[2,16] SECTION DEUXIÈME. SOLUTION DES PARALOGISMES. CHAPITRE XVI. (175b) § 1. Il faut parler maintenant de la réponse, et dire comment il faut résoudre les paralogismes, ce que c'est que résoudre, et à quoi sont utiles des raisonnements de ce genre. § 2. Ils sont utiles à la philosophie pour deux raisons: § 3, d'abord, comme ils ne portent le plus souvent que sur le mot, ils apprennent d'autant mieux à voir dans combien de sens chaque mot est dit, et quelles sont les ressemblances et les différences de formes, dans les choses et dans les mots. § 4. Ils sont utiles en second lieu pour les recherches personnelles; car celui qui, trompé aisément par les paralogismes d'un autre, ne s'en aperçoit pas, commettra la même erreur bien plus souvent quand il sera seul avec lui-même. § 5. Enfin, en troisième lieu, ils sont utiles même pour l'apparence, en ce qu'on paraît s'être exercé à tous les sujets et n'être étranger à aucun; car si quelqu'un qui prend part à la discussion blâme la discussion, sans pouvoir en spécifier les défauts, on est porté à soupçonner que, s'il fait des difficultés, ce n'est pas dans l'intérêt de la vérité, mais à cause de son ignorance. § 6. On voit sans peine comment il faut agir, quand on répond à des discussions de ce genre, si nous avons bien expliqué antérieurement d'où se tirent les paralogismes, et si nous avons montré suffisamment les ruses qu'emploient les sophistes en interrogeant. § 7. Ce n'est pas, du reste, une même chose, quand on étudie un raisonnement, d'en voir et d'en corriger le vice, et quand on est interrogé de pouvoir y répondre sur-le-champ ; car ce que nous savons, nous le méconnaissons souvent par cela seul qu'on le déplace. Et comme dans bien d'autres choses le plus ou moins de promptitude vient surtout de l'exercice, il en est de même pour les discussions, de telle sorte que si nous voyons clairement la chose, mais que nous la négligions, nous manquons souvent par cela seul les occasions. § 8. Il arrive aussi parfois ce qui arrive dans les tracés des figures : après les avoir analysées, nous ne pouvons plus les recomposer. Et de même dans les réfutations, nous savons fort bien quel est le lieu du raisonnement, et nous ne pouvons cependant le renverser. [2,17] CHAPITRE XVII. § 1. D'abord donc, de même que nous disons qu'il vaut mieux, quelquefois raisonner d'une manière probable que d'une manière vraie, de même il vaut mieux quelquefois chercher la solution selon le probable que selon le vrai : car il faut combattre contre les disputeurs, non pas comme s'ils réfutaient réellement, mais comme s'ils paraissaient seulement le faire. En effet, nous nions qu'ils fassent de vraies conclusions, et ainsi tous nos efforts doivent tendre à ce qu'ils ne paraissent pas en faire. Si donc la réfutation est une contradiction qui n'est pas homonyme, et qu'on tire de certaines données, il n'y avait pas besoin de faire de division, pour éviter l'amphibologie et l'homonymie, parce qu'elles ne font pas de vrai syllogisme. Mais il ne faut établir de division que parce que la conclusion a l'apparence d'une réfutation. Ainsi donc, on doit prendre garde, non pas d'être réfuté, mais seulement de le paraître. § 2. L'interrogation qui porte sur des choses amphibologiques , (176a) ou des équivoques d'homonymie, comme toutes les autres surprises de ce genre, font disparaître la véritable réfutation, et ne laissent plus reconnaître celui qui est réfuté ou celui qui ne l'est pas. En effet, comme il est toujours permis, quand on arrive à la conclusion finale, de dire que l'adversaire nie ce qu'on n'a pas affirmé, parce qu'il n'a fait qu'interroger par homonymie ou par amphibologie ; et qu'ainsi l'on a soi-même affirmé autre chose que ce qu'il a compris d'abord, et nié dans la conclusion, bien qu'on ait tout fait pour que la discussion portât de part et d'autre sur le même point, on ne sait jamais clairement si l'interlocuteur est réfuté : car on ne sait si maintenant il dit vrai. Mais si celui qui interroge avait, en divisant, montré le sens homonyme ou amphibologique, la réfutation ne serait plus obscure. § 3. Il arriverait précisément alors, ce que d'ailleurs les disputeurs cherchent moins maintenant que jadis, que l'interlocuteur interrogé répondrait par oui ou par non. Ici, au contraire, parce que ceux qui interrogent posent mal leurs questions, il faut que celui qui répond ajoute quelque chose à la réponse, pour rectifier le vice de l'interrogation. Mais quand, en interrogeant, on a bien fait la division indispensable, il faut nécessairement que celui qui répond dise oui ou non. § 4. Quand l'on suppose que la réfutation n'a lieu que par homonymie, il n'est pas possible en quelque sorte que celui qui répond évite d'être réfuté ; car il faut nécessairement, pour les choses qui tombent sous la vue, qu'on nie le mot qu'on avait affirmé et qu'on affirme ce qu'on avait nié. § 5. En effet, il n'y a aucune utilité dans la rectification qu'essaient de faire quelques interlocuteurs. Ainsi, ils soutiennent que Coriscus n'est pas à la fois musicien et ignorant en musique, mais que tel Coriscus est bon musicien et que tel autre Coriscus ne l'est pas. Mais ce sera la même expression, soit qu'on dise que Coriscus, soit qu'on dise que ce Coriscus est musicien ou ne l'est pas, ce que nie et affirme à la fois l'interlocuteur. Mais ce n'est peut-être pas tout à fait le même sens ; car le mot non plus n'est pas tout à fait le même; et voilà d'où vient la différence. § 6. Mais si l'on accorde d'un côté que le mot est pris simplement : Coriscus, et que de l'autre on ajoute restrictivement : Ce ou quelque, cela est absurde; car la restriction n'est pas plus à l'un qu'à l'autre ; et il n'importe en rien auquel des deux on l'attribue. § 7. Toutefois, comme on ne sait pas clairement, quand on n'a pas déterminé l'amphibologie, si l'on est , ou non réfuté, bien qu'on pût faire la division nécessaire dans le discours, il est évident que concéder l'interrogation sans cette définition, et absolument, c'est une faute, de sorte que, si ce n'est l'interlocuteur même, du moins son raisonnement a l'air d'être réfuté. § 8. Toutefois, il arrive souvent que tout en voyant l'amphibologie, on répugne à faire la division, à cause du grand nombre des propositions de ce genre, et afin de ne pas paraître élever toujours des difficultés. Puis ensuite il arrive tout aussi souvent que, sur le point même où l'on ne pensait pas que la discussion viendrait à porter, on rencontre le paradoxe. § 9. Ainsi donc, puisqu'on peut faire la division, il ne faut pas hésiter à la faire, ainsi qu'on l'a dit antérieurement. § 10. Si l'on ne réunissait pas deux questions en une seule, le paralogisme ne se formerait pas par homonymie ou amphibologie, mais ce serait une réfutation où il n'y aurait pas même apparence de réfutation; car, quelle différence y a-t-il à demander (176b) si Callias et Thémistocle sont musiciens, ou s'il n'y a qu'un seul nom pour eux deux, bien qu'ils soient autres? En effet, si ce nom désigne plus d'une chose, on a demandé aussi plusieurs choses. Si donc, il n'est pas bien de chercher à obtenir une seule réponse absolument pour plusieurs questions, il est clair qu'il ne convient de répondre sous forme absolue, par aucun terme homonyme, quand même la réponse serait vraie pour tous les sens du mot, comme quelques-uns l'admettent ; car il n'y a pas plus de différence que si l'on disait : Coriscus et Callias sont-ils ou ne sont-ils pas à la maison? Soit que tous deux soient présents, soit que tous deux soient absents, des deux façons, il y a toujours plusieurs propositions. Il ne suffît point, en effet, de dire vrai, pour qu'il n'y ait qu'une seule interrogation; car il se peut aussi qu'on propose dix, mille autres interrogations, auxquelles on pourra répondre avec vérité par oui et par non. Cependant il ne faut pas répondre par une seule réponse ; car c'est détruire toute discussion. C'est absolument la même chose que si l'on donnait un nom pareil à des choses différentes. Si donc il ne faut pas faire une réponse unique à deux questions, il est évident aussi qu'il ne faut pas répondre non plus par oui ou par non à des homonymes. § 11. Car celui qui a dit ainsi ne répond pas, il n'a fait que parler. Mais on suppose quelquefois dans les discussions qu'il y a là une véritable réponse, parce qu'on ne voit pas ce qui doit en résulter. § 12. Ainsi donc que nous l'avons dit, comme certaines réfutations qui n'en sont pas réellement paraissent en être, de la même manière il y a des solutions qui paraissent en être sans en être réellement. C'est celles-là qu'il faut quelquefois produire plutôt que les solutions vraies, dans les discussions contentieuses, et contre les paralogismes venant du double sens d'un mot. § 13. Il faut répondre pour les choses que l'on admet: Soit; car, de cette façon, il n'est pas du tout possible à l'interlocuteur de rétorquer la réfutation. Si l'on est forcé de dire quelque paradoxe, c'est alors surtout , qu'il faut ajouter que cela paraît ainsi ; car, de cette façon, il ne semblera pas qu'il y ait, ni réfutation, ni paradoxe. § 14. Comme on sait très clairement ce que c'est qu'une pétition de principes, et tout le monde accorde qu'elle a lieu si la proposition est voisine du principe, il est certaines choses qu'il faut détruire et non accorder, en soutenant que c'est faire une pétition de principes. Et si l'interlocuteur demande qu'on lui accorde précisément une proposition, qui doit nécessairement résulter de la thèse initiale, et que cette proposition soit fausse ou improbable, il faut élever la même objection. En effet, ce qui résulte nécessairement de la thèse semble faire partie de la thèse même. § 15. De plus, quand l'universel est pris, non par le mot qui le représente, mais par comparaison, il faut faire remarquer que l'adversaire ne le prend pas comme on le lui accordait, ou comme il l'avait lui-même avancé; car c'est souvent à ce point même que tient la réfutation. § 16. Quand on a été repoussé de ce terrain, il faut s'en prendre à l'irrégularité de la démonstration, et s'appuyer pour cela sur la définition qui a été donnée du syllogisme et de la réfutation. § 17. Quand les mots sont pris au propre, il faut nécessairement répondre ou absolument, ou par une distinction. § 18. Mais toutes les fois qu'on est obligé de suppléer par la pensée, comme, par exemple, dans toutes les questions qui ne sont pas assez claires, et qui sont en quelque sorte boiteuses, (177a) la réfutation se produit. Telle est cette question : Ce qui est des Athéniens est-il la possession des Athéniens? Oui. Et de même pour tout le reste: Mais l'homme est-il des animaux? Oui. Ainsi l'homme est la possession des animaux; car nous disons que l'homme est des animaux, parce qu'il est animal, et que Lysandre est des Lacédémoniens, parce qu'il est Lacédémonien. Il est donc évident que dans les cas où la chose proposée est obscure, il ne faut pas acquiescer d'une manière absolue. § 19. Quand deux choses sont de telle sorte que, l'une étant, l'autre doit être de toute nécessité, sans que la seconde étant, la première soit nécessairement, il faut que celui qui est interrogé sur ces deux termes accorde celui qui est le moins étendu ; car il est plus difficile de faire le raisonnement, quand il porte sur plus de choses. § 20. Quand l'on essaie de prouver que l'un des termes a un contraire, et que l'autre n'en a pas, si cette assertion est vraie, il faut dire qu'en effet, le second terme a un contraire, mais que ce contraire n'a pas de nom. § 21. Comme il y a certaines choses pour lesquelles le vulgaire dit de celui qui ne les accorde pas, qu'il se trompe, et que, pour quelques autres choses, il ne se prononce pas si nettement : par exemple, dans toutes celles où les avis sont partagés, et ainsi le vulgaire n'est point décidé en général sur la question de savoir si l'âme des animaux est périssable ou immortelle; dans tous les cas où l'on ne sait quelle est l'opinion vulgaire, sur le sujet en question, comme sur les sentences, et l'on appelle sentences, et les pensées vraies, et des assertions entières, telles que: Le diamètre est incommensurable; dans tous ces cas, dis-je, et toutes les fois que la vérité est controversée, le meilleur moyen de cacher sa pensée, ce sera d'employer pour tous les mots le déplacement delà discussion. En effet, précisément, parce qu'il y a grande obscurité sur le vrai dans ce cas, on ne paraîtra pas faire un sophisme, et l'on ne paraîtra même pas se tromper, puisque les opinions sont partagées. Le déplacement de la discussion rendra le raisonnement inattaquable. § 22. Enfin, toutes les fois qu'on pressent une question, il faut aller au-devant de l'objection et la dire tout d'abord; car c'est ainsi surtout qu'on embarrassera celui qui interroge. [2,18] CHAPITRE XVIII. § 1. Puisque la solution vraie est de faire voir que le syllogisme est faux, en indiquant celle des questions où est l'erreur, le syllogisme faux peut l'être de deux façons : par exemple, s'il a conclu faussement ; ou bien si, n'étant pas un syllogisme, il paraît pourtant en être un. La solution indiquée ici, et celle du syllogisme apparent , consisteraient à rectifier celle des questions qui le fait paraître ce qu'il n'est pas: et, par conséquent, on arrive à la solution cherchée, d'abord en détruisant les raisonnements qui concluent réellement, et en faisant une distinction pour ceux qui ne sont qu'apparents. § 2. Mais comme parmi les raisonnements réguliers, les uns ont la conclusion vraie, et les autres la conclusion fausse, on peut résoudre de deux façons ceux qui ont la conclusion fausse, c'est-à-dire, soit en détruisant quelqu'une des interrogations posées, soit en montrant que la conclusion n'est point ainsi qu'on l'a dit. Contre ceux; qui sont faux dans les propositions, il n'y a de solution possible qu'en détruisant l'une de ces propositions, puisque la conclusion est vraie. § 3. Ainsi donc, quand on veut résoudre un raisonnement, il faut voir d'abord si ce raisonnement conclut ou s'il ne conclut pas ; ensuite, si la conclusion est vraie ou fausse, afin qu'on puisse résoudre, soit en détruisant, soit en divisant les propositions; et l'on détruit, soit d'une façon, soit de l'autre, comme on l'a dit plus haut. § 4. Il y a une très grande différence, pour résoudre le raisonnement, d'être ou de n'être pas interrogé ; car il est difficile de voir à l'avance la solution, et il est plus facile de la voir à loisir. [2,19] CHAPITRE XIX. § 1. Parmi les réfutations qui ne tiennent qu'à l'homonymie et à l'amphibologie, les unes renferment des questions qui présentent plusieurs sens; dans les autres, c'est la conclusion qui a des sens divers. Ainsi, par exemple, dans le cas où l'on prétend prouver que celui qui se tait parle, c'est la conclusion qui a un double sens. Dans cette autre proposition : Celui qui sait ne sait pas, c'est l'une des questions qui est amphibologique. Par exemple, ce raisonnement : Celui qui sait faire ou dire quelque chose sait aussi ce qu'il dit, ce qu'il fait; or, cet homme sait dire des vers iambiques; donc il sait aussi les vers iambiques. Et ce qui a un double sens est vrai dans un sens et ne l'est pas dans l'autre; ainsi le double sens exprime à la fois ce qui est et ce qui n'est pas. § 2. Toutes les fois donc, qu'il y a plusieurs sens à la fin, si l'on ne prend pas la contradiction, il n'y a pas de réfutation : par exemple, si l'on prétend que l'aveugle voit ; car sans contradiction, il n'y a pas de réfutation. § 3. Pour tous les cas où la diversité de sens se trouve dans les questions, il n'est pas nécessaire de combattre d'abord le double sens; car ce n'est pas sur ce point que porte le raisonnement: c'est seulement un des éléments dont on le tire. § 4. Au début donc, il faut répondre en signalant le double sens, soit dans le mot, soit dans le raisonnement, en disant qu'on l'accepte d'une façon, et que de l'autre on ne l'accepte pas. Ainsi, dans cette proposition : Celui qui se tait parle, il faut dire qu'on l'accepte en partie, et qu'en partie on ne l'accepte pas. Et si l'adversaire a dit qu'il faut remplir ses devoirs, il faut distinguer, en disant que les uns doivent être remplis et d'autres ne pas l'être; car devoirs a plusieurs sens. Si la diversité des sens a d'abord échappé, il faut rectifier l'erreur en ajoutant à la fin quelque chose à la question : Donc celui qui se tait parle; pas du tout; mais bien un tel qui se tait. § 5. Et de même pour les cas où la diversité de sens est dans les propositions : Donc on ne sait pas ce qu'on sait? Non, certes; mais cela n'est pas vrai de ceux qui savent de telle manière; car ce n'est pas la même chose de dire qu'il n'est pas possible de savoir quand on sait, ou que cela n'est pas possible à ceux qui savent d'une certaine façon. § 6. Il faut, en général, combattre son adversaire, même quand il a conclu d'une manière absolue, en disant qu'il a nié, non pas la chose qu'on affirmait, mais seulement le mot, de sorte qu'il n'y a pas de réfutation. [2,20] CHAPITRE XX. § 1. On voit aussi clairement comment il faut résoudre les réfutations qui tiennent à la division et à la réunion de certains mots; car, si la proposition divisée ou combinée a un sens différent, il faut soutenir le contraire de la conclusion. § 2. Mais tous les raisonnements captieux qui se fondent sur la division et la combinaison, sont du genre des suivants : Ce par quoi tu as vu cet homme frappé, est-ce par cela qu'il a été frappé? et ce par quoi il a été frappé, est-ce par cela que tu l'as vu? § 3. Il y a aussi dans cet exemple l'une des questions (178a) qui est amphibologique : mais le paralogisme tient surtout à la combinaison; car le double sens ne subsiste pas après la division, parce que la proposition n'est plus la même quand elle est.divisée. Ne suffit-il pas d'un simple changement dans la prosodie, pour que le même mot signifie autre chose ? Mais ce mot est le même dans sa forme écrite, puisqu'il est écrit des mêmes lettres et de la même manière; or, là aussi il y a des signes qui font que les mots dans la prononciation ne sont plus les mêmes; ainsi, une fois la division faite, le double sens disparaît. § 4. II est évident aussi que toutes les réfutations ne viennent pas, sans exception, de ce que le sens est double, ainsi que quelques-uns le prétendent. § 5. Il faut donc diviser quand on répond, car ce n'est pas la même chose de dire qu'on a vu de ses yeux tel homme frappé, et de dire qu'on a vu tel homme frappé de ses yeux. § 6. C'est là aussi le raisonnement d'Euthydème : Est-ce que tu vois, étant en Sicile, les galères qui sont maintenant dans le Pirée? § 7. Ou bien encore, est-ce qu'étant un bon tanneur il est possible d'être mauvais ? Or, quelqu'un qui est bon tanneur pourrait être mauvais, de sorte qu'il sera un tanneur mauvais. § 8. L'apprentissage des choses dont la science est bonne est-il bon aussi ? Or, l'apprentissage du mal est-il bon ? donc le mal est un bon apprentissage. Mais le mal est mal et apprentissage à la fois : donc le mal est un mauvais apprentissage. Mais la science de ce qui est mal est bonne. § 9. Est-il vrai de dire maintenant que tu es né? tu es donc né maintenant? mais par la division cela signifie autre chose; car il est vrai de dire maintenant que tu es né, mais tu n'es pas né maintenant. § 10. Fais-tu les choses que tu peux de la façon que tu peux les faire? Bien que tu ne joues pas de la cithare, tu as le pouvoir de jouer de la cithare; tu joues donc de la cithare sans jouer de la cithare. Ou bien ne doit-on pas dire qu'on n'a pas la puissance de jouer de la cithare quand on n'en joue pas, mais qu'on peut le faire quand on ne le fait pas? § 11. On résout encore autrement ce paralogisme; car si l'interlocuteur accorde qu'on fait comme on peut faire, on soutient qu'il n'en faut pas conclure qu'on joue de la cithare en n'en jouant pas. En effet, il n'a pas été accordé qu'il le fera de quelque façon qu'il puisse le faire ; car ce n'est pas la même chose de dire comme il peut, ou de dire de quelque façon qu'il puisse le faire. § 12. Mais évidemment, cette solution n'est pas bonne; car pour les raisonnements identiques, la solution est la même. Mais celle-ci ne conviendra pas à tous les raisonnements analogues ni à tous les interlocuteurs. Elle convient uniquement à celui qui interroge, et non pas au raisonnement lui-même. [2,21] CHAPITRE XXI. § 1. Pour la prosodie, il n'y a de paralogismes, soit par l'écriture, soit par la prononciation, qu'en très-petit nombre et du genre de celui-ci : Est-ce là la maison où tu loges? Oui. Est-ce que : où tu loges est la négation de : tu loges? oui; mais tu as dit que c'était la maison où tu loges; donc la maison est négation. § 2. On voit comment on peut résoudre cette difficulté; car le mot n'a pas le même sens, soit qu'on le prenne avec accent aigu, soit qu'on le prenne avec accent grave. [2,22] CHAPITRE XXII. § 1. On voit clairement aussi comment il faut repousser les réfutations, qui tiennent à ce que des choses, qui ne sont pas les mêmes, sont exprimées de la même façon, une fois que nous avons les genres des catégories. Ainsi, celui qu'on interroge accorde que l'une des choses qui expriment l'essence n'existe pas ; l'autre prouve au contraire l'existence substantielle d'un terme qui, étant relatif ou de quantité, parait exprimer aussi la substance par la forme verbale qu'il reçoit. § 2. C'est comme dans la proposition suivante : Peut-on en même temps faire et avoir fait une même chose ? Non, répond-on. Pourtant on peut en même temps voir et avoir vu la même chose et sous le même rapport. § 3. Souffrir est-il quelquefois faire? Non. Mais il est coupé, il est brûlé, il sent, sont des mots de forme pareille ; et tous ils expriment l'idée de souffrir. D'autre part, dire, voir, courir, sont des expressions semblables; mais voir est certainement aussi sentir, de sorte qu'il exprime à la fois souffrir et faire quelque chose. § 4. Mais si l'interlocuteur affirme d'abord qu'il ne se peut pas qu'on fasse, et qu'on ait fait en même temps la même chose, et qu'il accorde ensuite qu'on voit et qu'on a vu, il ne sera point encore réfuté, s'il dit que voir ce n'est pas faire mais souffrir; car il faut ajouter encore cette question. Mais l'auditeur croit que ce point est accordé, quand il voit qu'on accorde que couper c'est faire, et qu'avoir coupé c'est avoir fait, et toutes les autres expressions semblables. L'auditeur ajoute de lui-même le reste, comme étant de forme toute semblable. Cependant ici l'expression n'est pas tout à fait pareille; mais elle le semble par l'analogie du mot. Il arrive donc la même chose que dans les homonymies. En effet, pour les homonymes, celui qui ne connaît pas bien la valeur des mots, pense que l'un des interlocuteurs a nié la chose que l'autre affirme, et non pas seulement le mot. Mais il est encore ici besoin d'une question, pour savoir si l'on a dit l'homonyme en ne regardant qu'à un seul sens; car c'est parce qu'on aura concédé ce point qu'il y aura réfutation. § 5. Voici encore des raisonnements tout semblables à ceux-là : A-t-on perdu ce qu'ayant d'abord l'on n'a plus ensuite? Ainsi, celui qui perd un seul osselet n'aura plus dix osselets. Mais a-t-on perdu réellement ce que l'on n'a plus et qu'on avait auparavant? N'est-il pas plutôt nécessaire de perdre autant et autant de choses qu'on n'en a plus? Ainsi, dans la question on dit : ce qu'on a; et dans la conclusion on dit: autant de choses qu'on a; car dix exprime une quantité. Si donc on avait demandé tout d'abord : Quelqu'un peut-il avoir perdu autant de choses qu'il n'en a pas après les avoir eues auparavant, personne ne ferait cette concession; on accorderait seulement qu'on perd autant qu'on en a, ou l'une des choses qu'on a. § 6. Et de même si l'on dit qu'on peut donner ce qu'on n'a pas, parce qu'on n'a pas un seul et unique osselet. Mais on n'a point donné ce qu'on n'avait point; on a donné cet unique osselet, de la façon qu'on ne l'avait pas; car seul et unique ne signifie ni cette chose, ni une chose de tel genre, ni tant de choses; mais (189a) il exprime seulement le rapport, comme, par exemple, que cet osselet n'est pas avec un autre. C'est donc comme si l'on demandait: Peut-on donner ce qu'on n'a pas? si l'interlocuteur dit que non, on lui demanderait si quelqu'un peut donner vite sans avoir vite, et s'il dit que oui, on conclut alors que quelqu'un peut donner ce qu'il n'a pas. Mais il est évident qu'il n'y a pas ici de syllogisme; car, donner rapidement n'est pas donner telle chose, mais c'est donner de telle façon; or, l'on peut donner de la façon qu'on n'a pas ; car ayant avec plaisir on peut donner avec chagrin. § 7. Tous les paralogismes suivants sont semblables : Peut-on frapper avec la main qu'on n'a pas? Peut-on voir avec l'œil qu'on n'a pas? C'est qu'en effet on n'a pas un seul organe. § 8. On résout parfois ces paralogismes en disant qu'on a aussi ce seul œil ou telle autre chose, bien qu'on en ait plusieurs. § 9. D'autres disent qu'on a reçu la chose comme on l'a ; car cet homme ne donnait qu'un seul caillou ; et par conséquent, disent-ils, on n'aura de cet homme aussi qu'un seul caillou. § 10. Mais d'autres détruisent aussitôt la question en soutenant que l'on peut avoir ce qu'on n'a point reçu : par exemple, qu'ayant reçu du bon vin, on peut avoir du vin aigre, s'il s'est gâté pendant qu'on le recevait. § 11. Mais, ainsi qu'il a été dit plus haut, toutes ces solutions s'adressent, non pas au raisonnement, mais à l'homme ; car, si c'était une réelle solution, il suffirait que l'interlocuteur soutînt l'opposé, pour qu'il ne fût pas possible de résoudre comme dans bien d'autres cas. Par exemple, si la solution est en partie vraie et qu'en partie elle ne soit pas vraie, l'interlocuteur répondant d'une manière absolue, il y a conclusion : mais s'il n'y a pas conclusion, il n'y aura pas non plus de solution. Au contraire, dans les cas antérieurs, même avec une concession complète de la part de l'interlocuteur, nous disons qu'il n'y a pas de conclusion régulière. § 12. Voici encore des raisonnements de ce genre : Quelqu'un a-t-il écrit ce qui est écrit? Mais il est écrit que tu es assis maintenant; assertion fausse, mais qui était vraie quand on récrivait. Ainsi on écrivait à la fois le vrai et le faux : car dire qu'un raisonnement est vrai ou faux, ou bien une pensée, cela signifie non pas que telle chose est, mais que la chose est de telle façon. Et la même remarque s'applique à la pensée qu'au discours. § 13. Et encore ce paralogisme : Ce qu'apprend celui qui apprend est-il ce qu'il apprend? Mais quelqu'un apprend la lenteur vite. C'est que l'on a dit, non pas ce qu'il apprend, mais comment il apprend. § 14. Quelqu'un foule-t-il à ses pieds ce qu'il marche? Or, il marche le jour entier : mais l'on a dit non pas ce sur quoi il marche, mais le temps durant lequel il marche. § 15. De même que, quand on dit qu'il boit une coupe, on ne dit pas ce qu'il boit, mais ce dans quoi il boit. § 16. Ou bien encore: Sait-on ce que l'on sait, soit pour l'avoir appris, soit pour l'avoir trouvé ? Mais pour des choses dont on a trouvé l'une et appris l'autre, on ne sait les deux prises ensemble ni de l'une ni de l'autre façon. Mais n'est-ce pas qu'ici on prend la totalité de ce qu'on sait, tandis que là on ne prend pas cette totalité? § 17. C'est un raisonnement analogue, quand on dit qu'il y a un troisième homme, outre l'homme en général et tous les hommes particuliers; car homme et tout autre terme commun n'exprime pas la substance, il n'exprime qu'une qualité ou un relatif, ou une manière d'être, ou quelque chose d'analogue. Et de même, quand on demande pour Coriscus (189b) et Coriscus musicien : Est-ce la même chose ou une chose autre? car l'un signifie une chose, l'autre signifie la chose de telle façon, de sorte, qu'on ne peut détacher cette modification de la chose même. Ce n'est pas d'ailleurs de la détacher qui fait le troisième homme : mais c'est parce qu'on accorde que ce terme commun exprime une substance; car il n'est pas possible que substantiellement ce qu'est Callias soit ce qu'est l'homme. Du reste, il n'y aurait aucune importance à dire que le mot abstrait n'est pas une substance réelle, mais qu'il est une qualité; car ce sera toujours quelque chose de distinct des individus : ce sera, par exemple, l'homme. Il est donc évident qu'il ne faut pas accorder que le terme commun qui est attribué à tous les individus est une chose spéciale et réelle : il faut accorder seulement qu'il exprime une qualité, une quantité, une relation, ou telle autre chose analogue. [2,23] CHAPITRE XXIII. § 1. En général, dans les paralogismes purement verbaux, la solution sera toujours dans le terme opposé à celui sur lequel porte le raisonnement. § 2. Par exemple, si le paralogisme vient de la combinaison, la solution s'obtiendra en divisant : s'il vient de la division, en combinant. § 3. Si c'est de la prosodie aiguë, la solution sera dans la prosodie grave, et réciproquement. Si c'est dans l'homonymie que consiste le paralogisme, la solution sera dans l'emploi du mot opposé. § 4. Par exemple, si l'on arrive dans la conclusion à dire que l'être est animé, et que l'adversaire le nie, il faut démontrer qu'il est animé. Si l'on a dit qu'il est inanimé, et que l'adversaire ait soutenu qu'il est animé, il faut prouver qu'il est inanimé. § 5. Et de même pour l'amphibologie, § 6, si c'est par la ressemblance du mot que s'est formé le paralogisme, l'opposé sera la solution. Ainsi : Peut-on donner ce qu'on n'a pas? On ne peut pas donner ce qu'on n'a pas, mais on peut donner comme on n'a pas, par exemple un osselet tout seul. Ce qu'on sait le sait-on parce qu'on l'a appris ou trouvé? mais ce n'est pas les choses qu'on sait. Et foule-t-on aux pieds ce qu'on marche? mais non pas quand on marche. Et de même pour tous les autres paralogismes. [2,24] CHAPITRE XXIV. § 1. Quant aux paralogismes tirés de l'accident, la solution est une et la même pour tous. En effet, comme on ne détermine pas les cas, où l'on peut attribuer aussi à la chose l'attribut de l'accident, et comme dans certains cas cette attribution est évidente et qu'on la reconnaît, et que, dans d'autres, on dit qu'elle n'est pas nécessaire, il faut soutenir toujours, en étendant ce raisonnement à tous les cas, que cette attribution n'est pas nécessaire, et qu'on doit pouvoir montrer comment elle l'est. § 2. Tous ces paralogismes de l'accident ressemblent aux suivants : Sais-tu ce que je vais te demander ? Sais-tu celui qui s'approche, ou celui qui est caché? Cette statue est-elle ton ouvrage? Ou ce chien est-il ton père? Est-ce que les choses peu nombreuses, peu nombreusement prises sont peu nombreuses? Il est évident, dans tous ces cas, qu'il n'est pas nécessaire que ce qui est vrai de l'accident le soit aussi de la chose. En effet, ce n'est qu'aux choses qui sont sans différence dans leur essence et qui sont individuelles, que tous les mêmes attributs paraissent pouvoir appartenir : or, pour un homme qui est bon, ce n'est pas la même chose d'être bon (180a) et de devoir être interrogé, ni pour celui qui approche ou qui est caché, ce n'est pas la même chose de s'approcher et d'être Coriscus. De sorte que, si je connais Coriscus, et que je ne connaisse pas celui qui s'approche, on ne peut pas dire que je connais et que je ne connais pas le même homme. On ne peut pas davantage, si cette chose est une œuvre et qu'elle soit à moi, dire qu'elle est mon œuvre : mais c'est ma propriété ou ma chose, ou telle autre expression qu'on voudra. Même solution pour tous les autres paralogismes. § 3. Quelques uns résolvent la difficulté en divisant la question : Oui, disent-ils, il se peut qu'on sache et qu'on ignore une même chose, mais non pas sous le même rapport: par exemple, ne connaissant pas celui qui s'approche, et connaissant Coriscus, c'est, disent-ils, connaître et ignorer une même chose, mais non pas sous le même rapport. § 4. Cependant, ainsi que nous l'avons dit, il faut pouvoir rectifier de la même manière les raisonnements qui sont erronés par une même cause. Or, cette rectification n'aura point lieu, si l'on prend la même assertion, non pas avec le mot savoir, mais avec le mot être absolument, ou être de telle ou telle façon, par exemple, si cet homme est père et qu'il soit vôtre. En effet si pour certains cas cette solution est vraie, et qu'on puisse savoir et ignorer une même chose, le principe admis n'a pas du tout ici d'application. § 5. Rien n'empêche, du reste, que le même raisonnement n'ait plusieurs défauts. Mais il ne suffit pas de découvrir toutes les fautes pour que ce soit toujours une solution ; car il se peut qu'on montre que l'adversaire a fait un faux raisonnement, sans montrer en quoi il pèche : par exemple, comme ce principe de Zénon qu'il ne peut y avoir de mouvement. Si donc l'on cherchait à réduire ce raisonnement à l'absurde, on se tromperait, eût-on fait dix mille conclusions régulières; car ce n'est pas là positivement la solution. La solution vraie était de faire voir que le raisonnement est faux et en quoi il est faux. Si donc l'adversaire n'a pas fait de conclusion régulière, qu'il essaie d'ailleurs de soutenir, soit le vrai soit le faux, montrer qu'il n'a pas conclu, ce sera la vraie solution. § 6. Mais peut-être n'y a-t-il aucune difficulté à ce que cela se produise dans quelques cas; seulement, dans ces cas même qu'on vient de citer, cette solution n'est pas possible; car celui qui connaît Coriscus sait aussi que c'est Coriscus, et celui qui connaît ce qui s'approche connaît aussi qu'il s'approche. On peut connaître et ne connaître pas une même chose : par exemple, on peut savoir que cette personne est blanche et ne pas savoir qu'elle est musicienne ; car, de cette façon, on sait et l'on ne sait pas une même chose, mais non pas sous le même rapport. Mais quant à ce qui s'approche et à Coriscus ; on sait que la chose s'approche et que c'est Coriscus. § 7. De même on se trompe, et l'on ne donne pas plus de solution que dans les cas que nous venons de citer, quand on soutient que tout nombre est petit et grand; car, si ne faisant pas de conclusion précise, et laissant de côté ce point, on dit qu'on a conclu le vrai, parce que tout nombre est grand et petit, l'on se trompe complètement. § 8. Quelques personnes résolvent aussi en distinguant le double sens, dans les cas où l'on dit, par exemple ; Donc, c'est ton père, ou ton fils, ou ton esclave. § 9. Pourtant, il est clair que, si (180b) la réfutation paraît devoir tenir à la diversité des sens, il faut que le mot ou la phrase puisse s'appliquer en propre à plusieurs choses. Mais on ne peut jamais dire proprement que tel soit l'enfant de tel, parce que tel est maître de l'enfant. Mais la combinaison des idées est purement accidentelle : Ceci est-il à toi ? Oui; mais ceci est un enfant; c'est donc ton enfant. Oui, accidentellement, ceci est à toi et est un enfant, mais ce n'est pas ton enfant. § 10. Même solution quand on dit que tel bien peut être des maux; car la réflexion est la science des maux. Mais dire que ceci est de cela n'a pas plusieurs sens, cela veut dire seulement que ceci est la propriété de cela. Si donc la phrase a plusieurs sens, car nous disons que l'homme est des animaux, en tant qu'il en fait partie, et non en tant qu'il en est la propriété, et si quelque chose est mis en rapport avec le mal par la particule : de, il est par cela même des maux : mais cependant il n'est pas au nombre des maux. L'expression, toute restrictive qu'elle est, paraît donc prise aussi dans le sens absolu. Cependant, un bien peut être des maux de deux façons, non pas dans le sens qui précède, mais plutôt en ce sens où l'on dit qu'un bon esclave est d'un méchant maître. Mais peut-être ceci même n'est-il pas exact ; car si l'esclave est bon, et qu'il soit de ce maître, il n'est pas bon de ce maître, en réunissant les deux expressions. Dire que l'homme est des animaux, cela non plus n'a pas plusieurs sens ; car on ne peut pas dire qu'une expression ait plusieurs sens, par cela seul qu'on lui retranche quelque chose. Ainsi, il suffit de prononcer la moitié d'un vers pour exprimer : Donne-moi l'Iliade. Et nous disons ainsi : Donne-moi: Déesse, chante la colère, etc., etc. [2,25] CHAPITRE XXV. § 1. Quant aux paralogismes venant de ce qu'on a pris une restriction de lieu, de temps, de manière, ou une relation, au lieu de s'exprimer absolument, il faut les résoudre en regardant si la conclusion a une contradiction, et si elle peut la recevoir à quelque égard que ce soit. En effet, il est impossible, absolument parlant, que les contraires soient à une même chose, non plus que les opposés, ni l'affirmation et la négation. Mais il est possible, cependant, que l'un et l'autre y soient ensemble dans telle partie, dans telle relation, de telle façon, que l'un y soit d'une façon restrictive, et l'autre absolument ; de sorte que si l'un y est absolument, et l'autre avec restriction, il n'y a pas là de réfutation. Mais c'est là ce qu'il faut voir dans la conclusion en regardant à la contradiction. § 2. Tous les paralogismes de ce genre sous-entendent ce principe : Le non-être peut-il donc être? Le non-être est certainement quelque chose. Et de même l'être ne sera pas; car il ne sera pas quelqu'une des choses qui sont. Le même homme peut-il en même temps jurer vrai, et se parjurer ? Le même homme peut-il, en même temps, obéir et désobéir au même ordre ? Mais, ne peut-on pas dire que : être quelque chose, et être, ce n'est pas la même chose? Et ainsi, le non-être, pour être quelque chose, n'est pas cependant absolument. Ne peut-on pas dire encore qu'on peut jurer vrai pour telle chose et de telle façon, sans que nécessairement l'on jure vrai? car celui qui a juré de se parjurer, en se parjurant, jure vrai sur ce point seul, (181a) mais il ne jure pas vrai d'une manière absolue, pas plus que celui qui désobéit n'obéit, mais il peut obéir en quelque chose. § 3. C'est le même raisonnement, quand on dit que le même homme ment et dit la vérité en même temps. Mais c'est parce qu'il n'est pas aisé de savoir si l'on avance qu'il ment ou dit vrai absolument, que ce cas paraît difficile. Rien n'empêche qu'absolument il ne mente, et il ne dise vrai en un sens et à quelque égard, et qu'il ne soit véridique pour certaines choses et ne le soit pas absolument. § 4. Et de même pour les restrictions de relation de lieu et de temps ; car tous ces paralogismes portent sur ce point: La santé ou la richesse est-elle un bien ? Mais elle n'est pas un bien pour l'insensé, ni pour celui qui ne sait pas s'en servir ; donc elle est un bien et n'est pas un bien. Est-ce un bien d'avoir de la santé, d'avoir du pouvoir dans l'État? Souvent, cela ne vaut pas mieux. Ainsi donc, la même chose est bonne et pas bonne pour le même homme. Ou bien, rien n'empêche qu'étant bonne absolument, elle ne le soit pas pour tel homme : ou encore elle peut être bonne pour cet homme, mais non pas maintenant, ni dans cette circonstance. § 5. Mais ce que ne voudrait pas l'homme sage, est-il un mal? or, il ne veut pas perdre le bien : donc le bien est un mal. Mais ce n'est pas la même chose de dire : Le bien est un mal, ou perdre le bien. § 6. Même solution pour le paralogisme du voleur ; car si le voleur est un mal, prendre n'est pas aussi un mal : donc on ne veut pas le mal quand on veut le prendre; on veut le bien, car c'est un bien de le prendre. § 7. Et la maladie est un mal, mais ce n'en est pas un de perdre la maladie. § 8. Le juste est-il préférable à l'injuste, et le justement à l'injustement? Mais il vaut mieux mourir injustement que justement. § 9. Est-il juste que chacun ait ce qui lui appartient? or, le jugement que chaque juge porte d'après son opinion, bien que cette opinion soit fausse, a toute valeur d'après la loi ; donc, la même chose est juste et ne l'est pas. § 10. Qui doit-on condamner? celui qui dit des choses justes ou celui qui dit des choses injustes? Mais il est juste que celui qui a été lésé dise tout au long ce qu'il a souffert ; or, ce qu'il a souffert était des choses injustes. § 11. En effet, de ce qu'il vaut mieux souffrir quelque chose injustement, il ne s'ensuit pas que l'injustement soit préférable au justement. C'est le justement qui l'est d'une manière absolue; mais rien n'empêche que telle chose injustement ne soit préférable à cette même chose justement. § 12. Il est juste aussi que chacun ait ce qui lui appartient: il est injuste d'avoir le bien d'autrui. Mais rien n'empêche cependant que ce jugement ne soit juste; par exemple, s'il est conforme à la conscience du juge. Toutefois si telle chose est juste de telle ou telle façon, ce n'est pas un motif pour qu'elle soit juste absolument. § 13. Et de même, bien que ces choses soient injustes, rien n'empêche qu'il ne soit juste de les dire ; car de ce qu'il est juste de les dire, il n'y a pas nécessité qu'elles soient justes, de même qu'elles ne sont pas utiles parce qu'il est utile de les dire. Et de même pour les choses justes. En effet, de ce que les choses dites sont injustes, celui qui les dit ne fait pas des choses injustes ; car il dit les choses qu'il est juste de dire, bien qu'absolument elles soient injustes, et surtout injustes à souffrir. [2,26] CHAPITRE XXVI. (181b) § 1. Quant aux paralogismes qui tiennent à la définition de la réfutation, ainsi qu'on l'a dit plus haut, il faut les résoudre en opposant à la conclusion une contradiction qui s'adresse au même objet, sous le même rapport, et du même point de vue, et sous la même forme, et dans le même temps. § 2. Si l'on est interrogé dans le commencement de la discussion, il ne faut pas convenir qu'il soit impossible qu'une même chose soit double et non double ; mais il faut dire que cela ne se peut pas de telle façon, comme si l'on pouvait être réfuté en en convenant. § 3. Tous ces paralogismes rentrent dans la forme suivante : Celui qui sait de chaque chose qu'elle est telle chose, sait-il la chose? Et de celui qui l'ignore en est-il également? Ainsi, quelqu'un qui sait que Coriscus est Coriscus, peut bien ignorer qu'il est musicien ; de sorte qu'il sait et qu'il ignore la même chose. § 4. Et encore : Une chose de quatre coudées est-elle plus grande que celle de trois? Mais la chose de trois coudées peut, en longueur, arriver a en avoir quatre. Or, le plus grand est plus grand que le plus petit ; donc une chose sera plus grande et plus petite qu'elle-même. [2,27] CHAPITRE XXVII. § 1. Pour les paralogismes par pétition de principe, celui qui interroge ne doit pas l'accorder si elle est évidente, et quand même il serait probable que l'adversaire dit vrai. § 2. Si la pétition de principe reste cachée, il faut rejeter cette ignorance sur celui qui interroge, et lui imputer le vice de ces raisonnements, comme s'il n'avait pas argumenté régulièrement; car la réfutation ne peut avoir lieu que sans la pétition de principe. § 3. Il faut ajouter que l'on a concédé ce point, non pas pour que l'adversaire s'en servît, mais parce qu'on pensait qu'il conclurait par là le contraire de ce qui avait été avancé dans les contre-réfutations. [2,28] CHAPITRE XXVIII. § 1. Il faut montrer, par le raisonnement même, le vice des paralogismes qui ne concluent que par le conséquent. § 2. Mais les conséquents peuvent suivre de deux manières : c'est d'abord comme l'universel est le conséquent du particulier, et c'est ainsi qu'animal suit homme ; car on peut affirmer que, si le premier suit le second, le second suit aussi le premier. Ou bien, la consécution a lieu par les antithèses; car si l'un suit l'autre, l'opposé suit aussi l'opposé. § 3. Et c'est sur quoi se fonde le raisonnement de Mélissus; car si ce qui est créé a un commencement, il faut penser que ce qui n'est pas créé n'en a pas ; donc, si le ciel est incréé, il est par cela même infini. Mais cela n'est pas exact ; car ici la consécution est renversée. [2,29] CHAPITRE XXIX. § 1. Pour les paralogismes qui ne concluent qu'en ajoutant quelque donnée nouvelle, il faut examiner si, en retranchant cette addition, la conclusion absurde n'en a pas moins lieu. Il faut ensuite montrer cela nettement : et il faut dire que, si l'on a concédé cette assertion , ce n'est pas qu'elle parût vraie, mais seulement parce qu'elle paraissait utile à la discussion, bien que l'adversaire n'ait pas su l'y faire servir. [2,30] CHAPITRE XXX. § 1. Quant à ceux qui de plusieurs questions en font une seule, il faut distinguer les questions dès le début. Une question une est celle à laquelle il n'y a qu'une seule réponse; et par conséquent il faut dire, non pas plusieurs choses pour une seule ou une seule pour plusieurs, mais une pour une, soit qu'on nie, soit qu'on affirme. § 2. De même que, (182a) dans les homonymes où l'attribut est tantôt aux deux sens et tantôt n'est ni à l'un ni à l'autre, la question n'étant pas simple, il n'y a point de résultat si l'on se contente de répondre simplement , de même pour ce cas-ci. Lors donc que plusieurs attributs sont à un seul sujet, ou un seul attribut à plusieurs sujets, soit affirmés, soit niés, on ne peut produire aucune contradiction, si l'on accorde simplement l'assertion, et que l'on commette cette faute. Mais quand l'un des termes est vrai et que l'autre ne l'est pas, et quand plusieurs s'appliquent à plusieurs, et que les deux sont en partie aux deux, et qu'en partie ils n'y sont pas, c'est alors qu'il faut prendre bien garde. § 3. Par exemple, dans les raisonnements de ce genre : Si de deux choses l'une est bonne et l'autre mauvaise, il est vrai de dire de ces choses qu'elles sont bonnes et mauvaises. Et, à l'inverse, il n'est pas moins vrai de dire qu'elles ne sont ni bonnes ni mauvaises; car les deux ne sont pas les deux ; de sorte que la même chose est bonne et mauvaise, et n'est ni bonne ni mauvaise. § 4. De plus, comme chaque chose est identique à elle-même et différente des autres, et comme ces choses sont identiques, non pas à d'autres, mais à elles mêmes, et qu'elles sont autres qu'elles-mêmes, les mêmes choses sont donc identiques à elles-mêmes et autres qu'elles-mêmes. § 5. De plus, si le mal devient le bien, et que le bien devienne le mal, les deux deviendront à la fois bien et mal. § 6. De deux choses inégales, chacune est égale à elle-même, de sorte que les mêmes choses sont égales et inégales à elles-mêmes. § 7. On peut encore donner d'autres solutions à ces raisonnements. Ainsi, ces expressions : les deux et tous, ont plusieurs significations; donc, une même chose ne peut que verbalement être affirmée et niée ; or, ce n'est pas là une réfutation. Mais il est évident que, quand plusieurs questions ne se confondent pas en une seule, et qu'on ne fait qu'affirmer ou nier une seule chose d'une seule chose, il n'y aura pas de conclusion absurde. [2,31] CHAPITRE XXXI. § 1. Quant aux paralogismes qui mènent à répéter plusieurs fois la même chose, il est évident qu'il ne faut pas accorder que les catégories, prises séparément, aient par elles seules un sens pour les relatifs. Par exemple, le double ne signifie rien sans le double de la moitié, bien que cela paraisse tout un. Ainsi, dix est dans dix moins un, et faire est dans ne pas faire, et en général l'affirmation est dans la négation; et, cependant, si l'on dit que telle chose n'est pas blanche, on ne dit pas qu'elle est blanche. Mais le double n'exprime peut-être rien à lui tout seul, pas plus que la moitié prise toute seule; ou, s'il signifie quelque chose, il n'a pas certainement le même sens que lorsqu'il est combiné. § 2. La science prise dans l'une de ses espèces, et, par exemple, la science de la médecine, n'a pas le même sens que l'expression commune; car la science est la science de ce qui est su. § 3. Dans les attributs qui ne sont expliqués que par leurs sujets, il faut dire que le mot pris à part n'a pas le même sens que dans la phrase. Ainsi, par exemple, le convexe, pris communément, exprime aussi bien le camus que l'arqué, et rien n'empêche d'y ajouter quelque chose qui précise la signification. Mais l'un convient au nez (182b) et l'autre aux jambes ; car convexe exprime ici le nez camus, et là les jambes arquées : et il n'y a pas de différence entre nez camus et nez convexe. § 4. Il ne faut pas cependaut accorder l'expression au cas direct; car alors elle est fausse: ainsi, le camus n'est pas le nez convexe, c'est quelque chose du nez; et, par exemple, c'est une modification du nez; de sorte qu'il n'y a rien d'absurde à dire que le nez camus est un nez qui a la convexité du nez. [2,32] CHAPITRE XXXII. § 1. Pour les solécismes, nous avons dit antérieurement comment ils se forment; quant à savoir comment il faut les résoudre, c'est ce que les considérations suivantes montreront. § 2. Tous reviennent au cas suivant : Ce que tu dis avec vérité est-il vrai? Tu dis que ceci est un caillou : il y a donc quelque chose qui est caillou. Ou bien est-ce que dire caillou ce n'est pas dire, non point un neutre, mais un masculin; non pas cela, mais cet? Si donc on demande : Ce que tu dis est-ce celui-là? on semblerait ne pas parler correctement, de même qu'on ne semblerait pas non plus bien parler si l'on disait: Celle que tu dis, n'est-ce pas celui-là? Mais par celui-là on a voulu désigner du bois, ou bien telle chose qui n'est ni masculine ni féminine, peu importe. Aussi, il n'y a pas de solécisme si l'on dit : Ce que tu dis est-ce bien cela? Or, tu dis que c'est du bois, donc c'est du bois. Mais caillou et celui-ci sont du masculin. Si l'on disait : Celui-ci est-il celle-là? et ensuite : Qu'est-ce? Celui-ci n'est-il pas Coriscus? et qu'on ajoutât ensuite: Donc celui-ci est-celle-là, on n'aurait pas conclu un solécisme, pas même si Coriscus signifie la même chose que celle-là, tant que celui qui répond ne l'a pas accordé. Mais il faut faire à l'avance cette convention, que si l'assertion n'est pas vraie et qu'on ne l'accorde pas, il n'y a pas de conclusion, ni en réalité, ni pour celui qui est interrogé. Il faut donc qu'ici aussi caillou signifie également celui-ci; mais si cela n'est pas vrai et qu'on ne l'accorde point, il ne faut pas admettre la conclusion. Ce qui cause ici l'illusion, c'est qu'il paraît que le cas du nom qui n'est pas semblable est semblable. § 3. Est-il vrai de dire: Elle est ce que tu as dit qu'elle est? Mais tu as dit qu'elle est un bouclier : elle est donc le bouclier? Ou bien ne peut-on pas dire que cette conclusion n'est pas nécessaire, puisqu'elle exprime bouclier à l'accusatif et non bouclier au nominatif, et que bouclier à l'accusatif exige elle à l'accusatif? § 4. Quand bien même cet homme est bien ce que tu dis qu'il est, si tu dis qu'il est Cléon, on ne peut pas dire : Donc il est Cléon à l'accusatif; car il n'est pas Cléon à l'accusatif; et pour cet homme dont je parle, j'ai dit cet au nominatif et non pas cet à l'accusatif; car la question ainsi exprimée n'est pas grammaticalement correcte. § 5. Sais-tu cela? or, cela est une pierre : tu sais donc une pierre. Ou bien, ne doit-on pas dire que cela n'exprime pas la même chose dans : Sais-tu cela? et cela est une pierre; mais dans le premier cas il est à l'accusatif, et dans le second il est au nominatif. § 6. Sais-tu ce dont tu as la science? mais tu as la science de la pierre; donc tu sais de la pierre. (183a) Mais d'un côté, ne dit-on pas de la pierre, et de l'autre côté, la pierre? On a bien accordé que tu savais ce dont tu as la science ; mais l'on a dit que tu savais, non pas de cela, mais cela; et ici c'est n'est pas de la pierre, mais la pierre. § 7. On voit donc, d'après tout ceci, que ces raisonnements ne concluent pas de vrais solécismes, mais qu'ils paraissent seulement le faire; on: voit comment ils le paraissent, et comment il faut les combattre. [2,33] CHAPITRE XXXIII. § 1. Il faut remarquer aussi que, parmi tous les paralogismes, il est facile pour les uns et difficile pour les autres, de voir sur quel point et de quelle manière ils font illusion à l'auditeur, parce qu'ils se confondent souvent les uns avec les autres à cause de leur ressemblance. En effet il faut appeler identique le raisonnement qui a le même point de départ, et cette identité paraît; tenir tantôt au mot, tantôt à l'accident, et tantôt à une autre cause encore, parce que toutes les fois qu'il y a quelque changement, les choses ne sont plus également évidentes. § 2. C'est donc comme pour les cas d'homonymie, et c'est là, ce semble, la source la plus ordinaire des paralogismes. Parmi ces cas, les uns sont évidents, même aux gens les moins exercés. En effet, presque tous les raisonnements ridicules jouent sur les mots mêmes. Par exemple, un homme portait sur l'échelle un char. Et comment allez-vous? À la voile. Laquelle des deux vaches mettra bas devant? Aucune : mais toutes les deux mettront bas par derrière. Borée est-il pur? Non, car il a tué le mendiant et le marchand. Est-ce Evarque? Non, c'est Apollonide. Et de même pour presque tous les autres jeux de mots. D'autres cas d'homonymie, au contraire, échappent aux plus habiles : et la preuve, c'est que souvent ils bataillent sur les mots. Ainsi, par exemple, l'un et l'être se confondent-ils dans tous les cas, ou sont-ils différents? C'est qu'en effet, pour certains philosophes, l'être et l'un semblent exprimer tout à fait la même chose; d'autres, au contraire, résolvent le paralogisme de Zénon et de Parménide, en prétendaut que l'être et l'un ont plusieurs sens. Et de même pour les paralogismes de l'accident et pour chacun des autres. Les uns seront plus faciles à découvrir, les autres plus difficiles, et il n'est pas également aisé pour tous de savoir dans quel genre ils sont, et s il y a ou non réfutation véritable. § 3. L'argumentation la plus redoutable est celle qui soulève le plus de doutes; car c'est celle qui gêne le plus. § 4. Le doute est de deux sortes : ainsi, dans les raisonnements vraiment réguliers, on ne sait quelle est celle des questions que l'on doit nier : et, dans les discussions purement contentieuses, on ne sait comment exprimer la chose qu'on veut soutenir. Et voilà pourquoi, dans les raisonnements syllogistiques, les plus embarrassants sont ceux qui font le plus chercher. § 5. Le raisonnement syllogistique qui est le plus embarrassant de tous, est celui par lequel on détruit ou l'on établit l'opinion la plus probable, par les opinions les plus probables aussi; car le raisonnement, tout en restant unique, pourra, (183b) rien que par un déplacement de la contradiction, recevoir toutes les mêmes conclusions. C'est qu'en effet on peut toujours, par des propositions probables, renverser ou établir une proposition qui n'est qu'également probable ; et c'est là ce qui cause nécessairement le doute. Ainsi, le raisonnement le plus embarrassant est celui où la conclusion est aussi forte que les questions. § 6. Celui qui vient le second, à cet égard, est celui où toutes les propositions sont égales ; car alors l'embarras est égal pour savoir quelle est celle des questions qu'il faut attaquer. Or, il est difficile de le savoir; on voit bien qu'il faut en détruire une; mais laquelle? c'est ce qu'on ignore. § 7. Parmi les raisonnements contentieux, le plus embarrassant, c'est celui dont on ne sait d'abord s'il conclut ou ne conclut pas, et si la solution doit en être cherchée dans la proposition fausse ou dans la division. § 8. Le second, en difficulté, est celui dont on voit bien qu'il doit être résolu par la division ou la négation, mais dont on ne sait sur quelle proposition on doit faire porter la négation ou la division pour le résoudre, la solution pouvant se rapporter également à la conclusion ou à l'une des questions. § 9. Quelquefois aussi le raisonnement qui ne conclut pas ne mérite aucune attention, si les données sont par trop improbables, ou si elles sont fausses. Quelquefois, cependant, il n'est pas digne de ce mépris. En effet, lorsqu'une de ces questions vient à être oubliée, sur laquelle et par laquelle le raisonnement s'établit, et que, négligeant de l'ajouter, on ne peut arriver à conclure, c'est alors que le syllogisme est parfaitement vain. Mais quand c'est par des motifs tout extérieurs qu'il ne conclut pas, il n'est pas du tout à mépriser ; car le raisonnement est bon, mais c'est celui qui interroge qui n'a pas bien interrogé. § 10. De même que l'on peut trouver la solution en s'en prenant tantôt au raisonnement, tantôt à celui qui questionne, tantôt à la question, et tantôt à toute autre autre chose; de même aussi, on peut interroger et conclure en s'en prenant à la thèse, ou à celui qui répond, ou même au temps, quand la solution exigerait plus de temps que l'on n'en peut donner pour discuter actuellement la solution présentée.