[6] VI. Nous lisons aussi sur la grêle, dans le livre de Josué : "Les cinq rois des Amorrhéens s'unirent donc ensemble, le roi de Jérusalem, le roi d'Hébron, le roi d'Hiérimot, le roi de Lachis, le roi d'Eglon, et ils marchérent avec toutes leurs troupes.: et ayant campé devant Gabaon, ils l'assiégèrent"; et un peu après : "Et le Seigneur dit à Josué: Ne les craignez point; car je les ai livrés entre vos mains"; et un peu après : "Et lorsqu'ils fuyaient devant les enfants d'Israël, et qu'ils étaient dans la descente de Beth-Horon, le Seigneur fit tomber du ciel de grosses pierres sur eux jusqu'à Azeca : et cette grêle de pierres qui tomba sur eux en tua beaucoup plus que les enfants d'Israël n'en avaient passé au fil de l'épée". Il résulte donc de ce texte que, sans aucune imprécation des hommes, le Seigneur a fait tomber la grêle sur ceux qu'il a jugés dignes d'un tel fléau. Car si les hommes mauvais, comme le sont ceux que, dans son erreur, le peuple appelle tempestaires, eussent pu accomplir un tel acte, la grêle serait vraisemblablement tombée sur les enfants d'Israël, au lieu de tomber sur leurs ennemis. Mais que ni les méchants à l'égard des bons, ni les bons à l'égard des méchants, n'aient pu le faire, en faut-il une preuve plus évidente que celle du passage que je viens de citer? Le livre de la Sagesse vient encore l'attester; le Sage dit au Seigneur : "Il est impossible d'échapper à votre main, car les impies qui ont refusé de vous connaître ont été flagellés par la force de votre bras ; ils ont été tourmentés par des pluies extraordinaires, et par des grêles, et par des orages, et consumés par le feu. Et, ce qu'on ne peut assez admirer, le feu brûlait encore davantage dans l'eau même qui éteint tout, parce que l'univers s'arme pour la vengeance des justes". Et un peu plus loin : "La neige et la glace soutenaient sans se fondre la violence du feu, afin que l'on sût qu'une flamme qui brûlait parmi la grêle et qui étincelait au milieu des pluies, consumait tous les fruits des ennemis. [7] Vll. Si donc Dieu tout puissant, déployant la force de son bras, châtie les ennemis des justes par des pluies et des grêles prodigieuses que verse une main à laquelle il est impossible de se soustraire, ils n'ont aucune connaissance de Dieu ceux qui croient que les hommes peuvent accomplir ces choses; car si les hommes pouvaient faire descendre la grêle, ils auraient aussi puissance sur la pluie; en effet, on ne vit jamais de grêle sans pluie. Ils pourraient aussi se venger de leurs ennemis, non seulement par la privation de leurs récoltes, mais encore par celle de la vie; car lorsqu'il arrive que leurs ennemis se trouvent en voyage ou dans les champs, les tempestaires pourraient faire fondre sur eux une immense quantité de grêle et les en accabler. Il en est qui avancent, en effet, qu'ils connaissent des tempestaires qui, lorsque la grêle se formait prête à couvrir, en se dispersant, une grande étendue de pays, l'ont fait descendre en masse sur une partie d'un fleuve ou sur une forêt stérile, ou même, car c'est aussi ce qu'ils disent, sur un cuvier sous lequel se cachait un de ces mauvais génies. Souvent, il est vrai, nous avons ouï dire à nombre de gens qu'ils savaient que pareilles choses s'étaient faites en certains lieus, mais jamais nous n'avons ouï qui que ce soit affirmer qu'il en avait été le témoin oculaire. On vint un jour me prévenir qu'un individu assurait l'avoir été ; je -mis tous mes soins à le découvrir, et j'y parvins. Lorsque, dans notre entretien, je m'aperçus qu'il se disposait à me dire que la chose s'était passée ainsi et devant ses yeux, je le pressai, employant les prières, les supplications et même les menaces divines, de ne me dire que ce qui était vrai. Alors, il me protesta que ce qu'il disait était vrai, désignant la personne, le temps et le lieu ; mais il avoua, au même instant , qu'il n'avait pas été présent. Il est écrit aussi dans le livre de l'Ecclésiastique qui porte dans son titre, Jesu, fils de Sirach : "Il est des esprits qui ont été créés pour la vengeance, et par leur fureur ils redoublent les supplices des méchants ; au jour de la consommation ils répandront leur malice, et ils accompliront la justice de celui qui les a créés. Le feu, la grêle, la faim et la mort, toutes ces choses ont été créées pour la vengeance, de mémo que les dents des bêtes, les scorpions, les serpents, et le glaive qui aspire à l'extermination des impies". Si donc la grêle est créée comme toutes les choses dont il est parlé ici , elle est bien créée par Dieu et non pas par l'homme. On lit encore dans le même livre : "Considérez l'arc-en-ciel, et bénissez celui qui l'a fait. Il éclate avec une beauté admirable. Il forme dans le ciel un cercle de gloire, et son étendue est l'ouvrage du Très--Haut. Le Seigneur. fait tout d'un coup paraître la neige. Il se hâte de lancer des éclairs pour l'exécution de ses jugements. C'est pour cela qu'il ouvre ses trésors, et qu'il fait voler les nuages comme des oiseaux. Par la grandeur de son pouvoir, il épaissit les nues et en fait sortir la grêle connue des pierres. Par un de ses regards il ébranle les montagnes, et par sa seule volonté il fait souffler le vent du midi. Il frappe la terre par le bruit de son tonnerre, par les tempêtes des aquilons, et par les tourbillons des vents. Il répand la neige comme une multitude d'oiseaux qui viennent s'asseoir sur la terre, et elle descend comme une troupe de sauterelles. L'éclat de sa blancheur ravit les yeux, et son impétueuse abondance jette l'effroi dans le coeur. Il répand sur la terre, comme du sel, les frimas et la gelée, qui, s'étant durcie sur les plantes, les hérisse en pointes comme les chardons. Lorsqu'il fait souffler le vent froid de l'aquilon, l'eau se glace aussitôt comme du cristal : la gelée se repose sur les amas des eaux, qui s'en couvrent comme d'une cuirasse. Elle dévore les montagnes, elle brûle les déserts, et elle sèche tout ce qui était vert comme si le feu y avait passé. Le remède de tous ces maux est qu'une nuée se hâte de paraître : une rosée chaude venant après le froid, le dissipera. La moindre des paroles du Seigneur fait taire les vents; sa seule pensée apaise les abîmes de l'eau; et c'est là qu'il a fondé les îles. [8] VIII. Voilà comment, dans une longue et minutieuse énumération, l'auteur de l'Ecclésiastique, plein d'une juste admiration, attribue à la toute puissance de Dieu tout ce qui s'opère dans l'air, tout ce qui en descend sur la terre, toute l'action des vents sur les eaux, l'apparition et le cercle de l'arc lumineux, la promptitude des neiges, la lueur effrayante de l'éclair, la vitesse du brouillard, la suspension des vents, le tremblement de la terre, le combat des airs, la congélation de l'eau, non seulement dans les nuages, comme celle de la grêle ou des frimas, mais même sur la terre, comme celle des neiges, de la pluie, des eaux stagnantes, des fleuves qui coulent, et, par l'effet de la gelée, le dessèchement de toute verdure, comme souvent nous l'avons vu, et en outre la solution de toutes ces choses qui arrive au temps des brouillards humides, et au souffle de l'Auster et du Zéphire. Il dit aussi qu'à la voix de Dieu tout rentre dans le calme. L'on ne doit donc point, en pareilles circonstances, chercher dans l'homme un aide, parce qu'on ne le trouvera pas, à moins que ce ne soit un de ces saints de Dieu qui ont obtenu et obtiendront beaucoup encore. Quelques-uns d'eux, en effet, auront eu le pouvoir de fermer les cieux, afin qu'il ne pleuve pas durant leur mission de prophètes, comme Hélie, et celui de changer les eaux en sang et de frapper la terre de toutes sortes de plaies, lorsqu'ils le voudront, comme Moïse et Aaron, en Égypte. Mais il est vrai de dire qu'aucun autre n'envoie la grêle pendant l'été, si ce n'est celui qui fait tomber la neige pendant l'hiver. Car il d'est pour toutes deux qu'une seule et même raison de leur existence, c'est l'élévation extraordinaire des nuages dans chacune de ces saisons. [9] IX. Il est écrit aussi dans le livre du bienheureux Job : « La tempête sortira des lieux les plus cachés, et le froid, de l'Arcture. Dieu par son souffle forme la glace, et il resserre les eaux qui étaient répandues. Le froment désire les nuées, et les nuées répandent leur lumière. Elles sont portées de toutes parts sur la face de la terre, partout où elles sont conduites par la volonté de Dieu qui les gouverne, et selon les ordres qu'elles ont reçus de lui. » Il faut écouter attentivement ce qui est dit : "Les nuées sont portées de toutes parts sur la face de la terre, mais toujours elles sont conduites par la volonté de Dieu qui les gouverne". Si donc Dieu gouverne les nuées , l'homme inique ne peut les faire marcher dans un autre sens, parce qu'il ne peut ni commander à Dieu, ni obtenir par des prières une coopération dont il n'est pas digne. Ces mots : " Sur la face de la terre ... et selon les ordres qu'elles ont reçus de lui", peuvent-ils se rapporter à autre chose, si ce n'est à tout ce que Dieu opère par le ministère des nuages, pour l'affliction ou le soulagement de l'humanité, aux neiges, aux grêles, aux pluies, aux éclairs, à la foudre ou aux tonnerres qui atteignent ordinairement les édifices les plus élevés? Ce n'est point sans doute au commandement de l'homme, mais à celui de Dieu, qu'il est fait allusion, comme on peut le voir à l'endroit oü il est dit : "Savez-vous quand Dieu a commandé aux pluies de faire paraître la lumière de ses nuées ? Connaissez-vous les grandes routes des nuées et la parfaite science de celui qui les conduit?" Dans ces paroles il nous faut remarquer que, si l'homme ne connaît pas les grandes routes des nuées et la parfaite science (nécessaire pour les conduire), il sait moins encore par leur emploi les faire servir ou nuire au monde, excepté, comme nous l'avons dit, les saints qui, selon la volonté de Dieu et l'effet immédiat de sa grâce, peuvent beaucoup, non toutefois par une faculté à eux propre ou par quelque pouvoir capable de balancer le sien, mais par la volonté du créateur, comme souvent nombre de serviteurs de Dieu obtinrent aux jours de la sécheresse qu'il fût agréable au Seigneur d'accorder des pluies. [10] X. Ainsi le bienheureux apôtre Jacques nous proposant, à titre d'exemple, l'action du prophète Élie, nous exhorte à recourir à la prière dans la tristesse, dans les maladies et pour la rémission des péchés, lorsqu'il nous dit : "Priez l'un pour l'autre, afin que vous soyez guéris; car la prière persévérante du juste peut beaucoup. Élie était un homme tel que nous et sujet aux mêmes infirmités; et cependant, après qu'il eut prié avec une grande ferveur, afin qu'il ne plût point, il cessa de pleuvoir sur la terre durant trois ans et demi. Et lorsqu'il eut prié de nouveau, le ciel donna de la pluie et la terre donna son fruit. Élie donc intercéda pour qu'il ne plût pas; et trois années et demie s'écoulèrent sans pluie. Il agit ainsi pour amender et corriger sa nation , c'est-à--dire, afin de retirer d'abord les Hébreux de l'aberration d'esprit qui les aveuglait au point d'abandonner le culte du Dieu tout puissant pour courir après d'impures idoles, et ensuite, afin que, châtiés et accablés par la privation des pluies, ils retournassent au Seigneur qu'ils avaient délaissé.