[4,0] TRAITÉ DES PARTIES DES ANIMAUX - LIVRE IV. [4,1] CHAPITRE PREMIER. (676a) 1 La même organisation des viscères et de l'estomac, et de chacune des parties dont il vient d'être question, se retrouve chez les quadrupèdes ovipares, et aussi chez les animaux dépourvus de pieds, comme sont les serpents. La nature du serpent se rapproche beaucoup de ces animaux, puisqu'on pourrait dire du serpent qu'il est un long lézard sans pieds. 2 Du reste, tout se ressemble dans les serpents et les poissons, sauf que les uns ont un poumon parce qu'ils vivent sur terre, et que les autres ont des branchies à la place du poumon. Les poissons n'ont pas de vessie ; et parmi les reptiles, la tortue est le seul qui en ait une. Comme ces animaux ne boivent presque pas, parce que leur poumon n'a pas de sang, l'humidité tourne chez eux en écailles, de même que, chez les oiseaux, elle tourne en plumes. 3 Dans tous ces animaux, l'excrément revêt une couleur blanchâtre, de même que chez les oiseaux. Cela tient à ce que, dans ceux qui ont une vessie, il reste une saumure terreuse dans les vaisseaux, après que l'excrément est sorti. La portion douce et potable des fluides est employée dans les chairs, précisément parce qu'elle est légère. (677a) 4 Dans le genre des reptiles, la vipère présente, comparativement à tous les autres, la même différence qui distingue les sélaciens du reste des poissons. Les sélaciens et les vipères sont également vivipares au dehors, mais préalablement ils sont ovipares à l'intérieur. D'ailleurs, tous ces animaux n'ont qu'un seul estomac, comme tous les autres aussi qui ont une double rangée de dents. Ils ont également de très petits viscères, comme tous les animaux qui manquent de vessie. 5 Les reptiles, par suite de la conformation de leur corps longue et étroite, ont les viscères fort allongés par la même raison, et fort dissemblables de ceux des autres animaux, parce qu'il a fallu que les formes de ces viscères ne fussent en quelque sorte qu'esquissées pour se modeler sur la place où ils sont posés. 6 Tous les animaux pourvus de sang ont un épiploon, un mésentère, et tout ce qui se rapporte à la nature des viscères. Tous aussi ont un poumon et une trachée-artère, sauf les poissons. Dans tous ceux qui ont une trachée-artère et un œsophage, ces parties sont disposées delà même manière, par les raisons que nous en avons précédemment données. [4,2] CHAPITRE II. 1 La plupart des animaux pourvus de sang ont de la bile, tantôt dans le foie, et tantôt isolée et suspendue dans les intestins, comme si la nature de la bile dépendait tout autant que le reste de la cavité inférieure du corps. C'est ce qu'on peut vérifier surtout chez les poissons ; ils ont tous du fiel, et presque tous l'ont dans les intestins. Il y en a même chez qui la bile est répandue dans tout le tissu intestinal, par exemple l'amia. La plupart des reptiles l'ont également placée de cette manière. 2 Cela prouve bien qu'on est dans l'erreur quand on soutient que la nature de la bile doit servir à la sensation ; car il y a des naturalistes qui prétendent que la bile n'a pour fonction que de corroder la partie de l'âme qui réside dans le foie et de la condenser ; et que, quand elle s'épanche librement, elle rend l'âme plus douce. Certains animaux n'ont pas du tout de fiel, le cheval, le mulet, l'âne, le cerf, le daim. Le chameau n'a pas de vésicule biliaire isolée ; mais ce sont plutôt des veinules qui sont comme bilieuses. Le phoque non plus n'a pas de fiel, ni encore le dauphin, parmi les poissons de haute mer. 3 Parfois, dans un même genre, certains animaux ont du fiel, tandis que certains autres n'en ont pas ; par exemple, dans le genre des rats. Tel est l'homme lui-même ; il y a des gens chez qui l'on trouve de la bile dans le foie ; et d'autres n'en ont pas. De là des doutes en ce qui concerne l'organisation du genre dans sa totalité. Parce qu'on a observé par hasard des sujets qui étaient de l'une ou de l'autre façon, on prononce sur tous les autres comme si tous, sans exception, étaient organisés de même. C'est ce qu'on peut observer aussi sur les moutons et les chèvres. Presque toujours ces animaux ont du fiel ; (677b) et parfois même ils en ont un tel excès qu'on y voit une monstruosité, comme dans le bétail de Naxos; mais, d'autres fois, ils n'en ont pas du tout, comme dans quelques localités qu'on cite aux environs de Chalcis, en Eubée. 4 On peut ajouter que, dans les poissons, le fiel est fort loin du foie, ainsi que nous l'avons déjà dit. Mais Anaxagore se trompe quand il suppose que la bile est cause de maladies aiguës, lorsque, par suite de son abondance excessive, elle reflue vers le poumon, les veines et les côtes, qu'elle remplit. En général, les animaux qui souffrent de ces affections morbides n'ont pas de bile ; et c'est ce qu'on verrait clairement si l'on prenait la peine de les disséquer. La quantité de bile qui se forme dans ces maladies et celle qui s'épanche n'ont pas le moindre rapport. 5 A notre avis, de même que la bile qui peut se trouver dans le reste du corps n'est qu'une excrétion et une pourriture de certaine espèce, de même celle qui est dans le foie n'est également qu'une excrétion d'un certain genre, et n'a pas de but ultérieur, non plus que le dépôt qui se forme dans le ventre et dans les intestins. Il est vrai que parfois la nature utilise les excrétions mêmes ; mais ce n'est pas à dire qu'il faille chercher toujours à découvrir dans quel but la chose est faite; et il faut se borner à constater que, telles conditions étant données, il y a beaucoup d'autres phénomènes qui, de toute nécessité, suivent ces premières conditions. 6 Les animaux chez lesquels la constitution du foie est saine et chez lesquels la partie du sang qui, par la sécrétion, se rend dans le foie, est naturellement douce, ne retiennent pas du tout de bile dans le foie, ou n'en ont que dans quelques petites veines ; ou bien les uns en ont, tandis que les autres n'en ont pas. Aussi, les foies de ceux qui n'ont pas de bile sont d'une belle couleur et d'un goût agréable, du moins le plus ordinairement; et dans ceux qui ont de la bile, la partie du foie la plus douce au goût est précisément celle qui est sous la bile. Quand la constitution des parties est d'un sang moins pur, l'excrétion qui en est formée devient de la bile; car l'excrétion est, on peut dire, le contraire de la nutrition, comme la saveur amère est le contraire de la saveur douce; et le sang qui est doux est celui qui fait la santé. 7 On doit donc bien voir que la bile n'a pas un but spécial pour cause ; mais qu'elle est une purgation. Aussi, donnons-nous pleine raison aux anciens naturalistes qui disent que ce qui contribue à faire vivre certains êtres plus longtemps, c'est de n'avoir pas de bile, et qui rapportent cette observation aux solipèdes et aux cerfs ; ces animaux, en effet, n'ont pas de bile, et ils vivent très vieux. Mais d'autres animaux dont ces observateurs n'ont pas dit qu'ils soient sans bile, comme le dauphin et le chameau, ont aussi une existence très longue, 8 La raison reconnaît donc que cette fonction du foie, qui est si utile et si nécessaire, se trouve dans tous les animaux qui ont du sang, et que, selon ce qu'elle est, elle devient la cause d'une vie plus ou moins longue. (678a) Il n'est pas moins conforme à la raison qu'une sécrétion de ce genre appartienne à ce viscère et n'appartienne à aucun autre. Car il n'est pas possible qu'aucun fluide du même genre approche du cœur, qui ne pourrait supporter aucune affection violente. Les autres viscères ne sont jamais absolument indispensables aux animaux ; et il n'y a que le foie qui soit dans cette condition. On aurait certainement tort de croire qu'il n'y a pas d'excrétion partout où l'on voit du flegme ou un dépôt du ventre; mais il n'est pas moins clair que la bile est une excrétion, et que la différence des lieux n'a en ceci aucune importance. [4,3] CHAPITRE III. 1 Nous venons de voir ce qu'est la bile, et pourquoi certains animaux en ont, tandis que d'autres n'en ont pas; maintenant, il nous reste à parler du mésentère et de l'épiploon, puisque ces deux viscères sont aussi dans le même lieu et qu'ils font partie de ces organes. L'épiploon est une membrane garnie de suif chez les animaux qui ont du suif, et garnie de graisse chez ceux qui ont de la graisse ; et nous avons expliqué antérieurement la nature de la graisse et du suif. 2 Dans les animaux qui n'ont qu'un seul estomac et dans ceux qui en ont plusieurs, l'épiploon est de la même manière suspendu, à partir du milieu de l'estomac, comme une couture tracée au-dessous. Il enveloppe le reste du ventre et la totalité des intestins, dans tous les animaux qui ont du sang, soit terrestres, soit aquatiques ; sa disposition y est toujours semblable, et l'organisation de ce viscère est indispensable telle qu'elle est. 3 En effet, quand un mélange de sec et d'humide vient à s'échauffer, l'extrémité se change toujours en une sorte de peau et de membrane ; or ce lieu du corps est constamment plein d'aliments de cette espèce. De plus, l'épaisseur même de la membrane fait que la partie du sang nourricier qui y filtre devient nécessairement de la graisse, puisque c'en est la partie la plus légère ; et que, recuite par la chaleur qui est dans ces lieux, elle se change en suif et en graisse, au lieu de rester de la chair et du sang. 4 Telle est donc l'origine de l'épiploon, qui est ce qu'on vient de dire ; la nature l'emploie pour achever la complète coction des aliments, et faire que les animaux digèrent et cuisent leur nourriture plus aisément et plus vite. La chaleur fait cuire les choses; or, la graisse est chaude, et l'épiploon est gras. Si donc l'épiploon est flottant au milieu du ventre, c'est pour que la partie postérieure concoure à la coction avec le foie, qui est placé tout auprès. [4,4] CHAPITRE IV. 1 Après avoir parlé de l'épiploon, nous devons dire que le viscère nommé le mésentère est une membrane qui existe sans discontinuité, à partir de toute l'étendue des intestins (678b) jusqu'à la grande veine et à l'aorte ; il est rempli de veines nombreuses et épaisses, qui se rendent des intestins à l'aorte et à la grande veine. Nous trouverons que son organisation est aussi nécessaire que celle de toutes les autres parties du corps ; et pour peu qu'on y regarde, on comprendra pourquoi le mésentère a été donné aux animaux qui ont du sang. 2 En effet, comme nécessairement les animaux doivent tirer leurs aliments du dehors, et que c'est de ces aliments que provient la nourriture définitive qui se répartit dans toutes les parties du corps, et qui, n'ayant pas de nom dans les animaux dépourvus de sang, s'appelle le sang dans les animaux qui en ont, il doit y avoir quelque organe qui permette à la nourriture de cheminer de l'estomac dans les veines, comme à travers des racines. 3 Les plantes ont leurs racines dans le sol, d'où elles tirent leur nourriture ; chez les animaux, c'est l'estomac et l'action puissante des intestins qui est la terre destinée à leur fournir l'alimentation. La nature du mésentère est en quelque sorte d'avoir pour racines les veines qui le traversent. On voit par là ce qu'est la fonction du mésentère et son objet. Quel est le procédé par lequel les animaux se nourrissent, et comment, extrait des aliments ingérés, circule, par le moyen des veines dans les diverses parties du corps, ce qui est successivement transporté dans les veines, c'est ce que nous dirons plus tard dans nos traités sur la Génération des animaux et sur l'Alimentation. 4 Nous venons de montrer ce qu'est l'organisation des animaux qui ont du sang dans les parties spéciales que nous avons étudiées, et nous en avons expliqué les fonctions. La suite et le complément de ce qui précède seraient de parler de tout ce qui se rapporte et concourt à la génération, en tenant compte des différences qui distinguent la femelle du mâle; mais, comme nous aurons à traiter plus tard de la génération, il sera plus convenable de renvoyer ce que nous aurons à dire sur ces sujets à l'étude spéciale que nous aurons à en faire. [4,5] CHAPITRE V. 1 Les animaux qu'on appelle mollusques et crustacés présentent une grande différence avec les précédents ; et cette différence consiste tout d'abord en ce qu'ils n'ont pas une organisation intestinale qui soit complète, non plus que tous les animaux qui sont privés de sang ainsi qu'eux. On sait, en effet, qu'il y a encore deux autres genres d'animaux exsangues, les crustacés et les insectes. Aucun de ces animaux n'a le fluide qui compose les entrailles, c'est-à-dire le sang, qui fait essentiellement partie de la nature des intestins. 2 Qu'il y ait des animaux pourvus de sang et d'autres qui en sont privés, c'est là ce qui ressort de la définition essentielle des uns et des autres ; et les exsangues n'ont rien de ce qui exige des viscères intestinaux dans les animaux qui ont du sang ; (679a) car, n'ayant ni veines ni vessie, et ne respirant pas non plus, ils n'ont nécessairement besoin que d'avoir un organe qui réponde au cœur, puisque, chez tous les animaux sans exception, la sensibilité qui appartient à l'âme, et qui est la cause de la vie, doit résider dans un certain principe de leurs organes et de leur corps. 3 Tous les animaux exsangues eux-mêmes ont nécessairement aussi des organes qui servent à la nutrition ; et la manière différente dont ils s'alimentent tient aux lieux de leur corps qui reçoivent les aliments. Ainsi, les mollusques ont deux dents autour de la partie qu'on appelle leur bouche; et, dans cette bouche, il y a, en place de langue, un appendice charnu qui leur fait sentir le goût agréable de leurs comestibles. Les crustacés ont d'abord, comme les mollusques, les premières dents et le morceau de chair analogue à la langue ; mais les testacés ont tous aussi un organe de ce genre, par la même cause qu'en ont les animaux pourvus de sang, c'est-à-dire pour goûter leur nourriture. 4 Quant aux insectes, quelques-uns ont également une trompe, qui sort de leur bouche ; et telles sont les abeilles et les mouches, dont on a parlé déjà. Ceux des insectes qui n'ont pas un aiguillon antérieur, ont un organe de ce genre dans la bouche, comme l'ont les fourmis et tels autres insectes analogues. Parmi eux, les uns ont des dents, qui sont d'ailleurs organisées autrement, comme en ont les mouches et les abeilles ; les autres, dont la nourriture est liquide, n'en ont pas ; car beaucoup d'insectes ont des dents, qui leur servent non à se nourrir, mais a se défendre. 5 Les testacés ont tantôt, comme on l'a dit au début, cet appendice très dur qu'on appelle leur langue, et tantôt les deux dents, qu'ont les crustacés; et tel est le limaçon. 6 A la suite de la bouche, les mollusques ont un long œsophage ; et après l'œsophage, un gésier pareil à celui des oiseaux. Puis, l'estomac vient après le gésier; et tenant à l'estomac, vient l'intestin, qui est simple jusqu'à l'orifice de sortie. Chez les seiches et les polypes, l'estomac est, pour sa forme et pour sa consistance au toucher, organisé de la même manière. Dans les animaux qu'on appelle des teuthies, on voit également deux cloaques en forme d'estomacs, dont l'un s'éloigne davantage d'un gésier; et ils diffèrent des polypes et des seiches en ce que leur corps tout entier se compose d'une chair plus molle. 7 Du reste, ces parties sont ainsi disposées chez ces animaux par le même motif que chez les oiseaux. Aucun d'eux, en effet, ne peut broyer sa nourriture; et voilà pourquoi il y a un gésier placé en avant de l'estomac. C'est aussi pour se défendre et assurer leur salut que ces animaux sont pourvus de ce qu'on appelle leur encre, contenue dans un manteau membraneux; (679b) et ce manteau a une issue et une extrémité par laquelle l'animal rejette les excréments du ventre, dans l'organe qu'on nomme le conduit. Ce conduit est placé dans les parties de devant. 8 Tous les mollusques ont cet organe spécial ; mais il est surtout remarquable chez la seiche, et il y est plus développé. Dans les moments de crainte et de péril, les seiches font une sorte de rempart en avant de leur corps en noircissant et en troublant l'eau. Les teuthies et les polypes tiennent leur encre en haut, sur la mytis, tandis que la seiche la tient en bas sous le ventre. Elle a aussi davantage de cette encre, parce qu'elle s'en sert plus souvent. 9 La seiche est ainsi organisée, parce que sa vie se passe près de la terre ; elle n'a pas d'autre moyen de défense, tandis que le polype a pour lui ses tentacules, dont il se sert fort utilement, et le changement de couleur, qu'il opère comme la seiche, qui, dès qu'il y a quelque crainte, projette son encre par la même cause. La teuthis est la seule parmi ces animaux à être de haute mer. 10 La seiche a donc comparativement une plus grande quantité d'encre ; et comme elle en a davantage, elle l'a au bas du corps. Cette quantité plus grande lui permet de lancer son encre plus aisément et de loin. L'encre se produit dans la seiche, comme chez les oiseaux se produit le dépôt blanchâtre et terreux sur l'excrément. Chez la seiche, l'encre se produit aussi, parce que la seiche non plus n'a pas de vessie. La partie la plus terreuse s'y dépose sur l'encre, qui est d'autant plus abondante dans la seiche qu'elle a plus de terreux en elle. Ce qui prouve que l'encre n'est que cela, c'est l'os de la seiche, qui est également terreux, tandis que le polype n'en a pas ; et que l'os de la teuthis est cartilagineux et léger. 11 On vient de dire pourquoi, parmi ces animaux, les uns ont de l'encre et pourquoi les autres n'en ont pas, et dans quelle mesure en ont les espèces organisées de cette façon. Ces animaux n'ont pas de sang; et par cela même, ils sont sujets à se refroidir et à être craintifs, de même que, chez quelques personnes, le ventre se trouble et se relâche, pour peu qu'elles aient quelque crainte, et que, chez d'autres, la vessie laisse échapper sa sécrétion. De même, c'est aussi la peur qui fait que ces animaux lancent leur encre, contraints à cette émission nécessaire, qui leur sort, comme l'urine sort régulièrement de la vessie. Mais ici la nature emploie cette sécrétion telle qu'elle est, tout à la fois pour défendre l'animal et pour le sauver. 12 Les crustacés, soit de l'espèce des langoustes, soit de l'espèce des crabes, ont les deux premières dents ; et entre ces dents, le morceau de chair en forme de langue, ainsi que nous l'avons déjà dit. Ils ont l'œsophage immédiatement après la bouche ; cet œsophage est petit comparativement à la dimension de leur corps, et les plus grands l'ont petit, comparativement aux plus petits. A la suite de l'œsophage, vient l'estomac, sur lequel les langoustes et quelques crabes ont d'autres dents, parce que celles d'en haut ne sont pas assez tranchantes ; mais à partir de l'estomac, ils ont un intestin qui est simple et tout droit jusqu'à l'orifice donnant issue aux excréments. (680a) 13 Les testacés ont tous aussi ces mêmes organes, plus distincts chez les uns, moins distincts chez les autres; ces détails sont reconnaissables surtout chez les plus grands. Les colimaçons ont, ainsi qu'on l'a dit, des dents dures et aiguës ; l'intervalle de ces dents est charnu, comme dans les mollusques et dans les crustacés. Ils ont également la trompe, qui tient le milieu entre le dard et la langue, comme on l'a dit plus haut. À la suite de la bouche, vient une sorte de gésier, dans le genre de celui des oiseaux. Puis, à la suite de ce gésier, vient l'œsophage ; l'œsophage est suivi de l'estomac, dans lequel se trouve ce qu'on nomme la micon ; et après la micon, vient l'intestin, qui en part tout entier. Cette excrétion, qui se trouve dans tous les testacés, est la partie qui est particulièrement bonne à manger. 14 Les autres turbines, tels que les pourpres et les buccins, sont organisés de même que le colimaçon. D'ailleurs, il y a beaucoup de genres et d'espèces ; il y a, par exemple, les turbines comme ceux dont on vient de parler; d'autres ont deux valves, tandis que d'autres encore n'en ont qu'une. Les turbines ressemblent bien aussi aux bivalves; ils ont tous, dès leur naissance, des opercules sur la partie découverte de la chair, comme en ont les pourpres, les buccins, les nérites et toutes les espèces analogues. Ces opercules servent â les défendre; car là où la coquille ne s'étend pas, il y a plus de chance que l'animal soit blessé par les accidents du dehors. 15 Les univalves, étant attachés au roc, sont protégés par la déclivité de leur coquille; et grâce à une couverture qui ne leur appartient pas, elles deviennent en quelque sorte des bivalves, comme les coquillages qu'on appelle les lépades. Au contraire, les bivalves tels que les peignes et les moules deviennent univalves en se contractant; et les turbines deviennent, par cet opercule, en quelque sorte bivalves d'univalves qu'ils étaient. Le hérisson de mer a plus de ressources que tous les autres; car sa coquille se réunit en boule, et il est défendu par le rempart de ses piquants ; c'est une propriété toute spéciale qu'il possède parmi les testacés, ainsi qu'on l'a déjà dit. 16 Les crustacés et les testacés ont une organisation absolument opposée à celle des mollusques. Les uns ont la partie charnue à l'extérieur; les autres l'ont en dedans, avec la partie terreuse au dehors; mais le hérisson n'a aucune espèce de chair. Du reste, tous ces animaux et les autres testacés ont une bouche, puis une sorte de langue, un estomac, et un orifice pour l'issue des excréments. Il n'y a de différence que dans la position et la grandeur de ces organes. (680b) On peut voir la constitution de chacun de ces êtres, soit parce qui en est dit dans l'Histoire des Animaux, soit d'après les Descriptions Anatomiques ; car il y a des choses qu'il est plus facile de faire comprendre clairement par des explications, et d'autres par la vue. 17 Parmi les testacés, les hérissons et l'espèce de ce qu'on appelle les téthyes présentent une organisation singulière. Ainsi, les hérissons ont cinq dents, et la partie charnue est au centre; ce qui est également l'organisation de tous les animaux dont on vient de parler; mais ils ont à la suite un œsophage, et, à partir de ce point, un estomac divisé en plusieurs sections, comme si l'animal avait plusieurs estomacs. Tous ces estomacs sont, en effet, isolés les uns des autres et pleins d'excrétion ; ils dépendent tous d'un seul et unique œsophage, et ils se terminent à une seule issue, qui est celle des excréments. Sauf l'estomac, ils n'ont absolument rien de charnu, ainsi qu'on l'a dit. Leurs œufs, ou ce qu'on appelle de ce nom, sont nombreux et renfermés chacun isolément dans une membrane ; et à partir de la bouche et tout autour, ils ont certains corpuscules noirs, répandus un peu confusément, et auxquels on n'a pas donné de nom. 18 Les genres de hérissons étant fort multipliés, puisqu'il n'y a pas pour eux un genre uniforme, tous sont pourvus de ces organes ; mais, chez tous, les œufs ainsi nommés ne sont pas comestibles ; et ces œufs sont très petits, à l'exception de ceux de la surface. Du reste, c'est là une observation qu'on peut faire sur tous les autres testacés ; la chair de tous n'est pas également bonne ; et leur excrétion qu'on appelle le micon est mangeable chez les uns, tandis qu'elle ne l'est pas chez les autres. Chez les turbines, le micon est dans la spire ; dans les univalves, elle est dans le fond, comme chez les lépades ; et, dans les bivalves, elle est à la jointure qui les ferme. 19 Chez les bivalves, ce qu'on appelle l'œuf est à droite, et la sortie des excréments se fait de l'autre côté, à gauche. On a tort du reste d'appeler cela un œuf; car ce n'est que de la graisse, comme chez les animaux qui ont du sang, quand l'animal se porte bien. Aussi, cet œuf prétendu ne se montre-t-il qu'aux époques de l'année où l'animal est en pleine santé, au printemps et à l'automne ; car tous les testacés souffrent du froid et de la grande chaleur; et les deux excès de température leur sont également nuisibles. 20 On le voit bien par les hérissons de mer ; car ils ont cet œuf dès leur naissance, et ils l'ont plus gros pendant les pleines lunes, non pas parce qu'ils mangent davantage, ainsi qu'on le suppose, mais parce que les nuits sont plus échauffées par la lumière de la lune. Comme ils n'ont pas de sang, ils supportent mal le froid, et ils ont besoin de chaleur pour se réchauffer. Aussi, sont-ils partout mieux portants durant l'été, sauf ceux de l'Euripe de Pyrrha, qui ne se portent pas moins bien en hiver, (681a) parce qu'alors leur nourriture est plus abondante, les autres poissons quittant ces lieux durant cette saison. 21 Les hérissons ont tous le même nombre d'œufs, et toujours en nombre impair; ils en ont cinq, c'est-à-dire autant que de dents et d'estomacs. Cela tient à ce que cet œuf prétendu n'est pas du tout un œuf, ainsi que nous venons de le dire, et que c'est seulement l'embonpoint de l'animal bien nourri. Ce prétendu œuf ne vient que d'un seul côté chez les huîtres. C'est absolument aussi la même chose pour les hérissons. Comme le hérisson est presque sphérique et que le cercle du corps n'est pas unique, ainsi qu'il l'est dans les autres huîtres, et comme le hérisson ne cesse pas d'être sphérique, l'étant tantôt ici et tantôt ne l'étant pas là, et qu'il est partout égal à cause de sa sphéricité, il y a nécessité que l'œuf soit aussi disposé de la même façon ; car le cercle ne peut pas être dissemblable comme dans les autres crustacés. 22 Tous ces animaux ont la tête au centre; et cette partie ressemblant à une tête se trouve en haut. Dès lors, il est impossible par cela même que l'œuf soit continu ; il n'est que dans une certaine partie du cercle, et non dans les autres. Il faut donc, puisque cette disposition est commune dans tous, et que cet animal est le seul à avoir le corps sphérique, que les œufs ne soient pas en nombre pair. L'animal aurait été organisé en diamètre, parce qu'il aurait fallu que les deux parties de l'un et l'autre côté fussent pareilles, si les œufs avaient été en nombre pair et disposés diamétralement. S'il en eût été ainsi, les œufs se trouveraient des deux cotés du cercle. Mais ceci n'était pas possible pour les hérissons, non plus que pour les autres huîtres; et, en effet, les huîtres et les peignes n'ont cette partie que d'un seul des côtés de la circonférence. 23 II y avait donc nécessité qu'il y eut trois ou cinq œufs, ou tel autre nombre impair ; mais à trois, ils eussent été trop éloignés; à plus de cinq, ils eussent été continus en se touchant. La première alternative n'était pas la meilleure ; la seconde était impossible. Il fallait donc que ces animaux eussent cinq œufs. 24 C'est par la même raison que l'estomac de ces animaux est divisé en autant de parties, et que le nombre de leurs dents est ce qu'il est, c'est-à-dire de cinq. Chaque œuf étant en quelque sorte un corps de l'animal, il fallait nécessairement que chaque œuf fût dans un rapport semblable avec son genre d'existence, puisque c'est de là que l'animal tire sa croissance; car s'il n'y avait eu qu'un seul estomac, les dents eussent été trop loin, ou elles auraient rempli toute la place, de sorte que le hérisson eût eu grand'peine à se mouvoir, et que le creux ne se serait pas rempli de nourriture. Mais les intervalles étant au nombre de cinq, il a fallu que l'estomac, qui correspond à chacun d'eux, fût également partagé en cinq. C'est par la même raison que le nombre des dents doit être de cinq aussi ; et la nature sait par là donner et répartir à toutes ces parties une organisation égale. (681b) 25 On voit donc pourquoi le hérisson a des œufs en nombre impair, et pourquoi ces œufs sont au nombre de cinq. Ce qui fait que les uns ont des œufs très petits, et que les autres ont de grands œufs, c'est que les derniers ont naturellement plus de chaleur. La chaleur a la force de cuire davantage les aliments; et voilà pourquoi les hérissons qui ne sont pas comestibles sont aussi plus remplis d'excrétion. C'est la chaleur de leur nature qui les dispose à être plus mobiles, de sorte qu'ils vont à la pâture et ne restent pas en place. Ce qui le prouve bien, c'est que ces sortes de hérissons ont toujours quelque chose à leurs piquants, par suite évidemment des mouvements qu'ils se donnent en tous sens. Leurs piquants leur servent de pieds. 26 Quant aux téthyes, leur nature diffère très peu de la nature des plantes, bien qu'elles soient plus animales que les éponges, qui sont tout à fait dans la condition de la plante. C'est que la nature passe sans discontinuité des êtres sans vie aux animaux qui en sont doués, par l'intermédiaire d'êtres qui ont la vie, sans être cependant des animaux ; et ces êtres sont tellement rapprochés les uns des autres, qu'ils ne semblent offrir qu'une différence excessivement légère. 27 Pour l'éponge, qui ne peut vivre, comme on l'a dit, que quand elle est attachée à quelque chose, et qui ne vit plus quand on la détache, elle ressemble absolument à un végétal. Les holothuries, ainsi dénommées, les poumons marins et d'autres animaux analogues qui habitent la mer, ne différent que très peu de ceux-là, en ce qu'ils peuvent se détacher. Ces êtres n'ont aucun des sens ; et ils vivent comme des plantes qui seraient détachées du sol. 28 Car même parmi les plantes de terre, il y en a quelques-unes qui, étant organisées de la même manière, peuvent tantôt vivre et se développer aussi sur d'autres plantes ; et tantôt vivent même en étant détachées, comme cette plante du Parnasse qu'on appelle l'Epipètre (la Pierreuse), et qui vit longtemps encore après qu'on l'a suspendue au sommet des piquets. 29 Les téthyes, et les autres animaux de cet ordre, s'il en est, se rapprochent de la plante en ce qu'elles ne peuvent vivre comme elle qu'en étant attachées à quelque chose. On pourrait croire qu'elles ont quelque sensibilité, parce qu'elles ont une partie charnue; mais on ne sait comment on doit les classer. Cet animal a deux conduits et une seule fente, qui reçoit le liquide propre à sa nutrition, et qui rejette le résidu de ce fluide. On ne voit pas clairement qu'il ait des excréments, comme les autres testacés. 30 On pourrait donc à bien juste titre et très particulièrement l'appeler un végétal, ainsi que toutes les espèces d'animaux qui lui ressemblent, puisque le végétal n'a pas non plus d'excréments. La fente légère qui est au milieu peut bien être prise pour le point essentiel de la vie. Quant aux animaux qu'on appelle tantôt Cnides, et tantôt Acalèphes, ce ne sont pas des testacés ; (682a) ils sortent de toutes les divisions admises, et leur nature participe à la fois de la plante et de l'animal. En effet, ce sont des espèces d'animaux, puisque quelques espèces se détachent et vont chercher leur nourriture, et qu'elles sentent aussi les corps qui se détachent d'elles. De plus, elles savent se défendre à l'aide de la dureté de leur corps. Mais par leur imperfection et aussi par leur faculté de s'attacher vite aux rochers, elles se rapprochent beaucoup de la plante ; elles s'en rapprochent en outre par l'absence de tout excrément, du moins de tout excrément visible, bien qu'elles aient une bouche. 31 L'espèce des étoiles de mer ressemble beaucoup aux précédentes ; car elles se jettent sur les huîtres pour en sucer plusieurs, et elles ressemblent aussi à ceux des animaux qui se détachent, parmi ceux qu'on vient de nommer, mollusques et crustacés. On pourrait en dire autant des testacés. 32 Les organes de l'alimentation, qui sont absolument nécessaires à tous les animaux, sont tels qu'on vient de les décrire ; et par une suite non moins évidente, il faut aussi qu'ils aient une partie correspondante à celle qui, chez les animaux pourvus de sang, constitue le siège principal de la sensibilité ; car c'est là une partie indispensable à tous les êtres animés. Dans les mollusques, c'est une partie liquide placée dans une membrane, par laquelle l'œsophage s'étend jusqu'à l'estomac; cette membrane est plutôt en arrière; et c'est ce qu'on appelle parfois la Mytis. Il y a même quelque chose de ce genre à peu près dans les crustacés, qu'on nomme la Mytis également. 33 Cet organe est tout à la fois liquide et solide comme un corps, et il est traversé dans son milieu par l'œsophage, ainsi qu'on l'a déjà dit. S'il était placé entre l'œsophage et la partie postérieure de l'animal, il n'aurait pas pu prendre aussi aisément la distension indispensable pour la nourriture qui entre; la dureté de son dos eût été un obstacle. Mais l'intestin est en dehors sur la Mytis, et l'encre est sur l'intestin, pour que ces parties fussent le plus loin possible de l'orifice de sortie, et pour que tout ce qui pouvait nuire à l'animal fût éloigné de sa partie la meilleure, et de son principe. 34 Ce qui prouve bien que cet organe est analogue au cœur, c'est d'abord le lieu où il est placé; car ce lieu est le même ; et ensuite c'est la douceur du liquide, qui semble parfaitement cuit et sanguin. Dans les testacés, le siège principal de la sensibilité est disposé de même ; mais c'est moins apparent. Chez les animaux qui sont immobiles, on doit toujours chercher ce principe dans le milieu des deux organes, dont l'un reçoit la nourriture et dont l'autre accomplit la sécrétion, soit spermatique, soit excrémentielle. (682b) Dans tous les animaux qui se meuvent, ce milieu est toujours à chercher entre la droite et la gauche. 35 Chez les insectes, ainsi qu'on l'a dit dans des Études antérieures, l'organe de ce principe est placé entre la tête et le renflement du ventre. Parfois, cet organe, qui le plus souvent est unique, devient multiple, comme on le voit chez les moules et les insectes allongés; et c'est là ce qui fait qu'ils vivent encore après qu'on les a coupés en deux. Le vœu de la nature est bien qu'un tel organe soit toujours unique ; et quand elle ne le peut pas, elle fait du moins cet organe unique en fait, et multiple en puissance. Du reste, ceci est plus ou moins évident selon les divers animaux. 36 D'ailleurs, les organes nécessaires à l'alimentation ne sont pas les mêmes dans tous ces animaux, et ils offrent des différences considérables. Chez quelques-uns, ce qu'on appelle le dard est dans la bouche ; et l'on dirait que c'est en quelque sorte un composé qui réunit tout ensemble les fonctions de la langue et celles des lèvres. Ceux qui n'ont pas leur dard en avant ont cet organe de sensibilité à l'intérieur des dents ; mais chez tous vient ensuite l'intestin tout droit, et simple jusqu'à l'orifice pour la sortie des excréments. Chez quelques-uns, l'intestin est en spirale. D'autres ont l'estomac après la bouche, et l'intestin, enroulé après l'estomac, afin que ceux qui ont plus besoin de manger, et qui sont plus gros, puissent recevoir une plus grande quantité de nourriture. 37 C'est la cigale qui, de toutes ces espèces, a l'organisation la plus singulière. C'est un même organe soudé qui lui sert de bouche et de langue ; et c'est une sorte de racine par où elle prend la nourriture qu'elle puise dans les liquides. Ce sont les insectes qui mangent le plus comparativement aux autres animaux, non pas tant à cause de leur petitesse qu'à cause de leur froideur ; car la chaleur a besoin d'aliments, et elle les cuit très vite, tandis que le froid ne nourrit pas bien. Mais à cet égard, la cigale se distingue très spécialement. Son corps se contente de l'humidité qui provient de l'air, comme les éphémères que voit naître le Pont-Euxin, si ce n'est que ces derniers ne vivent que l'espace d'une seule journée, tandis que les cigales vivent davantage de jours, tout en n'en vivant encore que fort peu. 38 Après avoir parlé des parties intérieures des animaux, il nous faudrait arriver à leurs parties extérieures. Mais nous pouvons partir de ce que nous avons déjà dit, sans nous occuper de ce que nous laissons de côté, afin qu'après nous être peu arrêté à ce qui exige moins d'attention, notre étude puisse s'attacher plus longuement à ce qui regarde les animaux parfaits qui ont du sang. [4,6] CHAPITRE VI. 1 Les insectes ne sont pas formés d'autant de parties que d'autres animaux, bien qu'ils présentent entre eux assez de différences. Ils ont tous beaucoup de pattes, pour que cette multiplicité leur rende le mouvement plus facile, entravé comme il l'est en eux par la lenteur (683a) et la froideur de leur nature. Ceux qui ont le plus de pattes sont ceux qui sont les plus froids, à cause de leur longueur, comme les Ioules. Les insectes, ayant plusieurs principes de vie, ont aussi plusieurs sections ; et c'est par le même motif qu'ils ont beaucoup de pattes. Ceux qui ont les pattes plus petites ont des ailes pour compenser l'insuffisance de leurs pattes. 2 Parmi les insectes ailés eux-mêmes, ceux dont la vie est errante, et qui doivent nécessairement changer de lieux pour pouvoir vivre, ont quatre ailes; et le volume de leur corps est très léger, comme on le voit chez les abeilles et leurs congénères, qui ont deux ailes de chaque côté du corps. Les plus petits de ces insectes n'ont que deux ailes, comme l'espèce des mouches. Ceux qui sont courts et qui vivent davantage sur place ont plusieurs ailes comme les abeilles ; mais ils ont des élytres (fourreaux) à leurs ailes, comme les hannetons et les insectes analogues, pour que les ailes puissent conserver toute leur force; car, restant sédentaires, ils pourraient s'abîmer plus aisément que les insectes qui sont plus mobiles ; et c'est pour cela qu'ils ont un abri qui les protège. 3 Leur aile n'est pas divisée et n'a pas de tuyau. Ce n'est pas une plume; mais une membrane qui se rapproche du cuir, et qui, par sa sécheresse, se détache du corps, qui est refroidi et charnu. Les insectes sont divisés en segments par les raisons qu'on vient de dire, et aussi afin de pouvoir se conserver et se défendre, en se repliant et en ne sentant plus rien. Ceux des insectes qui ont quelque longueur s'enroulent sur eux-mêmes; ce qui leur serait impossible s'ils n'étaient pas segmentés. Ceux qui ne peuvent pas s'enrouler ainsi se rendent plus durs, en rapprochant leurs sections. C'est ce dont on. peut se convaincre en les touchant, par exemple les canthares ; quand ils ont peur, ils se tiennent immobiles; et leur corps se durcit. 4 C'est une nécessité pour eux d'être des insectes, puisque leur essence est d'avoir plusieurs centres de vie ; ce en quoi ils se rapprochent des plantes. En effet, de même que les plantes, ils peuvent vivre encore après qu'on les a divisés, si ce n'est que chez les insectes, ceci ne va que jusqu'à un certain point, tandis que les plantes peuvent devenir naturellement complètes en se divisant, et que d'une seule plante il peut en sortir deux ou même davantage. 5 Il y a des insectes qui, en outre, ont des dards pour se défendre contre tout ce qui leur peut nuire. Les uns l'ont en avant ; les autres l'ont en arrière. Ceux qui l'ont en avant l'ont à la langue ; ceux qui l'ont en arrière l'ont à la queue. De même que, chez l'éléphant, l'organe du sens de l'odorat sert tout à la fois à défendre l'animal (683b) et à lui procurer sa nourriture, de même aussi, dans quelques espèces d'insectes, l'organe placé à leur langue leur rend les mêmes offices ; c'est par cet organe qu'ils sentent leur nourriture, qu'ils la saisissent et qu'ils l'attirent à eux. 6 Ceux qui n'ont pas de dard en avant ont des dents, soit pour manger, soit pour prendre et attirer à eux leurs aliments, comme les fourmis et le genre entier des abeilles. Ceux qui ont le dard en arrière l'ont comme une arme de combat, parce qu'ils sont pleins de courage. D'autres portent leur dard au dedans d'eux-mêmes, comme les abeilles et les guêpes, parce qu'ils volent ; car, légers comme ils sont et toujours dehors, ils seraient facilement détruits. Si leur dard sortait comme chez les scorpions, il aurait fait un poids trop lourd. Mais, chez les scorpions, qui rampent à terre et qui ont un dard, il faut nécessairement qu'ils l'aient de cette façon ; ou autrement, il leur serait inutile pour leur défense. 7 Il n'y a pas d'insecte à deux ailes qui ait le dard en arrière. Comme ils sont faibles et petits, ils ne sont pourvus que de deux ailes, parce qu'étant si petits, il leur suffit pour s'enlever de moyens moins nombreux. C'est encore par cette même raison qu'ils ont leur dard en avant ; car ils sont si faibles que c'est à peine s'ils peuvent frapper avec leurs organes antérieurs. Ceux au contraire qui ont plusieurs paires d'ailes, étant d'une nature plus forte, ont aussi des ailes en plus grand nombre, et ils sont plus forts dans les parties postérieures. 8 Mais comme il vaut mieux, quand cela est possible, que le même organe ne serve pas à des usages dissemblables, il faut que le dard qui doit servir à la lutte soit très aigu, et que celui qui se rapproche d'une langue soit spongieux et puisse pomper la nourriture. Toutes les fois que la nature peut se servir de deux organes pour deux fonctions distinctes et ne pas gêner l'un aux dépens de l'autre, elle ne fait ordinairement rien de ce que font les fabricants qui, par économie, mettent une lampe au bout d'une broche. C'est seulement en cas d'impossibilité que la nature se sert d'un même moyen pour plusieurs usages. 9 Quelques insectes ont les pattes de devant plus grandes que les autres pattes, afin qu'ayant des yeux durs et la vue mauvaise, ils puissent repousser avec leurs pattes antérieures tout ce qui peut les salir et leur nuire. C'est ce que font les mouches, comme on peut l'observer, ainsi que les insectes du genre de l'abeille, qui sont sans cesse à se nettoyer, en croisant leurs pattes de devant. Les pattes de derrière sont plus grandes quo les intermédiaires, à la fois pour aider la marche, et pour que l'animal puisse s'enlever plus aisément quand il part de terre. 10 Dans ceux des insectes qui sautent, cette organisation est encore plus évidente, comme dans les sauterelles, et le genre des poux ; car en étendant leurs pattes de nouveau après les avoir fléchies, il faut nécessairement qu'ils s'élèvent de terre. Ce n'est pas en avant, mais seulement en arrière que les sauterelles ont leurs pattes, en forme de gouvernail. (684a) La flexion doit se faire nécessairement en dedans ; et aucun des membres de devant ne pourrait s'infléchir de cette façon. Tous les insectes qui ont ces organes du saut sont pourvus de six pattes. [4,7] CHAPITRE VII. 1 Le corps des testacés n'est pas divisé en plusieurs parties; et cette organisation tient à ce qu'ils sont naturellement sédentaires. Les animaux qui se meuvent sont nécessairement divisés en plusieurs sections, en vue des actes qu'ils doivent accomplir, parce que ceux qui ont le plus de mouvements à faire ont aussi besoin de plus d'organes. Mais parmi les testacés., les uns sont absolument privés de mouvement; d'autres n'ont qu'un mouvement très faible. En revanche, la nature leur a donné pour protection la dureté des coquilles dont elle les entoure. 2 Les uns sont univalves ; les autres, bivalves ; d'autres encore sont turbines, ainsi que nous l'avons déjà dit. Parmi ceux-là, les uns sont en spirale, comme les buccins ; d'autres sont purement sphériques, comme le genre des oursins ou hérissons de mer. Dans les bivalves, les uns s'ouvrent, par exemple les peignes et les moules, qui se ferment d'un côté, de telle sorte qu'ils s'ouvrent et se ferment du côté opposé. D'autres se rejoignent des deux côtés, comme est le genre des solens. 3 Tous les testacés ont, ainsi que les plantes, la tête en bas ; cela tient à ce qu'ils prennent leur nourriture par en bas, comme les plantes la prennent par leurs racines. Chez les testacés, en effet, le bas est en haut, et le haut est en bas. L'organe par lequel filtre le liquide potable, et par où l'animal prend sa nourriture, est renfermé dans une membrane. Tous les testacés ont une tête ; mais à l'exception de la partie qui reçoit la nourriture, les autres parties de leur corps n'ont pas reçu de nom spécial. [4,8] CHAPITRE VIII. 1 Les crustacés peuvent tous se mouvoir, parce qu'ils ont beaucoup de pieds; il y en a quatre espèces principales, ceux qu'on appelle les langoustes (carabos), les homards (astacos), les squilles (caris), et les crabes (carcinos). Dans chacun de ces genres, il y a beaucoup de sous-espèces, qui ne diffèrent pas seulement par la forme, mais aussi par la grandeur, les unes étant très grandes, et les autres très petites. 2 Les crabes et les langoustes se ressemblent en ce que les uns et les autres ont des pinces. Ces pinces ne leur servent pas à marcher, mais leur tiennent lieu de mains pour prendre et retenir les objets. C'est pour cela aussi qu'ils les plient en sens contraire de leurs pieds; ils fléchissent et roulent les unes en dedans, les autres en cercle, parce que, de cette façon, les pinces servent à porter la nourriture à la bouche, après l'avoir prise. (684b) 3 La différence, c'est que les langoustes ont une queue, tandis que les crabes n'en ont pas. La queue sert aux unes parce qu'elles nagent, et elles s'y appuient comme sur de véritables rames; mais la queue ne servirait en rien aux crabes, parce qu'ils passent leur vie près de la terre, et qu'ils vivent dans les trous. Ceux d'entre les crustacés qui habitent la haute mer ont des pieds beaucoup moins bien disposés pour la marche, comme les maïas, et les crabes appelés les Héracléotes; ils n'ont que très peu de mouvement ; et leur seule ressource, pour leur défense, c'est d'être durs comme des huîtres. 4 C'est par ce motif aussi que les maïas ont les pattes très grêles, et que les Héracléotes les ont très courtes. Les tout petits crabes, qu'on prend avec d'autres petits poissons, ont leurs derniers pieds fort larges, afin de pouvoir s'en servir pour nager, comme si leurs pieds étaient des nageoires ou des rames. Les carides diffèrent des crabes en ce qu'elles ont une queue ; et des craboïdes (langoustes), en ce qu'elles n'ont pas de pinces. Si elles n'en ont pas, c'est qu'elles ont des pieds en plus grand nombre, et c'est à ces pieds qu'est employé le développement que les pinces pourraient prendre. Les carides ont un plus grand nombre de pieds, parce qu'elles nagent plus qu'elles ne marchent. 5 Les parties inférieures du corps et celles qui avoisinent la tête ressemblent à des branchies, pour recevoir le liquide et le rejeter. Mais les femelles des langoustes ont les parties du bas plus larges que les mâles, et elles sont aussi plus velues que les mâles dans l'opercule, parce qu'elles y étalent leurs œufs, et qu'elles ne les déposent pas au dehors d'elles comme le font les poissons, et les autres animaux qui pondent des œufs ; car étant plus larges, elles offrent aussi plus d'espace pour leurs œufs. 6 Les langoustes et les crabes ont tous la pince droite plus grosse et plus forte que la gauche. C'est qu'en général tous les animaux agissent davantage par la droite ; et la nature accorde chacun des organes, ou seul, ou plus énergique, à ceux qui peuvent s'en servir, comme les crocs, les dents, les cornes, les ergots et d'autres organes analogues qui servent à la fois à la préservation de l'animal et à la lutte. 7 Les homards seuls ont indifféremment l'une des pinces plus forte que l'autre, les femelles aussi bien que les mâles. Ce qui fait que les homards ont des pinces, c'est qu'ils appartiennent à un genre qui en a ; et ce qui cause l'irrégularité, c'est que ces animaux sont mutilés, et qu'ils n'emploient pas la pince à son usage naturel, mais à la marche. (685a) 8 Du reste, c'est dans les Descriptions Anatomiques et dans l'Histoire des Animaux qu'on peut voir et étudier chacune de ces parties, leur position, leurs différences mutuelles, et les différences spéciales des mâles et des femelles, pour les parties autres que celles-là. [4,9] CHAPITRE IX. 1 Nous avons déjà traité des organes intérieurs des mollusques, comme nous l'avons fait pour les autres animaux. À l'extérieur, ils ont le sac de leur corps, sans divisions, et les pieds en avant, près de la tête ; en dedans, des yeux autour de la bouche et des dents. Parmi les animaux pourvus de pieds, les uns les ont en avant et en arrière; les autres les ont de côté, comme les polypes et les animaux exsangues. Mais les mollusques ont cette organisation particulière que tous leurs pieds sont sur la partie qu'on appelle en eux le devant. Cela tient à ce que, chez ces animaux, le derrière est soudé au devant, de même que chez les testacés turbines, 2 En général, les testacés sont organisés en partie comme les crustacés, et en partie comme les mollusques. En ce qu'ils ont la partie terreuse au dehors et la partie charnue en dedans, ils ressemblent aux crustacés ; et par la forme de leur corps, ils se rapprochent des mollusques. Tous les testacés ont ces ressemblances; mais ce sont surtout les turbines à hélice qui les présentent. 3 La nature des uns et des autres pourrait être figurée par une ligne droite, comme le serait aussi la nature des quadrupèdes et des hommes. Au sommet de la ligne, la bouche serait représentée par A ; l'œsophage le serait par B ; l'estomac, par C ; et de l'intestin à la sortie des excréments, par D. Dans les animaux qui ont du sang, telle est leur organisation ; sur cette ligne, il y a la tête, et ce qu'on appelle le tronc. C'est en vue de ces parties et en vue du mouvement que la nature a disposé et ajusté toutes les autres parties, comme les membres de devant et ceux de derrière. 4 Dans les crustacés et les insectes, la ligne droite tend à s'établir de la même manière pour les parties intérieures; mais ils diffèrent des animaux pourvus de sang par les organes extérieurs qui doivent servir au mouvement. Les mollusques et les testacés turbines se rapprochent entre eux, mais sont l'opposé des autres. L'extrémité s'infléchit vers le point de départ, (685b) comme si, sur la droite représentée par E, on pliait D vers A. Les parties intérieures ayant pris cette position, elles sont enveloppées chez les mollusques par le manteau, qui, dans les polypes seuls, prend le nom spécial de tête ; et dans les testacés, cette partie est précisément la spire. 5 La seule différence, c'est que chez les uns la partie molle est placée à la circonférence, tandis que chez les autres la nature a mis la partie dure autour du charnu, pour les préserver des dangers que peut produire la difficulté qu'ils ont à se mouvoir. Voilà comment, chez les mollusques et les turbines, l'excrément sort près de la bouche; et la seule différence, c'est que dans les mollusques il sort en bas, tandis qu'il sort de côté dans les turbines. 6 C'est encore pour la même raison que chez les mollusques les pieds sont disposés comme ils le sont, et contrairement à ce qu'ils sont chez les autres. Les seiches et les petits calmars (teuthies) sont en cela dissemblables aux polypes, en ce qu'ils ne font que nager, tandis que les polypes peuvent aussi marcher. Les petits calmars (teuthies) ont les dents du haut, et les deux dernières de ces dents sont plus fortes ; des huit autres, les deux du bas sont les plus grandes de toutes. 7 De même que, chez les quadrupèdes, ce sont les parties postérieures qui sont les plus fortes, de même aussi, chez les seiches et les teuthies, ce sont les dents d'en bas qui sont les plus grandes. Celles-là surtout portent le poids et le meuvent; et les deux dernières sont plus fortes que les moyennes, afin d'agir avec elles et de leur venir en aide. Chez le polype, ce sont les quatre dents du milieu qui sont les plus grosses. 8 Tous ces animaux ont huit pieds ; mais les seiches et les teuthies les ont tout courts, tandis que l'espèce des polypes les a très grands. Elles ont aussi le manteau du corps fort grand, tandis que les polypes l'ont petit, de telle sorte que la nature a retranché quelque chose à leur corps pour développer les pieds chez ceux-ci, tandis que chez celles-là, elle a pris aux pieds pou r accroître le corps. 9 C'est là ce qui fait que les pieds servent aux uns non seulement pour nager, mais aussi pour marcher, tandis qu'ils sont inutiles aux seiches et aux teuthies. Les pieds sont petits ; mais le manteau est grand. Puis, comme les pieds sont petits et ne peuvent leur servir pour s'attacher et n'être pas emportés par les flots et la tempête, ni pour rapprocher les objets éloignés, il y est suppléé par deux trompes fort longues, qui leur permettent de lever l'ancre et de naviguer, comme un bateau, malgré le mauvais temps. (686a) Les seiches et les teuthies s'en servent aussi pour saisir leur proie et s'approprier les objets éloignés. Les polypes n'ont pas besoin de ces trompes, parce que leurs pieds peuvent leur rendre les mêmes services. 10 Ceux qui ont aux pieds des suçoirs et des tentacules y trouvent la même force et la même disposition qu'offraient les tissus où les anciens médecins inséraient leurs doigts. C'est ainsi que ces animaux sont tissus de fibres, à l'aide desquelles ils attirent à eux les petits morceaux de chair et tout ce qui vient à leur portée. Comme elles sont flexibles, elles entourent ces objets; et quand elles se resserrent, elles les pressent et les gardent dans leur intérieur, qui les touche tout entier. N'ayant rien pour attirer leur proie, les uns que leurs pieds et les autres que leurs trompes, ils ont ces organes au lieu de mains, pour lutter et pour tout autre emploi utile. 11 Toutes les autres espèces ont deux rangs de suçoirs ; mais une espèce de polype n'en a qu'un ; cela tient à leur longueur et à leur ténuité; car, étroits comme ils sont, ils ne peuvent avoir qu'un suçoir unique. Ce n'est pas parce que c'est le mieux ; mais c'est là une condition nécessaire de leur organisation toute spéciale. 12 Tous ces animaux ont la nageoire placée circulairement autour du manteau. Dans les autres espèces, elle est continue et sans interruption, ainsi que dans les grands calmars. Mais les plus petites espèces, qu'on appelle les teuthies, ont la nageoire plus large et non pas étroite comme les seiches et les polypes ; cette nageoire ne commence qu'au milieu, et elle ne règne pas circulairement tout autour. Ces animaux ont cet organe pour nager et pour se diriger, comme le croupion chez les oiseaux, et la caudale chez les poissons. Si la nageoire est très petite et à peine visible chez les polypes, c'est que leur manteau est très petit, et que leurs pieds suffisent à les diriger. 13 Voilà ce que nous avions à dire des insectes, des crustacés, des testacés et des mollusques, en ce qui concerne leurs parties intérieures et extérieures. [4,10] CHAPITRE X. 1 Nous allons encore une fois, pour reprendre les choses dès le principe, revenir sur les animaux vivipares qui ont du sang, et nous commencerons par l'étude des parties que nous avions pu laisser de côté, parmi celles dont nous avons déjà parlé. Après que nous aurons fait cette étude, nous en arriverons, en suivant la même méthode, aux animaux ovipares pourvus de sang. 2 Antérieurement, nous avons traité des parties qui, dans les animaux, sont la tête, et ce qu'on appelle le cou et le dos. Tous les animaux pourvus de sang ont une tête. Chez quelques-uns de ceux qui sont exsangues, cette partie n'est pas distincte; par exemple, chez les crabes. Tous les vivipares ont un cou ; mais, parmi les ovipares, les uns en ont un aussi ; les autres n'en ont pas. Tous ceux qui ont un poumon ont un cou également ; mais ceux qui ne tirent pas leur respiration du dehors n'ont pas non plus cette partie. 3 La tête est faite surtout pour le cerveau. Cette partie est de toute nécessité dans les animaux pourvus de sang; et elle est située à l'opposé du cœur, par les raisons que nous avons antérieurement exposées. La nature a aussi placé dans la tête quelques-uns des sens, parce que le mélange du sang y est bien tempéré, et qu'il y est tout à fait propre à entretenir la chaleur du cerveau, en même temps que le calme et la vigueur des sens. Au-dessous, elle y a joint une troisième partie pour l'ingestion des aliments ; car c'était là que ce conduit pouvait être le mieux placé 4. Il était bien impossible que l'estomac fût mis au-dessus du cœur et du point de départ ; et l'estomac étant en bas, comme il y est dans l'état actuel, il n'était pas possible que le passage des aliments fut placé plus bas encore que le cœur, parce qu'alors la longueur du corps eût été trop grande, et que le conduit aurait été trop éloigné du centre du mouvement et de la coction. 5 La tête est donc faite en vue de ces organes. Le cou est fait pour la trachée-artère ; c'est une protection ; et en entourant circulairement l'artère et l'œsophage, il les conserve et les défend. Dans tous les animaux, le cou est flexible, et il a des vertèbres; mais les loups et les lions n'ont le cou composé que d'un seul os. Pour eux, la nature a eu en vue de leur assurer un cou qui leur donnât surtout de la force, plutôt qu'il ne leur servit à d'autres usages. 6 Chez les animaux, les membres antérieurs et le tronc viennent à la suite du cou et de la tête. Mais l'homme, au lieu des membres et des pieds de devant, a des bras, et ce qu'on appelle des mains. Entre tous les êtres, il est le seul qui ait une station droite, parce que sa nature et son essence sont divines. Or, le privilège du plus divin des êtres est de penser et de réfléchir. Mais ce n'eût pas été chose facile que de penser, si la partie supérieure du corps avait été trop lourde et trop considérable. Le poids rend le mouvement bien difficile pour l'esprit et pour l'action générale des sens. 7 Quand la pesanteur et le matériel viennent à l'emporter, il est inévitable que le corps s'abaisse vers la terre ; et voilà comment la nature a donné aux quadrupèdes, au lieu de bras et de mains, leurs pieds de devant, placés sous leur corps, pour qu'ils puissent se soutenir. Tous ceux de ces animaux qui marchent ont nécessairement aussi les deux pieds de derrière ; et ils sont devenus (687a) quadrupèdes, parce que l'âme ne pouvait supporter tout le poids du corps. 8 C'est que tous les animaux, excepté l'homme, ont quelque chose de la constitution du nain ; car il faut entendre par Nain tout être dont la partie supérieure est fort grosse, et dont la partie qui porte le poids et qui marche est relativement petite. A partir de la tête jusqu'à l'issue des excréments, ce qu'on appelle le tronc est en haut. Or, dans l'homme, cette partie de son corps est en harmonie avec les portions inférieures ; et, dans les adultes, elle est beaucoup plus petite, tandis qu'au contraire, chez les enfants, c'est la partie supérieure qui est très forte, et le bas qui est très petit. 9 Aussi les tout jeunes enfants rampent-ils et ne peuvent-ils marcher. Et même, tout d'abord, ils ne rampent pas; mais ils restent immobiles. Aussi, tous les petits enfants sont des espèces de nains; mais, à mesure que l'homme grandit, ce sont les parties inférieures qui se développent. Chez les quadrupèdes, au contraire, ce sont les parties inférieures qui sont d'abord les plus grosses; et, en grandissant, l'animal se développe par en haut, c'est-à-dire, par le tronc compris entre le siège et la tête. 10 C'est encore ainsi que les poulains sont aussi hauts ou presque aussi hauts que des chevaux ; et, quand ils sont tout petits, ils peuvent se toucher la tête avec leur jambe de derrière, tandis que, plus âgés, ce mouvement leur est impossible. Ce sont du reste les solipèdes et les animaux à pieds fourchus qui sont ainsi organisés; ceux qui sont polydactyles et qui sont dépourvus de cornes ont aussi cette forme de nains, mais dans une moindre mesure. Ce sont alors les parties basses qui, relativement aux parties hautes, se développent proportionnellement à la différence originelle. 11 Les oiseaux, les poissons et tous les animaux qui ont du sang sont également conformés comme des nains, ainsi qu'on l'a dit. C'est là ce qui fait qu'ils ont tous bien moins d'intelligence que l'homme. De là vient encore que, dans l'espèce humaine, les enfants comparés aux hommes, ou, entre les hommes mêmes, ceux qui ont, malgré leur âge, quelque chose du nain, sont moins intelligents, bien que d'ailleurs ils puissent avoir d'autres facultés assez remarquables. 12 La cause en est, redisons-le, que le principe de l'âme a trop de peine à se mouvoir et qu'il est trop corporel. La chaleur qui pousse en haut s'amoindrissant de plus en plus et la partie terreuse s'accroissant, les corps des animaux deviennent de plus en plus petits ; le nombre des pieds s'augmente ; les pieds mêmes finissent par disparaître entièrement, et l'animai s'allonge vers la terre. En allant un peu plus loin encore dans cette voie, les êtres animés finissent par avoir le principe de vie tout en bas ; la partie qui avoisine la tête devient à la fin immobile et insensible ; l'animal passe à l'état de plante, ayant le haut en bas et le bas en haut. C'est que, dans les plantes, les racines remplissent les fonctions (687b) de la bouche et de la tête, tandis que la graine est à l'opposé ; car elle se forme en haut et à l'extrémité des branches. 13 On doit voir maintenant pourquoi, parmi les animaux, les uns ont deux pieds, pourquoi les autres en ont plusieurs, et pourquoi quelques-uns sont dépourvus de pieds. On voit aussi comment tels êtres sont des plantes, et tels autres des animaux. Enfin, on a vu pourquoi l'homme est le seul animal qui se tienne droit. Comme sa nature était d'avoir une station droite, il n'avait aucun besoin des membres antérieurs ; mais, à la place de ces membres, la nature l'a pourvu de bras et de mains. 14 Anaxagore prétend que l'homme est le plus intelligent des êtres parce qu'il a des mains ; mais la raison nous dit, tout au contraire, que l'homme n'a des mains que parce qu'il est si intelligent. Les mains, en effet, sont un instrument; et la nature sait toujours, comme le ferait un homme sage, attribuer les choses à qui est capable de s'en servir. N'est-il pas convenable de donner une flûte à qui sait jouer de cet instrument, plutôt que d'imposer à celui qui a un instrument de ce genre d'apprendre à en jouer ? La nature a accordé le plus petit au plus grand et au plus fort ; et non point du tout, le plus grand et le plus précieux au plus petit. 15 Si donc cette disposition des choses est meilleure, et si la nature vise toujours à réaliser ce qui est le mieux possible dans des conditions données, il faut en conclure que ce n'est pas parce que l'homme a des mains qu'il a une intelligence supérieure, mais que c'est au contraire parce qu'il est éminemment intelligent qu'il a des mains. C'est en effet le plus intelligent des êtres qui pouvait se bien servir du plus grand nombre d'instruments ; or la main n'est pas un instrument unique ; elle est plusieurs instruments à la fois. Elle est, on peut dire, un instrument qui remplace tous les instruments. 16 C'est donc à l'être qui était en état de pratiquer le plus grand nombre d'arts et d'industries que la nature a concédé la main, qui, de tous les instruments, est applicable au plus grand nombre d'emplois. On a bien tort de croire que l'homme est mal partagé et que sa constitution est inférieure à celle de tous les animaux, parce que, dit-on, l'homme n'est pas aussi bien chaussé qu'eux, parce qu'il est nu, et qu'il est sans armes pour sa défense. 17 Mais tous les animaux autres que l'homme n'ont jamais qu'une seule et unique ressource pour se défendre ; il ne leur est pas permis d'en changer pour en prendre une autre. Mais il faut nécessairement que, de même que toujours l'animal dort tout chaussé, il fasse aussi tout le reste dans les mêmes conditions ; il ne peut jamais modifier le mode de protection donné à son corps, ni l'arme qu'il peut avoir, quelle qu'elle soit. (688a) Tout au contraire, l'homme a pour lui une foule de ressources et de défenses; il peut toujours en changer à son gré, et avoir à sa disposition l'arme qu'il veut et toutes les fois qu'il le veut. La main devient tour à tour griffe, pince, corne, lance, épée, ou toute autre arme et tout autre instrument. Si elle peut être tout cela, c'est qu'elle peut tout saisir et tout retenir. 18 La conformation même de la main a été parfaitement adaptée à sa destination naturelle. Elle est à la fois capable de s'écarter et de se diviser en plusieurs segments ; c'est parce qu'elle peut s'écarter, qu'elle peut aussi se réunir, bien que la faculté de se réunir n'implique pas nécessairement celle de s'écarter. On peut se servir de la main d'une seule façon, ou de deux, ou même de plusieurs. 19 Les flexions des doigts permettent aisément de tout saisir et de tout presser. D'un côté, il n'y a qu'un seul doigt; et celui-là est court et épais; il n'est pas long. De même que sans la main on ne pourrait absolument rien prendre, de même on ne le pourrait pas davantage, si ce doigt n'était pas ainsi placé de coté ; il presse alors de bas en haut ce que les autres doigts pressent de haut en bas. Cette disposition était indispensable pour qu'il pût fortement serrer ce qu'il prend, comme fait un lien puissant, et que, dans son isolement, il pût égaler l'action de tous les autres. 20 S'il est court, c'est pour qu'il ait la force indispensable, et aussi parce qu'il n'aurait pas été du tout utile s'il eût été long. Il convient aussi que le dernier doigt soit petit et que celui du milieu soit allongé, comme la rame au milieu du navire; car il faut de toute nécessité que l'objet saisi soit saisi surtout circulairement par son milieu, pour qu'on puisse l'utiliser à ce qu'on veut faire. C'est pour cela qu'on appelle le pouce le grand doigt, bien qu'il soit très petit ; car on peut dire que, sans lui, les autres doigts ne serviraient presque à rien. 21 La conformation des ongles n'est pas moins bien conçue. Les autres animaux ont des ongles pour s'en servir; chez l'homme, ils ne sont faits que pour couvrir et pour protéger l'extrémité des doigts. Chez l'homme aussi, les flexions des bras, soit pour approcher la nourriture, soit pour tout autre usage, sont disposées à l'inverse des quadrupèdes. Chez ceux-ci nécessairement, les membres de devant se replient en dedans, parce que, si leurs pieds doivent leur servir pour la marche, la nature veut en outre que les membres de devant ne servent pas seulement à la marche dans ceux de ces animaux qui ont plusieurs doigts, mais que ces membres remplacent les mains, comme l'on voit qu'effectivement ces animaux s'en servent à cette fin. C'est en effet avec les membres de devant qu'ils saisissent les objets et qu'ils combattent, de même que c'est avec les pieds de derrière (688b) que les solipèdes se défendent, parce que, chez eux, il n'y a rien dans les membres de devant qui ressemble ni aux bras ni aux mains. 22 C'est encore pour cela que quelques animaux polydactyles ont cinq doigts aux pieds de devant, et qu'ils n'en ont que quatre aux pieds de derrière; tels sont les lions et les loups, les chiens et les léopards. Ce cinquième doigt tient chez eux la place du grand cinquième doigt de la main. Quant aux petits polydactyles, ils ont aussi cinq doigts aux pieds de derrière, parce qu'ils rampent, et afin qu'appuyés sur un plus grand nombre de doigts, ils montent plus aisément en rampant vers tout ce qui les dépasse et est au-dessus de leur tête. 23 Chez l'homme, il y a entre les bras, et chez les autres animaux entre les pattes de devant, ce qu'on appelle la poitrine. Dans l'homme, il est convenable que la poitrine ait de la largeur; car la position des bras n'empêche pas que cette région du corps ne soit large, puisqu'ils sont de côté. Mais dans les quadrupèdes, cette région doit être étroite, parce que lès membres antérieurs doivent s'étendre en avant, pour la marche et pour tous les changements de lieu. 24 C'est là encore ce qui fait que les quadrupèdes n'ont pas de mamelles dans cette partie du corps. Dans l'homme, au contraire, comme la place est fort large et qu'elle doit couvrir et protéger la région du cœur, et que, dans cette vue, le lieu est garni de chair, les mamelles s'y développent à l'aise. Chez les mâles, ce n'est que de la chair, par la raison qu'on vient de dire ; mais chez les femmes, la nature emploie encore les mamelles à un second usage, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer bien souvent. Ici, c'est dans les mamelles qu'elle dispose la nourriture des nouveau-nés. S'il y a deux mamelles, c'est qu'il y a aussi deux côtés du corps, le gauche et le droit. Elles sont plus fermes chez la femme; et elles sont séparées, parce que c'est aussi en ce point que les côtes se réunissent les unes aux autres, et pour que leur nature ne devînt pas une fatigue. 25 Chez les autres animaux, il était bien impossible que les mamelles fussent placées sur la poitrine entre les jambes, parce qu'elles auraient été un obstacle à la marche. Aussi, chez ces animaux, les mamelles sont-elles disposées de bien des manières. Les solipèdes, qui font peu de petits et qui portent des cornes, ont les mamelles entre les cuisses ; et ils n'en ont que deux. Au contraire, les quadrupèdes qui font beaucoup de petits et qui ont le pied fendu ont les mamelles de côté, sur le ventre, et en grand nombre, comme le porc et le chien. D'autres n'en ont que deux, mais vers le milieu du ventre, comme le lion ; (689a) cela tient chez lui, non pas à ce qu'il fait peu de petits, puisqu'il en fait parfois plus de deux, mais cela tient à ce qu'il a peu de lait. Il emploie à l'entretien du corps toute la nourriture qu'il absorbe, et il en prend rarement, parce qu'il est Carnivore. 26 Quant à l'éléphant, il n'a que deux mamelles seulement, qui sont placées sous les aisselles des membres antérieurs. Ce qui fait qu'il n'a que deux mamelles seulement, c'est qu'il n'a qu'un petit; si ses mamelles ne sont pas dans les cuisses, c'est qu'il est fissipède et qu'aucun fissipède ne les a dans cet endroit. Et si elles sont placées en haut près des aisselles, c'est que ce sont là les premières mamelles chez les animaux qui en ont de nombreuses, et qu'elles sécrètent plus de lait. 27 On peut bien s'en convaincre en observant les porcs. Les petits cochons qui naissent les premiers occupent les premières mamelles ; mais dans l'animal où le jeune doit rester unique, il faut nécessairement qu'il n'y ait que les premières mamelles; et les premières sont les mamelles qui sont placées sous les aisselles. On comprend donc bien pourquoi l'éléphant n'en a que deux, posées dans le lieu où elles sont, tandis que les animaux qui font de nombreux petits ont les mamelles dans la région du ventre, puisqu'il faut plus de mamelles à ceux qui ont plus de petits à nourrir. 28 Comme, en largeur, il ne peut y en avoir que deux seulement, attendu qu'il n'y a également que deux côtés, le gauche et le droit, il est dès lors nécessaire que les mamelles soient placées en long; car la région placée entre les membres de devant et ceux de derrière est la seule à avoir de la longueur. Les animaux qui n'ont pas le pied fendu, qui ne font que peu de petits, ou qui ont des cornes, ont aussi les mamelles entre les cuisses, comme le cheval, l'âne, le chameau, qui n'ont tous qu'un petit, mais dont les uns sont solipèdes et dont le dernier a le pied fourchu ; puis encore, le cerf, le boeuf, la chèvre et tous les animaux de même ordre. 29 Cela tient à ce que, chez ces animaux, la croissance se fait par le haut du corps. Aussi faut-il en conclure que c'est là où l'excrétion et le sang se réunissent en grande abondance, c'est-à-dire dans le bas du corps et vers les issues, que la nature a placé les mamelles ; car c'est où se dirige le mouvement de la nourriture, que là aussi les animaux peuvent prendre celle qu'il leur faut. L'homme femelle et mâle a des mamelles; mais, dans d'autres espèces, quelquefois les mâles n'en ont pas ; par exemple, dans les chevaux, où les uns n'en ont pas, et où les autres en ont, quand les poulains ressemblent à la mère. 30 On vient de voir ce que sont les mamelles ; mais après la poitrine, vient la région du ventre. Le ventre n'est pas limité et fermé par les côtes, à cause de la raison qu'on vient de rappeler tout à l'heure ; c'est-à-dire, pour que les cotes n'empêchent pas (689b) le gonflement qu'amène l'ingestion des aliments, et que provoque nécessairement la chaleur de la nourriture. C'est en outre pour que les côtes ne gênent pas non plus la matrice dans la parturition. L'extrémité de ce qu'on nomme le tronc est la région de la sortie des excréments, soit secs, soit liquides. 31 La nature se sert d'un même organe à la fois pour l'issue de l'excrément liquide et pour l'accouplement, dans toutes les femelles; et à l'exception d'un petit nombre de mâles, dans tous les animaux qui ont du sang et dans tous les vivipares. La raison en est que la semence est un liquide de certain genre et une excrétion; nous nous bornons ici à cette affirmation, que nous nous proposons de démontrer plus tard. C'est par là aussi que, dans les femelles, s'écoulent les menstrues, comme c'est également par là qu'elles émettent leur fruit. 32 Nous nous réservons encore de démontrer ceci un peu plus tard. Mais pour le moment, nous nous bornons à dire que les menstrues sont aussi chez les femelles une excrétion ; les menstrues sont de nature liquide, ainsi que la semence, de telle sorte que, dans ces parties du corps, ce sont les mêmes matières ou des matières assez semblables qui sont sécrétées proportionnellement. Quant à ce qui concerne l'organisation intérieure des parties, et la différence que présentent l'élaboration du sperme et les phénomènes de la grossesse, on peut voir ce qu'il en est dans l'Histoire des Animaux et dans l'Anatomie; et il en sera parlé plus tard dans le Traité de la Génération. 33 Il n'est pas difficile d'ailleurs de remarquer que les formes mêmes de ces diverses parties sont tout à fait nécessaires pour les fonctions qu'elles doivent remplir. L'organe des mâles a des différences qui correspondent aux différences mêmes du corps. Ces organes ne sont pas tous également nerveux de leur nature. De plus, c'est là le seul organe qui, sans altération morbide, se gonfle ou s'abaisse ; car l'un de ces états est indispensable pour que l'accouplement ait lieu, et l'autre ne l'est pas moins à la disposition habituelle du corps, qui en serait fort gêné si l'organe était toujours dans le même état. Mais la constitution naturelle de cet organe est composée d'éléments qui permettent ces deux situations ; il est à la fois nerveux et cartilagineux, de manière à pouvoir se contracter et à pouvoir s'étendre, et à recevoir l'air. 34 Chez les quadrupèdes, toutes les femelles urinent par derrière, parce que cette position leur est utile dans l'accouplement; mais il n'y a que quelques mâles qui urinent de cette façon : le lynx, le lion, le chameau, le lièvre. Pas un seul solipède n'urine par derrière. (690a) 35 Chez l'homme, la disposition des parties postérieures et celle des jambes est très spéciale comparativement aux quadrupèdes. Presque tous les quadrupèdes ont une queue, non seulement les vivipares, mais aussi les ovipares ; et lorsque chez eux cette partie n'est pas développée, elle leur donne encore un moignon dans sa petitesse. Mais l'homme est sans queue ; et il a des fesses, tandis qu'aucun quadrupède n'en a. De plus, l'homme a des membres inférieurs charnus, des cuisses et des jambes ; dans tous les autres animaux, ces parties sont dépourvues de chair. Ce ne sont pas seulement les vivipares, ce sont aussi tous ceux qui ont des pattes. Ces parties sont chez eux musculeuses, ou osseuses, ou même épineuses. 36 La cause, unique peut-on dire, de toutes ces particularités, c'est que l'homme est le seul de tous les animaux qui se tienne droit. En vue de lui faire porter aisément les parties supérieures rendues légères, la nature a diminué le matériel des parties d'en haut pour ajouter du poids à celles d'en bas. Voilà comment, dans l'homme, elle a fait le siège charnu, ainsi que les cuisses et les mollets. En même temps, elle a disposé l'organisation des fesses de manière à ce qu'elles pussent servir aussi au repos. Les quadrupèdes se tiennent sans peine debout, et ils ne souffrent pas d'y rester continuellement; car avec leurs quatre supports, ils sont, on peut dire, toujours couchés. Mais chez l'homme, ce n'est pas chose facile que de rester longtemps debout; et son corps a besoin de repos et d'assiette. 37 Ainsi, l'homme a des fesses et des jambes charnues pour le motif qu'on vient de rappeler ; et c'est là aussi ce qui fait qu'il est sans queue. La nourriture qui se porte vers ces parties du corps est employée à la former; et du moment que l'homme a des fesses, l'usage de la queue n'est plus nécessaire. Mais chez les quadrupèdes et les autres animaux, c'est tout le contraire. Comme ils ont des formes de nains, tout le poids et tout le matériel se portent et s'accumulent vers le haut, aux dépens des parties inférieures. Voilà comment ils n'ont pas de fesses, et comment ils ont des jambes très sèches. 38 Mais pour que la partie qui procure l'expulsion des excréments fut protégée et couverte, la nature leur a donné ce qu'on appelle la queue et le croupion, en retranchant quelque chose de la nourriture qui se porte aux jambes. Quant au singe, comme il participe des deux formes, et qu'il n'appartient à aucune tout en appartenant aux deux, il n'a ni queue ni fesses, étant sans queue parce qu'il est bipède, et n'ayant pas de fesses parce qu'il est quadrupède. (690b) 39 Du reste, il y a de très grandes différences dans ce qu'on appelle les queues ; et la nature emploie aussi ces organes à plusieurs usages détournés, puisqu'elle ne protège et ne couvre pas seulement le siège avec les queues, mais qu'elle les fait servir à la commodité et aux besoins des animaux qui en sont pourvus. 40 Les pieds ne sont pas moins différents chez les quadrupèdes. Les uns sont solipèdes ; les autres ont deux pinces ; d'autres ont plusieurs divisions. Les solipèdes sont ceux chez lesquels, à cause de leur grosseur et de l'abondance de l'élément terreux, cette partie a pris la sécrétion pour la tourner à la nature de l'ongle, au lieu de cornes et de dents ; et alors cette surabondance fait qu'au lieu de plusieurs ongles, il n'y a plus qu'un seul ongle qui est la sole. 41 En général, et par la même raison, les quadrupèdes n'ont pas d'osselet, parce que la flexion de la jambe de derrière eût été beaucoup moins mobile, s'il y avait eu un osselet dedans. Avec une seule articulation, le membre s'ouvre et se ferme plus vite qu'avec plusieurs. L'osselet, qui est un gond, s'introduit comme un membre étranger entre les deux autres ; et tout en donnant du poids, il rend la base plus solide et plus sure. Voilà pourquoi les animaux qui ont un osselet ne l'ont jamais dans les parties antérieures, et qu'ils l'ont dans les membres postérieurs, parce qu'il faut que les parties qui guident le mouvement soient légères et flexibles ; et que ce qui fait la solidité et l'aplomb soit par derrière. 42 L'osselet fait en outre que le coup est bien plus pesant, lorsque l'animal doit se défendre. Les animaux ainsi organisés se servent des membres postérieurs pour ruer contre ce qui les gêne. Les quadrupèdes à deux pinces ont un osselet, parce que les parties de derrière ont chez eux moins de poids ; et comme ils ont l'osselet, ils ne sont pas solipèdes. On dirait que la partie osseuse qui manque aux pieds s'arrête en quelque sorte dans la flexion. Les polydactyles n'ont pas d'osselet ; car s'ils en avaient un, ils ne seraient plus polydactyles ; et la largeur s'est agrandie autant que l'osselet prend de place. Aussi, la plupart de ceux qui ont l'osselet sont-ils pourvus de deux pinces. 43 L'homme a des pieds plus grands que ceux d'aucun autre animal, comparativement à la dimension de son corps ; et on le comprend bien. Comme il est le seul être qui se tienne droit, les deux pieds devant à eux seuls supporter tout le poids du corps doivent avoir aussi longueur et largeur. La dimension des doigts est avec toute raison contraire dans les pieds et dans les mains. La fonction des mains étant de saisir et de serrer les objets, il faut que les doigts soient longs, (691a) puisque la main enveloppe les objets saisis par sa partie fléchissante ; mais la fonction des pieds est de rendre la marche aussi sûre que possible ; et l'on doit croire que c'est à cela que sert la partie du pied qui n'est pas fendue comme les doigts. 44. Il est préférable que l'extrémité soit fendue plutôt qu'elle ne le soit pas. Car le pied tout entier ressentirait par sympathie la souffrance d'une seule de ses parties ; mais cet effet ne se produit plus autant avec la division des doigts telle qu'elle est. De plus, les doigts étant courts peuvent avoir beaucoup moins à souffrir. Voilà comment les pieds de l'homme ont plusieurs divisions, et comment les doigts n'en sont pas longs. C'est encore pour la même raison que l'homme a également des ongles sur les mains, dont les extrémités doivent être couvertes plus que tout le reste, à cause de leur délicatesse. [4,11] CHAPITRE XI. 1 Jusqu'ici nous avons étudié presque tous les animaux qui ont du sang, qui sont vivipares et qui marchent à terre. Parmi les animaux qui ont aussi du sang, mais qui sont ovipares, les uns sont quadrupèdes ; les autres sont dépourvus de pieds. Il n'y a qu'un seul genre d'ovipares terrestres qui soit sans pieds, c'est celui des serpents ; nous avons expliqué d'où vient qu'ils n'ont pas de pieds, dans les études que nous avons consacrées à la Marche des Animaux. 2 Tous les animaux ovipares autres que les serpents ont une forme qui se rapproche de celle des quadrupèdes vivipares. Ainsi, ils ont une tête, et les parties que la tête renferme, à peu de chose près comme les autres animaux qui ont du sang, de même qu'ils ont comme eux aussi une langue dans la bouche. Il faut toutefois excepter le crocodile de rivière, qui ne peut pas sembler avoir précisément une langue, et qui n'en a que la place. Cela tient à ce qu'il est en quelque sorte tout à la fois un animal terrestre et un animal aquatique. En tant que terrestre, il a la place de la langue ; mais en tant qu'il est aquatique, il n'en a pas. 3 Les poissons, comme on l'a vu plus haut, semblent tantôt ne pas en avoir du tout, si on ne leur ouvre fortement la bouche en l'inclinant; et tantôt ils n'en ont qu'une, qui est sans aucune articulation. La cause en est qu'une langue serait bien peu utile aux poissons, parce qu'ils ne peuvent, ni mâcher, ni déguster leurs aliments, mais que la sensation et le plaisir que les aliments leur causent à tous ne consistent qu'à les avaler. C'est la langue qui fait sentir les saveurs des choses, et le plaisir que l'animal éprouve ne consiste que dans le passage des aliments. C'est en avalant que les poissons ont la sensation, soit de la graisse, soit de la chaleur, soit des autres impressions de ce genre. 4 Les vivipares aussi possèdent donc ce sens ; et la plupart des comestibles cuits ou crus (691b) qu'ils avalent leur causent cette satisfaction par le gonflement de l'œsophage. D'ailleurs, les animaux de même espèce ne sont pas tous également avides des aliments liquides ou solides, ni des aliments naturels ou de ceux qu'on leur prépare. Les autres animaux ont bien le sens du goût ; mais ceux-ci ont en quelque sorte un autre sens. 5 Parmi les quadrupèdes ovipares, les lézards, ainsi que les serpents, ont la langue bifide ; et à l'extrémité, cette langue est aussi fine qu'un cheveu, ainsi que nous l'avons déjà dit. Les phoques ont aussi la langue fendue ; et par suite, tous ces animaux sont friands. Les quadrupèdes ovipares ont encore les dents carnassières, comme les ont les poissons. Ils possèdent, du reste, tous les organes des sens, comme les autres animaux; ainsi, ils ont les narines pour sentir l'odeur, les yeux pour voir, les oreilles pour entendre ; mais chez eux, ces derniers organes ne sont pas proéminents, non plus que dans les oiseaux, et il n'y a que le simple conduit. 6 La cause en est pour les uns et pour les autres la dureté de leur peau ; car les uns, parmi ces animaux, ont des plumes; et les derniers ont tous des carapaces. La carapace tient lieu de l'écaillé et y est assez semblable, quoique par sa nature elle ait plus de dureté. C'est ce qu'on peut bien voir sur les tortues, sur les gros serpents et sur les crocodiles de rivière. Leurs écailles deviennent plus dures que des os, ce qui montre bien que c'est là leur nature. Ces animaux n'ont pas la paupière supérieure, non plus que les oiseaux, et ils ferment l'œil à l'aide de la paupière d'en bas, par la raison qu'on a déjà donnée pour ces derniers. Il y a quelques oiseaux qui ferment encore leurs yeux par le mouvement de la membrane qui vient des coins de l'œil; mais ces autres animaux ne clignent pas de cette façon, parce qu'ils ont les yeux plus durs que les oiseaux. C'est que les oiseaux étant destinés à voler ont plus besoin, pour leur subsistance, d'une vue perçante, tandis que les autres en ont bien moins besoin; ils vivent en effet toujours dans des trous. 7. La tête étant divisée en deux portions, celle d'en haut et la mâchoire d'en bas, l'homme et les quadrupèdes ovipares remuent les mâchoires en haut, en bas et de côté ; mais les poissons, les oiseaux et les quadrupèdes ovipares, ne les remuent qu'en haut et en bas seulement. 8 La cause en est que ce dernier mouvement peut servir à déchirer et à mordre, tandis que le mouvement oblique ne sert qu'à broyer. (692a) Le mouvement oblique est fait pour les animaux qui ont des molaires ; mais il ne servirait en rien a ceux qui n'en ont pas; aussi manque-t-il à tous les animaux qui sont organisés de cette façon, parce que la nature ne fait jamais rien d'inutile. 9 Chez tous les autres animaux, c'est la mâchoire d'en bas qui est mobile; le crocodile de rivière est le seul qui fasse mouvoir la mâchoire d'en haut. Cela tient a ce que ses pieds ne servent aucunement, ni à retenir, ni à saisir les choses, parce qu'il sont excessivement petits ; et alors la nature a donné au crocodile, au lieu de pieds, une bouche qui lui est fort utile pour remplacer les emplois auxquels les pieds ne peuvent pas servir. Quand il s'agit de retenir ou de prendre, c'est dans le sens où le coup peut être le plus fort que le mouvement est le plus utilement dirigé. Or le coup est toujours plus fort d'en haut que d'en bas. Mais comme la bouche peut rendre ces deux offices, et peut à la fois prendre et mordre, et que le mouvement de retenir est plus nécessaire à un animal qui n'a ni mains ni pieds adaptés à cet usage, il en résulte que le mouvement de la mâchoire d'en haut est bien plus utile au crocodile que le mouvement de la mâchoire d'en bas. 10 C'est pour la même raison que les crabes remuent la partie supérieure de leur pince, et ne remuent pas la partie d'en bas. Comme ils ont des pinces au lieu de mains, il faut que la pince puisse leur servir à prendre les choses et non à les déchirer ; ce sont les dents qui sont chargées de déchirer et de mordre. Aussi, chez les crabes et chez tous les animaux qui n'ont pas à se presser de saisir les choses, parce que dans l'eau la bouche ne serait pas utile, la fonction est divisée ; ils prennent avec des mains ou des pieds, et ils divisent et ils mordent avec la bouche. Dans les crocodiles, la nature a fait une bouche qui peut leur rendre les deux services à la fois; par le mouvement particulier qu'ont les mâchoires. 11 Tous ces animaux ont aussi un cou, parce qu'ils ont un poumon ; ils reçoivent l'air par la trachée-artère, qui est fort longue. Si l'on entend par le Cou la partie placée entre la tête et les épaules, c'est, de toutes ces bêtes, le serpent qui paraîtra avoir le moins de cou véritable, et seulement quelque chose d'analogue à un cou, si l'on peut définir cette partie d'après les animaux qu'on vient de désigner en dernier lieu. Une particularité qui sépare les serpents de leurs congénères, c'est qu'ils peuvent tourner la tête (692b) en arrière sans que le reste du corps vienne à bouger. 12 La cause en est que, comme les insectes, le serpent peut se rouler, et que ses vertèbres doivent être très flexibles et cartilagineuses. Pour la même raison, cette organisation était d'absolue nécessité chez les serpents; mais elle a lieu aussi en vue du mieux pour les défendre contre tout ce qui pourrait leur nuire par derrière. Le serpent, long comme il est, dépourvu de pieds, n'est pas fait naturellement pour se retourner à son aise, et pour rechercher ce qui se passe derrière lui; il ne lui servirait de rien de lever la tête s'il ne pouvait la tourner. 13 Les animaux de ce genre ont bien une partie de leur corps qui répond à la poitrine ; mais ils n'ont pas de mamelles, ni dans cette région, ni dans aucune autre, pas plus que les oiseaux ou les poissons. Cela tient à ce qu'aucun d'eux non plus n'a de lait. La mamelle est le réservoir et comme le vase du lait ; mais le lait ne se trouve, ni dans ces animaux, ni dans aucun de ceux qui ne sont pas vivipares en eux-mêmes ; aussi, ils font des œufs; et dans l'œuf se trouve la nourriture analogue à ce qu'est le lait dans les vivipares. Nous parlerons du reste plus complètement de tout ceci dans le Traité de la Génération. 14 Nous avons antérieurement parlé de la flexion des jointures dans le Traité de la Marche des animaux, où nous avons exposé ce sujet dans ce qu'il a de commun et de général. Nous y avons expliqué également pourquoi les animaux ont une queue, les uns plus grande, et les autres plus petite. 15 Le caméléon est le plus lent de tous les vivipares terrestres, parce que c'est celui de tous qui a le moins de sang. C'est le caractère de cet animal qui en est cause. La peur lui fait sans cesse changer de forme; et la peur n'est pas autre chose que le refroidissement amené par la pauvreté du sang et le défaut de chaleur. 16 Nous en avons à peu près fini avec ce que nous avions à dire sur les animaux qui ont du sang, soit dépourvus de pieds, soit quadrupèdes; et nous avons étudié leurs parties extérieures et les fonctions de ces parties diverses. [4,12] CHAPITRE XII. (693a) 1 Pour les oiseaux, la différence qui les sépare les uns des autres, c'est la prédominance ou le défaut de certaines parties, qui sont ou plus grosses ou plus petites. Ainsi, les uns ont de longues pattes ; les autres en ont de très courtes ; les uns ont une large langue ; d'autres ont la langue étroite. Les mêmes différences se remarquent encore pour d'autres parties du corps. Les oiseaux ont peu de parties qui diffèrent spécialement des uns aux autres ; mais ils diffèrent de tous les animaux par l'organisation des parties qui leur sont propres. 2' Ils ont tous des ailes ; et c'est une particularité qui les distingue de tous les autres. Dans les autres animaux, certaines parties sont velues; d'autres sont écailleuses; d'autres sont cornées; mais ce sont des ailes qu'ont les oiseaux. L'aile est divisée, et elle n'est pas de la même espèce chez ceux qui ont des ailes pleines; tantôt elle n'est pas fendue; tantôt elle l'est ; tantôt elle a un tuyau ; et tantôt elle en est privée. 3 Les oiseaux ont en outre dans la tête cet organe du bec, qui est fort remarquable, et qui leur est spécial, comparativement aux autres animaux. Chez l'éléphant, la trompe sert de main ; chez quelques insectes la langue remplace la bouche; dans les oiseaux, le bec, qui est osseux, remplit la fonction des dents et des lèvres. Nous avons antérieurement parlé des sens chez les oiseaux. Ils ont un cou, qui naturellement est tendu, et par la même raison qui fait que les autres animaux en ont également un. Mais les uns l'ont court, les autres ont le cou très long; et pour la plupart, le cou correspond à peu près à la longueur des pattes. Ceux qui ont de longues pattes ont aussi un long cou; ceux qui ont des pattes courtes ont un cou qui l'est également. Cependant les palmipèdes font exception. Si leur cou était tout court avec de longues pattes, il ne leur permettrait plus de ramasser la nourriture qui est à terre ; et s'il était long chez ceux qui ont des pattes courtes, il leur serait également peu utile. 4 Pour ceux des oiseaux qui sont carnivores, la longueur du cou les empêcherait presque complètement de trouver leur vie ; car un long cou est toujours faible; et ceux-là ne peuvent vivre qu'à la condition d'employer la force. Aussi, aucun oiseau pourvu de serres recourbées n'a-t-il un long cou. Les palmipèdes et les oiseaux qui, ayant comme eux des pieds divisés, les ont néanmoins fort écourtés, ont, parce qu'ils sont du même genre que les palmipèdes, un long cou qui leur sert à prendre leur nourriture, tirée de l'eau ; mais les pattes qui leur servent à nager sont courtes. 5 Les becs n'offrent pas moins de différences, selon la vie que mènent les oiseaux. Tels oiseaux l'ont tout droit; tels autres l'ont recourbé; le bec tout droit est à ceux qui en ont besoin pour se nourrir ; et les carnivores ont un bec crochu. Cette forme du bec leur est indispensable pour triompher dans la lutte, parce que nécessairement ils ne se nourrissent guère que d'animaux vivants, et qu'ils doivent le plus souvent les vaincre à force ouverte. 6 Ceux qui vivent dans les marais et qui mangent de l'herbe ont le bec fort large; car c'est à cette condition que le bec leur sert à fouiller l'eau, à arracher et à dépecer leurs aliments. Quelques-uns de ces oiseaux ont le bec long, ainsi que le cou, pour pouvoir prendre leur nourriture à de grandes profondeurs ; car la plupart de ces oiseaux et des palmipèdes ne vivent des petites bêtes qui se trouvent dans l'eau qu'en les saisissant ou directement, ou grâce à ce cou si long. Le cou leur sert alors comme d'une ligne à pêcher, et leur bec est comme le flotteur et l'hameçon. 7 Chez les oiseaux, les parties supérieures de leur corps, ainsi que le dessous et ce qu'on nomme le tronc chez les quadrupèdes, tout cela est de la même venue. Au lieu de bras et de membres de devant, ils ont des ailes, qui peuvent se déployer, et qui forment pour eux une partie (694a) toute spéciale ; ils ont, au lieu d'omoplate, les extrémités des ailes sur le dos. D'ailleurs ils ont deux jambes, ainsi que l'homme; mais ces jambes se plient en dedans comme chez les quadrupèdes, et non pas en dehors, comme elles se plient chez l'homme. 8 Les ailes, ainsi que les membres antérieurs des quadrupèdes, sont à la circonférence du corps. Mais il y a nécessité que l'oiseau soit bipède ; car la nature de l'oiseau le range parmi les animaux qui ont du sang, et en même temps il est de la race ailée. Or les animaux pourvus de sang ne se meuvent pas par plus de quatre appareils, et les quatre parties rattachées au corps se retrouvent dans les oiseaux, de même que chez lés autres animaux pourvus de sang qui vivent sur terre et qui y marchent. Seulement, tandis que les autres ont des bras et quatre membres, ce qui distingue l'oiseau, c'est d'avoir des ailes au lieu des membres antérieurs et des bras. 9 Les ailes de l'oiseau sont très puissantes ; et il est de l'essence de l'oiseau de pouvoir voler. Il faut donc de toute nécessité que les oiseaux aient deux pieds; et grâce à leurs ailes, ils peuvent se mouvoir avec quatre appareils, Ils ont tous la poitrine en pointe et charnue; elle est pointue en vue du vol ; car, trop large, elle se meut difficilement, parce qu'elle déplace beaucoup d'air ; et elle est charnue, parce qu'une pointe est toujours faible si elle n'a pas un grand revêtement. 10 Sous la poitrine est le ventre qui s'étend jusqu'à la sortie des excréments, et à la flexion des pattes, tout comme chez les quadrupèdes et chez l'homme. Ces parties sont placées entre les ailes et les membres. Tous les animaux venant de vivipares ou d'ovipares ont à leur naissance un nombril ; mais chez les oiseaux adultes, il disparaît. Nous en expliquons clairement la cause dans les Études sur la Génération. C'est que la suture se fait à l'intestin, et ce n'est pas une partie des veines, comme dans les vivipares. 11 Il y a, parmi les oiseaux qui sont faits pour le vol, des espèces qui ont des ailes (694b) étendues et puissantes, comme les oiseaux à serres recourbées, et comme les carnassiers. Ne pouvant vivre qu'à la condition de voler beaucoup, il faut qu'ils aient, dans cette vue, des plumes en abondance et de grandes ailes. Mais ce ne sont pas seulement les espèces des rapaces qui volent bien; ce sont aussi toutes celles qui ne peuvent trouver leur subsistance que grâce à la rapidité de leur vol, ou qui, pour vivre, sont forcées de changer de lieux. 12 Il y a aussi des espèces d'oiseaux qui ne volent guère, et qui sont fort lourdes. Ce sont les espèces qui vivent à terre, qui mangent des fruits, ou encore qui nagent et vivent près de l'eau. Les oiseaux à serres crochues ont de très petits corps, à les considérer sans leurs ailes, parce que c'est dans leurs ailes que passe toute la nourriture, pour faire à l'animal des armes qui puissent le défendre. Au contraire, les oiseaux qui ne volent pas ont des corps volumineux, et c'est ce qui les rend si lourds. 13 Quelques espèces d'oiseaux pesants ont aux pattes pour se défendre ce qu'on appelle des ergots, au lieu d'ailes ; mais les oiseaux ne sont jamais tout ensemble pourvus d'ergots et de serres crochues. C'est que la nature ne fait jamais rien d'inutile. Des ergots ne serviraient en quoi que ce soit aux oiseaux à serres crochues et à grand vol, tandis que les ergots servent beaucoup dans les combats qui se livrent à terre. C'est pour ce motif que certaines espèces d'oiseaux lourds en sont armés ; car pour ceux-là, les serres crochues ne seraient pas seulement inutiles, elles seraient en outre dangereuses, attendu que, faites pour empoigner, elles gêneraient beaucoup la marche. 14 Aussi, tous les oiseaux à serres recourbées marchent mal, et ne se posent jamais sur des pierres ; car dans ces deux cas, la nature de leurs ongles est absolument contraire à ces deux emplois. C'est là une suite nécessaire de leur constitution; car la partie terreuse de leur corps et leur chaleur native leur deviennent des instruments utiles pour la lutte. Se portant en haut, cet élément fait la dureté ou la grosseur de leur bec; et s'il se porte en bas, il y fait les ergots sur les pattes; ou bien, dans les ongles des pieds, il fait leur grosseur et leur force. Du reste, les deux choses ne se produisent pas à la fois en plusieurs lieux différents ; car la nature de cette excrétion s'affaiblit en se dispersant. (695a) 15 Aux uns, la nature donne la longueur des pattes. À quelques autres, au lieu de cette longueur, elle remplit l'intervalle des doigts des pieds. Aussi, les oiseaux qui nagent ont-ils nécessairement, ou des pieds qui sont entièrement palmés, ou des doigts qui, tout en étant divisés séparément les uns des autres, ont pourtant, chacun une sorte de rame, qui est absolument continue pour le pied entier. C'est là une organisation qui, pour des causes faciles à comprendre, est tout à fait nécessaire. 16 Chez ces oiseaux, c'est en vue du mieux et pour faciliter leur vie qu'ils ont les pieds ainsi disposés ; car vivant dans l'eau et leurs ailes étant à peu près inutiles, ils ont des pieds faits pour leur servir à nager. En effet, les nageoires des poissons sont bien également des espèces de rames, comme celles des bateaux. Aussi, de même que les poissons cessent de pouvoir nager quand les nageoires leur manquent, de même ces oiseaux ne nagent plus quand la membrane intermédiaire de leurs pieds vient à faire défaut. 17 Si quelques espèces d'oiseaux ont des pattes fort longues, cela vient de ce qu'ils doivent vivre dans les marécages. Or la nature fait les organes pour l'action à laquelle ils doivent s'appliquer, et non pas l'action pour les organes. Comme ces oiseaux ne nagent pas, ils ne sont pas palmipèdes; mais comme ils doivent vivre dans une matière qui cède sous leurs pieds, ils ont de longues pattes et de longs doigts ; et presque tous ont, en outre, plusieurs flexions dans ces doigts mêmes. 18 N'étant pas faits pour voler, et toutes les parties du corps étant composées de la même matière, la nourriture qui se dirige vers le croupion passe dans les pattes et les développe. Aussi, quand ils volent, se servent-ils de ces pattes au lieu de leur croupion ; ils volent en les étendant en arrière; de cette façon, les pattes leur sont alors utiles, tandis qu'autrement elles ne feraient que les gêner. Un petit nombre d'espèces qui ont des pattes très courtes sous le ventre peuvent aisément voler. Dans ces oiseaux, les pattes ainsi disposées ne les gênent plus ; et dans les oiseaux à serres crochues, ces pieds leur servent à saisir leur proie. 19 Parmi les oiseaux qui ont un long cou, les uns, quand ce cou est plus épais, retendent en volant ; ceux qui Font léger et long volent en le repliant, afin que, quand ils s'abattent quelque part, le cou ainsi couvert soit moins exposé à des accidents. 20 Tous les oiseaux ont une hanche, placée là où il semblerait qu'ils n'en doivent pas avoir; et ils ont deux cuisses à cause de la longueur de la hanche, qui s'étend en dessous jusqu'au milieu du ventre. C'est pour cela que l'oiseau, bien qu'ayant deux pieds, ne se tient pas droit, comme il pourrait le faire s'il avait, ainsi que l'homme et les quadrupèdes, une hanche courte à partir du siège, et la jambe venant immédiatement après. L'homme se tient droit ; et les quadrupèdes ont pour soutenir le poids du corps les membres de devant, sur lesquels ils reposent soiidement ; mais les oiseaux ne sont pas droits, parce que leur conformation naturelle est celle des nains et qu'ils n'ont pas de membres antérieurs ; à la place de ces membres, ils ont des ailes. 21 La nature leur ayant fait une longue hanche, au lieu de cette partie, les a soutenus fortement par le milieu. Puis, elle a posé les pattes par dessous, afin que le poids du corps étant également réparti, l'oiseau pût tantôt marcher, ou tantôt se tenir en repos, en équilibrant l'un et l'autre côté. On voit par là comment l'oiseau, tout en ayant deux pieds, ne se tient pas droit cependant. D'ailleurs, ce qui fait que leurs pattes n'ont pas de chair est aussi ce qui cause la même disposition chez les quadrupèdes ; et l'on s'est déjà expliqué plus haut à ce sujet. 22 Tous les oiseaux sans exception ont quatre doigts aux pieds, les palmipèdes aussi bien que les fissipèdes. Quant au moineau de Libye (l'autruche), nous verrons plus tard qu'il n'a que deux divisions aux pieds, sans parler d'autres différences qu'il offre encore avec le reste des oiseaux. Tantôt, les oiseaux ont trois doigts en avant, et un seul en arrière, au lieu de talon, et pour assurer leur marche. Dans les oiseaux à longues pattes, ce dernier doigt n'a aucune longueur, comme c'est le cas pour la crex. Les oiseaux n'ont jamais plus de quatre doigts. 23 Telle est la position des doigts chez tous les autres oiseaux ; mais le torcol est le seul à avoir deux doigts en arrière et deux en avant ; c'est peut-être parce que, dans cet oiseau, le corps est moins porté en avant que chez les autres. Tous les oiseaux ont des testicules; mais ils les ont à l'intérieur. Nous expliquerons la cause de cette organisation en traitant de la Génération des Animaux. [4,13] CHAPITRE XIII. (696a) 1 On vient de voir ce que sont les différents membres des oiseaux ; mais, chez les poissons, les parties extérieures sont encore bien plus déformées. Ils n'ont, ni jambes, ni mains, ni ailes; et nous avons expliqué antérieurement les causes de cette organisation. Mais le volume de leur corps entier est continu de la tête à la queue. Tous les poissons n'ont pas la queue faite de la même manière ; les uns l'ont a peu près pareille; quelques autres, parmi les poissons larges, l'ont épineuse et longue. 2 À partir de la queue, le poisson se développe en largeur, ainsi qu'on le voit dans les torpilles, dans les trygons, et autres espèces de sélaciens. Dans ces poissons, la queue est épineuse et longue ; dans d'autres, elle est charnue et courte, par la même cause que dans les torpilles ; il n'y a aucune différence, ou à ce qu'elle soit courte et plus charnue, ou à ce qu'elle soit longue et moins charnue. C'est le contraire qu'on observe dans les grenouilles ; car, comme leur largeur en avant n'est pas charnue, toute la chair qui a été enlevée est reportée par la nature en arrière et à la queue. 3 Si les poissons n'ont pas de membres indépendants, c'est qu'ils sont faits naturellement pour nager, comme l'indique leur définition essentielle, attendu que la nature ne fait jamais rien de superflu ni d'inutile. Comme, d'après leur essence, ils ont du sang, ils ont reçu des nageoires pour nager ; et comme ils ne sont pas faits pour marcher, ils n'ont pas reçu de pieds, parce que l'appendice des pieds n'est utile que pour se mouvoir sur le sol. 4 Mais il n'était pas possible qu'ils eussent tout ensemble quatre nageoires et des pieds, ni rien de ce qui ressemble à des pieds en fait de membres, du moment qu'ils avaient du sang. Pourtant les cordyles, qui ont des branchies, ont des pieds ; en revanche, ils n'ont pas de nageoires, mais ils ont une queue sèche et large. Ceux des poissons qui ne sont pas larges, comme le sont le batos et le trygon, ont quatre nageoires, deux en avant et les autres en arrière ; (696b) aucun de ces poissons n'en a plus de quatre ; car, autrement, ils seraient dépourvus de sang. 5 Presque tous ont les nageoires du dos; mais quelques-uns des poissons, longs et épais, n'ont pas les nageoires du ventre; telles sont l'anguille, le congre et l'espèce de kestres qui se trouve dans le lac de Siphées. Ceux qui sont plus longs encore et qui se rapprochent davantage des serpents, comme la murène, n'ont pas du tout de nageoires ; ils se meuvent par des flexions successives, se servant de l'eau ainsi que les serpents se servent de la terre; car les serpents nagent de la même manière qu'ils rampent sur la terre. 6 La raison qui est cause que les poissons ressemblant à des serpents n'ont pas de nageoires, est celle même qui fait que les serpents n'ont pas de pieds. C'est ce que nous avons expliqué dans nos Traités sur la Marche et sur le Mouvement des Animaux. S'ils avaient eu quatre appareils de mouvement, ils auraient eu grand'peine à se mouvoir ; car, soit que les nageoires fussent rapprochées, ils ne pourraient presque pas avoir de mouvement ; et soit qu'elles fussent éloignées, il en serait encore de même, parce que l'intervalle serait trop grand. Si les appareils de locomotion étaient plus de quatre, c'est que ces animaux seraient exsangues. 7 C'est encore la même cause qui veut que certains poissons n'aient que deux nageoires. Ces poissons ressemblent à des serpents, et ils sont fort longs ; et c'est par la flexion qu'ils remplacent les deux nageoires. Aussi, rampent-ils sur le sol, et vivent-ils longtemps hors de l'eau ; les uns ne frétillent pas tout de suite ; les autres frétillent moins, parce qu'ils sont près d'avoir une nature qui serait capable de marcher. Les poissons qui n'ont que deux nageoires ont ces nageoires sur le dos ; et ce sont ceux qui ne sont pas gênés dans leur mouvement par leur largeur. Ceux qui ont ces nageoires les ont près de la tête, parce qu'en ce lieu il n'y a pas de largeur qui pourrait les aider à se mouvoir en place des nageoires; et, en effet, le corps de ces poissons est fort développé vers la queue. 8 Le batos et les poissons de cette espèce se servent, pour nager, de cette extrémité, qui est fort large, en place des nageoires qu'ils n'ont pas. La torpille et la grenouille-marine ont les nageoires du dessous en bas, à cause de la largeur d'en haut ; et celles du dessus, près de la tête. En effet, de cette façon, la largeur ne les empêche pas de nager ; mais, pour compenser les nageoires du haut, ces parties sont, chez ces poissons, plus petites que celles du dos. La torpille a ses deux nageoires à la queue ; et au lieu des deux nageoires qui lui manquent, elle se sert de sa largeur et de l'un et l'autre de ses demi-cercles, comme si elle avait deux nageoires. 9 Nous avons déjà parlé des organes qui se trouvent dans la tête des poissons, et aussi de leurs sens. Ce qui distingue les poissons entre tous les animaux qui ont du sang, c'est l'organisation des branchies ; (697a) nous avons expliqué à quoi elles servent, dans le Traité de la Respiration. Ceux des poissons qui ont des branchies les ont, en général, couvertes ; mais les sélaciens, qui ont des épines cartilagineuses, ont les branchies découvertes. La cause en est que certains poissons sont épineux et que l'opercule de leurs branchies Test également, tandis que tous les sélaciens sont cartilagineux. 10 Il faut ajouter que les mouvements de ces derniers poissons sont lents, parce que les branchies ne sont pas épineuses ni nerveuses, tandis que le mouvement des branchies épineuses est rapide. Or, il faut que le mouvement de l'opercule ait beaucoup de rapidité, puisque les branchies sont faites naturellement, on peut dire, pour l'expiration ; et de là vient que, chez les sélaciens, la réunion des conduits mêmes qui composent les branchies a lieu directement, et il ne fout pas d'opercule pour qu'elle soit aussi rapide que possible. 11 Certains poissons ont de nombreuses branchies ; d'autres en ont très peu ; ceux-ci les ont doubles, ceux-là les ont simples. Il faut voir les détails précis sur ces différences dans les Descriptions Anatomiques et dans l'Histoire des Animaux. Ce qui fait que les branchies sont plus ou moins nombreuses, c'est la plus ou moins grande chaleur dont le cœur est animé. Le mouvement est nécessairement plus rapide et plus énergique chez ceux qui ont plus de chaleur ; et des branchies nombreuses, ou des branchies doubles, ont aussi cette vigueur naturelle plus que ne l'ont des branchies simples ou plus petites. De là vient que certains de ces poissons peuvent aussi vivre longtemps hors de l'eau ; et ce sont ceux qui ont des branchies en moindre nombre et moins fortes ; par exemple, l'anguille et les poissons à forme de serpents, qui n'ont pas besoin de beaucoup de refroidissement. 12 La bouche des poissons offre aussi de grandes variétés. Les uns ont la bouche en avant et fort proéminente ; les autres l'ont en dessous, comme les dauphins et les sélaciens, qui se retournent sur le dos pour saisir leur proie. La nature les a ainsi organisés, non pas seulement pour préserver les autres animaux, puisque, grâce à la lenteur de ce mouvement nécessaire pour se retourner, les autres poissons ont le temps de se sauver de ceux-là, qui sont tous carnivores, mais c'est aussi pour ne pas trop favoriser leur voracité excessive; car, s'ils pouvaient saisir leur proie plus facilement, ils périraient bien vite à force de se gorger de nourriture. 13 Il faut ajouter que la forme de leur museau circulaire et étroit les empêche de l'ouvrir beaucoup. On peut remarquer en outre que ceux même qui ont la bouche en haut ont, les uns la bouche tout ouverte, (697b) les autres l'ont pointue. Tous les poissons carnivores ont la bouche très fendue, comme les poissons à dents alternantes, parce que, pour ces poissons, toute leur force est placée dans la bouche ; mais ceux qui ne sont pas carnivores ont la bouche en pointe. 14 Certains poissons ont la peau écailleuse; et l'écaille se détache du corps par son éclat et sa légèreté. D'autres poissons ont la peau rugueuse, comme la raie et le batos, et les poissons de ce genre. Il y a très peu de poissons qui aient la peau lisse. Les sélaciens n'ont pas d'écaillés ; et leur peau est rugueuse, parce qu'ils ont des piquants cartilagineux. Chez eux, la nature a employé l'élément terreux, qu'elle prenait aux écailles, pour en faire leur peau. 15 Aucun poisson n'a de testicules, ni au dehors, ni à l'intérieur, pas plus que n'en a aucun animal privé de pieds ; et voilà comment les serpents n'en ont pas non plus. Le canal des excréments et celui de la génération est le même dans les poissons, ainsi qu'il l'est chez les quadrupèdes ovipares, parce qu'ils n'ont pas de vessie ni d'excrément liquide. 16 Telles sont les différences générales qu'offrent les poissons comparativement à tous les autres animaux. Mais les dauphins, les baleines et tous les cétacés de cette espèce n'ont pas de branchies, et ils ont un évent, parce qu'ils ont un poumon. Ils reçoivent l'eau de la mer par la bouche, et ils l'expulsent par l'évent. D'abord, ils sont forcés de recevoir le liquide, parce que c'est dans le liquide qu'ils trouvent leur nourriture; mais, après l'avoir reçu, c'est une nécessité non moins grande de le rejeter. 17 Les branchies ne sont utiles qu'aux animaux qui ne respirent pas. Nous en avons expliqué le motif dans nos études sur la Respiration, et nous avons dit qu'il est impossible d'avoir tout ensemble la respiration et des branchies. L'évent des cétacés est fait précisément pour expulser le liquide ; et il est placé en avant de leur encéphale ; autrement, il aurait séparé l'encéphale du rachis. Ce qui fait que ces animaux ont un poumon et qu'ils respirent, c'est que les gros animaux ont besoin de plus de chaleur pour se mouvoir ; et c'est dans cette vue que leur a été donné le poumon, qui est rempli de la chaleur du sang. Ces animaux sont en quelque sorte tout à la fois terrestres et aquatiques. En tant que terrestres, ils reçoivent l'air ; mais ils sont dépourvus de pieds; et ils tirent leur nourriture du liquide, comme les animaux aquatiques. 18 Les phoques et les chauves-souris, qui sont des deux genres, les premiers se rapprochant des animaux aquatiques et terrestres, les autres se rapprochant des animaux volatiles et terrestres, participent de tous les deux, sans être précisément d'aucun. Les phoques, quoique aquatiques, ont des pieds; et quoique terrestres, ont des nageoires ; leurs pieds de derrière les rapprochent tout à fait des poissons, et toutes leurs dents sont en scie et fort aiguës. Quant aux chauves-souris, elles ont des pieds comme volatiles, mais elles n'en ont pas comme quadrupèdes ; elles n'ont ni queue, ni croupion, pas de queue comme elles pourraient en avoir en tant que volatiles, pas de croupion comme elles en auraient en tant qu'animaux terrestres. C'est là, pour les chauves-souris, une organisation nécessaire. Leurs ailes sont de la peau ; et il n'y a pas d'animal qui ait un croupion, si ce n'est à la condition d'avoir des ailes divisées ; car c'est des ailes de ce genre que se forment le croupion. La queue serait en outre un obstacle à la fonction des ailes. [4,14] CHAPITRE XIV. 1 Une double organisation se retrouve aussi chez l'autruche, ou moineau de Libye ; elle a des parties d'oiseau et des parties de quadrupède. En tant que cet oiseau n'est pas quadrupède, il a des ailes ; en tant qu'il n'est pas oiseau, il ne vole pas, en s'élevant dans l'air ; et il a des ailes qui ne lui servent pas à voler, et qui sont assez pareilles à des poils. 2 De plus, en qualité de quadrupède, il a des cils aux paupières supérieures, et il est pelé sur la tête et sur le sommet du cou ; les cils qu'il a sont comme des crins. Puis, en tant qu'oiseau, ses parties inférieures sont couvertes de plume ; il a deux pattes comme un oiseau ; il a deux pinces comme un quadrupède ; car il n'a pas de doigts, mais des pinces. 3 Cette singularité vient de ce que sa grosseur n'est pas celle d'un oiseau, mais bien celle d'un vrai quadrupède. Or il y a nécessité absolue que la grosseur du corps chez les oiseaux soit en général la plus petite possible, parce qu'il serait par trop difficile de mouvoir et d'élever dans l'air un corps d'une masse considérable. 4 Dans tout ce qui précède, il a été traité des organes des animaux, afin d'expliquer dans quel but chacun de ces organes leur a été donné, et l'on a exposé ces détails pour chaque espèce d'animal en particulier. Après toutes ces descriptions, c'est une suite naturelle d'en venir à ce qui concerne la génération des animaux.