tout. 'ktte:ndu•quek dans l'ordre de 1a nature , li n.'est rien de, si petit qui n'ait sa cause jet aù contraire rien de si grand, qui ne dépende de quelque autre chose. En sorte que L'asseinbldge inèine, l'ensem- ble de la nature, renferme dans soit sein toute espèce d'événement le plus grand comme le plus petit, et le produit dans son temps, d'après•Uiie loi dont l'effet est certain : ainsi rien d'étonnant, si l'on a supposé que los Parques étoient les soeurs de Pan, et ses soeurs très• légiti- mes. Car la fortune est fille du vul- gaire, et ne plats ordinairement qu'aux esprits superficiels. Certes, Épicure ne tient pas seulement un langage profane; mais il me parois extravaguer tout- à- fait, lorsqu'il dit, qu'ilvaut mieux croire la fable des dieux, que supposer un destin : comme s'il pou-Voit y avoir dans l'univers quelque •choee qui, semblable d une isle , fût détachée de la grande chatne des @ires. Mais Épicure,; comme on le voit par ses propres paroles, a ac- commodé et assujetti sa philosophie na. tutelle à sa rbrala- ne voulant.ad'nmettre aucune opinion qui pût aflli'gec', inquié- terl'ame, et troubler cette Eut/iyntiia dont Ddnaocrite lui avait: donné l'idée. C'est pourquoi , ,plus jaloux do se bercer dans de douces pensées, que capable dosup-- porter la. vérité, il secoua entièrement le joug ,.et;rejeta; tant la nécessité. da des- tilt , 'que la crainte. des dieux. Mais en. voilà assez sur la 'fraternité de l'an avec les Parques. Si l'on attribue au monde des cornes plus larges par le bas, et plus aiguës à leur sommet, c'est que toute la nature des choses est comme aiguë et semblable à une pyramide. Car le nombre des indi- vidus qui forment la large base de la na- ture , est infini.. Ces individus se réunis- sent en espèces, %lui sont encore ut grand nombre. Puis ~e8 espèces s'élèvent en genres; lesquels, à mesure que les. idées se généralisent , vont en se resser- rant de plus en plus; ensorte qu'à la fin la nature semble se réunir en un seul point. Et c'est ce que signifie cette (bure pyninüdalo dea camer de Pan. 'Mais il ne faut pas s'étonner que ces cornes, par Leurs extréutitds, toueheiit au ciel; at- tendu que les choses les plus élevées de la nature, c'est-à-dire, les idées univer- selles, touchent, en quelque manière k aux choses divines. Aussi avoit-on feint que cette fameuse. chaîne ,d'Hornére c'est-à-dire, celle des causes naturelles, étoit attachée au pied du trAne de Jupi- ter. Bt comme il est facile de s'en assurer, il n'est point d'homme, traitant la méta- physique et ce qu'il y a dans la nature d'éternel et d'immuable , et détournant un 'peu son esprit des choses variables et passagères, qui ne tombe aussi-tût dans la théologie naturelle; tant le passage du sommet de cette pyramide à Dieu mé- me , est rapide et facile. C'est avec autant d'élégance que de vérité qu'on représente le corps de. la nature comme hérissé de poils, vu ces rayons qu'on trouve par-tout; car les rayous sont comme les crins, comme les poils de la nature; et il. n'est rien• quj. ne soit plus ou moins rayonnant. C'est ce qui est très sensible dans la faculté visuelle, ainsi que dans toute vertu ma- gnétique et dans toute opération à dis. tance. Mais la barbe de Pan sur-tout a beaucoup de saillie , parce que les rayons des corps célestes, et principale- ment ceux du soleil, exercent leur ac- tion de fort loin, et cette action pénè- tre fort avant ; et cela au point qu'ils ont travaillé et totalement changé la sur- face de la terre , et même sou intérieur jusqu'à une eertaine profondeur (i ). Or, la figure qui concerne la barbe de Pan, est d'autant plus juste quo le sue loil lui.m@iue, lorsque sa partie supâ.i rièure étant couverte pal uu nuage , ses rayons, s'échappent par: dessous, semble avoir une barbe. C'est aussi avec raison que le corps de la nature est représenté comme partici.' pant de deux formes, vu la différence des corps supérieurs et des corps infb.' rieurs. Car les premiers, d cause de leur beauté, de l'égalité, de .la constance de leur mouvement; et de leur empire sur la terre et les choses terrestres , sont fort bien représentés par la figure humaine; la nature humaine participant de l'ordre et de la domination; Mals les derniers; à cause de leur désordre et de leurs mou-- veinons ,peu réglés, et parce qu'ils sont en bien- des choses gouvernés par les corps célestes, peuvent être désignés par la figure. d'un attimnl brute. De plus,. cette' duplicité de forme se rapporte à l'enjambement réciproque des espèces; car il d'est pas, dans la nature, d'espèce qui: paroisse absolument simple. Mais chaque espèce participe de deux autretl et semble eu être composée. l'homme, par exemple,. tient quelques:peu de la brute; la brute,' quelque peu de la plante; la plante, quelque peu du corps inani- m& Et à proprement parler, tout parti- cipe de deux formes, tenant et de l'es- pèce inférieure et de l'espèce supérieure dont elle n'est. que l'assemblage. Or, la parabole des pieds de chèvre représente fort ingénieusement.l'ascension des corps ténues vers les régions de;l'atmosphère et du ciel, oà ils demeurent ainsi sus- pendus , et de 11. sont précipités vers la région inférieure, plut& qu'ils. n'en descendent; car la chèvre est un animal qui aime à gravir, à se suspendre aut rochers, à s'attacher aux oopps, pendons sur des précipices. C'est ce qua font aussi tous les corps ,,m€me ceux qui sont des- tinés au globe inférieur. 4.ussi n'est-ce pas sans raison .que Gilbert , qui a fait de si laborieuses recherches sur l'ai, tuant, et cela en procédant par la voie expérimentale , a lait naître ce doute ; bavoir: si les corps. graves placés'à nne grande distance de laterrey nepertlrviéntr pas peur à pets leur moisvontertt vers le bas. On plate dans les mainsede Pan deux attributs l'utu est celui de l'~i~ckv~tanie. l'autre est celui de l'empire. Car il. est manifeste que luuhlte' à sept :eaux re- présente le eoncert et l'harmonie de choses, 'ou cette combinaison de la con- corde avec la discorde, résultante dta mou- vement des sept étoiles errantes; car on ne trouves point ' dans' le ciel d'auf"rés ' écarts que ceux des 'sept planètes; écarts qui; tempérés par l'égalité des étoiles fixes; et la distance perpétuellement in- variable où elles sont les unes des autres, peuvent bien'&tre,la causé', et dé la cons- tance des espèces, ét de l'instabilité des individus. Mttis,,: A'rllexiste qùelques plu-. nétes plus petites.qui ne soient point vi- sibles; s'il y a dans le ciel uel ue chan gercent plus considérable,, tels que peu- vent être ceux qu'y occasionnent cortai- nes cotn~te6 plus élevées quelles lune;, eb sont comme autant de alites, ou tout-â, fuit muettes , ou dont le son est de peu de durée, attendu que leur action ne par- vient pas jusqu'à nous, ou qu'elle ne trouble pas long-temps cette harmonie des sept tuyaux de la f dte de Pan. Ce, béton recourbé, qui est un attribut du commandement , est une élégante méta. phore pour figurer les voies de la na- ture, lesquelles sont en partie droites, et en partie obliques. Et ai c'est principa- lement à son extrémité supérieure que ce bâton ou cette verge est recourbée, c'est parce que les desseins do.la provi, dente s'exécutent par des détours et des circuits; onsorte que ce qui semble se faire, est toute autre chose que ce qui se fait. Signification toute' semblable à celle do la parabole. de Joseph vendu en Égypte (1). Il y a plus : dans tout gons. Yernement humain, ceux qui sont assis au gouvernail, lorsqu'il s'agit desuggé- rer et d'insinuer au. peuple ee,gi}1 lui. est utile, y réussissent mieux, à l'aide de prétextes et par des voies obliques, que par. des voies directes (i ). Et ce qui peut parottre étonnant, c'est que, dans les choses purement naturelles , on, ,réussit mieux en trompant la nature,nu'en.vou- lant la forcer. Tant il est.vrui, que les choses qui se font trop directement, sont ineptes et se font obstacle à elles-mêmes; au lieu que les voies obliques et d'ins1= nuation, font que toutes choies coulent plus doucement , et dhtiennent plus sA- renient leur effet. Rien de plus ingéniée; encore que la fiction qui suppose que Io manteau et l'habit de Pan est uni peau de Meer: rd; vu ces espèces de taches qu'on trouve par-tout dans la nature. Car le ciel, par exemple, est tacheté d'étoiles; la mer est tachetée d'hiles, et la terre l'est do fleurs. Il y a plus : les corps particu- liers sont presque tous mouchetés il leur surface, qui est comme le manteau, l'ha- bit de la chose. Quant cà l'office de Pan, il n'est rien qui l'explique mieux , et qui le peigne plus au vif, que de supposer qu'il est le dieudes chasseurs. Car toute action na- turelle, et par conséquent' tout mouve- ment ettoitr état progressif, n'est autre chose qu'une chasse. Par-' exempte;', les sciences et les arts chassent aux pauvres qui leur so.tt,propres ; les conseils hu- 3nains chassent a leurs buts respectifs. Et tolites les choses naturelles' chassent à leurs alitnen! , pour se conserver; et à leurs voluptés, à loura délices, pqu',so. perfectionner (O. Car, tonte çhasee a, pour objet une, proie.,: qu,un,,d;vertisse- ment : et cela pat-des moyeps iugép,ieux et pleins de sagacité. La louve au regard 'paument clause au loup, Le loup lui•mèwe chasse à la chèvre, Et la chèvre lasclbe'ehaste au cytise lletiti. Pan est musli le dieu des luth/tans de la campagne; parce que les hommes do cette classe vivent plus selon la nature: au lieu qu'à la cour. et dans les, villes, la nature ^est 'corrompue par 'l'excessive culture'. Eftsorte que ce. vers du poëte , el peint si^ biendesefTeta de l'amour, s'applique attèsi t1 la rttaure, à cause de$ raf'finemens de cette "espèce : La pauvre enfant n'est plus que la moindre partie dlellc-méme. Pan est dit présider aux montagnes; parce que,, sur les ruontagnes et autres lieux' élevés, la nature se développant mieux, ostplus exposée 'à rios regards et à nos observations. Or, que Pan soit, immédiatement après Mercure, le mes- s{i ger des dieux, dette allégorie est tout- à-f'ait'divine; attendu qu'immédiatement après le Verbe divin, l'image même du monde 'est l'éloge le plus magnifique de la sagegse et de la pt gesance divine ; et c'est ce que le poëto divin a ainsi chanté: Lés cietlth mêmes •Chantent' la gloire de Dieu, et le firrhainent annonce les ouvres de ses mains. Ces nymphes qui divertissent le dieu :Pan ce sont les antes; car les délices du monde sont comme les délices des êtres vivons. C'est aveorais onqu'on le regarde comme-leur chef y.vu quo.) dansant, pour ainsi dire , autour de•lui., chacune coin.‘ me à la;,niai;iére, de. son pays, et avec une variété vifinie; elles aemaintiennent ainsi dans un, mouvement' perpétuel., C'est aussi •avec, beaucoup de sagacité que certain . auteur. moderne a réduit au {mouvement toutes les facultés de rame, et u relevé la précipitation et le tlédairi de quelques anciens, qui, envi- sageant et contemplant, d'un oeil trop fuse, la-mémoire, l'imagination et la rai,‘ son, ont oublié la force cogitative qui joue le principal rôle. Car se souvenir et meule n!.esi }ir qu'une simple réminis- cence, c'est penser; imaginer, c'est éga- lement penser; et raisonner, c'est encore enser. Enfin, l'anse, soit qu'on la sup- pôse avertie par les sens, ou abandonnée à elle-môme, soit qu'on la considère dans les fonction de l'entendement, ou dans celles des affections et de la volonté, danse ;. pour 'ainsi dire f, à la inesure.4e nos pensées t,'eleat.,Ice,qui est 'figuré par cette danse+des: nymphes. Ces sdtyres et ces silènes qui accompagnent. perpétuel.. lement:le :cllAu..ean , ce :sont, la j 0unesso et la vieillesse peur il .est ,t .dans'L tantes les choses delcamonde lige de: gaieté et d'activité et tin autre Age où elles: sou. pirent après lo,,repos et aiunerit u boire, ( 1). Or, aux yeux de: tant 'homme yai se fait.des choses une juste idée, les gotha de ces deua,9ges peuvent paraître quel] Flue chose de. difforme let de ticliculeÿ comme le sont tes satyres,et les si1luçs. Quant â l'allégorie des, lenrrèu,s pari. ques , elle renferme un sens très pro., tarai. Car la nature a mis dans Itoüs leà Vitres vivanslla crainte etdaeierreul.,.en, qualité de conservatrice de leur vie et de leur essence; et pour les porter à éviter et à repousser toua les maux. qui les af- fligent ou les menacent. Cependant cette même nature ne sait point garder de me- sure, et à ces craintes salutaires elle en m@lo de vaines et de puériles. Diserte que, si l'on pouvoit pénétrer dans l'in- térieur do chaque être , on verroit quo tout est plein de terreurs paniques, sur- tout les aines humaines , et plus que tout, le vulgaire qui est prodigieusement agité et travaillé par la superstition (la- quelle au fond n'est autre chose qu'une terreur paniqua), principalement dans les temps de détresse, de danger et d'ad- versité. Et ce n'est pas Feulement sur le vulgaire que règne cette superstition; mais des opinions de ce vulgaire , elle s'élance dans les antes des plus sages: ensorte qu'Epicure, s'il • et réglé sur un même principe tout ce qu'il aavancé sur les dieux, etlt tenu un langage vraiment divin, lorsqu'il a dit: quesl qui est pro- fane , ce n'est pas de nier les dieux du vulgaire, mais blet d'appliquer aux dieux les opinions de ce mime vulgaire. Quant A. l'audace de Pan„ et à cette présomption qu'il eut de défier Cupidon à la lutte, cela signifie que la matière n'est pas sans quelque tendance ,- sans quel- que penchant à la dissolution du monde, et qu'elle le replongeroit dans cetancien chaos, si la concorde, qui prévaut con- tre elle, et qui est ici figurée par l'Amour ou Cupidon,'en mettant un frein à sa malice et à sa violence , ne la forçait, pour ainsi dire, de se rangera l'ordre. Ainsi, c'est par un destin propice aux hommes et aux choses, ou plutôt par l'infinie bont de l'Être suprême, que Pan a le dess;''us clans ce combat, et se retire vaincu. C'est ce quc signifie aussi cette allégorie de 'Typhon, embarrassé dans des rêts. Car, quoique toutes choses soient sujettes à des gonilemens prodi- gieux et extraordinaires, et c'est ce que dit ce motTyphon, soit qu'on voie s'enfler la mâ'r, la terre ou les nuages; c'est en vain qu'en s'enflant ainsi, ils s'efforcent de sortir de leurs limites; la nature lès'e-nbarrasse dans un rets iaex- tticable, et les lie , pour ainsi dire, avec une chaîne de diamant. Or , quand on attribue à ce dieu le bonheur d'avoir trouvé Cérès, et cela en chassant; le refusant aux autres dieux', on nous donne en cela un avertissement très sage et•trésfondé.,.c'estque, s'il s'a- gitde. l'inv'ention do toutes les choses utiles, soit pour les nécessités, soit pont les agrémens de la vie, il ne faut nu-lle- ment l'attendre des philosophes abstraits (qui ' sont co-ume les grands dieux) , y e-nployasstnt-ils les forces de'leur es-, prit; mais de Pan, c'est-à-dire, de l'ex. périence'unie à une certaine sagacité, et de la connoissance universelle des cho. sea de ce monde, laquelle assez •ordinai. rement rencontre des inv entions de cette espèce, par une sorte de huard et com- me en chassant. Les plus. utiles inven- tiôns sont 'dues à l'expérience,'et sont comme autant de présens' que le hazard e faits aux hommes. . Quant à ce combat musical et à son issue, il nous présente une doctrine biert capable d'inspirer de la, modération, et de donner des liens à la raison et au ju- gement de l'homme , lorsqu'il s'aban- donne trop à ses goûts et à sa présomp tien. En effet , il paroit y avoir deux espèces d'harmonies et, pour ainsi dire, de musiques; savoir : celle de la sagesse divine et celle de la raison humaine. Car,. au jugeaient humain et, en quelque ma- nière, aux oreilles humaines, l'adminis- tration de ce monde et les jugemens les plus secrets de Iadivinité, ont je ne sais quoi de dur et de discordant : genre d'i- gnorance, qui est avec raison figuré par les oreilles d'dne. Mais ces oreilles, c'est, en secret qu'on les porte, et non en pu- blic : ce genre de diftbrmité , le vulgaire, ou ne l'apperçoit pas, ou ne le remar- que point (1). Enfin , il n'est pas étonnant qu'on n'attribue à Pan aucunes amours; si ce- n'est son mariage avec Écho. Car le mon; de jouit de lui-mémo, et en lui- niAme jouit du tout. Or, qui aime, veut jouir; mais au sein de l'abondance il n'est plus do place pour le désir. Ainsi le monde ne peut avoir ni amour, ni désir, vu qu'il se suffit à lui - méme; à moins qu'on ne le dise amoureux des discours. Et c'est cc que représente la nymphe Alto qui n'est rien de solide , et se réduit à. un pur son : ou si ces discours sont un peu soignés , ils sont alors figurés par Sy- rinx; je veux dire les paroles qui sont réglées par certains nombres, soit poéti- ques , soit oratoires , et qui ferment une sorte de mélodie. C'est donc avec raison que, parmi les discours et les voix, l'ou ,choisit Écho pour la marier avec le mon- de. Car la vraie philosophie, après tout, c'est celle qui rend Iidellewent les pat rotes du monde ui@uie, et qui est i pour ainsi dire, écrite sous sa dictée; qui n'en, est 'que le simulàcre; l'image réfléchie; qui n'y ajoute quoi que ce soit du sien, et se contente de répéter ce qu'il dit., et de faire entendre précisément le même son. De plus, lorsqu'on feint qu'autre, fois Pan évolua la lune dans de haut tes. forêts , cette fiction désigne le coin merce des sens avec les choses. célestes ou divines. Car autre est le commerce de la lune avec Endymion, autre son commerce avec Pan. Quant àEndymion, elle s'abaisse à venir d'elle-même le trou- ver durant son sommeil. C'est ainsi que les inspirations divines s'insinuent dans l'en- tendement assoupi et dégagé des sens. Mais si elles sont, pour ainsi dire, invi- tées et appellées par les sens (que Pan représente ici), alors elles ne nous don- nent plus que cette faible lumière , qui guide le malheureux forcédefaire route dans les forets, à la lumière incertaine et trompeuse de la lune. Que le monde se suffise d lui-inême , et ait tout ce qu'il lui faut, c'est ce qu'indique la fable, en disant qu'il n'engendre point. En effet, le inonde engendre par parties : mais com- ment par son tout pourroit - il engen- drer; vu que, hors de lui, il n'est point de corps (s) ? Quant à cotte femmelette , à cette Jambé, fille putative de Pan, c'est une addition fort judicieuse d la fable. Elle repnisente toutes ces doctrines babillar- des sur la nature des choses, qui vont errant çà et là dans tous les temps : doc. trines infructueuses en elles-mêmes, qui sont comme autant d'enfans supposés; agréables quelquefois par leur babil , mais quelquefois aussi importunes et fatigantes. Second exemple de la philosophie se-' ion les paraboles antiques , eu poli- tique. De la guerre/gluée par la fable de Persée. La .fable rapporte que Persée étant né en orient, fut envoyé par Pallas pour couper la tèèteà Méduse, vrai fléau pour un grand nombre de peuples situés à l'occident , et vers les extrémités de l'Ibérie. Ce monstre , d'ailleurs cruel et barbare, avoit de plus un air féroce et ai terrible , qu'à son seul aspect, les hom- mes étoient changés en pierre. Méduse étoit une des Gorgones; mais la seule d'entr'clles qui fit mortelle., les autres n'étant nullement passives. On feint donc que Persée se préparant à ce grand ex- ploit, emprunta de trois dieux des armes et des dons; savoir : de Mercure, des /i- les; mais des ailes au talon, et non aux épaules; de Pluton ,. un casque; de Pallas , un bouclier et un miroir. Ce- pendant, muni d'un si grand appareil, il n'alla pas d'abord droit à Méduse , mais se détournant de su route, il alla trouver les Grées, Celles-ci étoient saeura utérines des Gorgones. Dès leur nais- sance, elles portoient des cheveux blance, et ressembloient a de petites vieilles. Elles n'avoient àelles trois qu'un seullroil et qu'une seule dent, que chacune d'elles prenoit à son tour , lorsqu'elle voulait sortir, et qu'en rentrant elle ddpoeoit. Elles prôtdrent donc à Pende cet rail et cette dent. Alors enfin se voyant suffi- samment armé pour son dessein , il alla droit à Méduse, h grandes journées, et comme en volant. Il la trouva endor- mie: cependant il n'osa s'exposer à ses regards directs , craignant que par ha- 7,ard elle ne s'éveill{tt. Mais tournant la tête , et fixant la vue sur le miroir de Pallas, pour diriger ses coups, par ce moyen , il coupa la tdte à Méduse. De son sang répandu sur la terre ,naquit aus- si-tôt Pégase, cheval allé. Or, cette tète ainsi coupée , il la plaça sur le bouclier de Pallas. Et ce visage, n-fane après la mort , conserva sa force , au point que tous ceux qui y portoient la vue, cleve- noient roides d'étonnement et commue paralysés. Cette fable parait avoir pour objet la manière de faire la guerre et l'habileté en ce genre. Tout homme qui entreprend une guerre, doit y erre envoyé par Pal, las, et non par Vénus, comme le furent tous ceux qui allèrent à la guerre de Troie; ou par quelqu'autre motif aussi frivole. Car, tout dessein de cette nature doit être fondé' sur des motifs solides. Puis cette fable nous donne trois pré- ceptes très sages et très importuns sur le choix de l'espèce de guerre qu'on doit faire. Le premier , est de ne pas trop s'occuper de sud juguer les nations voisi- nes. En effet, autre est la manière d'aug- menter son patrimoine;autre celle de re- culer les limites d'un empire. Dans les .possessions privées, le voisinage des ter.. ras est une circonstance à laquelle on a égard. Maiss'agit-ild'étendre un empire, alors l'occasion, la facilité qu'on peut trouver à faire la guerre, et les fruits qu'on en peut tirer , tiennent lieu du voi- sinage. C'est pourquoi Persée, quoique oriental, ne balança pas à entreprendra une expédition lointaine et jusqu'aux ex? tréinitéâ de l'occident. C'est ce dont nous avons un .exemple frappant dans la ma- nière très différente do faire la guerre de deux rois , père et fils , je veux dire de. Philippe. et d'Alexandre. Le pre- mier, toujours occupé à faire la guerre $ ses voisins, ajouta peu de villes à. son empire : encore ne fut-ce pas sans de grands dangers et de grandes cuités ; vu qu'en plus d'une . occasion, et sur- tout à la bataille de Chéronée; il fut obligé de risquer le tout. Mais Alexan- dre, pour avoir osé entreprendre une expédition lointaine contre les Perses, subjugua une infinité de nations,. plus fatigité par ses voyages que par ses com- bats. C'est'ce qu'on voit encore plus dal- renient par la manière dont les Romains étendirent leur empire :•les Romains., dis-je, qui, dans le temps méine oh, dn côté de l'occident, leurs armées n'a voient guère pénétré au - delà de la Ligurie, avaient porté leurs armes et étendu leur empire dans les provinces d'orient jus- qu'au mont Taurus i ainsi que par l'exem- ple de Charles VIII , roi de France, qui n'eut pas de fort brillons succès dans sa guerre contre la Bretagne; guerre qui fut enfin terminée par un mariage ;mais qui vint à bout de cette expédition si lointaine contre le royaume de Naples, avec une facilité et un bonheur surpre- uans. Ces expéditions , dans les lieux éloignés, ont plus d'un avantage : d'a- bord ceux qu'on a en tete, ne sont nul- lement accoutumés aux armes et à la manière do faire la guerre de celui qui fiait l'invasion ; il n'en est pas de niêrne d1.l'égard d'une nation voisine. On fait aussi, pour les expéditions de cette na- ture, de plus grands préparatifs, et on les fait avec plus de soin; sans compter que cette audace mémne et cette con- fiance qui les fait entreprendre , ins- piée la terreur aux ennemis. De plus , dans les expéditions lointaines, ces en,. nervis qu'on va trouver de si loin, ne sont pas à mère de prendre leur revan- che, par quelque diversion, ou invasion sur vos propres terres : moyen qu'on mn:. ploie si souvent dans les guerres avec des nations limitrophes. Mais le point capi- tal; c'est que, lorsqu'on veut subjuguer des nations voisines, on est fort à l'étroit par rapport au choix des occasions; au lieu que, si l'on ne craint pas de s'éloi- gner de son pays, on peut à son gré trans- porter la guerre dans les lieux où la dis- cipline militaire est le plus relâchée; où les forces de la nation qu'on veut atta- quer, sont le plus épuisées; oû des dis- sensions civiles surviennent le plus à propos; en un mot , dans ceux oà se pré- sente quelque facilité de cette espèce. Le second point est quo la guvrrv doit tou- jours avoir une cause juste, honnête et de nature à faire honneur à celui qui l'entreprend, et à faire nattre en sa fa- veur une prévention favorable. Or, de toutes les causes de guerre, la plus fa- vorable est celle des guerres entreprises pour combattre la tyrannie sous laquelle un peuple est-écrasé , et languit sans force ét sans courage, comme à l'aspect de Méduse; ce fut à de tels motifs qu'Her- cule dut les honneurs divins. Il n'est pas douteux que les Romains ne se soient fait une loi d'accourir, avec autant d'ar- deur que de courage , au secours de leurs alliés, dès que ceux-ti étoffent op- primés de quelque manière que ce Mt. De plus , les guerres, qui ont eu pour but une juste vengeance , ont presque tou- jours été' heureuses. Telle' fut la guerre contre Brutus et Cassius, pour venger la mort de César (1); celle de Sévère, pour venger la mort de Pertinax; celle de Junius-Brutus, pour venger la mort de Lucrèce; en un mot, tous ceux qui font la guerre pour réparer des injures, ou pour adoucir des calamités, militent sous Persée: Le troisième point, c'est qu'avant de se résoudre à la guerre, il faut bien mesurer ses propres farces , et bien considérer si cette guerre est de telle nature qu'on puisse espérer de la conduire heureusement à sa fin; de pour d'embrasser de trop vastes projets, et de se repaître d'éternelles espérances. Car c'est avec prudence que Persée, parmi les Gorgones, s'adressa à celle qui de sa nature était mortelle, et se garda bien de tenter l'impossible. Voilà dono ce que nous enseigne cette fable par rap- port aux délibérations sur la guerre à entreprendre ; le reste regarde la guerre considérée dans le temps même où on la fait. Cequ'ily a de plus utile dallais guerre i ce sont ces trois présens des dieux, et cela au point qu'ils maîtrisent et entraî- nent avec eux la fortune. Car Persée reçut de Mercure la célérité; de P1utors, l'adresse à cacher ses desseins; de Pal- las , la prévoyance. Et ce n'est pas la partie la moins ingénieuse de cette al- légorie, que ces ailes, instrument de cd- lérité, dans l'exécution (vu qu'en guerre k célérité peut beaucoup ) ; que ces ai- les, dis-je , fussent au talon, et non aux épaules. En effet, ce n'est pas tant dune le commencement d'une guerre, que dans les opérations ultérieures, et destinées à appuyer les premières, que la célérité est nécessaire. Car c'est une faute assez ordinaire dans les guerres, que de ne se point soutenir après avoir bien commen. cé , et de se reldcher de manière que la suite ne répond point du tout à la vigueur des commencemens. Mais ce casque de Pluton , dont la propriété est de rendre invisibles ceux qui le portent, est une allégorie dont le sens est fort clair. L'a- dresse à cacher ses desseins est, après la célérité, ce qui peut le plus dans la guerre ; et c'est un but auquel tend cette célérité même; elle a l'avantage de pré- venir la découverte de vos desseins : ce que signifie encore ce casque de Plu- ton, c'est qu'il faut que la conduite d'une guerre ne soit confiée qu'à un seul hom- me , et qu'il ait carte blanche. Car toutes Ces délibérations entre un grand nombre de personnes, ont je ne sais quoi qui • tient plus du panache de Mars, que du casque de Pluton. Ce casque désigne en,. core les différens prétextes, les diverses feintes, et ces bruits qu'on sème devant soi, pour étonner ou dérouter les esprits, et mettre ses desseins dans l'obscurité, ainsi que les précautions soupçonneuses et les défiances à l'égard des lettres, des députés, des transfuges; et autres cho- ses semblables, qui toutes garnissent et lient, pour ainsi dire, le casque de Plu- ton. Et, il n'importe pas moins de dé- couvrir les desseins des ennemis, que de cacher les siens. C'est pourquoi, au cas- que de Pluton il faut joindre le miroir de Pallas, lequel sert à découvrir les forces des ennemis, leur disette , leurs secrets partisans, les dissensions, les fac- tions 01 régnent parmi eux, leurs mar- ches, •'en un mot , leurs desseins. Or, comme il entre tant de hazard dans la guerre, qu'il ne faut faire trop de fonds ni sur son adresse is cacher ses propres desseins, ou à découvrir ceux de l'en- nemi, ni sur la célérité même il, faut donc, avant tout, prendre le bouclier de .Pallas, c'est-a-dire, celui de la pré- voyance, afin de laisser le moins possi- ble à la fortune. C'est à quoi tendent d'abord le soin do reconnaître toutes les routes avant d'y entrer, et,celui de for- tifier son camp; ce qui est presque tombé en désuétude dans la milice moderne : eu lieu que les Romains avoientun camp qui semhloit une ville fortifiée, pour se ménager ,en cas de défaite, une derniére ressource : puis une armée stable et bien rangée; car il ne faut pas trop compter sur les troupes légères, ni sur la çava- lerie : enfin, toute la vigilance et toute la sollicitude nécessairôpour se préparer à une vigoureuse défense; attendit que, dans la guerre, on a plus souvent besoin du bouclier de Pallas, que de l'épée de Mars. Mais Persée a beau être muni de troupes et de courage, avant de com- mencer la guerre, il lui reste encore une autre chose à faire , qui est de la plus grande importance, c'est d'aller trouver les Grées. Ces Grées , ce sont les Ira- bisons, qui sont les soeurs des guerres; non pas les soeurs de père et de mère; mais en quelque sorte d'une moins haute extraction. Car les guerres ont je ne sais quoi de noble et de généreux; mais la. trahison a quelque chose de bas et de honteux. Rien de plus élégant que de supposer, en faisant leur portrait, que dès leur naissance elles portent des cheveux blancs, et ressemblent à de petites vieil- les; cela peint les soucis et les inquié- tudes où les tra?ires vivent perpétuelle- ment. Or, leurs forces, avant qu'elles fasse itleur explosion et se terminent par une défection manifeste, sont ou dans leur oeil, ou dans leur dent. Car toute faction aliénée d'un état et penchante à la trahison , épie et mord. Cet mil et cette dent sont, en quelque inrnière, communs à tous les factieux ; tout ce qu'ils ont pu apprendre et découvrir, ils le font circuler, et se le passent, pour ainsi dire, de main en main. Et quant à ce qui regarde cette dent, ils semblent mordre tous avec une seule bouche, et s'entendent pour répandre les calom- nies : ensorte que qui entend l'un , les entend tous. Ainsi Persée doit se con- cilier la faveur de ces Grées , et implo- rer leur secours ; sur-tout afin qu'elles lui pr1tent leur oeil et leur dent j l'ail , pour découvrir ; la dent, pour semer des bruits, exciter l'envie et solliciter les es- prits. Mais, après avoir fait tous ses pré-. pnratii's pour la guerre, il faut, t l'exem- ple de Persée, tileherdetrouver Méduse endormie. Car tout prudent capitaine n'attaque jamais l'ennemi que lorsque celui-ci ne s'y attend pas, et qu'il est dansla plus grande sécurité. Enfin, quand il est question d'agir et d'attaquer, il faut jeter les yeux sur le miroir de Pallas. 11 est beaucoup de gens qui , avant le danger, ne manquent pas d'attention et d'habileté pour pénétrer dans les des- seins de l'ennemi; mais au moment clu péril , ils l'envisagent trop à la bitte, ou le regardent trop de front d'où il sr- rive qu'ils s'y jettent téméraiveinent , uni- quement occupés de la victoire, mais pas assez des coups à parer. Il faut éviter éga- lement ces deux extrêmes ; regarder dans le miroir de Pallas, en tournant latète , afin de mieux diriger ses attaques, et garder un juste milieu entre la crainte et la, fureur. La guerre une fois achevée, et la vic- toire une fois remportée, deux effets s'ensuivent; savoir d'abord : cette géné- ration de Pégase, et sa faculté de voler, laquelle désigne assez clairement lu re- nommée qui vole en tous lieux, célèbre la victoire, et rend le reste de la guerre plus facile et les événemens plus confor- mes à nos voeux. En second lieu, cet avantage qu'il eut de porter la tûte de Méduse sur son bouclier; vu qu'il n'est point d'avantage comparable à celui-là. Car il suffit d'un seul exploit brillant, mémorable , et heureusement exécuté , pour emporter tout le reste; il roidit, en quelque manière, les membres des enne- mis, et les rend comme paralytiques. Troisième exemple de la philosophie selon les paraboles antiques, en mo- rale. De la passion (z), figurée par la fable de Bacchus, Scfrnrtlé, suivant la fable , ayant en- gagé Jupiter ià jurer par le Styx qu'il lui accorderoit la première demande qu'elle lui fi:roit, et sans restriction, elle sou- Imita que ce dieu l'approchât avec tout cet éclat qu'il av oit eu approchant Ju- non; mais elle ne put supporter cette ap- proche et périt dans les flammes. Quant b l'enfant qu'elle portoit dans son sein, Jupiter l'en tira et le cacha dans sa cuis- se, qu'il recousut, jusqu'àceque lenom- bre des mois nécessaires à l'accroisse- ment du foetus fût révolu. Cependant ce poids incommodoit le dieu , et le faisait boiter un peu ; c'est pourquoi l'enfant, à cause de cette pesanteur et des pico- temens qu'il faisait éprouver à Jupiter, tandis que ce dieu le portait dans sa cuisse, reçut le nom (le Dyonise. Lors- qu'il fut venu au monde, il fut nourri , dans ses premières années, chez Pm- serp'ine; mais lorsqu'il fut devenu grand, il avoit l'air si féminin, que son sexe en paroissoit équivoque. On dit aussi qu'il mourut, et fut enseveli durant quelque temps ; mais qu'il ressuscita peu après. Durant sa première jeunesse , il fut le premier inventeur et le premier mattre dans l'art de cultiver la vigne, de faire le vin et d'en faire usage. Devenu cé- lébre , illustre même par cette inven-, tien, il subjugua toute la terre, et poussa ses conquêtes jusqu'aux extrémités de l'Inde, Ii étoit porté sur un char. traîné, par des tigres. Autour de' lui dansoient certains démons, très difformes, appel- lés Cobales, Acratus et autres. Les Mu- ses faisoient aussi partie de son cortège. Il prit pour femnterriadne, après qu'elle eut été délaissée par Thésée. Le lierre lui étoit consacré. On le regardoit aussi comme l'inventeur de certaines cérémo- nies , de certains rits sacrés. Mais ces tifs étoient d'un genre fanatique , pleins de dissolution, et de plus très cruels. Il y parut bien dans ses orgies, où les -femmes , poussées par la fureur qu'il inspirait, mirent en piéces doux per- sonnages illustres; savoir, Pendule et Orphée: le premier, en punition de la curiosité qu'il avoit eue de monter sur un arbre pour considérer leurs actions; l'autre , a cause des sons harmonieux qu'il tiroit de la lyre. Enfin, on confond souvent les actes de ce dieu avec ceux de Jupiter. Cette fable parott avoir pour objet les mœurs; et elle est si juste , qu'il seroit difficile de trouver quelque chose de mieux dans la philosophie morale. Sous le personnage de Bacchus est représen- tée la nature de la passion; c'est-à-dire, des affections et des agitations de l'aine : 1°. dozic s'agit-il d'expliquer la nais- sance de la passion, je dis que l'origine de tonte passion, rname de la plus nui- sible , est le bien apparents car de mê- me que l'image du bien réel est mère de la vertu , de znPme ,aussi l'image du bien apparent est mère de la passion. L'une est l'épouse légitime de Jupiter, sous la figure duquel est ici représentée l'aine humaine; l'autre n'est que sa con- cubine; laquelle pourtant énvie les hon- neurs de Junon, comme Sémélé. Eu effet , la passion est con'çuo dans le voeu illicite auquel on s'abandonne , avant de l'avoir bien jugé et bien apprécié ; mais lorsqu'une fois il a commencé ie s'allumer , sa mère , qui est la nature et l'apparence du bien , est consumée par ce grand incendie, et périt. Or , voici la marche que suit la passion , une fois qu'elle est conçue. L'esprit humain (i), qui en est le père, la nour- rit et la cache principalement dans sa partie inférieure, qui est comme sa cuis- se. Elle le picotte , le tiraille , et l'abat tellement , qu'elle gène toutes ses ac- tions et toutes ses résolutions, et le fait pour ainsi dire boiter, De plus: une fois qu'elle s'est fortifiée par notre consen- tement et par sa durée, une ibis qu'elle a fait son éruption en actes , et que les mois de la gestation étant pour ainsi dire révolus , elle est tout-à-fait née et mise au monde t elle est d'abord élevée chez Proserpine durant quelque temps; c'est-à-dire, qu'elle cherche à se cacher, qu'elle est clandestine et comme souter- raine, jusqu'à ce qu'ayant tout-à-fait rompu le frein de la honte et de la crain- te , et que son audace étant portée à son comble , elle se couvre du prétexte de quelque vertu, ou méprise l'infamie m@- me. Il est également certain que toute affection violente tient des deux sexes; qu'elle a tout- à -la-fois l'énergie d'un homme et la foi/dosse d'une femme. C'est une très belle allégorie que celle qui feint Bacchus mcrt, puis ressuscité; les passions semblent quelquefois assoupies, éteintes ; mais il ne faut pas s'y fier , fussent-elles même ensevelies; car si-tôt qu'on leur fournit l'aliment et l'occasion, elles ressuscitent. La parabole de l'art de cultiver la vi- fine, renferme un sens profond; car toute affection est singulièrement adroite et ingénieuse è chercher tout ce qui peut la nourrir et la fomenter ; mais de tout ce qui est parvenu et la connoissance des hommes, le vin est ce qu'il y a do plus puissant et de plus efficace pour exciter et allumer les passions , et il est leur commun aliment. C'est avec beaucoup d'élégance qu'on représente la passion comme une grande conquérante, et coin- me entreprenant une expédition san s fin ; car jamais elle ne se repose sur les ac- quisitions déja faites; mais aiguillonnée par un appétit sans fin et sans mesure , elle veut toujours aller en avant, et ha- lète sans cessé après de nouvelles con- quétes. C'est avec autant de jugement qu'on feint que les tigresparquent, pour ainsi dire, avec les passions, et sont quel- quefois attelés sl leur char ; car une fois que la passion cessant d'être pédestre , est devenue curule (1), qu'elle est vie- torieuse de la raison , et devenue , en quelque manière, triomphatrice; elle est cruelle , indomptable , impitoyable en- vers toua ceux qui la contrarient et qui lui font quelque résistance. C'est une fie- , tion assez plaisante que celle qui repré- sente ces démons si laids et si ridicules, gambadant autour du chaude Bacchus; toute affection très vive occasionne dans les yeux , clans le visage même , et dans le geste , certains mouvemens indécens et irréguliers, des mouvemens à soubre- sauts et tout-à-fait choquans. Ensorte que tel 'qui , dans une affection , com- me la colère, l'orgueil, l'amour, s'ima-, Bine avoir un air très noble et très agréa- ble , et se comptait en lui-même, ne laisse pas de parottre aux autres si laid et si ridicule, qu'ils en rougissent pour lui. On voit aussi les muses dans le curtt~js de la passion; caril n'est point d'affee. tion , si vile et si dépravée qu'elle puisse étre, qui n'ait trouvé quelque doctrine toute prote pour la flatter c'est ainsi que la basse complaisance ou l'impu- dence de certains esprits a si prodigieu- sement rabaissé la majesté des muses, et cela au point que ces muses qui au- roient dfi être les guides et comme les porte-enseignes de la vie , ne sont trop souvent, pour nos passions, que des sui- vantes , des complaisantes. Mais ce qu'il y a de plus beau dans "cette allégorie, c'est de feindre que Bac- chus prodigue ses amours â une femme délaissée et dédaignée par un autre. Car il est hors de doute que les affections appcètent et briguent ce que dès long- temps l'expérience a rebuté. Et que tous sachent quo ceux qui, s'assujettissant et s'abandonnant à leurs passions, atta- chent un prix si exorbitant aux jouissan- ces (soit qu'ils soupirent après les hon- neurs, les femmes, la gloire, la science ou tout autre bien), ne désirent que des objets de rebut, qu'une infinité de gens, et cela dans tous les siècles, ont, d'après l'épreuve, rebutés et comme répudiés. Que le lierre soit consacré à Bacchus, cela n'est pas sans mystère. Cette fiction s'applique de deux manières aux pas- sions. La première consiste en ce que le lierre conserve sa verdeur durant 1W- ver; la seconde , en ce qu'il serpente et s'entortille en s'élevant, autour d'une in- finité de corps, comme arbres, murs, édifices. Quant au premier point, toute passion croît en vertu de la résistance même et des défenses qu'on lui oppose, , et par une sorte d'antiperistase (1) et d'ef fet semblable à celui que produit sur le lierre le froid de l'hiver, elle n'en ver- dit que mieux, et n'en acquiert que plus de vigueur. En second lieu, dés qu'une affection prédomine dans l'aine humaine, elle s'entortille comme le lierre, autour de toutes ses actions et de toutes ses ré- solutions; et il n'est alors presque rien de pur à quoi elle n'attache ses filamens. Et il n'est point étonnant qu'on attribue à Bacchus des rits superstitieux, vu que presque toute affection désordonnée est une source inépuisable de fausses reli- gions r ensorte que cette engeance des hérétiques a enchéri sur les bacchanales des païens; et leurs superstitions n'étoient pas moins cruelles que honteuses (i ). Doit-on s'étonner que ce soit Bacchus qui envoie les fureurs, quand on voit que toute affection, dans son excès, est une courte fureur; et que, s'il sur- vient quelque redoublement, elle dégé- nère trop souvent en vraie folie ? Quant à ce qui regarde la catastrophe de Pen- thée et d'O phéc, mis en pièces durant les orgies de Bacchus, cette parabole a un sens fort clair; vu que toute affec- tion très violente se montre très âpre et très acharnée contre deux choses, dont l'une est la curiosité de ceux qui l'épient; et l'autre, toute réprimande salutaire. Il ne sert de rien que cette recherche dont elle est l'objet, soit purement contem- plative, de pure curiosité, sdn blable à celle de ce Penthéc qui montè sur un arbre, et sans aucune teinte de mali- gnité.11 ne sert de rien non plus que cette réprimande soit faite avec douceur etdex- térité; mais de quelque manière que ce puisse être, les orgies ne peuvent endu- rer PentMe ni Orphée. Enfin, cette ha- bitude où l'on est de confondre les per- sonnages de Jupiter et de Bacchus, peut aussi avoir un sens allégorique ; car les actions grandes et illustres ont pour prin- cipe, tantôt la vertu, la droite raison, la grandeur d'aine; tantôt une secnette affection, une passion cachée; attendu que l'une et l'autre mènent également à la gloire et ô la célébrité : ensorte qu'il n'est pas facile de distinguer les faits de Bacchus de ceux de Jupiter. Mais nous demeurons trop long-temps sur le théatro, passons au palais de l'aine; palais dont il faut toucher le seuil avec plus de res ect et d'attention sur aqi- cnA- ,.Q>Qti E f1,~