[5,0] LIVRE V. [5,1] CHAPITRE PREMIER 1 On vient de parler précisément des parties qu'ont tous les animaux, parties internes, parties externes; on a parlé des sens, de la voix, du sommeil, de la distinction des mâles et des femelles; et l'on a jusqu'ici traité de tous ces sujets; il reste à étudier {539b} la génération des animaux. Et tout d'abord, nous devrons commencer par les commencements. Les variétés de la génération sont très nombreuses et très considérables, tantôt tout à fait dissemblable», tantôt ayant entre elles une certaine similitude. 2 Puisque l'on a d'abord divisé et étudié les animaux par genres, nous tâcherons de suivre ici la même marche, dans cette nouvelle exposition. Nous y mettrons cependant une différence : antérieurement nous partions de l'homme pour connaître et décrire les parties des animaux; maintenant, au contraire, nous ne parlerons de l'homme qu'en dernier lien, parce qu'il exige infiniment plus de détails. 3 Nous débuterons premièrement par les testacés; nous passerons ensuite aux crustacés; et nous procéderons, selon la même méthode, à l'étude des autres espèces d'animaux, c'est-à-dire que nous irons aux mollusques, aux insectes; puis après, aux poissons, tant les vivipares que les ovipares ; puis ensuite aux oiseaux. Après eux, nous en viendrons aux animaux qui marchent sur le sol, en distinguant, parmi eux, les ovipares et les vivipares; car s'il y a bien des quadrupèdes qui soient vivipares, l'homme est le seul qui le soit parmi les bipèdes. 4 Ici, il se trouve un point commun entre les animaux, comme il y en a entre les plantes; ainsi, certaines plantes proviennent par germes d'autres plantes; il en est aussi qui poussent spontanément, comme ayant en elles-mêmes un principe constituant de ce genre. Parmi les plantes encore, les unes tirent leur nourriture de la terre ; mais il y en a aussi qui poussent sur d'autres plantes, ainsi qu'on l'a dit dans la Théorie sur les Plantes. 5 De même, il y a des animaux qui naissent d'autres animaux, par homogénéité de forme; mais il en est d'autres qui naissent spontanément, et non pas d'êtres du même genre qu'eux. Et parmi ces derniers, les uns viennent de la terre putréfiée ou de plantes pourries, comme on le voit pour bien des insectes; d'autres se produisent dans les animaux eux-mêmes, et proviennent des excrétions qui restent dans les divers organes. Quant aux espèces où la génération dérive de parents homogènes, elle a lieu par l'accouplement, toutes les fois qu'il y a mâle et femelle dans ces espèces. 6 Pour les poissons, il y en a qui ne sont ni mâles ni femelles ; génériquement, ils sont identiques au reste des poissons; mais par l'espèce, ils sont autres; et ils forment même parfois une espèce toute particulière. Il y a bien des femelles; mais il n'y a pas de mâles ; et alors les femelles produisent quelque chose comme les œufs- clairs des oiseaux. Tous ces œufs chez les oiseaux sont inféconds, la nature ne pouvant pousser la génération au-delà de l'œuf, s'il n'y a pas {540a} quelque contact avec le mâle sous toute autre forme. Mais nous expliquerons, plus tard, ces détails avec plus de précision. Dans quelques espèces de poissons, où les femelles produisent des œufs à elles seules, il arrive qu'il sort des petits vivants de ces œufs, tantôt par la femelle sans le mâle, tantôt avec le secours du mâle. Mais ces détails encore s'éclairciront dans ce que nous dirons par la suite; et l'on verra qu'ils se retrouvent à peu de chose près comme dans les oiseaux. 7 Pour les animaux qui naissent spontanément dans d'autres animaux, dans la terre, dans les plantes, ou dans leurs parties, et qui ont les deux sexes, le mâle et la femelle, c'est de l'accouplement des deux qu'il sort un produit; mais il n'est jamais identique à l'être d'où il sort; et ce produit est toujours imparfait. C'est ainsi que de l'accouplement des poux viennent ce qu'on nomme des lentes ; que les mouches viennent des larves ; et que des papillons viennent des larves qui ressemblent à des œufs. Mais de ces produits, il ne sort, ni d'animaux comme les parents, ni même aucun autre animal; et ces produits restent uniquement ce qu'ils sont. 8 Nous nous occuperons donc en premier lieu de l'accouplement dans les espèces où il existe; et après l'accouplement, nous traiterons des autres modes de génération, en expliquant successivement ce qui est particulier à chacune des espèces, et ce qui leur est commun à toutes. [5,2] CHAPITRE II. 1 Les animaux s'accouplent dans toutes les espèces où il y a mâle et femelle ; mais les accouplements ne sont pas les mêmes dans toutes les espèces, et ils n'ont pas lieu de la même façon. Parmi les animaux qui ont du sang, tous les vivipares qui ont des pieds, sont pourvus d'organes spéciaux pour l'œuvre de la génération; mais le rapprochement ne se fait pas chez tous de la même manière. 2 Les animaux qui urinent par derrière s'accouplent par le derrière aussi, comme les lions, les lièvres et les lynx. Dans les lièvres, c'est souvent la femelle qui d'abord monte sur le mâle. Chez le reste des animaux, le mode de l'accouplement est le plus généralement identique ; et c'est ainsi que presque tous les quadrupèdes n'ont qu'un seul accouplement possible, le mâle montant sur la femelle. 3 Dans le genre entier des oiseaux, il n'existe que ce seul et unique mode d'accouplement. Mais cependant les oiseaux eux-mêmes présentent quelques différences. Ainsi, chez les uns la femelle se baisse sur la terre et le mâle monte sur elle, comme on le voit pour les oies et les coqs. D'autres fois, la femelle ne s'accroupit pas ; les grues par exemple, où le mâle met ses pattes sur la femelle restée debout; et l'accouplement est aussi rapide que chez les moineaux.{540b} 4 Parmi les quadrupèdes, les ourses femelles s'accroupissent de la même façon que les autres espèces qui s'accouplent en restant sur leurs jambes, le dessous du corps des mâles étant sur le dos des femelles. Les hérissons de terre se tiennent tout droits, le dessous de leurs corps étant tournés l'un vers l'autre. Parmi les vivipares de grandes dimensions, les femelles des cerfs ne supportent le mâle que quelques instants, de même que les vaches ne supportent qu'un instant les taureaux, à cause de la roideur de la verge ; et les femelles ne reçoivent alors la semence qu'en s'affaissant. On a pu souvent observer le fait sur des cerfs privés. 5 Le loup s'accouple absolument comme le chien, tant le mâle que la femelle. Les chats ne s'accouplent pas par derrière; mais le mâle se met tout droit, et la femelle se glisse dessous. Les chattes sont naturellement très ardentes ; elles provoquent les mâles à l'accouplement, et elles crient pendant qu'il dure. 6 Les chameaux s'accouplent, la femelle ayant les jambes fléchies; le mâle s'approche et la couvre, sans que les croupes soient opposées, mais de la même manière que tous les autres quadrupèdes. Ils restent accouplés, couvrant et couvert, un jour entier; mais quand ils veulent s'accoupler, ils se retirent dans un lieu désert, et ils ne se laissent approcher que par leur gardien. La verge du chameau est si nerveuse qu'on en peut faire des cordes pour les arcs. 7 Les éléphants s'accouplent dans des lieux écartés, de préférence sur les bords des rivières, et dans des endroits qui leur sont familiers. La femelle reçoit le mâle en s'abaissant et en écartant les jambes; et le mâle la couvre en montant dessus. Les phoques s'accouplent comme les animaux qui urinent par derrière; et ils restent attachés très longtemps dans l'accouplement, comme les chiens. Les mâles ont une très grande verge. [5,3] CHAPITRE III. 1 Parmi les animaux qui ont des pieds et qui marchent sur le sol, les quadrupèdes ovipares ont la même manière de s'accoupler que les vivipares. Ainsi, chez les uns, le mâle couvre la femelle, comme le fait la tortue de mer et de terre. Ils ont un organe où se réunissent les canaux générateurs, et qui leur sert à s'approcher dans l'accouplement, comme on le voit dans les trygons, dans les grenouilles et dans toutes les espèces analogues. 2 Les autres qui n'ont pas de pieds et qui sont de forme allongée, comme les serpents {541a} et les murènes, s'entrelacent ventre contre ventre; et les serpents se serrent si fort l'un à l'autre, dans cet enroulement, qu'ils semblent ne plus former que le corps entier d'un seul serpent à deux têtes. C'est encore de la même manière que l'accouplement se fait chez les lézards; et un entrelacement pareil leur est nécessaire pour s'accoupler. [5,4] CHAPITRE IV. 1 Tous les poissons, sauf les sélaciens à large corps, s'approchent le ventre contre le ventre pour accomplir l'accouplement. Les sélaciens à large corps, portant une queue, comme le batos, le trygon et les sélaciens analogues, ne se jettent pas seulement l'un sur l'autre ; mais encore les mâles, montés sur la femelle, appliquent leur ventre sur son dos, dans les espèces où la queue, sans aucune épaisseur, ne fait pas un obstacle à ce rapprochement. 2 Les Rhines et les espèces où la queue est fort grosse, ne font que se frotter le ventre contre le ventre pour s'accoupler. Il y a quelques personnes qui prétendent avoir vu des sélaciens accouplés par derrière, à la façon des chiens. 3 Dans toutes les espèces de sélaciens, la femelle est plus grosse que le mâle ; et dans presque tous les autres poissons, les femelles dépassent aussi le mâle en grosseur. Les sélaciens sont les animaux qu'on vient de citer, et ce sont encore le bœuf marin, la lamie, l'aigle marin, la torpille, la grenouille de mer, et tous les poissons de l'espèce du chien marin. On a pu observer maintes fois toutes les espèces de sélaciens accomplir l'accouplement, comme on vient de le dire, parce que cet acte dure beaucoup plus de temps chez tous les vivipares que chez les ovipares. 4 Les dauphins et tous les cétacés s'accouplent de même. Le mâle saute sur la femelle qu'il frôle, et la durée de l'acte n'est ni trop courte, ni trop longue. Dans quelques espèces de poissons sélaciens, on remarque cette différence entre les mâles et les femelles, que les mâles ont deux sortes d'appendices placés près de l'orifice excrétoire, tandis que les femelles ne les ont pas, comme on peut le voir dans les chiens de mer; d'ailleurs, tous les sélaciens ont cette organisation. 5 Ni les poissons, ni les animaux sans pieds n'ont jamais de testicules; les serpents et les poissons mâles ont seulement deux conduits qui, à la saison de l'accouplement, se remplissent de liqueur séminale ; et tous émettent alors un liquide qui ressemble à du lait. D'ailleurs, ces deux canaux se réunissent en un seul, comme cela se voit aussi chez les oiseaux; car les oiseaux, de même que tous les ovipares qui ont des pieds, ont des testicules à l'intérieur. Ce double canal se réunit vers le bout, et s'allonge jusqu'à l'organe de la femelle qui le reçoit. 6 Dans les vivipares qui marchent sur le sol, il n'y a qu'un même canal, et pour la semence, et pour l'excrétion liquide, au dehors; mais en dedans, il y a un autre conduit, ainsi qu'on l'a expliqué antérieurement, en traitant de la différence des parties. Chez les animaux qui n'ont pas de vessie, c'est le même canal qui sert à expulser au dehors l'excrétion sèche; mais au dedans, il y a deux canaux très rapprochés l'un de l'autre. La disposition est toute pareille dans le mâle et dans la femelle, pour ces espèces; car elles n'ont pas de vessie, excepté cependant la tortue. La femelle dans les tortues n'a qu'un seul canal, bien qu'elle ait une vessie; mais c'est que les tortues sont des ovipares. 7 On connaît moins bien comment se fait l'accouplement des poissons ovipares. Presque tout le monde croit que les femelles deviennent pleines en avalant la semence des mâles; et c'est là un fait qu'on a souvent observé. Vers l'époque de l'accouplement, les femelles, se mettant à suivre les mâles, dévorent cette semence ; elles les frappent avec leur bouche sous le ventre; et alors les mâles émettent la semence plus vite et en plus grande quantité. Après la ponte, ce sont les mâles qui poursuivent les femelles, et ils dévorent les œufs qu'elles produisent; c'est des œufs restants que sortent les poissons. {541b} 8 Sur les côtes de Phénicie, on fait la chasse des uns par les autres. On lâche des muges mâles pour réunir et prendre les femelles ; et on lâche ensuite des femelles pour prendre également les mâles. Ce sont des observations fréquentes de ces faits qui ont fait naître l'opinion dont il s'agit, sur la fécondation des poissons. Les quadrupèdes font bien aussi quelque chose de ressemblant; à la saison de l'accouplement, les mâles et les femelles répandent un liquide, et ils se flairent mutuellement les parties génitales. 9 Les perdrix sont fécondées par cela seul que les femelles se tiennent sous le vent du mâle. Souvent, il suffit qu'elles entendent la voix du mâle ; quand elles sont en chaleur, et que le mâle vole au-dessus d'elles, le souffle du mâle les féconde. La femelle et le mâle ouvrent leur bec, et ils ont leur langue dehors pendant l'acte de l'accouplement. 10 Mais la véritable fécondation des poissons ovipares ne s'observe que très- rarement, parce qu'ils se séparent très-vite après s'être rapprochés; et l'on n'a pu constater pour eux que le mode d'accouplement qu'on vient de décrire. [5,5] CHAPITRE V. {542a} 1 Les mollusques, tels que les polypes, les seiches, et les calmars, se rapprochent tous de la même manière pour l'accouplement. Ils se joignent bouche à bouche, entrelaçant régulièrement tentacules à tentacules. Ainsi, le polype appuie contre terre ce qu'on appelle sa tête, et il étend ses bras ; l'autre polype se déploie symétriquement sur l'envergure des bras du premier ; et ils font que les cavités se correspondent les unes aux autres. 2 On prétend même quelquefois que le mâle a une espèce de verge dans un de ses bras, et que, dans ce bras, se trouvent les deux plus grandes cavités; cette verge est, dit-on, assez nerveuse; elle est attachée vers le milieu du bras où elle est ; et le mâle la fait entrer tout entière dans la trompe de la femelle. 3 Les seiches et les calmars nagent ainsi accouplés, arrangeant leurs bouches et leurs bras à l'opposé les uns des autres, et nageant en sens opposé. Elles disposent ce qu'on appelle leur trompe dans la trompe de l'autre ; et l'une nage alors en arrière, tandis que l'autre nage dans le sens de sa bouche. Elles produisent leurs œufs par l'organe qu'on appelle leur évent, et qui, selon quelques personnes, leur sert aussi à être fécondées par le mâle. [5,6] CHAPITRE VI. 1 Les crustacés, tels que les langoustes, les homards, les squilles et tous les animaux de ce genre, s'accouplent à la façon des quadrupèdes qui urinent par derrière : l'un présente le dessous de sa queue, et l'autre met la sienne dessus. C'est en général au début du printemps que ces espèces d'animaux s'accouplent, non loin de terre ; car on a déjà observé que l'accouplement de tous ces animaux se fait à ce moment de l'année ; mais parfois aussi, c'est à l'époque où les figues commencent à mûrir. Les homards et les squilles s'accouplent également de la même façon. 2 Les crabes s'unissent par leurs parties antérieures, en joignant leurs enveloppes écailleuses les unes aux autres. D'abord, le mâle, qui est plus petit que la femelle, monte sur elle par derrière; et une fois qu'il est monté, l'autre, qui est plus grand, se tourne de côté. La seule différence qu'il y ait du mâle à la femelle, c'est que l'enveloppe écailleuse de la femelle est plus grosse, plus éloignée du corps et plus ombragée de poils, là où elle produit ses œufs et d'où sortent les excréments. Il n'y a pas d'organe qui, de l'un, entre dans l'autre. [5,7] CHAPITRE VII. 1 Les insectes se joignent par derrière ; puis, le plus petit monte sur le plus grand. {542b} Le plus petit, c'est le mâle. La femelle, qui est en dessous, introduit son canal dans le mâle qui est en dessus ; ce n'est pas le mâle qui introduit son organe dans la femelle, comme cela se passe dans les autres animaux. Cet organe de la femelle, dans les insectes même qui sont très-petits, paraît plus grand qu'il ne devrait l'être proportionnellement à la grosseur de leur corps; dans d'autres insectes, il paraît trop petit. 2 On peut voir ceci très nettement en séparant des mouches accouplées; elles ne se détachent qu'avec peine; car leur accouplement dure fort longtemps. On peut faire cette observation évidente sur les insectes que nous avons sans cesse sous la main, mouches et cantharides. Tous les animaux de cet ordre qu'on voit s'accoupler, et les mouches et les cantharides, et les spondyles, et les araignées, font tous leur accouplement de cette façon, ainsi que toutes les espèces analogues qui s'accouplent. 3 Les araignées, lorsqu'elles tissent leur toile, s'accouplent de la manière suivante : lorsque la femelle tire un des fils tendus du milieu de la toile, le mâle le tire à l'opposé. En répétant plusieurs fois ce mouvement, ils s'approchent et s'unissent par derrière; la rondeur de leur ventre leur facilite ce genre d'accouplement, qui est le plus convenable pour eux. 4 Tous les animaux s'accouplent donc ainsi qu'on vient de le dire. [5,8] CHAPITRE VIII. 1 La saison et l'âge convenables à l'accouplement sont trèsdéterminés pour chaque espèce d'animaux. La nature veut, pour la plupart, qu'ils accomplissent cette union à la même époque, lorsque l'hiver va faire place à la chaleur. C'est donc précisément, à l'époque du printemps, que presque tous les animaux, volatiles, terrestres, aquatiques, s'empressent de s'accoupler. 2 Il en est cependant quelques-uns qui s'accouplent, et qui produisent, à l'automne et à l'hiver, comme certaines espèces d'animaux aquatiques et de volatiles. L'homme a plus que tout autre le privilège de s'accoupler en toute saison ; et parmi les animaux qui vivent avec l'homme, un bon nombre, à cause d'une demeure chaude et d'une nourriture abondante, sont aussi comme lui; surtout ceux dont les gestations sont de courte durée ; par exemple, le porc, le chien, et les volatiles qui pondent fréquemment. Il y a même de ces animaux qui, regardant en quelque sorte à la nourriture de leurs petits, font leur accouplement à l'époque de l'année qui doit y coïncider. 3 Dans l'espèce humaine, le mâle semble plus vivement porté à l'accouplement en hiver; et la femelle, en été. {543a} 4 Les oiseaux, ainsi qu'il a déjà été dit, s'accouplent en général et font leurs couvées aux environs du printemps et au début de l'été. Il faut en excepter l'Halcyon, qui pond vers le solstice d'hiver; et de là vient que, quand le solstice est accompagné du beau temps, on dit que ce sont les jours de l'Halcyon, sept jours avant le solstice, sept jours après, comme Simonide le dit dans ses vers : « Ainsi, lorsque, durant un mois glacé, Jupiter nous accorde quatorze jours de beau temps, les mortels appellent cette saison où l'on redoute plus les vents, la sainte nourrice des enfants de l'Halcyon au plumage brillant. » 5 Ces beaux jours se produisent, quand il arrive que, au solstice, le vent du sud vient à régner, après que le vent du nord a régné durant les Pléiades. On prétend que, pendant les sept premiers jours, l'Halcyon prépare son nid, et qu'elle pond et élève ses petits pendant les sept jours suivants. Dans les contrées que nous habitons, le solstice ne nous amène pas toujours ces belles journées Halcyoniques ; mais il est bien rare qu'elles manquent dans le pays que baigne la mer de Sicile. L'Halcyon, d'ailleurs, ne pond guère que cinq œufs. 6 Le plongeon et le goéland pondent leurs œufs dans les rochers qui bordent la mer ; ces œufs sont au nombre de deux, ou de trois. Le goéland pond en été ; le plongeon pond au commencement du printemps, aussitôt après le solstice; il couve comme les autres oiseaux. Mais ni l'un ni l'autre ne se cachent et ne se tapissent jamais. Il n'y a rien de plus rare que de voir des Halcyons. On aperçoit l'Halcyon seulement au coucher de la Pléiade, et vers l'époque du solstice ; et dans les rades, à peine vient-elle voler autour d'un bâtiment qu'elle disparaît aussitôt. Du moins, c'est ainsi qu'en parle Stésichore. 7 Le rossignol pond au commencement de l'été ; il fait cinq ou six œufs tout au plus ; et il se tapit depuis l'automne jusqu'au printemps. 8 Les insectes s'accouplent et naissent même en hiver, quand il y a de beaux jours et que le vent est au sud ; ce sont ceux des insectes qui ne se cachent pas en hiver, comme les mouches et les fourmis. 9 La plupart des animaux sauvages ne mettent bas qu'une fois par an, du moins ceux qui ne sont pas capables de superfélation, comme le lièvre. [5,9] CHAPITRE IX. 1 Presque tous les poissons ne produisent qu'une seule fois l'an, comme {543b} font les poissons qui vont par bandes. On appelle poissons par bandes ceux qu'on prend au filet circulaire, thon, pélamyde, muge, chalcides, maquereaux (colies), ombre (chromis), psette, et autres de même genre. Le loup-marin fait exception, puisqu'il est le seul de ces poissons à frayer deux fois par an; mais sa seconde portée est plus faible que la première. 2 Le trichias et les saxatiles frayent deux fois par an. Le surmulet est le seul poisson qui fraye jusqu'à trois fois. Ce qui porte à le supposer, c'est que, dans certains lieux, on voit trois fois par an de petits surmulets, issus de trois frais successifs. Le scorpios fraye deux fois ; le sargue fraye également deux fois, au printemps et à l'automne. La saupene fraye qu'une fois, à l'automne. Le thon ne fraye non plus qu'une seule fois; mais comme il produit ses œufs les uns plus tôt, les autres plus tard, il semble qu'il fraye deux fois. La première ponte est vers le mois de Neptune, après le solstice; et la dernière est au printemps. Le thon mâle diffère du thon femelle, en ce qu'elle a sous le ventre une nageoire que le mâle n'a pas, et qu'on nomme Apharée. 3 Des sélaciens, la raie est la seule qui produise deux fois, au commencement de l'automne et au coucher de la Pléiade. Ses portées réussissent davantage dans l'automne. Chacune des portées est de sept ou huit petits. Il y a des chiens de mer, comme l'étoile marine, qui semblent produire deux fois par mois. Cette illusion tient à ce que ses œufs ne prennent pas tous à la fois leur développement entier. 4 Il y a des poissons qui frayent en toute saison de l'année, comme la murène ; elle produit beaucoup d'œufs, qui, d'abord tout petits, prennent bien vite leur croissance, comme ceux de la Queue-de-cheval, qui, de très-petits, deviennent très vite extrêmement grands. D'ailleurs, la murène pond en toutes saisons, tandis que la Queue-de-cheval ne pond qu'au printemps. Entre le muros et la murène, il y a cette différence que la murène est toute tachetée et plus faible, tandis que le muros est d'une couleur uniforme et qu'il est plus fort. Sa couleur est celle de la poix ; et il a des dents intérieures et extérieures. On prétend qu'il y a dans cette espèce, comme dans les autres, des mâles et des femelles. Ils viennent à terre en sortant de l'eau, et souvent ils s'y font prendre. 5 La plupart des poissons croissent très rapidement; et parmi les petits poissons, le coracin n'est pas celui qui grandit le moins vite. Il fraye près de terre dans des endroits couverts d'herbes, et au milieu des plus épaisses. {544a} L'Orphos aussi, qui naît très petit, devient grand très vite. Les Pélamydes et les thons frayent dans le Pont-Euxin, et ils ne frayent pas ailleurs. Les muges, les dorades et les loups frayent de préférence à l'embouchure des fleuves. Au contraire, les Orcynes, les scorpides et plusieurs autres espèces frayent dans la haute mer. 6 Presque tous les poissons frayent dans les trois mois de Munichion, de Thargélion et de Skirrhophorion. Très peu frayent en automne, comme la saupe, le sargue, et quelques autres espèces analogues, un peu avant l'équinoxe d'automne. C'est aussi l'époque de la torpille et de la raie. 7 II y a encore des espèces, en petit nombre, qui frayent en hiver et en été, comme nous l'avons déjà dit. Ainsi, le loup, le muge, l'aiguille, frayent en hiver ; le thon fraye en été dans le mois d'Hécatombéon, vers le solstice d'été. Ses œufs sont déposés dans une sorte de poche, et ils y sont petits et nombreux. Les poissons qui vont par bandes frayent durant l'été. 8 Parmi les espèces des muges, les Grosses-lèvres commencent à frayer dans le mois de Neptune, ainsi que le sargue, le poisson appelé le Morveux, et le capiton. Ces poissons frayent pendant trente jours. Il y a des muges qui ne viennent pas d'un accouplement ; ils naissent du limon et du sable. 9 Ainsi donc, c'est généralement au printemps que les poissons se mettent à frayer. Néanmoins, comme on vient de le dire, il y en a aussi quelques-uns qui frayent en été, à l'automne et même en hiver. Mais cette singularité ne se passe pas de la même manière pour tous; elle n'est pas absolue, ni même applicable à chaque espèce entière, ainsi que le frai au printemps est la règle la plus ordinaire. Aux autres époques de l'année, les pontes ne sont pas aussi abondantes. 10 Une chose qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que, si, pour les plantes et pour les animaux quadrupèdes, les contrées diverses amènent de la différence, non seulement pour la santé générale des individus, mais aussi pour le nombre de leurs accouplements et pour leur fécondité, de même les lieux ont également grande influence sur les poissons, non seulement pour leur grosseur et leur engraissement, mais aussi pour leurs portées et leurs accouplements, de telle sorte que les mêmes animaux produisent davantage dans tel lieu, et produisent moins dans tel autre. [5,10] CHAPITRE X. {544b} 1 Les mollusques frayent également au printemps; et parmi les poissons de haute mer, c'est la seiche qui est des premiers à frayer. Elle fraye en toute saison ; et elle y met quinze jours. Quand la femelle a produit les œufs, le mâle, qui la suit, répand dessus sa liqueur séminale, qui les solidifie. Les seiches vont par couple; le mâle a le dos plus bariolé et plus noir que celui de la femelle. 2 Le polype s'accouple en hiver; et il produit au printemps, époque où il se tapit, en outre, pendant deux mois. L'œuf qu'il produit ressemble à une touffe de filaments ; et on le prendrait pour le fruit du peuplier blanc. Cet animal est excessivement fécond; et du frai produit par la femelle, il sort un nombre incalculable de petits. Le mâle diffère de la femelle en ce qu'il a la tête plus allongée, et qu'il porte dans un de ses bras cet organe blanc que les pêcheurs nomment sa verge. Le polype couve les œufs qu'il a pondus; et alors les polypes dépérissent beaucoup, parce que, durant tout ce temps, ils cessent d'aller à la pâture. 3 Les pourpres naissent au printemps; et les buccins, à la fin de l'hiver. En général, les testacés portent ce qu'on appelle leurs œufs au printemps et à l'automne, sauf les hérissons de mer comestibles. C'est à ces deux saisons qu'ils en ont le plus; mais ils en ont dans toutes habituellement, et en plus grande quantité, dans les pleines lunes et durant les jours de chaleur; si ce n'est ceux de l'Euripe des Pyrrhéehs (du Pont-Euxin), qui font exception; car ces derniers poissons sont meilleurs en hiver; ils sont alors petits, mais pleins d'œufs. C'est dans la même saison que tous les limaçons sont également remplis d'œufs. [5,11] CHAPITRE XI. 1 Parmi les oiseaux, les oiseaux sauvages, ainsi qu'on l'a dit déjà, ne s'accouplent et ne pondent qu'une fois. L'hirondelle et le merle pondent deux fois. Mais la première ponte du merle est tuée par le froid de l'hiver; car le merle est de tous les oiseaux celui qui pond le plus tôt. Il n'amène à bien que sa seconde couvée. 2 Mais tous les oiseaux qui sont domestiques, ou qui peuvent devenir domestiques, font plusieurs pontes; par exemple, les pigeons, qui pondent tout l'été, ainsi que l'espèce des poules. Dans cette dernière espèce, les mâles couvrent les femelles, et les femelles se laissent couvrir, en tout temps, si ce n'est pendant les jours du solstice d'hiver. {545a} 3 D'ailleurs, il faut distinguer plusieurs sortes de pigeons. En effet, le biset et le pigeon ne se confondent pas; le biset est plus petit, et le pigeon s'apprivoise davantage. Le biset est noir, en même temps que petit ; il a des pieds rouges et rugueux. Aussi, ne se donne-t-on pas la peine d'en élever. 4 Le plus gros de tous les pigeons est le pigeon à collier; et ensuite, le ramier. Cette dernière espèce est un peu plus grande que le pigeon ordinaire. Le plus petit de tous est la tourterelle. Les pigeons pondent en toute saison ; et en toute saison, ils élèvent leurs petits, s'ils sont dans un lieu chaud et qu'ils aient tout ce qu'il leur faut. Autrement, ils ne pondent qu'en été. Les jeunes du printemps et de l'automne sont les plus forts; les moins bons sont ceux de l'été et des grandes chaleurs. [5,12] CHAPITRE XII. 1 L'âge où les animaux peuvent s'accoupler présente aussi de grandes différences. Ce n'est pas tout d'abord que, chez la plupart des animaux, la sécrétion de la semence coïncide avec la faculté d'engendrer; cette faculté est plus tardive. En effet, dans tous les animaux, la première semence des jeunes est stérile; et quand, par hasard, ils deviennent féconds, leurs rejetons sont plus faibles, et plus petits. 2 Ce fait est surtout évident chez l'homme, chez les vivipares quadrupèdes et chez les oiseaux ; pour les uns, les rejetons, pour les autres, les œufs, sont plus petits. 3 L'âge où l'accouplement devient possible est à peu de chose près le même pour les individus de la même espèce, dans les animaux de tout ordre, à moins qu'il n'y ait eu précédemment quelque monstruosité, ou quelque accident qui altère la nature. 4 Dans l'homme, les signes de la puberté sont de toute évidence : c'est le changement de la voix; c'est le changement des parties honteuses, non seulement pour la grosseur, mais aussi pour leur forme ; c'est enfin le changement non moins remarquable des mamelles; et par dessus tout, la production des poils aux parties génitales. C'est vers l'âge de deux fois sept ans que l'homme commence à avoir de la semence ; et il n'est vraiment fécond que vers trois fois sept ans. 5 Dans les autres animaux, cette production des poils n'a pas lieu, puisque, ou les uns n'ont pas du tout de poils, ou les autres n'en ont pas dans les parties inférieures, ou en ont moins que sur le dos. Chez quelques-uns, la voix change tout aussi sensiblement que chez l'homme. Pour d'autres, ce sont des parties différentes du corps qui annoncent que l'individu commence à avoir de la semence, et qu'il est en état de produire. 6 Chez presque toutes les espèces, la femelle a la voix plus aiguë ; les jeunes l'ont également plus aiguë que les vieux. {545b} Dans les cerfs, les mâles ont une voix plus grave que les femelles ; les mâles se font entendre quand c'est le temps de l'accouplement ; et les femelles, quand elles ont peur. La voix de la femelle est brève; celle du mâle se prolonge. Les chiens, en vieillissant, prennent une voix plus grave. 7 Les voix des chevaux présentent aussi des différences. A leur naissance, les pouliches ont la voix grêle et faible; les poulains l'ont faible aussi, mais cependant plus grave et plus forte que les femelles. Avec le temps, elle devient de plus en plus forte. Vers deux ans, quand il peut commencer à saillir, le mâle lance une voix puissante et grave; alors aussi, la femelle l'a plus forte et plus pleine qu'auparavant ; et cela dure ordinairement jusqu'à la vingtième année. Passé cette époque, la voix des mâles et des femelles va en s'affaiblissant. 8 En général, ainsi que nous venons de le dire, la voix des mâles se distingue de celle des femelles, en ce qu'elle a des sons plus graves, dans tous les animaux qui émettent une voix qu'on peut entendre. Mais ceci ne serait pas exact pour toutes les espèces ; et dans quelques-unes, c'est tout le contraire, par exemple dans les bœufs, La femelle, pour cette espèce, a la voix plus grave que le mâle; et les veaux l'ont plus grave que les adultes. De là vient que les bêtes qui sont coupées changent de voix en sens opposé à leur sexe, parce que les animaux coupés se rapprochent de la nature des femelles. 9 Quant aux temps de l'accouplement, en ce qui concerne l'âge, voici ce qu'on peut dire pour les divers animaux. La brebis et la chèvre peuvent s'accoupler et porter dès leur première année; et plus spécialement, la chèvre. Les mâles aussi peuvent s'accoupler après le même temps. Mais les produits, dans ces espèces, sont différents de ce qu'ils sont dans les autres. Les mâles sont plus forts dans l'année suivante que quand ils prennent de l'âge. 10 Le porc peut s'accoupler, le mâle et la femelle, à huit mois; et alors la femelle met bas à un an; car c'est à ce moment que finit le temps de la gestation. Le mâle peut bien en effet saillir à huit mois; mais ses petits sont très faibles quand il saillit avant d'avoir atteint sa première année. 11 Du reste, ainsi qu'on l'a déjà dit, les âges de l'accouplement ne sont pas les mêmes partout. Dans tels lieux, {546a} les porcs, mâle et femelle, peuvent s'accoupler dès quatre mois; et par suite, ils peuvent produire et élever leurs petits à six mois. Dans d'autres endroits, les sangliers commencent la saillie à leur dixième mois ; et ils sont plus vigoureux jusqu'à la troisième année. 12 La chienne se laisse généralement couvrir à un an ; et le chien couvre au même âge. On en a vu quelquefois qui étaient formés à huit mois; mais c'est plus fréquent chez le mâle que chez la femelle. La chienne porte soixante et un jours, soixante-deux, soixante-trois tout au plus; elle ne porte jamais moins des soixante jours; et s'il se produit quelque chose avant ce temps, les petits ne viennent pas à bien. Une fois délivrée, la chienne se laisse couvrir après six mois; et jamais auparavant. 13 Le cheval commence à saillir à deux ans, et la jument peut être saillie également bien ; la génération a lieu ; mais les produits, à cette époque, sont plus petits et plus faibles. Le plus ordinairement, l'âge est celui de trois ans pour les mâles qui couvrent, pour les femelles qui sont couvertes; le mâle gagne toujours, et fait des poulains de plus en plus vigoureux jusqu'à vingt ans. Le cheval peut saillir jusqu'à trente-trois ans; la jument peut le recevoir jusqu'à quarante. Ainsi, l'accouplement peut avoir lieu pour ces animaux pendant presque toute la durée de leur existence, puisqu'en général le mâle vit jusqu'à trente-cinq ans environ; et la femelle, au-delà de quarante. On a même vu un cheval vivre jusqu'à soixante et quinze ans. 14 L'âne, mâle et femelle, peut s'accoupler à trente mois; mais d'habitude, ils ne produisent qu'à trois ans, trois ans et demi. Pourtant, on cite une ânesse qui a conçu à un an, et dont le petit a pu vivre; l'on cite aussi une vache qui a conçu à la même époque, et dont le veau a vécu; il atteignit même la grosseur ordinaire ; mais la vache ne mit bas que cette seule fois. 15 Telles sont donc les époques où les animaux qu'on vient de nommer commencent à produire. 16 L'homme peut engendrer jusqu'à soixante et dix ans au plus tard ; la femme peut concevoir jusqu'à cinquante ; mais ces cas sont rares ; et il en est bien peu qui, à ces âges-là, puissent avoir des enfants. Ordinairement, le terme est pour les hommes soixante-cinq ans, et pour les femmes quarante-cinq. 17 La brebis porte jusqu'à huit ans ; et si elle est bien soignée, même jusqu'à onze. C'est donc presque pendant la vie entière que, dans cette espèce, le mâle et la femelle peuvent s'accoupler. {546b} Les boucs, quand ils sont gras, sont moins féconds ; et c'est par allusion à ces boucs qu'en parlant des vignes sans raisins on dit « qu'elles font le bouc ». Mais les boucs, en maigrissant, redeviennent capables de produire. Les béliers couvrent d'abord les plus vieilles brebis ; et ils ne poursuivent pas les jeunes. Mais, ainsi qu'on l'a dit plus haut, les jeunes ont des produits plus petits que ceux des brebis plus vieilles. 18 Le sanglier est d'une bonne production jusqu'à trois ans; mais les produits de sangliers plus âgés sont moins bons, parce que passé cet âge l'animal lui-même ne croît plus et n'a plus de force génératrice. Ordinairement, c'est après s'être repu qu'il saillit, et quand il n'a pas précédemment couvert une autre femelle. Si non, l'accouplement est beaucoup plus court; et les produits sont plus faibles. 19 La première portée dans le cochon est la moins féconde; c'est la seconde qui est de toute vigueur. Quand la femelle vieillit, elle produit toujours également; mais elle se laisse plus difficilement couvrir. A quinze ans, les truies ne produisent plus; et elles deviennent des vieilles. Quand la truie est bien nourrie, elle est plus ardente à l'accouplement, qu'elle soit d'ailleurs jeune ou vieille. Mais si on l'engraisse trop pendant qu'elle est pleine, elle a moins de lait après qu'elle a mis bas. Relativement à l'âge, ses petits les plus forts sont ceux qu'elle a étant dans toute sa vigueur; et relativement aux saisons, ce sont ceux qu'elle a eus au début de l'hiver. Les plus faibles sont ceux de l'été, qui sont chétifs, peu lourds et de chair aqueuse. 20 Le mâle, s'il est bien nourri, peut saillir en toute saison, le jour comme la nuit; s'il n'est pas bien nourri, c'est surtout le matin qu'il saillit. Mais en prenant de l'âge, il saillit toujours de moins en moins, ainsi que cela a été dit plus haut. Souvent ceux que l'âge ou la maladie a affaiblis ne peuvent plus s'accoupler assez vite ; la femelle se couche par terre, parce qu'elle se fatigue à être debout, et c'est en se couchant près l'un de l'autre qu'ils s'accouplent. On juge que la truie est pleine quand, après l'accouplement, ses oreilles sont basses ; si elles ne le sont pas, elle redevient en chaleur. 21 Les chiennes ne sont pas fécondes durant leur vie entière, mais dans un certain moment de vigueur. C'est ordinairement jusqu'à douze ans que l'accouplement et la portée peuvent avoir lieu. On a vu néanmoins quelquefois le mâle engendrer, et la femelle porter jusqu'à dix-huit et vingt ans. Mais la vieillesse leur ôte, aussi bien que dans les autres espèces, la faculté d'engendrer et de concevoir. {547a} 22 Le chameau est un des animaux qui urinent en arrière et qui s'accouplent de cette façon, comme on l'a dit plus haut. En Arabie, l'époque de l'accouplement a lieu vers le mois de Maemactérion. La chancelle porte douze mois ; et elle ne met bas qu'un seul petit ; car le chameau n'a jamais qu'un petit à la fois. La femelle commence à se laisser couvrir à trois ans ; et le mâle attend trois ans aussi. Après qu'elle a mis bas, la femelle reste un an entier sans se laisser couvrir. 23 L'éléphant femelle ne se laisse couvrir qu'à dix ans au plus tôt, et à quinze ans au plus tard. Le mâle peut déjà monter à cinq ou six ans. L'époque de l'accouplement est au printemps. Après cet accouplement, il reste trois années sans saillir ; et il ne touche plus la femelle qu'il a une fois rendue pleine. La femelle porte deux ans, et ne produit qu'un seul petit ; car elle est de l'espèce des animaux qui n'ont jamais qu'un petit à la fois. Le petit, à sa naissance, est de la grosseur d'un veau de deux ou trois mois. 24 Tels sont les divers modes d'accouplement dans les animaux qui s'accouplent. [5,13] CHAPITRE XIII. 1 Maintenant, il faut parler de la génération des animaux, non pas seulement de ceux qui s'accouplent, mais de ceux qui ne s'accouplent pas. Nous traiterons d'abord des testacés. Ils forment le seul genre, pour ainsi dire, qui tout entier n'ait pas d'accouplement. 2 Ainsi, les pourpres se réunissent, en grand nombre au printemps, dans le même lieu, pour y faire ce qu'on appelle leur cire. C'est en effet une sorte de cire analogue à celle du miel, si ce n'est qu'elle n'est pas aussi brillante ; mais on dirait un amalgame de cosses nombreuses de pois-chiches, de couleur blanche. Ces cosses apparentes n'ont pas de canal ouvert, et ce n'est point d'elles que naissent les pourpres ; elles aussi, les pourpres, naissent de la bourbe et de la putréfaction, comme les autres testacés. Cette cire est pour elles une sorte d'excrétion qui les purge, comme elle l'est également pour les buccins, qui font aussi leur cire. 3 Les testacés qui font de la cire naissent absolument de la même manière que le reste des testacés; mais leur naissance est plus facile, puisque les éléments homogènes sont préalablement tout préparés. Quand ils commencent à faire de la cire, ils jettent une mucosité gluante, qui sert à lier ensemble ces espèces de cosses de pois. Toutes ces cosses se répandent dans l'eau, et portent leur liqueur à terre. A l'endroit où elles s'arrêtent, se forment dans la terre de petites pourpres, qu'on trouve sur les pourpres qu'on pêche et qui parfois sont encore tout informes. Si l'on prend des pourpres avant qu'elles n'aient pondu, elles pondent dans les nasses mêmes, non pas au point où elles se trouvent, mais en se réunissant en une masse unique, comme si elles étaient encore dans la mer ; seulement, resserrées comme elles le sont, elles forment une sorte de grappe de raisin. 4 D'ailleurs, on distingue plusieurs espèces de pourpres. Les unes sont très grandes, comme celles du cap Sigée et de Lectos; les autres sont petites, comme celles de l'Euripe et des côtes de Carie. Celles qu'on trouve dans les rades sont grandes et rugueuses. La plupart ont leur bouquet de couleur noire; quelques-unes sont rouge et tout petit. Parfois, elles deviennent très grandes, jusqu'à peser une mine. Celles qui sont sur les bords et près des promontoires sont petites; et leur bouquet est rouge. Dans les endroits exposés au nord, elles sont noires; et rouges, dans les endroits exposés au midi ; du moins, c'est le plus ordinaire. 5 On prend les pourpres au printemps, au moment où elles font leur cire. Dans la canicule, on n'en prend plus, parce qu'alors elles ne vont plus à la pâture, et qu'elles se cachent et se blottissent. Leur bouquet est placé entre le micon et le cou ; la connexion de ces deux parties est épaisse ; la couleur est celle d'une membrane blanche, qu'on peut enlever, et qui, quand on l'écrase, teint et colore la main. Il y a comme une veine qui la traverse ; et c'est là précisément ce qu'on prend pour le bouquet ; le reste ressemble à de l'alun. Le bouquet des pourpres est le moins bon au moment où elles font leur cire. 6 On broie les petites pourpres avec leurs coquilles, parce qu'il serait trop difficile de détacher leur bouquet; mais on l'enlève aux plus grandes, après avoir ôté préalablement la coquille. De cette façon, le cou se trouve séparé du micon; et entre les deux, se trouve le bouquet, au-dessus de ce qu'on appelle l'estomac; le bouquet enlevé, il faut nécessairement que les deux parties se séparent. 7 On a bien soin de broyer les pourpres toutes vivantes; car si la pourpre meurt avant cette opération, elle rejette et vomit son bouquet. Aussi, les garde-t-on dans les filets jusqu'à ce qu'on les ait réunies en nombre, et qu'on puisse aisément les piler. Jadis, on ne mettait pas de nasses sous les appâts, et on ne les disposait pas comme on fait maintenant. Il en résultait que souvent la pourpre retombait à l'eau après qu'on l'en avait tirée; mais aujourd'hui on arrange les choses de façon que, si la pourpre retombe, elle ne soit pas perdue. Elle retombe surtout quand elle est pleine ; mais alors même qu'elle est vide, il n'est pas facile de la tirer. 8 Voilà les particularités de la pourpre. {548a} Les buccins naissent de la même manière qu'elles, et dans la même saison. Les buccins et les pourpres ont, les uns et les autres, leurs opercules placés de même, et l'ont dès leur naissance, comme tous les autres turbines. Ils se repaissent en tirant ce qu'on appelle leur langue de dessous leur opercule. Cette langue de la pourpre est plus grosse que le doigt ; elle s'en sert pour se nourrir, et pour percer les coquillages, et même sa propre coquille. 9 La pourpre et le buccin vivent tous deux fort longtemps. La pourpre vit à peu près six ans ; et chaque année, on peut suivre et voir sa croissance sur la coquille par les pas de l'hélice. 10 Les moules font aussi de la cire. Quant aux huîtres proprement dites, elles se forment, dès le principe, dans les endroits où il y a de la vase. Les conques, les chèmes, les solènes et les peignes trouvent leur organisation dans les fonds de sable. Les pinnes poussent toutes droites du fond de la mer, dans les sables et dans la bourbe. Elles ont dans leur propre coquille le Sauveur de la pinne, qui est, tantôt une petite squille, tantôt un petit crabe. Quand les pinnes le perdent, elles ne tardent pas à mourir elles-mêmes. 11 En général, tous les testacés proviennent spontanément de la vase ; et ils diffèrent selon que diffère la vase elle-même. Les huîtres viennent dans la vase; c'est dans le sable,que naissent les conques et les testacés dont on vient de parler ; dans les crevasses des petits rochers, naissent les thétyes, les glands, et les testacés qui restent à fleur d'eau, comme les écuelles et les nérites. Tous ces testacés se développent et prennent vite toute leur croissance; surtout les pourpres et les peignes, qui sont formés en une année. 12 Il se trouve dans certains testacés des crabes blancs, très petits; ils sont le plus fréquemment dans les moules fovéolées; et dans les pinnes, il y a ceux qu'on appelle les Pinnotères. On en trouve encore dans les peignes et dans les huîtres. Ces petits crabes ne prennent aucun accroissement sensible ; et les pêcheurs prétendent qu'ils naissent avec les animaux mêmes où ils sont. Les peignes disparaisseni quelque temps dans le sable, comme les pourpres s'y enfouissent aussi. 13 Les coquillages sont formés comme on l'a dit. Les uns naissent {548b} dans les bas-fonds, sur les côtes, dans les boues, quelques-uns dans les roches les plus dures, quelques-uns dans les fonds de sable. Il en est qui changent de place ; d'autres n'en changent pas. Parmi ceux qui en changent, les pinnes poussent des racines; au contraire, les solènes et les conques subsistent sans avoir de racines ; mais si on les arrache d'où ils sont, ils ne peuvent plus vivre. 14 Le coquillage appelé l'Étoile est naturellement si chaud que tout ce qu'il prend est brûlé, du moment qu'il le touche. On assure que la destruction ainsi causée par cet animal, est surtout remarquable dans l'Euripe des Pyrrhéens; sa forme ressemble aux dessins qu'on fait des étoiles.15 Les coquillages qu'on appelle Poumons de mer naissent spontanément aussi; celui dont la coquille sert aux peintres est beaucoup plus épais; et pour celui-là, le bouquet est à l'extérieur de la coquille. Ceux-là se trouvent plus ordinairement sur les côtes voisines de la Carie. 16 Le petit crabe naît tout d'abord de la terre et de la vase ; puis, il entre dans quelque coquille vide ; et après y avoir grossi, il passe dans une coquille plus grande encore, comme celle du nérite, ou celle du trombe, et d'autres coquillages analogues. Souvent aussi, il va se loger dans les petits buccins; une fois entré, il porte cette coquille avec lui, il s'y nourrit; et quand il y a grandi, il passe de nouveau dans une coquille plus volumineuse encore. [5,14] CHAPITRE XIV. 1 Les animaux du genre des orties de mer et les éponges naissent de la même manière que les testacés, bien qu'ils n'aient pas de coquille, dans les trous des rochers. Il y a deux genres d'orties. Les unes enfoncées dans des creux ne se détachent pas de la pierre ; les autres placées sur des surfaces lisses et aplaties se détachent, et changent de lieu. C'est ainsi que les lépades changent de place, après s'être détachées. 2 Les sauveurs de pinnes se glissent dans les pores des éponges. Ils tendent comme une toile d'araignée sur ces nids; et en l'ouvrant et en la refermant, ils y prennent les très petits poissons; pour les y laisser entrer, ils ouvrent ce filet; et une fois qu'ils y sont entrés, ils le referment. 3 Les éponges sont de trois espèces : l'une est peu serrée ; l'autre est compacte ; la troisième est celle qu'on nomme l'éponge d'Achille, la plus fine, la plus serrée, et la plus forte des trois. On la met sous les casques et sous les jambières ; et par là, le bruit se trouve amorti. Cette dernière espèce est la plus rare. Parmi les éponges grossières, les plus dures et les plus rudes ont reçu le nom de Bouquins. Toutes les éponges poussent sur le roc, ou près des bords de la mer ; elles se nourrissent dans le limon. Ce qui semble le prouver, c'est que, quand on les prend, elles sont toutes pleines de boue. On peut faire la même remarque pour tous les autres animaux qui sont attachés à un lieu quelconque, et qui tirent leur nourriture du lieu même où ils sont fixés. 4 Les grosses éponges sont plus faibles que celles qui sont moins serrées, parce que le point d'attache y est plus petit. On prétend que l'éponge a la faculté de sentir; et l'on cite en preuve que, quand elle sent qu'on va l'arracher de sa place, elle se contracte ; ce qui rend difficile de la détacher. Elle en fait encore autant quand le vent est violent, et que les vagues clapotent, afin de n'être point emportée. Il y a d'ailleurs bien des gens qui contestent le fait, par exemple ceux de Torone. 5 L'éponge nourrit en elle-même des animaux, qui sont des vers, ou d'autres du même genre, que dévorent, quand l'éponge a été ouverte, les petits poissons des rochers, ainsi qu'ils dévorent ce qui reste de ses racines. Quand on arrache l'éponge, elle peut renaître de ce qui en reste; et elle redevient complète. 6 Les plus grosses éponges sont les moins serrées ; et elles se trouvent d'ordinaire sur les côtes de Lycie. Les plus douces sont les plus serrées ; car les éponges d'Achille sont plus compactes que celles-là. Les plus douces sont celles qui se trouvent dans les eaux profondes et toujours calmes. Le vent et le froid les durcissent, comme tant d'autres plantes, et les empêchent de grossir. De là vient que les éponges de l'Hellespont sont dures et épaisses, et que celles qu'on trouve au-delà du cap Malées et celles qu'on trouve en deçà, diffèrent par la douceur des unes et la rudesse des autres. 7 Il ne leur faut pas non plus trop de chaleur; car alors elles se flétrissent, comme les plantes. Les plus belles sont donc celles qui viennent sur les bords, si elles y trouvent des eaux profondes; car elles ont ainsi un heureux mélange de température contre les extrêmes, à cause de la profondeur où elles sont. Quand elles n'ont pas encore été lavées et qu'elles sont encore en vie, elles sont noires. Du reste, elles ne sont point attachées par un seul point, ni dans toute leur étendue; car les pores de leur milieu sont vides. L'éponge se déploie, comme une sorte de membrane, dans ses parties inférieures; et l'adhérence se fait sur plusieurs points; {549b} en haut, les autres pores sont fermés ; il n'en reste d'apparents que quatre ou cinq ; et c'est là ce qui donne lieu à quelques personnes de croire que c'est par ces pores que l'éponge se nourrit. 8 Il est une autre espèce d'épongés qu'on nomme Aplusies, inlavables, parce qu'en effet on ne peut pas les nettoyer en les lavant. Cette espèce a de grands trous, et tout le reste est compact. Quand on la coupe, on la trouve plus compacte que l'éponge ordinaire; et le tout a l'air d'un poumon. C'est à ce genre d'épongés qu'on s'accorde plus généralement à attribuer de la sensibilité, et une plus longue existence. Dans la mer, on les distingue aisément des autres éponges; les épongés ordinaires blanchissent quand la vase en a été retirée, tandis que celles-ci sont toujours noires. 9 La production des éponges et des testacés a lieu comme on vient de le voir. [5,15] CHAPITRE XV. 1 Parmi les crustacés, les langoustes, pleines après l'accouplement, conçoivent leurs œufs et les gardent pendant trois mois à peu près, Squirrhophorion, Hécatombéon et Métagueitnion. Après ce temps, elles font une ponte préliminaire en amenant leurs œufs sous leur ventre, dans des poches, où les œufs se développent comme des larves. La même organisation se retrouve dans les mollusques et dans les poissons ovipares ; pour tous ces animaux, l'œuf prend ce développement. 2 L'œuf de la langouste est grenu; et il est partagé en huit portions. A chacun des opercules de la queue, qui sont attachés sur le côté, il y a une sorte de cartilage auquel les œufs adhèrent; et la masse totale ressemble à une grappe ; car chacun de ces cartilages est lui-même divisé en plusieurs ; on peut le voir très nettement en séparant les portions; mais, au premier coup d'œil, on n'aperçoit qu'une masse confuse. Les œufs les plus gros ne sont pas ceux qui sont près de l'orifice ; ce sont ceux du milieu; les derniers sont les plus petits.3 La grosseur des œufs est celle d'un grain de figue. Ils ne sont pas placés immédiatement au bout de l'orifice ; ils sont au milieu. De chaque côté, deux intervalles surtout les séparent de la queue et du tronc; du reste, c'est ainsi que les opercules sont naturellement disposés. Les parties qui sont sur le côté ne peuvent à elles seules recouvrir et ramasser tous les œufs; mais en y appliquant l'extrémité de la queue, la langouste les couvre tous ; et c'est comme un couvercle qu'elle met dessus. {550a} 4 Il semble qu'en pondant ses œufs, elle les pousse vers les cartilages, avec la partie plate de sa queue, qu'elle replie à cet effet; une fois qu'elle les a pressés, en se recourbant, elle les pond aussitôt, et elle les dépose en s'accroupissant. Vers le même temps, les cartilages s'agrandissent ; et ils deviennent en état de recevoir les œufs. Ainsi, les langoustes pondent près des cartilages, de même que les seiches disposent les leurs dans les herbes et les broutilles du bord. C'est donc de cette manière que pond la langouste. Après avoir mûri ses œufs dans cet organe, pendant vingt jours au plus, elle les jette en masse et tout à la fois, comme on peut les voir quand ils sont sortis. Quinze jours après, tout au plus, il en sort des langoustes, et l'on en prend souvent qui ne sont pas plus grosses que le doigt. Ainsi, la langouste fait sa ponte préliminaire avant le lever de la Grande Ourse, et elle jette ses œufs après son coucher. 5 La gestation pour les squilles bossues est d'environ quatre mois. Les langoustes viennent dans les endroits inégaux et pierreux; les homards aiment les lieux unis ; mais ni les uns ni les autres ne se plaisent dans la vase. Aussi, trouve-t-on les homards dans l'Hellespont, et aux environs de Thasos ; et les langoustes, aux environs du promontoire Sigée et du mont Athos. Les pêcheurs reconnaissent et distinguent les lieux inégaux et vaseux d'après les rivages, et à d'autres signes analogues, quand ils vont à la pêche en haute mer. Du reste, ces poissons se rapprochent davantage de la terre au printemps et en hiver; en été, ils vont dans la haute mer, recherchant, tantôt la chaleur, et tantôt la fraîcheur. 6 Les poissons qu'on appelle des Ourses de mer jettent leurs œufs à peu près à la même époque que les langoustes. Aussi, est-ce en hiver, ou avant de pondre au printemps, que les ourses sont les meilleures ; et c'est après la ponte qu'elles sont les moins bonnes. Les langoustes et les homards, aussitôt après leur naissance, et plus tard également, se dépouillent de leur enveloppe, de même qu les serpents se dépouillent de ce qu'on appelle leur « Vieille peau ». Toutes les espèces de langoustes vivent longtemps. [5,16] CHAPITRE XVI. 1 Les mollusques, après l'accouplement et la fécondation, portent un œuf blanc ; avec le temps, cet œuf devient granuleux, comme celui des crustacés à coquille dure. Le polype va déposer aussi ses œufs dans les trous qui lui servent de retraite, dans les tessons, ou dans quelque endroit creux. Ce qu'il dépose ressemble aux touffes de la vigne sauvage et du peuplier blanc, ainsi qu'on l'a déjà dit. Les œufs, quand ils sont pondus, sont attachés aux parois de la retraite que l'animal s'est choisie ; {550b} la quantité en est si grande que, si on les ôtait des parois, ils rempliraient un vase beaucoup plus grand que la tête du polype qui les contient. 2 Il faut cinquante jours tout au plus pour que, des enveloppes qui se rompent, il sorte une foule de petits polypes, qui se mettent à ramper, comme autant de petites araignées, qui seraient en quantité considérable. Chacun de leurs membres avec sa nature propre, n'est pas bien marqué, ni bien évident; mais leur forme générale est distincte. Il y a un bon nombre de ces petits polypes qui meurent à cause de leur petitesse et de leur faiblesse. On en voit quelquefois qui sont si petits qu'ils n'ont aucune articulation; mais, dès qu'on les touche, on les voit se mouvoir. 3 Les seiches pondent des œufs qui ressemblent à des baies de myrte, grosses et noires. Ces œufs se tiennent les uns aux autres, de manière à former grappe, et tellement reliés entre eux, par une certaine matière, qu'il est difficile de les décoller. Le mâle jette dessus une espèce de viscosité gluante, qui les fait adhérer en les collant. Dans cette position, les œufs grossissent; aussitôt après que le mâle a répandu sa laite, ils sont blancs; puis ensuite, ils se développent et deviennent noirs. La petite seiche se forme tout entière du blanc qui est à l'intérieur; puis, elle le rompt pour en sortir. 4 Au moment où la femelle le dépose, l'intérieur est comme une sorte de grêlon. La petite seiche se forme de cet intérieur par la tête, comme le font les oiseaux, qui sont attachés par le ventre. Quelle est cette adhérence qui ressemble à celle de l'ombilic, c'est ce qu'on n'a pas encore bien observé ; et tout ce qu'on sait, c'est qu'à mesure que la petite seiche grandit, le blanc diminue sans cesse, et qu'enfin ce blanc disparait entièrement, tout à fait comme le jaune des oiseaux. 5 Pour ces animaux, comme pour tant d'autres, les yeux sont d'abord très gros. Soit l'œuf représenté par A ; les yeux, représentés par G, et la petite seiche par D. 6 La seiche est pleine au printemps ; et il lui faut quinze jours pour pondre. Quand elle a pondu les œufs, il faut encore quinze autres jours pour qu'ils deviennent comme les petits grains de raisin ; et c'est en brisant ces grains, que la petite seiche, qui est dedans, peut en sortir. Si on les divise, en les ouvrant avant ce moment, mais lorsque déjà les petites seiches sont entièrement formées, elles lancent leurs excréments ; et leur couleur, qui était blanche, devient toute rouge par la peur qu'elles éprouvent. 551a} 7 Les crustacés couvent leurs œufs en les plaçant directement en eux-mêmes. Le polype, la seiche et les autres animaux de ce genre, couvent leurs œufs à l'endroit même où ils les ont déposés ; la seiche surtout, qu'on voit souvent près de terre, le corps sortant de l'eau, posé sur ses œufs. Tantôt le polype femelle se met sur ses œufs, tantôt elle se place à la bouche du trou dans lequel ils sont cachés, étendant un de ses bras à l'entrée. 8 C'est près de terre que la seiche dépose ses œufs, dans l'algue, dans les roseaux, ou tels autres débris de la laisse de mer, tels que morceaux de bois, ou de paille ou de petites pierres. Aussi, les pêcheurs ont-ils le soin de placer en lieu convenable des baguettes, pour que la seiche y dépose ses œufs, en une longue série continue, en forme de peloton enroulé. La seiche ne pond ses œufs et ne les jette que par intervalles, comme si l'expulsion en était douloureuse. 9 Les calmars pondent en haute-mer; et comme pour la seiche, leur œuf est une masse continue. D'ailleurs, le calmar et la seiche vivent peu de temps ; et il y en a quelques-unes à peine qui aillent au-delà de deux ans. Les polypes ne vivent pas non plus davantage. Il ne sort qu'une seule petite seiche de chaque œuf; et il en est de même des calmars. 10 Le calmar mâle diffère de la femelle en ce qu'elle a dans l'intérieur, qu'on peut voir en écartant sa chevelure, deux corps rouges en forme de mamelons, et que le mâle ne les a pas. La seiche femelle diffère du mâle en ce qu'il est plus bariolé qu'elle dans ses couleurs, ainsi qu'on l'a déjà dit plus haut [5,17] CHAPITRE XVII. 1 On a dit antérieurement que, dans les insectes, les mâles sont plus petits que les femelles, qu'ils montent sur leur dos, et qu'ils ont grand'peine à se séparer après l'accouplement, qu'on a également décrit. Après l'accouplement, tous ceux des insectes qui s'accouplent pondent presque aussitôt. Tous les insectes produisent des vers ou larves, excepté une espèce de papillons, laquelle produit un corps dur, qui est pareil à un grain de chardon, et liquide en dedans. Ce n'est pas d'une partie seulement de la larve que sort le petit, comme il sort des œufs ; mais l'animal en sort avec toute sa grandeur et tous ses membres. 2 Tantôt, dans les insectes, les petits viennent d'animaux semblables; ainsi les phalangites et les araignées viennent de phalangites et d'araignées ; il en est de même des sauterelles, des criquets, des cigales ; tantôt, les insectes ne viennent pas. {551b} d'autres animaux pareils, mais ils naissent spontanément ; tantôt, ils naissent par la rosée, tombant sur les feuilles. 3 Selon l'ordre habituel, c'est au printemps qu'ils naissent ; souvent aussi, c'est en hiver, lorsque, pendant un temps plus long qu'à l'ordinaire, il y a de beaux jours et qu'il fait un vent du sud. 4 D'autres insectes viennent dans la boue et dans les immondices; d'autres viennent dans le bois, soit dans des bois qui poussent encore, soit dans des bois déjà secs. D'autres se trouvent dans les poils des animaux ; d'autres, jusque dans leur chair; d'autres, dans leurs excréments, que ces excréments soient déjà expulsés, ou qu'ils restent encore dans l'animal, comme sont les helminthes. Ces vers helminthes sont de trois espèces : ceux qu'on appelle larges et plats, ceux qui sont ronds, et en troisième lieu, les ascarides. Ces deux dernières espèces de vers ne produisent rien; mais l'espèce large et plate, qui s'attache uniquement à l'intestin, y produit quelque chose qui ressemble à de la graine de coloquinte ; c'est là un signe qui sert aux médecins pour reconnaître les malades atteints de ce ver. 5 Ce qu'on appelle les papillons naissent des chenilles ; et les chenilles se trouvent sur les feuilles vertes, et spécialement, sur le légume connu sous le nom de chou. D'abord, la chenille est plus petite qu'un grain de millet; ensuite, les petites larves grossissent; elles deviennent en trois jours de petites chenilles; ces chenilles se développent; et elles restent sans mouvement; puis, elles changent de forme; alors, c'est ce qu'on appelle des chrysalides; et elles ont leur étui qui est dur. Quand on les touche, elles remuent. Elles sont entourées de fils qui ressemblent à ceux de l'araignée ; et l'on ne distingue à ce moment, ni leur bouche, ni aucune partie de leur corps. Après assez peu de temps, l'étui se rompt; et il en sort, tout ailés, de ces animaux volants qu'on appelle papillons. 6 D'abord et quand ils sont chenilles, ils mangent et rejettent des excréments; mais une fois devenus chrysalides, ils ne prennent plus rien et ne rendent plus d'excrétions. 7 C'est la même transformation que subissent tous les animaux qui viennent de larves, que ces larves naissent d'un accouplement ou qu'elles naissent sans copulation. C'est ainsi que les abeilles, les frelons, les guêpes, quand elles sont à l'état de jeunes larves, se nourrissent et rejettent des excréments; {552a} lorsqu'au contraire, de l'état de larves, elles passent à leur métamorphose, sous le nom de nymphes, qu'on leur donne alors, elles cessent de se nourrir, et elles ne rejettent plus rien d'excrémentitiel. Emprisonnées comme elles le sont, elles restent sans mouvement jusqu'à ce qu'elles aient pris leur grosseur. Alors, elles sortent, après avoir brisé l'étui où elles avaient été enfermées. 8 Les Pénies et les Hypères sortent aussi de ces chenilles, qui font des sortes de vagues en marchant ; elles avancent une partie de leur corps ; et, en courbant le reste, elles le font avancer. Chacun de ces animaux tire sa couleur propre de la chenille d'où il sort. 9 D'une certaine larve qui est fort grande, qui a de petites cornes, et qui diffère de toutes les autres, il sort en premier lieu, par le changement de cette larve, une chenille ; de cette chenille, il sort un cocon; et du cocon, un nécydale. Il faut six mois pour ces métamorphoses successives. Dans quelques pays, les femmes déroulent les cocons de cet animal en les dévidant; et ensuite, elles filent cette matière. Pamphile, fille de Platéus, dans l'île de Cos, passe pour être la première qui ait imaginé ce tissage. 10 Des larves qui se trouvent dans les bois secs, se forment, de la même manière, des scarabées, c'est-à-dire que les larves sont d'abord immobiles; et que les scarabées en sortent plus tard, en brisant l'étui qui les recouvre. Des choux, sortent les chenilles de choux qui ont des ailes aussi ; et des feuilles vertes, sortent des chenilles à queue verte. 11 Des petits animalcules aplatis qu'on voit dans les rivières courir à la surface des eaux, naissent les taons; et le plus souvent, les taons se trouvent sur le bord des eaux où l'on voit des animaux de ce genre. 12 De quelques chenilles peu grandes, noires et velues sortent d'abord des vers-luisants, mais qui sont de ceux qui ne volent pas. Les vers-luisants se métamorphosent, et donnent naissance à des animaux ailés, qu'on appelle des Bostryques. 13 Les empis viennent des ascarides; et les ascarides se forment elles-mêmes dans la vase des puits, et dans tous les endroits où s'accumule de l'eau qui contient un dépôt terreux. La vase qui s'y forme, en croupissant, prend, tout d'abord, une couleur blanche; elle passe ensuite au noir, et elle finit par être couleur de sang. {552b} Quand elle est en cet état, il en sort comme des brins d'herbe, très petits et tout rouges. Ils restent quelque temps attachés au limon ; et s'en séparant ensuite, ils se meuvent sur l'eau. C'est ce qu'on nomme des ascarides. Peu de jours après, les ascarides sont toutes droites sur l'eau, immobiles et dures; puis, l'enveloppe se rompt, et l'empis est posée au sommet de cette enveloppe, jusqu'à ce que le soleil, ou le vent, lui donne la faculté de se mouvoir; et alors, elle peut voler. 14 Toutes les larves et tous les animaux venant de larves dont l'enveloppe se rompt, tirent le principe de leur mouvement, soit du soleil, soit du vent. Les ascarides se forment, en plus grande quantité et plus vite, dans les endroits où les dépôts des eaux sont composés de toute espèce de substances, comme à Mégare, et même dans les sillons des champs, parce que la putréfaction y est plus rapide. Elles se produisent davantage en automne, parce que l'humidité y est moins grande. 15 Les tiques proviennent des herbages ; les scarabées dorés viennent des larves qui se trouvent dans la bouse de vache, et dans celle des âfles. Les canthares roulent de la fiente en boule ; ils s'y cachent pendant l'hiver, et ils y pondent des larves, dont il sort des canthares nouveaux. Des larves qui se trouvent dans les légumes, sortent aussi des animaux ailés de la même façon que ceux qu'on vient de décrire. 16 Les mouches sortent des larves qui sont dans la fiente séparée du reste du fumier. Aussi, les gens qui s'occupent de cette besogne s'appliquent-ils à mettre à part la fiente mêlée au reste ; et ils disent alors que la fiente est bien préparée. Au début, les larves sont toutes petites. D'abord, elles commencent à devenir rouges dans le fumier où elles se trouvent; de l'immobilité où elles sont, elles passent au mouvement, comme si elles venaient alors à la vie. Ensuite, la petite larve se détache, mais sans mouvement; puis, elle se meut, pour devenir encore immobile. C'est de cet état que sort une mouche complète, qui se meut dès que le vent souffle, ou que le soleil paraît et brille. 17 Les taons sortent des bois; les mordelles sortent des petites larves qui se métamorphosent: et ces petites larves viennent sur les tiges du chou. {553a} Les cantharides proviennent des chenilles qui vivent sur les figuiers, les poiriers et les pins ; car il y a des larves sur tous ces arbres. Les cantharides viennent encore des larves de l'églantier ; elles se plaisent sur les matières infectes, parce que c'est de ces matières qu'elles sont nées. Les cônôpes viennent des larves qui se forment dans la lie du vinaigre ; car il y a des animaux jusque dans les substances qui sembleraient pourtant être les moins corruptibles. 18 Ainsi, il y en a dans la vieille neige. En vieillissant, la neige devient de plus en plus rouge ; et de là vient que les larves qu'elle contient sont rouges aussi, en même temps qu'elles sont velues. En Médie, on en voit de grosses et de blanches, qui, d'ailleurs ont très peu de mouvement. A Chypre, où l'on cuit la pierre de cuivre, qu'on met dans le feu pendant plusieurs jours de suite, on voit des animaux jusque dans le feu, un peu plus grands que les grosses mouches, volant tout bas, marchant et sautant au travers de la flamme. 19 Du reste, ces larves et ces animaux cessent de vivre, si on les tire les uns du feu, les autres de la neige. La salamandre est bien la preuve qu'il y a des animaux constitués de telle sorte que le feu ne peut pas les brûler. On prétend même que la salamandre, en passant dans le feu, le fait éteindre. Sur les bords de l'Hypanis, fleuve du Bosphore- cimmérien, vers le solstice d'été, on remarque des espèces de coques plus grosses que des pépins de raisins, flottant à la surface de l'eau, et qui, en se rompant, laissent échapper un animal ailé, à quatre pieds. Cet animal ne vit et ne vole que jusqu'au soir. A mesure que le soleil s'abaisse, il dépérit; et quand le soleil se couche, il meurt, après n'avoir vécu qu'un seul jour. Aussi, l'appelle-t-on l'éphémère. 20 La plupart des animaux qui viennent de chenilles et de larves commencent par être enveloppés de fils d'araignée ; et voilà comment naissent tous ces insectes. 21 Quant aux guêpes qu'on surnomme Ichneumons, et qui sont plus petites que les autres, elles tuent les petites araignées, qu'elles portent dans une fente de mur ou dans tel autre trou ; elles les y enduisent de boue, et elles pondent dedans. C'est comme cela que se produisent les guêpes Ichneumons. Quelques petits insectes coléoptères, qui n'ont pas même reçu de nom, se font de petites tanières avec de la boue, qu'ils appliquent à des tombeaux ou à des murs, {553b} et ils y pondent leurs larves. 22 Dans la plupart de ces espèces, le temps nécessaire à la formation, à partir du début jusqu'à la fin complète, est de trois ou quatre semaines. Pour les larves, et pour tout ce qui s'en rapproche, trois semaines suffisent en général ; mais en général aussi, il en faut quatre pour les insectes qui ont la forme d'œufs. Quant à eux, ils se forment pendant les sept jours qui suivent l'accouplement; dans les trois semaines restantes, ils couvent leurs œufs, et ils les font éclore ; ce sont tous les insectes qui viennent de liqueur séminale, comme les araignées, par exemple, ou tels autres animaux de ce genre. Toutes les métamorphoses de ces espèces se font pour la plupart en trois ou quatre jours ; ce qui est aussi l'intervalle de temps qu'on attribue aux crises dans les maladies. 23 Voilà donc comment naissent et se produisent les insectes. Ils périssent quand leurs organes viennent à se dessécher, en se ridant ; ce qui arrive aussi pour les animaux plus grands qu'eux, quand ces animaux vieillissent. Ceux des insectes qui sont ailés périssent également, lorsque, vers le temps de l'automne, leurs ailes se contractent. Les taons viennent à mourir, quand leurs yeux s'emplissent d'eau. [5,18] CHAPITRE XVIII. 1 La génération des abeilles n'est pas expliquée de la même manière par tout le monde. Les uns prétendent que l'abeille ne conçoit pas et ne s'accouple pas, mais qu'elle porte en elle sa semence, et qu'elle la prend, soit sur la fleur du Kallyntre, selon les uns, soit sur la fleur du roseau, selon d'autres, soit même sur la fleur de l'olivier, selon d'autres encore. En preuve de cette dernière hypothèse, on fait remarquer que les essaims d'abeilles sont d'autant plus nombreux que les oliviers portent davantage de fleurs. D'autres, soutiennent que les abeilles recueillent la semence des bourdons, sur une des matières qu'on vient de nommer, et que cette semence produit les chefs des abeilles. 2 Ces chefs sont de deux sortes : l'un qui est le principal est roux ; l'autre est noir et plus bariolé. Celui-là est le double de la grosseur de l'abeille ouvrière.La partie de leur corps au-dessous du corselet est à peu près une fois et demie la longueur du reste. On les appelle quelquefois les mères, parce qu'on croit qu'elles produisent. Ce qui le prouve, à ce qu'on dit, c'est qu'il peut y avoir génération de bourdons, sans qu'il y ait de chefs et qu'il n'y a pas de génération d'abeilles. On prétend aussi qu'il y a un accouplement, les bourdons étant les mâles, et les abeilles étant les femelles. {554a} 3 Les autres abeilles naissent dans les alvéoles du gâteau de cire ; les chefs naissent en bas sous ce gâteau, séparément, suspendus à ce gâteau, au nombre de six ou sept, et dans une position toute contraire à celles des autres abeilles. Les abeilles ont un aiguillon ; les bourdons n'en ont pas. Les rois et les chefs ont bien un aiguillon aussi ; mais ils ne piquent pas avec cette arme; et c'est là ce qui a donné quelquefois à croire qu'en effet ils n'ont pas du tout d'aiguillon. [5,19] CHAPITRE XIX. 1 Parmi les différentes espèces d'abeilles, la meilleure est celle-qui est petite, arrondie et bariolée. Une autre espèce est longue et se rapproche du frelon. Une troisième espèce qu'on appelle du nom de Voleuse, est noire, et a le ventre très large. Enfin, une quatrième espèce, c'est le bourdon, la plus grande de toutes les espèces, dépourvue d'aiguillon, et ne travaillant pas. Aussi, en vue de leur grosseur, on arrange l'entrée de la ruche, où sont les essaims, de façon que les abeilles peuvent y entrer, et que les bourdons ne le peuvent pas, parce qu'ils sont trop gros. 2 Il y a deux sortes de chefs, ainsi que nous l'avons déjà dit. Il y a plusieurs chefs, et non point un seul dans chaque ruche. Si les chefs ne sont pas en nombre suffisant, la ruche périt; ce n'est pas parce qu'alors la ruche est sans chef qui la gouverne; mais c'est, à ce qu'on dit, parce qu'ils concourent à la production des abeilles. La ruche périt encore si les chefs sont trop nombreux, parce qu'alors ils se divisent. 3 Si le printemps est tardif, si les chaleurs sont trop fortes et l'aridité trop grande, la production est moindre; quand il fait sec, elles donnent plus de miel; et plus de couvains, dans les temps pluvieux. C'est pour cela que la production des oliviers et celle des essaims coïncident. 4 Les abeilles commencent par faire le gâteau de cire; ensuite, elles répandent dessus la semence, en la tirant de leur bouche, comme le disent ceux qui prétendent qu'elles apportent cette semence du dehors ; et elles répandent enfin le miel, qui doit les nourrir, soit pendant l'été, soit pendant l'automne. C'est le miel de l'automne qui est le meilleur. La cire vient des fleurs; et les abeilles recueillent la matière cireuse des larmes qui s'écoulent des arbres. Elles recueillent le miel qui tombe de l'air, surtout au moment du lever des constellations, et quand l'arc-en-ciel s'étend sur la terre. 5 En général, il ne se produit pas de miel avant le lever de la Pléiade. L'abeille fait donc la cire, en la prenant sur les fleurs, comme on vient de le dire; mais elle ne fait pas le miel; elle ne fait que l'apporter, quand il tombe. La preuve, {554b} c'est que les cultivateurs occupés de la récolte du miel trouvent les ruches pleines en un ou deux jours. Une autre preuve encore, c'est que, bien qu'il y ait des fleurs en automne, l'abeille ne fait plus de miel, après celui qu'on lui a retiré. Cependant, quand le miel leur a été une fois ôté, et qu'elles n'ont plus de nourriture, ou qu'une nourriture très-rare, elles feraient encore du miel, si elles le tiraient des fleurs réellement. 6 Le miel s'épaissit en se mûrissant; car tout d'abord, il a la liquidité de l'eau ; et il demeure liquide pendant les premiers jours. Si dans ces jours-là, on l'ôte de la ruche, il ne prend pas plus d'épaisseur; il faut vingt jours au moins pour qu'il arrive à toute sa consistance. 7 C'est surtout au goût qu'on peut en juger; car le miel offre alors de grandes différences de douceur et de consistance. L'abeille l'apporte de toutes les fleurs à calice, et de toutes les plantes dont le suc est doux, sans, d'ailleurs, nuire au fruit en quoi que ce soit. C'est par un organe qui tient lieu de langue qu'elle recueille et rapporte tous ces sucs. On récolte les ruches à l'époque de l'année où paraît la figue sauvage. Les meilleurs essaims sont ceux qui se forment quand les abeilles font leur miel. L'abeille apporte la cire et l'Érithaque sur ses pattes, et elle répand le miel avec sa bouche sur les alvéoles. Quand elle a pondu sa semence, elle la couve, comme le fait un oiseau. 8 La larve de l'abeille, d'abord très petite, est couchée en travers dans l'alvéole; ensuite, elle se relève toute seule sur elle-même ; elle mange ; et elle s'attache à l'alvéole, avec laquelle elle ne fait qu'un. La semence des abeilles et celle des bourdons d'où les larves doivent sortir, est blanche ; et ces larves, en grossissant, deviennent abeilles et bourdons. 9 La semence d'où sortent les rois est légèrement rousse ; et sa consistance est à peu près celle du miel épaissi. Elle a immédiatement la dimension de ce qui va en sortir. Ce n'est pas d'abord une simple larve qui en provient; mais, comme on l'assure, c'est une abeille toute formée, dès le premier moment. Quand l'abeille l'a déposée dans le gâteau de cire, il y a du miel vis-à-vis. L'embryon pousse des pieds et des ailes pendant qu'il est enfermé ; mais quand il est entièrement formé, il rompt la membrane, et la quitte en s'en-volant. {555a} 10 Tant que l'abeille est à l'état de larve, elle rejette des excréments; plus tard, elle n'en rend plus, si ce n'est quand elle est sortie de l'enveloppe, comme on l'a déjà dit. Si l'on enlève la tête d'un embryon, avant qu'il n'ait des ailes, les abeilles se mettent à le manger; et si l'on jette dans la ruche un bourdon auquel on a ôté les ailes, les abeilles dévorent les ailes des autres bourdons, de leur propre mouvement. 11 L'abeille ne vit en général que six ans ; quelques-unes vont jusqu'à sept. Quand une ruche peut durer neuf ou dix ans, on trouve que c'est un heureux succès. Dans les pays du Pont-Euxin, il y a une espèce d'abeilles toutes blanches, qui donnent du miel deux fois par mois. A Thémiscyre sur les bords du Thermodon, les abeilles font les gâteaux de cire dans la terre, tout comme dans les ruches ; le gâteau n'a pas beaucoup de cire ; il y en a peu, et le miel est épais. Le gâteau est lisse et toul uni. Ce n'est pas en toute saison que ces abeilles travaillent; c'est seulement en hiver, parce qu'il y a beaucoup de lierre dans ces contrées; il n'y fleurit qu'à cette époque de l'année ; et c'est du lierre que les abeilles tirent leur miel. 12 A Amisos, on apporte, de la partie haute du pays, un miel blanc et très compact, que les abeilles font, sans gâteau de cire, sur les arbres. Il y en a aussi de pareil dans d'autres pays du Pont. Il y a encore des abeilles qui font des gâteaux de cire triples dans le sol. Les alvéoles ont du miel; mais elles n'ont jamais de larves. Du reste, tous les gâteaux de cire de la contrée ne sont pas faits ainsi ; et toutes les abeilles du pays n'en fabriquent pas de pareils. [5,20] CHAPITRE XX. 1 Les frelons et les guêpes font aussi des gâteaux de cire pour leur couvain. Lorsqu'ils n'ont pas de roi et qu'ils errent sans direction et ne peuvent le trouver, les frelons construisent ces gâteaux sur quelque chose d'élevé ; et les guêpes les placent dans des trous. Mais quand le roi est à leur tête, ils travaillent sous terre. 2 Tous les gâteaux de cire sont hexagones, ceux des guêpes et des frelons, aussi bien que ceux des abeilles. Seulement leurs gâteaux ne sont pas faits de cire, mais d'une matière qui tient de l'écorce et de la toile d'araignée. Le gâteau des frelons est beaucoup plus lisse que celui des guêpes. Ils déposent leur semence comme le font les abeilles, sous forme de gouttelette sur la paroi de l'alvéole, où elle reste attachée.{555b} 3 D'ailleurs, ce n'est pas en même temps qu'il y a de la semence ainsi attachée dans toutes les alvéoles; mais dans les unes, on trouve des animaux déjà grands, capables de s'envoler; dans quelques autres, il y a des nymphes; et dans d'autres encore, des larves. Il n'y a que les larves qui, dans ces espèces, aient des excréments, comme dans les abeilles. Tant que ce sont de simples nymphes, elles ne bougent pas, et l'alvéole est fermée ; mais dans les gâteaux des frelons, il y a, en face de la semence, une goutte de miel déposée sur la paroi. Les petits des frelons ne naissent pas au printemps, mais à l'automne; et c'est surtout dans les périodes de pleine lune qu'ils prennent leur croissance. La semence et les larves des frelons sont déposés, non pas au bas de l'alvéole, mais sur le côté. [5,21] CHAPITRE XXI. 1 II y a des bombyces qui font, sur un mur, ou sur tout autre objet analogue, un nid de boue pointu, qu'ils enduisent d'une sorte de salive. Le nid est épais et fort dur, puisque c'est à peine si on peut le percer d'un coup d'épieu. C'est là qu'ils pondent ; et ils y déposent de petites larves blanches, enveloppées d'une membrane noire. Outré cette membrane, il y a de la cire dans cette boue ; mais cette cire des bombyces est beaucoup plus pâle que celle des abeilles. 2 Les fourmis s'accouplent et produisent des larves, qu'elles n'attachent nulle part. Ces larves, qui sont d'abord petites et rondes, deviennent longues en s'accroissant, et leurs membranes se forment. C'est d'ordinaire au printemps que naissent les fourmis. 3 Les scorpions de terre produisent aussi des larves qui ressemblent à des œufs ; ces larves sont nombreuses, et les scorpions les couvent. Quand les petits sont bien complets, ils chassent leurs parents et les tuent, comme le font les araignées. Parfois, les petits sont jusqu'à onze. [5,22] CHAPITRE XXII. 1 Toutes les espèces d'araignées s'accouplent de la façon qu'on vient de dire ; et elles produisent d'abord de petites larves. Ces larves se métamorphosent tout entières, et non par partie, en véritables araignées; seulement, elles sont arrondies dans les premiers temps. Quand l'araignée a pondu ses œufs, elle les couve ; et en trois jours, ils sont organisés. {556a} 2 Toutes les araignées pondent dans une toile; seulement, la toile est petite et légère pour les unes; elle est plus épaisse pour les autres. Tantôt les petits sont absolument enfoncés dans une poche ronde ; tantôt ils sont entourés uniquement, en partie, par la toile de l'araignée. Ce n'est pas au même moment que les petites araignées viennent toutes à naître; mais, dès qu'elles sont nées, elles sortent du nid et font du fil. La liqueur qui se trouve dans les larves, quand on les écrase, est comme celle des jeunes araignées, épaisse et blanche. 3 Les araignées de prés déposent d'abord leurs œufs dans une toile, dont la moitié tient à elles, et dont l'autre moitié est dehors; c'est là qu'elles pondent et qu'elles couvent. Les phalanges tissent un épais filet, où elles pondent, et sur lequel elles couvent. Les araignées lisses pondent beaucoup moins d'œufs; les phalanges en pondent bien davantage. 4 Quand les petits sont assez forts, ils entourent le nid de la phalange; ils tuent la femelle qui les a produits, et ils la rejettent dehors. Souvent même, ils tuent le mâle, s'ils peuvent l'attraper; car le mâle couve les œufs avec la femelle, qu'il ne quitte pas. Quelquefois, il y a jusqu'à trois cents petits dans un nid de phalange. Il faut environ quatre semaines pour que les araignées, qui sont d'abord très petites, parviennent à toute leur croissance. [5,23] CHAPITRE XXIII. 1 Les sauterelles s'accouplent comme tous les autres insectes, le plus petit montant sur le plus gros; c'est le mâle qui est le plus petit des deux. Les femelles pondent dans la terre, en y enfonçant le canal qu'elles ont à la queue, et que les mâles n'ont pas. Elles pondent beaucoup d'œufs, et dans le même endroit, de telle sorte que c'est comme un gâteau de cire. 2 Après la ponte, naissent, dans ce nid, des larves qui ressemblent à des œufs et qui sont entourés d'une terre légère, qu'on prendrait pour une membrane. Les œufs mûrissent dans cette enveloppe; et les dépôts sont si mous qu'on les écrase rien qu'à les toucher. Ils ne sont pas à la surface de la terre, mais un peu au-dessous. Une fois mûrs, il sort, de l'enveloppe terreuse, de petites sauterelles toutes noires; ensuite, elles brisent elles-mêmes la peau ; et elles deviennent immédiatement toutes grandes. 3 Les sauterelles pondent à la fin de l'été; {556b} et après la ponte, elles meurent bientôt. Dès qu'elles ont pondu, des larves paraissent autour de leur cou; et c'est aussi vers le même temps que les mâles viennent à mourir. C'est au printemps que les sauterelles sortent de la terre. D'ailleurs, les sauterelles ne se trouvent, ni dans les lieux montagneux, ni dans les terrains maigres ; il leur faut des plaines et des terres crevassées; car c'est dans les crevasses qu'elles pondent. Les œufs restent en terre tout l'hiver ; et dès que l'été arrive, les sauterelles sortent des pontes de l'année précédente. 4 Les attelabes pondent comme les sauterelles; et elles meurent comme elles, après avoir pondu. Les pluies d'automne, quand elles sont abondantes, détruisent leurs œufs: mais si la saison est sèche, il naît bien plus d'attelabes, parce qu'alors ces œufs ne sont pas également détruits. Il semble, d'ailleurs, que cette destruction n'a rien de régulier, et qu'elle survient au hasard. [5,24] CHAPITRE XXIV. 1 Les cigales sont de deux espèces : les petites, qui sont les premières à paraître et les dernières à mourir ; et les grandes, celles qui chantent, qui paraissent plus tard et qui meurent les premières. Dans les grandes et dans les petites également, les unes, qui sont divisées au corselet, sont celles qui chantent ; les autres, qui ne sont pas divisées, ne chantent pas. On appelle Achètes les grandes cigales qui chantent ; et les petites, des cigalettes. Celles qui, parmi ces dernières, ont une division chantent aussi quelque peu. 2 Les cigales ne viennent pas dans les lieux où il n'y a pas d'arbres. C'est là ce qui fait qu'on ne trouve pas de cigales à Cyrène, dans la campagne, et qu'on en trouve beaucoup dans la ville. Elles viennent sous les oliviers, parce qu'ils ne font pas beaucoup d'ombre. C'est qu'en effet elles ne peuvent pas vivre dans les pays froids, et, par suite non plus dans les endroits trop ombragés. 3 Les grandes s'accouplent entre elles, comme le font aussi les petites; la copulation a lieu ventre contre ventre ; et le mâle introduit son organe dans la femelle, comme le font les autres insectes. La femelle a ses parties sexuelles fendues; et la femelle est l'animal où le mâle introduit son organe. Elles pondent dans les terres non cultivées, en faisant un trou avec la pointe qu'elles ont par derrière, à la façon des attelabes, qui pondent aussi dans les terrains incultes; ce qui fait qu'il s'en trouve beaucoup aux environs de Cyrène. Elles pondent encore dans les roseaux qui servent à soutenir les vignes, en transperçant ces roseaux, et aussi dans les tiges de scille. Mais ces œufs coulent et se dérobent en terre. 4 Les cigales sont très nombreuses quand il tombe beaucoup d'eau. La larve, en se développant, devient en terre ce qu'on appelle la cigale-mère. Les cigales ont un goût délicat, avant de rompre leur étui. {557a} Quand la saison en est arrivée vers les solstices, elles sortent de leur enveloppe pendant la nuit ; l'enveloppe se déchire immédiatement, et les cigales naissent de la cigale-mère. Les mâles, qui sont noirs et les plus durs et les plus grands, se mettent, dès le premier moment, à chanter. Dans les deux espèces de cigales, ce sont les mâles qui chantent ; les autres sont les femelles. D'abord, ce sont les mâles qui sont les meilleurs à manger; mais après l'accouplement, ce sont les femelles, parce qu'elles ont des œufs blancs. 5 Quand on les pourchasse, elles lâchent, en s'en volant, un liquide qui ressemble à de l'eau. Les campagnards prétendent que c'est leur urine et leur excrément, venant de la rosée dont elles se nourrissent. Si l'on en approche le bout du doigt, en le fléchissant d'abord, et en l'étendant ensuite, elles s'en inquiètent moins que si on l'approchait en retendant tout de suite ; elles montent sur le doigt, parce que leur vue, qui est fort mauvaise, leur fait croire que c'est une feuille d'arbre qui remue, et sur laquelle elles grimpent. [5,25] CHAPITRE XXV. 1 Les insectes qui, sans être carnivores, vivent cependant des sécrétions de chair vivante, tels que les poux, les puces et les punaises, engendrent tous par accouplement ce qu'on appelle des lentes ; mais ces lentes elles-mêmes n'engendrent plus rien. 2 Parmi ces mêmes insectes, les puces naissent de la moindre ordure; et il suffit d'un peu de fiente sèche pour qu'il s'en forme. Les punaises viennent de l'humeur qui sort sur la peau de certains animaux. Les poux viennent des chairs où ils se produisent. Quand il en doit venir, il se forme des espèces de petites pustules qui n'ont pas de pus, et quand on crève ces pustules les poux en sortent. 3 Quelques personnes ont cette maladie, {557b} quand leur, tempérament est trop humide; et l'on a vu des exemples de mort, comme celle d'Alcman, le poète, à ce qu'on rapporte, et celle de Phérécyde de Scyros. Il y a des maladies qui produisent des poux en quantité. Une certaine espèce a reçu le nom de Féroces, et ils sont plus durs que les poux ordinaires ; on a grand'peine à les arracher de la peau. 4 Les enfants ont souvent des poux à la tête ; les hommes faits y sont moins sujets ; les femmes y sont aussi plus exposées que les hommes. Quand on a des poux à la tête, les maux de tête sont moins fréquents. Les poux se montrent sur beaucoup d'autres animaux. Les oiseaux en ont; et ceux qu'on appelle des Faisans, par exemple, meurent par les poux qui les dévorent, quand ils ne se roulent pas dans la poussière. 5 Tous les animaux dont les plumes sont à tuyau, et tous ceux qui ont des poils, sont sujets aux poux. Il faut en excepter l'âne, qui n'a ni poux ni tiques. Les bœufs, au contraire, ont l'un et l'autre à la fois. Les moutons et les chèvres ont des tiques ; ils n'ont pas de poux. Les cochons ont des poux gros et durs ; les chiens ont les poux qu'on appelle les tiques de chien. 6 Tous les poux, dans tous les animaux qui en ont, viennent de ces animaux mêmes. Tous les animaux qui se baignent et qui ont des poux, en ont davantage quand ils changent les eaux où ils ont coutume de se baigner. Dans la mer, il y a des poissons qui ont des poux; mais ces poux ne viennent pas des poissons eux-mêmes ; ils viennent de la vase. A les voir, ils ressemblent à des cloportes, si ce n'est qu'ils ont une queue large. Il n'y a qu'une seule espèce de poux marins; mais ils viennent partout, et surtout dans les creux. 7 Tous les insectes dont on vient de parler sont polypodes et n'ont pas de sang. Le taon qui pique les thons se place près de leurs nageoires ; il ressemble aux scorpions, et il est de la grosseur d'une araignée. Dans cette partie de la mer qui va de Cyrène à l'Egypte, le dauphin est attaqué d'un poisson qu'on appelle le pou ; ce poisson est le plus gras de tous, parce qu'il profite de la nourriture abondante que le dauphin lui assure en chassant. [5,26] CHAPITRE XXVI. {558a} 1 Il y a encore bien d'autres animalcules, comme on l'a dit plus haut; ainsi, il y en a dans la laine et dans tous les tissus de laine. Ce sont, par exemple, les mites, qui s'y produisent davantage quand les laines sont pleines de poussière. Ils s'y forment qnand une araignée se trouve enfermée dans le lainage, parce que l'araignée, absorbant l'humidité qui peut s'y rencontrer, la dessèche. Cette larve se forme dans un fourreau qui l'enveloppe. 2 Il se produit dans la vieille cire, comme dans le bois, un animal qui peut passer pour le plus petit de tous les animaux, et qu'on appelle Acari; il est blanc et excessivement petit. Il se forme encore dans les livres des animalcules, dont les uns sont pareils à ceux qu'on trouve dans les vêtements; et dont d'autres ressemblent à de petits scorpions, qui n'ont pas de queue, ét qui sont d'une extrême petitesse. En général, il y a de ces animalcules dans toutes les matières sèches qui deviennent humides, et dans toutes les matières humides qui deviennent sèches, du moment que ces matières ont ce qu'il faut pour les faire vivre. 3 II y a une petite larve qu'on appelle Porte-bois, et qui est plus étrange encore que tous ces animalcules. Sa tête, qui sort d'une enveloppe, est tachetée ; ses pattes, comme dans les autres larves, sont à l'extrémité de son corps, qui est enveloppé comme dans un étui de fil d'araignée ; et tout autour de son corps il y a des brindilles de bois, qui semblent s'attacher à lui quand il marche ; mais ces fétus tiennent à son enveloppe, comme la coquille tient aux limaçons ; de même ici, le tout tient à la larve, et ne s'en détache pas ; il faut l'en arracher, comme si c'étaient des choses qui se seraient soudées ensemble ; et si l'on ôte cet étui à l'animal, il meurt sur-le-champ; il ne peut plus rien faire, non plus que le limaçon une fois que sa coquille lui est enlevée. Avec le temps, cette larve devient une chrysalide, ainsi que le deviennent les chenilles; et l'animal vit sans le moindre mouvement. Quel est l'insecte ailé qui sort de cette chrysalide? C'est ce qu'on n'a pas pu observer encore. 4 Les figues des figuiers sauvages ont des animalcules qu'on appelle des Psènes. C'est d'abord une petite larve; et quand son enveloppe est brisée, un Psène qui vole en sort, en la quittant; puis, il entre dans les fruits de la figue ; et la piqûre qu'il y fait empêche que ces fruits ne tombent avant maturité. Aussi, les campagnards ont-ils soin d'entremêler des branches de figuiers sauvages aux figuiers ordinaires, et de planter des figuiers sauvages auprès des figuiers communs. [5,27] CHAPITRE XXVII. 1 Les quadrupèdes, qui ont du sang, et qui sont ovipares, produisent leurs petits au printemps. Mais ils ne s'accouplent pas tous dans la même saison. Pour les uns, {558b} c'est au printemps; pour les autres, c'est en été; pour d'autres même, c'est à l'automne, selon que, pour chacun d'eux, la saison qui suit est convenable aux petits qui naissent. 2 Ainsi, la tortue pond des œufs à tégument dur et de deux couleurs, comme ceux des oiseaux. Une fois pondus, elle fait un trou où elle les enfouit; et elle égalise le haut du sol. Cela fait, elle vient dessus pour les couver. Les œufs n'éclosent que l'année suivante. 3 La tortue d'eau douce sort de l'eau pour pondre; elle fait un trou en forme de baril, et elle y dépose ses œufs, qu'elle y laisse. Après un peu moins de trente jours, elle les déterre ; elle se presse d'en faire sortir les petits ; et elle les conduit immédiatement à l'eau. 4 La tortue de mer pond de même à terre des œufs, qui ressemblent à ceux des oiseaux domestiques; et après les avoir enterrés, elle les couve durant les nuits. Elle fait un nombre considérable d'œufs, qui ne se monte guère à moins de cent. 5 Les lézards, les crocodiles de terre et d'eau, viennent aussi pondre à terre. Les œufs de lézard éclosent tout seuls dans le sol. Le lézard ne vit pas deux ans; et l'on assure même que sa vie n'est que de six mois. 6 Quant au crocodile de rivière, il pond beaucoup d'œufs, mais, au plus, soixante environ. Ces œufs sont blancs. Il les couve durant soixante jours ; car il est certain aussi qu'il a la vie très longue. De ces œufs qui sont très petits, sort un animal énorme. L'œuf n'est pas plus gros que celui d'une oie; le petit qui en sort est d'abord en proportion ; mais il croît ensuite jusqu'à la longueur de dix-sept coudées. On prétend même que le crocodile ne cesse de grandir durant sa vie entière. [5,28] CHAPITRE XXVIII. 1 Dans le genre des reptiles, la vipère produit au dehors des petits vivants; mais au-dedans d'elle, elle est d'abord ovipare. Son œuf comme celui des poissons est d'une seule couleur, et son enveloppe est molle. Le petit se forme dans la partie supérieure ; et il n'est pas plus entouré d'une pellicule de coquille que ne le sont les œufs des poissons. 2 Les petites vipères, au moment de la ponte, sont dans des membranes, qu'elles rompent au bout de trois jours. Quelquefois, elles sortent en se mangeant entre elles, à l'intérieur de l'enveloppe. La vipère pond ses petits en un seul jour, tout à la fois ; mais elle en met bas plus de vingt. 3 Les serpents autres que la vipère produisent des œufs au dehors; et ces œufs se tiennent les uns aux autres, comme les joyaux des colliers de femmes. Une fois les œufs déposés en terre, la bête les couve. Les œufs n'éclosent que l'année suivante. 4 Ainsi donc, les serpents et les insectes, et, en outre, les quadrupèdes ovipares, se reproduisent comme on vient de le voir.