A la Nuit. Hélas ! Qu'il est lent, le jour ! Et la tombée de la nuit, Qu'elle vient tard ! D'un si long délai je péris. Que le soleil est lent, qui ôte les causes d'amour ... Qui le croirait ? La Nuit m'est plus chère que le jour. Viens donc, ô chère Nuit, répands tes ténèbres épaisses; Que les astres parsèment tout l'empire céleste ! Heureux hivers, soyez trois fois et quatre fois bénis, Vous qui me rallongez les heures de la Nuit ! Que le fier Printemps sème roses et tendres violettes, Qu'il porte une parure de fleurs sur la tête; Que l'Eté se vante de son ciel et de ses moissons, Que les cheveux de Cérès soient ceints de ses dons; Qu'aux branches des vignes l'Automne étale ses raisins, Qu'il colore ses fruits de nuances sans fin: Bien qu'il soit blanchi de neiges, malgré le froid de loup, Parce qu'il fait les nuits longues, l'Hiver m'est assez doux. Il fournira, complaisant, mille refuges à l'amant; Il sera prodigue et protecteur tout autant. Viens, Nuit souhaitée ! Ô Lune, pourquoi tant tardes-tu ? Le temps de ton empire est, je pense, venu. Ton frère est loin, et dans l'Olympe te cède la place; Décoche les rayons, ô Lune, de ta face. Tu tardes à venir ? Déjà le temps à nous fixé S'écoule, et tu ne nous laisses pas aller . Parais, je t'en prie, et quand à notre amie un instant Bref nous lie, mène ton char, Déesse au pas lent. Je ne demande pas deux fois plus d'ombres en une nuit, Mais donne-moi, Déesse, le temps juste et précis. Le jour décline; voici la nuit chère aux jeunes filles, Et par tout le ciel, les astres silencieux brillent: Ici, la claire Phébé; là, les lents chars béotiens; Tout sera donc conforme aux voeux qui sont les miens. Donne le glaive et la lyre, enfant, baume de l'Amour, L'Amour qui m'arme pour mon nocturne parcours. Il peut m'entraîner aux Indes, ou au fond de l'Ethiopie, Ou sur terre ou sur mer, au gré de ses envies: Face à la foule des brigands, jamais je ne frissonne: Les forces qu'il faut, ma Déesse me les donne. ... Malheur à moi! Je défaille, et mes jambes qui vacillent ... Malheur à moi 1 La foi jurée, elle l'a trahie ... Voici l'endroit; c'est bien l'arbre que nous avions fixé. Aucun signe pourtant, en ces lieux, de Lycé ! Peut-être viendra-t-elle : sa mère n'a pas encore cessé Sa garde... Mais la nuit déjà est à sa moitié ! Qui donc, blonde Lycé, ô ma vie, qui t'a retardée ? Qui te force à trahir la parole donnée ? Mais qui pourrais-je accuser ? Tes parents n'y sont pour rien Quand tu veux les duper, tu réussis fort bien. A nos amours je crois plutôt que tu te montres traître, Et celle qui fut mienne, un autre l'a peut-être ... Si je venais à l'apprendre, je mourrais certainement; Penses-tu que sans toi je puis vivre longtemps ? Pour toi donc, très belle, notre amour a perdu sa valeur ? De ma mort désormais je vois approcher l'heure. Mais pourquoi moi, malheureux, sans espoir, chanté-je en vain, D'une voix inutile, de douloureux refrains ?