade doit rester couché, les cuisses et les jambes étendues; à moins que les calculs dont on a fait l'extraction ne fussent mous et sablonneux. Dans ce cas, en effet, la vessie se débarrassant avec plus de lenteur, il devient nécessaire de maintenir plus longtemps l'ouverture de la plaie, et de ne laisser la cicatrice s'établir que lorsque les urines ne charrient plus aucun gravier. Permettre à la plaie de se réunir avant que la vessie soit bien détergée, c'est provoquer le retour des douleurs et de l'inflammation ; et l'on est alors obligé de rétablir la division avec les doigts ou le dos d'une sonde, afin de frayer une issue aux fragments qui font souffrir le malade. Une fois ces corps expulsés, si les urines restent claires pendant un certain temps, on peut enfin recourir aux cicatrisants, en tenant, comme je viens de le dire, les jambes et les cuisses étendues, et aussi rapprochées que possible. Quand les accidents dont j'ai parlé font redouter une fistule, il faut, pour en obtenir l'occlusion, ou tout au moins pour la restreindre, introduire dans l'anus une canule de plomb, puis tenir les jambes étendues et liées entre elles, jusqu'à ce que la cicatrice soit définitivement ce qu'elle doit être. [7,28] XXVIII. Ces affections, il est vrai, sont communes aux deux sexes; mais quelques autres sont le partage exclusif de la femme. Il peut se faire, notamment, que la réunion des bords de la vulve ne lui permette pas de recevoir les approches de l'homme. C'est quelquefois dans le sein de la mère qu'il faut chercher l'origine de ce vice de conformation ; mais d'autres fois il arrive qu'à la suite d'ulcérations des parties naturelles, et par le fait d'un mauvais traitement, les lèvres ne se guérissent qu'en contractant des adhérences entre elles. Quand l'occlusion vient de naissance, c'est une membrane qui ferme l'entrée du vagin; au lieu que le même espace est rempli par une substance charnue, quand cette disposition vicieuse succède à des ulcérations. Dans le premier cas, on divise la membrane au moyen de deux incisions qui se croisent obliquement comme les lignes de la lettre X; on a grand soin de ne pas ouvrir le conduit urinaire, puis on excise chaque lambeau. S'il s'agit d'une substance charnue, il faut la fendre dans le sens longitudinal, et saisir un des bords de l'incision avec des pinces ou une érigne, pour en détacher une bandelette. On introduit ensuite dans la plaie une tente oblongue (lemnisque des Grecs), trempée dans du vinaigre, par-dessus laquelle on assujettit une laine grasse, également imbibée de vinaigre. Le troisième jour, on lève l'appareil, et le pansement a lieu comme pour toute autre plaie. Lorsque celle-ci tend à guérir, on place entre les lèvres une canule de plomb, enduite d'un remède cicatrisant; et l'on se sert, en topique, du même médicament jusqu'à la formation de la cicatrice. [7,29] XXIX. Lorsque, dans la grossesse, l'enfant venu presque à terme meurt dans le sein de la mère, et ne peut en sortir par un travail naturel, il faut bien se résoudre à l'opération, et la chirurgie n'en a pas de plus difficile. Elle exige, en effet, une rare prudence et des ménagements extrêmes, parce qu'elle fait courir un immense danger. Mais ici, comme en bien d'autres cas, on est amené à reconnaître combien est admirable la structure de la matrice. On doit d'abord, la femme étant couchée sur le dos, la placer en travers du lit, les cuisses fléchies sur les flancs. Le bas-ventre se trouve alors en face du chirurgien, et dans cette situation l'enfant est poussé vers l'orifice de la matrice. Cet orifice, il est vrai, se resserre sur le fœtus mort, mais par intervalle il s'entrouvre un peu. Mettant cette circonstance à profit, le chirurgien doit, après avoir huilé la main entière, introduire d'abord dans l'utérus le doigt index qu'il y maintient, jusqu'à ce que de nouvelles dilatations du col lui permettent d'insinuer un second doigt, et successivement toute la main. Le succès de cette manœuvre est puissamment aidé par la grandeur de la matrice et la vigueur de ses muscles, non moins que par l'habitude générale du corps et la fermeté d'âme de la malade. Ces conditions sont même d'autant plus utiles, qu'on est quelquefois obligé d'introduire les deux mains. Il est encore essentiel de tenir le bas-ventre et les extrémités aussi chauds que possible, et, sans attendre que l'inflammation se déclare, d'agir quand le cas est récent; car si déjà les parties sont gonflées, on ne peut qu'avec une extrême difficulté introduire la main et retirer l'enfant. Souvent alors il survient des vomissements, des tremblements et des convulsions mortelles. Lorsque la main engagée dans la matrice a rencontré le fœtus mort, elle reconnaît aussitôt la position qu'il occupe ; car il présente ou la tête, ou les pieds, ou bien il est placé en travers ; mais, dans ce dernier cas, il est presque toujours facile d'atteindre un pied ou une main. Le but du chirurgien est d'amener l'enfant à présenter la tête, ou même les pieds, dans la situation opposée. S'il n'a pu saisir qu'un pied ou une main, il doit redresser l'enfant ; c'est-à dire que s'il tient une main, il le tournera pour avoir la tête, et s'il n'a qu'un pied, il fera la version pour avoir l'autre. Ensuite, si la tête est à proximité, il se servira d'un crochet mousse et poil pour l'enfoncer dans un œil, une oreille, dans la bouche, quelquefois même dans le front; puis, tirant sur ce crochet, il ramènera l'enfant. Il ne faut pas cependant exercer ces tractions en tout temps ; et si l'on veut, en effet, s'y livrer quand l'orifice de la matrice est resserré et qu'il refuse de s'ouvrir, l'instrument s'échappe en déchirant l'enfant, et vient froisser l'orifice même avec la partie recourbée. De là naissent des convulsions qui mettent la malade en péril de mort. On doit donc s'arrêter quand la matrice se resserre, tirer doucement lorsqu'elle se dilate, et profiter ainsi des instants de relâchement pour amener l'enfant par degrés. C'est avec la main droite qu'on tire sur le crochet, pendant que la gauche, placée dans l'utérus, sert à diriger l'enfant. Il peut encore arriver que le corps du fœtus soit distendu par un liquide, et qu'il s'en écoule une sanie fétide. Dans ce cas on déchire les téguments avec l'index, pour diminuer le volume de l'enfant, en évacuant les humeurs; après quoi il faut tâcher d'en faire doucement l'extraction avec les mains seulement; car le crochet, en pénétrant dans ce faible corps atteint de putréfaction, échapperait facilement, et c'est un accident dont je viens de signaler le danger. Quand les pieds se présentent, il n'est pas difficile d'avoir l'enfant, puisqu'il suffit de le tirer avec les mains par ces extrémités. Mais s'il est placé en travers, et qu'on ne puisse le redresser, il faut appliquer le crochet sous l'aisselle, et l'attirer graduellement. En agissant ainsi, le cou se replie ordinairement, et la tête se porte en arrière. On a la ressource alors de couper le cou de l'enfant, afin d'extraire isolément la tête et le tronc. On se sert pour cela d'un instrument semblable au premier, avec cette différence seulement que la partie recourbée est tout à fait tranchante. Il faut s'y prendre de manière à faire sortir la tête d'abord, et le corps ensuite; parce qu'en commençant par extraire le tronc, on laisserait presque toujours retomber la tête au fond de la matrice, d'où elle ne pourrait plus être arrachée qu'avec le plus grand péril. Le cas arrivant toutefois, il faudrait, après avoir couvert le ventre de la femme d'un linge double, placer à sa gauche un homme intelligent et robuste, qui, de ses deux mains appuyées l'une sur l'autre, aurait à comprimer le bas-ventre, de telle sorte que la tête refoulée vers l'orifice utérin pût être amenée au dehors à l'aide du crochet, comme on l'a dit plus haut. Si le chirurgien ne rencontre qu'un pied, l'autre étant replié sur le corps, il doit retrancher peu à peu tout ce qui sort de la matrice ; si les fesses viennent peser sur l'orifice, il doit aussi les repousser, et rechercher l'autre pied pour faire l'extraction. Il peut s'offrir encore d'autres difficultés qui, ne permettant pas d'extraire le corps en entier, obligent à l'arracher par parties. Mais toutes les fois qu'on vient à bout d'amener l'enfant, on le confie à un aide qui le tient couché sur ses mains; de son côté le chirurgien fait de la main gauche des tractions ménagées sur le cordon ombilical, pour éviter de le rompre; et, de la main droite, il l'accompagne jusqu'aux secondines, qui servaient d'enveloppe au fœtus dans le sein de la mère. Saisissant ensuite cet arrière-faix, il détache de la matrice, avec les mêmes précautions, les petites veines et les productions membraneuses, et fait l'extraction du tout, sans oublier les caillots sanguins qui peuvent rester à l'intérieur. La délivrance de la malade opérée, on lui fait rapprocher les cuisses l'une de l'autre, et on la place dans une chambre d'une température modérée, et à l'abri de tout courant d'air. On applique ensuite sur le bas-ventre de la laine en suint, trempée dans du vinaigre et de l'huile rosat. Pour le surplus, on se conforme au traitement suivi dans les inflammations et les blessures des parties nerveuses. [7,30] XXX. 1. Les maladies de l'anus, quand elles ne cèdent point aux remèdes, réclament aussi les secours de la chirurgie. Ainsi contre les fissures qui sont devenues avec le temps dures et calleuses, ce qu'il y a de mieux à faire, c'est d'administrer des lavements, d'appliquer sur le mal une éponge imbibée d'eau chaude, afin d'amollir les rhagades et de les faire saillir au dehors; puis, dès qu'elles sont visibles, de les exciser l'une après l'autre. On renouvelle par là les ulcères, que l'on panse ensuite avec de la charpie molle ; par-dessus on applique un linge enduit de miel, recouvert à son tour d'une laine bien cardée, et le tout est maintenu par un bandage. Le lendemain et les jours suivants, on fait usage des topiques émollients que j'ai recommandés ailleurs contre ces blessures, lorsqu'elles sont récentes. Dans le commencement, on ne doit soutenir le malade qu'avec des crèmes farineuses ; et, tout en rendant par degrés le régime plus substantiel, on n'accordera que les aliments dont il est question au même endroit. Si ces rhagades s'enflamment et suppurent, il faut les inciser des que la suppuration se manifeste, dans la crainte qu'elle ne s'étende jusqu'à l'anus même. Mais encore faut-il attendre que l'abcès soit mûr; car, en l'ouvrant trop tôt, on ajoute singulièrement à la violence de l'inflammation, et l'écoulement du pus devient par là beaucoup plus abondant. Les plaies après l'opération seront pansées avec les remèdes émollients indiqués ci-dessus ; et le régime alimentaire sera de même adoucissant 2. Lorsque les tubercules appelés condylomes sont à l'état d'induration, voici la marche à suivre: On prescrit d'abord des lavements, et, saisissant ensuite le tubercule avec des pinces, on le coupe à la racine. Cela fait, on observe le traitement que j'ai conseil lé après ces opérations ; seulement, s'il survient quelques excroissances, on les réprime avec l'écaille de cuivre. 3. C'est par le procédé suivant qu'on enlève les hémorroïdes, qui entretiennent un flux de sang. Quand ce sang est mêlé de sanie, on donne d'abord des lavements âcres, afin que les orifices des veines, devenus par là plus saillants, se montrent sous forme de capitules. Alors, si ces tumeurs sont étroites à la base et d'un petit volume, il faut les lier avec un fil qu'on place à peu de distance de l'endroit où elles se joignent à l’anus. On les recouvre ensuite d'une éponge Imbibée d'eau chaude, jusqu'à ce qu'elles soient livides ; puis on se sert de l'ongle ou du scalpel pour les ulcérer au-dessus de la ligature. Sans cette précaution, il survient de vives douleurs, et quelquefois même une difficulté d'uriner. Si les hémorroïdes sont plus grosses et plus larges à la base, on les saisit avec une ou deux érignes, et l'on en fait l'excision un peu au-dessus de la base même, de manière à ne rien laisser de la tumeur, et à ne rien emporter de l'anus; double accident qui résulte de ce que les tractions exercées par les érignes sont ou trop fortes ou trop faibles. A l'endroit même de l'excision, on traverse les tissus avec une aiguille, et l'on applique une ligature au-dessous. S'il n'y a que deux ou trois hémorroïdes, on emporte d'abord la plus profonde; mais s'il s'en trouve un plus grand nombre, on ne doit pas les enlever à la fois, car tout le pourtour de l'anus serait dans le même moment envahi par des cicatrices sans résistance. On étanchera le sang, s'il y a lieu, avec une éponge ; après quoi l'on fera des applications de charpie. Des onctions seront pratiquées sur les cuisses, les aines et toutes les parties qui a voisinent l'ulcère ; l'ulcère lui-même sera recouvert de cérat et de farine d'orge chaude, que l'on maintiendra avec un bandage. Le lendemain on doit faire prendre un bain de siège et renouveler les cataplasmes. Deux fois par jour, avant et après le pansement, il faudra faire des onctions sur les hanches et les cuisses avec du cérat liquide, en tenant le malade dans un endroit chaud. Au bout de cinq ou six jours, on enlève la charpie avec on cure oreille ; et si les hémorroïdes ne tombent point dans le même moment, on achève de les détacher avec les doigts. Il reste ensuite à cicatriser la plaie par les topiques adoucissants que j'ai fait connaître ailleurs ; et, la guérison obtenue, on suit la marche qui se trouve également indiquée plus haut. [7,31] XXXI. Des maladies de l'anus, nous passons immédiatement à celles des jambes. Les membres inférieurs sont sujets à des varices qu'il n'est point difficile de faire disparaître. Quand j'ai parlé des dilatations veineuses de la tête et du ventre, je me suis réservé d'indiquer ici les moyens curatifs, parce qu'ils sont les mêmes pour toute la surface du corps. Je dirai donc que toute varice qui devient nuisible doit être réprimée par le feu, ou retranchée par l'instrument. La cautérisation est préférable lorsque la veine est droite; il vaut mieux y recourir encore si, malgré l'obliquité qu'elle présente, elle se trouve isolée, et d'un volume médiocre. Si, au contraire, les varices sont flexueuses au point même de former des espèces de circonvolutions et d'entrelacements, il est plus utile de les exciser. Voici la manière de cautériser: on incise les téguments, et, après avoir mis la veine à découvert, on la touche modérément avec un fer rouge, dont l'extrémité est mince et obtuse. On évitera facilement de brûler les bords de la plaie en les tenant écartés au moyen d'érignes. On laisse environ quatre doigts de distance entre ces érignes qu'on dispose sur tout le trajet de la veine ; et quand la cautérisation est faite, on fait usage des remèdes employés contre les brûlures. Voici maintenant comment on pratique l'excision. Après avoir divisé la peau comme dans le cas précédent, on saisit les bords de la division avec les crochets ; puis on a recours au scalpel pour isoler entièrement la veine des parties qui l'entourent, sans toutefois la blesser elle-même. Cela fait, on glisse des crochets mousses au-dessous du vaisseau, en maintenant entre eux la distance dont on vient de parler. Pour connaître la direction des varices, il suffit de soulever le crochet, et lorsqu'on a constaté par ce moyen tous les points variqueux, on coupe la veine à l'endroit où un crochet la soulève; on passe ensuite au crochet le plus proche, où l'on répète la même manœuvre; et la jambe étant ainsi débarrassée de toute varice, on rapproche les lèvres de la plaie, par-dessus lesquelles on applique un emplâtre agglutinatif. [7,32] XXXII. Lorsque, par un vice de naissance, ou par le fait d'une ulcération qui les affectait simultanément, les doigts ont contracté des adhérences entre eux, il faut les séparer avec le scalpel, et envelopper ensuite chacun d'eux d'un emplâtre dessiccatif, de telle sorte qu'ils puissent se cicatriser isolément. S'il s'agit d'un doigt ulcéré, et dont une cicatrice difforme a déterminé la flexion, il faut d'abord essayer des onguents; en cas d'insuccès (ce qui a lieu d'ordinaire lors que la cicatrice est ancienne et que les tendons sont intéressés), on doit examiner si la flexion est produite par le raccourcissement des tendons ou de la peau. S'il y a lésion des tendons, on ne doit rien tenter, parce que le mal est sans remède. Si la cause ne réside que dans les téguments, on emportera toute la cicatrice, dont la forme presque toujours calleuse s'oppose à l'extension du doigt. Une fois celui-ci redressé, on favorise la formation d'une nouvelle cicatrice. [7,33] XXXIII. J'ai dit ailleurs que la gangrène pouvait se déclarer entre les extrémités supérieures et l'aisselle, ou bien entre les inférieures et les aines, et qu'alors, si les médicaments ne triomphaient pas du mal, il fallait en venir à l'amputation du membre. Mais ce moyen est des plus périlleux; car souvent, au milieu même de l'opération, le malade meurt d'hémorragie ou de syncope. Devant l'unique ressource qui se présente cependant, on n'a plus à considérer si elle laisse encore trop de chances à courir. Il faut donc inciser les chairs jusqu'à l'os, en coupant entre le mort et le vif; mais on évitera d'une part de trop s'approcher de l'articulation, et de l'autre on aura soin d'empiéter sur les parties saines, plutôt que d'en laisser de gangrenées. Dès qu'on est arrivé sur l'os, il faut en détacher les chairs demeurées intactes par une incision circulaire, puis les refouler, afin de mettre l'os à nu dans une certaine longueur, et de le scier ensuite le plus près possible des parties saines qui y sont restées adhérentes. Après avoir enlevé de l'extrémité de l'os les petites esquilles produites par l'action de la scie, on abaisse la peau, et elle doit alors se trouver assez lâche pour recouvrir, si faire se peut, la totalité du moignon. Sur l'endroit qui serait à découvert, on appliquerait de la charpie, puis une éponge imbibée de vinaigre, et le tout serait maintenu par un bandage. Les autres soins à prendre ne diffèrent point de ceux qu'on a prescrits pour les blessures où l'on doit provoquer la suppuration.