[1,5] CINQUIÈME DEGRÉ. La considération de l'air. En considérant cet élément, nous pourrons en tirer une excellente instruction pour les moeurs; en effet, si quelqu'un veut examiner ces divers avantages que, par une disposition de la Providence, l'air procure sans cesse au genre humain, il y trouvera non-seulement de précieux document pour la philosophie, mais encore il y découvrira des mystères profonds et propres à reculer les bornes de la science théologique. 1° Une des principales propriétés de l'air est, en favorisant la respiration, de conserver la vie des animaux terrestres et celle de l'homme même. Ensuite l'air est si nécessaire à la vue, à l'ouïe, à la parole extérieure, que, sans son secours, on serait aveugle, sourd et muet; enfin l'air est si essentiel au mouvement des êtres vivants, que sans lui il n'y aurait plus de mouvement, tous les arts et tous les ouvrages de l'homme cesseraient aussitôt. Entrons en matière. Si les hommes comprenaient que les âmes n'ont pas moins besoin de respirer que les corps, plusieurs de ceux qui périssent, se sauveraient. Le corps a continuellement besoin de respiration, parce que la chaleur naturelle, dont le coeur est rempli, est tellement tempérée par l'action des poumons qui attirent l'air froid et rejettent celui qui est chaud, que la vie en est conservée. Sans cette respiration il serait impossible de vivre; aussi respirer et vivre sont lies termes synonymes, car quiconque respire vit; et dès qu'on cesse de respirer, on cesse aussi de vivre. Et vous, ô mon âme, vous avez besoin d'une respiration continuelle, pour conserver la vie spirituelle qui est la grâce; cette respiration se fait en faisant monter vers Dieu, par l'oraison, des soupirs enflammés, et en recevant de Dieu une nouvelle grâce de l' Esprit-Saint. Et quelle autre chose signifient ces paroles de notre Seigneur : Il faut toujours prier et ne jamais cesser : "Oportet semper orare et non deficere" (Luc 18.), si ce n'est qu'il faut toujours soupirer, et recevoir un nouvel esprit, pour empêcher la vie spirituelle de s'éteindre en vous ? C'est ce que répète notre adorable Sauveur en disant . Veillez et priez sans cesse "Figilate itaque, omni tempore orantes" (Luc 21). L'Apôtre confirme ce précepte dans sa première Épître aux Thessaloniciens, en leur recommandant de prier saris intermission : "Sine intermissione orare". St. Pierre enseigne la même doctrine, en nous exhortant à être prudents, et à veiller dans l'exercice de l'oraison : "Estote itaque prudentes et uigilate in orationibus" ; car la vraie prudence consiste à demander sans cesse à Dieu un secours dont nous avons sans cesse besoin. A la vérité notre Père les connaît, ces besoins, et il est prêt à y subvenir libéralement, surtout en ce qui regarde le salut éternel ; mais il ne veut nous l'accorder que par le moyen de l'oraison, parce que cela lui fait plus d'honneur, et que ce nous est plus utile que s'il nous l'accordait sans le lui avoir demandé. C'est pour cette raison que ce maître libéral nous exhorte et nous presse à lui demander ce dont nous avons besoin : Je vous le dis : Demandez, et l'on vous donnera; cherchez et vous trouverez; frappez, et l'on vous ouvrira; car celui qui demande, obtient; celui qui cherche, trouve; et, l'on ouvre à celui qui frappe (Luc 11). Jésus-Christ nous fait connaître ensuite ce qu'il faut lui demander et ce qu'il nous accordera infailliblement: Si vous, tout méchants que vous êtes, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père céleste donnera le bon esprit à ceux qui le lui demandent! Ce qu'il rions faut donc demander d'abord et préférablement à tout le reste, et ce que Dieu nous accordera infailliblement si nous le demandons bien, c'est le bon esprit, au moyen duquel nous respirons en Dieu et nous conservons la vie spirituelle, à l'exemple de David qui ouvrit la bouche pour attirer cet esprit : "Os meum aperui, et, attraxi spiritum" ; c'est-à-dire, qu'il ouvrait sa bouche en désirant, en soupirant et en demandant par des gémissements ineffables, et attirant le vent très suave de l'esprit de Dieu, qui refroidissait le feu de la concupiscence et l'affermissait dans la pratique du bien. Cela étant ainsi, qui oserait dire que ceux qui passent les jours entiers, les mois et les années sans soupirer vers Dieu, et sans respirer en Dieu, vivent néanmoins selon Dieu ? C'est un signe évident de mort que de ne pas respirer ; mais si respirer c'est prier, c'est un signe de mort de ne pas prier. La vie spirituelle qui nous fait enfants de Dieu, consiste dans la charité. Considérez donc, nous dit St. Jean (Jean. 3. 1), quel amour le Père nous a témoigné, de vouloir que nous soyons appelés et que nous soyons en effet enfants de Dieu. Mais quel est celui qui aime et ne désire pas en même temps de voir l’objet de son amour ? qui désire et ne demande pas en même temps ce qu'il désire, à celui qu'il sait le lui devoir accorder si tôt qu'il en sera prié ? D'où il faut conclure que celui qui ne demande pas assidûment à voir la face de Dieu, ne désire pas de le voir ; mais celui qui ne désire point n'aime point; et celui qui n'aime point, ne vit point. Que suit-il de là? Il suit que nous devons regarder comme morts à Dieu, quoiqu'ils vivent au monde, tous ceux qui ne s'appliquent pas sérieusement à l'oraison, et que prier seulement des lèvres, n'est pas prier véritablement, ni par conséquent respirer et vivre spirituellement : car la prière est une élévation du coeur vers Dieu, et non de la voix seulement. Ne vous faites donc pas illusion, ô mon âme, jusqu'à croire que vous vivez pour Dieu, si vous ne le cherchez sérieusement et de tout votre coeur, et si vous ne soupirez vers lui nuit et jour. Ne dites pas que les autres occupations vous empêchent de vaquer aux colloques divins et à l'oraison ; car les apôtres étaient tellement occupés, même à l'œuvre de Dieu et au salut des âmes,que l'un d'entre eux disait qu'outré les maux extérieurs dont il avait fait l'énumération, le soin des églises attirait sur lui une foule d'affaires qui l'affligeaient tous les jours. Qui est faible, disait il, sans que je m'affaiblisse avec lui? qui est scandalisé, sans que je brùle, et que je ressente une vive douleur de sa chute (2. Cor. 11. 29) ? Et cependant ce même apôtre, non content de nous rappeler ses fréquentes prières, écrit aux Philippiens que sa conversation est dans le ciel : "Nostra conuersatio in coelis est", parce qu'au milieu de ses occupations il tournait sans cesse ses désirs vers le ciel, et qu'il n'oubliait jamais son bien-aimé; autrement comment aurait-il pu dire : J'ai été crucifié (dans mon baptême) avec Jésus-Christ; et je vis à présent, ou plutôt ce n'est plus moi qui vis, mais c'est Jésus-Christ qui vit en moi (Gal. 2. 20.) ? CHAPITRE II. 2° Une autre propriété de l'air, c'est de servir de milieu pour transmettre les couleurs, à nos yeux, et le son à nos oreilles. Sans l'air nous ne pourrions ni voir, ni entendre, ni parler. En cela nous devons d'abord rendre grâces à Dieu d'avoir daigné douer notre nature d'un si précieux bienfait. Il faut ensuite admirer la sagesse du Créateur dans un ouvrage si subtil et si délié, au point que l'air, qui est un vrai corps, et si grand qu'il remplit un espace immense, n'est cependant ni aperçu ni senti à cause de sa ténuité incroyable. L'antiquité s'extasiait sur la délicatesse d'un trait de pinceau qu'Apelles avait figuré ; mais après tout on voyait cette ligne, on la touchait, et par là même on ne pouvait nullement la comparer a la ténuité de ce voile délié qui nous entoure, qui nous touche, et que cependant personne ne peut apercevoir, tant il est subtil. Ce qui est encore plus admirable, c'est la facilité de l'air à se rejoindre promplement pour ne faire qu'un corps, lorsqu'il a été divisé, sans laisser aucune trace de cette séparation. Quoiqu'une toile d'araignée soit: très mince, il ne se,trouvera assurément aucun ouvrier assez habile pour la rejoindre sans que rien paraisse, après qu'elle aura été rompue : ajoutez, et c'est ici une chose admirable et que la seule sagesse de Dieu peut opérer; ajoutez, dis-je, qu'un nombre infini de couleurs passent à travers une même partie de l'air, sans mélange ni confusion. Au milieu de la nuit, par un beau clair de lune, quelqu'un qui serait placé dans un lieu découvert et élevé, s'il aperçoit les étoiles qui ornent le firmament, les campagnes émaillées de fleurs, des maisons, des arbres, des animaux,et plusieurs autres objets de cette espèce, il ne pourra disconvenir que la figure de tous ces objets ne soit contenue, sans mélange, dans l'air qui l'environne. Mais qui peut comprendre ces merveilles ? qui peut les pénétrer ? Comment se fait-il qu'un corps si délié puisse contenir une si étonnante variété de formes ? Et que serait-ce si dans le même temps on entendait le chant mélodieux des oiseaux d'un côté, et d'un autre celui d'une agréable symphonie mêlée au doux murmure des eaux? Ne faudrait-il pas que l'air contint en même temps et toutes ces couleurs et tous ces sons différeras ? Qui a fait cela, ô mon âme ? c'est votre Créateur, à qui seul appartient d'opérer des merveilles. Mais si ses œuvres sont admirables, combien plus le sera-t-il lui-même ? L'air renferme encore une autre propriété qui est, non seulement de ne pas retarder, mais de favoriser même le mouvement des corps qui le traversent. Nous savons tous la peine qu'il y a pour faire avancer un vaisseau sur mer, quoique l'eau paraisse si facile à diviser. Il arrive quelquefois que les vents et les rames sont insuffisants, et qu'il faut employer le secours des animaux pour conduire de simples barques sur un canal ou sur une rivière; et s'il faut s'ouvrir un passage dans des endroits montueux, que de sueurs que de temps même pour parcourir un espace très court ? Mais au milieu de l'air, on n'éprouve aucune peine; c'est avec la glus grande facilité et la plus grande célérité que le coursier, que l'oiseau et la flèche le traversent. Dans nos exercices journaliers, nous montons, nous descendons, nous promenons, nous courons; les pieds, les bras, les mains font leurs mouvements en tout sens, et l'air au milieu duquel s'opèrent ces mouvements n'oppose pas plus d'obstacle que s'il n'était pas corporel. On le dirait d'une nature spirituelle ou presque rien. CHAPITRE III. 3° Enfin l'air se prête à toutes les formes; il se laisse, diviser et briser, pour ainsi dire, afin de nous devenir utile : on le croirait donné aux hommes pour leur être un modèle d'humilité, de patience et de charité. Mais ce qui doit vous porter à aimer votre Créateur, c'est, ô mon âme, que cet air dont nous parlons, nous représente la douceur indicible et la bonté infinie de notre Dieu. Recueillez-vous mon âme , et pensez sérieusement que votre Seigneur est sans cesse présent à toutes les créatures, et qu'il opère sans cesse avec elles, et, ce qui nous fait voir son infinie bonté, il accommode sa coopération à la nature particulière de chacune d'elles ; comme s'il disait avec l'Apôtre : Je me suis fait tout à tous. "Omnibus omnia factus sum", afin de les aider, de les perfectionner tous. Il coopère avec les agents nécessaires, pour qu'ils remplissent leur destination avec les agents volontaires, libres, pour qu'ils agissent volontairement, librement. Il aide et meut le feu, de manière qu'il s'élève en haut ; la terre, pour qu'elle tende en bas ; l'eau, pour qu'elle coule sur sa pente ; l'air, pour qu'il aille partout où il est poussé. Il aide les étoiles, pour leur faire décrire sans cesse leurs orbites; les herbes, les fruits, les plantes, pour qu'elles portent des fruits selon leur espèce; les animaux terrestres, aquatiques, volatiles, afin qu'ils remplissent leur destination. Mais si la bonté divine brille si éminemment dans sa coopération avec les créatures dans les ouvrages de la nature, que pensons-nous qu'il en sera dans ceux de la grâce ? Il est vrai que Dieu a laissé à l'homme le libre arbitre, mais à condition qu'il lui donnerait sa loi pour le régir, qu'il emploierait ses menaces pour l'effrayer, qu'il lui offrirait des récompenses pour l’attirer : "Ut eum regeret imperio, terreret exitio, alliceret beneficio". Dieu veut le salut de tous les hommes, mais il le veut avec une condition qui est que l'homme le voudra, et c'est pour cela qu'il le prévient, qu'il l'excite, qu'il le conduit et le ramène avec tant de douceur que sa conversion est une chose admirable. Ce sont là les conventions de la sagesse divine dont parle Isaïe, lorsqu'il invite les serviteurs, de Dieu à les faire connaître aux peuples de la terre : "Notas facitem populis adinuentiones eius" (Is. 12. 4). En effet, tantôt ce Dieu de bonté effraie l'impie, tantôt il l'avertit avec clémence, tantôt il le corrige dans sa miséricorde, selon qu'il le juge convenable à son caractère et à ses moeurs. Ecoutez les paroles. pleines de mansuétude, qu'il adresse au premier pécheur : Adam, lui dit-il, où êtes-vous ? Adam lui répond : J'ai entendu votre voix dans le paradis et j'ai eu peur de paraître devant vous, parce que j'étais nu, c'est pourquoi je me suis caché. Le Seigneur lui repartit avec la même douceur : et d'où avez-vous su que vous étiez nu et que vous deviez en rougir, sinon de ce que vous avez mangé du fruit de l'arbre dont je vous avais défendu de manger ? Adam, averti par cette pieuse correction, se repentit de suite comme l'atteste l'Écriture (Sap. 10. 1), lorsqu'elle enseigne que c'est la sagesse qui conserva celui que Dieu avait formé le premier pour être le père du monde, ayant d'abord été créé seul ; c'est elle aussi qui, après sa chute, le tira de son péché. Ecoutez encore avec quelle mansuétude et quelle douceur il corrigea les enfants d'Israël par le ministère d'un ange, et les engagea à faire pénitence : L'ange du Seigneur vint de Galgala où ils avaient renouvelé l'alliance avec le Seigneur, au lieu où ils étaient assemblés, qui fut appelé depuis le lieu des pleurants ; et parlant en la personne de Dieu même il dit : Je vous ai tirés de l'Egypte, je vous ai fait entrer dans la terre que j'avais juré de donner à vos pères, et je vous ai promis de garder à jamais l'alliance que j'avais faite avec vous, mais à condition que vous ne feriez point d'alliance avec les habitants du pays de Chanaan, et que vous renverseriez leurs autels ; et cependant vous n'avez point voulu écouter ma voix. Pourquoi avez-vous agi de la sorte ? Lorsque l'Ange du Seigneur disait ces paroles à tous les enfants d'Israël, ils élevèrent leurs voix, et se mirent à pleurer. Ce même lieu en fut appelé le lieu des pleurants ou le lieu des larmes, et ils immolèrent des hosties au Seigneur (Les Jug. 2. 1). Le nom donné à ce lieu, "Locus flentium, sive lacrymarum", qui a passé à la postérité, atteste que ces pleurs et ces larmes abondantes étaient la marque d'une vraie et sincère pénitence. Que dirai-je maintenant des prophètes ? Ils enseignent tous universellement, ils proclament tous que Dieu ne veut pas la mort des pécheurs, mais qu'ils se convertissent et qu'ils vivent. On dit communément, observe Jérémie : Si une femme, après avoir été répudiée par son mari, et l'avoir quitté, en épouse un autre, son mari la reprendra-t-il encore? Et cette femme n'est elle pas considérée de lui comme étant impure et déshonorée ? Pour vous, ô fille d'Israël, vous vous êtes corrompue avec plusieurs qui vous aimaient, cependant revenez ci moi, dit le Seigneur, et je vous recevrai (Jérém. 3. 1). Ezéchiel n'est pas moins expressif : Voici la manière dont vous avez accoutumé de parler, dit ce prophète en s'adressant au peuple ; nos iniquités et nos péchés sont sur nous ; nous en portons la peine ; nous séchons et nous languissons dans les maux que nos crimes nous ont attirés ; comment donc pourrions-nous vivre, et comment donc pourrions -nous éviter la mort à laquelle Dieu nous a condamnés? Dites-leur donc ces paroles : Je jure par moi-même, dit le Seigneur, que je ne veux pas la mort de l'impie, mais que je veux que l'impie se convertisse, qu'il quitte sa mauvaise voie, et qu'il vive. Convertissez-vous, convertissez-vous quittez vos voies toutes corrompues. Pourquoi mourriez-vous, maison d'Israël? Je ne veux point votre mort, je souhaite au contraire que vous vous convertissiez, et que vous ayez la vie (Ezech. 33. 10 et 11). Mais laissant les impies, voyons maintenant quelle est la bonté et la douceur plus que paternelle et maternelle du Seigneur notre Dieu envers ceux qui le craignent et qui espèrent en lui. Écoutons le Prophète royal qui nous assure qu'autant que le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant a-t-il affermi la grandeur de sa miséricorde sur ceux qui le craignent.. Car, comme un père a une compassion pleine de tendresse pour ses enfants, aussi le Seigneur est touché de compassion pour ceux qui le craignent. La miséricorde du Seigneur est de toute éternité, et elle demeurera éternellement sur ceux qui le craignent (Ps. 102. 11), Goûtez donc et voyez combien le Seigneur est doux. Heureux est l'homme qui espère en lui (Ps. 33. 8). Que le Dieu d'Israël est bon à ceux qui ont le coeur droit! c'est-à-dire : Qui expliquera la bonté, la suavité, la douceur du Seigneur envers les âmes pieuses et justes ? Le Seigneur dit aussi dans Isaïe (49, 15) : Une mère peut-elle oublier son enfant, et n'avoir point compassion du fils qu'elle a porté dans ses entrailles ? Mais quand même elle l'oublierait, pour moi je ne vous oublierai jamais. Jérémie ajoute (Thren. 3. 24) : Le Seigneur est mon partage, dit mon âme en elle-même, c'est pour cela que je l'attendrai. Le Seigneur est bon à ceux qui espèrent en lui, il est bon à l’âme qui le cherche. Ainsi il est bon d'attendre en silence le salut que Dieu nous promet. Si je voulais encore ajouter ce que les apôtres dans leurs épîtres enseignent de la bonté paternelle du Seigneur notre Dieu envers les hommes pieux, non je n'en finirais point. Bornons-nous au seul passage de la seconde épître de St. Paul aux Corinthiens (II, 1,3) : Béni soit, dit-il, Dieu, le père de notre Seigneur Jésus-Christ, le père des miséricordes et le Dieu de toute consolation ; qui nous console dans tous nos maux, afin que nous puissions aussi consoler les autres dans tous leurs maux par la même consolation dont nous sommes nous-mêmes consolés de Dieu. Il ne dit pas seulement que Dieu est consolateur, mais qu'il est plein de toute consolation ; il ne dit pas qu'il nous console seulement dans quelque tribulation, mais dans toutes nos peines. Pouvait-il mieux cous apprendre combien le Seigneur est doux et suave envers ceux qu'il aime et dont il est aimé! Il ne sera pas inutile, en finissant, de citer un passage de St. Prosper où il explique la bonté de Dieu, non seulement envers les bons, mais encore envers les méchants pour les rendre bons. « Sa grâce, dit-il , l'emporte sur tous les autres moyens de salut, elle persuade par les exhortations, elle avertit par les exemples, elle effraie par les dangers, elle encourage par les miracles ; elle donne l'intelligence, inspire le conseil, éclaire l'esprit et le coeur en y faisant pénétrer le flambeau de la foi. D'un autre côté, la volonté de l'homme excitée par ces secours se réunit et se joint à la grâce pour coopérer avec elle à l'oeuvre de Dieu, et pour commencer à recueillir des mérites de cette semence divine qu'elle a reçue dans son coeur, attribuant à son inconstance l'interruption du bien, au secours de la grâce ses progrès dans la vertu : secours qui est accordé à tous par une infinité de moyens intérieurs ou extérieurs. Et c'est de la malice d'un grand nombre que provient l'inutilité de ses secours, de même que c'est à la volonté de l'homme, aidé de la grâce divine, qu'il faut attribuer tout le bien qui en résulte. » (Lib. 2. De uocatione gentium, c. 26). CHAPITRE IV. 4° Courage donc, ô mon âme, si votre Créateur est si suave et si doux envers ses serviteurs, s'il souffre avec tant de bonté les pécheurs, pour les convertir ; et s'il console les justes, afin qu'ils avancent de jour en jour dans la justice et la sainteté, ne devez-vous pas supporter avec douceur votre prochain, et vous faire tout à tous pour les gagner tous au Seigneur votre Dieu ? Pensez à quelle sublime fonction vous destine l'Apôtre, lorsqu'il vous dit (Eph. 5. 1) : Soyez les imitateurs de Dieu comme étant ses enfants bien-aimés, et marchez dans l'amour et dans la charité pour vos frères, comme Jésus-Christ nous a aimés et s'est livré lui-même pour nous, en s'offrant à Dieu pour l'expiation de nos péchés, comme une oblation et une victime d'une agréable odeur. Imitez donc Dieu le Père qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et qui fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes (Math. 5. 45). Imitez Dieu le Fils, qui, après avoir pris la nature humaine pour l'amour de nous, a donné sa propre vie pour nous arracher à la puissance des ténèbres et à la mort éternelle. Imitez Dieu le Saint-Esprit, qui a répandu abondamment ses dons précieux pour nous rendre spirituels de charnels que nous étions.