GXXI Plaisanterie de V illustre Dante (1). Dante, notre poète, pendant son exil à Sienne, venait de temps à autre dans l'église des Minimes. Le coude appuyé sur l'autel, il s'abimait dans la méditation. Un jour, un importun vint le trouver et le fatigua de ses questions. Alors Dante de lui dire : « — Quelle est la plus grosse bête de la terre?» — « L'éléphant! » répondit l'interlocu- teur. — « éléphant ! laisse-moi, car des pensées plus élevées que ton verbiage, me préoccupent ; cesse donc de m'ennuver. » 1. Jocatio Daiilis clavissimi. Opéra CXXI. — Xoel I, 129; II, 1 "23-124. — RiSTELBUBER LUI, 77. — LiSEux II, p. 5. — d'Abgens : ie//re5)»!(p5 lettre i9. — B. de La.Monnoyj[: Puella molestum arigehs. D'UN IMPORÏUX « Bren, laissés ruoy, » ce disoit une A un sot qui lui desplaisoit. Ce lourdaud tousjours l'importune; Pu s j'oiiy quelle lui disoit : (' La plus grosse beste qui soit, Monsi' iir, comme est-ce qu'on l'appelle? — Un i'l(jphant, Madamoyselle. Me scîiible qu'on le nomme ainsi. — Pour Dieu, Eléphant (ce dit-elle) Va-t-en donc, laisse moy icy. » Cl. Marot, Jipigraintne 206. 160 LES FACÉTIES DE FOGGE CXXII De la femme qui accouche au bout de douze mois '. Un citoyen de Florence qui était allé en voyage, en rentrant chez lui au bout d'un an, trouva sa femme entrain d'accoucher; ce dont il fut fort vexé, car il soupçonna sa femme. Cependant comme il n'était sûr de rien, il s'enquit auprès d'une voisine, matrone respectable et fort expéri- mentée, de savoir si un fils pouvait lui naître au bout de douze mois. Celle-ci, voyant à quel imbé- cile elle avait à faire, lui répondit : — « Assuré- ment, car si ta femme a vu un Ane le jour où elle a conçu, elle a du porter une année entière, comme les ânesses. » Le mari goba l'histoire, remercia bien la matrone de l'avoir délivré d'un léger soupçon, et d'avoir préservé sa femme d'un grand scandale, finalement il endossa la pater- nité de l'enfant. En ceste Facécie est donnée à congnoi.stro aux hommes mariez qui on jeunes femmes qu'ilz ne soyent point dési- 1. Jucunda responsio unius inulievis, fada ad quemdam quœren- tem an uxor sua per xii tnenscs posset parcrc Opora CXXII. — NoBL I, l'2U; II, 123. —Guillaume Tardif LXX, p. 195. — Ris- TELHL'HER LIV, p. 78. — LisKL'x CXXII, t. Il, p. 6. — MaffistH Slrnpini Idesl. C^sakis Uusini Capriiria inacavonica, p. lO-i. LES FACETIES DE VOW,E 161 rans ni envieux de aller aux loingtainsvoyaiges, aux moins pour y demeurer longuement, car par l'ennuy de leur demeure leurs femmes pourroyent faire ainsi que celle qui porta l'enfant douze moys. à la façon et mode des asnes. CXXIII Question incoin'cnante d'un prêtre '. Un jour de fête solennelle que tous les fidèles étaient accourus en foule à l'église Saint-Marc, hors la porte de Pérouse, le curé Cicero termina le sermon d'usage en disant : — « Mes frères, je désire cjue vous me tiriez d'un grand embarras. Pendant ce Carême, j'ai entendu vos femmes en confession, aucune n'a oublié de déclarer qu'elle était restée fidèle à son mari. Vous, au contraire, m'avez tous déclaré avoir forniqué avec les femmes desautres. Eh bieni pour ne pas me laisser plus longtemps dans l'incertitude, je désire donc savoir de vous quelles sont ces femmes avec lesquelles vous avez forniqué et où elles sont -. Geste ([uestion ne luy fut point respondue, pour la cause du débat qui s'en pouvoit ensuivir, et pour tant que toutes 1. IulPirogalio obsceiia cujusiiaui saccrdolis. Opéra CXXIII. — Noël I, 130; II, 126. — Guillaume Tardif : Lue lolle demande que. etc., LXXI. p. 11)7. — Ristelhdber : Un doute, LVI, p. 79. — LisEux CXXIII, t. II, p. 8. — Babatox : Pœsies, Les paysannes (1700). — J.-B. Rousseau: Epixfiamme; Dans un village un jeudi de l'absoule... Ed. Garnier. 2. Le texte porte : (Ju. ïi. LES F.V( KÏIKS DE POGGE 163 l'Ecriture Sainte que tu vas chercher un appui ! » Tous se mirent à rire, en présence de l'entrain de celui cfui venait d'arrêter ainsi le flux de paroles inutiles que le docteur allait débiter, et l'on traita la question. cxxv Les Ambassadeurs de Pérouse et le Pape Urbain '. • La ville de Pérouse ayant envoyé à Avignon, auprès d'Urbain V trois ambassadeurs, ceux-ci trouvèrent le pontife très malade. Cependant, pour ne pas leur faire subir une longue attente, Urbain ordonna de les introduire près de lui, en les prévenant toutefois qu'ils eussent à expliquer en peu de mots le but de leur mission. L'un d'eux, solennel docteur, qui, en route, avait préparé un long discours pour l'adresser au Saint-Père, sans tenir compte du mal dont souffrait Sa Sainteté, et quoiqu'elle gardAt le lit, débita un tel fatras de paroles, que le Pape en témoigna à plusieurs reprises de l'ennui. Toutefois, lorsque ce mala- droit eut cessé de pérorer, Urbain, avec sa cour- 1. Dr oratoHhtis peruaiuis ad pnntifui'in l'ihanum. Opéra CXXV. — NoelI, 1.3'^; II, i2(i. — Lenfaxt. t. II, XXXV, p. 201. — Li- SKCX, t. II. p. 11. — 1. DeniDcriliis ridens: G;iiTulitas odiosa. p.T'i. 164 LES FACÉTIES DE POGGE toisie liabituelle, s'cnquit auprès des autres am- bassadeurs s'ils avaient quelque chose à ajouter. L'un d'eux, qui s'était aperçu du manque de tact de son compagnon et de la contrainte qu'en avait éprouvée le Pape, dit: — « Très Saint-Père, nos instructions portent expressément que si vous ne consentez sur l'heure à accorder ce que nous sollicitons, nous ne sortions pas de votre palais avant que notre collègue n'ait déclamé de nou- veau sa harangue. » Ces paroles enjouées ayant fait sourire le souverain Pontife, ordre fut donné d'expédier immédiatement l'atfaire. CXXVI Propos insensés des ambassadeurs de Florence '. Les ambassadeurs que la ville de Florence envoyait en France étant arrivés à Milan, vou- lurent, par déférence, présenter leurs hommages à Barnabo, seigneur de cette ville. Lorsqu'ils furent en présence du prince, celui-ci leur de manda qui ils étaient : — « Nous sommes, répondirent-ils, citoyens et envoyés de Florence, s'il vous plaît » (ainsi que cela se dit communément par politesse). 1. Insuhum diclitin oratorum Florciitiïinrutn. Opéra CXXVI. — NoblI, 133. — LisEux, t. II, p. 1:1. I I,ES FACKTIES DE l'OGultre son estât n'est point volontiers juste et honneste en couraige; oullre y est l)ien à noter la folie do aulcuns hommes qui pour obéyr à la folle volonté d'une femme qui désire eslre parée magnifiquement et plus que à elle ne appartient, exposent tant du leur qu'en la fin ilz s'en repentent, quand ils cognoissent leur follie et leur grande prodigalité. CXXIX Plais a m récit d'au médecin '. Le Cardinal de Bordeaux - m'a raconté qu'un individu de son pays étant rentré tard chez lui, se plaignit d'une douleur à lajamhe. Sa femme alors se mit à frictionner avec de l'huile de roses, la jambe malade, la couvrit d'étoupe et de laine, 1. Rpcilalio jocoso de medico. Opéra CXXIX. — Noël I, 13(i; II, 128. — RisTELHUBER LVI. p. 811. — LiSEL'x, t. !), p. 17. — Len- FANT, t. II, LV, p. 216. — DoMiNiCHi, Facctic Mollis 32G. — LoD GuicciAKDi.M. Ilorc di ricreaz-ioid Poseraitircnza pcncp. I'i6. — Des PÉRiERS. Coules et Noucetles : Nouv. XI : D'un docteur en décret qu'un bœuf blessa si fort qu'il no sçavoit en quelle jambe c'estoit, édit. Garnier, p. 41. — Tabourot des Accords. HiyaiTures du Seigneur des Accords : Gaulard, Coules. 2. François de Aguzzoni, né à Urbino. Cinquante-quatrième archevêque de Bordeaux en l.'^Si). En 139-5, il fut envoyé par l;ioniface IX comme nonce en Espagne, pour faire cesser le schisme. En 1505 il fut fait par Innocent VIII cardinal du litre des Quatre-Saiiits-Couronnés. En 1408, il se nmdit en France dans l'intérêt de l'union de l'Eglise, le 17 mars il assista à l'en- trée de Charles VI à Paris. En 14(19, il fit partie du Concile de Pise. II mourut à Florence, en août 1412. LKS F.Vt.KTIKS I»E l'U(i(iK KIQ puis appliqua sur le tout une bande de toile. Le patient continuait, maliiré ces soins, à se plaindre et demandait, en gémissant, un méde- cin. Il en vint un qui, peu à peu, avec beau- coup de précautions, découvrit la jambe (le malade, pendant ce temps manifestait la plus vive douleur), et le médecin déclara, après l'avoir bien palpée, qu'il n'y avait aucun mal. Alors le campagnard de dire : — « C'est donc de celle-ci (jue je souffre », et il présenta l'autre jambe. Amusante naïveté d'un homme qui attend de con- naître l'opinion du médecin, pour savoir où il a mal. cxxx De l homme qui trouva de for eu. dormaut '. Un de nos amis racontait qu'une nuit, en rêve, il avait trouvé de l'or. — « Prends garde, lui dit un des auditeurs, qu'il ne t'en advienne comme à un de mes voisins qui vit son or se changer en ordures. » Sur notre demande, il nous raconta le songe de cet individu : — « Mon voisin rêva une nuit, que le diable l'avait conduit au milieu d'un 1. De homiiic ijiti in somuis aurum rcpcriehal. Opéra CXXX. — XoEL I, 137; H, l-29-13(l. — Liskux, t. Il, p. 18. — Bkroald de Vkrville : Le Moyen de pavretiir, édit. Garnici*. — Deliliœ poelarum GoUoium : Somniuin Aureum. — G. Grécourt : Coûtes. Le trésor découvert. — Scaianiuzza, poema placciole )tel veinac(}lo Vene:;i(uio, canto X. slanz i : 11 .sfiguo aureo. 10 170 IKS FACKTIKS DK VO(A',¥. champ poiu' y déterrer un trésor. Il trouva beau- coup d'or... Il n'est pas permis, lui dit alors le démon de l'enlever maintenant, fais une marque à l'endroit de manière à pouvoir seul le recon- naître. Notre homme ayant demandé quel signe il pourrait bien employer : — Chie dessus, dit le diable, c'est le meilleur moyen pour que per- sonne ne suppose qu'il y a de l'or dessous, toi seul connaîtras le secret. La chose fut trouvée parfaite, mais le rêveur, se réveillant aussitôt, constata qu'il s'était horrii>lement lâché le ventre dans son lit. Il se lève alors au milieu des excré- ments et de l'infection, puis, voulant prendre l'air, il pose sur sa tète un capuchon dans lequel un chat venait de faire ses ordures. Furieux de l'odeur infecte qui le poursuivait, il s'empressa de se laver la tête et les cheveux. C'est ainsi qu'un rêve d'or s'évanouit dans l'oidure. CXXXI />'//// Secrctdirc de V Empereur Frédéric II '. Pierre des Vignes 2. homme plein de savoir et d'une grande habileté, fut secrétaire de l'Em- 1. De quoduin secri'ltirio Friilerici inipcrahiris. Opéra iens, fors de ce que par contraincte elles doyvent avoir; encore, si leurs marys leur pouvoyent osier vulentiers le ferovent. CXLI De i(( fenime ([iii demande remède a un p l'être -. Zuccaro, le meilleur compagnon qui se puisse rencontrer, racontait souvent qu'une de ses voi- sines dont labeauté n'était pas à dédaigner, restant stérile, demanda, à mainte reprise, à son confesseur s'il ne connaissait pas un remède pour avoir des enfants, (^elui-ci lui répondit enfin affirmativement, et lui dit de le venir trouver un jeudi, jour propice à la chose. Lorsque cette femme, qui mourait d'en- vie d'avoir des enfants, fut chez le prêtre, celui-ci lui dit : — « Je vais employer un charme qui fait 1. Narralio (iiiwdam/iicltari de vtullierepresbijlero mcdelam quœ~ renie. Opéra CXLt. — Noël I, liiJ; II, IJO. — Goillaume Tar- dif : De la femnKj qui se conseille de ung confesseur pour avoir des enfans, LXXVIII, p. ^l'i. — Liseux CXLI, t. II, p. 30. Bernard de p,a Monnoye : Maffia ^Saluralis. 18'i LES FACETIES DE POGGE que l'on croit réelles des choses qui ne sont abso- lument que des illusions. Armez-vous donc de patience et de courage. Vous croirez que je vous caresse, que je vous baise et vous embrasse, et que môme, j'agis comme votre mari dans l'in- timité la plus grande. Il n'en sera rien cependant, mais cela vous paraîtra réellement être ainsi par la puissance des paroles magiques. » La femme, se fiant au compère, accepta en disant qu'elle ne serait point troublée par ses sorcelleries. Le prêtre, après avoir fait mille passes caba- listiques et murmuré des mots mystérieux à l'oreille de la femme, finit en l'embrassant, parla jeter sur le lit, et comme celle-ci toute tremblante lui demandait ce qu'il faisait, le compère répon- dit : — « Est-ce que je ne vous avais pas prévenu d'avance que vous prendriez des illusions pour des réalités. » Il fit, par deux fois, subir à la pauvre cré- dule l'opération magique, en lui persuadant que ce n'était qu'illusion ; et celle-ci rentra chez elle persuadée qu'elle avait rêvé. En ceste Facécie est monstre une fulace, par laquelle sont déceuz moins simples gens, quant ilz vont quérir con- seil à quelque ung à ([ui ilz ont conlidence, et celluy par persuasions et donner faux à i-ntendre le droit, ainsi comme le prestre qui deçeut la fille de confession, laquelle, de la simplesse et imbécilité, en bonne confidence s'en allait conseiller à luy, afin que il luy donnast enseignement pour avoir des enfans; soubz umbre de bien la conseiller, il la decepvoit en luy faisant croire tout le contraire que c'estoit vray. LES FACETIES I>E I'0(W;E 183 CXLII D'un ennile qui séduisit beaucoup de femmes ', Il y avait à Padoue, du temps de François le septième duc. un certain ermite appelé Ansimirio que l'on vénérait comme un saint et qui, sous le couvert de la confession, abusa de bon nombre de dames et des plus nobles. La chose s'étant ébruitée i car l'hypocrisie ne peut demeurer long- temps cachée;, l'ermite fut arrêté par le Prévôt, il avoua ses nombreux méfaits, et on le conduisit par devant le duc Francisco. Celui-ci, ayant auprès de lui un de ces secrétaires, demanda au 1. De evmila (/ui mnltns mnllieies in conmhita hahint. Opéra CXLII. — XoEL I, 151; II, l.)2. — Guillaume Tardif LXXIX, p. 218, Po(/r/ia?ia, t. Il, p. 207. — Estienne : Àpolloqie, ch. XXI, § B. — Chroniques burlesques, p. 293. La curiosité bien payée. — Histov-es (galantes : Les bas verts, p. 119. LA CURIOSITÉ PUNIE Un cordelier connu pai* ses prouesses, Fut convaincu de vivre en débauché. — Oui, j'ai, dit-il, j'ai maintes fois couché Avec nonnains, baronnes et duchesses. De les nommer, le prince le somma. Dames sans nombre, à l'instant il nomma. — Point de réserve ou vous damnez votre âme, Reprit Artliur, Dieu vous écoute ici. — Ah ! reprit l'autre, étant la chose ainsi, A cette liste ajoutez... votre femme. MÉN'ARD DE Saint-Just, Espii'qk'ries Joyeuses. 186 LES FACÉTIES DE POGGE bonhomme, histoire de s'amuser, les noms des dames qu'il avait connues. L'ermite en cita un grand nombre, dont une bonne partie apparte- naient à la cour du duc ; le secrétaire les inscrivait tous pour pouvoir s'en amuser. Lorsqu'il eut fini ses révélations, le duc lui demanda s'il n'avait pas oublié quelques noms. Lhomme déclara avec persistance que c'était tout; mais le secrétaire l'ayant durement menacé d'employer la force, s'il ne dénonçait pas toutes les femmes : — « Ajoutez- y aussi la vôtre », dit l'ermite avec un soupir. A ces mois, la plume s'échappa des doigts du secré- taire piqué au cœur. Le duc partit d'un grand éclat de rire, dit que c'était bien fait, et qu'un homme qui avait eu tant de plaisir à la honte des autres méritait d'être compris dans la môme con- frérie. En ceste Facécie y a ung très bon sens moral pour cevilx qui veullont dospriscr aultruy cl sont bien ayses quand ilz oyent dire quelque macule sus leur prochain pour les des- priser et ne i-Cf^-ardent pas qu'il en ont autant et plus sur eulx, ainsi que le secrétaire <]ui y(»u1u scavoir les noms des femmes (|ui se estoyent mal portées avec l'hermite pour desju'iser leurs marys et toutes foys la sienne n'en avait p;is moins. Ainsi appert ([ue volontiei's un railleuret despriseur d'auUrui est souventes foys le plus raillé ettou- jours le plus desprisé. LES FACETIES DE POGGE 187 CXLIIÏ 1/ un jeune florentin surpris cf^'ec sa helle-nière '. Un jeune homme de Florence était l'amant de sa belle-mère. Or, un jour son père les surprit en llagrant délit ; sous le coup de cette chose mons- trueuse, il se mit à invectiver son tils de la plus dure façon. Celui-ci, en balbutiant, cherchait à excuser son crime. Comme la dispute prenait de grandes proportions, un voisin attiré par les cris vint pour mettre la paix. S' étant enquis du motit de la querelle, personne ne souffla mot, à cause du déshonneur de la famille, mais il insista tellement que le père finit par dire. — C'est la faute de mon fils. 1. i)e florentino quodam jiivene qui novercam siiam pibegit. Opéra CXLIII. — Xoi-l I, 182; II, 143. — Guillaume Tardif : De ung Florentin qui cogneut la femme de son père, LXXX, p. 221. — LiSEUx CXLIII, t. II, p. iO. — Cenl Nouvelles noii- rellcs, nouv. L. Change pour change, p. 223, édition Garnier. — Le Singe de Sa Fontaine : Le gascon discret. LA RÉCIPROQUE Un très beau gars de dix-sept ans Caressait au lit sa grand-mère. Lorsque, sur l'heure, entre son père, Celui du jeune homme, s'entend. — Que vois-je, dit-il, jarnidienne! Tu baises ma mère, fripon! — Eh ! parbleu, repart le mignon. Papa, vous baisez bien la mienne. MÉNARD DE Saint-Just, Espiègleries. 188 LES FACÉTIES DK TOdUE — Mais non, répliqua le fils, c'est lui qui a com- mencé, il a fait plus de mille fois l'amour avec ma mère, sans que je lui aie jamais rien dit, et ne voilà-t-il pas que pour une fois que je touche à sa femme, bêtement sans réflexion, il se met à crier comme un fou. » Le voisin ne put s'empêcher de rire à cette plaisante réponse, et il emmena le père pour le consoler de son mieux. En ceste Facécie n'y a pas granl sens figuratif, mais y est montré ung grantvice dont eu plusieurs escriptures est faif.te mention d'aulcunes faul(;es noverques, ([ui sont incontinentes et impudirques, que mêmes avecques les enfans de leurs marys, veuUent communiquer, ainsi que cell'^ dont est faicte icy dessus mention. CXLIV A propos; cVun porlrait de Sdinl-François'^ . Des religieux de l'drdre des Frères Mineurs désirant faire exécuter un tableau représentant Saint-François, firent venir un peintre. Ils n'étaient pas d'accord sur le sujet à traiter. L'un désirait que le saint fut représenté avec ses stigmates, un autre, qu'on le montrât prêchant le peuple, un troisième proposait une nouvelle atti- 1. Disccptatii) Fialnim Minontm pro imagine sancli Francisa fmuhi. Opern CXLIV. — Xoei, I, i:)3; 11. l'i:^. — Liskux, t. II. ]). 4?. — KisTKi.iiunicR LXII, p. Sti. — Lbnfant. 1. II. lA'l, p. ;M(i. LKS FACÉTIES DE FOGGE 189 tilde. La journée s'acheva, sans qu'après la dis- cussion aucun avis ne prévalut. Les religieux allèrent se coucher, laissant le peintre dans un grand embarras. Prenant ces hésitations pour une moquerie, il peignit, à titre de représailles, Saint Frant^^ois jouant de la flûte, d'autres disent pendu par le cou, puis il s'esquiva prompte- ment. Lorsque les relig-ieux eurent vu cette peinture, ils cherchèrent l'artiste pour lui repro- cher son inconvenance, mais il était déjà loin. A leur avis, il avait on ne peut plus gravement outra- gé la Religion et mérité ainsi un châtiment exem- plaire. CXLY D'un prêtre de Florence qui était allé en Hongrie ^ D'après un usage établi dans le royaume de Hongrie, ceux qui ont les yeux malades, s'appro- chent de lautel après la messe, et l'Officiant verse sur eux l'eau des ablutions, en récitant quelques textes tirés des Saintes Ecritures, afin de leur rendre la santé. Il y a longtemps déjà, un prêtre de Florence accompagna en Hongrie, 1. De saceidole Florentino "^qui in IIuiKjaiiaiti iceral. Opéra CXLY. — XoKL I, l.^'i; II, 143. — Liseux, t. II, p. 43. — Ri3- TELHUBER LXIII, p. 90. — Lenfant, t. II, VIII, p. 217. 11. 190 LkS FACÉTIES DE P0<.(1E Philippe, surnommé l'Espagnol , Cet ecclésias- tique, ayant un jour célébré la messe en présence de FEmpereur Sigismond, plusieurs assistants qui souffraient du mal aux yeux s'approchèrent, suivant la coutume, afin d'être aspergés avec l'eau du calice. L'Officiant, supposant que le mal dont on se plaignait provenait de l'ivro- gnerie et du manque de soin des infirmes, prit le calice, comme il l'avait vu faire et répandant le contenu sur ceux qui l'entouraient, il dit en italien: « Andatcmene, che siale morli a ghiado! » autrement : « Fichez le camp, allez vous faire couper le cou! » L'Empereur comprit parfaite- ment et ne put s'empêcher de sourire. Le lende- main, ayant répété, pendant le repas, les paroles du prêtre, il provoqua l'hilarité générale; seuls, ceux qui avaient mal aux yeux ne prirent pas la chose si gaiement. CXLVI Réponse d'un paysan à son propriétaire ^ Un paysan de chez nous, à qui son propriétaire demandait en quelle saison il avait le plus de tra- vail répondit : — u Au mois de mai. » Cela parut 1. Responsio lustici ad pairntium sui fundi. Opéra GXLVI. — Noël J, 15G; II, 144. — Lenfant, t. II, p. 209. — Liseux GXLVI, t. II, p. 'i5. LES FACKTIES DE l'OGGE 191 assez surprenant, car à cette époque, il y a ordi- nairement peu de chose à faire dans les champs. Voyant lair étonné du propriétaire, le paysan ajouta : — u Eh oui! puisqu'il nous faut alors besoigner nos femmes et les vôtres. » CXLVII Ridicule alloculion '. Certain Romain, bien connu, grimpa un jour sur un mur entouré de roseaux et se mit à parler à ces derniers comme s'il eût harangué le peuple, à propos des affaires de la ville. Pendant qu'il pérorait, un vent léger ayant courbé les tiges des roseaux, notre extravagant orateur feignit de croire que c'étaient des hommes qui inclinaient la tête devant lui en signe d'assentiment : — « Pas tant de révérences, s'écria-t-il, Messieurs les Romains, je suis le moindre d'entre vous. » Cette exclamation est depuis passée en pro- verbe. 1. Ridicuîosi hominis diclum. Opéra CXLVII. — Noël I, 156; II, 144-14Ô. — Poçigiana, t. II, p. 2()5. — Liseox, t. II, p. 46. — RisTELHUBBR LXIV, p. 9 1 . — BoN. DES Périers, nouv. LXXVI : Du légiste qui se voulut exercer à lire et de la harangue qu'il fit à sa première lecture, p. 198, édit. Garnier. — Pascal : Pensées : L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant. 19,? LES FACÉTIES DE POGGE CXLVIII A propos du vol d'un porc •. En certain bourg- du Picentin, il est dusage d'inviter les voisins à dîner, lorsqu'en hiver on tue un porc. Un villageois, voulant se soustraire à cette coutume, demanda conseil à son compère : — « Tu diras demain, répondit celui-ci, que ton cochon a été volé pendant la nuit. » Efi'ectivement, tan- dis que notre homme était sans défiance, l'animal fut enlevé parle compère avant le lever du soleil. Le matin venu, le propriétaire, constatant la dis- parition de l'animal, s'écria : — « On ma volé mon cochon !» — « Fort bien, compère, dit l'autre, c'est là ce que je t'ai appris. » Le volé jurant par tous les Dieux que ce qu'il avançait était l'exacte vérité : — « De mieux en mieux, lu mets à mer- veille en pratique ce que je t'ai enseigné hier », insista le malin. La dupe, ainsi bernée, prit le parti de se retirer. 1. Derisio hnniinis forcuni occitleve voleiilis. Opéra CXLA'llI. — XoEL l, lj7; H, 145. — Liseux, t. Il, p. 47. — RtHjer liniileinps Cil belle liumeiiv : D'un homme qui déroba le pourceau de son voisin pour une subtile inventioti, p. 152, traduit dans — Coiiti lin riileie, t. II, p. 31, — Dictionnaire d'aiwcdoles, l. I, p. '.iSS. — lirocalious l'raiiraises, t 1, p. IVi. LES FACKTIES DE l'UGGE 193 CXLIX Bon mot de Faciiio Cane '. Faciiio Cane, général au service de la faction Gibeline ', s'étant emparé de Pavie, d'après les ordres reçus, pilla d'abord les biens des Guelfes. Cette besoene achevée, il livra aussi les maisons des Gibelins, sous prétexte (ju'on y avait entassé les trésors des Guelfes. Les Gibelins vinrent se plaindre, déclarant qu'il était inique de les dé- pouiller eux aussi : — « Vous avez raison, mes en- fants, » répondit Facino Cane, « tous vous êtes Gibelins, mais vos biens sont Guelfes •'. » Cette interprétation permettait ainsi de s'approprier indistinctement les biens de l'une ou de l'autre faction. 1. I)iil\t)ii Facini Canis. Opéra CXLIX. — Noël I, 158; II, 143. — RisTKi.HUBER LXV. p. 92. — LiSKux, t. II, p. 48. — Lenfant, t. II. XL. p. 20S et 2G5. 2. Les Gibelins turent priaiilivciiiLiit ^1138) les partisans de la famille de Ilohenslaufen, et les Guelfes ceux de la maison de Bavière. A la fin tlu xiv" siècle, ces mots avaient perdu leur signification primitive; ils restaient dans la Péninsule comme des mots de ralliement à l'usage des partis ennemis. 3. En 1403, les bouchers de Milan vendaient publiquement au marcbé la chair des Gibelins, (fl). 194 LES FACÉTIES DE l'OGGE CL D'un jeune homme inexpérimenté qui ne con- nut point sa femme la première nuit de ses noces K Un jeune homme de Bologne, niais et sot autant qu'il est possible de l'être, avait épousé une jeune fille fort jolie; mais, n'étant point au courant des choses, il ne put arriver à consommer le mariage la première nuit de ses noces. Le len- demain matin, comme un de ses camarades lui demandait si tout s'était bien passé, il répondit: — « Mal, car j'ai eu beau chercher, il ne m'a pas été possible de trouver l'entrée dont on m'avait parlé.» Voyant sa bêtise, l'ami lui dit : — « Tais-toi, je t'en supplie, et ne dis absolument rien à personne, car si cela se savait, quelle honte pour toi ! » Le jeune homme demanda aide et conseil à son camarade. — « Ecoute, lui dit celui-ci; si tu veux m'ofï'rir un bon diner, je me charge de t'ouvrir la porte; mais pour cela il me faut bien huit jours, la besogne n'est pas commode! » Le sot y consentit et secrète- ment l'introduisit, la nuit, près de sa femme, pen- 1. De Adolescente qui ignarns renim uxurem prima nocle tion coçfitovit. Opéra CL. — Noël I, 158. — Guillaume Tardif : Du jeune sot qui ne sceul trouver le lieu pour habiter sa femme la pre- mière nuyt, LXXXI, p. 22i. — Liseux CL, t.'Jl, p. 49. LES FACKTIF.S ItK l'oddE 195 dant que lui-même se couchait en un autre lit. Au bout du temps convenu, la voie étant ouverte sans qu'il y ait d'épines à redouter, gràoe à son travail, l'ami appela l'époux, lui dit qu'il avait beaucoup sué à son service, mais qu'enfin l'ouverture qu'il avait tant cherchée était maintenant pratiquée. La jeune femme, mise au courant par son mari de ce qui s'était passé, loua beaucoup le travail de cet ami et notre idiot, très satisfait d'avoir enfin une femme perforée, remercia son camarade et paya le souper. En ceste facétie n'a point de sens moral, mais seiille- ment y est monstrée une bénivolence de ungjhomme, c'est d'estre si simple que bailler sa femme à percer, laquelle chose ne feroient pas beaucoup de gens, témoing-s ceux qui cecy verront. CLI Singulière raison d'un berger '. La femme d'un berger de Riva, bourg très froid de la montagne, avait de fréquents rapports avec son curé, il en résulta un enfant, qu'elle éleva dans la maison de son mari. Lorsque cet enfant eut 1. De uxore parloris quœ de sacerdole filium hobuit, Opéra CLI. — Noël, I, 161, II, 146. — Lenfant : Poqgiana, t. II, p. 209. LiSEUx, CLI, t. I, 32. — D'un Posiore Nouvelle méthode italienne de iMM. de Port-Royal, 1736, p. 152. Anonyme (cité parj Noël). Conscientia postoris, t. II, p. 116. 196 LES FACÉTIES DE POGGE atteint VAge de sept ans, le prêtre avec de bonnes paroles fit comprendre au berger que puisqu'il en était le père, il désirait en conséquence l'emmener avec lui au presbytère. — « Point du tout, répliqua le berger, je veux pour moi cet enfant né dans ma maison. Ce serait en effet méconnaître mes intérêts, comme ceux de mon maitre, si, après avoir fait couvrir ses brebis par les béliers des voisins, je m'avisais de donner à ces étrangers les agneaux, sous prétexte qu'ils sont les produits de leurs béliers . CLII Le paysan cl les ânes chargés de froment '. Un paysan s'étant présenté dans l'Assemblée des Magistrats de Pérouse pour y solliciter une grâce, sa demandef ut traitée de malhonnête parl'un d'eux. Le lendemain, notre liommc, mieux con- seillé, conduisit chez celui \:.\\\ ;r,(Uf re{)oussé sa requête, trois ânes chargés de blé. (Juatre jours après, l'opposant, ayant changé d'avis, plaida avec chaleur la cause du paysan. Pendant qu'il discou- rait, son voisin s'adressant aux autres : — « Enten- 1. De rusiico qui asinos oiiiislO!< (hdu.ril fnnneiilo. Opéra CLII. — Noël I, IGl; H, 147. — Ristelhoubr LXVII, p. !)î. — Lkn- FANT, t. 11, XLll, p. -Ml. — Li.stux, t. II, p. bli. LES FACKTIES I)K l'(H,(iK 197 dez-vous. dit-il comme les ânes braient, » Allusion aux sacs de blé acceptés '. CLIIl D' un poin're et cl' un riche '-. Lu riche, soigneusement enveloppé dans de ihauds vêtements, se rendait pendant l'hiver à Bologne. Au milieu des montagnes, il rencontra 1. « Il y avait un bon paysan qui avait gagné son procès et était allé parler à son procureui-, qui lui avait donné avis d'aller voir le conseiller qui avait été rapporteur, afin qu'il le remer- ciât. Ce bonhouime allant, pensait en lui-même que possible il lui faudrait donner quelque chose; toutefois il s'assura qu'il aurait tant de conscience qu'il ne lui demanderait plus rien, vu que pour payer les épices, il avait même été contraint de vendre sa vache, seul reste de son bien. Le pauvre homme vint saluer monsieur son rapporteur, qui lui dit : Mon bon ami, je vous sais bon gré de m'étre venu voir; je prends plaisir à m'em- ployer pour les gens de bien; remerciez Dieu que vous ayez eu tel qui vous a conservé votre droit... » Or, il y avait dans la même salle une peinture qui faisait une chasse en un paysage où il y avait plusieurs sortes d'animaux que ce paysan se mit à regarder. Le conseiller lui dit : « Que regardez-vous là, bon- homme? — « Je regarde si, entre tant de bêtes qu'on vous donne, ou qu'on emploie pour vous apporter de l'argent, je ne verrai point ma vache; au moins que la moitié y fut, pour ce que vous l'avez bien eue et davantage. » — Beroald de Ver- viELE . Moyen de parvenir, LXXV; édit. Garnier, p. 270. 2. Facetum diction pauperis ad dirilem fnqintem. Opéra CLIII. — Noël I, 161; II, 147. — Ristelhuuer LXVIII, p. !)4. — Li- SEDx, t. H, p. 54. — Lenfant, t. Il, LIX, p. 218. Dictionnaire d'anecdotes, 1781, t. I, p. 3.j2. D'un Gascon qui n'avait pas froid l'hyver. — Passe-temps açfri'ablcs. p. 21(i. — Noureaux contes à rire, p. 212. — Contes à rire on Récréation française, p. .^)2. 198 LES FAr.ÉTIES DE POGGE un pauvre paysan couvert seulement d'un justaucorps tout usé. Admirant le renoncement de cet homme, si légèrement vêtu pendant que la neige tombait et faisait rage, il lui dit : « Le froid ne t'incommode donc pas? » — « Nullement! » répondit avec gaieté le malheureux. Stupéfait de cette parole, le riche ajouta : — « Je suis transi dans mes fourrures et toi qui es à peine couvert, tu ne ressens pas le froid; c'est extraordinaire. » — « Ah! dit le paysan, si vous portiez, comme moi, tous vos vêtements sur le dos, vous n'auriez pas froid. » CLIV D'un montagnard qui voulait épouser une jeune fille K Un montagnard du bourg de Pergola devait épouser la fille d'un de ses voisins. Après l'avoir 1. De moiitann qui filliam desponsare volebal. Opéra CUV. — Noël, Probata fœconditos I, 162, II, 148. — Guiki.aumk Tardif : D'unij inonlnuiiiinjs qui reffusoit une jeune fille puarce qu'elle esloil trop jeune, LXXXIII. p. '2'27. — Liseux, CLIV, t. Il, p. 55. — RisTKLHUBER, LXIX, j). '.}('). — Le Tnmlieau de la mélaneholie : Plaisant traité de mariage, p. 106. — Gekahdus Dicœus. Pro- bata fœconditas (en vei's latins). — (iuiL. Bouchet. Sérées. — LoD. GuiciARDiM. Hore di i-icreatimie, p. 255. EPI GRAMME Blaize aimait certaine donzelle, II l'épousa. Dès la première nuit, En la caressant il lui dit : ],F,S FACÉTIES DE 1'0(;(;E 199 bien examinée, il refusa sous prétexte que la fille était trop délicate et trop jeune. — « Elle est plus mûre que tu ne crois, répliqua l'imbécile de père, la preuve c'est quelle a déjà eu trois garçons avec le clerc do notre curé '. » l-]n ceste facétie est montré une des déceptions du mariage, car aulcunes foys tel croy de prendre femme pucelle qui bien la prend aultre, ce qu'il ne feroit pas quand on luy dirait ainsi que dit le père de la fille, qui dist au niontenoys qu'elle avait eu trois enfans du clerc au curé de la fille, ce que beaucoup de gens ne diroient pas de leur fille, et en eust elle eu demye dou- zeine. CLV La dime '- . Il y avait à Bruges, ville célèbre de l'occident, une jeune femme par trop niaise, qui se confessait k son curé. Celui-ci lui demanda, entre autres choses, si elle payait bien les dîmes qu'elle devait — « J'ai peur que nos plaisirs, dans quelques mois, Machelle, Ne te coûtent bien du tourment? — Ne crain's rien, lui répond la naïve femelle, Blaize, j'accouche heureusement. » Anonyme, XVIII» siècle, cité par Milel. 1. Guillaume Tardif ajoute plaisamment : « Lors fut ledict monténoys plus descouraigé que jamais, car le père luy allè- guoit ung' accident en sa fille, qui n'estoit pas bon pour aider à faire le marclié; pourtant s'en retourna sans marchander. 2. De preshytera qui adolescoilnlœ (leci)tias dure pnrccpit. Opéra CLV. — XoEL, I. 1G3, II, liO. — Guillaume Tardif, LXXXIII : 200 LES FACÉTIES DE POGGE au clergé, mrme celle de l'amour à laquelle elle \ était ég-alement tenue. La jeune femme, ne vou- lant rien devoir à j^ersonne, paya cette dime sur- le-champ. Pour expli(|uer son retour tardif à la maison, elle conta, sans aucun embarras, la chose à son mari. Notre homme ne dit rien, mais à quatre jours de là, il invita le curé à diner avec quelques personnes, pour donner plus d'importance à l'af- faire. Lorsque tout le monde fut à table, il raconta d'abord l'histoire, puis se tournant vers le prêtre, il lui dit : — « Puisqu'il te faut la dime de tout ce qui est à ma femme, tu prendras aussi celle-là. » l']t aussitôt, il fit mettre sur la table, devant le prêtre, un vase rempli de merde et d'urine de sa femme, que celui-ci fut contraint d'avaler jusqu'au bout. En ceste Facécie peult estre notée la maulvoislié d'ung- maulvois conseiller que soubz umbre de vérité, donne en- tendre auculne faulceté, comme le curé qui, soubz umbre de confession et de payer et acquitter la décime, déçeut la pouvre simple l'emine qui adjousta foy à ses ditz. De celuy qui fisl mançfer au prestre la disme des estvoiis de sa femme, p. '2"20. — Liseux. CLV, t. II, p. 56. — Les Cent Nouvelles 7wuvelles, XXXII. — Les Dames Dismées, p. 151. Edit. Garnier. — La Fontaine. Contes : Les Cordeliers de Catalogne. Edit. Garnier p. 6'i. — Gavin : Le passe-pai-tont de l'E(jlise romaine, t. I, p. 347. Relation de ce qui est arrivé à un moine Irlandais. — Frisciilini : Faceti(C. De quelle conli tente. LES FACETIES ])E POGGE 201 CLVI D\in médecin qui viola la femme malade d'un tailleur '. Un certain tailleur de Florence pria un médecin de sa connaissance, d'aller voir sa femme qui était soulfrante. Le médecin se rendit à la maison à un moment où le tailleur était absent, et malgré la résistance de la femme, abusa d'elle dans son lit. Le mari, en revenant chez lui, rencontra le médecin qui sortait et celui-ci lui déclara ([u'il avait fait tout ce qu'il fallait pour guérir sa femme; mais, en entrant, le tailleur trouva celle-ci en larmes et toute abattue. Ayantapprislaperfidie du médecin, notre homme dissimula d'abord, puis au bout d'une huitaine de jours, muni d'une étoffe fort belle, il se rendit auprès de la femme dudit médecin, lui conta que \.Be medico qui uxorem suions iufirtnatn subeçiit. Opéra CLVI. — Noël I, 164, II, 130. — Ristelhuber : Le Talion LXXI, p. 98. — LiSKUx, CLVI, t. II, p. h~i. — BoccACE, VIII. .Journée Nou- velle, 8, p. 39Î, Edit. Garnier. — Cent Nouvelles nourelles, III : La Pesche de l'aueau, Edit. Garnier, p. 13. — Libru délia origine delli volgari pvoverbi di Aloyse Cinthio degli Fabeitii : prov. XVI. — Straparola. 7.C Piaceioli notli VI. L. — Boxaventure DES Perriers. NouicUes récréations, nouv. IX. De celui qui acheva loreille de l'enfant à la l'eiume de son voisin, Edit- Garnier, p. 35. — Estienne. .l^o/of/ie, ch. XVI fi 10. — Malespini I, nov. 45. — La Fontaine. Contes : Liv. II, Edit. Garnier, p. 57, I : Le Faiseur doreilles et le racconunodeur de moules. — De Tuéis : Le singe de la fontaine, t. I, p. 124. 202 LES FACÉTIES DE POdGR c'était son mai'i qui l'envoyait vers elle, pour lui faire un vêtement de dessous, ce qu'on appelait une cotte. l*our cela, disait-il, il fallait que la femme, fort bien faite, se déshabillât en grande partie atin de pouvoir bien prendre exactement les mesures du corps. Quand, loin de tous re- gards, elle se fut mise à nu, le tailleur s'en empara par force, rendant au médecin ce que celui-ci lui avait baillé, ce dont il l'informa plus tard. CLVII D' un Florenlin fiancé à la fille d'une vcuveK Un Florentin, qui se croyait très malin, étant fiancé à la tille d'une veuve, venait souvent, comme c'est l'habitude, rendre visite à sa future, même en l'absence de la mère. C'est en cette cir- constance qu'il lit plus ample connaissance avec 1. De FloreiiliiKi qui filitiin ridiKP desponsarcrat. Opéra (>LVI[. — Noël, I 165,11. 151. — Guillaume Taudif, LXXXIV. p. 232. — RisTELHOBKR, LXXII. Lcs avcux i)tdisc)-cts, p. 100. — Liseux, GLVII, t. II, p. 59. Les Cent Nouvelles nouvelles, n" VIH. Garce pour yarce, édition Garnier, p. 30. — Malespini. I nov. 18. — D'Où VILLE : Naïveté d'une dame à son mari. — Fkischlini, p. 18 : Par pari relalum. — La. Fontaine. Coûtes Liv. V. conte 5. Les aveux indiscrets, édit. Garnier, p. 387. — Coules à rire: La liancée ingénue, p. 100. — Ingénuité d'une femme à son mari la première nuit de ses noce.s, ibid., p. 73. — Récn-a- (ioiis françaises d'un liancé à sa fiancée, p. 72. LES FACKTIES DE POGGE . 203 la fille. Rien qu'à la mine de son enfant, la mère devina ce qui s'était passé, elle se mit à la gron- der vertement, à lui reprocher d'avoir déshonoré la maison, finalement lui déclara que son mariage n'était point encore chose décidée, et qu'elle ferait tout pour l'empêcher. F.e Florentin, qui guettait le départ de la veuve, s'empressa d'accourir et trou- vant la jeune fille tout affligée, lui en demanda la cause. Il comprit, alors, que l'on voulait rompre le mariage. — « Eh bien, qu'est-ce que tu en dis? fit-il. — Je veux obéir à ma mère, répondit la jeune fille. — Cela t'est facile, » répliqua le fiancé. Comme elle cherchait la façon de s'y prendre, celui-ci lui dit : — « Tu étais dessous la première fois, il faut maintenant que tu te mettes dessus, et par ce moyen inverse, notre mariage sera rompu. » Elle y consentit et l'union projetée fut rompue. Plus tard, elle se maria avec un autre, et le jeune homme, de son côté, épousa une autre femme. Le jour des noces de celui-ci, les deux anciens fiancés s'étant rencontrés, ne purent s'empêcher de sourire au souvenir du passé. La mariée, ayant remarqué la chose, en eut quelques soupçons; la nuit même, elle demanda à son époux ce qui avait provoqué ses sourires. Celui-ci hésita, mais comme elle insistait, il lui conta la sottise de son ex-fiancée. « — Que Dieu la confonde ! s'écria la mariée, était-elle assez bête d'aller conter cela à sa mère ! Qu'avait-elle besoin de dire ce que vous aviez fait ensemble. 20i LES FACÉTIES DE PO(i<,E } Tiens, moi, notre domestique m'a lait plus de cent fois la chose. Eh bien ! je n'en ai jamais rien dit à ma mère. » i.e mari se tut, comprenant que • c'était la monnaie de sa pièce. I CLVITl D'un tisiii-ier de Vicence '. Un usurier de Vicence insistait continuellement près d'un Religieux, prédicateur distingué et jouis- sant d'une grande intluence, afin qu'il employât l'autorité de sa parole contre les usuriers pour que leur odieux commerce, très répandu dans la ville, fut maudit. Le Religieux ne pouvait comprendre tant d'importunité à ce sujet. Quelqu'un, surpris 1. De fœniratorc Vicciifino. Opéra GLVIII. — Noël J, 167; ll^, 151-154. — RisTKLHUBER LXXllI, p. lui. — Lenfant, t.II.XLIlI, p. 209. — LisEux, t. II, p. (ri. — Estienne, Apologie, oh. XVI, (; IG. — Baraton, poésie : L'Usurier. — Oottsched : («rammaire allemande, 1736, p. 521. — Desforges-Maillard, Poésie '¦ L'Usurier et son Curé. — Dessillons, Faiclhi cite par Noi'l. — Dictionnaire d'auecdotes, t. Il, p. 382. Un orateur prêchait contre l'usure, Et di^monfrait par la Sainte Ecriture, Que ce trafic est réprouvé de Diou. « Le lieau sermon, dit un fosse-mathieu, Puissé-je voir cefle mâle éloquence Produire ici mainte conversion! Pour moi, bientôt, ([uelle fortune immense, Si j'étais seul de la profession ! Harduin : Aliiiauach des Muses, 17X(I. LES FACÉTIES DE l'OGGE 205 de l'ardeur que notre homme déployait pour faire vilipender le métier dont il vivait, lui demanda quelle était la cause de son zèle étonnant : — « C'est, dit-il, qu'il y a tant d'usuriers à Vicence, que peu de clients viennent chez moi et que je n'ai aucun gain. Si l'on persuade aux autres de cesser leur commerce, le proiit qu'ils en retirent me reviendra. » Je tiens cette histoire du Reli- gieux, qui me l'a contée depuis en riant. CLIX Histoire très plaisante du cuisinier GianninoK Giannino, maître queux de Baronto de Pistoja, qui avait exercé l'art culinaire à Venise, raconta au diner des secrétaires cette histoire très amu- sante. Un imbécile de Vénitien, ayant reçu un soufflet, voulait absolument avoir des fils pour venger cette injure; mais comme sa femme était stérile, il pria un de ses amis fort habile dans l'art de faire des enfants, de venir à son aide. Celui-ci promit d'y mettre tout son zèle et prit le rôle du mari. Un jour donc, que pour ne pas gêner l'opération, il se promenait par la ville, pendant qu'on labourait son champ, il se trouva face à Fabula facetissitna Ja II lùiii cnqiii. Opéra CLIX. NoioL 1, 168.— LisEUx, CLIX, t. JI, p. 03. 206 LES FACÉTIES I)K l'UGGE face avec son ennemi toujours plus menaçant. — « Holà ! fit-il en secouant la tête, tais-toi, imbé- cile. Tu ne sais pas ce qui se perpètre contre toi à la maison. Car si tu t'en doutais, non seulement tu cesserais de m'injurier, mais tu tremblerais pour toi. Car il se fabrique, tu peux me croire, il se fabrique celui qui sera mon vengeur! » CLX Du cavalier Vénitien qui portait ses éperons dans sa poche '. Il (Giannino) nous raconta aussi un autre trait de même force. Un habitant de Venise étant monté à cheval pour aller en villégiature, portait ses éperons dans su poche. Le cheval allait lente- ment et marchait comme à regret et le cavalier lui talonnait les flancs en disant: — « Tu n'avances pas, si tu savais ce que j'ai dans ma poche, tu changerais d'allure. » 1. De fatuo Vcnelo qni equilans calcaria in sinu gestehat. Opéra CLX. — Noël I, 16i); II, 154-157. — Liseux, t. II, p. G4. — Vauguelin DE LA Fresnaye : Salyrcs. — «Je nialcoinpare à colon Chevalier, etc. — Lodovico Arioso : Satyr V. — Henricos Babehus : Af;ra CLXII. — Noël I, 171; II, 161-102. — Ris- TELHUKER LXXlV, p. 103. — LiSEUx, t. Il, p. 67. — Lenf.vnt, t. II, LXI, p. 219. — EsTiENNE : Apolofiie, ch III, § 5. — /,(' Faa'tieu.r Rércil-nialin, p. lOli. — Montaigne, Essais. — Menaqiana : « Un Vénitien qui n'était jamais sorti do Venise, et qui, pour cette raison, ne devait pas être bon cavalier, étant monté pour la première fois sur un cheval rétif qui ne voulait pas même avancer, quoiqu'il lui fit sentir l'éperon, tira son mouchoir de sa poche, et l'ayant exposé au vent, il dit : « Je ne m'étonne plus si ce cheval n'avance pas, il rcnto è coiilrario, le vent est contraire. » T. 1, p. .394. LES FACÉTIES DE l'OtiGE 209 frapper son inaitie au bas des reins. Ce niais crut que le couj) venait de sa bête, et comme son valet marchait avec peine, par suite de sa blessure, il se mit à le taquiner : — « Je ne puis aller plus vite, répondit le serviteur, car votre cheval, en ruant? m'a fait çrand mal. » — « Ne fais pas attention, répliqua le maître, cet animal est très vicieux; il vient à l'instant de m'envoyer un grand coup de pied dans le dos. » CLXIII Le renard et le paysan K Certain renard que poursuivaient des chiens de chasse, se réfugia près d'un paysan qui battait du blé sur son aire, implorant protection contre ceux qui allaient l'atteindre, et promettant, en retour, de ne jamais faire de victimes parmi les poules 1. De vulpe a vustko in palea abscondila quœ fuqnbatur a cani- bus. Opéra (ILXIII. — Xoel I, 171; II, 16-> 16'i. — Liseux, t. II, p. 68. Cette facétie imitée d'EsoPE, fable 127, a servi de thème à une infinité d'auteurs avant et depuis Pogge, laissant de côté les poésies latines, on citera particulièrement : Benserade, Fables d'Esope, en quatrains : Le Bûcheron et le Loup. — J. Baudouin, Fables d'Esope : Le Loup et les Chasseurs. — F. M., Nouveau recueil des fables d'Esope : Le Bûcheron et le Loup, p. 48. — Pierre DA la Fresnay, idné. » Là-dessus, il empoche la somme promise. En ceste Facécie n'i a point de sens moral, mais y est monstre seullement la folle crédence d'ung sol homme, qui créoit que ung aultre luy peust apprendre une chose im- ])0ssible. que laultre mesme ne sçavoit pas. CLXVII Prodiges racontés au pape Eugène '. Au mois d'octobre de la présente année, le pape Eugène étant revenu à Florence, on entendit parler de certains faits prodigieux paraissant tel- lement authentiques, qu'il faudrait être fou pour les nier. Ils étaient racontés dans une lettre venue de Côme. et affirmés par des gens considérables qui les tenaient de témoins oculaires. Dans un lieu situé à cinq milles de Gôme environ, on aurait vu, vers le crépuscule, à la vingtième 1. Dp prodUfiis nunciatis Enijenio Papir. Opéra CLXVII. — Noël I, 174. — Liseux, t. II, p. 73. 214 LES FACÉTIES DE l'OfiliE heure, uae multitude de chiens, à peu près qua- tre mille, paraissant de couleur rousse et se dirigeant vers rAllemagne. Celte troupe, for- mant comme un prcuiier corps de bataille, était suivie d'une innombrable quantité de bœufs et de moutons ; des cavaliers, des fantassins divisés en escadrons et en compagnies venaient ensuite. Un grand nombre portaient des armures ; ils for- maient une véritable armée ; les uns avaient la tète à peine esquissée, les autres en manquaient. Un géant, monté sur un haut palefroi, dirigeait à l'arrière-garde, une immense quantité de botes de somme d'espèces variées. L'interminable défilé continua pendant trois heures, on le vit dans dif- férentes localités. Il existe, de ce fait, de nom- breux témoins, hommes et femmes qui s'appro- chèrent (le très près, afm de mieux se rendre compte du prodige. La nuit venue, cet étrange spectacle s'évanouit et il n'en resta plus trace. CLXVIII Autres faits prodigieux (1). Peu après, on apprit de Rome des faits extra- ordinaires et qu'on ne peut révoquer en doute, puisqu'il en reste encore des traces. Le 20 sep- 1. Mirandntn (•o«.spio>»/f/HH(. Opéra CI. X\'lll. — Noël I, 17G. — LisEux, t. Il, p. 7ô. LES FAIKTIKS DK l'OlitiK 215 tembre, une rafale de vent s'étant déehainée sur les murs du château abandonné de Borgeto, situé à six milles de la ville, les ruines s'écrou- lèrent, ainsi qu'une église très ancienne qui se trouvait tout près. Les pierres étaient répan- dues de telle sorte, qu'elles semblaient avoir été dispersées par la main des hommes. Une hôtel- lerie, où étaient descendus des voyageurs de toutes classes et dans laquelle beaucoup de gens s'étaient réfugiés, eut son toit soulevé par la tempête et emporté à peu de distance sur la route. Personne ne fut blessé. La tour de l'église Sainte-Rufine, à dix milles de Rome, sur l'autre rive du Tibre, à Casai, près de la mer, fut arrachée de ses fonde- ments et s'etfondra sur le sol. On était encore sous le coup de ces événements et on en cher- chait la cause, lorsque deux bouviers de Casai, laissant leur travail, vinrent à Rome, poussés par l'étrangeté des faits. Ils racontèrent qu'ils avaient souvent vu se promener dans les bois d'alentour un cardinal, surnommé le Patriarche, mort récem- ment, des suites d'une blessure, au môle d'Adrien. Il était recouvert d'un vêtement de lin, suivant l'usage adopté pour les cardinaux, sa tête était coiffée de la barrette, comme de son vivant ; il semblait triste, se lamentait et gémissait. Au moment où se déchaîna ce violent o«iragan, ils le virent dans les airs, au milieu du tourbillon, étreindre la tour dans ses bras et la précipiter à terre de toutes ses forces. De plus, des chênes, 216 LES FACÉTIES DE PCXiGE des yeuses d'une grosseur extraordinaire furent complètemeut arrachés et projetés au loin. De prime abord, on n'ajouta pas foi à ces récits, mais de nombreuses personnes survinrent, qui en affirmèrent l'authenticité. CLXIX A propos d'un notaire nialJionnête de Florence ^ Un notaire de Florence, auquel sa charge rap- portait peu, chercha une supercherie pour se procurer de l'argent. Avisant un jeune homme, il lui demanda si on lui avait remis les cinq cents florins prêtés par son père décédé, à une personne morte également. Le jeune homme, qui ne con- naissait nullement l'affaire, répondit que cette créance n'était pas inscrite dans les livres de son père. Le notaire prétendit alors qu'elle résultait d'un contrat passé par lui, et engagea le jeune homme à lever, à beaux deniers comptants, une expédition de l'acte afin de faire valoir son droit devant le Podestat. Cité à comparaître, le fils du prétendu débiteur nia cette dette, affirmant que son père n'avait jamais rien emprunté à personne, 1. De Notario Florentiuo falso. Opéra CLXIX. — Noël J, 178. — RiSTELHUBER LXXVI, p. 105. — LiSEux, l. II, p. 77. — Len- FANT, t. II, p. 230, LXXVII. LKS FACÉTIKS I»F. l'()(,(,K 217 aucune trace d'une dette de ce genre ne ligurant sur ses livres, mention qui eut dû exister suivant les habitudes des commerçants. De suite, le défendeur alla trouver le notaire, l'accusant d'avoir rédigé un acte faux relatif à une conven- tion qui n'avait jamais existé. — « Mon enfant, répondit le notaire, vous ignorez à quelle date remontent les faits. Vous n'étiez pas né lorsque votre père emprunta cet argent, mais peu après il le rendit ; j'ai moi-même libellé la quittance, » Moyennant iinance, le jeune homme retira l'acte et évita un procès. Par sa rouerie, le notaire empocha ainsi des deux côtés. CLXX D'iti) moine qui bouta a travers une planche percée * . 11 y a dans le Picentin, une ville qu'on ap- pelle Jesi : dans cette ville, un moine nommé Lupo. aimait une jeune pucelle et la poursuivait de ses ardentes sollicitations, tant et si bien 1. De inoitaco qui misil per foramen labuhr priapton. Op^^ra. CLXX NoKL, I, ITÛ, II, 167. — Guillaume tardif. LXXXVI. — p. 238. — LiSEUx, CL.\X. t. II, p. T.). Les cent youvelles itourelles : Le.i lacqs d'amour, p. 330, édit. Garnier. — Anonyme. Priapu- sillaquealus, vers latins cités par Milet, t. II, p. 167. — Beroald DE VERViLLE l Le Moyeu de Pariettir, édit. Garnier, — Bern. de LA Monnaye : Sluscipalœ. 13 :218 1-F,S FACKTIKS DK I''un fini voulait se faire passer pour chaste et qui fut pris en jlfKjraiit dr lit fie paillardise, t. II. p. 86. :i^ LES FACÉTIES DE POGdE un de ses amis en conversation déshonnête. Celui-ci lui fit des reproches très durs, de ce que, prêchant hi chasteté, il se laissait aller au péché. — « Oh I oh ! fît le cafard, ce n'est point la luxure qui me pousse, ainsi que tu pourrais le penser, mais pour abaisser, humilier cette misérable chair, et pour me décharger les reins par la même occasion. » (^e sont bien là les pires hypocrites qui ne se privent de rien, mettant leurs appétits et leur scélératesse sous un couvert d'honnêteté. CLXXIV Même su /et ^ . Un ermite qui habitait Pise, du temps de Pietro Gambacorta, introduisit un soir dans sa cellule, une fille de joie avec laquelle il besoigna, la nuit Ad idem. Opéra. GLXAIV. — Xoeu I, 185. II. 171. — Liseux, GL.\.\IV, t. II, p. 817. « Scaraninuche Ilennite. pièce très froiile, si die n'eut i)a.s été licencieuse, dans laquelle un ermite velu en iiioiue, monte la nuit, j)ai' une échelle, à la fenêtre d'une i'umme mariée, el y reparaît de temps en temps, ea disant : n ijiicsta é fer mortificar h carne. « — {Vie de Molière, notice du Tai-luffc . Noël dit avoir lu quehiue part que» certains Jancenistes exagérés avaient, an temps de Luu s XIV, une fayon foute particulière de pi>cher sans j)écher — ce qu'ils ai)i.elaient : itiorlijh')- la iiH)rtificalio>i. J.-B. RoussE.vu, dans ses Kpieji-ammes. a rimé plusieurs Remèdes contre la chair {édit. Garnier), dont celle-ci : Brûle du feu de la concupiscence. Frère Thibault vint trouver son frardien. Jeûnez, mon fils, lui dit sa Révérence. LES FACKTIKS DF. l'OGGE 223 même, mie vingtaine de fois, et sans cesse en fré- tillant des fesses, comme pour échapper au crime de luxure, il répétait ces mots que disent les srens du peuple : Doiudtti carne cativella\ » c'est-à- dire : ¦( Mortifie-toi donc, misérable chair I » La fille de joie ayant raconté la chose, le moine fut chassé de la ville. ClAXV D^un pauvre Jioinme qui gagnait sa vie avec sa barque ^ . Un pauvre homme gragnait sa vie en transpor- tant les voyageurs dans son bateau d'une rive à l'autre d'un fleuve. Ln jour, que personne ne s'était fait passer et qu'il s'en retournait triste- ment chez lui, quelqu'un apparut au loin, qui le hélait. Le passeur revint sur ses pas. dans l'es- Thibault jeûna, le jeùue n'y fit rien. Lors derechef Thibault se plaint — Eh hi^n! Joignez au jeune et discipline et haire, Dit le vieillard. — Mais, las! le pauvre hère Sentit la chair encore plus regimber. — Vertu de froc! Succombez y donc, frère. Tant que d'un an n'y puissiez retomber. 1. De paiiper qui iiarictila vicliiin quœrchat. Opéra, (U,XX\'. — NoEL, I. 185, II, 173. — LisEux. CL.XXV, t. II, 88. Marie de France : Le Vilain et le Loup. — Imilaticns : Le Chasse- oiituy, cent. III, 61. — Le fao'tieux Réreil-matiu, j). 4118. — L.a Gibecière de Morne, nn le Thrésoi- du Ritlicule. p. 294. — Le Colo- rier facélien.r. p. "23. — lioijer-BonteinpK en Belle-Humeur. p. 406. LES FACETIES DE IHXiGE poir d'un peu de gain. Mais lorsqu'il réclama son salaire, l'individu lui déclara qu'il n'avait point le sou, lui olfrant, en compensation, de le payer d'un bon conseil. — « Ce n'est pas avec de bons conseils que je nourrirai ma famille qui meurt de faim, » observa le batelier. — Je ne puis te donner autre chose » répondit le voyageur. Le pauvre homme, fort en colère, demanda quel était ce bon conseil. — « Voici, dit l'étranger : Ne passe jamais personne sans t'être fait payer d'avance, et ne dis jamais à ta femme qu'il y en a d'autres qui sont peut-être mieux montés que toi. )) Là-dessus, le batelier étant rentré tout triste, sa femme lui demanda de quoi acheter du pain. A cela il répondit qu'au lieu d'argent on lui avait donné de bons conseils, et il raconta l'histoire en détail, même les bons conseils qu'on lui avait donnés. Lorsqu'il parla de la chose inté- ressante, la femme tendit l'oreille. — « Eh quoi, mon ami, fit-elle, tous les hommes ne sont donc pas égaux? — Bah ! il y a entre eux de grandes différences, répliqua le mari. Tiens, par exemple notre curé nous dépasse tous de moitié. » Et ce disant, pour mieux donner une idée de la mesure, il étendit lavant-bras. Aussitôt, la femme s'étant rendue chez le prêtre, ne voulut pas sortir avant d'avoir vérifié par elle-même si son mari avait dit vrai. Ainsi donc, la sagesse était tournée en im- bécillité et le batelier apprit (ju'il ne faut jamais parler de ce qui peut nous porter préjudice. LES FACKTIES DE \'UiH,E CLXXVI Solfise (Ti/n Milduciis qui (ivail écrit sa confession ^ . Certain Milanais, soit par sottise, soit par hypo- crisie, soit qu'il redoutât quelque écart de mé- moire, écrivit ses fautes longuement détaillées sur une immense leuille. S'étant ensuite rendu, pour se confesser, chez Antonio d<^ Rauda, Milanais, de l'Ordre des Frères Mineurs, homme très instruit et directeur expérimenté ; il lui présenta son manuscrit en le priant de le lire. — « C'est ma confession », dit-il. Le père, homme avisé et pru- dent, comprenant de suite que cette lecture lui demanderait beaucoup de temps, et sachant, de plus, qu'il avait alfaire à un individu niais et bavard, se contenta de faire quelques ({uestions au pénitent : — « Je te donne l'absolution de tous les péchés que tu as inscrits sur cette pancarte » ajouta-t-il. Notre homme s'informant alors de la pénitence qui lui était infligée : — « Pendant tout ce mois, répondit le religieux, tu liras sept fois [)ar jour ce que tu as écrit». Le ¦Milanais eut beau crier à limpossibilité, le confesseur ne céda pas. Ainsi fut punie la prolixité d'un imbécile. 1. f)t' qnodani iuKuho Mi'diolanensi (jui in scriptis porreril pcc- cnta sua sacerdati. Opéra CLXXVI. —Noël I. 187. — Lenfant, t. II, XI.V, p. -211. — RisTELiiuiiEu LXXVIII. p. 107. — Ltseux, t. Il, p. lH. 13. 220 LKS FACÉIllS LU. Imm,(,K CLXXVII Jactance d'un individu confondue par son cotnpagnon ' . Un indivklu, d"une Scintô chancelante et loin d'être favorisé des dons de la fortune, faisait sa cour. Invité à diner, un soir dV'té, [)ar les parents de sa fiancée, il vint accompagné d'un ami au<|uel il avait donné pour consigne de renchérir sur tout ce qu'il dirait. — « Le beau pourpoint, comme il vous habille bien, dit la future belle-mère », — (( Oh, rép )ndit notre homme, j'en ai un beaucoup plus élégant » ; et l'ami d'ajouter, — « Sans parler d'un autre deux fois plus riche ». Le beau-père s'étant informé du nombre de domaines qu'il possédait, il indiqua une petite propriété, sise hors la ville, et dont les revenus suffisaient à son entrc- 1. De fjnodain qui visilaudo alftnes tixoris ralelml a aocio com- )iiritdaii. Opéra CLXXVII. — Xoel I. 18S; II, 174-170. — Liseox, t II, p. U'I. Babel. FarwIitv.De siipor!iO adolescente, L. 5. j). IGli. — Bebo.vld de Verviule : Moyen de l'aiTenii-, édit. Oarnier. — Hisinire comique de Fvaiicioii, t. 4, p. 219, édit. 1G41. LK -MKNTKUR KT SOX V.VLKT Un habitant des bords de la Garonne, A tou.s propos effronlément contait Ses biens en l'air : c'était toujours son prone. Mais son valet, simple et rustre personne, Qu'à chaque instant le croiyeur attestait, S.ins y penser ton ours le démentait; LF.S FACÉTIES DE l'OC.dK 227 tien. — « Oublies-tu donc cette autre terre bien plus considérable, qui te procure de si importants bénéfices? » repartit le camarade. Ainsi, chaque fois que notre homme avançait quelque chose, l'ami renchérissait. Pendant le repas, comme le gendre prenait peu de nourriture, le beau-père lencourageait à faire honneur aux difTérents mets : — « Pendant l'été, ma santé laisse à désirer, dit l'invité » ; et son compagnon, qui croyait le servir en soutenant son rôle de hâbleur, de s'exclamer : — « C'est bien plus grave qu'il ne dit ; il se porte mal l'été et l'hiver c'est encore pire ». A ces mots, les assistants se mirent à rire aux dépens de celui qui. pour avoir recherché des éloges menson- gers, ne recueillait qu'un ennui pour prix de sa sottise.... Tant qu'il lui dit : — « Si sur ce que j"avance Tu n'enchéris toi-même de moitié, Prends pour certain que sur ta covporaiice, I loups c!e liâton vont j)leu.oir sans pilié. Le Drôle eut peur, et jura sur sa vie De n'y manquer. Le maître, en compagnie. Dit que la foudre a brûlé son château. — • ' Vous en ave/, par lionlienr un plu? b^au, » Dit le valet, secondant sa manie. — L'instant d'après, l'on p.irle de bateau; Triste voiture, où l'on trouve un tombeau, Quand sur les (lots les vents se font la guerre : Le maitre dit : — « Je suis poltron sur l'eau, r, — (i Oui, répond l'autre, et même sur la terr.'. » Deforges-Maii.lard. 22» 1>KS FACÉTIES DE ['0(.(1E CLXXVIII Vn mot de Pasquiiio de Sienne si/r un pet du corps de VÉtat ' . A la suite de troubles politiques, Pasquino, de Sienne, homme retors et plein de gaieté, fut exilé ; il vint habiter Ferrarc. Un de ses compa- triotes, citoyen de peu d importance, le visita en se rendant de Venise à Sienne. Pasquino lui fit bon accueil. Au cours delà conversation, le voya- geur promit ses bons offices, offrit sa protection une fois rentré à Sienne : — u Je fais partie, ajou- ta-t-il par vanité, du Corps de l'Elat. » — (( Plaise à Dieu, répondit Pasquino, que ce corps lâche un pet, afin que toi et tes pareils soyez expulsés promptemenH » Avec cette plaisanterie, le vaniteux personnage n'eut ({ue ce qu'il méritait. CLXXIX De cet une de docteur, si idiot qiCil parlait latin à la chasse aux oiseau.r- . Un docteur de Milan, homme peu instruit et borné, voyant qu'un oiseleur se disposait 1. De Pasquino (juodaiit Seneimi qui tmpnsuil cuidain e.r statu ut creparet. Opéra CLXXVII. — Xoel I, 189. — Liseux, t. II, p. 94. ?. De (Inclore qui littvrali sernioiie loquehatur in aribus capicndis it indoclHS erat. Opéra CLXXIX. — Xoel I, 190. — RisiKLiiuiiER I.XXX.p. 108. — I.isELX, t.II,p.90. — Lenfant, t. II. LXIV.p. l'i;'. LES F.VCÉTIF.S I)K l'iXitJK 22^) à chasser des oiseaux avec une chouette, lui demanda de Faccompai^ner. Il était très dési- reux de voir pareil spectacle. Le chasseur y con- sentit et plaça notre homme sous la hutte de feuil- la.iie, à coté de la chouette, en lui recommandant bien de garder le silence afin de ne pas etfrayer les oiseaux. Ceux-ci apparurent bientôt en grand nombre. Aussitôt, le maladroit docteur s'écria : — (( En voilà beaucoup, tirez le filet! » En entendant le bruit de la voix, les oiseaux s'envolèrent à tire d'aile. Gourmande par sou compagnon, le doc- teur promit de se taire. Les oiseaux, ayant repris confiance, revinrent, le stupide docteur dit alors en latin : — « Avês pennultœ siuit- » ^ persuadé qu'en s'exprimant ainsi il ne serait pas compris. Les oiseaux disparurent sans retour. L'oiseleur, perdant tout espoir de réussir, invectiva vivement son compagnon qui n'avait pu s'empêcher de parler. — « Mais, dit ce dernier, les oiseaux comprennent donc le latin .' » Ce pauvre docteur pensait que ce qui avait fait fuir les oiseaux, ce n'était pas le son de la voix humaine, mais le sens des paroles prononcées, comme si les oiseaux avaient compris qu'ils devaient s'enfuir. 1. (( 11 y a beaucoup d'oiseaux, o 1?30 LES FACETIES DE l'0(i(iE CLXXX Ce quune femme prit pour un compliment^ , Une femme mariée de Sienne, ayant fini de besogner avec son amant, causait avec lui. Celui- ci eut laffront de lui dire cju'il n'était jamais passé par route aussi large. La femme, prenant cela pour un compliment répondit : — « Tu es bien gentil, mais je ne mérite point pareil com- pliment. Combien je voudrais que tu dises vrai ! car j "en serais très fière et m'en estimerais bien davantage ». CLXXXl Plaisant propos cV une jeune femme en couche '' . Une jeune femme de Florence, assez niaise, sur le point d'accoucher, depuis assez long- 1. De tiiUiere se credoile ad laiidem Iraiti, coiifilendo htliorcni rulram hnbere. Opéra CLXXX. — \oel. I. 190. — Liseux. CLXXX, t. II. p. 98. 2. De adolesceiiiula lahoranîe cr pai-tii fnrctutn. Opéra CLXXXl. — XoEL. I, 191 II, 176.— LisEux CLXXXl, t. II, p. 8'.). — Perchk : La membriancide, oggiunteel libru. — Baudius Batavus — Puer (iravidits, cités par Noël, t. II. p. 17(i, et Lcnfnnl malade — épi- gramiuc idem. p. 180. PROCÈS JUGE SANS APPEL Deux gars étaient sur le même palier. L'un franc Picanl et l'autre de Provence) Oui d'une Agnès. leur commun attelier; LKS lACtTIKS 1)K l'iXKiK 231 temps déjà, souffrait de vives douleurs, et la sage-femme, une chandelle à la main, examinait la place, pour voir si l'enfant n'allait pas bientôt se présenter. — « Regardez donc aussi de l'autre cO»té. lui (lit l'idiote, car mon mari a quelquefois travaillé par là ». CLXXXII (jiaiid éloi^e d' un jeune Hontuin i . Un jeune Romain, d'une grande beauté, aussi honnête que lettré, était chaleureusement loué par l'un de nous pour sa rare élégance et ses bonnes mœurs. Ne sachant comment exprimer son enthousiasme et mettre le comble à ses paroles élogieuses. notre confrère ajouta : — « Je crois, qu'à son àg-e Jésus-Christ devait lui ressembler, je ne me le fig^uro pas autrement ». Magnifique appréciation de la beauté 1 Xi Cicéron, ni Démos- thènes n'ont, en ce genre, rien dit déplus exquis. Kind ~ctrin.iipnt tour à tour l'innocence. Le papiur but. — Ça de qui le jjoupon? Demanda le juye à la mère! — Ilélns! Mon.fieur, dit-elle, c'est selon; Moi-même en suis en peine la ijreniière ; Si toute fois j'accouche par devant, ri'est au Picard qu'appartiendra l'enfant: Au Provençal, s'il me vient par derrière. Mérard de Saint-Jlst. 1. De quinlain (pii Romanum ndolescentuliim admodnm landaril . Opéra CLXXXII. — Noël I, l'.t3. — Liseu.m, t. II, p. 100. 232 IKS KACÉriES I»E POiif.E CLXXXIII Vd'u.r différents i . A Florence, plusieurs personnes ayant lié con- versation, chacun formait pour son bonheur un vœu particulier ; c'est assez l'ordinaire. — « Je voudrais être Souverain-Pontife », disait Tun, « Moi Roi » s'exclamait un autre ; un troisième désirait autre chose. Un gamin, tant soit peu havard. (jui écoutait, dit : — « Moi, je voudr . Certain marchand faisant l'éloge de sa femme, en présence d'un seigneur dont il dépendait, aftir- ma. entre autres choses, que jamais elle n'avait fait un pet. l'^tonnement du seigneur qui ne peut croire la chose: — «Je te parie un bon diner, dit-il, qu'avant trois mois cela arrivera bien des fois. » Le lendemain, le seigneur lit demander au mar- chand de lui prêter cinq cents ducats d'or, pro- mettant de solder son emprunt dans la huitaine. La somme paraisssait bien forte au pauvre diable et ce ne fut qu'à regret qu'il consentit h re- mettre l'argent. Le jour impatiemment attendu de l'échéance étant venu, le préteur alla réclamer ses écus. Le seigneur, simulant une grande gène, et disant qu'il était obligé de faire face à des engagements urgents, sollicita du marchand un nouveau prêt, en promettant de rendre le tout avant la lin du mois. Le bonhomme ne céda pas 1. De mercalore qui. laudando u.rorem snatn, asse)-el)'it cnm nnti- quam crepilum ivlidisse. Opéra CLXXXIV. — Guii lau.me Tardif : Du marchant qui se vanta que jamais sa femme n'avoit fait de pet au lict, LXXXVIII. — Xokl I. l'.)4; II. 131. — Liseux. t. II. p. 102. Qui securi (Innitinnt. Par.silypi. liv. 111. antore sai|i. Kn.-, 1031. 234 i.cs FActriEs iJE i'0(i(;E de suite, allégua sa jiauvreié, mais à la lia, crai- i;nant de perdre le moulant de son premier prêt, il compta, en soupirant, cinq cents autres ducats. Rentré chez lui ijieii triste, la tète à l'envers, en proie à toutes sortes de préoccupations et d'inquié- tudes, il passait les nuits sans sommeil. Pendant ces veilles, il entendit maintes fois sa femme se soulager en dormant. Le mois étant écoulé, le seigneur fil venir le marchand : — « Kh bien, dit- il, peux-tu prétendre maintenant (]ue tu n'as jamais entendu péter ta femme » — « Hélas! avoua le marchand, en confessant son erreur, cela est arrivé tant de fois, que ce n'est pas un diner, mais tout mon patrimoine qui y passe- rait. » Là-dessus, l'argent ayant été rendu, le repas fut payé. Bien des choses échappent à ceux qui ont le sommeil lourd. Vin ceste I-'acécie sont l'eprins le paresseux et non diU- gents qui n'ont point de sollicitude en leur famille, carung bon mesnager doit avoir tant de soing et de sollicitude à l'entour de ses négoces qu'on ne devrait rien l'aire en sa maison, pas sa femme ung pet, qu'il ne le sçoust; mais ainsi n'estoit pas le dict marchant, qui gagea que sa femme n'avoil jamais fait pet et la cuydoit pour tant qu'il n'en avoit rien ouy, car. incontinent qu'il estoit couché, il s'endormoit sans avuii- aulcun soulcy, et pour ce luy emprunta le gentilhoiiinie son argent, alFin de luy donner soing, dont il perdit le dormir, et veillant tant qu'il oyt le pet de sa femme, dont il perdit le soupper, mais il en bout sa pari. Li:S FACKÏIKS DK l'Ot.(lK -^Sb CLXXXV Sa:^i' rc/uynse a un (((loinnidlciir '^ . Louis de Mai-silio - , df l'Ordre des Augustins, qui habitait il y a peu de tenîps Florence, était un religieux d'une giMUile intelligence et dune profonde doctrine. Devenu vieux, il avait élevé et initié aux belles lettres, un jeune homme sans fortune, nommé Jean, son compatriote. Nous lavons connu, il était très instruit. Certain Flo- rentin, son condisciple (quelques étudiants assis- taient aux leçons du niaitre ), poussé par la jalousie, se mit à décrier sournoisement Jean auprès du vieillard. Cette délation se répétant souvent, Louis de Marsilio, véritable modèle de sagesse, demanda au calomniateur depuis quand il con- naissait son camarade : — « Depuis un au, » ré- I. Sipii'iitissiiiin rcsponsio conU-a (lelractonein. Opéra (XXXX^'. — Noël I, 1%; II, 131. — Lenfant, t. II, XLVI, p. -211. — Ris- TELHLHER LXXX. 109. LiSELX t. II, p. 104. G UICCIARDINI : ffoJT (fi Recreaziotte : Gli hoinini costanli, p. 1 iO. 5. Mirsilio devint supérieur d'un couvent d'Augustins silué dans la province de Pise. Sa r putation litlérjire lui procura des fonctions dans la chancellerie de la République de Flo- rence, et en 1:)82, le gouvernement Toscan le mit au nombre des Di^gociateurs (ju'il chargea de conclure la paix entre Charles de Hongrie et le duc d'Anjou. 11 s'acquit une telle estime parmi les Florentins, que la Seigneurie de cette République pria Bo- nitace de le nommer évèque de Florence. La lettre qui fut écrite à cette occasion a été rapportée par Mehus dans sa Vie d'.\nibrosio Traversari. (fi). 236 I-KS FACÉriKS l»E P0(.(;E pondit-il. — <' Je m'étonne, répliqua le vénérable maître, que tu te croies assez habile, ou que tu me juges assez dépourvu de raison, pour aflirmer que tu as connu, en un an, la nature et le caractère d'un jeune homme, mieux que je n ai pu le faire depuis dix ans qu'il vit avec moi. )> Sage réponse qui, en flétrissant la méchanceté du calomniateur, rehaussait le mérite du calomnié. Si cet exemple était suivi, les envieux et les détracteurs seraient plus circonspects. CLXXXVI P/û/sante /•épouse à l'usage de (jiirhiucs évêK \>IH,(:V. 2;i7 « Cela indique, répliqua Marsilio, qu'ils ne possèdent complètement, ni l'un, ni l'autre. » Plaisante réponse, s'appliquant à certains prélats. CLXXXVll Un bon mot si/f François Philelphe 1 . Au palais Apostolique, au cercle des secrétaires un jour qu'il se trouvait, comme d'habitude, beaucoup de doctes personnages, la conversation tomba sur la vie ignoble et crapuleuse du misé- rable François Philelphe 2 . Comme on l'accusait de tous les crimes, quelqu'un demanda s'il était d'origine noble. Un de ses confrères, homme charmant et quelque peu farceur, dit avec un air grave : — « Certainement et sa noblesse est même des plus illustres, car son père mettait chaque matin des vêtements de soie. » Voulant dire par là qu'il était fils de prêtre, parce que les prêtres ont en eit'et la coutume d'employer des vêtements de soie quand ils officient. 1. Facelum diclum cnjiisdam in francisoiin Pliilelphiiin. Opéra CLXXXVll. — XoEL, I. 11J8, II, 178. — Ristelhuber. LXXXII p. 11-2. — LisEux, CLXXXVll, t. II, p. 107. Enricus Cordus. — Delicœ Poetarum Germait : la .^mulum. 2. Il a été question de Philelphe à maintes reprises. Voir ce qui a été dit do lui dans la notice sur Pogg-e. 238 I.l> KAf.KriK^ liK i'UGijE CLXXXVIIl Pldisdiiterte sur le même i. Un autre non moins plaisant ajouta : « Il n'y a là rien d'étonnant si ce descendant de Jupiter a essayé de marcher sur les traces de ses ancêtres, en enlevant une nouvelle Europe et un autre Ganymède. » Cet homme voulait dire par là que Philelphe avait amené en Italie une jeune vierge grecque, tille de Jean Chrysoloras, qu'il avait séduite, et que, par contre, il avait pour ses charmes emmené en Grèce un jeune garçon de Padoue. CLXXXIX Le iiolciire devenu maquereau -. Il y avait à Avignon un notaire français, très connu de la curie romaine qui, s'étant amouraché d'une fdle publique, abandonna son étude et se fît maquereau. Aux calendes de janvier, c'est-à-dire (hi premier de l'an, il enJossa un nouveau cos- tume sur la manche duquel il avait mis cette ins- 1. Contni enindeiH facclin. Opéra (JLXXXVJII. — Noei, : .1 aiipra. - LisiEux, CLXXXVIIl, t. I[, p. lus. 2. Ve Icnoite farlo e.r nolario. Opéra i XXXXVIII. — XoEi., I, l'j:). LisEix. CLXXXVIIl, t. II. p. Kl'J. I.KS FACKTIKS IiF. I'(m,(,1-; 230 cription en lalin et en fraurais : De bene in melius. De bien en mieux. Apparemment qu'il trouvait le métier de maquereau plus honorable que son ancienne profession. CXC. Piaisanle inani'h'e de débari-asser un Jtopital ' . Le cardinal de Bari - , d'origine napolitaine, possédait à Verceil, dans la Gaule Citérieure, un hospice qui lui donnait peu de revenus, tant étaient grandes les dépenses qu'on y faisait pour 1. FaceliDn cnjusdam Peirelli ut lihi'rarel hospitale a sordidis. Opéra CX'>. — Guillaume Tardif : Joyeuse manière de chasser les pauvres de ung Hospital, LXXXIX, p. '245. — Ristelhuber LXXXIII, p. 113. — LisEux, t. n, p. IIU. — X.EL I, '20li: II, 18-2. — Lenfaxt, t. II, LXXXVII, p. 235. — iMéon, Le vilain mire, t. III, p. 1-13. — Legraxd d'Aussi, t. I, p. 398. — Chénier : Fragmens du cours de littérature fait à l'Athénée de Paris tn 1806 et 1807, p. 90. — Ms. de Berui, 6M, fol. 4'.). — Vo.v Pfaffen Amis, dans : Benecke Beilrafje zin- Kenuliiiss der altdexilschen Sptache, Goett. part, II, p, 533. Imitalions : Die Eulettspieçiel, hist. 17. — BoucHET : Sérées 30- série — Gibedt)-e de Morne p. i5C. — ('ourier lacélieux, p. 129. — L'iiipital de Verciel. — Histoires plaisatites et récréatives, p. 1 9. '2. Loudolphe de Maremaur, l'ail cardinal diacre de Saii.t- Xicolas in (jarcere en 1381. Il lut envoyé en 1409 à la diète de Francfort par le collège des Cardinaux qui av.. ient renom é à l'obédience de l'antipape Benoit Xlll et de Grégoire XII. Il as- sista au Concile de Pise et à celui île Constan e. où il mourut en l'iin. Le jour de ses funérailles, l'évèque de Lodi fit un dis- cours où il ne dit pas un mot du cardinal, mais s'étendit sur les défauts des ecclésiastiques. R,. •^4(J LES FACKTIKS DE l'OOGE soigner les pauvres. Un jour, il envoya un de ses gens, nommé Petrillo, pour toucher ses rentes. Celui-ci, ayant trouvé l'hôpital encombré d'infirmés et surtout de fainéants qui épuisaient les ressources de l'établissement, s'alfubla de la robe d'un médecin, fit assembler les malades, visita leurs plaies : — « Je ne vois, dit-il alors, qu'un onguent de graisse humaine qui soit sus- ceptible de guérir des ulcères de cette nature. Aujourd'hui môme, je vais, en conséquence, tirer au sort celui d'entre vous qui sera plongé vivant dans l'eau bouillante et cuit pour le salut de tous. » Saisis d'épouvante, en entendant ces paroles, tous se hâtèrent de déguerpir, dans la crainte d'être désignés par le sort. Tel fut le pro- cédé qu'employa -Petrillo pour débarrasser l'hos- pice de l'entretien de fous les malades peu inté- ressants. En ceste Facécie n'y a point de sens moral, mais est seulement la joyeuse subtilité que trouva ce Vicaire pour faire vuider les pouvres malades de l'hostel, qui a si grande habondance y venaient que le revenu dudict hospital ne proflltoit en aulcune chose au Maistre d'iceluy, mais despuis prollita. LES FACKIIKS DK l'IXidK 241 CXCI PldisdiUe histoire criui précepteur qui abusa de toute une famille ' . Un habitant de Florence avait chez lui un jeune homme pour faire l'instruction de ses fils. Celui-ci, suivant l'habitude, abusa de la servante, puis de la nourrice, puis de la maîtresse de la maison, enfin de ses élèves. Le père, qui était un homme assez spirituel, ayant su la chose, fit venir en secret le jeune précepteur dans sa chambre et lui dit : — « Maintenant que tu as abusé de tout le monde ici (grand bien te fasse!), je ne veux pas qu'il y ait d'exception, et j'entends y passer tout comme les autres.» CXCII Le plus agréable des bruits - . Sous le pontificat de Boniface IX, certaines personnes discutaient la question de savoir quel 1 . Facetta cujusdam qui snbagitabat omnes de domo. Opéra, CXC. — Noël, I, 201. Il, 183. — Liseux, CXCl, t. II, p. 112. — Ber- nard DE LA. MoNNOYE, Fomiihis Forluiiatus. — J. B. Rousseau, Epi(jramme. Un percepteur logé chez un Génois, édition Gar- nier. — La Chaussée, Les Bonnets, conte ; « Aux pieds d'un confesseur un ribaud pénitent, Développant sa conscience... 2. ne sono jucuudiore inter ceteras. Opéra 191, — Noei I, p. 202; II, 187. —Liseux, t. II, p. 113. 14 2i2 I.KS FACETIES DE P0(;(;E était le plus flatteur et le plus agréable de tous les bruits. On n'était pas craccord. Lito dlmola, secrétaii'e du cardinal de Florence, du vrai cardi- nal, émit l'avis qu'aucun bruit ne flattait plus avantageusement les oreilles d'un aftamé que celui d'une cloche. Il est d'usage, effectivement, chez les Cardinaux d'annoncer aux familiers, le dîner et le souper, en sonnant la cloche. Klle ne se fait certes pas entendre aussi promptement t[ue le désireraient certains appétits féroces, mais aussi, lorsqu'on l'entend, son bruit procure par avance aux alfamés une délectable satisfaction. Toute l'assistance se rangea à l'avis de Lito, ceux surt(jut dont l'expérience en ce point, s'était formée à la suite d'une attenic parfois bien lon£;ue. Le Passe-letnps agirable, p. "21-!. EPIGRAMME On disputait dans une compagnie, Des Amphions de France et d'Italie Lequel devait avoir le pas, et puis Quels instruments surtout avaient le prix. Lutii, vioIoD, haut-hois, flùt, parta^ie Des amateurs les discoidans airs, Et tour à tour chacun a l'avanlage. Adonc le point demeurait indécis, Quand un Gascon, qui dans un coin assis Ne di.-ait mot, du cercle se rapproclie. Et gravement s'écrie : — « Ali '¦ nii s amis 1 Le Roi de tous... — C'est... — Quel ?... ic lunrnc-broche. X. Journal de Paris, 1797. ir.S KACKTIKS l»r. l'OllGK 2-'i3 CXCIII Du fils (Vun Prince, muet par ordre de son père a cause de sa méchante langue \ n jeune homme, fils d'un prince d'Espagne, avait une langue tellement méchante, tellement enfiélée et c[ui lui avait attiré de nombreuses haines, que son père lui ordonna de garder un perpétuel silence, auquel le jeune hommese sou- mit. Sur ces entrefaites, ayant été conviés tous deux à un festin donné par le roi et auquel la reine assistait, le jeune homme absolument muet servit fort adroitement son père. La Reine (qui était impudique) crût qu'il était réellement sourd-muet: pensant en tirer profit, elle jiria le père de lui accorder son fils pour son service personnel. L'ayant obtenu, elle l'employa à ses affaires les plus secrètes, de sorte qu'il fut souvent témoin de son inconduite. Au bout de deux ans. le père se trouva dans un semblable festin pendant lequel le fils du prince servit la Reine. Le Roi, qui avait vu fréquemment le jeune homme que tout le monde croyait sourd-muet, demanda au père si son fils était sourd-muet de naissance ou par acci- l)r filio principi mulo. j}i.ssu palris. proplcr Unçjuam inaledican) . Opéra CXCV. — Nokl, I. 202. — Ristelhuber, p. 115. — LiSEt x p. ll'i. LES FACETfES DE P0(;(;E dent. Le père répondit que ce n'était ni l'un ni l'autre, mais bien par ordre, à cause de sa mauvaise lan.eue. Le roi demanda alors que la parole lui fut rendue. Le père résista très lon,^- temps. disant qu'il redoutait un scandale, mais le roi ayant insisté, le père finit par ordonner à son lils de parler si cela lui faisait plaisir. Aussitôt, se tournant vers le roi, le jeune homme lui dit : — (( Vous avez une femme plus effrontée, plus impudique que la dernière des putains. » Le Roi l'empêcha de parler davantage. 11 arrive que des gens qui ont rarement l'occasion de parler, ne peuvent cependant pas s'empêcher de mal parler. CXCIV Histoire cViin liiteiir ^ . Daccono degli Ardinghelli, citoyen de Florence, ayant été nommé tuteur, administra longtemps la fortune de son pupille, finalement la dilapida par ses excès dans le boire et le manger. Lorsque le moment de rendre compte de sa gestion fut arrivé, le juge l'invita à présenter ses livres d'entrée et de sortie; ce sont les termes d'usace. I. Cujusd'iin luldris fnrliini. 0[»era l'.t^i. — Xoel I, Jlt'i; II, iS8. — LiSKUX, t. II, p. IKi. — NitqdTCiinli'x : Di>quo(laai belltione, p. 83. — MoM:mcs Delicio' poëlarutn (iaUornm : Tutor. LES FACETIKS DE l', édit. Garnier. — Gkkcourt, Contes : I.e mal d'aventure. — Ln Massera (jrala, faille vénitienne, 17'.i'i. 14. îc/iO LES FA<;KTIKS Dr. l'OCdE ne pouvait l'introduire et le maintenir quelque temps dans certain pertuis secret, pour que la chaleur fasse mûrir l'abcès, mais que par pudeur il n'oserait jamais faire pareille demande à une femme. La commère, mue de compassion, s'offrit pour l'opération. Le frère lui dit (jue, par pudeur, il voulait (|ue cela se fit en un lieu obscur, car il n'oserait jamais en plein jour, profiter d'un tel service. La commère n'y voyant aucun mal y consentit. Etant donc entré en un lieu sombre et la femme s'étant couchée, le frère introduisit dans ledit pertuis, le doigt de sa main, d'abord, puis il lui substitua celui de Priape ; cela fait, il s'écria : — « L'abcès est crevé, il a jeté son pus. » Et voilà comment le doigt fut guéri. CXCVl Plaisdiilcii'e à propos cCun caidinal grec portant une longue harhe^ . Un cardinal romain, Anpelotto, personnage très jovial, voyant un cardinal grec - venir à 1. Faci'lhsimum \ni\v\()Hi dictum de Cardinale qraco harlialn. Opéra CXCV. — Noël I. 20(i: II, isn. — RisTRi.iitMm LXXXV, p. Wtl— LiSEUX, t. il, p. M'.). — l.HNFANT. t. II, LXXVI.p. *230. — R(t(jev Jioiiteinps m hcllc hnnwur : Plaisante réponse d'une villageoise, p. 381. — Le Passe-leinps atiréablc, p. '^12. 2. Le cardinal Bessarion. Né à Trebizonde en 1389. En U.i'J, le pape Eu^t'ne I\' le cn'-a cardinal-])rrtrc du titre des Saints I.KS FACETIES DE l'OClGE l'/iT la ('ui'ie avec une longue barbe, et entendant beaucoup de personnes manifester leur étonne- ment de ce cjuil ne la lit point raser pour se con- former à la coutume générale, dit : — " lia raison d'agir ainsi; au milieu de tant de chèvres, ne faut- il pas un bouc ? » CXCVIl -l propos (f un cavalier corpulent ^ . Certain cavalier, pourvu d"un ventre proémi- nant, entrait à Pérouse. Quelques habitants (ils aiment à plaisanter en cette ville), lui demandèrent, histoire de rire, pourquoi il avait, contre l'habitude, sa valise devant lui. — « Pou- vais-je faire autrement, repartit le jovial com- père, dans une ville remplie de brigands et de voleurs ? » CXCVIIl Plaisant propos d'un juge à un avocat'-. On plaidait à Venise, devant un tribunal sécu- lier, une cause relative à un testament. Les avo- Apôtres. Sa maison était le rendez-vous de tous les amis des letlres. Quand il sortait, on voyait dans son cortège Philelphe, Pogge, Valla, etc. Il mourut à Ijavenne le 19 novembre 147'2. 1. De quodam équestre corpulento. — Liseux, t. II, p. 120. 2. Facetum ciijusdam judicis i}t advocaUnn qui allefjavil « Cle- meiilinam » et « Norellam ». Opéra 191'.. — Noël I. -207: II, 190. Ayant demande'' un joui*, par quel moyeu ou pouvait se préserver du froid pendaut la nuit : — « Voici, me dit quelqu'un, celui ({n'employait — RiSTELHOBEU LXXXVI. p. 117. — LiSEUX, t. il, |J. 121. — Le.\- FANT, t. II, LI, p. "21 'i. — EsTiKNNE : .{pitloifif, th. XXIX. ({4. — licmocritns ridi'its, p. \'ti : Jiidcr indoclns. — CarpeiilanaïKi, p. 325. — Oayot de Pitaval : Bihlinlhrfiue de cmir. de ville ri de eampafiiie, II, l 'ri. 1. Remediitin nd frii/nf erilaitduju. Opéra C.XCVII. — NohL I, 2ilS. — LisEUx, t. Il, |). 122. «' 248 LKS FACKTIKS l)K I'(m;(;K cats des parties étaient là, détendant chacun les intérêts de son client. L'un d'eux était prêtre; il ^ cita à l'appui de sa plaidoirie la Clémentine et la Nove/lc, dont il lut quelques passages. Alors un des .juges, fort âgé, ne connaissant pas ces noms là (il u'avait avec Salomon qu'un commerce fort restreint), interpella, d'un air furibond, l'avocat : — « Que diable, s'écria-t-il, n'avez-vous pas honte d'invo(juer devant nous le témoignage de femmes ^ impudiques et débauchées. Croyez-vous IGR.\MME Dame Gcrtrude avait un fils unique. Beau, l'ait au tour, jeune époux de catin, Jeunette aussi, qui du .soir an matin Tant caressa qu'il en devint éliqui'. De peur de pis, Gertrndo sépara Le tondre couple. V.n vain, Catin ])leura, Malj^ré ses pleurs, il fallut que la belle, Trois mois entiers, couchât seule à l'écart, Dans cette angoisse advint (]uc, de hasard, \ sa fenêtre un jour la jouvencelle, Contre le mur sous un toit fait exprès, CCII. Discussion héraldique. Un Génois, patron d'un transport armé enguerre contre les Anglais, pour le compte du roi de France, portait un caisson sur lequel était peinte une tête de bœuf. Un gentilhomme français s'en aperçut et revendiqua ces armoiries comme lui appartenant. Une querelle s'ensuivit et le Fran- çais provoqua le Génois en duel, (le dernier accepta le déti et se rendit sur le terrai a sans aucun apparat, l'autre y vint après, en erande pompe : « Quel est, dit le Génois, le molif qui nous amène ici? » — « G'est répondit le Français parce que tu as usurpé des armoiries ayant appar- Vit des serins qui dans une volière Faisaient l'amour. — « Ah ! dit-elle, pauvres! Que vos plaisirs, que vos jeux sont donc... .Mais, Dèpêche/.-vous, j'entends ma belle-mère. » B. I)K LA Mo.NNOVE. GRiicouBT : (.'oHli'x. La bagatelle. 1. /)(' (Uiorum coiilenlioiii' pio vodciii insiiitii annon(m. Opéra "200. — (tuillaume Tardik : De celluy qui dit qu'il porloit une teste de vache en ses armes, X(JI, p. -ïï). — Xoel I. 210; II, 192. — LeXFANT, t. 11. XCIX, p. 21.3. — RiSTELHLIiER LXXXVII, p. US. — LisELx, t. Il, p. 125. — GuicciARDi.M ! Ilofe (H Récreazione, Una ijualcltc asiu::ia, etc. — Bouchet : Sén-es, sérée O'- — Demo- critiis ridcns, p. Cli : Duelluin rilalum. — Roger Boxtemps en beld' humeur : Plaisant duel sur des devises. — Le Passeletnps aits de Dieu, dans d'Artigny. — Noureau.r Mémoires d'histoire, de critique et de littérature. Paris 1740-17.56. — Bebellian, Facet. I, II, p. 102 : De rustico saialuui Mcolnuni inrocante. 258 LES FACÉTIES DE l'OGGE CCVIIl Histoire de celui qui fit également un vœu à Saint Cyriaque ^ . Dans une circonstance semblable, certain mar- chand d'Ancône, ag-it de la même façon à l'égard de Saint Cyriaque, patron de la cité et qu'on repré- sente portant une longue barbe. Son navire étant secoué par des vagues énormes, notre homme fît vœu d'offrir une maison à Saint Cyriaque, dans un délai qu'il fixa. La date indiquée étant passée. le marchand vint se confesser et avoua au curé de la paroisse le vœu qu'il avait fait. Le prêtre, qui comprenait l'utilité que cela aurait plus tard pour lui, exhorta son pénitent à accomplir sa promesse. Le marchand répondit qu'il s'empres- serait de décharger sa conscience d'une si lourde préoccupation; toutefois, il ne s'exécutait pas malgré des remontrances souvent réitéi'ées et quelques fois un peu vives». In jourenfia, fatigué peut-être de l'insistance de son curé, ou désirant afficher par fanfaronnade son impiété, il répondit à une nouvelle interpellation : — « De grâce, ne me tracassez plus à ce sujet, j'ai roulé maintes fois de plus longues barbes que celle de Cyria- que. » • 1. Facelnm item dr atiu t/Hifeiil volmn sancio Cyriaco. Opéra 20G. — "Noël 1, 215. — Liseux, t. II, p. 133. LES FACETIES DE POGGE 259 CCIX D'une veuve qui désirait se remarier avec un homme âgé K Une femme veuve disait à une voisine que, bien que la vie du monde n'ait plus de charme pour elle, elle désirait, cependant, épouser un homme âgé, plutôt pour avoir une société et l'aider à supporter l'existence que pour tout autre chose, car. il était l'heure pour elle de songer à son salut et non point à la satisfaction de ses sens. La voisine promit de lui trouver un mari à sa convenance, et, dès le lendemain, elle vint dire à la veuve qu'elle avait trouvé un sujet ayant toutes I. Millier vidua quœ citpiebat hahere virum provecta œtate. Opéra CGVII. — Noël, I, •:21G; II, 195. — Guillaume Tardif, XCIV : De la vieille qui se voulut remarier et refusa ung homme par laulte d'oustil, p. '258. — Ristelhuber. XCl : La paix du Ménage, p. 123. — Liselx, II, p. 12.^. — Abstemius : Fabulœ « De Vidua virum petente », p. 54. — Balthazar Bonifacl : Historiœ ludicrœ : Pax conjugis. — Gérard Dicœus : Conjugii pax. — GwEN : Uxor pia et Ad Marinuua '^cités par Noël}. — G. BoucHET : Snres, sérée V. — Ldd. Guicciardixi : L'hore di Ricreazioiie : L'hipocrisia mal potersi ricoprire, p. 21(1. — Le Tombeau de la Mélancholie: Hypocrisie d'une jeune veuve, p. 112. — Esope en belle humeur: « La jeune veuve amoureuse, p. 136. — Baraton : Poésies : « L'Eunuque ». — Julien Scopan : Œuvres diverses {[l'2Hj : La Veuve d'.Avignon, conte; I, p. 38. — Ano- NYMB : (I Un mari et une femme vieux et qui vivoient depuis longtemps ensemble se querellaient, le Mari dit à la femme : Quand on est à notre âge, il ne faut pas se brouiller, parce qu'on n'a pas de quoi se raccommoder ». — Sedaine: Œuvres, c. . 260 LES FACÉTIES DE POGGE les qualités désirées, particulièrement celle dont il avait été surtout question. C'est-à-dire, qu'il manquait de virilité. Mais la veuve se récria : — « Je n'épouserai jamais cet homme-là. Car si le Pacificateur (c'est ainsi qu'elle appelait l'outil à fabriquer les hommes) fait défaut, quel Médiateur (car on doit vivre en paix avec un mari) viendra apaiser les querelles qui pourront surgir entre nous ? » En ceste Facécie est monstre comme les paroles ne sont pas toujours la vraye urine du cueur et comme elles sont contraires à la pensée, ainsi que de la vieille qui disait qu'elle ne vouloit plus avoir compaignie d'homme; toutefois, quant on luy en oiïroit un chastré, elle le refusa disant que le membre génital est principal médiateur pour mettre paix entre l'homme et la femme *. 1. L'homme porte avec lui la paix du ménage. Au salutaire toucher de l'homme, vieille grondeuse met bas tout courroux, jeune querellant s'apaise et prend patience. L'homme guérit les souffrances et adoucit les humeurs, l'homme rétablit les forces, ôte les causes des obstructions, donne l'esprit et le jugement, rend parolle; redresse et restaure. L homme seul fait en la femme plus de miracles que n'en ont fait ni saint François, ni tant d'illustres saints du pieux et sacré Martyrologe. Enfin les mer- veilles de l'homme en la l'eiume surpassent celles de frère Luca-, quand prêchant au plus fort de l'hyver, il fait suer de détresse les plus iioids de ses auditeurs. {}{('¦ fierions de l'éd. d'.VmsIer- dam, 171"2}. LES FACETIES DE POGGE 261 ccx D\iit moine qui engrossa une abbesse '. Un Frère, de TOrdre des Minimes, aimait l'abbessc de certain monastère de Rome (que j'ai bien connue) et lui demandait, sans cesse, décou- cher avec elle. Cette femme refusait toujours, parce qu'elle craignait de devenir grosse et d'en- courir de ce fait une punition des plus sévères. Le Frère lui promit alors de lui apporter ce qu'il appelle un brève - qu'il sutfit de porter suspendu au cou par un fil de soie pour n'avoir jamais d'enfant, et de cette façon être à même de faire lamour sans crainte, avec qui lui plairait. Elle le crut, parce qu'elle le désirait et le Frère posséda maintes fois la femme. Au bout de trois mois, celle-ci s'aperçut qu'elle était grosse, mais le Frère, ayant flairé la chose, avait pris la fuite. L abbesse, se voyant jouée, détacha le fameux brève et l'ouvrit pour voir ce qu il contenait. Il portait ces mots, en très mauvais latin : Tasca imbarasca, non fcicias te supponi^ et non implebis tascani^. 1. De quodam fratre abbatissam i)npr(Fgnan(e. Opéra CCVIII. — Guillaume Tardif, XCV, p. -261. — ' Ijseux, II, p. 13G. — GiucciARDiNi, Hni-e di Ricreazione : Ne anche aile donne, etc., p. 167. 2. Amulette, talisman. 3. Cette phrase, en très mauvais latin de cuisine, n'csl qu'un 262 LES FACÉTIES DE l'oGOE Il faut convenir que Tincantation est on ne peut plus iafaillible pour éviter la fécondité. En ceste Facécie n'est touché si non la légiereté de croire qui fut en la dame, croyant que ung brevet la peut garder de concepvoir ; mais est à supposer que la bonne voulenté qu'elle avait au Saint luy faisait faire le pèleri- nage et quelque excuse qu'elle fut, n'estoit que par cou- vertun' d'aucune honte qu'elle avait. CCXI Spirituelle réponse ri un eiifiint précoce^ Ang-elotto, cardinal romain, esprit caustique, prompt à la riposte, parlait beaucoup et la pru- dence n'était pas toujours son fait. Pendant le séjour du pape Eugène, à Florence, un enfant de dix ans, charmant, espiègle, lui fut présenté. Fort jeu de mots qui roule sur le sulistantif italipn in^cn qui sin-nific poche, sac. besace, (jibeciève et un laiigag'e vulgairo renlre. Il faut aussi remarquer que le mot .syic désigne la robe de bure monas- tique droite et sans taille, c'est-à-dire en forme de sac. Eiilm le mot tasca en langage ordurier signilie rulia, et dans cette phrase, il serait employé, la première fols, par métonymie, ce qui arrive très fréquemment. I.a signifiration de ce latin bizarre serait donc : yourie flans l'etnbai-ras; ne le fais pas cheraucher, si lu )ic roi.r pas le faire emplir le rentre. 1. Ciijusdani pueri )niran(la lesponsio in Angelollinn carclinaleni. Opéra "211!). — <',L'iLt.AUME Tardif : Une joyeuse responce d'un sage enfant à un fol cardinal, XCVl, p. 2(i:i. — Noël I, 218; II, 2()l--20'>. — RiSTELHUHER XCll. p. 124. — LiSEOX, t. II, p. 139. — Ubsinus V'jiLiL's, dans hetilifr pnelantm qermanornm. « Scitum puella r(\sponsiuin » — Le Passe-lemps açirrahle, p. 381. - LES FACETIES DE POGGE 263 avisé, il adressa quelques mots seulement au car- dinal, et des mieux tournés. Angclotto frappé du sérieux et de la tenue de cet enfant, lui fit quel- ques questions auxquelles celui-ci répondit avec à propos; se tournant alors vers ceux qui l'en- touraient, le Cardinal, dit : — « Ceux qui dès l'enfance montrent tant d'esprit et de connais- sances, voient, avec les années, leur intelligence décroître et lorsque vient la maturité, ils ne sont plus que des imbéciles, » Le gamin répartit sur le champ : — « S'il en est ainsi, vous avez dû être de bien bonne heure aussi savant que spirituel. » Brusque et plaisante réponse (|ui abasourdit le cardinal honteux d'être repris de sa sottise par un enfant. En ceste Facécie sontreprinz les solz et oullre-cuydéz qui tant présument de leur personne que il leur est advis liABATON : PorKics. L'Eut'ant spirituel. — « Quand ils ont tant d'esprit, les entant-i vivent peu », Casimir Del.wigne : f,es Enfants d'Edouard, I, 2. ÈPIGRAMME Comme un jour à la cour d'un célèbre monarque, Devant je ne sais quels courtisans orgueilleux, Un enfant de six ans, d'un esprit merveilleux. Prononçait des propos très dignes de remarque. L'un d'eux jura qu'un jour il serait un badau, A cause qu'étant grand on est toujours lourdau. Quand pendant son enfance on s'est montré si sage: Lors l'enfant l'œilladant, lui dit tout froidement : Au compte, Monsieur, pendant votre bas âge. Vous étiez donc doué d'un grand entendement I I .lima les PoclùjuesJ 26i LES FACÉTIES DE POGGE que aultre ne les vaille et, quelque vertu ou don de grâce que aultre ait plus que eulx, si le veuUent ilz desprimer par une villaine niordance de langage qu'ilz ont entre eux. CCXII V apprenti savetier et la femme de son patron '. L'apprenti dun cordonnier d'Arezzo revenait souvent à la maison, prétextant qu'il y cousait plus commodément les chaussures. Ces allées et venues fréquentes éveillèrent les soupçons du patron qui, un beau jour, en rentrant inopiné- ment, trouva le gars entrain de besogner sa femme. — « Voilà une couture pour laquelle je ne te donnerai point d'argent, fit-il, et je te charge de mes malédictions. » CCXIIl Plaisante histoire d'une jeune femme qui faisait des pets ''. Une jeune mariée allant voir ses parents avec son époux, vit, en traversant une forêt, plusieurs 1. De disciprilo cerdonis qui subaqilahal nifureiii maqisiri. Opéra CCX. — Noël, I, 219. — Liseux, GCXII, t. Il, p. 140. 2. Fncetia cujusdant adoh>s€ei((ul(e qmr itnitehal petiim. Opéra I LES FACÉTIES DE POCCE 265 bôlici's qui sautaient les breljis ; elle demanda pourquoi ils allaient j)lutôt aux unes qu'aux autres. Son mari lui répondit, en riant : — « (^est que dès qu'une brebis a fait un pet le bélier la saute ». Alors, elle lui demanda si c'était aussi l'habitude des hommes. Comme il lui dit qu'il en était de même, elle fit aussitôt un pet, et son mari gaie- ment imita le bélier. Ils s'étaient à peine remis en route, que la femme fit un nouveau pet et que l'homme recommença la besogne. Enfin, ils n'étaient pas sortis de la forêt que la femme, pre- nant goût à ce jeu, fit un troisième pet, mais l'homme, épuisé par le travail et le voyage, se récria en disant : — « Non, tu chierais ton cœur, (jue je ne t'en ferai pas davantage ! » En ceste Facécie, il n'y a rien de moral ; c'est toute matière salle, sinon en tant que la femme print en sa fantasie la similitude que son marv lui bailla, disant que les moutons habitoyent les brebis quand il les oyoient peter, et pour tant pétait la jeune Mlle aflin que son mary lui fist aiiisy. CCXI. — XoEL I, -220; II, 204. — Guillaume Tardif, XCVII : De la jeune femme mariée qui fist troys pets affin que son mary l'habitast, p. 263. — Liseux, GCXIII, t. II, p. 141.— Tabourot DES Accords : liiqarures. — Escvaicjncs Dijonnaises. Liv. I. — D'OuviLLE •¦ Elile des Contes : D'un paysan et d'une damoiselle, p. 18.J. — Coules à rive ou Récréalioiis françaises, p. !5G. — Gré- court : Contes, Etymologie de l'Aze to f...I t. 1. l.'ii. — Piron, Œuvres. 266 LES FACÉTIES DE POGGE CCXIV Dire cl faire ' , Je connais un farceur qui demanda à un reli- gieux ce qui était plus agréable à Dieu, dire ou — faire : « Faire, répondit le religieux. » — « Alors répliqua le plaisant, celui qui fait des chapelets a plus de mérite que celui qui les dit. » CCXV D'un Egyptien qu'on chcj-chail a convertir- . Un Egyptien, venu en Italie, fut encouragé par un chrétien qu'il connaissait de longue date, à entrer au moins une fois dans une église, pendant la céh'bration d'une messe solennelle. Le mé- créant y consentit et, mêlé aux fidèles, assista à roftice. Or, quelques jours après, se trouvant en compagnie, on lui demanda ses impressions au sujet de la cérémonie. Il répondit (jue tout se p.MSsait fort bien, mais qu'il avait remarqué 1. (Juid ait ncceplius Dca, dicere aut facere? Opéra 21 "2. — \oel I, 221. — LisEux, t. IF, p. 142. — Lenkant, t. II. LXVI, p. 22:5. 2. De Eçnjfjto horlalo ad fidem. Oi)era 21.3. — Xoel 1, 221. — Lenkant, t. II, p. 214. — Ristelhuber XtJlII, p. 120. — Liseu.x. t. II, p. 113. LES FACETIES DE l'OGGE 267 cependant que la charité faisait toutefois défaut : car un seul manae et boit, ne laissant aux autres ni une miette de pain, ni une goutte de vin. En cesle responce est louché ung- grant argument et ot obprobre que les Juifs ont contre les caestiens, c'est assovoir que charité, qui est le principal commandement de la loy est faillie entr'eulx, et pourtant ilz ne veuUent croire à la lov des crestiens bonne. CCXVI ^ De r Ei'êqiie espagnol qui mangea des perdreaux en guise de poissons K Un Evéquc espagnol, voyageant un vendredi, s'arrêta dans une auberge et fit chercher du pois- son par son domestique, mais celui-ci n'en pou- vant trouver rapporta deux perdrix à son maitre. L'évèque, les ayant payées, ordonna de les faire cuire et de les lui servir. Très étonné, le domes- tique, qui croyait les réserver pour le dimanche, demanda à l'évèque s'il allait les manger un jour de chair défendue. L"évc(]ue lui répondit : — « Je les mangerai comme si elles étaient poissons. » Le valet fut de plus en plus stupéfait : et l'évèque 1. De episcopo hispauo qui comedit perdices p)-o piscibus. Opéra CCXIV. — Noël I, 22-2; II, 201). — Ri.-.tllhubeb. XCIV, p. 12G. — LisEox, CCXVI, t. II, p. 144. — Les cent nourelles itouvelles, nouv. 99. — J.a métamorphose. — Edit. Garnier. — Beroald DE Vebviixb. Moyeit de parvenir, XXVI. — Edit. Garnier. — Alexandre Dumas : Histoire du moine Goienflo. 268 LES FACETIES DE POGGE ajouta : — ((Ne sais-tu pas que je suis prêtre ? Eh bien ! est-il plus difficile de changer le pain dans le corps du Christ, que des perdreaux en poissons. <( Et, faisant le signe de la croix, il com- manda aux perdreaux de se transmuer en pois- sons. En cesle facétie il n'y a que l'escuse de l'Evesque qui dist qu'il pouvoyt par paroles faire de chair poisson aussi bien comme il faisoit le pain le corps de Jésus-Christ. CCXVII Uun fou qui, dormant avec l'A/'chei'êque de Cologne, déclara que celui-ci était un quadrupède '. Défunt l'archevêque de Cologne avait beaucoup d'affection pour un fou qu'il faisait coucher avec lui ^ Or, une fois que l'archevêque avait une nonne dans son lit, le fou qui était couché aux pieds s'aperçut qu'il y avait plus de jambes qu'à l'ordinaire. Tàtant un pied, il demanda à qui il était. L'archevêque répondit qu'il était à lui, 1. Dr falud ildniiiciilc cuin aixhiepiscopo Colottioiis (jui lU.rit cHin (luadnipcdein. Opéra CCXV. — Nobl I, l'23. — I.i>eux, (>CXVII, t. II, p. 145. — RiSTELHUBER, XCV,p. IVÎS. — ESTIKNNE. ApoUxjie pour Ilérodole, ch. 39. — Bonaventure des Périers. Contus, Edit. (larnier. 2. C'était dans les mœurs du temps, le dernier degré de l'amitié. L'Arétin avait une place dans le lit de Jean de Mëdi- cis, le Grand Diable : LeKcre, t. III. p. \li. iR . LES FACÉTIES DE POGGE 269 se précipita à la fenêtre, en criant de toutes ses forces : — « Accourez tous vt»ir un phénomène nouveau et extraordinaire : Notre archevêque qu^ est devenu quadrupède ! » Il révéla ainsi la tur- pitude de son maître. (lelui qui se plaît dans la société d'un fou est certainement plus fou que lui. ainsi que le second puis un troisième et même un quatrième. Alors le fou, se levant en toute hâte, En ceste facétie est montré par expérience (}u il est bien fol et très infâme qui se delect a ung l'ol, car un Fol ne sçait quant il doit parler et souvent accuse ce qu'il doit celer. CCXVIII Plaisanterie du pape Martin à un ambassadeur importun l . Un ambassadeur du duc de Milan insistait avec acharnement pour obtenir je ne sais trop quelle concession, dont le pape Martin ne voulait pas entendre parler. Ce très importun ambassadeur harcelait sans cesse le Pontife, il le suivit même un jour jusqu'à sa chambre à coucher. Arrivé là, le Pape, pour échapper à cette obsession, porta la main à sa mâchoire — « Oh! fit il, que j'ai mal aux dents! » et plantant là Fambassadeur, il rentra chez lui. 1. Fncetum Martini Pontificis iii oratorvni tnolest it m. Opéra IIG. — XoEL I, '22 i. — LisEux, t. II, p. 1 i7. 270 LES FACÉTIES DE POGGE CCXIX A propos du cardiiifil Angelotlo ' . Dans un flot de paroles, quelqu'un récriminait contre la vie et le caractère du défunt cardinal Angeletto. Il fut, en effet, rapace, violent, sans conscience. Un des assistants ajouta : — « Je suppose bien que le diable l'a déjà mangé et chié plusieurs fois, à cause de sa scélératesse. » Alors, un plaisant de répliquer : — « Sa chair était si mauvaise, qu'aucun diable, même avec un excel- lent estomac, n'aura osé le manger de peur d'avoir des vomissements. » CCXX Puissance d'un cadeau'^. Autrefois, vivait à Florence un chevalier que nous avons bien connu; de petite stature, mais portant une barbe assez longue. Certain plaisant se mit à le taquiner chaque fois qu'il le rencon- trait, à tourner en dérision l'exiguité de sa taille 1. De (juodam qui danuiabat vilain ca)-iliiialis Àurjelolli. Opé- ra 217. — \oelI, 2-2i. — Ristelhuiîkk XCVI. p. 129. — Liseux, t. II, p. 14s. ?. De falKO (jiii niililctn l'ioriniliiium inidehat. Opéra 218. — Noël I, 2-2.'). — Liseux, t. H. |). 140. LES FACÉTIES DE P0(;(;E 271 et la longueur de la l)arbe; il y mit tant d'achar- nement que cela devint agaçant. Informée de la chose, la femme du chevalier fit venir notre homme, lui fit accepter un bon repas et de plus un vêtement, en lui recommandant de ne plus molester son. mari à l'avenir. L'homme promit et par la suite, chaque fois qu'il rencontra le chevalier, il ne souffla plus mot. Surpris de ce silence, on voulut le faire parler, on lui demanda pourquoi il ne bavardait pas comme auparavant. Alors, le doigt posé sur les lèvres, il dit : — « On m'a rempli la bouche, afin que je ne puisse plus parler. » Un excellent moyen de se concilier la bienveillance . c'est de donner à manger aux i^ens. CCXXI Singulière excuse dune femme stérile^. La femme d'un seigneur fut répudiée par son mari au bout de quelques années, pour cause de stérilité. Lorsqu'elle fut rentrée à la maison pater- nelle, son père lui-même, l'abjura en secret, de lui dire pourquoi elle n'avait pas cherché à faire 1. Excusatio slerilitatis filiœ ad patron. Opéra CCXIX. — Noël I, ^M; II, 210.— Guillaume Tardif, XCVIII: L'excura- tion d'une fille qui ne pouvoit concepvoir enfans, p. 208. — LiSEUx, CCXXI, t. II, p. 150. — Bebblian. Fahrl. L, t. Il — Fabula tacetissima de pulchra Matronâ, p. ll'i. — Hisinires 272 LES FACÉTIES DE POGGE nn enfant avec son mari ou avec d'autres ? — « Mon père, répondit-elle, je vous jure que ce n'est pas de ma faute, j'ai essayé tous les domestiques, même les valets d'écurie, pour voir si je pourrais concevoir, çà ne m'a servi de rien » . Le père plai- gnit la malchance de sa fille qui n'était certaine- ment pas stérile par sa faute. En ceste Facécie est monstre ung ini'onvenient qui peut souvent advenir en mariage, si ce n'est de la grâce des femmes, c'est de engendrer un maulvais héritier ; car pourroil estre de telles femmes que, quant elles verroyent que leurs marys ne leur feroyent des enfans, essaye- royent à en faire par autruy, ainsi que la Damoiselle devant dicte, qui se excusait de stérilité pour avoir essayé à d'autres qu'à son mary. facétieuses et morales ; « D'une l'emine stérile, pour trop lais.-er cultiver son jardin ». A ALGIDON ÊPIGRAMME Vous êtes rude à votre femme Pour que, sans faire d'enfant, Vous l'ayez eue onze ou douze ans; Mais considérez en voire âme Que c'est le seul destin qui le veut. Et que pour se rendre léconde Elle fait tout ce qu'elle peut, Et s'en adresse à tout le monde. N. DE LA Giraldu":ke. LES F.VCETIKS DK l'0(HiE 273 CCXXIl Eu flagrant délil ^ Lo docteur Giovanni Andréa, de Bologne, d'une renommée très répandue, fut surpris par sa femme pendant qu'il besognait sa servante. La femme, stupéfaite d'une cliose si peu ordinaire de la part de son mari, se tournant vers lui : — « Jean, lui dit-elle, où donc est ta sagesse à cette heure? » Lui, répliqua aussitôt : — « Dans un trou où elle est fort bien à son aise. » 1. Johaïuiis ÀH(lrc(e adulterium deprehenditur. Opéra CCXX. — XoEL, I, 2-27; II, 211. — Liseux, CGXXII, t. II, p. 151. — Es- TiENNB, Apologie pour Hérodote: Ch. 8. LA PRUDENCE EN DÉFAUT CONTE Jean dit André, fameux docteur ès-lois, Fut pris, un jour, au péché d'amourette. H accollait une jeune soubrette. Sa femme vint, fit un signe de croix : — n Ho 1 ho ! dit-elle, est-ce vous? Non, je pense, Vous, dont partout on vante la prudence. Qu'est devenu cet esprit si subtil? — Le bon André, poursuivant son négoce (Honteux pourtant) : Ma foi, répondit-il. Prudence, esprit, tout gît en cette fosse. Bernard de la Monnoye. 274 LES FACÉTIES DK l'OCKJE CCXXIII D'un frère iniiicur qui fit le nez à un enfant^. Un Romain, très facétieux, me conta dans une réunion, la plaisante histoire qui était advenue ù sa voisine. — « Un Frère, de l'Ordre des Minimes, appelé Laurent, jetait des regards d'envie sur une jeune femme très jolie, de son voisinage, (il me 1. De Fratre Minnrum qui fecil nosum puero. Opéra GGXXI. — Noël, I, 227. — Guillaume Tardif, XCIX, p. 270. — Liseux, CCXXIII, t. Il, p. 152. — Gerardus Dicibus. Bclkt(v pwtacum llaiic. « Partus imperfectus. ». — Boxaventure des Perriers : Contes et Nouvelles. Nouv. x. — Dicelui qui acheva l'oreille de l'entant à la femme de son voisin. Edit. Garnier. — La Fon- taine. Contes. — Le Faiseur d'oreilles et le Raccommodeur de moules. Edit. Garnier. — Il y a aussi diverses pièces qui ont ce conte pour lointaine origine : tel 1-ES CHEVEUX La jeuQe Alix, ces jours derniers, Je nu sais par (juelle aventure, Ayant voulu jouera certain jeu, 11 lui fallut bientôt allonger sa ceinture. — « Comment, lui dit certain plaisant, Qui vous a fait si belle affaire; Et qui diablr! est l'ignorant Oui n'a pas fait à cet enfant Tout ce qu'il aurait di'i lui faire. » Fjt sur-le-ciiamp s'olfrit à le parfaire. — « Non, répondit Alix à cet officieux, Il me faut ouvrier qui travaille des mieux: Vous prenez trop de soin, et cette affaire est nôtre, Il n'y manque que les cheveux, Mais sachez que je veux Qu'on les plante l'un après l'autre. » GnÉcouRT I Contes). I LES FACETIES DE POGGE 'Zlb cita même son nom). Pour arriver à ses lins, il demanda au mari d'être le parrain de son premier né. Le Frère qui observait tout chez la jeune femme, découvrit bientôt qu'elle était enceinte ; or, venant la voir en présence de son mari, il lui dit, comme un sorcier qui lit dans l'avenir, qu'elle était grosse et qu'elle enfanterait un être qui lui causerait beaucoup de chagrin. La femme pen- sant qu'il voulait dire qu'elle aurait une fille répondit : — « Quand bien même ce serait une fille elle sera la bienvenue. » Mais le Frère, prenant un air triste, affirma que la chose était plus grave, tout en refusant d'en dire davantage. La femme, par la suite, le supplia avec instance de lui révéler ce dont elle était menacée, elle le pria même de venir chez elle à linsu de son mari. Enfin, cédant à ses prières, après avoir exigé le secret absolu, il lui révéla qu'elle mettrait au monde un enfant mâle qui n'aurait point de nez, ce qui cause la laideur du visage la plus épouvantable. Terrifiée, la jeune femme demanda s'il n'y avait aucun remède. Le frère affirma que si, mais que pour cela il fallait convenir d'un jour où il pourrait coucher avec elle pour compléter la besogne défectueuse de son mari et ajouter le nez à l'en- fant. Bien que la chose lui fut extrêmement péni- ble, elle s'y résolut cependant dans la crainte d'avoir un enfant difi'orme. Le jour dit, le Frère vint, puis revint plusieurs fois sous prétexte de terminer son ouvrage, et comme la pauvre femme 27 G LES FACÉTIES DE l'OGGE subissait Fopération sans broncher, il lui ordonna de se remuer et d'aider i\ la façon, afin que le nez fat très solidement implanté. Finale- ment, elle accoucha, par hasard, d'un garçon orné dun fort beau nez. La mère en fut émer- veillée et le Frère déclara que c'était parce qu'il n'avait pas ménagé sa peine. La femme, alors, mit elle-même son mari au courant de ce qu'elle avait fait pour éviter laflreuse aventure d'un enfant sans nez, le mari approuva tout et se mon- tra très satisfait de la besogne de son compère. En ceste Facécie est monstre notoirement qu'il est plus de compères que de amys, et que de grant aliance de amitié, qui se faict soubz ombre de quelque compairaige, est aulcune foys cause et couverture de plusieurs grans maulx. Ainsy que le Frère Mineur qui soubz ombre de bonne foy, déçeut la femme en demandant estro compère du pauvre homme, puis soubz ceste conlidence trouva moven de violer sa femme. CCXXIV D'ail Florentin très Tiieiiteur^ . Il y avait jadis à Florence un homme si enclin au mensonge, que jamais parole véridique ne sortait de sa bouche. Certain jour, un ami qui 1. De tneiidncissimo l''lorenti)io. Opéra 222. — Noël I, 229; II. 2Ui. — Li.*Eux, t. H, p. l.w. — Lenfant, t. II, CXXXII, p. 264.— BuucHKT : .S'''/r'('S. \>. 450. LES FACETIES UE l'OOGE 277 avait été souvent sa victime, le rencontra. Avant qu'il eut desserré les lèvres : — « Tu mens, dit-il. » — « Comment cela se peut-il, répliqua l'autre, je n'ai pas encore parlé. » — « Je m'explique, reprit l'ami, si tu ouvres la bouche, tu vas (lire un mensonge l ». ccxxv Comment un jaloux éprouva la vertu de sa femme'^. Un nommé Jean, habitant la ville de Gubbio, extrêmement jaloux, ne savait quoi imaginer pour savoir si sa femme se livrait à d'autres. Finale- ment, après avoir mûrement réfléchi, il trouva ce moyen qui ne peut venir que dans l'esprit d'un jaloux : il se châtra lui-même ! afin que si sa femme venait à avoir un enfant, elle ne put nier l'adultère. 1. Le célèbre écrivain Barbey d'Aurevilly disait d'un autre écrivain aussi hâbleur que gourmand : — « Il ne peut pas dire un mot sans dire quatre mensonges. « 2. Zelotyptts quidam se caslraiit ut n.iofis probilalem cognoscerel. Opéra CGXXIII. — Noël, I, p. 230. — Liseux, CCXXV, t. II, p. 156. — EsTiENNE : Apologie pour Hérodote, t. II, ch. 5. — Chyrœvs. Deliciœ poetavaum gevmanorum, épigranima. — BoucHET : Séries, Ill'sérée, p. 358. — Lud. Goicciardini : Fore di recreacione : Spediente mirabile da conoscer se la moglie fà la fuse torte, p. 41. 16 278 LES FACÉTIES DE POGGE CCXXVI Réponse aux paroles cV an pi être ' . Un jour de fête solennelle, au moment de roffertoire, un prêtre florentin recevait, selon l'usage, les offrandes des fidèles. A chacun, il adressait les mots accoutumés : — « 11 vous sera rendu cent pour un et vous posséderez la vie éternelle. » A ces paroles, un vieux gentilhomme qui remettait une pièce blanche, s'écria : — « Qu'on me rembourse seulement le capital (comme on dit vulgairement), je me déclarerai satisfait. GGXXVII D'un prêtre qui se trompa en prêchant'^ . Autre histoire. Un curé prêchait un jour sur le passage de l'Evangile dans lequel il est rapporté que notre Sauveur avait nourri la foule de ses au- diteurs avec cinq pains. Par distraction, au lieu de 1. Sacenlos ulferenlibitf; (jiiid dlcciis midircril. Opéra 'l'l'\. — XoelI, 230. — LisEux, t. H, p. 157. — Lknfant, t. II, (1, p. 2i'i. "2. Saccrdos prœdicavit et in numéro errarit a ceiiliiin » }jr:> « tnillc » dicens. Opéra 225. — Guillaume Tai;dii'' : Du Pre»tre qui en preschant print cinq cens pour cinq mille, C, p. 274. — Noël I, 231; II, 218-219. — Risteluuiiek XCVII, p. 130. — Li- SEUX, t. Il, p. 15«. LKS FACKTIES DE l'(»f;(;E 279 dire cinq mille hommes, il dit cinq cent. De suite son clerc lui fait remarquer à voix basse qu'il se trompe de chiffre, l'Evangile indiquant cinq mille: — « Tais-toi, imbécile, répondit le curé, ils auront bien assez de peine à croire aux cinq cents. » En cesle Facétie n'y a sinon la joyeuse excuse dudict preslre, que se trouva reprins et dist que à peine le voul- droit croire. LE MIRACLE Certain curé de son canton l'oracle, (irie à PieiTot : — « Cours à mes paroissiens Leur annoncer qu'à l'instant je reviens Pour leur prêcher l'histoire et le miracle Des deux poissons ainsi que des cinq pains I>ont le Seigneur n 'urrit la multitude Qui le suivit jusqu'en sa solitude. » Alors Pierrot dit : — « Monsieur le Curé, En l)eau surplis, en beau bonnet carré, A'ient expliquer comment dans l'Evangile En un désert et loin du grand chemin, Pains et poissons au nombre de cinq mille. D'autant de juifs apaisèrent la faim. » Pierrot revient, rend compte du message, Dit qu'on a ri, que même on rit encor. — « Je crois bien, peste soit du butor I Maudit lourdaud, avec ton verbiage! C'est donc ainsi que tu rends mes leçons! C> n'as-tu dit cinq pains et deux poissons. Il auraient ri, monsieur, bien davantage. » L.v C )VDA%nN'3. 280 LES FACÉTIES DE POGGE CCXXVIII Sdge réponse du Cardinal dWvignon au roi de France ' . Il m'a semblé iatéressant d'insérer parmi ces menus propos, une sage réponse du cardinal d'Avignon, homme de grand sens. A l'épocjue où les souverains Pontifes résidaient à Avignon, ils se faisaient précéder, afin d'augmenter la ma- gnificence du cortège, de nombreux chevaux couverts de housses, carapaçonnés et tenus en main. Le roi de France trouvant ce faste exagéré, demanda un jour au cardinal, si les Apôtres avaient déployé semblable pompe : — « Certaine- ment non, répondit le Prince de l'église, mais à l'époque contemporaine des apôtres, les rois vivaient aussi différemment, étant bergers et gar- deurs de bestiaux. » t. Sapiens diclitm Canlinalis .1ù-eiiionensis ad regon Fraiaid'. Opéra 22(). — Noël I, 231; II, 219. — Liseux, t. II, p. l.V.l. — Lenfant, t. II, CI, p. 2'i4. — Contes par un petit cousin de Rabe- lais : « Le capucin y, conte XIII, p. 'i3. — Estienni: Apoioifie pour Hérodote, C. 27, t. .'i, p. 11. — Bebeiian Facœiiœ « De Ambitione, sacerdotum el Kpiscoporum », L. Ili. [>. 187. — Dic- tion, d'anecdotes, t. I, 7'i, 120, 121. LES FACÉTIES DE l'OiiilE 281 CCXXIX Terrible aventure arrivée, ii saiiil Jean de La Ira II '. Ce n'est pas pour amuser, mais bien pour ins- pirer l'horreur du crime, que cette épouvantable histoire est rapportée. Un religieux romain, de l'Ordre des Augustins, prêchait aux fidèles pen- dant le Carême ; un jour que j'étais présent, pour les exhorter à confesser leurs péchés, il dit qu'il avait été témoin d'un miracle arrivé il y a de cela six ans. S'étant levé après minuit pour venir avec les autres chanter matines dans la basilique de saint Jean de Latran. il entendit une voix qui sortait de la tombe où. dix-huit jours auparavant, on avait enseveli un citoyen de Rome. La voix, par des appels réitérés, suppliait les religieux de s'approcher. Ceux-ci, tout d'abord terrifiés, s'en- hardirent peu à peu et s'approchèrent de l'endroit où la voix se faisait entendre. Le mort leur dit de ne point avoir peur, d'aller chercher le calice et de lever la pierre. Les religieux s'étant rendus à ses désirs, le mort se souleva, cracha dans le calice une hostie consacrée ([u'il avait reçue avant de mourir, puis il dit qu il était damné 1 . Terribile factum in Lateraneitsi ecclésia ipsa : Opéra CGXX\'II. -Noël, I. ni; II, ^ÎO. — Liseux, CCXXIX, t. II. p. 106. 282 LKS F.VIÉTIES dp: I'OUGE et soufTrait des tourments épouvantables, parce qu'ayant abusé d'une mère et de sa tille, il ne s'en était jamais accusé à confesse ; lorsqu'il eut dit cela, le cadavre se recoucha dans la fosse. ccxxx D'un prédicateur qui criait bien fort ^ . Un religieux, en prêchant au peuple, criait très fort, suivant l'habitude des gens inintelli- gents. Une des assistantes, en entendant ces éclats de voix, véritaljles rugissements, se prit à pleurer et le prédicateur s'en aperçut. Il attribua ce ré- sultat à l'onction de sa parole et fut persuadé (jue son sermon avait rappelé cette personne à l'amour de Dieu, réveillé sa conscience, arraché ses larmes. Il la fit venir chez lui et lui demanda la cause de ses gémissements, si ce n'était pas le sermon qui l'avait profondément touchée. La femme répondit que son émotion avait été provoquée par les cris et les éclats de voix du prédicateur. — " Je suis veuve, dit-elle, et mon pauvre mari m'avait laissé un âne qui m'aidait à gagner ma vie. Il avait l'habitude de braire continuellement. 1. PredicalDr iiiiilliim rIaiiKiiis iiiiiiiiiiidi> CdiifuiulcbaHir. Opcra 228. — Guillaume Tardif : De ung |)rédicateur comparé à un asne parce qu'il crioit ung peu trop hault en preschanl, Cil, P.27.J. —XoEL 1,235; II, 220-223. — Ristelhubek XCVIII, p. 131. — LisEux, t. II, p. 163. — Guy de Roye : Lr Doctrinal de LES FACÉTIES DE l'0(i(;E 283 comme vous-même ; depuis sa mort, je suis dans la misère et sans ressources, c'est pourquoi, lorsque je vous ai entendu parler avec un organe pareil à celui de mon âne, le souvenir de ce pauvre animal m'a fait sangloter malgré moi. » Ainsi fut confondue la suffisance de ce prédi- cateur qui méritait plutôt le nom de braillard. En ceste Facécie est montré comme les inutiles manières des hommes, qu'on ne ose pas appertement reprendre, sont reprinses pnr aucuns termes jocatifs et facétieu.x. ainsi que la trop haulte manière de crier au religieux, fut reprinse par la comparer au cri de l'asne que la bonne femme avoit perdu. MIillaime Taudif. Sapieiice. 8i. — Bareleti : Sermones : Serm. in prim. quadraiies. dotiionicain. — Le cabinet saiyrique. — D'Ouville : Contes, II, '^'J'i. — ya'ivelé (l'une femme. — De Parival : Historiettes facétieuses cl morales n° 26. — Roger Bontemps en belle humeur, Vaine uloire. — Menagiana, III, 48-3. — Contes par un petit cousin de Rabelais, p. 194, conte LXXI : Le curé de village et la bonne femme. — Lucasius : in épigram. p. 230. — B. de la Monnaye. Canlor. — youveau.i contes à rire, p. 99. — Conti dandere. Natu- ralezza d'una Contadina, t. I, p. 2i3. — Guyot de Pitaval. IiibUoth('(jitc des gens de Cour. CONÏE Notre Vicaire, un jour de fête, Cbantoitun Àf])ius gringoté, Tant qu'il pouvoit, à pleinj tête. Pensant d"Anette être écouté. Anette, de l'autre colé, Ploroit, attentive à son chant. Donc le vicaire, en s'approchant. Lui dit : — Pourqoi plorez-vous, tielle? Ha! Messiie .Jean, ce dit elle. Je plore un àne, qui m'est mori, Qui avoit la voix toute telle, (Jue vous, quand vous criez si fort. » Mell'n de Saint-Gelaiï 284 LES FACÉTIES DE POGGE CGXXXI D' une jeune femme qui fut jouée par son vieux mari '. Un Florentin, déjà vieux, épousa une jeune fille à laquelle des matrones avaient fait la leçon pour résister au premier assaut de son époux la nuit des noces, et même à ne céder que le plus tard possible . Elle opposa donc un refus très net. Le mari parc, loiite voile dehors cl en belle allure, étonné de ce refus, lui demanda pour- 1. De Àdolescentula per senem maritum dvlusa. Opéra GCXXIX. Noël, 1, 235; II, 223. — Guillaume Tardif, . Cil, p. 277. — LisEUx, GCXXXI, t. I, p. 164. — Guillaume Bouchet : Serves : Y" sérée. — Nouceanx contes à rire, Qui refuse, muse. p. 185. — LuD." GuicciARDiNi '. Hore di ricreazionL' : «Donne perle piu rnes- trarsi schife di cià, che Elle hanne maggior Vaghezza », p. 157. SAISIR L'OCC.\SION AUX CHEVEUX CONTE Pierre, le Rouge, enfoncé dans ses draps, Du Dieu d'nyiuen sentit la vive Hauiine Le stimuler; il invite sa femme, Incontinent à venir dans ses bras. Elle priait et soudain de r<5pondre : — « Attends un peu ». — Ses Falcrs aclievés Et ses .[(jiiKS ainsi que Sts Ares, Pierre avait eu le temps de se morfondre. Elle entre au lit, mais 1 "époux refroidi N'en fit semblant. Elleapprocbe, il ne bouge. — « L'ami, vcu.'c-tu, j'ai dit, Pierre le Rou;.;e. » — « Eh bien! tant mieux, mais moi j'ai déroidi. » MÉRARD DE Saint- JusT Espirffleries, Joyeuselés, etc.. t. I, p. 156. LES FACÉTIES DE POGGE 285 quoi elle ne se rendait pas à ses désirs. La pucelle répondit qu'elle avait mal à la tète ; le mari alors désarma, se mit de flanc et dormit jusqu'au matin. La jeune mariée voyant que son mari la laissait tranquille, eut regret d'avoir suivi les conseils des commères ; elle éveilla son époux et lui dit qu'elle n'avait plus mal à la tête. — « Ah ! fit le mari. Eh bien moi, maintenant, j'aimai — autre part' », — et il laissa sa femme pucelle comme devant. Le conseil est donc bon, d'accep- ter ce qui peut être profitable et plaisant quand on vous l'offre. En cesle Facécie est montré morallement ce que dit Chalou à son lîlz, c'est qu'il ne doit pointrefuser la pre- mière occasion de prendre une très bonne chose, car aulcunes foys à grand prière on requiert après ce qu'on a devant relTusé. CCXXXII Les culottes d'un Frère-Mineur devenues reliques-. Une histoire bien amusante et cjui mérite de prendre place parmi ces historiettes est arrivée 1. Le texte renferme un jeu de mol qui aurait pu être tra- duit- si les mots français avaient la même faculté que les mots latins. — Duit puella) se non amplius dolere capul. Tum ille : ¦I At eqo nunc doleo caïu/am ». "2. De reliquiis bracarum cnjusdnm Minoris. Opéra CCXXX. — Noël, I. 230; II, '220. — Guillaume Tardif : Des reliques des 286 LES FACÉTIES DE POCIGE naguère à Amalia. Une femme mariée poussée, je pense, jinr le désir do bien faire, confessait ses péchés à un religieux de l'Ordre des Minimes. Celui-ci, tout en parlant, se sentit envahi par la concupiscence de la chair, et, à force de bi.lles paroles, amena la femme à faire sa volonté en un lieu à trouver convenable et discret. Il fut enten- du que la femme, sous prétexte de maladie, manderait chez elle le Frère pour la confesser : on laisse, en eli'et, d'habitude les confesseurs en tète-à-tête avec leurs pénitentes pour qu'ils puis- sent, en toute liberté, s'occuper du salut de leurs âmes. La femme, feignant donc d'être grave- ment malade, se met au lit, fait appeler son confesseur qui s'empresse d'accourir, et, comme braves de Sainct-Françoys, c. III, p. 279. — Ristelhuber, XGIX. — LisEux, CGXXXII, t. II, p. 165. — Apulée : Metamorphoseon, lib. IX. — ic Livi'e du Chevalier de la Tour Landry : « D'un bon liomme qui estoit cordier », ch. LXII. — Legrand D'Av.'iSY : La culotte du Cordelier, t. II, p. 66. — Méon, t: III, p. 169. — Sacchetti, Novelle, t. II, p. 166. — Mosuccio Salebnitano, Il Norclliiio, t. I, p. ."jS. — SoBADiNo, Novelle, p. .38. — Estienne, Apologie pour Horodote, ch. X.XI, § 3. — Euticius Cordus, I)elici(v poetaruin (jerma nornm : Femoraïia. — D'Aroens, Lettres juives, lettre CXI. — Recueil de poésies (/alanles : La Culotte de S. Raimond, I, p. 121. — Le passe-partoul de l'Église romaine. III, p. 415. — M. D., Contes mis en vers : « Nul n'est cocu qui ne croit l'estre », ch. V, p. 18. — Nouveaux contes à rire: « Le Ma- gicien », p. 160. — Veroier, Œuvres : « La Culotte », conte, — Gbkcourt, (Euvres: n La Culotte et le Cordelier», conte. — Le Sinien amusante et qui iflérite d'être ra[)[)ortée ici. Peu de jours avant, un moine, de ceux qui vont dans les bourgs voi- sins prêcher aux paysans, leur promettait ce qu'on appelle un breve^ qu'il leur suffirait de por- ter au cou pour ne pas mourir do la peste, car on redoutait déjà l'arrivée du fléau. Les paysans, gens simples, séduits par cette promesse achetaient les breve^ le prix qu'ils pouvaient et les sus- [)endaient à leur cou au moyen d'un fil qui n'avait jamais servi. Le Frère avait bien recommandé de ne pas ouvrir les talismans avant quinze jours écoulés, sans quoi ils perdraient tous leur vertu ; puis, il était parti après avoir ramassé pas mal d'argent. Mais la curiosité des hommes est telle, qu'on ne tarda pas à ouvrir les brève sur lesquels on put lire ces vers écrits en langue vulgaire : Donna, se (ili, e cadeti lo l'uso, Quando te flelti, lien lo ciiJo chiuso, ce qui veut dire : Femme, si quand tu files ton fuseau tombe, En te baissant tiens le cul fermé. Voilà (|ui enfonce toutes les ordonnances des médecins et toutes les droiiues. 290 I-ES FACÉTIES DE POGGE CCXXXIY Bouche qiion aurait dû tenir ferinéeK Le romain Angelotto, homme bavard et médi- sant n'éparg'nait personne. Lorsque, par le malheur des temps, je ne veux pas dire par suite de la faiblesse humaine, il eut été élevé au cardi- nalat, il resta bouche close dans le consistoire secret, pendant quelques instant s. Suivant l'usage, les nouveaux promus se taisent ainsi, jusqu'à ce que le Pontife les ait autorisé à parler. Quelqu'un s'étant informé au cardinal de Saint-Marcel de ce qui s'était passé au Consistoire : — « Nous avons, dit-il, ouvert la bouche à Aneelotto. » — <( Oh! m"écriai-je, il eut été préférable de la lui fermer avec un fort cadenas. » CGXXXV Moyen de se procurer un cheval parfait 'K (Certain gentilhomme du Picentin, pria un jour Uidolfo, de Camerino, dont il a déjà été question, 1. AngeloUi cardinalis os potins daudendum apenebatur. Opé- ra ^32. — NOBL I, 2'tO. — RlSTtLHUBEU CI, p. 137. LlSKUX, t. II, p. 171. 2. Èfjuum cxqnisiluiii pxrsInvU Rcdolphus se pctenli. Opéra 223. Noël I, 241. — Liseux. t. II, p. 172. l.K.S FACK.TIKS DK I>0(;(;k 291 de lui procurei' un iheval. Il le désirait tellement beau et parfait, si exempt de tout défaut, que jamais prince n'a possédé dans son haras sem- blable merveille. Alors Kidolfo, pour lui com- plaire, choisit dans son écurie une jument et un étalon (c'est le nom donné), les envoya à son ami, en lui faisant dire que dans Timpossibilité de découvrir un cheval l'éunissant toutes les qualités i voulues, il lui fournissait le moyen d'en faire faire un à son gré. De ce qui précède, nous devons conclure qu'il ne fa ut pas réclamer des choses telle- ment parfaites, qu'on ne puisse les trouver, ou (•tre obligé de refuser sans impolitesse. CCXXXVI Mol plaisant clans une querelle de femmes \ Une femme de la ville de Rome, que nous avons connue, qui vivait de la prostitution, avait une fille déjà grande et fort belle qu'elle avait consacrée au culte de Vénus. Au cours d'une dis- pute avec une de ses voisines exerçant le même métier, elles en vinrent aux insultes et aux injures. La voisine, comptant sur la protection de 1. Contenstio mulicnim extorsit dicluni risii po-diiittuni. Opéra C(.ÎXXX1V. — NoKL, I, ¦242. — Guillaume Taudu': Le dosbalde deux feinines qui s'évantoyent d'avoir amvs, CIV, p. 28'2. — LiSKUx, CGXXXVl, t. il, p. 17:5. —fi. Bouchet : Sérées, Ill'séréo. 2d2 1-ES FACETIES DE PfHiGE quelque [»ersoniiage iutluent, adressait à la mère et à la fille les plus terribles menaces. Mais la mère, en tapotant de la main le haut des cuisses de sa iille, s'écria : • — « Que Dieu me garde et protège seulement cola, et je me iiche de tes sot- tises et de les menaces ! » C'était très bien répondu, car elle se liait dans un magnifique protecteur dont ])caucoup se délectaient. En ceste Facécie est monstre l'infànie et ordc condi- tion de plusieurs qui se glorilient et ont conlidence de leurs maléfices, ainsi que la vieille qui esloit macque- relle de sa fille, se confidoiten l'ayde des ribaulx qu'elle pouvoit attraii-e, et en signe de ce monstroit les cuisses de sa fille, disant qu'elles luy valloyent un héritag-e. CGXXXVII D'il// p/'ri'/'c (jui se Jo/ia d'i//i laie qui voulaif le snrprend/'e *. Lu prêtre Taisait la méridienne avec la femme d'un paysan. Celui-ci s'était couché sous le lit, [)our les surprendre. Le prêtre ayant peut-être |. S>ni:vriU)S lauiun ilvhisil se vapere volcitlem. Opcra Cl^XXW. — XoEL, I, ^i?. — RiSTn:LHOBER,CII, p. 138.— LisEux.CCXXXXI. t. Il, p. IT.'i. — Le Cieiilo NorvKc anlike (1525). — Les ceul Amt- lelles iiourelles, nouvelle XIII, édit. Garnier. et La poiro payée, nouv. XLVI, et Seigneur dessus, Seigneur dessous, — Le Caliinel satirique, t. II, p. 282. — Le Chasse-eiinuij, cent. V. — DOuviLLi: : Coules : D'un valet d'establo. 2° partie, p. 72. — I,\ FoNT.vi.Niî : Coules : Le villageois (jui cJiLTclie .*oii veau, r-ilit. Garnier. — Conoreve ; Works: Tlio iout look- LES FACETIES DE l'OGi.Y. 2'J3 trop " Ijcsoiuné •> éprouva Cf»inine un vertige, et ne soupçonnant pas le mari caché sous le lit, s'écria : — « Oh ! il me semble voir toute la sur- face de la terre ». — c Eh ! regarde donc si tu ne vois pas, par hasard, où se trouve mon âne? » sécria le paysan, ne songeant plus qu'à la béte '|u'il avait égarée la veille, oubliant Tin jure pré- sente. GCXXXVllI Avcitltire c.rlraordiiKiirc d'un foulon nnghds avec sa feninie^ . I.oi'sque j "étais en Angleterre, il arriva à un foulon une histoire extrêmement amusante, bonne iiig fur is lieifur. — The Sprighibj Muse (1770} : The Parson and Maid, or, Collin in the appleiree. — Contes à rire on Récréa- 'ihits fra niaises, II, p. 94. — Roger Bontemps en belle humeur : Histoire de deux amans », p. 380 et « Plaisante rencontre qui arriva à un homme couché avec sa femme », p. 3'.)8; « Larcin d"amour découvert dans un jardin », p. I'i9; « Plaisante ren- contre de deux amans qui jouaient au jeu d'amour », p. 378; « Mi&w colloque d'un jeune homme avec la L-mme d'un save- tier qu'il entretenait. » — Le Facétieux Réreil-wnlin : « Les deux amans », p. 3i8; « D'un trompeste qui l'ut refusé de loger ;'i son logi.î ordinaire par la maistresse, en l'ahscence de son niarv et de l'aftVont que le trompeste lui fist, p. 2.')!. — Ilislaires l'uriivuses et morales, p. 71. — Conti (la ridere : « Furto d'amor ^coperlo in giardmo », t. Il, p. 21. — GRi';r.ouuT : Contes : « Amant dessus, amant dessous ». — EtRicius Cordis : Delicitr poelarum l'icrmanor : « Tubicen ». — Anonyme : « Tubicen » cité par Noel. — Babei.ianus : FacéthV : « Fabula Brassiconi », p. 168. — .VxoxYME : « Votum Triplex » c'ilè par Noël. — Mercier de Com- riÈiiXE : Le rillageois qui cherche son reau. \. Fiilloni in y\filia accidil resmiiniulfi cum uxorc. Opéra 2'.)i I.KS FACETIES DE l'OdGK à retenir. Cet homme, qui était marié, avait chez hii bi^aucoup déjeunes gens et de servantes. Par- mi ces dernières, il en distingua une tout parti- culièrement, qui lui parut la plus jolie et la mieux tournée et lui demanda, à maintes reprises, de coucher avec elle. Celle-ci en informa sa mai- tresse qui lui donna le conseil d'accorder un rendez-vous à certain jour et à une heure déter- minée, en un lien obscur et retiré, où la mai- tresse se rendrait secrètement à la place de sa servante. L'homme vint et besogna avec la femme, qu'il était loin de soupçonner être la sienne. L'affaire faite, en sortant delà chambre il rencontra un de ses plus jeunes ouvriers à qui il conta son histoire en l'engageant à aller, lui aussi, besogner avec la servante. Le jeune homme ne se fit pas prier, et la dame, croyant que c'était encore son mari, se remit, sans rien dire, au travail et ce fut CCXXXVI. — NoKL : l'iV silii cornua pvoiHoncns, I,. "243. — (iuiLi,.vuA£E Taruii' : D'uiij: l'oullon d'Angleterre qui list che- vaucher sa leinme à son varlet, C\, p. 28i. — Ristelhuber, C.III, Les ([uiproquo. p. 130. — Liskux, t. II, p. 170. — ExaiKiiANi» d'Oi.st: l.e Roman du Meunier (/¦.l/eiu(xiii°siècl'0,éclit. F. Michel. — Leurand d'Als^y, t. II, p. 413. — Sacchetti : Norel: nov. CCVl. DoccACE : Décaineron, H° journt?e, nouv. 4, édit. (jarnier. — Les Cent Nouvelles )iourelles, IX, édit. Garnier. — Mar- GLKUiTE de France : Ileptomeroïi, nouv. VIII. — L. Guicciar- uiNi : Dclti c l'alli piaceiioli. — Facétieuses jountées, p. 103 — BoL'CiiET : Sérées, .sérée VIH. — Othon Melaxdri : Joco-seria. p. '?.)S. — Malespixi, 2° partie, novel 06. — Le l'asse-Teiups ;t;j:i'c'able, p. 27. — Amans lieureu.r, II, p. 10. — Piiilipi- Beroai.- Di;s : Dcticiti- poelarunt liai. : '< Leno uxoris inscius » cité par Noël. — La Fontaine: Contes: Le quipi'oquo, liv. •"). conte Vlil, «'ilil. (larnier. LES FACETIES DE POCGE 295 oiicore, pour la troisième fois, do môme, avec un autre ouvrier que ie foulon lui dépêcha de sem- blable faron. La femme, croyait toujours avoir affaire à son mari, et les ouvriers à la ser- vante. La dame étant sortie de la chambre aussi secrètement qu'elle y était entrée, la nuit sui- vante fit une scène à son mari qui se montrait si froid envers elle et si ardent avec la servante, que par trois fois, ce même jour, il avait besogné avec elle-même, croyant être avec la dite servante. Le mari ne souffla mot de son erreur, ni du péché de sa femme dont il était seul cause. En ceste Facécie est monstre que les marys sont atil- cunes foys cause de mal que leurs femmes font, ainsi que le FouUon qui, par voulente de corrompre la chambrière, list violer sa femme à ses deux varlets. GGXXXIX Une confession à la façon toscane d' ahorcf puis sans fard'. In individu qui n'avait pas respecté la pudeur (le sa sœur, vint à Rome pour se confesser de ce crime, auprès d'un confesseur qui parlait Toscan. Etant allé trouver celui qu'on lui indiqua, il lui demanda, tout d'abord, s'il entendait bien le 1. Coiifessio lusca et postea hnisca. Opéra CCXXXVil. — Noël, 1, •24.-). — LisEux, (:<:xxxix, t. IT, p. I?."^. i'jG LES FAl.ÉTir.S l>K l'OGGE Toscan. Le prêtre répondit afliriuativemeiit et notre homme lui dit. après beaucoup d'autres fautes, qu'étant un jour seul dans une chaml)re avec sa sœur, son arc étant bandé, il lui décocha une flèche. — <- Quel crime ! s'écria alors le confes- seur, avez-vous tué votre sœur? — Point du tout, répliqua le pénitent, vous n'entendez donc pas le Toscan? » — Si, parfaitement, puisque je suis du pays ; ne m'avez-vous pas dit que votre arc étant bandé, vous aviez décoché une flèche sur A^otre sœur. — Ce n'est i)as ce que je veux dire, mais bien que j'ai bandé mon arc, que j'y ai mis une flèche et que je l'ai décochée sur ma sœur. — Lavez-vous blessée à la figure ou à un endroit quelconque de son corps? — Oh ! vous n'entendez rien au Toscan. — J'ai parfaitement compris vos paroles, mais il se pourrait bien que ce fut vous qui ne sachiez pas le Toscan, fit le prêtre. — Je ne dis pas, reprit le pénitent, que j'ai blessé ma sœur, mais que mon arc étant bandé, je lui ai décoché un trait ». Le confesseur faisant toujours semblant de ne pas comprendre, le pénitent per- sistait à dire qu'il n'entendait pas le Toscan et continuait à parler de son arc et de sa llèche. — « Si vous n'employez d'autres expressions, insista le prêtre, je ne saur;ii jamais ce que vous voulez dire » . L'autre, alors. qui avait tergiversé, retenu par la pudeur, dit carrément, en termes vulgaires, qui! avait abusé de sa sœur. — « Je comj)rends par- faitement, maintenant, (jue vous parlez toscan T.KS FACETIKS DK 1'U(,(;K 297 à un Toscan; » s'exclama le prêtre ; il lui imposa une pénitence pour son aberration et Thomme s'en alla. On ne doit pas se montrer si [)udibond on paroles, quand on a été si impudique et si scé- lérat dans ses actes, CCXL Comhal entre des pies et des geais '. Dans le cours de la présente année 14ol, au mois ^ d'avril, ua fait extraordinaire arriva aux extrémités de la Gaule, dans la contrée qu'on nomme actuellement la Bretagne. Des pies et des geais, s'étant rangés en bataille dans les airs, poussèrent des cris perçants et se livrèrent, tout le long du jour, un combat acharné. Les geais remportèrent la victoire, la terre fut jonchée des corps des combattants, on trouva deux mille geais et quatre mille pies. Gomment doit-on inter- préter ce prodige? L'avenir le dira. CGXLI Bon mot de Francisco sur les fils des (Jéiiois'-. In négociant Florentin, Francisco de Quarli, qui habitait Gênes avec sa femme et sa famille, 1. De prwlia picarnm et qraculannn. Opéra 238. — Noël. I, •2i(i: LisEux, t. II, p. 181. '2. Faceliim dictum Fraucisci Gemtensiinu /i/îV''.<;.Oi)oraGCXXXIX. 298 I.KS FACKTIES DE POGGE avait des enfants malingres et chétifs tandis que les Génois ont ordinairement des enfants sains et robustes. Quelqu'un ayant demandé à Francisco pourquoi ses enfants étaient ainsi débilles et rachi- tiques et que ceux des Génois étaient tout le contraire, il répondit : « La chose est fort simple. C'est que je suis seul à les faire, je crois, tandis que pour les vôtres vous vous y mettez à plu- sieurs. » C'est la vérité, car les Génois ne sont pas plutôt mariés qu'ils vont, pendant de longues années, naviguer sur mer. laissant leurs épouses à la garde des autres, comme ils disent. En cesle Facécie est seullement monstre comme joyeu- sement le Florentin, se farsa desditz Gennevoys, qui dcmandoyent pourquoy sesenfans estoyent si maigres. CCXLII Geste significatif mais grossier (l'un Florentin ^ L'n de mes amis raconta en pleine société (|u'uu Florentin, qu'il connaissait, avait une très jolie femme (|ue suivaient beaucoup de galants dont quel([ues-uns lui donnèrent àas sérénades (comme — Noël, I, 248. — Ouillau-mk Tardif: (TVI. p. -im. ~ Liseux. v'il, t. II, p. 1X2. 1. De facto mjuxdnm Flnrcntiui, juslo sed brulo. Opci-a CCXL. — XoEL, 1, 247. — LisKux, CCXLII, t. 11, p. 183. — .Vnonyme : (hauialio, vers lalins cités par No('I, p. 2.Î2. LES FACÉTIES DE POGGE 299 ils disent) ordinairement la nuit, à la lueur des torches , selon l'habitude et , dans la rue , en face sa maison. Le mari, qui était un farceur, réveillé une nuit par les trompettes, sortit de son lit et vint à la fenêtre avec sa femme ; en voyant la troupe bruyante et folâtre, il cria d'une voix forte aux assistants de re£;arder un peu de son côté. A ces mots, tous les yeux se fixèrent vers lui, alors exhibant hors de la fenêtre un superbe Priape dont il était muni, il dit aux gens qu'il pensait que désormais, ils comprendraient l'inutilité de leurs instances, puisqu'ils pouvaient constater que lui- même possédait, pour satisfaire sa femme, beau- coup mieux que pas un d'eux tous et que, par conséquent, il espérait qu'on lui éviterait, à l'avenir, de pareils ennuis. Ces paroles facé- tieuses firent, en effet, cesser ces vaines pour- suites. GCXLIII Drôle (le demaiulc d'un vieillard impuissant^ . Une autre personne de la même société nous conta une semblable histoire d'un Florentin, son voisin, qui, quoique fort âgé, avait épousé une 1 . Facela pelitiu si'iii:i lahori'ni copulir nnn polciilis. Opéra CGXLl . — Noël, t. I, liO. — Guillaume Tardif, CVII. Du viel homme ijui se efforçoit do habiter sa femme, de })aour qu'on ne luy habitast, p. 289. — Lisedx, GCXLIII. t. 11. p. 18.j. 300 LES lACETILS ]>E l'OGGE jeune femme dont Ricardo deiili All)erti, jeune homme noble et beau, devint amoureux, et il lui fit donner en pleine rue, comme le précédent, des sérénades par des musiciens et des chanteurs qui vinrent souvent au milieu de la nuit interrompre le sommeil du bonhomme. A la fin, celui-ci alla trouver le père de Ricardo, après un long préam- bule dans lequel il lui rappela leur vieille amitié et les ser^dces qu'ils s'étaient mutuellement ren- dus, il finit par lui dire qu'il ne voyait i)as pour- quoi son fils voulait l'assassiner. A ces mots, le père, stupéfait et bouleversé, s'écria qu'il saurait bien empêcher lui tel crime et demanda, en même temps, qu'on lui expliqua comment son fils pouvait comploter un ]»areil dessein. Le bonhomme lui dit : « Votre fils est fort amoureux de ma femme, souvent il vient nous réveiller, elle et moi, avec des flûtes et autres instruments; une fois éveillé, pour empêcher ma femme de porter ses idées ailleurs, je me vois oblii;é de besogner plus que mes forces me le permettent. Cela arrive par trop souvent et je ne puis suffire à la besogne, or si votre fils ne cesse son ridicule manège, les veilles qu'il m'impose causeront fatalement ma mort ». Le père enjoignit à Ricardo de cesser sa plaisante- rie, et le bonhomme ne fut plus jamais tracassé. En (;este Facécie, n'y a point que ung- bon mot; c'est que le vieillard accuse l'aultre de le voulloir tuer parlant que à l'appétit de ses réveils il luy fait faire plus que sa puissance et dont il se passerait bien. LI'.S lACÉriKS I>E l'OGGE 301 CCXLIV Amusante moquerie des Vénitiens par une courtisane"^ . Lorsque j'étais aux bains de Petriolo, un docte personnage me raconta un mot plaisant d'une courtisane, qu'il faut que j'inscrive parmi les anecdotes de notre société. « Il y avait à Venise, me dit-il. une putain chez laquelle venaient des gens des nations les plus diverses; un jour, on lui demanda de quel pays étaient les honmies qui lui paraissaient le mieux montés. La femme répondit que c'étaient les Vénitiens. Gomme on lui en demandait la raison, elle dit : « C'est parce que, même lorsqu'ils sont en pays lointains , voire au-delà de la mer , ils visitent leurs femmes et leur font des enfants. » Elle se moquait ainsi des Vénitiennes que leurs maris, en voyageant, abandonnent aux attentions des autres. 1, Faceliiiii iHclutii )nerelricis adjocans Veuelts. Opéra CCXLII. — Noël : Quœ gens mentulaliar? I, p. 260 — Liseux, CCXLIV, p. 187. — Bebelianus : Faceliœ : Da parto adulterïe cujusdam mulieris, liv. I[, p. 106. — Roger Bonlemps en belle humeur. — Subtile response d'une femme à une sage-femme, p. 208. — Gausard: Contes dans les Bigarrures de T. des Accords. 30-^' LKS FACKTIRS liE POGGE CCXLV D'un igiioi-fint ([ul confondit des savants^. Des Religieux s'entretenant de l'âge et des tra- vaux de Notre Sauveur, disaient qu'il commença sa prédication aprèsavoir atteint l'âge de trente ans. Un homme aljsolument illettré qui se trouvait dans l'assistance leur demanda, s'ils savaient ce que Jésus avait fait imuKkliatement après avoir atteint sa trentième année . Les Religieux indécis , émettaient des avis divers. — « Avec toute votre science, reprit l'ignorant, vous ne découvrez pas une chose bien facile à, savoir. » — (c Qu'a-t-il donc fait. » — « Il est entré de suite dans sa trenle-et-unième année. » On se mit à rire, et de l'avis de tous, la plaisanterie fut trouvée excel- lente. GCXLVI Réponse maligne, ii un marchand ciui accusait les au 1res de folie'^. (Jarlo (ierio, de Florence, un de ces banquiers 1. Faivlmii (lictitiii iiiditcli duclioirs lonfuiKleiia. Opéra ^'i3. — XoEL I, 250; ]l, 2.JÔ-2J(i. — Liseux, t. II, p. 188. — B. de la MoNNOYLf. Epiq. « Problema ». — Ilisloirc facétieuses ci morales : « D'un paysan et de quelques prêtres. » 2. Salsnni Itoininis (lirlii)i) contra niercatorem aiins accusanleiti. 0|)era 2'i'i. — Xoei. I, 2".]. — Liseix. t. If. p. 190. LES F.Vi.ÉTlKS DE l'OGGE ."^Oo à l<( suite (le la Curie romaine, s'était rendu à Avignon, comme font les négociants qui trafiquent dans différentes contrées. A son retour à Rome, on s'enquit dans un repas intime du genre de vie que les Florentins menaient à Avignon. — « Tous sont satisfaits et dune gaieté extravagante », ré- pondit-il, « il leur suffît d'habiter cette ville un an pour devenir fous. ¦> Un des convives, Aldi- gherio, très ami de la plaisanterie, s'informa alors de la durée de son séjour. — «. Je suis resté six mois seulement » . répondit Carlo. — <( Tu as alors l'esprit bien faible, reprit Aldigherio, puisqu'il faut une année aux autres et <]ae six mois t'ont suffi? » Ce mot piquant nous fit tous sourire. CCXLVII J{é/>oiise d'une femme à un jeune homme éperduement amoureux d'elle^ Ln jeune Florentin était éperdument épris d'une dame noble et sage; souvent, il la poursui- vait dans les églises et même ailleurs. Il épiait, disîiit-il à ses amis, le moment favorable où il pourrait lui faire entendre quelques mots qu'il ¦ivait préparés avec soin et appris par cœur. Un jour de fête, la dame étant venue à l'église Sainte- 1. liellum iiiulh'i-is lespoiisuni ad jHveiiem siioainnre llniiiiuilcin. Opéra '2V<. — Xoei. I, 2ô'i. ;iU4 LES FACÉTIES ]\¥. l'OCi.E Lucie, se dirigeait seule vers le bénitier, lorsqu'un des amis du jeune homme lui dit que l'occasion était très favorable pour parler. L'amoureux, tout ému, perdit son SMUg-froid au point que son ami fut obligé de le pousser et de le contraindre à s'approcher. Arrivé près de la dame, la mémoire lui faisant défaut, il oublia son compliment et resta bouche close. L'ami insistait pour (jii'il i)ro- nonçât un mot: — « Madame, s'efTorça-t-ildedire alors, je suis votre serviteur ». Et la dame de répondre immédiatement avec un sourire : — « Je n'ai besoin d'aucun nouveau serviteur, car j'en ai assez, trop môme, chez moi pour balayer la maison et laver la vaisselle. » On a ri de la sottise du pauvre garçon et on loua la verte réponse (pi'il s'était attirée. GCXLVni Contre les vantards^. C'était à l'époque ou l'empereur Frédéric ((jui moui'ut à Buonconvento ^, ville du territoire de Sienne 1, vint établir son camp à deux mille de Flo- 1. De iiohili fj)iodam teiiiporc l'iich/rici inipei-atnris tu a)niis pnr- suiiicidi, sed nil facicnti. Opéra '^'iG. — Noël I, 200; II. '25(). — RiSTELHi'iîKR CIV, p. l'il. — LisEux, t. Il, p. 193. — Fahulœ .lisopicw, Camerarii : De (Jloriose in iprnaria lîellatore, p. 170. 2. Petite place sur l'Ombrone à quinze millos de Sienne, sur l.» route de Sienne à Rome, doni il est question dans les Vom- I.KS FACETIKS 1>K I>()(1GF. 305 renée, son ennemie ; beaiicouj) de ,i:entilshommes s'armèreni })Our défendre leui- patrie et atta- <] lièrent l'armée im[)ériale dans ses retranche- ments. Un des plus fanfarons, a[)j)artciiant à une illustre famille, étant monté à cheval, armé de pied en cap, franchit les portes de la ville en gour- mandant la lenteur des autres, leur rei)rochaat d'aller doucement comme des lâches et criant que fut-il seul, il marcherait à l'ennemi. Après avoir ainsi parcouru un mille, galoi)ant toujours et ne ménageant pas ses bravades, il rencontra quel- ([ues blessés qui revenaient de la lutte déjà com- mencée, il ralentit le ])as de sa monture ; jtuis, lorsque le bruit du combat vint jusqu'à lui et <[u'il eut aperçu de loin la mêlée, il s'arrêta comme pétrifié. Un de ceux cjui avaient entendu ses rodomontades lui ayant demandé pourquoi il n'avançait pas. il répondit, après avoir réfléchi un instant : — <¦ Je sens que je ne suis pas aussi intré- pide que je le supposais. » Il faut bien se rendre comi)te de son courage et de sa vigueur, pour ne jamais promettre i)lu5 qu'on ne peut tenir. iitciilaii-esde Montluc, t. J^ p. 412 et t. II. p. "iOl, éd. de la Sociélé de l'Histoire de France. Frédéric ne mourut pas à Buoncon- venlo, mais à Fiorentino, dans la Capitanate. Voy. sur lui Simpson : Esquisse d'une histoire delà liltérafitre italienue. (K.) 30(3 > I.ES FACÉTIKS DK J'OG(JE CGXLIX D'un liominc qui demeura deux ans sans boire ni manger ^ Le fait que je vais narrer semblera, je le crains, plus fabuleux que le reste, car il s'agit d'une chose contre nature, tenant du prodige ; on peut cependant y ajouter foi, car il a été reconnu vrai. Un nommé Jaccjues (]ui, sous le pontificat du pape Eugène, remplissait, à la Curie romaine, les fonc- tions de copiste, étant retourné dans son pays natal à Noyon (Fr.ince), y tomba gravement malade. Ce serait trop long de redire ici les péri- péties de sou triste état de santé. De longues années s'étant écoulées, la pensée lui vint de visiter le tombeau de Notre Sauveur. Nicolas V occupait alors le trône pontifical depuis cinq ans. Notre homme revint donc à la Curie ; des voleurs l'ayant dépouillé en route, il arriva pauvre et à peine vêtu. Il visita les membres de la Curie, mes voisins, personnages distingués et dont il avait été autrefois connu. Il leur raconta (|ue depuis sa convalescence, cpii remontait à deux ans, il n'avait pu ni boire, ni manger, bien (ju'il eut souvent essayé. D'une maigreur excessive, cet I. De hoiiiiiic ifui pvr hiciiiiii(ni cihinii non sumpsU nccjue pnliiiii, Opéra 2 'i7. — Xoi;i. I, ;'¦">•",. — Li9Ei;\. t. Il, p. I'.)5. — Lenkam, t. Il, XCIII. p. r.v.t. i.KS FAciniES im; I'OUGk 307 homme est prêtre, sain d'esprit, récite assidûment son offiee et je lai vu assister la messe. De nom- breux; théologiens et médecins ont eu plusieurs entretiens avec cet homme, ils ont examiné ce cas singulier <|u"ils trouvent contre nature, mais cependant tellement vrai qu'on ne peut le révo- (juer en doute. Cha(jue jour, de nombreuses per- sonnes viennent se renseigner près de lui et les avis, à son sujet, sont partagés. Pour quelques-uns, c'est un possédé du démon, et cependant rien en lui n'ap})araît qui ne soit d'un homme prudent, honnête et religieux: actuellement encore il fait des écritures. D'autres prétendent ([ue la nature mélancoli([ue de ses humeurs lui fournit sa nourri- ture. Souvent, je me suis entretenu avec lui, per- suadé que ce (|ue l'on racontait n'était pas exact. Lui-même est surpris autant que qui que ce soit de ce (jui lui arrive. Toutefois, il prétend n'avoir pas cessé subitement de boire et de manger, mais en avoir pris peu à peu l'habitude. Mon étonne- nient serait peut-être plus grand, si je n'avais lu, en feuilletant, il y a ((uelque temps, des annales fpie j'avais copiées autrefois en France, qu'un cas analogue s'est produit en Tau du Seigneur 822, à l'époque de l'empereur Lothaire et du pape Pascal. Une jeune lille, âgée d'environ douze ans, dans la ville de Commercy 'territoire de Toul), ayant reçu à Pà(jUes la sainte communion, s'abstint d'abord de pain pendant six mois, puis se priva complète- ment de boire et de m.iuger pendant trois ans; par ;;08 LES FACÉTIES DE POUCE la suite, elle reprit son ancienne manière de vivre. Celui dont j'ai rapporté l'histoire, es])ère qu'il en sera ainsi pour lui. CCL lyiiii âne quou devail in si mire '. Un tyran voulant contisquer les biens d'un de ses sujets qui se vantait de réussir à tout, lui demanda, en le menaçant de peines sévères, d'ap- prendre à lire à son âne : — « ( Test chose impossible répondit l'homme, si je n'obtiens un long terme l)0ur faire cette éducation. » — « Prends tout le temps nécessaire » dit le maître. Dix ans furent 1. J'nceliini Jiomiiiis dicluni nsiiiKin o-iidii-c pi-oiiiilleii!is. U[)eru ',"i.S. — XoEL I, 2.58; H, 3r)7-'2H3. — Ristelhl'ber CV, \), l'i3. — LiSKCx, t. II, p. 199. — Origine : Von Pfai-fen : Aaiis, Y,181-3iri. — Imitations : Abstenius : De gvammalica doccnte asinum 133. — DU Eulrnspiegcl, hist. 29. — Se)i(1(iibodiiis, Novum lioneit chimi- cKiii. p. 1U3. — Bon. des Périers, nouv. lAXXVIII (édit. Gar- nier. — 'iuicciARDiNi : Coso oppo)iHna ed itlile, etc., p. 27. — Meij T((bulario, en Valcncia — Le Tombeau de la mé- lancolie, p. 20.5. — Democritus ridois, p. 42. — La Fontaine : Fables, I, VI, fab. 19. — Rof/er Boicmps en belle humeur, p. 369: lîon four d'Antoine Marlinus. — Boursault : Lettres nouvelles : Le (lliarlataa et l'Ane, t. III, 39.'). — Bo«quili,on : Poésies an- ciennes et modernes : L'adroit esclave, I, p. 1(1!). — I). Féli\ Maria Samaniego : Fabulas en casiellauo, para cl usa del real seininario Yacconijado : Kl Charlatan. — J)cnii>critus )-ieens, p. 42. CiiRAUD : Circulalor, cité par Millet. — Esope dr belle humeur : I l'un esclave et d'un àne, p. 2f')9. — Desuillons I''abul;i' .Esop., [1 290. — Fables en musique (Unis le (foùt de l.'i l'onluitie : Le l'.h.-tlicur elle Roi. L. II, p. 42. I.KS FACI-.TIKS ln: i'0(,GE 309 oxieés. (lommc on tournait en dérision celui ([ui avait la il- d'entreprendre une chose impossible, il rassura, d'un mot, ses interlocuteurs : — « .le n'ai rien (\ craindre, car avant ce temps, le Prince, l'àne ou moi nous serons morts. » De là, il faut conclure ((u'il est iirudent de traîner en longueur et de différer le })lus possible Taccom- plissenicnt d'une œuvre difficile. CCLI -l pi-ojios d'il// p/'cl/'e ig/io/ru/f ^ A l'occasion de la fête de rEpiphanic. un de mes amis m'a rapporté un trait d'ignorance in- croyable. Un curé, son compatriote, annonçait ainsi à ses paroissiens (pie la fête de l'Epiphanie était proche. Demain, disait-il, vous célébrerez l'Epiphanie avec une grande dévotion, c'est une fête solennelle, très solennelle. Je ne sais trop s'il s'agit d'un homme ou d'une femme, mais peu importe, il faut obsorverce jour avec le plus j)ro- l'ond respect. 1. De Sacerdntc Epiplinnia an cir csset vel fannina ifiiioraiite Ojiera 240. — Xoel I, iôH. — Liseux, t. II, p. 200. — I, enfant. t. II, LXIX, p. 2-2:>. 310 LES FACÉTIES DK l'(»(iGE CCLH D'un usurier converti^. Un homme ayant demandé un prêt à gros intérêt à un vieil usurier (jui leiLiuait d'avoir abandonné son métier, lui apporta en gage une croix en argent dans laquelle avait été placée une parcelle de la croix de Notre Sauveur. S'étant informé près du vieillard, (juelle somme il con- sentirait à lui avancer. — « Depuis longtemps, répondit celui-ci, j'ai renoncé au péché d'usure, mais allez trouver montils (et il indiqua son nom) car il a vendu son àme lui, il traitera avec vous. » Ce disant, il fait accompagner l'emprunteur par un valet afm qu'il lui montrât la maison de son lils. Ils étaient déjà loin, lorsque le vieillard cria au domestique : — « Avant tout, dis à mon fils qu'il ne manque pas de déduire le poids du bois. » Cet 1. Fciierato)- ficte peiiitcns in pn/as recerUvat. Opéra 251. — Nokl I, 259. — RisTfiLHUBER GVJ, p. i'i4. — Lheux, l. II, p. 201. M. L..., grand usurier, étant malade à l'extivuiilé, était toujours d ms un assoupissement qui lais;nt ajjpréhender pour lui. Se ^ parents faisaient tout leur possil)le, j)ai' des remèdes ou autrement, pour l'en tirer. Son confesseur, \oyaiit qu'il re- venait un peu, ne voulut pas perdre celte occasion favorable de le faire ?onger à la mort. Pour cet effet, il prit sur la table du malade un crucifi.^ en argent qu'il lui présent;! en l'exhor- tant. Le malade regarda fixement le crut;ifix et dit à son confes- seur: — « Monsieur, Je ne |)uis pas prêter grand chose Ik-des- 6us. » — 3Icua(/iaiia. 1, •3'iy. LUS FACETIES DE l'0(;(iK :jll liomuie qui se disait converti, redoutait que son fils ne payât au poids de l'arg-ent, la relique de la vraie Croix, estimant ce bois moins précieux que le métal. Très facilement ainsi la nature reprend le dessus. CGLIII Fable des oiseaux parleufs\ In individu retirant des oiseaux d'une cage où ils étaient enfermés, les étranglait en étreignant leurs têtes entre ses doigts. Par hasard, en faisant cette besogne, il se prit à j)leurer. Alors un des prisonniers dit aux autres : — « Ayez bon courage, je vois qu'il pleure, il a donc pitié de nous. » — « mon tils, répliqua aussitôt le plus âgé des pauvrets, ne regarde pas ses yeux, mais ses mains. » 11 montrait par là, qu'il faut s'attacher aux actes et non aux paroles. GGLIV La manie des chaînes ^. ( Certain chevalier Milanais, guerrier assez brave, 1. \)c aviculis fabulosv et false loquenlibiis. Opéra 252. — Noël I, 201 ; II, 2G7. — Liseux, t. II, p. 203. — Lknfant LXIV, p. 222. .Esopiic Camepariis, p. 21i8. 2. Calenis variis collinn cinçjens stuUior œsthnalur. Opéra 253. — Noël I, 202; II, 207. — Ri-,telhuker GVII, p. 145. — Liseux, t. il, p. 204. — Lenfant, t, II, LXXI, [). 220. 312 I.ES FAr.FTlES DE I'im.uE était venu en ([ualilé d'aml)assa(leur à Florence. (Chaque jour, par obstention, il se parait de chaînes diverses dont il s'ornait le cou. Niccolo Niccoli, liomme très instruit aimant à plaisanter, s'aperçut de la fatuité de notre chevalier et fit cette ré- tlexion : — u Les autres fous ne sont attachés ({u'à une seule chaîne, mais il en faut plusieurs pour satisfaire celui-ci. » <:glv Mol plaisant de liidolfo de Caiiierino\ Presque toutes les provinces des Etats de l'Eglise abandonnèreut la cause du souverain l^ontife, pendant la guerre qui eut lieu entre les Florentins et le pape Grégoire XI. L^s habi- tants de Recanati ayant envoyé un ambassadeur à Florence, celui-ci témoigna aux Prieurs la gra- titude de ses compatriotes pour les Florentins (jui les avaient aidés à recon<{uérir la liberté. Il s'emporta ensuite en termes peu mesurés contre le Pape el ses ministres, mais surtout contre les Voy. GoicciARin.Ni : La mua (jloria csser spcssr i-ipidala pa::ia. — Dcnwcrilus lidciis, p. 83 : Supvriia slullitiic imlcr. — En l.").')!), l'"rauçois 11 (it dix-huit chovalioi'S de Saint-Michel; ses clioix (onibiTent si mal qu'on appela di'-.s lors le c0GGK 31ù princes et les seii:iieiirs ; il décria leur mauvais nouvememeiit. maudit leurs crimes, sans tenir aucun com[)te de la présence de Ridolfo, seigneur de Camerino, .général au service de la Républi(|uc de Florence et qui, en cette qualité, assistait aux audiences des ambassadeurs. U s'en donna à cœur joie. Ridolpho s'étant en([uis auprès de notre liomme du uenre d'études auxquelles il s'était livr*', et de la profession (ju'il exerçait, celui-ci répondit cju'il était docteur en droit. Ridolpho lui demanda alors coml)icn de temps il avait consa- cré à cotte science : — « I^lus de dix ans » reprit l'ambassadeur : — « Que je souhaiterais, s'écria Ridolfo, vous voir })endant un an seulement préoccupé d'acquérir du discernement. » Insinuant ainsi combien il avait montré peu de tact en in- vectivant les seigneurs devant lui. CCLVI Le vase d huile renversé *. In arbitre ayant été désigné à deux plaideurs, reçut de l'un un baril d'huile afin qu'il prononçât une sentence en sa faveur. L'autre partie ayant appris la chose, envoya un porc gras, en soUici- 1. De arhilrio iit cujus domo porcus oleum effudil. Opéra 2ô5. — XoEi. I. 2(;3 ; II, 297. — Risteluurer CVIII, p. 1 10. — LiSEf.x, t. II, p. 'lui. — CiuiccrATiinNi : Le Guidice iniqui darc le sentenlie, p. .")0. 314 LKS FACÉTIES DE l'OGCiE tant une décisioa conforme à ses intérêts, l/ar- bitre donna gain de cause à ce dernier. Celui qui avait donné l'huile vint se plaindre de cette sentence, alléguant le cadeau reçu et la parole donnée : — <( Certain porc étant entré chez moi, répondit l'arbitre, a trouvé ton huile, a brisé le vase et répandu par terre le liquide, de telle sorte que je n'ai plus pensé à toi. » Très adroite réponse d'un arbitre vénal. CCLVIl Des Jeunes filles qui se moquent cVun cJtauve^ Deux jeunes filles, étant à la fenêtre d'une mai- sou donnant sur un jardin, virent passer le jardi- nier vieux et chauve qui s'en allait prendre sou repas. A l'aspect de sa calvitie, elles lui deman- dèrent s'il voulait connaître une recette pour faire pousser les cheveux. L'homme ayant accepté, elles — ScuEi-KiîR : Delitiii' poel. (jcrm. (>an'us et equi. — IJonocriliis j-idciia : Oleum et opéra perdita, p. 7 et Judicia viemoiilnis, p. (ly. — Roger Bontemps en belle humeur : De deux paysans qui plaident. — Diclionn. d'anecdotes, t. II. p. 12N. — ^oureau dh- liouu. d'anecdoics, p. 309. 1. Juccucularum a colro fjuodam facela delmio. Opéra CGLVl. — NoKL, I, p. 2G4. — Guillaume Tardif. De deux jouvencelles qui conseillèrent à ung Prince de laver sa te^te en pissat do pucelle, p. 292. — Liseux, CCLVII, t. II, p. 208. — Anonyme : Jtuplex calvities, vers latins cités par Noël, p. 270. LKS FAI.ÉTIKS DE I'Oi.<.E 315 diront cii riant de se laver la tête avec l'urine de sa femme. Mais celui-ci leur dit en les regardant : « Votre recette n'est pas bonne, la preuve en est que depuis trente ans ma femme arrose ce petit compagnon, et cependant pas un poil n'y a poussé ». En ceste facécie est monstre que tous oonseilz ne sont pas à croire, car il en est dont on voit par expérience quo le contraire est vrav. CCLVIII Maille perd les causes ^ Enrico de Monteleone, avocat à la (^urie Romaine, était très âgé et peu apte à la profes- sion qu il exerçait. On l'appelait familièrement : Messer perde il piato^ c'est-à-dire, Maître perd les causes. Un jour, on lui demanda pourquoi il ne gagnait pas les causes qui lui étaient confiées : — « C'est, répondit il, que tous mes clients deman- dent des choses injustes et dès lors, il faut bien que toujours je succombe, puisque mes procès sont continuellement mauvais ». Plaisante réponse d'un is-norant. I. /)(• iitessn- perde il piatn. Opéra 257. — Xoiîi. I, 2G.j. — I.i- ^l,L•\, t. II. p. ^Oî». LF.S FACETIES DE l'OGliE CCLIX D'une chanson qui ]>Iill aux auhergislcs^. l*ress<'' parla faim, un voyageur entra dans une auberge, mangea et but à en tomber malade. L'hôte ayant réclamé le paiement, notre homme avoua qu'il n'avait pas d'argent, mais qu'il était prêt à s'acquitter en chantant quelque chose. — <( Je n'ai que faire de vos chansons, dit le tavernier, c'est de l'argent c[u'il me faut. » — « Mais si j'en chante une qui vous plaise, reprit le voyageur, la prendrez-vous pour argent comptant?» — « Soit » dit riiôte. Une, deux chansons furent exécutées, mais aucune n'eût le don de plaire. — « .Mainte- nant, dit le ^ oyageur, je vais vous en chanter une 1. />(' ccmtHena tabernariis placita. Opéra 258. — N'oel I, 5(i(i: 11. 271. — RiSTiiLHUBER CIX, p. 1 i7. — Ltseux, t. II, CCLIX. |). 2 lu. • — J)il EulcHspiegel. liist. 61 — Moxtanus : ïï'(Y//i'»r;(';-. — lî. DES Pkrieiîs. nouv. CXXII : De celiiy qui paya son hoste en chansons. Edit. Garnier. — Fkischlixi, fac., p. 21 : Dolus De sa boui'ie dessus la table, Frappa, afin que je le notte Et, comme chosj convenable. Chanta ainsi à haute notte, (! Faut payer ton hoste, ton hosle! » Tout au long chanta ce couplet Le varlet estant costo à coste, Kespondit: « cela bien me idaist. » La lUpiif frniirlu' du smilfii im.: . LES FACETIES DE I>0('.«E 3l7 {jue VOUS trouverez certainement à votre goût. » Mettant alors la main à sa l^ourse comme s'il allait en délier les cordons, il entonna la chanson halji- tuelle des voyageurs : Metti matio alla borsa, e p(/L;a Vosle... Mettez la main à la bourse et payez l'hnte : — " Celle-ci vous convient-elle? » dit-il, quand il eût terminé. — « Assurément, » répondit lauljergiste. « Alors, d'après notre convention, nous voilà quittes puisque cette chanson vous a été agréable », dit le voyageur. Lk-dessus, il partit sans bourse délier. CCLX A propos d'un homme ?)iai^re '. In de nos concitoyens, et, de plus mon ami intime, est tellement maigre qu'il semble transpa- rent, diaphane. Quelqu'un s'en étonnant demanda d'où pouvait provenir cet état : — « C'est bien simple, répondit un plaisant, il met une demi- heure à prendre sa nourriture et il lui faut deux heures pour s'en débarrasser. » C'était exact. Mon ami a pour habitude d'être d'une lenteur exces- sive lorsqu'il se purge le ventre. 1 . De (jracili quoilam faccta respoitsio. 0|i3ra 2.")^!. — NoelI, 2GI - I.iSEUx, t H. p. -212. 18. 318 LES FACÉTIES DE POGGE CCLXI Amusante ic panse cVune femme dont C encrier était vide^. Une (lame de notre connaissance, femme K I'0(;(;E de force à tromper non .seulement Saint- Antoine, mais Jésus-Christ même, si cela était possible. « C'est le propre d'un imbécile de mettre sa con- firmce dans les gens qui font profession de tromper. CCLXIV Compensation '. Un individu vint, soit sérieusement, soit pour s'amuser, f rouver un prour rassurer son âme Dit: « Monsieur, avec votre femme J'en fis autant, et parlint quitte aussi ». Gm'.oiunT. IFS F.VCKTIES l>E l'OM.K 3il confesser ses péchés. Le prctre liiivita à dire ce dont il se souvenait, il déclara avoir volé je ne sais quoi à un autre, lequel autre l'avait bien davantage volé lui-même. Le prêtre dit : — « Voleur ;i voleur, vous vous êtes rendu la pareille ; — il y a compensation )>. L'homme s'accusa ensuite de s'être battu avec un autre qui Lavait aussi battu. Le prêtre déclara que la faute et le châtiment se trouvaient égalisés de part et d'autre. Le pénitent raconta plusieurs faits de même nature et le prêtre disait toujours qu il y avait compensation l'un par l'autre. Alors cet individu lui dit : — « Il me reste maintenant un péché si gros que je rougis et que je n'ose avouer surtout parce qu'il vous intéresse énormément. Le prêtre l'exhorta à mettre toute honte de côté et à avouer franchement son crime, celui-ci, après s'y être longtemps refusé, cédant enfin aux bonnes paroles du confesseur, lui dit : — « J'ai couché avec votre sœur. — Et moi, riposta le prêtre, j'ai plus souvent couché avec ta mère ; comme pré- cédemment, il y a compensation ». Ainsi donc la parité des péchés' fait l'absolution des pécheurs. ]-^n cesle Facécie est monstre, premier comme aulcuns lillement se confessent, qui, en disant leurs péchez, ilièguent ceux de leurs voysins par manière d'excuse, «jui rien ne vault. Pareillement est monstre comme on ne se doit jamais railler en soy. 322 LKS FACETIES 1>E POGGE CCLXV Mots pleins de sel de deux jeunes Florentins^. Un jeune homme de Florence descendait à l'Arno en portant un de ces filets dans lesquels on lave la laine, en chemin, il rencontra un gamin bavard qui, pour se moquer, lui dit : — « A quelle chasse vas-tu donc ? » L'autre répliqua : — « Je vais au débouché du Lupanard prendre ta mère dans mon filet. » — Eh bien ! riposta le ,i;amin, cherche bien, car tu dois y trouver sûre- ment la tienne ». Ces mots sont l'un et l'autre pleins de sel. GCLXVI D'un jeune homme qui pissa sur ht table'-. Un jeune seigneur hongrois invité à diner par un très noble Magnat un peu son allié, s'y ren- dit à cheval avec ses laquais, car il avait un assez 1. Biiorum Floreulinornm adolrscentinm dicta sole ^repersa. Opéra CCLXIV.— Noël, I, 273. — LisEux, CCLXV, t. II, p. 218. 2. Adolescenli confusio super mensam miiiqeiitis in conrivio. OperaCCLXVI. — NoBL, I, 272. — Liseux, CCLXVIl, t. II, p. 21':). — FuiDER. DoDEKiNDus : De moruni simplicitale : « Ocrea matula ». liv. III, ch. VI. — Beroald i>e Verville : Le Moyen de parvenir, édit. dornioi'. LES FACETIES DE l'OfHlE 323 lont; trajet à faire. A sa descente de cheval, tout le monde, hommes, femmes, enfants accoururent auprès de lui et comme il était tard on le condui- sit aussitôt à la salle à manger où le festin était disposé. Ses mains lavées, on plaça le jeune homme entre deux très jolies demoiselles, filles de son hôte. Tourmenté par un besoin d'uriner, que par pudeur il n'avait pas manifesté, et qu'il n'avait eu la possibilité de satisfaire à la dérobée, le pauvre garçon souffrait tellement qu'il ne pou- vait ni manger ni boire. Tout le monde remarquant son air préoccupé et son indifférence à goûter aux mets, on l'exhortait h manger. A la iin, n'y tenant plus, il glissa sa main droite sous la table et s'ar- rangeait de façon à se soulager dans ses bottes, lorsqu'au même instant sa voisine de droite lui dit : — « Allons, voyons mangez donc !» — et lui saisissant le bras, elle attira la main avec ce qu'elle tenait et la table fut toute arrosée d'urine. A ce spectacle insolite tout le mond s'esclafa de rire et le jeune homme fut tout couvert de confu- sion. I.ES FACETIES LE PO(iGE CCLXVII Appropos iVune Florentine prise en flagrant délit '. La femme d'mi aubergiste des environs de Flo- rence, femme très libre de mœurs, était au lit avec son amant habituel, lorsqu'un autre survint dans l'escalier. La femme se précipita au-devant de lui, s'opposant avec véhémence et gros mots à ce qu'il alla plus loin, lui déclarant qu'elle ne pouvait le satisfaire pour l'instant et le priant de s'éloigner. L'homme insistait etla querelle se pro- longeait, h)rsque le mari apparut tout à coup qui s'informa de ce qui se passait. La femme toujours prompte à la ruse lui dit : — « C'est celui-là qui est en colère et qui veut entrer pour battre cet autre, qui s'est réfugié chez nous, et je tâche de l'em- pêcher de commettre un crime. » Celui qui était caché dans la chambre entendant cela, reprit cou- rage et se mit à son tour à proférer des injures auxquelles répondait le second feignant vouloir euTrer de force. Le mari par trop betc demanda de quoi il s'agissait, et se mit en devoir d'arranger 1. Catlidn coiisilia Florenlintr finniinr in fncinorc (Icprcliciisa-. Opora GCLXVI.— Noël, I, p. '273. — LisEux, CCLXVII, t. II, p. ll[. — EsTiENNE : Apolof/ie pour fJi'rodole, ch. XV. — Hoccack : Contes, 8° journée, O nouvelle, édit, Garnier. — Coules à lire, t. I, p. l.'ii. Leorand d'Aspy: Fabliaux :L-d Mauvaise femme, t. III, p. »04. — Varirlrs nniHsanles •' Le Men?onire excusable. LKS FACKÏIES DK, l'OtJiK 325 l'atlaire; parla aux deux adversaires, rétablit la paix et cpii pi?; est leur oli'rit à boire, de sorte qu'à l'adultère de sa femme il ajouta le prix de son vin. Les femmes prises sur le fait ne sont jamais embarrassées pour trouver quelque ruse. CCLXVIII Le mon qui parle '. Il y avait à Florence une espèce de sot, nommé Nigniaca, pas trop fou cependant et dassez belle humeur. Quelques jeunes gens s'entendirent un jour pour lui faire une farce; ils imaginèrent de lui persuader qu'il était gravement malade. L'un deux le rencontrant le matin, au moment de sa sortie, lui demanda s'il souffrait, car il était tout pâle et bien changé. — « Pas le moins du monde », répondit-il. In peu plus loin, un autre, ainsi que cela était convenu, s'enquit s'il n'avait pas la lièvre, sa figure émaciée. couverte de sueur déno- tant la maladie. Notre pauvre garçon commençait à douter de lui. ne s'imaginant pas qu'on le ber- 1. De moiino riro ad srpitUlirum deditclo, Inqitoile et risuin nin- Li-iile. Opéra 267. — Noël I, 275: II, 281-285. — Liseux, t. H, p. 223. — RisTELHUBER GXII, p. 151. — Jbhan de Boves, Fa- bliaux : Le Villain de BaïUeul ou La femme qui lit croire à son mari qu'il était mort, tdit. Le Grand d'Aussy, III, p. 324. — JuBiNAL : Nouveau recueil de contes. — Boccace : Contes cm, Edit. Garnier, t. I, p. ;3i2-3l(). — Grazzini : Novelie, Dcito il J.asra. — Bon. des Périeus, nouv. LXVIII : De maistre 19 326 11':^ FACETIES DE J'OGGE nait; il avançait à pas lents et timidement, quand un troisième compère arrive, l'examine et après l'avoir bien regardé lui dit : — « Ton visage indique une fié vpe violente, une maladie sérieuse. » Ni- gniaca prit peur alors, s'arrêta, se demandant avec anxiété s'il n'a pas réellement la fièvre. Un qua- trième complice survenant, aflirme que le cas est très grave et manifeste son étonnement de ne pas le voir au lit, rengage à regagner promptement sa demeure, s'ofFrant de le reconduire et de le soigner comme un frère. Le pauvre diable rebrousse alors chemin, comme courbé sous son mal et regagne sa couchette, avec l'attitude d'un homme qui va expirer. Les compères accourent aussitôt, lui disent qu'il a bien fait de se mettre aulit, puis l'un d'eux se faisant passer pour médecin, lui tâte le pouls et déclare la mort imminente. Alors, tous ceux qui entouraient le grabat se mettent à dire : « La mort vient, les pieds se refroidissent, la langue balbutie, les yeux se voilent, il expire ! Fermons lui donc les yeux, joignons lui les mains, enseve- lisons-le. Quelle grande perte que celle de ce bon garçon, notre ami! » Puis ils firent semblant d'échanger entre eux des consolations. Pendant ce temps, Nigniaca ne soufflait mot, ainsi Bcrlhaud à qui on fit accroire qu'il csloit mort. — La Fon- taine, Contes, VI, G. — Feronde ou Je Purgatoire. — Biblio- thèque des Romatis, 1775-1789. — Illustres proverbes, p. 10. — Hardolin : Le Mort parlant, conte; dans VAlmatiach des 3Iuses de 1770. — Imiîert : NouceUes historiettes en vers, t. III, c. I : Le mort vivant. LES FAf rriKS I)K POC.GE 327 qu'il convient à un trépassé, il se croyait mort véritablement. On le plaça dans un cercueil, elles jeunes gens suivirent le convoi à travers la ville. A ceux qui s'informaient du nom du défunt, on répondait. « C est Xigniaca ({u"oni)orte en terre. » — A mesure qu'on avançait, beaucoup de gens vinrent pour rire, se joindre au cortège, et on allait répétant toujours : — « C'est Nigniaca qui est mort et qu'on porte au cimetière. » — Un cabaretier en entendant cela, s'écria : — « Quelle mauvaise bête, quel adroit voleur vous emportez- là! Il méritait de finir suspendu au bout d'une corde, » Alors l'imbécile entendant ce propos, leva la tète : — « Si j'étais aussi bien vivant que je suis mort, je te prouverais, pendard, que tu en as menti par la gueule. » Les porteurs éclatant de rire, abandonnèrent l'homme dans sa bière. CCLXIX Un problème embarrassant ^ Tout en se promenant, deux amis se deman- daient lequel était plus agréable : faire l'amour ou se lâcher le ventre. Tout à coup, apercevant une 1. De Dubio sophismate. Opéra CGLXIIl. — Noël, I, p. 277. — LisEux, CCLIX, t. II, p. 227. — B. de la Monnoye : «Ollima». Enricus Cerdus et Vervilliers : Deliciœ poct. Germanorum : •'¦ Amoris significatio ». — Béroald de Vkrville : Le Moyeïi, flr panenir, édit. Garnier. 32S LES FACÉTIES DE 1'()(;(;e femme qui n'avait jamais refusé ses faveurs aux hommes, l'un dit: — « Interrogeons-la, elle est experte en l'une et l'autre matière. — Point du tout, fit l'autre, elle ne jugerait pas équitablc- ment, car elle a plus souvent fait l'amour qu'elle n'a cilié. » CCLXX Dt/fi inettitier irompé pcif sa femme qui lui donna cinq F. l'0(i(JE 320 sa femme, de lui faire donner une cliambre après ravoir fait souper. Le valet étant parti, la meu- nière qui avait compris que son mari avait des intentions sur la jeune tille, la fit coucher dans son propre lit et s'alla coucher elle-même dans la chambre désignée pour la voyageuse. Le mari, après avoir veillé assez longtemps, estimant que son épouse dormait, entra furtivement au moulin et s'alla dans la chambre où, ignorant la fraude, il besogna sa femme qui ne soufflait mot. En sor- tant, il dit à son domestique ce quil avait fait, l'engageant à l'imiter; celui-ci profita de l'avis et besogna avec la femme de son patron pendant que Cornicula venait se mettre dans son lit douce- ment de peur de réveiller sa femme qu'il y croyait couchée. Le matin de bonne heure, il se leva sans rien dire, persuadé qu'il avait possédé la jeune fille. Lorsqu'il revint à l'heure du déjeuner, sa femme lui servit d'abord cinq œufs frais. Tout surpris de la nouveauté, il lui demanda la raison de cette amabilité ; elle lui répondit avec un air joyeux qu'elle lui offrait un œuf pour chaque mille qu'il avait parcouru dans la nuit. Le bon- homme comprit qu'il avait été pris dans ses pro- pres filets, aussi fît-il semblant d'être le travailleur unique, et goba les cinq œufs. La plupart du temps les pervers tombent dans leurs propres pièges. En ceste Facéoie est monstre comme souvent les trom- peurs chéent au latz de tromperie aucjael ilz cuydenl met- tre aultruv, comme de raison est. 330 LES FACÉTIES DE POGGE CGLXXI B"'le façon de nier la beauté \ Dans une rue de Florence, deux amis se prome- naient en causant. L'un de haute taille, obèse et brun de visage, apercevant une jeune tille qui passait avec sa mère; dit : — « Voilà une belle et gracieuse jeunesse. » — <¦<¦ On ne pourrait pas en dire autant de vous, repartit la demoiselle que le propos avait vexée. — Assurément si, répliqua le promeneur, si l'on voulait mentir comme je viens de le faire. » CGLXXI I Réponse plaisante mais peu Jioniiéte cC une femme '-. J'ai cru devoir consigner ici le propos un peu salé d'une femme et que m'a rapporté un Espa- gnol de mes amis. Un homme déjà sur le retour 1. Pulchriiin ilictuin pulchiiludiiiem '^.mentiens. Opéra 270. — NoelI, 2X0; 11, 287-288. — Liseux, t. II, p. 231. — Tabourot DES AcBOKDs. Toucliec : Dun jaloux et de sa femme. — Bebe- LiANus. Faceliic : De puella deformi, L. I, p. 241. — Deutocrilus ridcn.i : Rt feret, ita metes, p. 1.10. — Mrlhode italienne de MM. de Povl'Ro'jal. ?. Facelum inulieris l'esponsum, sed paruni lioneslini). Opéra Ci^LXXI. — Noël, I, 2S0; II, 288. — Guillaume Tardik : GXI, p. 301. — Liseux, t. II. p. 2:]2. — Bonav. des Périers : Coules LRS FACÉTIES 1>E l'Ol.GE 331 avait épousé une veuve, la première nuit, en s'ac- ([uittant de ses devoirs niatrimoniaux, il remarqua que sa femme avait un logis infiniment plus grand qu'il ne présumait. « — Ma femme, lui dit-il. ta bergerie est vraiment trop vaste pour le nombre de mes moutons ». Celle-ci répliqua : — « C'est ta faute ! car mon défunt mari (Dieu ait pitié de son àrae !) non seulement remplissait la bergerie, mais même les béliers étaient souvent obligés de rester à la porte ». — Réponse spirituelle et charmante. En ceste facécie n'y a riens moral, mais y est une res- el Nouvelles : De M"' La Fourrière qui logea un gentilhomme au large, édit. Garnier. — Le Tombeau de la mélancboUe, ;i. 92 et Gentille rencontre du i:>eintre du roy, p. ill. — Bkroald ¦ E Verville : Moyen de parrenir., édit. Harnier. — Bernard de LA MoxNOYE : De la réponse de Margot Xoiron à un gentilhomme [ui avoit couchi' avec elle; cité dans une édition de B. des l'ériers, t. II, p. G, — Anonyme : Pro vagina macbœra, vers latins ités par Noël. -^ Epigramme : Le bon Robin, qui se mit en ménage; cité par le même. — Cabinet satyi-ifiue,t. I, p. 53. — l.ex Muses en belle humeur, couplet : « Le Gros Guillot d'amour ¦ pris », p. 10 (174'2j. « Couplets au Prévost des Marchands, sur l'élargissement des rues », p. 10 (l~42î. Couplets : « Un jour, ' '-rtain avocat de maigre encolure.... p. 27 (1742). — Mérard de ~^AiNT-.Ju5T. Epieiileries, Joyeuselés, etc : « La Mesure de Saint- Denys », conte, t. I, p. 129. — Le Joujou des Demoiselles : « La porte cochère ». Epigramme. G Capit de Dious!... disait un Gascon .\ «a moitié qui faisait la niaise, fl Pour des prémices, mon tendron. Je me trouve bien à mon aise! n Las! dit-elle, mon cher, je suis neuve à tel jeu. Mais je ferai le bon Dieu juge, Oue mes eaux seulement ont passé par ce litii, « Vos eaux, sandis! — C'était donc le déiuire";' X. 332 LES FACÉTIES DE l'OCdF. ponse ardo, qui monstre que la petitesse du bétail aux hommes faictles grandes estaljles aux femmes. Et ainsi nul ne doit blasmer femme s'iltreuve graut logis, mais il doit considérer que ces pièces sont trop petites pour le icmplir. CCLXXlll Toul ce qui h rende ne loiiihe pas '. Un vieil évêque de ma connaissance avait perdu quelques dents et d'autres menaçaient de tomber, ce dont il se lamentait. Un de ses familiers lui dit : — « Xe craignez rien pour vos dents ». L'évêque lui ayant demandé pourquoi, il répondit : — « Parce que mes grelots branlent depuis quarante ans de la même façon, et cependant ils ne sont jamais tombés. » (Conclusion '\ lime semble bon d'ajouter à ces menus projios quelques indications sur le lieu, sur la scène pour ainsi parler, où ils furent contés. C'est notre 1. /)c Dentibus casiim minaulibiis siniilihido obscena . Opéra CCLXXn. — XoEL, I, 281. — LisEUX, CCLXXlll, t. II, p. tVi. — AxoNY.ME : « Dentés », vers latins ci lés par Norl. 2. Coticlusio. Opéra 273. — Gun.i.ALMii Taudii : L'excusalion de Pogge. Florentiu et fin de son livre, CXII, p ;;(I3. — Nokl I, 2Si. — RiSTELHUPI-.R, p. l.')'!. — I.Ii^K \. C il. p. 23'l. I.KS FACKTIKS DK l'CMK.i: 333 Bugidic, véritable oflicine^eineiisoiiges, créée parles secrétaires du Pape pour se distraire entre eux. Jusqu'au poniilicat de .Martin V, en effet, nous avions l'habitude de nous retirer dans une salle commune de la Cour. On y apportait les nouvelles, on s'entretenait de toutes sortes de sujets, le plus souvent pour se distraire, mais quelquefois aussi pour traiter des choses sérieuses. On n'épargnait personne, nous ne ménagions pas ceux qui nous déplaisaient, en commençant sou- vent par le Souverain Pontife lui-même. 11 arrivait ceci, <{ue plusieurs vinrent dans nos réunions de peur d'être les premiers raillés. Au premier rang" des causeurs se trouvait Razello, de Bologne, dont j'ai rapporté certains traits dans ce livre. J'ai parlé plusieurs fois aussi d'Antonio Lusco, esprit vif et pénétrant, et du Romain (lencio, très enclin à la plaisanterie. Enfin, j'ai à mon tour conté quelques ])onnes histoires. Actuellement, mes collègues sont morts, la Bugiale n'existe plus; soit par la faute des hommes, soit par celle du temps; la bonne habitu de de r ire et de causer est aujourd'hui perdue. FIN DES Facéties dk poggk florkmi.x 19. DESCRIPTIOX MES BAINS DE BADE Pi'ès Thurgau AU XV SIÈCLE NOTE PRÉLIMINAIRE On a vu dans la notice que nous avons con- sacrée à Pogge, en têie de ce volume, que cette lettre fut écrite pendant l'été de lilo, alors que, pour se distraire et mettre à profit les loisirs que lui avait imposé la chute de son patron, le pape Jean XXÏII, le secrétaire en disponibilité s'était mis en route vers les bains renommés de Bade et les monastères, où il se livra à une véritable chasse aux plus précieux manuscrits des auteurs classi- ques de l'antiquité, chasse couronnée des succès les plus heureux et les plus beaux. Cette lettre était bien connue des auteurs des xv% xvi'" et wii*" siècles qui l'ont maintes fois mise à profit, sans citer son auteur, bien entendu. Ainsi, Sébastien Munster s'est servi, en grande partie, de la lettre de Pogge pour rédiger la des- cription des bains de Bade qu'il donne au livre 111 de s;i Cosniograpltie universelle^; et François 1. SÉiiAsr. Ml'nster, Cosmographitr uiiitersalis, Lib. VI, in (juihus, etc. M. D. L. nicnse Martio, in-lol., t. 1", p. 388 et 39"2. Oppidum IJadensk, ulgo obkr Baden, id est, Thennœ superiores. P. 380 : Le titre de la gravure qui ocrupe les deux pages sui- 338 DESCRIPTION de Belle-Forest' l'a traduite, cette fois, servile- ment. Cependant, en dehors des renseignements que fournit le Florentin, le géographe nous donne une description topographique beaucoup plus complète. « Ce lieu, dit il. a esté cogneu et habité du temps de Corneille Tacite et devant son temps, veu qu'il faict mention d'iceluy, disant ainsi : C'est un lieu délectable, ayant des eaux saines, un fort chasteau, au pied duquel passe la rivière laqueHe aujourd'huy on appelle Limmat -. Or, ceste ville est au pays d'Ergovie •', et aussitost qu'on a traversé ceste rivière, on entre en Thurgœu^ C'est une ville assez belle et riche, située presque vantes 3U0-.301 : Civitas Badensis Helyhtica, quam ad dill'eren- liatn thermarum quœ siiiit in Marchionatu liadensi, ruigo rocanl Badeniam superiorem. sicnl aliam vocant inferiorem, respeclu habilo ad Rhoii descensium, à qiio ulraque Badenio uno dislal milliario Gennaiiico, à se veto dissident circiler vinçiinli )niltiaribys Germa- nicis siipcriori ad austvnm, inferiori verù ad a(inilo)ie)ii posila- Enfin, |). 390-391, une vue de la vilie : Desiçinatin civilalis Badensis Ilclrelica', una cum oppidulo lliennantin. A la page 3SS. se trouve une vignette représentant une piscine dans laquelle se trouvent do.s i'einmes et des hommes autour d'une fontaine élégante. 1. La Cosmo(j)-aphie iinircrseUc de tout le monde, en laquelle, etc., etc.. AiUeur en partie : Muxstkr, mais beaucoup phts augmentée, ornée et enrichie, par François de Belle-For est, Comingeols, etc., et à Paris, chez Michel Sonnius, rue Saint-Jacques, à ri^lscu de Basic, MDLXXV, in-i'ol., p. 1081, avec la même vue de Bade et la vignette qui, du reste, sert i)Our Joutes les villes thermales : De la cille de Bade, r-nhiairement appelée Obkhbadhn, c'est-à-dire : les hauts bains, p. lOSI. '2. La Linth. rivière aftluenl de l'Aar, bassin ilu Rliin. 3. Ar^'ovie. 'i TurL'Ovie MES li.VlNS DE BADE 339 au milieu des Lignes ; et pour ceste cause les Suysses tiennent toutes leurs journées là. D'un costé, elle a des montajines bien prochaines, et dautie eosté coule une grande rivière navigable et fort roidc, par laquelle on vient de Zurich jus- ({u'au Rhin. Un peu au dessoubz de la ville, autant que le canon peut porter, il y a un village qui est ibrt beau et plaisant, lequel est expressé- ment basty pour les baings. » C'est la description de la station balnéaire, que Sébastien Munster emprunte à Pogge presque littéralement^ Plus loin, il complète le tableau : « La ville est située en un plaisant lieu ayant beau- coup de vignes et de jardins, mais le vin est petit. Anciennement, quand la ville avoit un seigneur à part, qui estoit comte, y avoit un chasteau sur une montagne, duquel on en voit encore quelques apparences. L"an de Nostre Seigneur 1180, après la mort de Henry, comte de Bade, ceste comtée tondra par le moyen d'une femme es mains des comtes de Kybourg. Et après que Hcrjuan, der- nier «omto <1o Kybourg, fut allé de vie à trespas, 1. Dans l'ouvraire publié à Venise en 1553, par Thomas Jlnta, sous le titre de: De Balnei oninia quœ e.iiant apiid lirtecos, Laliitos et Àrabas, ctc, etc. Dans la partie rdalive aux tiiermes allemands et suisses, rédigée par Conrard Gesxer, iu letti'e de Pogge se trouve presque entièrement reproduite p. -291), le compilateur na omis que ce qui était abso- lument personnel, ou ce qui lui a semblé par trop en dehors 'le rhydrothérai)ie. y'iO liKSIlUI'IKt.N qui fut environ l'an de nostrc Uédemption !2()(). Il y eut dissension h cause de ceste comtée. mais Raoul, comte de Habsbourg, qui fut depuis fait Roy des Romains, la récent soubz son obéissance et après luy elle demeura entre les mains des ducs d'Autriche ju'îqu'au concile de Constance, auquel temps les Suysses la saisirent par le commande- ment de l'empereur Sigismond, lesquels démo- lirent aussi le cliasteau. » Ainsi donc, le Bade qui sert de cadre à la scène de mœurs décrite par Pogge, n'est pas le Bade où l'on allait naguères exposer sa bourse, bien qu'il soit placé comme lui, à quelques milles des rives du Rhin. (( Si la faveur publique a changé le lieu de ses récréations thermales, dit Anthony Meray, cette description nous apprend qu'au moyen âge, les bains étaient déjà un simple prétexte de distrac- tions. Baden-Bade était hier encore, on le voit, un rendez-vous de chercheurs et de chercheuses d'aventures, une exposition estivale de person- nages plus ou moins officiels, plus ou moins célèbres, et surtout de vastes salons de jeux. » Dans cette ville admirable, au dire du vieux géographe, la vie était enchantée, on pouvait se croire, ainsi que l'écrit Pogge, transporté dans l'Eden ; cependant Bade n'est pas une exception, si nous en croyons le poète (Conrad Gesner, qui a fait un tableau poétique de Plombières, un siècle plus tard. DES BAINS 1>F, lt\l>E 311 '•• Un lac se montre tout d'iibord dans la vallée, écrit Gesner, et est entouré de tous côtés d"au- bei'iies. Là, on voit se baigner pêle-mêle dans l'eau chaude, les femmes, les hommes, les enfants, les jeunes fdles. le pauvre, le noble, le savant, le vieillard attardé par l'âge et celui qui est plus léger (à cause de la jeunesse), celui quia des cicatrices et celui qui n'en a pas, celui qui a des boutons et des ulcères, l'homme sain, celui qui est malade. Un mur de près de deux cents pas de long entoure la piscine. « Là, vous verrez ceux qui sont plus riches s'abriter sous des feuillages. L^ne grande partie de malades à béquilles y sont plongés jusqu'au menton. D'autres, appuyés sur des crosses, se promènent dans l'eau... « ...L'un crie, l'autre chante, un autre rit. Celui-là tousse, l'autre crache, etc.. Il y en aqui se plaignent et gémissent ; l'un fait l'éloge des eaux et Jious apprend combien rapidement il a été délivré de son mal ; — il montre sa main ou son pied qui était malade. Un autre dit que les eaux ne lui ont fait aucun bien et injurie cette eau qui n'en peut mais. Ailleurs, on donne à un malade qui le demande, à manger, ou à boire de l'eau rafraîchie par celle d'un ruisseau qui vient mitiger la chaleur de la source bouillante, et qui y est conduite du tlanc de la montagne de près de treize cents pas. (' En dehors des maisons et de la piscine. ::;i2 DESCRIPTION d'autres boivent, ou dinent, ou dansent joyeuse- ment ; l'un dort, l'autre fait une excursion dans le bois voisin. Celui-ci, qui se sent malade, appelle un médecin. Un autre meurt et laisse tout ce qu'il a aux moines, les plus exécrables des héri- tiers, mais qui le sont en vertu d'une ancienne coutume de l'endroit. « C'est ainsi que l'on vit dans ces lieux, cepen- dant l'argent diminue, la saison s'avance; alors on voit revenir les uns tristes, le plus grand nombre joyeux, ceux qui se sont baignés et ceux qui ne l'ont pas fait... Et chacun se prépare à s'en aller, car les habitants du pays sont inhospita- liers, tiennent sottement à leurs coutumes, sont arriérés et ineptes. En sorte que personne ne voudrait demeurer chez eux et que chacun est content de n'y être plus '. » Ce que chante le poMo et ce qlie nous décrit Pogge, Albert Durer nous le montre dans plu- sieurs estampes bien connues des amateurs. On voit, dans un bain public, six hommes, dont l'un, d'un embonpoint remarquable, est assis au bord d'un bassin, buvant dans une grande chope. Deux autres sont accoudés sur le devant, et assis dans l'eau : l'un tient une fleur, l'autre une espèce de râteau ou strigille ; un quatrième est accoudé sur le rebord d'une pompe à robinet. Ils écoutent 1. Traduction du D' Bonnefoy : Comment aulrefuis on faisait Hi>aK llAhK 3 ',5 thermales, où les malades venaient au gré de leur caprice, en dehors de toute direction médicale, où même les gens bien portants accouraient, non point pour se préserver des maladies, mais unique- ment pour s'y livrer au plaisir. On n'y trouvait point de médecin spécialement attaché à l'établis- sement. Si un malade s'y trouvait plus soutirant, on appelait le médecin de l'endroit, mais il n'y avait pas ce qu'on appelle aujourd'hui de méde- cins des eaux. Chacun donc prenait les eaux qu'il voulait, autant (|u"il voulait et à sa guise. Ceux à qui elles étaient nuisibles mouraient, les moines héritaient des morts et tout était dit. Pogge parle d'ecclésiasticpaes qui fréquentaient les bains de Bade, cela ne tirait pas grande con- séquence en ce temps-là. car la population n'osait se permettre de critiquer ouvertement la conduite des gens d'église. « Ces escapades ecclésiastiques, remarque Antony Méray, déridaient à peine les physionomies si calmes, si pacifiques, si hospita- lières des bons Allemands cjue notre auteur loue avec tant d'effusion. Il y avait là, d'ailleurs, un avant-goût d'harmonie si parfait, que personne ne songeait à blâmer ses voisins. Tout ce qui se fai- sait dans ce vallon paradisiaque semblait lavé par un affluent du fleuve Lethé ; tout ce qui s'y disait était couvert par le bruit de la formidable cata- racte du Rhin et ne parvenait pas au delà des rochers retentissants de Schaflbuse. 340 DESCHII'TKJ.N « Une chose est particulièrement à remarquer dans cet écho de la vie européenne d'il y a bientôt cinq cents ans, observe encore judicieusement Antony Méray dans «;¦. préface à la lettre de Pogge'. C'est l'étonnement profond qu'inspire à ce Florentin, habitué aux pjïssions turbulentes, aux caractères jaloux, soupçonneux, de ses con- citoyens, la simplicité, la bonhomie, la placi- dité sans pareille des braves indigènes de cette partie de la Germanie. Jamais contraste plus saisissant ne fut mieux pris sur le fait, ni plus éloquemment expliqué. Pogge ne tarit pas sur la différence inouïe qui existait entre la fièvre du caractère florentin et la tranquillité souriante, iné- branlable des riverains du Rhin, au xV siècle. Leurs filles et leurs femmes lui semblèrent moins occupées à conserver leur honneur intact qu'à étendre, hors des limites ordinaires, leur prodi- gieux amour de l'hospitalité. On douterait de la véracité de Pogge, et l'on serait tenté de prendre cette lettre charmante pour un éclair de son ima- gination, s'il n'était resté des traces vivantes de ce qu'il s'est plu à raconter avec de si gracieux détails à son ami Niccolo. Ces mœurs limpides et riantes ont par bonheur conservé des oasis, où elles se défendent encore contre l'envahissement du rigorisme qui tend à conquérir le monde et à l'attrister, 1. Lisiiux, 187G. DES BAl.NS DE BADE 347 « Dans plusieurs des bains de rAllemag-ne du sud, à Gastim, près Saltzbourg, par exemple, la légèreté des costumes et la familiarité entre naïades et baigneurs ne s'éloignent guère de la descrip- tion de Pogge. En Suisse, ceux qui ont habité quelque temps l'intérieur du pays, connaissent la facilité toute primitive des jeunes tilles de l'Ober- land et des riveraines du lac des Quatre Cantons, à permettre la constatation de leurs charmes. Cette condescendance naïve rappelle le flirtage des vierges américaines, avec moins d'accidents ; car il est un droit, un seul peut-être, que leur pru- dente simplicité réserve à l'époux que cette attrayante complaisance a pour* but d'attirer. Dans le Valais, les bains de Luèche, près de Sion, offrent à peu près sans correction le tableau de haute saveur décrit par Pogge '. « Cn de mes amis, continue Antony Méray, eut occasion de s'y rendre depuis Turin, il y a cjuelques années, en très honorable compagnie. En par- courant ma traduction des bains de Bade, près Thurgau, il crut un moment qu'il s'agissait de ceux de Luèche. tant les usages de la Suisse du nord et de la Suisse du sud se ressemblaient, malgré les quatre ou cinq siècles qui les séparent. Son expérience m'a été très utile pour certains détails que je ne m'expliquais pas très bien. J'ap- 1. Le D' Bonueloy, déjà cilé, a fait la moine constatation qu'Antony Moray et son ami, et que font encore les touristes d'aujourd'hui. 348 DESCRIPTION pris de lui, entre autres choses, que les tables flottantes sur lesquelles on servait, en pleine eau, des repas à frais communs, usage florissant encor(i à Luèclie, étaient fabriquées en liège. Les con- vives, me dit-il, prennent en très bonne part les chutes des verres, des plats et des bouteilles, que la turbulence occasionne dans ces banquets mouvants. Les visiteurs circulent encore, dans les bains du Valais, autour des galeries qui surmon- tent la pièce d'eau où se font les ébats féminins. hk aussi les jolies baigneuses, demi nues, reçoivent des pièces d'argent, des couronnes et des bou- quets de fleurs, et en les recevant dans leur court vêtement soulevé font, quelquefois, encore mur- murer les Gâtons. » Par contre, le voyageur a fait une constatatiou importante : « T/est la différence notable qui existe entre aujourdliuy et jadis dans lélément ecclésias- tique, qui est aujourd'hui fort rare. Un prélat français qui se trouvait avec la noble compagnie piémontaise, s'arrêta à la porte. De quelque manière qu'on essayât d'excuser à ses yeux le badinage des vierges valaisanes, il refusa oljstiné- mcnt de franchir le seuil de la piscine. Cette manière légère de prendre les eaux lui semblait un peu profane ; l'opinion d'aujourd'hui est de- venue si sévère, d'ailleurs, à l'égard du clergé ! » Et les mœurs sont heureusement bien changées en certains points. Antony Méray, homme spirituel et bon vivajit. DES Bàl.NS DE BADE 349 s'écrie : « C est le cas de piendre poui' règle la bienheureuse devise de l'ordre de la Jarretière : Honni soil qui mal y pense ! Il faut se faire uu cœur placide et un esprit simple ; il faut retrouver la franchise de l'âge d'or, la bonhomie des gra- cieux insulaires d'O'Taïti, au moment où les vais- seaux de Bougainville y abordèrent, si l'on veut goûter sans réflexions fâcheuses, ces scènes primi- tives de l'Eden I » Nous avons serré, autant qu'il est possible, le texte de près, dans la traduction que nous don- nons. Nous avons dû pour cela nous référer à diverses éditions totales ou partielles de l'œuvre de Pogge. Nous nous sommes arrêtés, de préfé- rence, au texte de l'édition incunable, à longues lignes, imprimée en caractères ronds, par Jehan Petit, à Paris, sans date. La première traduction française qui en ait été donnée, avait été elle-même faite sur la traduc- tion anglaise que W. Shepherd avait publiée dans sa vie de Pogge. Aux fautes du premier tradnc- teur vinrent s'ajouter celles du second. La prin- cipale erreur de l'anglais Shepherd, c'est d'avoir interprété le passage relatif aux Lettres hébraïques de Jérôme de Sainte-Foi, de la manière suivante, que nous reproduisons d'après la traduction publiée en 1820 : (( Si vous l'eussiez reçue (^ma lettre), vous m'au- riez certainement écrit, ne fut-ce que pour me féli- citer sur un nouveau genre d'étude que vous m'avez 350 DESCRIPTION si souvent conseillé d'entreprendre. Je ne vois pas que l'hébreu me soit jamais d'un grand secours pour acquérir des connaissances philosophiques, mais l'acquisition de cette langue contribuera à mes progrès dans la littérature et je crois déjà en savoir assez pour démêler les principes suivis par Saint-Jérôme dans sa version de l'Ecriture Sainte. » Rien de semblable dans le texte. La seconde traduction, celled'Antony Méray a été publiée, en 18G8, ^arV Académie des Bibliophiles^ et une seconde fois par l'éditeur Liseux, en 187G, sous le titre de : Les bains de Bade au A'*' siècle^ par PoGGE, Florentin. — Scène de Vcige d'oi\tia- ditile pour la première fois. Elle est plus exacte, élégante de style et soignée en tous points ; mais quelques fautes n'ont pu cependant lui échapper : fautes de lecture ou fautes de texte, on ne saurait préciser. La principale que nous ayons relevée, est dans le passage où Pogge raconte que ses amis se mirent au bain, bien qu'ils ne connussent point le langage des baigneuses et qu'ils dussent se servir d'un interprète. Méray écrit : L'essentiel était qu'ils fissent du bruit avec leurs lèvres, ce qui ne signifie rien, tandis que la traduction litté- rale du latin donne: Tout en agitant fréquem- ment leurs éventails. Anton y Méray a fait précéder la lettre de Pogge d'une cliarmante et spirituelle introduction, dont nous avons tiré profit largement, ainsi que de DES BAINS DE BADE oôl quelques notes fort judicieuses, mais trop rares, dont il a aecompa.iiné le texte ; nous devions en toute justice reconnaître ces emprunts et témoi- gner de rincontestable utilité dont a été pour nous le texte, les notes et la traduction même de cet écrivain. P. desB, DESCRIPTION DES BAINS DE BADE près Thnrgau AU XV« SIÈCLE Poggio, à son cher Niccolo. Salutations empressées. Si tu te portes bien, tant mieux, car moi je vais à merveille. Je t'ai écrit de Constance, par un de mes col- lègues, une lettre datée, si je ne me trompe, du \ des calendes de mars. Si tu Tas reçue, tu as dû bien rire en la lisant, car elle était émaillée de choses fort plaisantes et assaisonnée de bon sel. 11 y était beaucoup question des Lettres Hébraï- ques^ dont je m'occupais alors, et je me gaus- 1. Les Lettres llétjra'iques, dont il est ici question, sont l'ou- vrage du Juii' Espagnol convci-ti, connu sous le nom de Jérôme de Sainte-Foi ; il y énonce que les prédictions contenues dans 20. 354 UESCHIPTIO.N sais de ce docteur, qui, comme tout bon Juif devenu chrétien, est léger, vaniteux et inconstant; aussi flagellais-je, d'une main leste, ces lettres et leur doctrine fruste, grossière et barbare. Je crains bien, cependant, que celte lettre ne te soit pas plus parvenue que celle que j'ai écrite à Leonardo d'Arrezo l , car je connais trop bien ton exactitude pour ne pas croire que tu ne m'eusses pas déjà répondu quelque chose de spirituel au sujet de la conduite de ce docteur tout frais émoulu, ce que du reste tu avais si bien prévu dans maintes de nos conversations. Bien qu'elles soient, à mon avis, d'aucune utilité pour l'étude de la philosophie, elles peuvent cependant contribuer à notre connaissance de l'humanité, d'autant plus qu'en les traduisant j'ai appris à bien connaître les mœurs de ce Jérôme. Je t'écris de ces bains auxquels je suis venu demander à mains jointes, de me rendre, en grâce la Bible, relativement à Jésus-Chri.-t, étaient si évident^s qu'elles attestaient si clairement sacjualiléde vrai Messie qu"il se faisait fort de rallier à cette opinion tous les rabbins espa- irnols, si le pape Benoît XIIJ, alors réfugié en Espagne, voulait laire tenir une conterencj en sa présence. Cette conférenci'. commencé le 7 février l'il3, en présence du Pape exilé, de plu- sieurs cardinaux, d'une foule de prélats et des rabbins les plus savants du royaume d'Aragon, ne finit que le 10 mai suivant. Comme il arrive souvent, en pareil cas, l'orgueil et la vanité du nouveau docteur y gagnèrent seuls quelque cha- touillement. Chacun resta dans son opinion en dépit des efforts de Jérôme de Sainle-P^oi. Il a composé aussi un traité contre les erreurs dangereuses contenues dans le Talmud. (.Vo/r d'ÂNT. Mkray). 1. Leonardo Brunis voir l'introduction). DKS BAINS DE BAT»E 355 la santé, et j'ai pensé qu'une description de ce pays, de ses agréments et des mœurs de ses habi- tants, ainsi que des habitudes des baigneurs, te serait agréable, et certes la chose en vaut la peine . On a beaucoup parlé des antiques bains de Pouzzole, où tout le peuple romain accourait poussé par l'attrait du plaisir ; mais je ne pense pas qu'ils aient jamais pu approcher, ni même être comparés à ceux-ci. Car l'attrait de Pouzzole ^ consistait bien plus dans le charme du site et la magnificence des villas, que dans le caractère aimable des habitants et l'usage des bains. Ici au contraire, le paysage n'offre aucune distrac- tion à l'esprit, ou du moins bien peu, tandis que tout le reste est combiné pour le plaisir le plus grand. Il m'a semblé que Vénus cyprienne et toutes ses voluptés s'étaient transportées dans cette station balnéaire; qu'on y observait fidèle- ment ses préceptes et ses caprices voluptueux, et, quoi qu'on n'y ait jamais lu les théories d'Hélio- gabale, les gens m'ont paru suffisamment savants et s-uffisamment instruits. 1. Poiizzoles ou Pozzuoli, à dix kiloiiiètrts de Naples, lundée en 5"2'2 avant Jésus-Christ. La douceur de son climat, la l)eaulé de son ciel y attirèrent les Romains. La priorité dura jusqu'à la chute de l'Empire; elle l'ut ensuite ravagée par les bar- bares, et, au moyen âge, par les Sarrasins, et plusieurs fois bouleversée par les éruptions de la Sulfalare. Les Turcs la détruisirent presque entièrement en 1550. — Grégoire. Dic- tionnaiie, édition Garnier. 35(j J^JESCRIPTION Mais avant d'entreprendre ma description, il ne faut pas oublier de te tracer la route que j'ai suivie depuis (Constance, pour te mettre à même de bien voir dans quelle partie de la Gaule sont situés ces bains. Le premier jour, on s'embarque sur le Rhin pour venir à Schaffouse. distante de vingt-quatre milles ; de là, on parcourt à pied dix autres milles parce que le fleuve en cet endroit s'engouffre entre des montagnes abruptes et tombe à travers un amoncellement de rochers ; puis nous arrivons à un château qui domine le Rhin; c'est le Key- sertuhl, cest-à-dire le siè^e de César en lanease du pays. Je pense que ce nom lui vient d'un camp romain, qui aurait été établi sur cette col- line fort élevée dominant le fleuve très resserré en cet endroit, et où un petit pont reliait la tlaule à la Germanie. De ce chemin élevé, nous contemplons la chute du Rhin qui se précipite de la montag-ne au milieu des rochers épars, avec un bruit effroyable et une sorte de lamentation, comme s'il se plaignait lui-même de sa chute. Alors je me ressouvins de tout ce que l'on raconte de ces lieux dangereux, et je ne fus plus surpris que les habitants d'alentour devinssent sourds au fracas de ce fleuve se i)ris;int sur les rochers, et dont le bruit retentit aussi loin que celui des cataractes du Nil, c'est-à-dire à trois stades environ. Près de là, se trouvent la ville assez florissante de Badeii fce qui veut dire bain en allemand), I>I.S lîAI.NS DE B-VDK 357 elle est située dans un cii(|ae de montagnes près d'une grande rivière qui se jette dans le Rhin à environ six milles de la ville. Non loin de là. on rencontre une station charmante construite pour les baigneurs avec des hôtelleries tout autour de la place centrale et dans lesquelles viennent en foule les étrangers. Chaque maison a ses bains particuliers dont l'usage est exclusivement réservé à ses hôtes. On compte environ trente établissements tant publics que privés ' . Il va deux établissements publics et ouverts des deux côtés pour le bas peuple, et dans ces piscines descendent pêle-mêle les femmes, les hommes, les enfants, les jeunes filles et toute la tourbe des populations environnantes - . Une cloison légère, inoffensive, sépare bien dans ces pis- cines les hommes d'avec les femmes, mais il n'en est pas moins ridicule devoir de vieilles décrépites, et des jeunes filles descendre toutes nues dans l'eau et étaler aux regards des hommes leurs fesses, 1. « ...Sans ceux qui iettent leur bouillon outre la rivière, DIX il y a aussi quelques maisons liasties, esquelles les villageois et paysans se baignent coustuniièrement. Ainsi et deçà et de là la rivière, et aussi dedans la rivière mesme sortent de« bouil- lons d'eau chaude. La chaleur est si grande en la source au lieu où IV'au sort hors de terre, qu'on ne la peut pas endurer. iS. MfxsTER, trad. Belle-Forest). 2. Ouant aux baings publics, il n'y en a que deux, esquels, le commun populaire se baigne; et l'eau et les ordures de tous les autres descendent par là. — Et on n'y ferme point d'aiz. Les baings qui sont par deçà la rivière, du costé de la ville.' sont les plus grands, et ceux qui sont par delà sont appelez les petits baings. s. .M. — li-F.). 358 DESCUII'TIO.N leur ventre et le reste. Je me suis très souvent amusé à ce eenre particulier de spectacle, cjui évoquait à mon esprit les Florales Liidi^ , admi- rant en mon for intérieur la simplicité de ces bonnes gens qui ne détournaient point leurs yeux de pareilles choses, n'y soupçonnant pas plus de mal qu'ils n'en disaient. Mais les bains des maisons particulières sont plus élégants, les femmes y sont également sépa- rées des hommes par une cloison percée de nom- breuses ouvertures à travers lesquelles ils peu- vent boire et causer ensemble, se contempler et se caresser comme ils ont l'habitude de le faire très fréquemment. Des promenoirs établis au-dessus de la piscine, 1. Les Floralia, fcte en l'iionneur de la déesse Flora à Rome et dans les campagnes. Ces fêtes furent de tout temps très bruyantes et licencieuses; déjà au dernier siècle de la Répu- blique, des courtisanes y figuraient, n'attendant que les accla- mations de la foule pour se montrer toutes nues. Lanecdole de Caton d'U tique, quittant le cirque (en l'an .55), pour ne pas gêner les plaisirs des spectateurs à qui sa présence en impo- sait, est célèbre. Ovide et Martial excusent cette licence, qui paraît avoir eu à l'origine un sens symbolique. — D.^REMBERa et S.\GLio. — Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines. Menard. — Didinnnairede Mytholoçiie. Garnier, éditeur. « Chacun sait que les Jeux llorau.r de Rome antique étaicut célébrés par les courtisanes en l'honneur de P^lora, qui, après avoir exercé fructueusement ce joyeux métier avait laissé S' s biens à la République. Du Verdiur, soigneur de Vauprivas, dans ses 7/;irtf/e.s des Dienr, dit que « cei'lains jeux furent ordonnas en son honneur, lesquels étaient célébrés par les putains avec grande lancivilè. » 11 faut tlonc bien se garder de les confondre avec les Jeux floraux institués au commencement du XV'' siècle par Clémence Isaure, création charmante, dont le but était de donner de l'émulation aux poètes. {Snte (I'Antoine Méray). DES BAINS l)i; BAI>E 359 permettent aux hommes daller contempler les dames et de s'entretenir avec elles. Chacun étant libre d'aller et de venir à sa guise d'un bain dans l'autre pour regarder, causer, badiner et délasser son esprit, et de se placer de façon à voir les femmes presqu'entièrement nues entrer et sortir de l'eau. Chez elles, nulle contrainte, aucune entrave, pas la moindre pensée mauvaise. Dans plusieurs endroits même, l'entrée du bain est commune, en sorte qu'un homme en entrant peut frôler une femme nue et vice versa . Ceux-ci n'ont pour tout costume cp.run simple caleçon ; celles-là une chemise de lin ouverte de chaque côté jusqu'aux jambes qui ne couvre ni le cou, ni la poitrine, ni les bras, ni les épaules. Sotivent ces dames font, dans la piscine, des pique-niques auxquels les hommes assistent habi- tuellement ; le repas est servi sur des tables flot- tantes. Nous-mêmes, nous fûmes invités dans la maison que nous habitions. Et, bien que j'eusse versé mon écot au pique-nique, je ne voulus point y prendre part, non point par pudeur, par timi- dité ou sauvagerie, mais parce que j 'ignorais leur langue. 11 me semblait en effet ridicule qu'un Italien ne comprenant pas leur langage, demeu- rât dans l'eau au milieu des dames, muet et comme privé de langue, passant son temps uni- quement à prendre des sorbets et à boire. ]>eux de mes compagnons entrèrent dans la 3(30 DESCRIPTION piscine et se mirent avec beaucoup d'entrain à caresser les dames, à boire et à manger avec elles, à causer, mais au moyen d'un interprète tout en agitant fréquemment leurs éventails. Quoi de plus si ce n'est le tableau de Jupiter fécondant Danac avec une pluie d'or et le reste. Mes compagnons étaient toutefois vêtus d'une chemise de lin comme ont coutume de l'être les hommes qui vont dans le bain des dames. Quant à moi, du haut de la galerie, je regar- daistout cela, j'admirai ces mœurs, ces coutumes, ces plaisirs, cette liberté, cette licence de vivre. N'est-il pas stupéfiant de voir dans quelle sim- plicité vivent ces gens, et la confiance de ces maris qui laissent ainsi caresser leurs femmes aux voyageurs, sans en être le moins du monde émus ou troublés, qui prennent cela du meilleur côté. Il n'est donc rien de si difficile qui ne soit rendu facile par de telles mœurs. Ces gens enfin ont vraiment toutes les dispositions possibles pour embrasser la doctrine de Platon, qui veut que tout soit en commun et, bien qu'ils ignorent cette doctrine, ils n'ont certes point leurs pareils pour la mettre en pratique. Dans plusieurs de ces bains, les hommes se mêlent aux femmes, bien que fous soient alliés par le sang ou par l'amitié. On va trois ou quatre fois par jour aux bains, on y passe la majeure partie du temps à chanter, à boire, à danser en clio'ur et à se mettre à l'eau de temps h autre. Il 1»KS l'.VINS DE KAbK 3C1 est en vérité extrêmement plaisant de voir des jeune fdles nubiles, en pleine force de la jeu- nesse, montrer leurs formes splendides sous le costume complaisant des déesses ; et quand leurs draperies légères voltigent en arrière, ou flottent sur l'eau, tu croirais voir une autre Vénus. Ces femmes ont l'habitude de solliciter, avec la plus gracieuse gentillesse, une récompense, aux hommes qui les regardent du haut des galeries. Ceux-ci s'empressent de jeter des pièces de mon- naie aux plus jolies qui tendent, les unes leurs mains, les autres le pan soulevé de leur léger vêtement; elles luttent alors entre elles et dans leurs ébats laissent entrevoir leurs charmes les plus secrets. On leur jette aussi de belles couronnes de fleurs dont elles ornent leurs têtes, tout en se jouant dans l'eau. Je suis, je l'avoue, captivé par tout ce que je vois, par toutes ces attractions et comme je ne prends que deux bains par jour, je passe tout mon temps à visiter les autres établissements, à jeter fréquemment des pièces de monnaie et des cou- ronnes, tout comme les autres. Où trouver le temps délire et d'étudier? Com- ment s'isoler au milieu de ces symphonies de trompettes, de cithares et de tous ces chants qui vous enveloppent. Ce serait folie, surtout si comme Chémès de V HeaiUontunorunienos qui pense qu'étant homme, rien de ce qui 21 362 DESCIUI'TION est humain ne doit être indifférent. Pour mettre le comble à ma jouissance, il ne me manque hélas 1 que la parole, ce qui en est l'élément capital. I! ne me reste donc qu'à aller et venir sur la galerie. qui est entièrement libre et dont l'abord n'est sou- mis à aucun règlement. Outre ces multiples plaisirs, il y en a d'autres non moins agréables. En dehors de la ville, au bord de la rivière, s'étend une vaste prairie om- bragée d'arbres en grand nombre, où l'on vient en foule après le diner. On s'y livre à des jeux variés; les uns dansent, d'autres chantent. La plu- part jouent à la paume, mais pas comme chez nous 1 , car ici, les hommes et les femmes si lancent alternativement un ballon plein de grelots. On le lance d'abord à une personne désignée, et de tous côtés les joueurs accourent pour s'en empa- rer, celui qui a pu le saisir, le lance de nouveau i une autre personne ; parfois il feint de l'envoyer d'un côté, et toutes les mains s'élèvent pour attra- per le ballon que le joueur lance alors du côt< opposé. Il y a une foule d'autres jeux qu'il serait trop long d'énumérer, mais ce que j'en ai retenu te fera comprendre combien cette société se rap- proche de la secte d'Kpicure. Je finis par m'imaginer que ce lieu est ce jardin de délice, que les Hébreux nomment Ga- nelom et dans lequel fut placé le premier homme. I. En Italie. DES BAINS HE lIAIiE :iô;< En effet, si la volupté peut rendre la vie heureuse, je ne vois point ce qui peut manquer ici pour procurer à tous le bonheur parfait. Maintenant, si tu veux savoir quelles sont les vertus de ces eaux? elles sont multiples et variées, elles sont d'une efficacité admirable, presque divine; et je ne connais pas. dans le monde entier, des bains plus favorables à la fécondité des femmes, beaucoup de celles-ci qui étaient sté- riles éprouvent les effets de leur vertu merveil- leuse, aussi les baigneuses qui arrivent chaque jour s'empressent-elles de suivre les préceptes et d'user des remèdes recommandés à celles qui n'ont point encore pu concevoir ' . 11 est cependant une chose digne de remarque entre toutes, c'est la multitude innombrable de gens nobles et vilains qui viennent ici de plus de deux cent milles à la ronde, moins pour leur santé que pour leurs plaisirs. Tous les libertins, tous les viveurs, tous ceux qui passent leur vie dans les plaisirs y viennent satisfaire leur passion. Beau- coup feignent des maladies corporelles et ne sont en réalité malades que desprit 2 . 1. « Que si oa se veut enquf^rir île la vertu de ces baings. il faut sçavoir iju'il y en a plusieurs, mais une est surtout adi)ii- rable et quasi divine, c'est qu'en tout le monde, il n'y a baings ^i [iropres pour rendre les femmes fertiles, que ceulx cy. Piu- -ieurs femmes, qui y sont allées à cause de leur stérilité, ont ixpérimenté ceste vertu merveilleuse. ;B-F.; 2. « Là aborde, voire des pays loinjjlain.s, un grand nombii' de gens, tant gentilshommes que méchaniques. et plus pour y 30 1 nKSiUll'TION Ainsi tu verras une foule de femmes aux formes opulentes, venir ici, sans mari, ni parents, suivies de deux servantes et d'un laquais ou tout bonnement accompagnées de quelque vieille dame de compagnie plus facile à tromper qu'à rassasier. Quelques-unes arrivent, couvertes de toute leur fortune, en robes de drap d'or ou d'ar- gent, constellées de pierres précieuses et ayant bien plutôt l'air d'aller à une noce que de venir prendre des bains i . On y voit aussi des vierges Vestales, ou pour mieux dire Florales, des abbés, des moines, des frères, des prêtres qui se conduisent avec beau- coup moins de retenue que les autres, et quand ils se baignent au milieu des femmes, la cheve- lure pareillement ornée de rubans de soie, ils semblent avoir dépouillé tout caractère religieux. Tous n'ont qu'une seule et unique préoccupation: prendre leurs plaisirs, que i)our y chercher médecine, ou j,'Ui - rison de quelque maladie. Plusieurs amoureux, muguets, arer aux misères futures, nous nous plongeons dans les misères du moment, nous vivons dans d'éternelles inquiétudes; nous nous rendons mal- heureux pour ne pas le devenir plus tard; on cherchant les richesses, nous ne laissons en repos ni l'esprit, ni le corps. Ces gens, au contraire, se contentent de peu, ils ne songent pas le moins du monde aux riches- ses à venir, ils vivent au jour le jour, et chaque jour pour eux est une nouvelle fête. S'ils sont frappés par l'adversité, ils l'acceptent philosophi- quement. Leur bonheur consiste à suivre cette maxime : « (Jelui-là seul a vécu qui a hien vécu.» Mais parlons d'autres choses, car mon l)ut n'est pas de louer ou de criti((uer ces gens. Je ne voulais, en écrivant, que cette lettre fût pleine que de choses gaies et ((ue par elle tu pusses goûter au loin, une faible partie des plaisirs (juo nous avons ici. Adieu, mon très ainïal>le xNiccolo, fais part do ma lettre à Leonardo; car tout doit être commun entre amis. DKS ItMNS l»l. ll.\r>K 3(37 Salut, mon cher Xiccolo, à toi et à Leoiiardo; >aluez Cosme • de ma part. PoGGIO. 1. Le Cosme dont il est question est Cusme de Médicis, fils : • Jean, premier personnage illustre de cette illustre race, .'est le même qui, sans titre ni pouvoir officiel dans la répu- blique de Florence, obtint une si grande influence sur la direction des affaires publiques de sa patrie. Machiavel fait de lui le plus grand éloge; la jalousie démocratique s'effaroucha un moment de se* immenses richesses et de l'usage généreux qu'il en faisait. En 1433. Cosme se vit exilé à Venise, mais un TQ à peine s'était écoulé depuis la sentence de proscription, ue les Florentins le rappelèrent. Ce qui lait l'éloge de Cosme, est que tous les hommes d'esprit, Machiavel, Poggio et Leo- aardo d'Ari /zo entre autres, l'avaient en singulière vénération. Ant. Mer.w . Cosme mourut le 1" août 1464. C'est à lui que Poggio écrivit la lettre qui se tronve plus loin, en lui envoyant son dialogue : Un rieiUrn'd dnit-il se marier.