[30,0] METIS ou le conseil. L'Ancienne fable raconte que Jupiter ayant épousé Métis, c'est-à-dire le conseil, elle demeura enceinte de lui. De quoi le père des Dieux s'étant avisé, il la dévora tout aussitôt, sans vouloir attendre qu'elle accouchât, si bien que lui-même devint gros, et enfanta Pallas, qui par un merveilleux effet naquit de son cerveau toute armée. Le sens dc cette fable, qui d'abord semble vraiment monstrueuse et hors de toute apparence, contient une grande maxime d'état; car elle montre avec quelle industrie les rois ont accoutumé de se gouverner en leurs conseils, afin de conserver ensemble leur grandeur et leur majesté et d'en augmenter la force et l'éclat envers leurs sujets. Les princes tiennent pour maxime que c'est une chose, qui ne déroge nullement à leur majesté, d'être comme mariés avec leur conseil et de n'entreprendre rien que par l'avis de leurs conseillers, principalement en matière d'affaires qui sont importantes à leur état. Ce nonobstant quand il est question de faire un édit (action qui correspond à l'enfantement) en tel cas ils ne permettent point à leur conseil de passer plus outre, afin qu'il ne semble que ces procédures dépendent de la volonté de leur conseil. C'est pourquoi les princes (si ce n'est en matière de choses dont ils désirent effacer la haine et l'inimitié) ont accoutumé de rapporter à eux-mêmes tout ce qui a été fait par leurs conseillers, et comme formé dans le corps de leur conseil, afin qu'il semble que l'édit prononcé ne soit venu d'autre que d'eux, non plus que l'exécution, laquelle est fort proprement figurée par la déesse Pallas, qui naquit toute armée. Ce qui montre que tels arrêts sortent avec une pleine puissance, et qu'ils attirent avec eux une certaine nécessité. Or il ne suffit point que l'autorité d'un roi soit jointe à telles exécutions, non plus qu'une volonté qui ne soit soumise à personne, s'ils n'ont des hommes qui de leur propre chef, c'est-à-dire par leur prudence, ne mettent au jour la résolution et l'ordonnance une fois conçue.