LES FACfiTIES DE POGGE TOME I Traduttes en Franfais, avec le Texte Latin EDITION COMPLETE TOME I Tenuis Isidore LISEAUX, Editeur 1878 ' AVERTISSEMENT' ES FaeHies resient I'ceuvre la plus populaire de Pogge, ct, si bizarre que ce rapprochement paraisse, la en Franpiis de traduction com- plete; celle-ci est la premiirequi pr^nte Pogge tel qu'il est, sans le mutiler ou le iravestlr. L'ancienne imitation atlribu^ i Guillaume Tar- dif, Lecteurdu Roi Charles VIII, e( imprimie vers la fin du IV* si^cle, n'est qu'une paraphrase. Elle ne contient d'ailleurs que cent dou^e contes aur deuxcent soixante-treije, et le choii n'est pas tr^judicieui, car I'auieur a ^loign^, non ce qui pouvaii paraitre un peu gaillard (les gens du xv* et du xvi* si^cle n'^taieot pas si pudibonds), mais ce qui regardatt les vices du Clerg^, matiire I. Plact en tfte de notre premEire tdition, pirue le iS M«r» 1878 (1 vol. in-18 ElMvirien, tirts i 7S0 eiem- VI AVERTISSEMENT in^puisable aux railleries, dans ce temps-la ; pour ce qu'il a conserve, il change le lieu de la sc^ne, invente des noms aux personnages et fait tout un roman *. II goutait Pogge, cependant, ce bon I. Comme exemple, void le d^but de sa traduction, tel que nous le trouvons dans Tedition de Jehan Bonne- fons, Paris, 1549, fi^ *^*c des rajeunissements d'ortho- graphe, mais sans modifications essentielles, dans celle de Jean-Fr^d^ric Bernard, Amsterdam, 1712 : CoNTE PREMIER. — D'uH pauvrc pescheuv qui loua et despita Dieu tout en une heure. Es parties de Lombardie aupr^s de a mer est une petite ville nomm^e Cajette, en laquelle ne demeuroient que tous povres gens, et dont la plus part n*avoient que boire ne que manger, fors de ce qu'ilz povoient gaigner et assembler en pescherie. Or est ainsi que entre eux Cajettans, fut ung nomm^ Naveiet, jeune homme, lequel se maria k une moult belle jeune fille, qui se mist k tenir son petit mes- nage, et est assez vray semblable, veu la grandeur lucca- tive dont il estoit, qu*il n'avoit pas de toutes monnoies pour change tenir ; dont il n*estoit pas fort joyeux, et non pas de merveilles : car gens sans argent sont k demy mors. Or est vray que pour la petite provision que ce povre jeune homme faisoit en la maison, sa femme souvent le tourmentoit et iempestoit, et si luy donnoit grandes re- prouches : tellement que le povre compaignon, comme tout d^sesp^r^, proposa de s'en aller dessus la mer, et de aisser sa femme, en esp^rance de gaigner, et de ne re- tourner jamais en sa maison, ne au pays, tant qu'il eust aucune chose conquest^. Et a doncques mist k poinct toutes ses besongnes, et fist toutes ses reparations aux navires, avecques aucuns certains complices et compaignons que il avoit. Partit d'avecques sa femme, laquelle il laissa en utie povre maisonnette toute descouverte, ayant seutlement ung petit lict, dont la couverture ne valloit comme riens. Et 8*en alia dessus mer, 1^ od il y fut pris de cinq ans ou AVERTISSEMENT VII Guillaume Tardif ; il Fappelle, dans son Epitre au Roi, c le bien lit^r^ et fac^tieus homme, Poge » Florentin », et il le loue d'avoir us6, « selon 9 la mati^re subjecte, de termes Latins fort plus, sans revenir. Or advint que tantost apr&s que ce diet gallant tut party, un Quidam, qui estoit tout de loisir, voyant la beault6 de ceste povre jeune femme (que son mary par povret^ avoit habandonn^e), vint k elle, et I'ex- horta par belles parolles, dons et promesses qu'il luy feist, tant qu'elle se consentit k faire sa voulent6, et mist en ou- biy la foy de mariage qu'elle avoit promise k son mary. Ainsi recouvrit la povre femme pour son mary ung amy, lequel la vestit plaisamment, et luy donna un tr^s- beau lict et belle couverture, luy feist refaire sa maison toute neufve, la nourrit et gouverna tr^s-bien : et qui plus est, k Taide de Dieu, et de ses voysins, en succession de temps luy feist trois beaulx enfans, lesquelz furent honnestement eslevez et nourris, tant qu'ilz estoient ]k tons grans, quant le mary de la m&re (qui estoit desj& oubli^) retouma : lequel au bout de cinq ans ou en- viron arriva au port de la cit6, non pas tant charge de biens qu'il avoit espoir quand il partit. Apris que ce povre homme fut descendu su'r terre, il s'en alia en sa maison, laquelle il veit toute r^parde, sa femme bien vestue, son lict convert d'une belle couverture, et son mesnage tr^s-bien em point. Quant cest homme veit cest estoit, ainsi que diet est, il fut moult csbahy, et demanda k sa femme dont ce proc6doit. Premier, qui avoit estd cause de refaire la maison, de la revestir si bien, qui luy avoit donn^ son beau lict, sa belle couverture, et g^n^rallemeni dont estoient procedez et venus tant de biens k la maison, qu'il n*y avoit au devant quMl partist. A toutes les de- mandes que ce mary feist k ceste femme, elle ne res- pondit aultre chose : sinon que la grace de Dieu les luy avoit envoyez, et luy avoit aid^. Adonc commen9a le povre homme k louer Dieu, et luy rendre grace de tant de biens qu'il luy avoit envoyez. Tantost apr^s arriva dedans la maison ung beau petit enfant environ de Taage de trois ans, VIII AVERTISSEMENT » ^l^gamment exquis et rh6toricques;» mais, en ne voulant donner que < la substance et Pinten- > tion de ses joyeux devis », il les a 6trange- ment d^figur^s. Les Editions qui suivirent, celles de Jehan Bonnefons (i 549) *, de Nicolas Bonnefons vers iSjb)j de Cousturier (1606), et de Jean- Fr^d^ric Bernard (Amsterdam, 1712), ne sont que des reproductions ou des rajeunissements de la premiere. Celle d'Amsterdam, ou les contes qui se vint frotter encontre la m^re, ainsi que la m^re radmonnestoit. Lors le mary se voyant tout esbahy com- men9a k demander qui estoit celluy enfant. Elle respondit qu'il estoit k eulx. Et le povre homme tout estonn6 demanda dont il luy estoit venu, que luy estant dehors, et en son absence, elle eust conceu et enfant^ ung enfant. A ceste demande r^pondit la jeune femme, que ce avoit est^ la grace de Dieu qui luy avoit envoys. Adonc le pauvre homme, comme tout hors du sens et en- rag^, commen9a k maugr^er et despiter Dieu, que tant sollicitement s'estoit mesl^ de ses besougnes et affaires; qu'il ne luy suffisoit pas de se mesler des affaires de la maison, sans qu'il touchast k sa femme, et luy euYoyer des enfans. Ainsi en peu d*heure le povre homme loua, mau- gr^a et despita Dieu de son fait. En ceste facecie est donn^ k entendre que il n'est rien si subtil et malicieux que une mauvaise femme, rien plus promt ne moins honteux pour controuver mensonges et excusations. Et k ceste cause qu'il n*est homme si ygnorant que aucunesfois ne congnoisse ou apper9oive une partie de sa malice et mensonge. I. Paris, Jehan Bonnefons, 1549, in-4<' Gothique; c'est la seule Edition Fran9aise que possMe la Biblioth^- que Nationale (Y«, 1543, Reserve). Cette Edition paratt donner, dans toute son int^grit^, le texte de Guillaume Tardif. AVERTISSEMENT IX sont r^duits k soixante-trei^e, est la plus com- mune, et, quoiqu'elle se vende cher, la moins estimable; chaque anecdote y est accompagn^ de remarques insipides. L^anonyme qui s^est avis6 de faire ce petit travail (David Durand, ou, selon Barbier, T^diteur Jean-Frdd^ric Ber- nard), a voulu tirer, de contes pour rire ou de libres reparties, des sentences morales, des deductions philosophiques ! Lenfant, dans son Poggiana, s'est pr^occup^ de leur cdt6 historique, et n'a pas 6t6 beaucoup plus heureux ; il a extrait du recueil une centaine d^anecdotes, pour les ac- commoder a sa guise, les abr^ger, leur donner du trait, et les m^ler a d'autres, de provenances ^tran- g^res. lis auraient tous entrepris de prouver que Pogge n^^tait ni un homme d^esprit, ni une fine plume, quMls n^eussent pas fait autrement. Mais la renomm^e du vieux conteur ^tait bien assise : ceux qui autrefois, du temps que le Latin ^tait la langue courante des ^rudits, lisaient les Fad-- ties dans ^original, leur avaient fait une reputa- tion qui a r^siste aux efforts inconscients des tra- ducteurs pour la ruiner. Tout r^cemment, deux estimables ^rudits, M. P. Ristelhuber, de Strasbourg, et M. Gustave Brunet, de Bordeaux, ont pris k coeur de faire juger les Fa- cities plus ^quitablement que sur ces pauvres echantillons. Uouvrage de M. Ristelhuber, inti-f X AVERTISSEMENT tu\6 les Contes de Pogge *, n'est en r6alit6 qu'un Choix des Contes de Pogge, car il n'en contient que cent dou^e, juste le m^me nombre que rimitation du Lecteur de Charles VIII ; presque tous sont ^court^s, quelques-uns outre mesure. Par exemple, le LXXVI«, jyun pauvre Batelier (c'est le CLXXV« de notre Edition), est coup^ a la moiti6; M. Ristelhuber s'arrSte k la premiere partie de la r6ponse du mauvais plaisant au batelier : « Ne passe jamais personne sans te » faire payer d'avancc », comme, si le conte 6tait fini : ce n'est pas la traduire; il est vrai que le reste est un peu 16ger, mais le plus souvent les suppressions portent, sans qu'on sache pourquoi, sur des details qui n'ofFrent rien de scabreux. Ce petit livre rach^te heureusement ce quMl a de d^fectueux, comme traduction, par des notes hi- storiques et des commentaires d'une certaine valeur. M. Gustave Brunet* a voulu completer le travail de M. Ristelhuber, et il a encore trouv6 cent trois contes dignes d'etre mis en Fran^ais; c'^tait un joli regain, mais tous ne sont pas de 1. Les Contes de Pogge, Florentin, avec introdu- ction et notes, par P. Ristelhuber. Paris, Alphpnse Le- merre, 1867, in- 16 de xxxii-i6o pages, tir6 k 213 exem- plaires. 2. Quelques Contes de Pogge, WzdrnXs pour la pre- miere fois en Fran9ais, par Philomneste Junior. Geneve, J. Gay et Fils, 1868, in-12 de xi-68 pages, tir^ k 104 exemplaires. AVERTISSEMENT XI Pogge, il s^en faut d'un bon tiers au moins, et ceux qui sont de lui n^ont . pas toujours ^t^ trds-fid^lement rendus; le traducteur a fait passer la vivacity du r^it par-dessus Inexactitude scru- puleuse. Les Faceties m^ritent cependant d'etre con- -sid^r^s mieux que comme un ensemble de ma- t^riaux bruts k rogner, tailler et polir. Pogge a donn^ lui-mSme k ces Menus Propos ou Joyeux Devisy comme il les appelait, une forme excel- lente, k laquelle il est parfaitement inutile d'en substituer une autre; aussi avons-nous fait une version litt^rale. Le soin qu'ont pris con- stamment ses pr^tendus traducteurs de T^laguer, de le raccourcir ou de le paraphraser, ferait croire qu'il abonde en details oiseux ou d'une licence exorbitante : il n'en est rien. Son r^cit, quoi qu'on dise, est bref, bien conduit, d'un tour ingdnieux et piquant, et ce qui domine, c'est la bonne humeur, la bonne grosse gaiet^, beau- coup plus que la licence. Pogge est de son temps ; il ne recule pas devant les mots, mais c^est pour assaisonner la plaisanterie ; il est sans gene k la manidre de Rabelais, mais il ne recherche pas les Equivoques comme BEroalde de Verville ; et Brantdme, par exemple, a bien plus de raffi- nements. D'ailleurs, au lieu d'employer, suivant I'ancienne coutume, des periphrases souvent pires XII AVERTISSEMENT que le mot propre, nous avons laiss^ en Latin les passages et les expressions qui pouvaient c scanda- lizer les foibles 3, comme disait le bon Abb^ de Marolles en traduisant Martial, et nous pren- drions volontiers pour ^pigraphe la vieille devise : Si non caste, saltern caute. Le texte que nous avons principalement suivi est celui de P^dition de B41e*, in-fol., i538, donn6e, dit-on, par Henri Bebel, 6rudit Allemand, aiiteur lui-mSme de Faceties, Celui de Francois Noel (Trajecti ad Rhenuntj 1797, ou Londini, 1798; 2 vol. in-i8), est aussi d^fectueux que le livre est mal imprim^. Noel a voulu faire parler Pogge en Cic^ronien, comme un auteur du xvi* si^le, et il a omis, sans aucune raison, bon nombre de mots ou mSme de phrases qui lui paraissaient inutiles. Sa manie r^formatrice a €x.€ jusqu^i^ remplacer les titres des contes, tels qu'ils sont libell^s dans les anciennes Editions, par d'autres de son invention, plus courts sans doute et plus piquants, mais qui ont le tort d'enlever au vieux conteur son cachet de bon- homie. Non que les titres anciens soient siire- ment de Pogge : il est possible quUls aient i\€ 1. Poggii Florentini oratoris et philosophi Opera, Gollatione emendatorum ezemplarium Recognita... Basiieae, apud Henricum Petrum, mdzxxviii, petit in-fol. de 6 ff. et 491 pp. AVERTISSEMENT XIII r^ig^ par ses premiers 6diteurs, mais, en tous cas^ ils sont tels qu'on les comprenait k son 6poque. Nous avons fait suivre les Faceties d'un Index des noms propres, qui pourra, jusqu'si un certain point, tenir lieu de commentaire. Les Saumaises futurs s'exerceront, s'ils le veuient, sur Pogge; le plus press^ ^tait de donner un texte qui man- quait. On pourra rechercher Porigine de quel- ques-uns de ses contes ou les innombrables imitations qui en ont €t€ £aites : Noel s^est d^j^, en grande partie, acquitt^ de cette besogne; les personnages qui y sont mis en sc^ne peuvent Stre aussi I'objet de notes historiques : Lenfant et, aprds lui, M. Ristelhuber s'y sont e$say6s, Au fond, la filiation de tel ou tel conte et Pidentit^ des personnages n'ont qu'un intdrSt fort accessoire. Les Faceties pr^ntent bien un certain caractdre de M6moires anecdotiques de la Cour des Papes, qui semble appeler des notes biographiques, et que les anciens traducteurs ont peut-^tre trop d^aign^ en francisant, de maniere k les rendre compl6tement mdconnaissabies, des noms d6)k latinises par Pogge : ainsi, dans I'imitation de Guillaume Tardif, Antoine le Louche, au lieu d'Antonio Lusco, et le vicomte Jannotot, au lieu de Giannozzo Visconti, sont ridicules. Mais, comme il ne s'agit, en somme, que de baga- b XIV AVERTISSEMKNT telles, il est plus que suffisant de r^tablir les noms alt^r^s, et d^accompagner quelques-uns d'entre eux d'une br^ve indication, sans ratta- cher n^cessairement k tous un commentaire. Faire de longues recherches k travers la chronologic et rhistoire, compulser VArtde purifier les dates et tout Muratori pour savoir au juste quel 6tait cet Ambassadeur k qui un Pape se plaignait d'avoir mal aux dents, ce serait se donner beaucoup de peine pour un trds- mince rd- sultat. Sauf quelques personnages historiques et un petit nombre de lettr^ ou d'amis de Pogge, les magnifiques Seigneurs et les Cardinaux tr6s- illustres dont il parle ou qu'il fait parler ont souvent aujourd'hui, en fait de notori^t^; celle que leur donne, dans ce recueil, un mot pour rire; ils ressemblent k ces Acad^miciens du xvii* si^cle, inconnus quoique immortels, dont on dit pour tout souvenir : c Tallemant leur a consacr^ une historiette. > Paris, !•' mars 1878. dbcfe(&fedi»;fc&fcdbcfccfccfe VIE DE POGGE >G le nouveau Pape du Concile de Pise. Mais pres- que aussitdt, Ladislas, Roi de Naples, envahit le territoire de T^glise. Jean XXIII dut s*enfuir et, dans Tesp^rance d'obtenir des secours de TEm- pereur, se r^signer k convoquer le Concile g^n^ral de Constance, qu'il ouvrit lui-mSme vers la fin de 1414. * Pogge venait alors de quitter la charge de simple Secretaire Apostolique pour devenir Secretaire intime du Pape. II ne. le fut pas longtemps : Jean XXIII, menace par le Concile, s'enfuit, deguise en postilion. Le Concile le suspendit, puis le deposa, et defendit aux officiers de sa maison de continuer k exercer aupr^s de lui leurs fonctions ordinaires; le malheureux Pogge ve- getait a Constance, loin de ses amis et de ses pro- tecteurs, et sans aucun espoir d'avenir. II essaya quelque temps de s'occuper par I'etude de I'He* breu ; mais les difficuUes de cette langue, le peu d'utilite qu'il y trouvait et aussi les ridicules du maitre qui la lui enseignait, le degodt^rent bientdt. II se mit alors k voyager. II se rendit aux bains de Bade, d'ou il ecrivit une de ses plus jolies let- b. XVIII VIE tres *, revint a Constance, vit condamner J^r6me de Prague, dont Th^roisme, en face de ses accusa- teurs, lui arracha un t^moignage d'admiration ; puis, pour se distraire de ces horreurs, entreprit de parcourir TAllemagne et de rechercher dans les monast^res les manuscrits des ouvrages perdus des anciens auteurs. On se ferait difficilement une id^ de Tardeur qu'il mettait a cette poursuite, dc la joie que lui faisait ^prouver le succes. Comme ses ressources ne lui suffisaient pas pour sub- venir aux frais n^cessaires, ses riches amis, Nic- colo de Florence et Barbaro de Venise, en suppor- taient la plus grande part. Quand il- s'agissait d'une trouvaille importante, mais plus dispen- dieuse, il s'adressait k quelque grand personnage, Prince ou Cardinal, et il le soUicitait, il rimpor- tunait mSme jusqu'a ce qu'il Feilt ddcid^ a se rendre acqu^reur des pr6cieux manuscrits. II ddcouvrit ainsi et publia plusieurs discours de Cic^ron; deux trait^s de Lactance; Tertullien, Lucrece, Manilius, Silius Italicus; une partie de Valerius Flaccus; Calpurnius, Columelle, Lucius Septimius, Nonius Marcellus; les trois grammai- riens Caper, Eutychius et Probus; Thistorien Ammien Marcellin; le commentateur Asconius Pedianus;rouvragedeFrontin sur les Aqueducs, et huit livres de Firmicus sur les Mathdmatiques. Un certain Nicolas de Treves, qu'il envoyait fouiller les monast^res ou il ne pouvait allcr lui- I. Les Bains de Bade au xv Steele, trad, en Fran- 9ai8 par Antony M^ray. Paris, liscux, 1876,10-18. DE POGGE XIX mSme^ eut le bonheur d'exhumer douze nouvelles complies de Plaute. Mais, de toutes ces d6cou- vertes, la plus importante fut celle que Pogge fit, chez les Moines de Saint-Gall, d'un exem- plaire complet de Quintilien. II le d^terra dans une sorte de cachot, t oil Ton n'aurait pas voulu mettre mSme des condamn^s k mort. » Aussi faut-il voir avec quelle indignation il parle de la barbarie des Moines, avec quel orgueil il releve rimportance de sa trouvaille, et comme il vante ce Quintilien qui < a si bien, si parfaitement dit tout ce qu'il faut pour faire un excellent orateur. » Mais aussi quels regrets, quand il se voit tromp6 par de faux renseignements et qu'il doit renoncer k Fespoir de completer Tite-Live ou Tacite ! Cependant, le schisme d'Occident avait pris fin. Otto Colonna, ^lu Pape sous le nom de Mar- tin V et reconnu par presque toute la Chr^tient^, quitta Constance et s'en alia sojourner a Mantoue, jusqu'^ ce que Rome filt assez calme pour qu'il piit 7 rentrer. Pogge Taccompagna, sans doute dans I'espoir de reprendre aupres de lui ses an- ciennes fonctions. Mais, loin d'etre accueilli, il parait qu'il fut inqui^t^ pour la liberty avec laquelle il avait souvent parl^ du Concile de Con- stance : car nous le voyons quitter Mantoue sans prendre le temps de dire adieu mtoe a ses meil- leurs amis, et se r^fugier en Angleterre, aupr&s de Beaufort , ^v^ue de Winchester. Beaufort lui avait promis monts et merveilles, XX VIE et ne lui donna qu'un maigre benefice. D'ailleurs Pogge ne trouvait en Angleterre rien qui piit le retenir : les livres y 6taient rares et PAntiquit^ presque inconnue. II revint en Italie, et finit par recouvrer sa charge de Secretaire aupr^s de Martin V, vers 1420 ou 142 1. La seconde partie de sa vie fut un peu moins tourment^. Cest dans les premiers temps de ce, s^jour k Rome qu'il composa son Dialogue sur Vavarice. Toutefois, ce premier intervalle de paix dura peu. Eugene IV ( Gabriello Condo- linieri), bien que V^nitien de naissance, prit parti dans les factions de Rome : il fit tant, qu'on le chassa de la ville. II y rentra, on le chassa de nouveau ; il s'^chappa sous une grSle de pierres. Pogge fut moins heureux : des soldats Parrdt^rent en chemin, et il ne put gagner Florence qu'apris le payement d*une forte ran^on. L^, nouvelle deception : Cosme de M^icis, celui de ses protecteurs sur lequel il comptait le plu8> venait d*Stre exil^ par la faction aristocratique. Pogge profita du moins de ses loisirs pour en- tamer, avec le professeur Filelfo (Francois Phi- lelphe), ennemi des M^icis, une de ces qu&- relles si fr^quentes alors entre drudits. Ses invectives contre Philelphe sont d'une violence inouie : il Taccuse de vol et de moeurs inflmes; il le traitede bouc puant, de saleporteur de comes, et le reste. VoiU quelles ^taient les am^nit^s de la poUmlque au xv« si^le, et comment Pogge DE POGGE XXI traitait ses adversaires. II est vrai que ceux dit Pogge, c je n'ai plus k me plaindre du malheur des temps et je suis pour ainsi dire rentr^ en grace aupres de la Fortune. » Definitivement mis k I'abri du besoin, il n'en tra- vailla qu'avec plus d'ardeur, II composa successi- vement des Dialogues sur les Vicissitudes du sort et sur VHypocrisie, une Invective contre I'Anti- pape Fdlix V, des traductions de Diodore de Sicile et de la Cyropedie, son recueil de Fdceties, et trois Dialogues sur des sujets divers, qu^l r^unit sous le titre de Historia disceptativa convivalis. En 1453, par la protection des M^dicis, les Florentins Tappel^rent chez eux pour remplir la place de Chancelier de la Republique,'puis de Prieur des arts. Cependant son caract&re ira- scible etait toujours le mSme; k Rome, il avait si XXIV VIE bien exasp^r^ par ses critiques le Secretaire Apo- stolique Georges de Tr^bizonde, qu'ils en vinrent un jour jusqu'^ se coUeter en presence de tous leurs collogues; k Florence, il apprit qu'on Tavait attaqu^ k son tour; il attribua certaines anno- tations k Laurent Valla, qui en ^tait innocent, et tout aussit6ty sans plus d'examen, il lan^a contre lui une diatribe furieuse, ou il commence par des v^tilles de grammaire, et finit par les injures les plus atroces. Laurent Valla lui rdpondit sur le m^me ton. II y eut plusieurs r^pliques; la querelle s'envenima par Tintervention d'un di- sciple de Valla, Niccolo Perotti^ qui ne fut pas mieux traits que son maitre, et pour la faire cesser, il ne fallut rien moins que Tentremise de ce Philelphe, Tancien adversaire de Pogge^ depuis peu de temps rdconcili^ avec lui . Ce fut la derni^re querelle de Pogge. II passa tranquillement le reste de sa vie k composer un Trait6 sur le Malheur de la destinee humaine, une traduction de VAne de Lucien, et surtout une Histoire de Florence, dont le texte original n'a 6t6 public qu'en 171 5. II mourut le 3o Oc- tobre 1439, k P&ge de soixante-dix-neuf ans. On Pinhuma avec pompe dans T^glise de Sainte- Croix, a Florence ; son portrait fut plac^ dans le b&timent public appel^ le Proconsolo, et c4 lui 6rigea mSme une statue, qui fut instance sur la facade de T^glise Santa Maria del Fiore, Cette statue, enlev^e de sa place primitive, figure au- jourd*hui dans un groupe des Douze Apdtres, DE POGGE XXV oil le conteur des Faceties, plus calme d^sor- mais, fait bon manage avec les conteurs des ^vangiles*. I. On s'est born^f dans cette Notice, k mentionner les titres des OuYrages de Pogge; le travail qne noos don- nons ci-aprte, tir^ des Mhnoires de Littirature de Sal- lengre, compldtera heareasement ce qa*il est essentiel d*en savoir. MfiMOIRE LES OUVRACES DE POGGE Extrait dca Mimoires de Littiratitre Eur-fiTKE que bien des pertonnes qui ne voudraient pas se donner la peine de lire les Ouvragei de Pogge, ne seront pas fSch^cE d'en avoir quelque id£e en parcourant I'exlrait que j'en vais donner. Lu principalis Ouvrages de notre Auteur (i'eu excepte son Hi- stoire de Florence} ont €li recueiltis ensemble, et r^imprim^s plus d'une fois. La premiire Edi- tion an parui en iSio, in-folio, ^ Strasbourg, GhM Jean Knoblouch; ce fut i un certain Tho- mas D. Aucuparius, qui se donne le litre de f>oSte couranni, Poela Laureatus, qu'on eul ['obligation de ce recueil. U dit, dans une espice de D£dicace k S£baslien Brandt, que, de tous les OuvragGB de Pogge, on n'avait jusque-li im- 1. Li Haye, 171 J' 17 17, 4 toI, in-il. M^MOIRE SUR LES OUVRAGES DE POGGE XXVII prim^ presque autre chose que les Facetice *, et qu'ayant ramass^ divers Ecrits de cet Auteur, il avait cru rend re service a Pogge et aux gens de Lettres de Jes faire imprimer. Deux ans apr^s, c'est-a-dire en iSiS, il s'en fit dans la meme ville une nouvelle Edition fort augment^e, et sur celle-1^ se fit Tuition de B41e en i538, chez Henri Pierre, qui est la plus commune. Elle porte pour titre : Poggii Florentini Oratoris et Philosophi Opera, collatione emendatorum exemplarium recognita, etc. Toutes ces Editions sont fort peu exactes, les fautes y sont sans nombre, et je n'oserais d^ider quelle est la moins fautive. Nous allons donner le precis des diffi^rentes Pieces qui composent ce Recueil. La premiere est une dispute sur I* Avarice, elle est en forme de Dialogue; je remarquerai a cette occasion, que la maniere de publier des Trait^s en forme de Dialogues, a 6t6 fort usit^ chez les Italiens. Cest ainsi que Pierius Vale- rianus a compost son Traits du Malheur des gens de Lettres (de Inf elicit ate Litteratorum) ; S6bastien Corradus sa Vie de Ciceron, sous ce titre obscur de Seb. Corradi Qucestura; Pierre Alcyonius son Traite de VExil (de Exsilio). C*est ainsi encore que I'Ar^tin a public ses pieces sales; I. II paratt par la Bibliotkeque de Gesner, ^dit. i583, que les Facetia avaient Hi imprim^es d^s I'annde 1477, k Milan. XXVIII m£moire sur les ouvrages Boccace son Dicamerom; Jean-Baptiste Gelli, Cordonnier et Acad^micien de Florence, les Ca- pricci del Botaio, etc. Pour venir done a cette premiere pifcce, c'est une conversation entre Antonio Lusco, Cincio de Rome, Bartolommeo de Monte Pulciano et quel- ques autres. Elle se tint un jour d'^t^ k la maison de campagne de ce dernier. Apr&s avoir soup6, la conversation tomba sur 1* Avarice et sur la Luxure; I'Hote de la maison d^dama vigoureusement contre ce premier vice, qu'il soutint etre beaucoup plus grand que Tautre : c Car, > dit-il, c quoique 1 les Sages ayent dit que la Luxure est la source > de beaucoup de maux, n^anmoins en tant ) qu*elle contribue k la propagation du genre ) humain, on pourrait dire que c'est un mal » /igr^able, et qui ne fait tort qu'a celui qui le > commet. Mais I'Avarice n'est propre qu*a ren- > verser la Soci^t6, elle nuit, elle blesse, elle hait > tout le monde; ^loign^e de tout ce qui est > louable et honnSte, c'est un monstre afPreux * et horrible, form6 pour la ruine de la Soci^t6 > et du genre humain. Croyez-m'en, rien de > plus vilain que TAvarice, rien de plus hon- > teux, rien de plus horrible; si Ton pouvait 9 voir sa face, les Furies sortant en corps de PEn- > fer ne nous sauraient effrayer davantage. Je » ne veux pas me servir d'exemple pour n'of— I. Les Contes qui component le Dicamiron ne sont pas en forme de Dialogue, mais lis furent rapport^s en pre- sence de plusieurs personnes qui s'^taient assembles. DE POGGE XXIX » fenser personne, mais s'il m'^tait permis, je » prouverais d^monstrativement qu'il n'y a nul » mal, nul crime qu'elle ne renferme en soi, et » qu'il n'y a aucune bonne quality qu'elle n'ote » a celui dont elle s'est empar^e. Elle le d^pouille ) de toute amitie, bienveillance, charity ; elle » le remplit de haine, de fraude, de malice, d'im- 9 pi6t6, rendant I'homme sc^l^rat et cruel, en » sorte que tous les autres vices rassembl^s ne » sont pas comparables avec TAvarice, tant cette » tache est 6norme. » II continue sur ce ton a faire voir combien ce vice est ^norme. Antonio Lusco prit ensuite la parole et t^cha de prouver que TAvarice est un moindre mal que la Luxure, que TAvarice rapporte divers biens et divers avantages k la Soci^t^, et que presque tout le monde est tach6 plus ou moins de ce vice. Apr^s avoir fini son discours, Andr6 de Constantinople lui r^pliqua et r6futa les arguments dont il s'^tait servi, et il conclut par ces belles paroles de Cic^ron : t Que rien n'est plus la marque d'un petit g^nie et d'un esprit born6 que d'aimer les richesses, et qu'il n'y a rien de plus hon- nSte et de plus glorieux que de les m^priseo quand on ne les a pointy et quand on les a, de les employer en bienfaits et en lib^ralit^s. Nihil esse tarn angusti, tamque parvi animi, quam amare divitias; nihil honestius, magnificentiusque quam pecuniam contemnere, si non habeas : si habeas, ad beneficentiam liberalitatemque conferre, » Antonio applaudit a cela avec tous les autres, et lis se s^par^rent ainsi. c. XXX M^MOIRE SUR LES OUVRAGES On voit ensuite VHistoire convivale : Pogge Tadresse au Cardinal Prosper de Colonna; il lui dit que le temps qu*il avait employ^ k com- poser ses Ouvrages Tavait beaucoup aid^ k sup- porter le malheur des temps; qu'il n'avait pu songer sans regret et sans douleur que, quoique aif(anc6 en &ge, il 6tait si peu k son aise, qu'il se trouvait oblig6 de songer plus k gagner sa vie qu*a cultiver son esprit; que n^nmoins la g6n6ros\l6 du Pape Nicolas V lui avait 6t6 pour lors tout sujet de plainte, en sorte qu'il pa- raissait €tre enfin r^concili^ avec la Fortune. Cette Histoire convivale contient trois Dissertations : voici a quelle occasion elles furent faites. La mSme ann^e que la peste obligea Nicolas V de quitter Rome, notre Auteur se retira k Terra- Nuova, son lieu natal. Il y fut visits par Charles Ar^tin, Benoit Ar^tin, Jurisconsulte, et Nicolas Fulginus, fameux Philosophe et M^decin de profession. Aprds le repas, ils agit^rent les trois questions qui sont le sujet de ces Dissertations. Dans la premiere, on discute qui des deux doit faire des remerciments, si c'est celui qui est invito ^ un repas, ou bien celui qui y a invito les autres. Charles Ar^tin y soutient contre les autres que c'est ce dernier qui doit remercier; c'^tait aussi le sentiment de D^iftocrite : a ce que rapporte Seneque quelque part, il disait qu'il n'irait point k un festin s'il savait qu'on nc Pen remercierait point. Dans la seconde Dissertation, Pogge propose la question, savoir lequel des deux Arts, de la DE POGGE XXXI M^decine ou du Droit civil, est le plus excellent. Nicolas Fulginus, M^decin, prend le parti de la M6decine, et Benoit Ar6tin, Jurisconsulte, celui du Droit. lis parlent tour k tour et chacun fait un ^loge magnifique de sa profession, m^prise et d^clame contre celle de I'autre. II me semble voir deux Charlatans campus Pun proche de Pautre, qui, en vantant leurs drogues et en d6- criant celles de leur voisin, tllchent d'attirer a eux tout le monde et de d^biter ainsi leur mar- chandise. La troisitoe Dissertation est la meilleure. On y examine si les anciens Romains ont eu tous la mSme langue, c'est-^-dire, sMl y a eu une langue pour les gens«de Lettres, et une autre diff6rente pour le commun peuple. Leonard Ar^tin avait ^crit une Lettre k Blondus Flavius en faveur de ce dernier sentiment ; Pogge soutient ici le premier, il all^gue les raisons sur lesquelles il se fonde et r^pond ensuite aux objections de Leonard Ar6tin. Je ne saurais entrer dans un si grand detail, je me contente de renvoyer le lec- teur a VHistoire critique de la langue Latine, par M. Walchius, qui distingue aussi deux sortes de Ungues : distinction pourtant qui ne fait rien contre Pogge. M. Walchius dit qu'il y avait une langue savante, docta, et une autre pour le peuple, plebeia; que la savante 6tait celle dont les Anciens se servaient en dcrivant, et que Pautre 6tait celle qu'ils employaient dans la conversation. Je ne crois point que Pogge ni&t cela, mais il soutenait qu'il n'y avait point deux langueB XXXII M^MOIRE SUR LES OUVRAGES difiP^rentes, I'une affect^e pour les gens au-des- sus du commun, et Tautre pour le peuple. Ce qui fortifie k mon avis I'opinion de notre Aut:eur> c'est que, dans Terence et dans Plaute, les valets parlent aussi bon Latin que leurs maitres. Et s'ils avaient eu une langue a part, Terence et Plaute n^eussent pas manqu6 de leur faire parler leur langage naturel, tout de mSme que dans nos comedies on fait parler aux paysans leur patois ordinaire. En agir autrement, ce serait p^her directement contre les regies de Part et du bon sens, regies que les Anciens mSmes nous ont donn^es. J'avoue, apr^s eel a,' que les gens de quality s'^noncent plus noblement que ceux du commun, mais la langue est tou jours lamSme. Passons au Traite de la Noblesse. II parle de la mani^re de vivre des Nobles de Naples, de Venise, de Rome, d'Allemagne, de France, d'Angle- terre, d'Espagne, etc.; il recherche ensuite la nature de la veritable Noblesse, et il conclut qu'il n'y a que la vertu qui nous rende v6rita- blement Nobles. Notre Auteur parle un peu cavali&rement dans ce Traits sur le chapitre des V6nitiens. Laurus Quirinus, Patrice V^nitien, lui r^pondit vivement. Au reste Pogge, dans une Lettre k Thomasius, Philosophe et M^decin V6nitien, dit n'avoir mal parl6 de ceux de Venise que pour se venger de quelques Nobles V^ni- tiens, quMl s^imaginait avoir excite la guerre en Italie : il ajoute que d'ailleurs il ne vou- lait point de mal k la Nation, qu'il avait mSme DE POGGE XXXIII eu dessein de se faire recevoir Bourgeois k Ve- nise et de s'y retirer pour le reste de ses jours : que, dans cette vue, il avait r6solu d'en ^crire I'Histoire ; mais qu'ayant 6t6 rappel6 dans sa Patrie et y ayant obtenu un poste honorable, il avait chang6 de sentiment. Apr^s cela suivent deux Livres de la Misere de la Condition humaine; ils sont pr^c^d^s d'une Lettre de Henri Bebelius a Leonard Dur, Abb6 d'Adelberg, etc., dans le Cabinet duquel il dit avoir trouv6 ces Traites en manuscrits. Pogge attaque fortement les Moines dans cet Ouvrage; il d^peint au naturel leur luxe, leur fain^antise et leur mauvaise vie, il ne les manage en aucune mani^re. Cela ne dut pas sans doute le mettre gu^res bien dans leur esprit; car avant ceci ils lui voulaient d^ja du mal, comme il I'a re- marqu^ lui-m^me, a cause d'un Traits qu'il avait compost contre les Hypocrites. Dans le second Livre, il parle fort librement des Cardi- naux et des- Papes; il atteste que, de tous les Pr^lats quUl a connus pendant les cinquante ans qu'il a passes k la Cour de Rome, il n'en avait trouv^ aucun qui se crut Stre heureux en quelque maniere, et qui ne regrett^t son sort: il ajoute que piusieurs Papes se sont plaints k lui en par- ticulier de la servitude k laquelle la tiare les assujettissait, et quMls d^testaient en quelque maniere cette dignity : de 1^ il passe a la conduite des Papes, il dit qu'il y en aeu piusieurs qui n'ont song^ ni k Putilit^ des Chretiens, ni XXXIV M^MOIRE SUR LES OUVRAGES k d^fendre la Foi ; que la plus grande partie d^en- tre eux n^ont travaiI16 qu^^ avancer et k enrichir leurs parents, quMls n^ont presque eu ni doc- trine ni religion, et qu'ils ont fait tr^s-peu de cas de la vertu : c en telle sorte, » dit notre Auteur, f que si je n'eusse cru que cela arrivait par la Providence divine, je me plaindrai's quelquefois que Dieu *n^glige enti^rement ou les homines ou sa Religion. » Notre Auteur n'a garde d'ou- blier les Cardinaux : < II faudrait, » dit-il, c faire un grand livre, si nous voulions d^crire la vie, les mceurs et les vices de beaucoup d'entre eux que nous connaissons. » On sent bien que Pogge n'dtait plus attach^ a la Cour de Rome lors quMl 6crivait cela, pareil langage aurait 6x6 tr^ mal re^u ; il ne se d^chargea le coeur que lors- qu'il fut en pays de sOret^, c'est-i-dire, lorsqu'il fut retourn^ a Florence : aussi composa-t-il ce Traits immddiatement apr&s son arrivde *. Lc reste de ce Livre est employ^ k faire remarquer Pinconstance et la vicissitude de toutes les choses de la vie, les revolutions qui sont arrives dans les Empires, les mines, les embrasements, les tremblements de terre, la peste, la famine et les autres maux qui ont afflig^ le monde. La Description des mines de Rome, par notre I. Cest ce qui paralt dans les premieres paroles de cet Ouvrage : « Septuagesimam cttatis annum agens, cum e Romana Curia, in qua annis ferme quinquaginta fueram versatus, Florentiam revertissem. » DE POGGE XXXV Auteur, est courte. II y fait Penumeration des anciens monuments des Romains, qui s^^taient conserve jusqu'alors. La piece suivante est la traduction de VAne de Lucien; comme elle est connue, nous ne nous y arreterons point. Ensuite viennent les Invectives : ce mot indique assez ce qu'on doit attendre; en effet, le contenu y r^pond parfaitement bien : Pogge savait d6-> clamer k merveille; les termes offensants, les ^pithetes injurieuses ne lui coiitaient rien. La premiere Invective regarde Am^d^, Due de Sa- voie, 6\u Pape sous le nom de F^lix V, par le Ck)ncile de B41e. II Paccable d'injures, il ne se contente pas de le traiter d-h^r^siarque, de schi- smatique^ il va jusqu'^ Tappeler TAntechrist : et comme I'autre alleguait en sa faveur le Concile de BSle qui Pavait dlev^ k cette dignity, il d^clame trfes-vivement contre ce Concile, qu'il traite de Conciliabule, de domicile de s^ditieux, de de- meure de sc^l^rats, de maison de perfidie. II dit que cette assembl^e ^tait compos^e d^apo- stats, de ^^l^rats, de fornicateurs, d'incestueux, de d^serteurs, de blasphemateurs, et de tout ce qu'il y a de gens in£^mes : que cette canaille avait 6t6 corrom'pue par cet anti-Pape a beaux deniers comptants. Tout le reste de VInvective est sur le mime ton. La suivante est contre Fran9ois Philelphe, Savant et Poete renomm^ de ce temps-1^, mort ¦a* XXXVI M^MOIRE SUR LES OUVRAGES en 148 1 *. Notre Auteur la composa pour venger son ami Niccolo d'une Satire qu© Philelphe, qui 6tait naturellement fort m^disant, avait publi^e contre lui. II lui reproche que sa m^re gagnait sa vie k Rimini en nettoyant des boyaux; quUl avait 6t6 banni de sa viile; qu'il 6tait non-confor^ miste; qu'ayant 6x6 pour cela chass^ de Padoue, ou il etudiait sous Gasparin, il s^^tait retir^ k Constantinople; qu'^tant 1^, il avait trouv6 moyen de s'insinuer dans Pesprit du fameux Chryso- loras, qui le refut chez lui : qu'ensuite il avait d^bauch^ sa fille et en avait joui; que le p&re ayant d^couvert cela, avait d'abord voulu le tuer, sur quoi il s'6tait enfui; que n^anmoins la fille s'6tant trouv^e grosse, le p^re, a force de solli- citations, avait enfin consenti k la lui donner en manage *. II lui reproche encore qu'il avait vol6 1. Pogge s'est aussi amus^, dans ses Facities, k dauber Francois Philelphe; c*est k lui, notamment, qu*il fait I'attribution du fameux anneau pr^servatif de jalousie (Gonte CXXXIII, Visio Francisci Philelphi). — Note du Traducteur. 2. « Pulsus olim Patavio turpiter, ubi Gasparinum audiebas, propter adolescentis quo deperibas insanum amorem, Constantinopolim tanquam in asylum egenus atque inops confugisti. Ibi in Joannis Chrysolorce doc- tissimi atque insignis equitis familiaritatem, discendi cupiditatem prce te ferens, insinuasti. Qui tua pcrbo- sitate motus... te domi suas recepit, ignarus futuri; hospitem enim pudicum, non Paridem adulterum se recepturum putabat. At tu ejus virginem filiam stu- prasti... Cum te tile miser qui serpentem domi nutrierat, moechum filio! deprehendisset, de te interficiendo const' Hum cepit. Sed quid ageret, vir licet prudens?.. Ita^ue DE POGGE XXXVII k son beau-p^re des livres et beaucoup d*autres choses, et que, pour faire consentir a ses inf^mes d^sirs un jeune homine dont il ^tait amoureux, il Pavait plac^ dans son lit entre sa femme et lui. La seconde Invective de notre Auteur contre Philelphe a €t6 conipos^e k l^occasion d'une nouvelle Satire que ce dernier avait publi^e contre Niccolo. Pogge continue ici a le traiter de sc^l6rat; il I'accuse d'avoir derob^ Pargent d'un Fr^re Mineur k Bologne; il lui reproche sa noire ingratitude envers Niccolo, qui Pavait assist^ dans sa mis^re et lui avait rendu des services considerables; il ajoute qu'il ^tait en horreur k tout ce qu'il y avait alors de Savants, k Charles Aretin, k Leonard Ar^tin, a Leonard Justiniani, k Francois Barbarus, a Guarin de V^rone, k Nicolas Luscus, et qu'on Pavait banni de Florence. Dans la troisieme Invective, Pogge fait un de- tail de toute sa vie aussi ample que s'il avait toujours ^t^ k ses trousses : le tout entremSl^ de railleries, d'ironies, d'injures, d'exclamations; en un mot, il emploie toutes les figures de la Rh6torique. II faut avouer que si le quart de tout ce que notre Auteur reproche k Philelphe est veritable, c'^tait un grand sc^l^rat. La derni^re Invective, qui n^en est pourtant Chrysoloras mosrore con/ectus, compulsus precibus, malo coactus, filiam tibi nuptui dedit a te corruptam, qua si extitisset integra, ne pilum quidem tibi abrasum ab illius natibus ostendisset. » XXXyill M^MOIRE SUR LES OUVRAGES pas une, est intitul^e ici : Invectiva excusatoria Poggii et reconciliatoria quanta cum Francisco Philelpho. C^est une esp^ce de lettre de reconci- liation k Philelphe; elle est ^rite en termes fort g^n^raux, qui dans le fond ne signifient pas grand'chose^ et en effet il lui en avait trop dit pour pouvoir se r^tracter avec honneur. Passons aux Invectives que notre Auteur p\i- blia contre Laurent Valla, c^l^bre Grammairien de ce temps-l&, mais d'une humeur fort mor^ dante, qui donna lieu k cette ^pitaphe : Ohel ut Valla silet! solitus qui parcere non ett. Si quofris quid agat, nunc quoque mordet humum, c Eh! eh! Valla ne dit mot, lui qui mordait > tout le monde. Demandez-vous ce qu'ii £iit? 1 il mord encore la poussi^re. i II ne se peut rien imaginer de plus fort que les quatre Invectives que I'on voit ici. Pogge traite Valla avec le dernier m^pris, il lui re- proche une infinite de mauvaises actions; on y trouve k chaque page les ^pith&tes de bestia, latrator furibundus, insanus, convitiator, demens, hcereticus, monstrum, etc, Et de quoi s'agit-il done? de quelques mots, de quelques phrases que Valla avait condamndes dans les Lettres de Pogge, comme peu Latines. Nine ilia lacrimce, voiU tout le sujet de la querelle. Valla avait reproch^ k notre Auteur les soufflets qu'il avait re^us de George de Tr^bizonde; Pogge passe fort DE POGGE XXXIX l^g&rement sur cet Article. II r^pond simple- menty que non-seulement il y avait eu des souf- flets donnds, mais encore des coups de pieds et des coups de b^ton, quHl y avait eu aussi des dpdes tiroes : Non enim colaphis tantum, sed calcibusj fustibuSy ferro res acta est, II se sert ensuite de recrimination; il dit que Valla, 6tant k la Cour du Roi de Naples^ eut querelle avec un certain chevalier Alphonse, qui le jeta par terre, et Passomma k coups de pieds et k coups de poings. Un peu auparavant, il avait rapport6 Paction valeureuse de Valla, qui, ayant refu par hasard k Naples un coup de pied d'un Ane, s'en vengea en le tuant k coups de b&ton. Je viens aux Oraisons Funebres de notre Au- teur. La premiere contient le Pandgyrique du Cardinal de Florence. SUl faut prendre au pied de la lettre tout le bien que Pogge en dit, ce Cardinal ^tait un homme d^un rare merite.,11 dtait ni k Padoue, et il s'^tait particuli^rement attach^ k P^tude du droit, qu'il avait ensuite enseign^ publiquement et avec reputation. Apris cela le Pape Jean XXII Pavait nommd iSv^que de Florence et ensuite Cardinal : peut-^tre qu'il serait devenu Pape s'il avait v^cu plus long- tempt. II mourut k Constance le i6 septem- bro 141 7, pendant que le Concile s'y tenait, et ce fut \k que notre Auteur rdcita cette Oraison Fun&bre. La seconde est destinde k faire P^loge du Car- dinal de Sainte-Croix. Voici, en peu de mots, les XL MEMOIRS SUR LES OUVRAGES faits historiques de la vie de ce Cardinal, que j'ai extraits de cette Harangue. II naquit k Bo- logne, il 6tudia en droit dans lllniversitd de cette ville ; ensuite, d^goQt^ des choses de la vie, il embrassa TOrdre des Chartreux, le plus aus- tere de tous. Quelque temps apr&s il fut £lu Sup^rieur de son Monastere, et ensuite il fiit nomm^ a T^vSch^ de Bologne, dignity qu'on Tobligea malgr6 lui d'accepter, et dans laquelle il se signala par une infinite de belles actions. Martin V Penvoya en France et en Angleterre, pour faire la paix entre ces deux Rois; il se fit aimer et estimer de ces deux Princes, mais sa n6gociation ^choua. Martin V crut ne pouvoir mieux rendre justice a son m^rite qu'en lui don* nant le chapeau de Cardinal. II fut envoy6 k Venise pour faire la paix entre le Due de Milan et les V6nitiens joints aux Florentins, qui se fai- saient la guerre vigoureusement. II accommoda leurs difiPi^rends, mais la paix fut de courte dur6e. Cela Tobligea k y retourner pour tocher de mettre fin a cette guerre, et enfin, au bout de six mois, il leur fit conclure le Trait6 de Paix a Fer- rare, II fut envoys de rechef en France, oil il resta deux ans entiers. II eut ordre en s'en retour- nant de passer a B41e, d'ou il vint a Florence trouver le Pape Eugene IV, qui avait succ6d6 k Martin V, et qui s'6tait retir6 dans cette ville. Cc Pape le renvoya pour la troisieme fois en France; car on 6tait persuade qu'il n'y avait que le Car- dinal de Sainte-Croix qui put porter les esprits a la paix. Etant revenu de 1^ k Florence, il fiit DE POGGE XLI renvoy6 encore a Bdle, d*ou il vint k Bologne aupres du Pape, qui le d^puta a Nuremberg vers Albert, Roi des Remains, pour pr^venir Ic Schisme que causa ensuite le Concile de B4Ie. Enfin, a son retour de cette Ambassade a Ferrare, il demeura le reste de ses jours auprds du Pape, qui le fit grand P^nitencier. II mourut de la pierre, ^ge de soixante-huit ans. La troisieme Harangue de Pogge a ^te faite sur la mort de son ami Niccolo Niccoli, Bourgeois de Florence. II ^tait n6 dans cette ville, ou son pere 6tait marchand; mais il ne fut pas d'hu- meur a suivre cette profession, car il prit goiit a Tetude. 11 s'attacha a Louis Marsigli, Moine Augustin et des plus savants de ce temps-la. Sa passion pour les livres n'avait point de bornes. II en avait rassembM un si grand nombre de tous les coins de TEurope, qu'il avait form6 la plus belle Bibliotheque de Tltalie; et ce quMl y a de plus louable, c'est qu'il en laissait Tusage k tout lemonde : chacun y pouvait lire et transcrire ce quMl jugeait a propos. Ce fut lui qui fit venir a Florence Emmanuel Chrysoloras, I'homme de son temps qui entendait le mieux le Grec, Guarin, Jean Aurispa, Francois Philelphe, tous fort habiles gens. En un mot, c'^tait le Mecenas de son temps, et outre cela I'homme le plus savant, le plus aimable qu'on puisse concevoir. II ordonna par son testament qu'on ferait une Bibliothdque publique de ses Manuscrits, qu'il avait rassembles au nombre de huit cents. II mourut enfin kg€ de soixante-treize ans. XLII M^MOIRE SUR LES OUVRAGES La quatridme Oraison contient le Pan€gyrique de Laurent de M^dicis, qui avait 6t6 fort des amis de Pogge. On y fait son dloge en termes gen^raux : on n*y apprend d'ailleurs rien de par- ticulier sur sa vie. La derni^re Harangue est adress6e au Pape Nicolas V. Le but de ce Discours tend k exhorter ce Pontife a la beneficence et a la lib^ralite, k joindre la inis6ricorde a la justice, et a ^couter avec docilite les remontrances qu'on pourrait lui faire. Je ne sais quelle dtait la coutume de ces temps-Ill, mais aujourd'hui pareille Harangue serait tr^s-mal recue; ce ne serait pas moins qu*un crime d'jfitat. Les'Lettres de Pogge sont au nombre de qua- rante-deux. Je parle de celles qui sont dans ce Recueil; car M. Recanati (Vie Latine de Pogge) dit qu^il y en a qui n'ont jamais 6t6 imprim^es, et il en cite plusieurs fragments. Celles qu'on voit ici sont la plupart sans date, et ne sont pas rang^es dans un ordre chronologique. Pendant le s6jour que Pogge fit a Constance, il alia faire un tour aux Bains de Thuringe, et il en fait une description fort naive dans un^^ Lettre qu*il 6;rivit a Niccolo. La liberty avec la- quelle on y vivait, paraissait quelque chose d'in- concevable a un homme qui avait toujours de- meure de dela les monts. Les hommes et les fcmmes, vicilles et jeunes, entraient indifiFerem- ment dans les mSmes bains, ou ils se divertis- saient et badinaient ensemble; les maris voyaient DE POGGE XLIII S9ns la moindre peine les Strangers patiner leurs femines; la jalousie est un terme qui leur ^tait inconnu. Cela plaisait fort a notre Auteur ; ne se lavant que deux fois par jour, il passait le reste du temps a aller voir les bains, et a jeter aux femmes, selon la coutume, des bouquets de fleurs et de I'argent. Cela excitait une espdce de combat entre elles a qui I'attraperait; et ce quUl y avait de divertissant pour Pogge, c'est qu*en se chamaillant ainsi, elles laissaient voir leurs beaut^s les plus cach^es; cette Lettre m^rite d'etre lue aussi bien que la suivante adress^e k Leo- nard Ar^tin. Celle-ci contient la Relation de ce qui s*6tait pass6 au supplice de Jerome de Prague. On ne saurait lire, sans ^tre attendri, la Harangue que ce pr^tendu H6r^siarque pronon^a devant ses Jugespassionn^set pr^venus : c Quelle injustice! > dit-il, c pendant trois cent quarante jours que vous 9 m'avez tenu enchain^ dans un cachot obscur » et infect, destitu^ de toutes choses, vous avez » tou jours ^cout6 mes ennemis^ et vous me r^ » fusez une seule heure d'audience. lis ont eu le » temps qu'ils ont voulu pour vous faire croire > que je suis un h^r^tique, un ennemi de la 9 Foi, un pers^cuteur des Eccl^siastiques, et c'est 9 pour cela sans doute que vous ne voulez pas » m'entcndre; parcc que vous m'avez jug6 avant » que d*avoir pu connaitre quel je suis. Cepen- 9 dant vous fites des hommes et non des Dieux, 9 vous €tes mortels et vous ne vivrez pas tou- 9 jours. Vous n'etes pas non plus infaillibles; XLIV MEMOIRE SUR LES OUVRAGES • il peut vous arriver de vous tromper vous- » m€mes, et d'etre s6duits par les autres. On dit » que toute la lumi^re et la prudence est ras- » sembl^e ici; il y va done de votre gloire et de » votre int^ret de ne rien faire l^g^rement, et » sans une mtlre deliberation, de peur de com- B mettre quelque injustice. Pour moi, je ne suis » qu'un homme de peu d*importance, et quoi- B qu'il s^agisse ici de ma vie, je suis mortel, et » c*est beaucoup moins pour mon propre in- » t^r^t que je parle, qu'afin d'emp^cher que » tant de personnes sages ne se portent a quel- > que resolution qui les d^shonore et qui soit > de mauvais exemple. > Ce beau Discours ne servit de rien ; et, pour trancher court, J^rdme de Prague fiit condamn6 k Stre bruie vit, peine qu'il endura avec toute la Constance et la fermete possible. Le bourreau voulant mettre le feu par derri^re, afin que Jerome ne le vit pas : c Met- teijf, » dit-il, f le feu par-devant, car $i je f Vavais craint, faurdis bien pu Veviter. » — c C'est ainsi, 9 conclut Pogge, e qu'a fini un homme excellent au del^ de toute cr^ance. J'ai 6t6 temoin oculaire de cette trag^die et j'en ai vu tous les acteSi Je ne sais si c'est obstination ou incredulite qui le faisait agir; mais vous eus-^ siez cru voir la mort de quelqu'un des Philoso- phes de I'Antiquite. Mutius Scevola mit sa main dans ie feu, et Socrate prit le poison avec moins de courage et d'intrepidite, que Jer6me de Prague ne souffrit le supplice du feu. » Une bonne partie des Lettres qui suivent ne DE POGGE XLV sont pas extraordinairement int^ressantes; oir y apprend pourtant quelques particularites tou- chant Pogge. Quelques-unes de ces Lettres sont ^crites k Guarin de V^rone, et a Leonard Ar^tin : d'autres a Eneas Silvius, qui fut ensuite Pape sous le nom de Pie II, a Charles Ar^tin, a An- toine le Panormitan, a Cosme de M^dicis, a Sci- pion de Ferrare, a Justiniani, a Franciscus Bar- barus et k beaucoup d'autres. On y voit aussi une Lettre de Philippe-Marie, Due de Milan, avec la r^ponse de Pogge. La dernifere Lettre est une longue Dissertation apolog^tique contre Guarin de V^rone, avec lequel il s'^tait brouill^ pour avoir prefer^ Scipion a Cesar, dans le Pa- rall^le qu'il avait public de ces deux grands hommes. lis se r^concili^rent dans la suite. Les Lettres de notre Auteur sont suivies d'un Traite de sa facon, sur le malheur des Princes. II est ^crit en forme de Dialogue entre Charles Ar^tin, Niccolo, Cosme de M^dicis et Pogge. lis y raisonnent fort librement sur les bonnes et les mauvaises qualit^s des Princes. Les Facetice, ou le Recueil des bons mots et des bons contes, servent de cloture a ce volume. Ce seul Ouvrage a plus contribu^ k faire con- naitre Pogge que tout ce qu'il a ^crit d'ailleurs. II fut le premier qui publia quelque chose dans ce gout-la *, et il a 6t6 suivi d'une infinite d'au- I. Pogge avait plus de soizante-diz ans lorsqu'il ^cri- XLVI M^MOIRE SUR LES OUVRAGES tres, qui souvent ont pill^ ses Contes sans lui en faire seulement honneur. Cest ainsi qu'on trouve dans Rabelais, dans les Cent Nouvelles Nouvelles, dans TArioste, dans les Ducento No- velle de Celio Malespini*, dans La Fontaine et dans divers autres, le conte de VAnneau de Hans Carvel, dont Tinvention est due k Pogge. II nous apprend lui-meme, dans la seconde Invective contre Valla, que ses Facetice ^taient r^pandues par toute Tltalie, la France, TEspagne, I'Alle- magne, TAngleterre, et qu'elles 6taient lues de tous ceux qui entendaient le Latin, et approu- v6es de tous les gens de Lettres : c Sed quid mirum, » dit-il, « Facetias meas, ex quihus liber constat, non placer e homini inhumano, vasto, stu- pido, agresti, dementi, barbaro, rusticano? At ab reliquis aliquanto quam tu doctioribus pro- bantur, legitntur, et in ore et manibus habentur, ut, velis nolis, rumpantur licet tibi Codro ilia, diffuscB sint per universam Italiam, et ad Gal" los usque, Hispanos, Germanos, Britannos, cos- terasque nationes transmigrarint qui sciant loqui Latine, i Un Ouvrage aussi libre que ces Facetice, ne pouvait manquer de censeurs. Gesner (Biblioth,), est un de ceux qui se sont le plus d^chain^s contre cet Ouvrage; il Tappelle « opus turpis" vait ses Facities (Voir le Conte CCXL, oi!i il relate un fait arrive en Tannic 145 1). — Note du Traducteur. I. Voyez le i«r tome du Menagiana, p. 369, ddit. de Paris, 171 5. DE POGGE XLVII simum, et aquis incendiaque dignissimum. » L'Abb^ Trithdme ne Ta pas moins d^cri^ dans son Trait^ de ScHptoribus Ecclesiasticis. II en parle en ces termes : c Spurcitiarum opus, quod Facetias prcenotavit, ab illustrium Virorum catd" logo merito censuimus repellendum, quoniam ejus lectio devotos offendit, incautis nocet, carnalcs inficit. » £rasme faisait allusion k cet OuvragCi lorsqu'il a dit : c Poggius, rabula adeo indoctus, ut etiamsi vacafet obscenitate, tamen indignus esset qui legeretur; adeo autem obscenus , ut etiamsi doctissimus fuisset, tamen esset a bonis viris rejiciendus. > Remarquons id, par occasion, qu'^rasme s'est contredit sur le chapitre de Pogge : car apr^s en avoir parl6 comme d'un ignorant, il en parle ailleurs tout autrement. Dans une Lettre k Cornelius Goudanus, il le traite de c vir nee inelegans nee indoctus » ; et dans une autre au mSme, il dit : c Quid ^nea Sylvio, quid Augustino Dato, quid Guarino, quid Poggio, quid Gasparino eloquentius? » Le bon Ermite Jacques-Philippe de Bergame (JSupp, Chron* ad ann. 141 7) a jug^ plus favorablenient de ces Contes, auxquels il donne T^pith^te de c puU cherrimus liber, i Cela n'a pas empdch^ que le Concile de Trente n'ait mis cet Ouvrage dans VIndice expurgatoire. Au reste, on a fait des Editions sans nbmbre de ces Contes, qu'on a souvent joints avec ceux de Henri Bebel, de Nicoddme Frischlin, d^Alphonse, Roi d'Aragon, etc. On les a aussi traduits en diverses Ungues. Pour ^gayer cet Article, jc met- XLVIII M^MOIRE SUR LES OUVRAGES trai ici un des Contes de Pogge* que M. de la Monnoye a traduit en Fran^ais et que j'ai oubli6 d'ins6rer dans T^dition que j'ai public de ses Poesies, il n'y a pas longtemps : Jean, dit Andr^, fameax Docteur ^s Lois, Fut pris un jour au p6ch6 d'amourette. II accollait une jeune soubrette; Sa femme vint, fit un signe de croix : « Ho ! ho ! » dit-elle, « est-ce vous? non, je pense; •) Vous dont partout on vante la prudence, n Qu'est done venu cet esprit si subtil ? » Le bon Andr^, pours uivant son n^goce, Honteux pourtant : — « Ma foi, » r6pondit-i], « Prudence, esprit, tout g!t en cette fosse. » Vo'ilk les Ouvrages contenus dans le volume in-folio, Mais il en a fait beaucoup d'autres qui n'y sont pas renferm^s^ et que je vais coter apr^s M, Recanati, II a fait POraison Fun^bre de son ami Leonard Ar^tin^ mort k Florence en 1443. M, Baluze publia le premier cette pi^ce daiis le troisi^me volume de ses Miscellanea, M. Bayle semble ne Pavoir pas connue^ puisqu'il n'en fait aucune mention dans son Dictionnaire, k TArticle de Leonard Aretin; elle aurait n6an- moins pu lui servir a perfectionner cet Article. Outre cela, Pogge a compost un Dialogue contre les Hypocrites, quielques Livres sur la situation des Indes et sur le devoir des Princes, une Harangue contre les Medisans, une Disser* I. Ce Conte est le CCXXII* de la pr^sente ^tion. DE POGGE XLIX tation dans laquelle il examine si un Vieillard fdoit se marier. Joignez k cela un Traitd des portraits des hommes illustres de la famille des Bondelmonte, et quelques Ecrits centre le Con- cile de B^^le; mais ces deux derniers Ouvrages, qui n'ont jamais vu le jour, se sont perdus. II a traduit du Grec de X6nophon la Vie de Cyrus, et cinq Livres de Diodore de Sicile. II entreprit la traduction de Diodore de Sicile par Tordre du Pape Nicolas V, dont il ^tait Secre- taire, et il la lui d^dia; dans cette D^dicace il dit avoir traduit a sa prifere la Vie de Cyrus, du Grec de X^nophon. Enfin rOuvrage le plus considerable que Pogge composa est VHistoire de Florence dcrite en Latin. Son fils Jacques s'avisa, je ne sais pour- quoi, de garder Toriginal par devers lui et d'en pubiier une traduction Italienne de sa fapon. Elle parut pour la premiere fois k Venise en 1476, in-folio; ensuite on la r^imprima dans la mSme forme a Florence, en 1494; er enfin les Giunti en donn^rent une i^iition plus correcte dans la mtoe ville en iSgS, in-4. Ce n*a dt^qu'en 171 5, que PHistoire Latine de Pogge a vu le jour, sous ce titre : Poggii Historia Florentina nunc primum edita, notisque et AuctoHs vita illustrata ab Jo. Baptista Recanato, Patritio Veneto, Academico Florentino, Venetiis, 171 5, in-4. J® n*entrerai point dans le detail de cette Histoire; je me contente de dire que Pogge a ^crit en tr^s-beau style, dans huit Livres, ce qui s'est pass^ k FIo^ L M^MOIRE SUR LES OUVRAGES « rence depuis i35o jusqu'^ Pann6e 1455* Les notes de i'^diteur, qui senrent k 6claircir, quelquefois xn£me k corriger le tezte, sont curieuses. Au reste personne n'ignore qu'on a accus^ notre Historien d'avoir trop favoris^ ses citoyens, centre la y£rit6 de PHistoire, et qu'a cette occasion Sannazar lui reprocha par une ing^nieuse ^pigramme, qu'en louant sa patrie, et qu^en blUmant Pennemi, 11 s'^tait montr6 bon citoyen, mais mauvais histo- rien. Dum Patriam laudat, damnat dum Poggius Hostem, Nee mains est Civis, nee bonus Historieus. Pogge a fait quelques vers. C*est Paul Jove qui me Tapprend dans P^loge de Manuel Chryso- loras. II dit que ce Savant dtant mort k Con- stance, Pogge lui dressa cette iSpitaphe : Hie est Emanuel situs, Sermonis deeus Attiei, Qui, dum qucerere opem Patriae Affeetce studct, hue iit. Res belle eeeidit tuis VotiSy Italia.: hie tibi Lingua restituit deeus AttieaSf ante reconditce. Res belle eeeidit tuis Votis, Emanuel : solo Conseeutus in Italo sternum deeus es tibi, Quale Graseia non dedit, Bello perdita Graseia. Pai lu encore, dans une Lettre de Cornelius DE POGGE LI Goudanus k l^rasme, une ^pigramme centre Lau- rent Valla, que Cornelius attribue a Pogge. On y dit que depuis que Valla est alH auz Enfers, Pluton n'ose plus parler Latin^ et que Jupiter aurait donn6 k ce Critique une place dans les Cieuz, sMl n'eOt craint sa langue. On ne saurait niieux ezprimer rhumeur mordante d'un Gram- mairien. t In Laurentium invehitur Poggius tali tctrasticho : infernos postquam defunctus Valla petivit, Non audet Pluto verba Latina loqui, Jupiter hunc superis dignatus honor efuissety Censorem Ungues sed timet ipse suce, > Trith^me rapporte ces mSmes vers dans son Tiaitd de Scriptoribus Ecclesiasticis ; mais il ne dit pas que Pogge en soit TAuteur. PREFACE POGGE FLORENTIN TRKS-ILLUSTRB ORATEUR ET SKCRiTAlRE APOSTOLIQUE, AU LIVRE DES FACiriES Avis aux envieux de ne pas reprendre, dans ces Facdties, le latsser-aller du style. L y a bien des gens, je le pre- vois, qui bISmerontces me- nus propos, so it comme choses frivoles et peu dignes d'uD homme grave, soit parce qu'ils auraient desire y trouver une maniere MuLTOs fiituros esse arbitror qui has nostras confabulationes, turn ut res leves et viro gravt indignas reprebendant^ turn in eis 2 LES FAC£tIES de dire plus ornee, un style plus sou- tenu. Si je leur reponds, comme je I'ai vu dans mes lectures, que nos Anee- tres, ces hommes si sages et si doctes, ont pris plaisir aux contes, aux bbns mots et aux plaisanteries, et que, loin de pouvoir en etre blames, ils ont me- rite qu'on les lou&t, j'aurai assez fait, ce me semble, pour regagner leur es- time. Quel reproche puis-je encourir pour avoir en cela, au moins, faute de mieux, imite nos peres, ou passe stu- dieusement a ecrire le temps que les autres perdent k bavarder dans lesso- cietes et les reunions, surtout m mon ornatiorem dicendi modum et majorem elo- quentiam requirant. Quibus ego si re^pon- deam, legisse me nostros Majores, prudentis- simos ac doctissimos viros, facetiis, jocis et fabulis delectatos, non reprehensionem, sed laudem meruisse, satis mihi Return ad illorum existimationem putabo. Nam qui mihi turpe esse putem hac in re, quandoquidem in ce- teris nequed, illorum imitationem sequi, et hoc idem tempus quod reliqui in circulis et coetu hominum con&bulando cx^ntenint, in scribendi cura consumere, preesehim cum ^ -A'* DE POGGE travail est bon en lui-meme et peut procurer quelque plaisir aux lecteurs? Or, c'est chose excellente et presque necessaire, les philosophes le recom- mandent, d'arracher de temps a autre notre esprit k ses preoccupations ha- bituelles, de faire treve aux pensees tristes et aux soucis qui Paccablent, de le provoquer k Tenjouement et k la gaiete par quelque plaisante recreation. Chercher des effets de style dans ces chores de peu de valeur, dans ces joyeusetes qu'il faut prendre sur le mot ou rapporter telles qu'elles ont ete-di- tes, serait le fait d'un homme qui neque labor inhonestus sit, et legentes aliqua jucunditate possit afficere? Honestum est enim ac ferme necessarium, certe quod sa- pientes laudanint, mentem nostram variis cogitationibus ac molestiis oppressaip, re- creari quandoque a continuis curk, et earn aliquo jocandi genere ad hilaritatem remis- sionemque cpnverti. EloqueQtiam vero in re- bus infimis, vel in his in quibus ad verbum vel facetiae exprimendae sunt, vel aliorum dicta referenda quaerere, hominis nimium curiosi esse videtur. Sunt enim quaedam quae 4 LES FACETIES s'etudie trop. Ces sortes de r^cits ne demandent pas a etre ornes : il con- vient de les dire tels qu'ils ont jailli de la bouche des personnages mis en scene. On croira peut-etre que je cherche k excuser de la sorte mon manque d'es- prit; je le veux bien. Que ceux qui sont de cet avis reprennent ces contes, les parent et les polissent a leur gre; je les y engage : ils donneront k Page present Thonneur d'avoir enrichi la langue Latine, de Tavoir assouplie aux compositions legeres. L'exercice dans ce genre de style ne peut avoir que de Tutilite et apprendre k bien ecrire. Moi- meme, j'ai voulu tenter Texperience, ornatius nequeant describi, cum ita recen- senda sint, quemadmodum protulerunt ea hi qui in confabulationibus conjiciuntur. Existimabunt aliqui forsan banc meam ex- cusationem ab ingenii culpa esse profectam, quibus ego quoque assentior. Modo ipsi eadem ornatius politiusque describant, quod ut faciant exhortor, quo lingua Latina etiam levioribus in rebus hac nostra setate fiat opu- lentior. Proderit enim ad eloquentiae do- DE POGGE voir s'il etait possible de rendre, sans tomber dans Tabsurde, bien des idees que i'on reputait difficile d'exprimer en Latin : il ne s'agissait la ni de recher- cher des ornements superflus, ni de viser k Tampleur oratoire, et je serai satisfait si Ton juge que je n'ai pas ra- contd avec trop de maladresse. Au reste, qu'ils s'epargnent la lecture de mes Menus propos (c'est le nom que je veux leur donner), ces trop ri- gides censeurs, ces critiques acharnes a tout reprendre. Mon desir est d'etre lu par les gens d'esprit et les bons vi- vants (comme autrefois Lucilius par les Consentins et les Tarentins). Si ctrinam ea scribendi exercitatio. Ego quidem experiri volui, an multa quas Latine dici difficulter existimantin', non absurde scribi posse viderentur, in quibus cum nullus or- natus, nulla amplitudo sermonis adhiberi queat, satis erit ingenio nostro, si non incon- cinne omnino videbuntur a me referri. Verum facessant ab istarum confabulatio- num lectione (sic enim eas appellari volo) qui nimis rigidi censores, aut acres existimatores rerum existunt. A facetis enim et humanis 6 LES FAC^TIES mes lecteurs sont trop incultes pour me goiiter, je ne les empeche pas de pcnser cc qu'ib voudront : je leur dc- mande seulement de ne pas condam- ner un auteur qui n'a ecrit que pour se ddlasser Tesprit et pour exercer sa plume. (sicut Lucilius a Consentinis et Tarentinis) ]e^ cupio. Quod si msticiores erunt, non recuse quin sedtiant quod volunt, modo scriptorem ne culpent, qui ad levationem animi hacc et ad ingenii ezercitium scripsit. LES FACETIES POGGE FLORENTIN es gens de GaAe, i'entends ecus du peuplc, chercheot le plussou- venl leur vie sur mer. Va d'eus, maieloi aussi pouvre que posa- Me, apres avoir Longtemps etre de cote et d'autre pour gagner quelqne argent, revint au Ic^s apres environ doq ans d'ab- I CiAJETjun, qui plebei sunt, utplurimum navigio vicnim qucrunt. NiucIotis ex eis admodum pauper, cum ad varia loca hicii caiua, relicts domi more juveocuja, et uaui wpeUectUe, na- 8 LES FAC^TIES sence; il avait laisse une femme toute jeune et un mobilier des plus modestes. Aussit6t de- barque, il court en toute hSte revoir sa femme qui, dans Tintervalle, desesperant de son re- tour, s'etait mise en menage avec un autre. A peine entre, il voit sa maison restauree en grande partie, embellie et agrandie : il s'etonne et demande k sa femme comment leur maison- nette, si laide jadis, s'etait transformee : — « C'est, » repond la femme, « grace k Tassis- » tance de Dieu, secourable k tout le monde. » — Que Dieu soit beni, » dit Thomme, « pour » tout le bien qu'il nous a fait ! » II voit en- suite la chambre k coucher, un lit elegant, des meubles plus somptueux que ne le comportait la condition de sa femme, et lui demande en- core d'ou tout cela lui est venu : « Par la grace » de Dieu, » repond-elle. L'homme remercie vigasset, post quintum ferme annum rediit. E navi e vestigio ad visendum uxorem (quae inte- rim viri reditum desperans cum alio convenerat), domum proficiscitur. Ingressus, cum cam majori ex parte instauratam in meliusque auctam vidis- set, admiratus, uxorem quaesivit quo modo domuncula, antea informis, esset perpolita. Re- spondit statim mulier, sibi in ea re ejus, qui om- nibus fert opem, Dei gratiam affiiisse : c Benedi- catur, 9 inquit vir, < Deus, pro tanto hoc beneficio 9 erga nos suo ! > Videns insuper cubile, iectiun- que ornatiorem, reliquamque supellectilem mun- dam ultra quam ferret uxoris conditio, cum percontatus esset, unde ilia quoque provenissent, DE POGGE 9 derechefle Seigneur de s'etre montre si gene- reux envers lui. II remarque aussi quelques autres ob jets qui lui paraissent.nouveaux et extraordinaires dans sa maison : encore, et tou- jours les largesses de Dieu. L'homme finissait par s'etonner d'une telle profusion de faveurs, quand arrive un gentil bambin Sge de plus de trois ans, qui fait k sa mere d'enfantines ca- resses ; le mari le regarde et demande quel est cet enfant. La femme lui repond qu'il est bien h. elle. Abasourdi, Tautre s'enquiert comment, lui absent, a pu lui venir cette progeniture : la femme afiirme tou jours que c'est par la grace de Dieu. Pour le coup, notre homme s'indigne de cette surabondance de grace di- vine, qui a ete jusqu'k lui donner des h^ri- tiers : « Ah ! oui, » dit-il, « je dois savoir beau- et Dei indulgentiam ilia dbi subministre^sse asse- veravit : gratias itenim vir Deo egit, qui tam liberalis in se fuisset. Eodem modo, et aliis quibusdam, quae nova domi et insueta videbantur^ conspectis, cum largioris Dei munificentiam afiEuisse diceret^ virque ipse tam profusam erga se Dei gratiam admiraretur, supervenit scitulus puer triennio major, blandiens (ut mos es pue- rorum) matri. Conspicanti hunc mari to scisci- tantique quisnam puer esset, suum etiam uxor respondit. Stupenti, quaerentique viro, unde se absente puer provenisset, Dei quoque in eo ac- quirendo sibi astitisse gratiam mulier affirmavit, Tunc vir indignatus divinam gratiam etiam in procreandis filiis sibi adeo exuberasse : c Multas lO LES FAC^TIES » coup de gre k Dieu, qui a pris tant da souci » de mes affaires ! » II trouvait que Dieu avait pouss^ I'attention un peu trop loin, en s'oc- cupant de lui procurer des enfants pendant son absence. II d'uN M^OECIN qui SOIGNAIT LES FOUS Nous causions entre nous des peines inu- tiles, de la folie, si Ton veut, de ceux qui, pour chasser aux oiseaux, entretiennent des chiens ou des faucons : a II avait bien raison de se moquer d'eux, ce fou de Milan, » dit alors Paul de Florence. Sur notre priere de raconter Thistoire : t II y avait autrefois, » dit-il, « un Milanais, M^decin de fous et d'a- 9 jam, 3 inquit, « gratias Deo habeo agoque, qui » tot cogitationes suscepit de rebus meis. » Visum est homini, Deum nimium curiosum fuisse, qui etiam de comparandis, se absente, liberis cc^i- tarit. II DE MEDICO QUI DEMENTE8 ET IN9AN0S CUltABAT Plures coUoquebantur de supervacua cura, ne dicam stultitia, eorum qui canes aut acdpitres adaucupium alunt..Tum Paulus Floreotinus : c Recte hos, » inquit, c risit stultus Mediola- » nensis. » Cum narrari fabulam posceremus : c Fuit, > inquit, c olim civis Mediolani demen- DE POGGE II lienes, qui eatreprenait de guerir en un temps determine ceux qu'on lui confiait. Voici quel etait son traitement : il avait dans sa maison une cour, et dans cette cour une mare d'une eau sale et fetide ; il y maintenait dedans, tout nus et attaches k un pieu, les fous qu'on lui amenait ; les uns plongeaient jusqu'aux ge- noux, d'autres jusqu'aux aines, quelques-uns plus avant, selon k degr^ du mal. II les lais- sait ainsi pourrir dans Teau , immobiles , jus- qu'a ce qu'il les vit revenir k la raison. On lui am'ena, entre autres, certain fou qu'il mit dans Teau jusqu'aux cuisses et qui, au bout d'une quinzaine, commen^a k recouvrer son bon sens ; il supplia le Medecin de le retirer de \k. Celui-ci Texonera du supplice, k la con- dition qu'il ne sortirait pas de la cour. Au bout de quelques jours d'obeissance, il lui tium et insanorum Medicus, qui ad se ddatos intra certum tempus sanandos suscipiebat. Erat autem curatio hujusmodi : habebat doQii aream, et in ea lacunam aquae foetidae atque obscenae, in quam nudos ad palum ligabat eos qui insani ad- ducebantur : aliquos usque ad genua, quosdam inguine tenus, nonnullos profiindius pro insaniae modo, ac eos tamdiu aqua atque in^dia macera- bat, quoad viderentur sani. Allatus est inter caeteros quidam, quein usque ad femur in aquam posuit, qui post quindecim dies ccepit resipiscere, ac curatorem rogare, ut ex aqua reduceretur. lile hominem exemit a cruciatu, eatamen conditione, ne aream egrederetur. Cui cum diebus aliquot 12 LES FACl^TIES permit de se promener par toute la maison, pourvu qu'il ne ddpassit pas la porte de la rue; cependant, ses autres compagnons, fort nombreux, ^talent tou jours dans I'eau. Le fou se confbrma scrupuleusement aux ordres du M^decin. » Un jour qu'il ^tait sur le pas de la porte et qu'il n'osait s'aventurer plus loin, tant la fosse lui inspirait de terreur, un jeune Cava- lier portant un faucon et suivi de deux chiens, de ceux qu'on appelle des chiens de chasse, vint k passer ; le fou I'appela, etonne dh la nouveaut^ du fidt, car il ne se rappelait pas ce qu'il avait vu dans sa folie. Le jeune homme s'etant approche : « Hola ! » dit le fou, « ecoute- » moi un instant, je te prie, et reponds, s'il te » plait : Tanimal qui te porte, qu'est-ce que » c'est et pourquoi en as-tu un ? — C'est un paruisset, ut universam domum perambuUret, item ut exteriorem januam non egrederetur per- misit ; reliquis sociis, qui plures erant, in aqua relictis. Paruit diiigenter Medici jnandatis. » Stans vero aliquando super ostium, neque enim egredi audebat timore lacunae, advenientem Equestrem juvenem cum accipitre et duobus ca- nibus, ex his qui sagaces dicuntur, ad se vocavit, rei motus novitate, neque enim, quae ante in insania viderat, tenebat memoria. Cum accessis- set juvenis : c Heus tii, » inquit ille, c ausculta, » oro, me paucis, ac, si libet, responde : hoc quo » veheris, quid est, et quamobrem illud tenes ? • — Equus est, » inquit, c et aucupii gratia. » DE POGGE l3 9 cheval, » repondit le cavalier, « et il me sert » k la chasse aux oiseaux. — Et ce que tu tiens » sur le poing, comment cela's'appelle-t-il? h B quoi cela sert-il? — C'est un faucoi^ dress^ k » prendre des sarcelles ou des perdrix. — Et » ces bStes qui t'accompagnent , dis-moi, » qu'est-ce que c'est? k quoi te servent-elles ? B — Ce sont des chiens; ils sont dresses a la » chasse et flairent la piste du gibier. — Bien ; V mais ce gibier qu'il faut tant d'affaires pour » attraper, qu'est-ce qu'il vaut, si tu fais le » total de tes chasses de toute Fannee ? — Je » ne sais trop, » repondit le jeune homme, « cela ne depasse pas six ducats. — Et que te » *coi)ltent , » reprit le fou, f ton cheval , tes n chiens, ton faucon? — Cinquante ducats, » dit I'autre. Alors, tout dtonn^ de la sottise du Turn deinceps : « Vero hoc quod manu gestas, I quid vocatur et in qua re illo uteris ? — Acci- » piter, » respondit, c et aucupio aptus querque- » dularum et perdicum. » Turn alter : c Hi qui • te comitantur, qui sunt, age, et quid prosunt » tibi ( — Canes, • ait, c et aucupio accommodati » ad investigandas aves. — Hae autem aves, qua- » rum capiendarum causa tot res paras, cujus • pretii sunt, si in unum conferas totius anni » capturam i » Parum quid nescio cum respon- disset, et quod sex aureos non excederent, subdit homo : c Quaenam est equi, canumque et acci- • pitris impensa ? — Quinquaginta aureorum, i affirmavit. Turn admiratus stultitiam Equestris juvenis : t Ho, ho, » inquit, c abi hinc ocyiis, 14 LES fac£ties jeune Cavalier : « Ohl oh! i> dit-il, m, vai4f«ii » bien vite, je t'en prie, saure-toi aTBntqiie » le M^ecin ne rentre, car, s'il te trouve ici^ » il te prendra pour le plus grand fou qn'il y » ait au monde, et pour te gpu^nr, ii te {^on* » gera dans la fosse avec tous les autnes ma- » lades, et au plus creux encore : il fy mettra » jusqu'au menton. » — C'^tait dire i|tte le goiit de la chasse est la pUis grande des folies, sauf pour les gens riches, de temps en temps, et com me exercice corporel. » III DE BONACCIO DB' GUASa, QUI 8B LBVAIT AI tARP Bonaccio, spirituel jeune homme de la famille des Guasci, qui se trouvait avec nous 9 oro, atque adeo avola, antequam Medicus do- » mum redeat. Nam si hie te compererit^ vcduti » insanissimum omnium qui vivant, in lacunam » suam conjiciet curandum cum caeteris meate » captisy atque ultra omnes usque ad mentum in » aquam summam collocabit. x — Ostendit au- cupii porro studium summam esse amentiam, nisi aliquando et ab opulentis, et exercitii gratia fiat. » III BONAai GUASCI QUI TAM TARDE E LECTO SUBGEBAT BonaciuSy adolescens facetus ex £eunilia Goat* corum^ dum essemusConstantiaByadmodumtardc DE POGGE l5 k Constance, sortait fort tard dn lit. Comme ses amis lui reprochaient cette paresse et lui demandaient ce qu'il faisait au lit, il leur rd- pondit en souriant : « J'ecoute plaider et » replaider uhe cause intdressante. Chaque » matin, k peine suis-je reveille, que se presen- » tent a moi deux figures en habit de femme : » la Diligence et la Paresse. L'une m'exhorte » k me lever, k agir, a ne pas perdre ma » journ^e au lit. L'autre la reprend vivement » et m'engage a ne pas bouger : il fait froid dehors et Ton est chaudement entre les » draps, le corps a besoin de repos ; il ne faut » pas toujours travailler. La Diligence recom- » mence ses arguments. Pendant tout le » temps qu'elles discutent et se rdpondent, )> moi, en juge impartial, je me fois con- » science d'incliner pour l'une ou l'autre par- surgebat e lecto. Cum socii cam tarditatem culpa- rent, quidne tamdiu in lecto ageret, percuncta- rentur, subridens respondit : c Litigantes discep- » tantesque ausculto; Adsunt enim mane mihi e » vestigio cum expergiscor duae habitu muliebri, » Sollicitudo videlicet et Pigritia : quarum altera > surgere hortatur et aliquod operis agere, neque 9 diem in lecto terere : altera, priorem increpans, 9 quiescendum asserit, et propter frigoris vim in > calore lecti permanendum, indulgendumque » corporis quieti, neque semper laboribus vacan- » dum. Prior insuper rationes suas tuetur. Ita 9 ut, cum diutius disputent atque altercentur, • ego, tanquam aequus judex, nullam in partem l6 LES FACETIES » tie ; je les dcoute plaider, esp^rant qu'enfin » elles se mettront d'accord. Si je me l^ve si » tard; c'est que j'iEittends Tissue du d^bat. » IV d'un juif converti au christianisme On engageait fort un Juif k se convertir k la foi du Christ, mais il ne potivait se decider k se defaire de ses biens. xx Donnez-les aux » pauvres, » lui disait-on, ec puisque selon V la parole de T^vangile, qui est la.v^it^ » meme, ils vous seront rendus au centuple. » A la fin persuade, il se convertit et distribua ses biens aux indigents, aux pauvres et aux mendiants. Tout le long du mois, ce fiit k qui des Chretiens Thebergerait honorable- » declinans, audio disputantes^ expectans quoad » sint sententia Concordes. Hoc fit ut surgmn tar- » dius, exspectans litis finem. » IV DE JUDJEO NONNULLORUM 8UASU CHRISTIANO FACTO Judaeum cum multi hortarentur ad Christi fidem, aegre ille bona sua dimittebat. Suadebant com- plures, ut ea daret pauperibus, quoniam, secun- dum Evangelicam sententiam, quae esset verissi- ma, centuplum esset accepturus. Persuasus tandem ad fidem <;onversus est, distributis inter pauperes, egenos e% mendicos bonis. Inde per mensem fere DE POGGE 17 ment; partout on le choyait, on exaltait ce qu'il venait de faire. Cependant il n'avait plus qu'une existence precaire, et il attendait chaque jour le centuple qui lui avait ^te pro- mis. Bientotonse fatigua d'avoir k lenourrir; les botes se faisaient rares, et notre homme devint si miserable, qu'il lui fallut aller k rbopital. II y tomba malade, pris par en bas d'un flux de sang qui le mit a la derniere ex- tremity. D^sesperant de jamais guerir etplein de defiance aussi vis-a-vis du centuple, un jour que le malaise le poussait a aller respirer au grand air, il sortit du lit et s'en alia dans un petit pr^ voisin pour se soulager le ventre. L'operation terminee, comme il cherchait une poignee d'herbe pour se torcher le der- ridre, il trouva un linge roul^ tout plein de hospitio exceptus est honorifice a diversis Chris- tianis; cum ei omnes blandirentur, et laudarent factum. II le tamen, qui precario viveret, exspec- tabat in dies centupli promissionem : et cum multos satietas cibandi hominis cepisset, jamque rams invitator reperiretur^ coepit homo admodum egere, ita, ut ei necesse esset divertere ad hospi- tale quoddam, in quo morbo correpms ad extre- mum vitae devenit, cum sanguis per posteriora efflueret. Desperans itaque salutem/etsimul pol- licitationis diffisus centupli, ex anxietate quadam aerem quaerens, egressus est lectum ad secessum ventris in pratulum propinquum : ubi cum' con- stitisset, qucsitis post egestionem ad tergendum anum herbis, invenit involutum Itnteum refer- l8 LES FAC^TIES pierreries. Devenu riche du coup, il consulta des Medecins, se guerit, acheta une maison, des terres, et v^cut d^s lors dans la plus grande opulence. Tout le monde lui disait : « Eh bien ! ne vous Tavions-nous pas predit, » que Dieu vous rendrait vos biens au centu- » pie? — Oui, » rdpondit-il; « mais il a per- » mis d'abord que je rendisse le sang jusqu'a » en mourir. » Ce mot s'applique a ceux qui sont lents a accorder ou a reconnaitre un bienfait. D*UN IMBECILE QUI CROYAIT QUE SA FEHME AVAIT « DUOS CUNNOS » Un paysan de nos contrees, assez peu avisd turn pretiosis lapidibus. Quare ditior factus, adhibitis Medicis convaluit, atque domo empta et possessionibus, vixit postmodum in summa rerum opulentia. Cum ergo diceretur ab omni- bus : c Ecce, nonne verum praediximus, tibi » Deum centuplum redditurum? — Reddidit, 9 inquit ille, c ^ed tamen prius ut usque ad interi- » tum cacarem sanguinem permisit. » Dictum contra eos qui tardi in beneficio dando et red- dendo existunt. V DE HOMINE IR6UL80 QUI EXISTIMAVIT DUOS CUNNOS IN UXORE Homo e nostris rusticanus^ et haiid multum DE POGGE 19 et certalne^ient novice au jeu d'amour, vint a se marier. Or, il arriva qu'une nuit sa femme, renes versus virum volvens, avait mis nates in ejus gremio; Tare ^tait bande, le trait partit, et, par hasard, toucha juste. La- dessus, voilk notre homme qui s'extasie et demande k sa femme si elle en aurait deux. — « Mais oui, » repond-elle. — « Ho, ho 1 » dit-il, « j'en ai bien assez d'un, Tautre est » du superflu. » Alors la femme qui etait fine, et k qui le Cur^ de la paroisse contait fleu- rette : — « Nous pouvons, » dit-elle, « faire » Taumone du second ; donnons-le k TEglise et » k notre Cure : cela iui sera bien agr^able, » sans te priver de rien, puisqu'un seul te » suffit. » L'homme approuva aussitdt, tant pour faire plaisir au pr^tre que pour se de- barrasser d'une chose Inutile. On invite le prudens, certe in coitu mulierum rudis, sumpta uxore, cum ilia aliquando in lecto renes versus virum volvens, nates in- ejus gremio posuisset, erecto telo uxorem casu cognovit. Admiratusque postmodum et rogans muiierem, an duos cunnos haberet, cum ilia annuisset : — < Ho, ho, 9 inquit, c mihi unus satis est, alter vero^uperfiuus. » Turn callida uxor, quae a Sacerdote parochiano dilige- batur : « Possumus, » inquit, c ex hoc eleemosy- 9 nam facere; demus eum Ecclesiae et Sacerdoti » nostro, cui haec res erit gratissima, et tibi nihil 9 oberit, cum unus sufficiat tibi. 9 Assentit vir uxori, .et in gratiam sacerdotis, et ut se onere su- perfluo levaret. Igitur, eo vocato ad coenam, cau- saque exposita, cum sumpto cibo lectum unum 20 LES FAC^TIES Cur^ k souper, on lui expose raffaire, et, le repas achev^, tous trois se couchent dans le mime lit, la fern me au milieu, le mari par devant, Pautre par derri^re, pour qu'il prit possession de ce qui lui etait abandonn^. Le PrStre goulu, friand d'un morceau depuis longtemps convoitd, entama le premier sa part. La femme, elle aussi, y mettait du sien, lais- sant'dchapper quelques soupirs. Alors le maci eut peur qu'on n'empiet&t sur son terrain : « Observe bien la convention, ami, » s'^cria- t-il, c( use de ce qui t'a ^t^ donn^, mais laisse » ma part intacte. — Dieu m'en fasse la » grace, » r^pondit le Cur^; je n'envie pas ce » que tu poss^des, et ne demande qu'a pro- » fiter de ce qui appartient k T^glise. » A ces mots, hotre imbicile s'apaisa et Tinvita a jouir en toute liberty de ce qu'il avait con- cdd^ a r^lise. tres ingrederentur, ita ut mulier media esset, vir anteriori parte^ posteriori alter ex done uteretur, Sacerdos femelicus concupitique cibi avidus, prior aggreditur aciem sibi commissam : qua in re uxor quoque submurmurans strepitum quemdam ede- bat. Tunc vir timens ne partes suas aggredere- tur : c Serva, » inquit, c amice, inter nos con- » venta, et tua pbrtione utere, meam intactam » relinquens. > Huic Sacerdos : — c Det mihi gra- > tiam Deu8, » inquit, c nam tua parvi facio, ut » bonis tantum Ecclesiae uti possim. > His verbis acquiescens stultus ille, quod Ecclesiae concesse- rai^ libere uti jussit. DE POGGE 21 VI D^UNE VEUVE QUI SE LIVRA PAR LUXURE A UN PAUVRE L'esp^ce des hypocrites est la pire qu'il y ait au monde. On parlait un )our de ces gens- Ik dans une reunion oil je me trouvais, et Ton disait que tout leur vient en abondance ; que, convoitant ardemment les dignit^s. et les ri- ches^es, ils feignent et dissimulent si bien, qu'ils paraissent subir les honneurs malgre eux, et pour obeir aux ordres de leurs sup^- rieurs. Un des assistants ditalors : alls res- sejublent k un saint homme de ma connais- sance, un certain Paul, qui habitait Pise, un de ces pauvres qu'on appelle des Apotres et qui ont pour habitude de s'installer sur le VI DE VIDUA ACCEN8A LIBIDINE CUM PAUPBRE Hypocritarum genus pessimum est omnium qui vivant. Cum de his semel in ccetu me prae- sente sermo exortus esset, diceretur que omnia hypocritis abundare, qui, cum dignitatum atque bononim ambitionem ardeant, tamen simulando ac dissimulando agunt, ut non sponte, sed inviti ac superiorum praecepto honores assequi videan- tur : tum quidam ex astantifous dixit eos similes Paulo cuidam Beato qui habitabat Pisis, unus ex eis qui vulgo Apostoli vocantur, quorum est con- 22 LES FAC^TIES pas des portes, sans rien demander. » Nous le pritoes de s'expliquer : « C'dtait, » dit-il, a ce Paul surnomme il Beato, a cause de la saintete de sa vie. II venait s'asseoir de temps en temps sur le seuil d'une veuve qui lui £usait I'aumone de quelque nourriture. A force de le regarder, comme c'dtait un beau gar^on, elle s'dprit de lui, et un jour, apr^s lui avoir donnd k manger, elle le pria de reve- nir le lendemain : elle lui prdparerait un bon diner. Le pauvre revint plus d'une fois; en- fin, la veuve le pria d'entrer prendre son repas ; il ne demandait pas mieux, et, quand il se fut plantureusement ferci le ventre de viande et de vin, voici que la femme, dans son impatience amoureuse, se met k I'em- brasser, h le baiser, et lui signifie qu*il ne sortira pas sans avoir 116 avec elle intime con- suetude sedere ad ostium nihil petentes. Cum ut nobis exponeret quis is fuisset rogaremus : c Pau- lus, > inquit, c qui, propter vitae sanctimoniam, Meatus vulgo cognominabatur, sedit aliquando cujusdam viduae ad ostium, quae sibi dbum prae- bebat in eleemosynam. Ilia, conspicata sspius virum (erat enim formosus) exarsit in Paulum, ciboque dato rogavit, ut postridie rediret, se cu- raturam ut bene pranderet. Cum frequens do- mum mulieris accessisset, ilia tandem rogavit hominem ut intus accederet ad sumendum cibum; annuit hie, et cum opipare ventrem cibo potuque farsisset, mulier, libidinis impatiens, virum am- plectitur, osculaturque, asserens non inde abitu- DE POGGE 23 naissance. Notre homme fait mine de r^si- ster, d'avoir en horreur la rage lubrique de la dame ; elle^ le presse plus tendrement ; k la fin il fallut c^der : a Puisque tu veux com- » mettre ce gros pdchd, » dit-il, « Dieu m'en » soitt^moin, tu seras seule coupable; pour » moi, je n'ai rien k me reprocher. Prends » toi-mSme hanc maledictam carnem » (jam enim virga erecta erat) « et fais-en ce que tu » voudras : je ne veux pas mSme y mettre la » main. » — De la sorte, il besogna la com- mie bien malgr^ lui ; et puisque, par absti- nence, il n'avait pas touchy sa propre chair, c'^tait la dame qui endossait tout le p^ch^. » rum priusquam se cognoscat. Ille reluctant! similiS; ac detestans mulieris ferventem cupidita- tem, cum ilia obscenius instaret^ tandem cedens viduae importunitati : c Postea quam, » inquit, c tantum malum patrare cupis, testor Deum, > opus tuum erit : ego procul absum a culpa. Tu • tpM, f inquit, ccape banc maledictam carnem » (jam enim virga erecta erat), c et ipsamet utere, » ut lubet : ego enim earn minime tangam. » — Ita invitus mulierem subegit, licet propter absti- nefKtUm non tangeret carnem suam, totum pec- catum tribuens mulieri. t 24 LES FAC^TIES VII D*UN PR^LAT A CHEVAL J'allais un jour auj>alais du Pape. Passait k cheval un de nos Ev^ques, probablement fort pr^occup^, car il ne prit pas garde que quclqu'un se d^couvrait pour le saluer. Ce- lui-ci crut que c'^tait hauteur ou dddain : <( En voilk un, » dit-il, « qui n'a pas laiss^ chez lui la moiti^ de son dne. II I'emm^ne » avec lui tout entier. » II voulait dire par Ik que c'est le fait d'un ine de ne pas r^pondre aux marques de respect. VII DE EQUESTRI PALLIATO Ibam semel ad Pontificis palatium. Transibat quidam e no^tris palliatus equester, et forsan implicitus curis, hunc quispiam cum detecto ca- pite revereretur/ non animadvertit Episcopus. At ille superbia aUt arrogahtia factum existimans : c Hie, • inquity c asini sui medietatem nequa- » quamreliquit domi, sed totum secum defert. » Sighificans eum asinum^ qui se reverentibus non responderet. DB POGGB aS VIII BON MOT DB ZUGCBA&O En traversant je ne sals quelle ville, Zuc- charo (on homme d'esprit s^il en fut] et moi, nous anivdmes k un endroit oil se cdl^rait une noce. Cetait le lendemain du jour ou la mari^ dtait entr^ sous le toit conjugal ; nous nous arrttftmes quelque temps pour nous amuser k regarder danser gar9ons tt filles. Zuccharo se mit k sourire : « Voilk des gens », dit-il) « qui ont us^ hier de leurs droits ma- tt trimoniaux ; moi, il y a longtemps que )'ai abus^ de mes droits patrimoniaux. » Cetait une plaisanterie sur son propre compte : il avait, en efifet, vendu tout son patrimoine pour le dissiper k table et au jeu. VIII DICTUM 2UCHARI Perambulantes aliquamurbemvir fkcetissimus omnium qui viverent Zucharus egoque, perveni- mu8 ad locum ubi celebrabantur nuptic Postridie quam sponsa domum venerat, atetimus paululum animi relaxandi gratia, respicientes una psal- lentes viros ac mulieres. Tum subridens Zucba- rus : c Uti, • inquit, c matrimonium consumma- » runt, ego jam patrimonium consumpsi. » Facete in se ipsum dixit, qui, vendids paternis bonis, patrimonium omne comedei^do ludendoque con- sumpserat. 26 LES FACl^TIES IX d'un podestat Certain Podestat, envoy^ k Florence, reu- nit le jour de son entree les notables de la ville dans la cathedrale et leur fit le discours d'usage : un long et ennuyeux discours. Pour se fEiire valoir, il commen9a par dire qu'il avait ^te s^nateur k Rome : tout ce qu'il y avait fait, tout ce que d'autres avaient fait ou dit k sa plus grande gloire fut prolixement developpe. Apres quoi, il d^tailla son depart de Rome et son escorte; il dit que le premier jour du voyage, il s'dtait transporte a Sutri, et narra tout ce qu'il y avait fait, de point en point. Puis il raconta^ jour par jour, ot il s'etait rendu, ou on Tavait re9u , quelles IX DE PRJETORE Quidam iturus Florentiam Prstor, qua die urbem introivit, habuit de more in majori tem- plo coram prioribus ciyitatis sermonem longum sane et molestum; nam ordiri in suam commen- dationem coepit, se fiiisse Rome senatorem, ubi quicquid ab se, itemque a reliquis in suam lau- dem honoremque dictum factumve exstiterat^ pro* Hxo sermone explicavit. Exitum deinceps ex Urbe comitatumque recensuit : primodieSutriumcon- tulisse se dixit, et quae ibi a se acta erant singu- DE POGGE 27 avaient ete ses actions de tout genre. II avait parle plusieurs heures et il n'etait pas encore a Sienne. Tout le monde etait excede de la longueur de cet odieux discours : la fin ne venait pas, et il semblait que la joumee tout entiere se passerait a entendre ces niaiseries. La nuit s'approchait; un plaisant de Tassem- blee se pencha k ToreUle du Podestat : « Monseigneur, • lui dit-il, « il se fait tard; » dep^diez-Yous. Si vous n'arriyez pas k Flo- 9 rence aujourd'hui m^me, puisque c'est ie 9 jour fixe pour TOtre entree, yous aurez » manque votre mission. » A ces mots, notre homme, aussi bdte que bavard, se hita de dire qu'il etait arrive a Florence. latim. Tum dietim quo in loco hospitiove fiiisset, ac quicquid ab eo gestum, quaque de re esset narravit. Plures hors jam hac in narratione transierant, et nondum pervenerat Senas. Cum omnibus senQonisbdiosi longitudo infensa esset, neque finis fieret dicendi, yidebatur autem ille universum diem in his fieibulis consumptunis, et cum nox jam appropinquaret, tunc unus ex as- tantibus jocabundus ad aurem Pnetoris accedens : c Domine, i inquit, t hora jam tarda est, festi- • netis iter opoitet. Nam nisi hodie Florentiam > intraveritis, cum hodiemus dies sit vobis con- 1 stitutus ad veniendum, officium hocamittetis. • Hoc intellectOy stultus homo ac loquax tandem retulit se Florentiam venisse. 28 LES FAC^TIES X D'UNE FEICME QUI TROMPA SON MARI Pietro, mon compatriote, m'a raconte un jour une plaisante histoire et qui peint bien la malice du sexe. II ^tait au mieux avec la femme d'un laboureur assez nalff, qui passait la plupart de ses nuits aux champs pour evi- ter ses creanciers. tin jour que Pietro etait avec la femme, le mari, qu'on n'attendait pas, revint au cr^puscule ; elle fit . vite cacher Famant sous le lit, et, se toumant vers son homme, lui reprocha vivement d'etre re- venu : « Tu veux done, » lui dit-elle, « pour- » rirdansles cachots?Tout a Theure lesgens )) du Podestat ont fouill^ la maison entiere DE MULIERE QUJE VIRUM DIFRAUDAVIT Petrus contribulis meus olim mihi narravit fabulam ridiculosam et versutia dignam mulie- bri. Is rem habebat cum foemina nupta agricolae baud multum prudenti, et is foris in agro saepius ob pecuniam debitam pernoctabat. Cum ali- quando amicus intrasset ad miilierem, vir inspe* rams rediit in crepusculo : tum ilia, subito collocate subtus lectum adultero, in maritum versa, graviter ilium increpavit, quod redisset, asserens velle eum degere in carceribus : c Modo, » inquit, c Prstoris satellites ad te capiendum DE POGGE 29 » pour te trouver et te mener en prison ; je » leur ai dit que tu passais d'habitude la nuit » dehors, et ils sont partis, mais en mena- » 9ant de revenir bientot. » L'homme, ^pou- vant^, cherchait le moyen de s'en aller, mais d6)k les portes de la ville ^taient fermees : (( Malheureux, » lui dit sa femme, « si tu es » pris, tu es perdu! » II lui demandait, tout tremblant, un bon conseil. Prompte aux ex- pedients, elle lui dit : « Monte dans ce colom- 9 bier, tu y passeras la nuit; moi, je ferme- » rai la porte en dehors et j'enl^verai Techelle, » de mani^re que personne ne te soup^onne » Ik. i> Aussitot dit, aussitdt fait. La femme ferma la porte, enleva I'^chelle, pour qu'il ne fdt pas possible k son marl de rentrer, et fit sortir Tamant de sa prison. Celui-ci, simu- > universam domum perscrutati iunt^ ut teabri- > perent ad carcerem : cum dicerem te foris dor- » mire solitum, abierunt, comminantes se paulo > post reversuros. i Qusrebat homo perterritus abeundi modum : sed jam portae oppidi clausae erant. Tum mulier : t Quid agis, infelix ? Si ca- » peris, actum est. » Cum ille uxoris consilium tremens quaereret, ilia ad dolum prompta : c As- t cende, > inquit, c ad hoc columbarium : eris 1 ibi hac nocte, ego ostium extra occludam, et > removebo scalas, ne quis te ibi esse suspicari » queat. > lUe uxoris paruit consilio. Ea, obse- rato ostio, ut viro facultas egrediendi non esset, amotis scalis, hominem ex ergastulo eduxit, qui simulans lictores Pnetoris iterum advenisse, ma- 3. 3o LES FAC^TIES lant le retour des sbires du Podestat, se mit k faire un vacarme epouvantable, et la femme de prendre aussitot la defense de son mari, qui tremblait de peur au fond de sa cachette. En- fin, le tumulte apaise, ils se mirent au lit et consacrdrent la nuit k V^nus ; le mari se tint coi dans I'ordure avec les pigeons. XI d'un prStre qui ignorait le jour de la f£te des rameaux Aello est un bourg tout k fait perdu au fond de nos montagnes des Apennins. II y avait Ik un Cut6 plus inculte encore et plus ignorant que les paysans. Faute de connaitre les temps et les saisons, il n'annon9apas meme gna excitata turba, muliere quoque pro viro loquente, ingentem latent! timorem incussit. Se- dato tandem tumultu, ambo in lectum profecti ea nocte Veneri operam dederunt; yir delituit inter stercora et columbos. XI DE SACEROOTE QUI IGNORABAT SOLENNITATEM PALMARUM Aellum oppidum est in nostris Apennini men- tibus admodum rusticanum. In eo habitabat Sa- cerdos rudior atque indoctior incolis. Huic cum ignota essent tempera, annique varietates, nequa<* DE POGGE 3l le Car^me a ses paroissiens. Mais, ^tant venu k Terra- Nuova pour le marche qui se tient la veille des Rameaux, il vit le clerg^ occupy k preparer pour le lendemain des palmes et des branches d'olivier;il se demanda d'abord ce que cela voulait dire et finit par s^aperce- voir de sa faute : le CarSme ^tait d6)k pass^ sans qu'il Vetit fait observer k ses ouailles. De retour au bourg, il pr^para des rameaux et des palmes pour le jour suivant, et mon- tant alors en chaire : « Cest aujourd^hui, » dit-il, « le jour, oti suivant I'usage, se distri- )) buent les palmes et les rameaux ; P^ues » sera dans huit jours; nous n'aurons ainsi k » faire penitence que pendant une semaine ; » notre jeilne sera de courte dur^e, et voici )) pourquoi : cette ann^e , le Carnaval est quam indixit Quadragesimam populo. Venit hie ad Terram Novam, ad mercatum sabbato ante solennitatem Palmarum. Conspectis sacerdotibus olivarum ramos ac palmulas in diem sequentem parantibus, admiratus quidnam id sibi vellet^ cognovit tunc erratum suum, et Quadragesimam nulla observatione suorum transisse. Reversus in oppidum et ipse ramos palmasque in posterum diem paravit, qui, advocata plebecula : c Hodie, » inquit, c est dies, quo rami olivarum palmarum- D que dari ex consuetudine debent : octava die 9 Pascha erit; hac tantum hebdomada agenda est > poenitentia, neque longiut habemus hoc anno > jejunium, cujus rei causam banc cognoscite : 1 Camisprivium hoc anno fuit lentum ac tardum, 32 LES FAC^TIES ») venu tr^s-lentement et tres-p^niblement ; » il a 6x6 retard^ par les neiges et les mau- » vais chemins qui Temp^chaient de franchir » les montagnes. Le CarSme, k sa suite, avait » beaucoup de peine k marcher et ne pou- » vait porter avec lui plus d'une semaine ; » il a laissi6 les autres en route. Ainsi done, n pendant ce peu de temps que le CarSme » restera chez vous, venez k confesse et faites » tous penitence. » XII DE PAYSANS CHARGES PAR LEUR8 CONCTFOTENS D^A- CHETER UN CHRIST ET AUXQUEL8 ON DEMANDE S*ILS LB VEULENT MORT OU VIF On d^plcha du m^me village k Arezzo de bonnes gens charges d'acheter un Christ de > quod propter frigora et difficultatem itinerum > ho8 montes nequivit superare; ideoque Qua- 1 dragesima adeo tardo ac fesso gradu accessit, » ut jam nil amplius quam hebdomadam unam » secum ferat, reliquis in via relictis. Hoc ergo 9 modico tempore, quo vobiscum mansura est, i confitemini, et pgenitentiam agite omnes. t XII DE RUSTIC18 NUNCII8 IIITERROGATIS AN VELLENT CRUaFIXUM . YIYUM AN MORTUUM AB OPinCE EKBRE Ex hoc quidem oppido mis8i sunt quidam Aretium ad emendum ligneum Crucifizum, qui DE POGGE 33 bois pour Teglise du pays, lis se rendirent chez un fabricant do, ces sortes d'objets, et, dds les premiers mots, Thomme, voyant qu'il avait affaire a des rustauds, k de vraies bu- ches,' saisit Toccasion de se moquer d'eux : il leur demanda s'ils voulaient un Christ mort ou vivant. Les bonnes gens, apr^s avoir pris le temps de reflechir et s'^tre consult^s a Tecart, declarerent enfin qu'ils le preferaient en vie : si leurs concitoyens n'en sont pas contents, ils le tueront tout de suite. XIII MOT D*UN CUISINIER A L^ILLUSTRISSIME DUG DE MILAN L'ancien Due de Milan, Prince d'un goiit d^licat en toutes choses, possedait un cuisi- in ecclesia eorum poneretur. Deducti ad hu jus- modi opificem quemdam, cum rudes et veluti stipites essenty opifex risus materiam auditis ho- minibus quaerens, vivumne an mortuum Crucifi- xum vellent, postulavit. Uli, sumpto paulo tem- poris ad consultandum, secreto coUocuti, demum responderunt se vivum malle : nam si eo modo suo populo non placeret, se ilium e vestigio occi- suros. XIII DICTUM COCI ILLUSTRIS8IM0 DUCI MSDI0LANEN8I HABITUM Dux Mediolani senior, Princeps in omnibus rebus elegantiae singularis, habebat cecum egre- 34 LES fac£ties nier hors ligne qu'il avait envoy^ en France pour apprendre k confectionner des ragodts. Pendant la guerre qu'il soutint contre les Florentins, il lui vint un jour un messager de mauvaises nouvelles, qui le troubla pro- fond^ment. Quelques moments apr^s, comme on lui servait k table differents plats, il leur trouva je ne sais quel goiit d^sagr^able, les repoussa en disant qu'ils ^taient mal assai- sonn^s, et, ayant fait venir son cuisinier, lui reprocha durement de ne pas savoir son metier. Celui-ci, qui ne menageait pas ses mots, repliqua : « Si les Florentins vous » otent le goiit et Tapp^tit, est-ce ma faute ? » Mes plats sont excellents et confectionnes 1 suivant les regies de Tart, mais les Floren- » tins vous echaufifent et vous font perdre » I'app^tit. » Le Duc^ qui ^tait homme d'es- gium, quern usque ad Gallos ad perdiscenda obsonia miserat. Bello, quod ingens cum Floren- tinis Dux habuit, cum ei aliquando non satis prosper nuncius advenisset, admodum turbavi't Duds mentem. Oblatis postmodum ad mensam epulis, sapores nescio quos Cum Dux improbasset, epulas insUper, ut non rite conditas, esset asper- natus, accitum cocum, veluti ignarum artis aspere increpavit. Turn ille, ut erat liberior in eloquendo : c Si Florentini, » inquit, c tibi gustum » atque appetitum auferunt, quae mea est culpa ? t Cibi enim mei sapidi sunt, et summa arte com- i positi : sed te nimium concalefaciunt, et appe- » titum auferunt Florentini. » Risit ille, ut erat DE POGGE 35 prit, se mit h rire de ia plaisante et libre rd- ponse de son cuisinier. XIV MOT DU MfiME CUISINIER AU m£mE ILLUSTRE PRINCE LemSme cuisinier, aucours de cette guerre^ plaisanta encore a la table du Due, un jour qu'il le voyait inquiet et accabl^ de soucis : « Comment pourrait-il ne pas 6tre tour- » mente ? » dit notre homme ; « il veut deux » choses impossibles : n'avoir pas de frontid- » res et engraisser Francesco Barbavare, cet » homme si riche et d'une si grande cupi- » dit^. » Le cuisinier raillait ainsi a la fois Tambition immoderee du Due et Pinsatiable humanissimus, coci facetam in respondendo liber- tatem. XIV EJUSDEM COCI DICTUM AD PRJELIBATUM ILLUSTREM PRINCIPEM Idem cocus, bello insuper vigente, jocatus ad mensam Duels, cum videret cum anxium atque afflictum curis : c Non mirum esse, t inquit, c ilium torqueri : nam duo impossibilia Dux co- f natur : unum, ne habeat confinia : alterum, ut » pinguem reddat Franciscum Barbavaram, ho- f minem opulentum^ summaque cupiditate fla- » grantem. » Hoc dicto perstringens et dominandi 36 LES FAC^TIES avidity de Francesco pour les richesses et les dignit^s. XV REQUITE DU m£iCE CUISINIER AU SUSDIT PRINCE Ce cuisinier, voyant une foule de gens sol- liciter toutes sortes de faveurs, choisit le mo- ment oil le Due ^tait k table pour le prier instamment de faire de lui un §ne. Le Due, ne comprenant rien k cette requite, lui de- manda pourquoi il aimait mieux etre un ane qu'un homme : — « C'est que je m'aper9ois, » r^pondit le cuisinier, «. que tons ceux que » vous elevez, auxquels vous donnez des hon- » neurs et des charges, aussitot gonfles d'im- » portance et d'orgueil, pleins d'insolence, » deviennent vraiment des dnes. Moi aussi, appetitum Duels immoderatum,et Francisci im-^ mensam opum atque ambitionis cupiditatem. XV PEirnO EJU8DEM COCI AD PR£DICTUM PRINClPEM Is ipse cum multi peterent varia beneficii loco, summopere incoenaDucem rogavit, ut se asinum faceret. Miratus Dux quid sibi ea postulatio vellet, cur se asinum quam hominem mallet : c Atqui » omnes video, » inquit ille, < quos in sublime » extulisti, quibus honores et magistratus de- » disti, sUperbia et fastu elatos atque insolentes DE POGGE 37 » je voudrais bien que vous fissiez de moi » un ane. » XVI DE GIANNOZZO VISCONTI Antonio Lusco ^fait un homme de beau- coup d'esprit et de savoir. Quelqu'un de sa connaissance lui soumit un jour une lettre qu'il voulait adresser au Pape ; Lusco lui con- seilla d'en modifier et d'en retoucher certain passage. L'autre la lui rapporta telle quelle, comme s'il I'avait corrigee. Apres y avoir jete les yeux : « Est-ce que tu me prends par » hasard pour Giannozzo Visconti ? » dit An- tonio Lusco. Nous lui demandames ce que cela signifiait : « Giannozzo, » dit-il, « notre 9 evasisse asinos. Itaque ego quoque asinus a te f fieri cupio. b XVI DE JANNOTO VICECOMITE Antonius Luscus, vir facetissimus ac doctissi- mus, cum ei notus quidam litteras apud Pontifi- cem expediendas obtulisset, atque ipse in certo loco corrigere atque emendare jussisset; ille autem postridie litteras easdem retulisset, veluti emendatas, inspectis litteris : c Tu me, » inquit, c Jannotum Vicecomitem forsitan putasti. » Cum quaereremus quidnam hoc dictum sibi vellet : tJannotus, > ait, « olim Praetor fuit noster Vicen- 38 LES FAC^TIES ancien Gouverneur de Vicence, etait un ex- cellent homme, mais trds-gros et d'une in- telligence aussi dpaisse. II appelait souvent son secretaire et lui faisait ecrire quelque lettre a Tancien Due de Milan. Lui-meme, il n'en dictait qu'une toute petite partie, les formules de politesse; pOur le reste, il s'en remettait a son secretaire, qui lui rapportait bientot la lettre redigde en entier. Giannozzo la prenait pour la lire et ne manquait pas de la trouver aussitot mal tournee, ridicule : « Cela ne vaut rien, » lui disait-il, « va-t'en » et corrige-moi cela. » Le secretaire, au fait de la sottise et des manies de son maitre, re- venait un peu apres et lui rapportait la meme lettre sans le moindre changement, affirmant qu'il Pavait corrigee et recopi^e. Giannozzo la prenait en main comme pour la lire, y je- tinus, homo bonus, sed corpora et ingenio crasso. Is seepius advocate secretario mandavit scribi epistolam ad Ducem Mediolani seniorem, cujus particulam quamdam ipse dictitabat, quae spe- ctabat ad ceremonias verborum; reliqua commit- tebat secretario, qui afferebat epistolam^ postmo- dum scriptam. Earn Jannotua legendam sumens, statimque epistolam veluti inconditam atque ineptam increpans : « Non bene est, » aiebat; « perge atque emenda, » Secretarius, qui patroni sui stultitiam novit et mores, paulo post rever- tens, et eamdem epistolam nihilo immutatam . ferens, et correxisse se et rescripsisse dicebat. Quam cum ille tanquam lecturus in manus su- DE POGGE 39 tait un coup d'oeil et disait : « Cette lettre est » fort bien maintenant ; va, pose mon cachet » et adresse-la au Due. » — II avait Tha- bitude de faire de m^me pour toutes ses lettres. » XVII d'un tailleur de visconti, par kaniere de comparaison Le Pape Martin avait charge Antonio Lusco de rediger une lettre ; apres Tavoir lue, il lui ordonna de la soumettre k Tun de mes amis en qui il avait la plus grande confiance. Ce- lui-ci, qui etait a table et tant soit peu echaufFd par le vin, la desapprouva completement, et dit qu'il fallait la refaire. Antonio dit alors k meret^ inspecta paululum epistola : c Nunc bene » se habet; » inquit, « vade et obsigna^ atque ad » Ducem destina. » — Hoc in omnibus epistolis suis facere consuevit. » XVII DE SUTORE QUODAM VICECOMITIS PER VIAlf COMPARATIONIS Commiserat olim Martinus Pontifex Antonio Lusco litteras quasdam conficiendas, quas cum postmodum legisset, jussit Pontifex illas legen- das quoque deferri ad quemdam amicum no- strum, in quo plurimum confidebat. Hie autem cum paulo esset in coena concalefactus a vino, 40 LES faciSties Bartolommeo de' Bardi, qui se trouvait Ik : « Je corrigerai ma lettre de la m^me fa9on que le tailleur elargit le haut-de-chausses de Jean-Galeas Visconti; demain , avant qu'il n*ait mang^ ni bu, je reviendrai et la lettre sera parfaite. » Bartolommeo lui demanda ce que cela signifiait : « Jean-Galeas Visconti, pere de I'ancien Due de Milan, etait, » dit Antonio, < un homme de haute taille, tres- gras et d'un embonpoint excessif. Quand il s'etait farci le ventre, ce qui lui arrivait sou- vent, d'un tas de victuailles et de boissons et qu'il allait se coucher, il faisait appeler son tailleur, Taccablait d'invectives, lui reprochait de lui avoir fait un haut-de-chausses trop ^troit et lui commandait de Telargir de fa9on qu'il ne le gSndt plus : — « II sera fait, » disait litteras penitus improbavit, et alium in modum componi jussit. Tunc Antonius Bartholomeo de Bardis^qui aderat : < Faciam, » inquit,i in litteris meis, quod olim sutor in farsitio, quod appel- lant, Joannis Galeatii Vicecomitis egit : eras an- tequam edat, vel bibat, redibo, et litterae bene erunt. > Deinde percontanti quidnam hoc esset Bartholomeo : c Joannes Galeatius Vicecomes, » inquit Antonius, c pater senioris Ducis Medio- lani, erat vir magnus, pinguis et corpulentus. Is cum saepiusmulto cibo et potu ventrem farsisset, post coenam cum iret cubitum, vocari ad se suto- rem suum jubebat, quem acriter redarguens aiebat fecisse ilium sibi farsitium nimis arctum, 'mandabatque ampliari, ne sibi esset molestum : DE POGGE 41 le tailleur, « suivant votre desir; demain » matin, ce vetement vous ira a merveille. » II prenait Thabit et le jetait sur un porte- manteau, sans y rien changer. On lui disait : « Pourquoi n'elargissez-vous pas ce vetement » que la grosse bedaine de Monseigneur fait » craquer ? — Demain, » repondait-U, « quand » Monseigneur se levera, la digestion faite, » et qu'il aura chie copieusement, Thabit lui » sera trds-large. » Le matin, il rapportait le haut-de-chausses, et Visconti, Tayant endoss^, disait : « II me va bien maintenant ; il ne me » gene plus nulle part. » — Antonio disait de m^me que sa lettre plairait, une fois le vin cuve. — « Factum erit, » aiebat sutor, t ut jubes : eras » optime erit. » Deinde acceptam vestem proji- ciebat ad perticam, nihil immutans. Cum dicerent caeteri : c Cur non amplias .vestem banc quae ni- » mium ventrem Domini urget ? > hie : — « Cras, > inquit, f cum Dominuspostdigestionemsurrexe- » rit, ac ierit cacatum, vestis erit amplissima. i Mane portabat farsitium, quo ille induto : c Nunc ¦» bene est, > dicebat, « nuUo in loco me ofPen- » dit. » — Eodem modo Antonius epistolam suam digesto vino placituram dixit. 42 LES FACl^TIES XVIII PLAINTE PORT^E A FACING CANE ^ AU. SUJET d'un vol Un quidam se plaignait k Facino Cane, qui fut un homme cruel et Tun des meilleurs generaux de notre temps, d'avoir ete, en route, depouille de son manteau par un de ses soldats. Facino le regarde, le voit vetu d'un excellent pourpoint, et lui demande s41 portait ce vetement-la le jour du vol : — « Oui , » repondit Taut re. — « Hors d'ici , » done, M reprit Facino : « celui que tu pre- » tends t'avoir vole n'est pas un de mes sol- » dats : jamais aucun des miens ne t'aurait » laisse sur le dos un si bon pourpoint. » XVIII QUERIMONIA 8P0LII CAUSA AD FACINUM CANEH FACTA Apud Facinum Canem, qui fuit vir crudelis, ac dux praecipuus in hac nostri temporis militia, querebatur quidam se spoliatum chlamyde in via a quodam suo milite. Hunc intuens Facinus vestitum tunica bona, quaesivit an jUam, cum spo- liaretur, gestasset. Cum ille annueret : — « Abi, » inquit; < hie quern dicis te spoliasse nequaquam 9 est ex meis militibus. Nam nullus meus un- 9 quam tibi tam bonam tunicam reliquisset. > DE POGGE 43 XIX EXHORTATIONS D*UN CARDINAL AUX SOLDATS DU PAPE C'^tait dans le Picentin, pendant la guerre- que le Cardinal d'Espagne soutenait centre les ennemis du Pape. Les deux armees se trouvdrent en presence, et il fallait absolu- ment que les partisans du Pape fussent vain- queurs ou vaincus. Le Cardinal encourageait les soldats k se battre, par de beaux discours ; il jurait que ceux qui tomberaient dans la bataille souperaient avec Dieu et avec les anges; que tous leurs peches leur seraient remis : il esperait ainsi leur donner du coeur k aller se {aire tuer. A bout de promesses , il XIX EZHORTATIO CARDINALIS AD ARMIGER08 PONTIFICIS Cardinalis Hispaniensis, bello, quod eo autore gestum est in Piceno adversus Pontificis hostes, cum aliquarido ad aciem ventum esset, in qua vincere vel vinci eos qui Pontificem sequebantur necesse erat, hortabatur milites ad pugnam plu- ribus verbis, asserens qui in illo praelio cecidis- sent, cum Deo et Angel is pransuros ; peccatorum enim omnium veniam propositam occumbenti- bus affirmabat, quo morti se alacrius ofFerrent. His exhortationibus usus, excedebat pugna. Turn unus ex astantibus militibus : c Cur tu, 9 inquit, 44 LES FACfTIES se retirait de la melee, quand un des soldats lui dit : c( Et toi ? tu ne veux done pas souper » avec nous? — Non, » repondit-il, « ce n*est » pas mon heure; je n'ai pas encore faim. » * XX REPONSE A UN PATRIARCHE Le Patriarche de Jerusalem, qui dirigeait toute la Chancellerie Apostolique, convoqua un jour les avocats pour resoudre certaine question et fit k plusieurs d'entre eux je ne sais quels vifs reproches. Tommaso Biraco, Fun d'eux, repondit pour tous les autres avec beaucoup de vivacite ; le Patriarche, se tour- nant alors vers lui, s'^cria : « Tu as une mau- » vaise t6te. » Mais Biraco, en homme prompt € non et ad hoc prandium una nobiscum acce- » dis ? J At ille : — « Tempus prandii nondum est 9 mihi, quoniam nondum esurio. » XX PATRIARCHJE RESPONSIO Patriarcha Hierosolymitanus, qui totam Can- cellariam Apostolicam regebat, convocatis ali- quando certam ob causam discutiendamadvocatis, nonnullos nescio quidem verbis acriter castigavit. Huic cum unus prae caeteris Thomas Biracus liberius respondisset, versus in eum Patriarcha inquit : c Malum caput habes. » At ille, ut erat DE POGGE 45 h la riposte et qui a le mot pour rire : — « Vous parlez bien , » repliqua-t-il, a la verite pure » sort de votre bouche , on ne peut rien dire » de plus exact. Car si j'avais une bonne tete, » nos affaires seraient en meilleur etat et nous » n'aurions pas besoin de discuter ainsi. — » Tu t'accuses done toi-meme? » reprit le Patriarche. — « Point du tout, » riposta Tau- tre, « ce n'est pas moi que j'accuse d'etre mau- » vais, c'est ma tete. » II se moquait ainsi du Patriarche, qui etait a la tete de tous les avo- cats et k qui on s'accordait a en reconnaitre une un peu dure. XXI DU PAPE URBAIN VI Un autre plaisanta doucement Urbain VI , homo promptus ad lacessendum ac perfacetus : — c Recte, » inquit, m ac vere loqueris : nihil enim » verius potest dici. Nam, si bonum caput habe- » rem, satis meliori loco res nostrae essent, neque » hac opus esset controversia. — Te igitur ipsum » culpas? » ait Patriarcha. Tum ille : — « Non me, » inquit, « sed caput reprehendo. » Facete in ip- sum, qui advocatis omnibus praeerat, Patriarcham lusit, qui duro paulum capite existimabatur. XXI DE URBANO PONTIFICE SEXTO Alter Urbanum, olim summum Pontificem 46 LES FAC^TIES nagudre Souverain Pontife. Un jour qu'il con- tredisait le Pape avec trop d'aigreur : « Tu as » une mauvaise tete, » lui dit Urbain. — « Cest » justement ce que Ton dit de vous dans le » peuple, Saint-Pere, » repondit Tautre. XXII D'UN PRiTRE QUI, AU LIEU D'ORNEMENTS SACERDO- TAUX, APPORTE DE& CHAPONS A SON ^V^QUE Un fiv^que d'Arezzo, nomme Angelo, que nous avons connu, convoqua un jour son clerge pour un Synode et ordonna k tous ceux qui etaient rev^tus de quelque dignite de se mettre en route avec leurs habits sacerdotaux, ou, comme on dit en Italien, avec ca]p]pe e cote. Certain Pretre k qui ces v^tements fai- Sextum, leviter perstrinxit. Nam cum ille nescio quid acrius a Pontifice contenderet : c Malo capite » es, » inquit Urbanus. Turn ille :— « Hoc idem, » inquit, c et de te vulgi dicunt homines, Pater > Sancte. 9 XXII DE SACERDOTE QUI, LOCO 0RNATU8, CAPONES EPISCOPO PORTAT • Episcopus Aretinus, Angelicus nomine, quem novimus, aliquandp convocavit ad Synodum sa- cerdotes suos, praecipiens, ut qui aliqua in digni- tate essent, cum cappis et cottis (sunt enim hae vestes sacerdotales) ad Synodum proficiscerentur. DE POGGE 47 saient defaut, reflechissait tristement chez lui, ne sachant comment se les procurer. Sa gou- vernante, qui le voyait tout pensif, la tete basse , lui demanda la cause de son chagrin : il repondit que, d'apres les ordres de TEv^- que, il fallait aller au Synode avec cappe e cotte : — a Mais, mon bon maitre, » reprit la gouvemante, « vous n'avez pas bien compris » le sens de cette injonction : Monseigneur » n'exige pas cappe e cotte, mais bien capponi )) cotti * ; voilk ce qu'il faut lui porter. » Le Pretre se rendit k Tavis de cette femme; il emporta des chapons cults et fut tres-bien re^u. L'Eveque dit meme en riant que lui seul, parmi tous ses confreres, avait bien compris le sens du mandement. Quidam Presbyter, cui haec vestimenta deerant, moestus domi erat, ignorans undenam ea sibipa- raret. Hunc cogitabundum vultu demisso conspi- cata ancilla, quam domi nutriebat, cum quaesisset moeroris causam, dixit sibi cum cappis et cottis, secundum Episcopi edictum, eundum ad Syno- dum esse : — t Atqui, » inquit, t o bone vir, non • recta vim mandati hujus cognovisti : non enim • cappas et cottas, sed capones coctos Episcopus 1 postulat, qui tibi sunt deferendi. t Apprehendit Sacerdos muliebre consilium, et secum capones coctos deferens, optima ab Episcopo fiiit susceptus, qui per risum retulit, hunc sacerdotem solum rec- tius quam caeteros edict! sententiam cognovisse. I. Des chapons cnits. 48 LES FAC^TIES XXIII d'un de mes amis qui se voyait avec peine PRli- F^RBR BIEN DES GENS AU-DESSOUS DE LUI PAR LEUR SCIENCE ET LEUR VERTU Dans la Curie Romaine, c'est presque tou- jours le hasard qui Femporte, et il y a tr^s- rarement place pour le talent ou pour la vertu ; tout s'y obtient par les intrigues ou par la chance, sans parler de TArgent, qui est vrai- ment le maitre du Monde. Un de mes amis, se voyant avec peine preferer des hommes d'un savoir et d'un merite tres-inferieurs aux siens, s'en plaignait a Angelotto, Cardinal de Saint- Marc : on ne tenait aucun compte de sa valeur, on lui preferait des gens qui ne pouvaient, sous aucun rapport^ lui etre compares. II rappelait XXIII DE AMICO QUI £GRE FEREBAT MULT08 SIBI PRJEFERRI DOCTRINA ET PROBITATE INFERIORES In Curia Romana ut plurimum Fortuna domi- natur, cum perraro locus sit vel ingenio, vel vir- tuti; sed ambitione et opportunitate parantur omnia, ut de nummis sileam> qui ubique terra- rum imperare videntur. Amicus quidam, qui aegre ferebat praeferri sibi multos doctrina et pro- bitate inferiores, querebatur apud Angelotum Cardinaiem Sancti Marci, nuliam haberi suae virtutis rationem, seque postponi his, qui nulla in re sibi pares essent. Sua insuper studia com- DE POGGE 49 ses etudes, le mal qu'il s'etait donn6 pour de- venir savant. Le Cardinal etait toujours dis- pose a railler les vices de la Curie : — « Ici, » dit-il, a la science et le merite ne servent k » rien. Mais, ne te ddcourage pas; travaille » quelque temps k ddsapprendre ce que tu » sais et k apprendre les vices que tu ignores, » si tu veux te faire bien venir du Pape. » XXIV d'une femme folle Une femme de mon pays, que tout le monde croyait folle k lier, etait menee par son mari et ses plus proches parents k une sorci^re sur laquelle on comptait pour la gudrir. Ces gens, au moment de traverser k gu^ TArno , la pla- memoravit, et in discendo labores. Tum promp- tus ad lacessendum Curiae vitia Cardinalis : — f Hie scientia et doctrina, j inquit, « nihil pro- t sunt. Sed perge et aliquod tempus ad dediscen- » dum et addiscendum vitia vaca, &i vis Pontifici » acceptus esse. t> XXIV DE MULIERE PHRENETICA Mulier ex meo municipio, cum videretur phre- netica^ ducebatur a viro et genere proximis ad foeminam fatidicam quamdam, cujus ope vel opere curaretur. Cum per Arnum fluvium trans- 5o LES FACl^TIES Cerent a calif ourchon sur le dos du plus ro- buste de la bande : mais la voila aussitot qui se met k remuer des f...es, similis coeunti, et k crier de toutes ses forces, a plusieurs re- prises : « Je veux qu*on me f...e! » Cetait indiquer la cause de son mal. Celui qui la portait fut pris d'uri rire si violent, qu'il se laissa tomber k Teau avec elle. Tous les au- tres dclatdrent, en apprenant quel remade demandait ce genre de folie : « Ce ne sont » pas des sortileges, c'est autre chose qu'il lui » faut , » dirent-ils , « pour la gu^rir, » et se tournant vers le mari : a Tiens, c'est toi qui » seras le meilleur m^decin de ta femme. » Lk-dessus chacun revint sur ses pas, et le mari s'^tant mis en devoir, la malade retrouva son bon sens. — Tel est le meilleur remede k la folie des femmes. ituri mulierem supra dorsum hominis validioris imposuissent, coepit ilia e vestigio nates movere, simili coeunti, ac magna voce clamitans : c Ego, » inquit, saepius verba iterans, « vellem futui, » quibus vocibus causam expressit morbi. Qui fe- rebat foeminam, adeo est in risum efifusus, ut una cum ea in ^quam caderet. Tum ridentes omnes, cum insaniae medelam cognovissent, non esse opus incantationibus asserunt, sed coitu, ad sanitatem restituendam. Et in virum versi : « Tu, » inquiunt, « optimus uxoris curator eris. j Redeun- tibus igitur illis, cum vir uxorem cognovisset, mens pristina rediit. — Haec optima ad mulienim insaniam est medela. DE POGGE 5l XXV d'une femme qui se tenait sur la rive du p6 Deux femmes, de celles qui servent k sou- lager rhumanite souffrante, allaieht a Ferrare en bateau ; des fonctionnaires municipaux les acoompagnaient. Une commere, debout sur la rive du P6, les aper^ut : ((Imbeciles, » dit-elle aux homines, « croyez-vous par ha- V sard que les putains vous manqueront a » Ferrare? II y en a plus que d'honnetes » femmes k Venise. » XXV DE MULIERE SUPRA PADUM ASTANTE Ferebantur navicula Ferrariam, una cum cer- tis curialibus, duae mulieres, ex his quae serviunt indigentibus. Turn muHer quaedam supra Padum astans, foeminas conspicata : < O stulti, > inquit, c an putabatis meretrices vobis Ferrariae defutu- t raS) cum certe plures inveniuntur hie quam » Venetiis probae mulieres ? > 52 LES FACfTIES XXVI DE l'aBB^ DE SEPTIMO L'AbW de Septimo, homme extr^mement gros et gras, se rendant sur le soir k Florence, demanda en chemin k un paysan : « Crois-tu » que je pourrai passer la porte? » L'Abbe entendait par la s'il arriverait a la ville avant que les portes ne fussent fermees. Le paysan, equivoquant sur Tembonpoint du person- nage : — « Parbleu! » dit-il, f une charrette » de foin y passe bien ! vous passerez aussi. » XXVI DE ABBATE SEPTIMI Abbas Scptimi, homo corpulentus et pinguis, vesperi Florentiam proficiscens, interrogavit rus- ticum obvium, an portam se ingredi existimaret. Intellexit Abbas an putaret Se perventurum in urbem, antequam clauderentur portae. Ille vero in pinguedinem jocatus : — « Atqui, » inquit, « currus foeni, nedum tu, portam introiret. » DE POGGE 53 XXVII LA SCEUR D'UN CITOYEN DE CONSTANCE DEVIENT GROSSE Pour montrer quelle sorte de liberie on r^clamait pendant le Concile de Constance, un noble Ev^que d'Angleterre raconta, dans une nombreuse assemblee de Prelats, This- toire que voici : « II y avait a Constance, » dit-il, « un jeune homme dont la soeur, qui n'etait pas mariee , devint enceinte. L'enflure du ventre lui ayant tout revile, le voici qui tire son epee, demande ce que c'est, d'oii cela lui est venu, et fait mine de la vouloir frapper. La jeune fille, epouvantee, s'ecrie : « C'est » Toeuvre du Concile ; c*est du Concile que je » suis grosse! » A ces mots, le jeune homme, XXVII avis CONSTANTIJE SOROR GRAVIDA FACTA Nobilis Episcopus ex Britanniis, ad ostenden- dam quam tunc multi requirebant Concilii Con- stantiensis libertatem, in magno Praelatorum conventu hoc attulit testimonium. Fuisse ait Constantiae civem, cujus soror innupta gravida facta erat. Cum fratri tumor ventris jnnotuisset, accepto gladio, quid id asset, aut unde id prodis- set, quaesivit, percussori similis. Turn juvenis exterrita, id esse ait Concilii opus, seque ex Con- cilio praegnantem. Hoc intellecto frater, Concilii 54 LES FAC^TIES plein de crainte et de respect pour la sainte Assemblee, n'osa ch^tier sa soeur. Parmi les liberies de toutes sortes qu'on reclamait, il mettait au premier rang celle de faire I'a- mour. » XXVIII MOT DE l'eMPEREUR SIGISMOND Quelqu'un se plaignait devant PEmpereur Sigismond de ce qu'on manquait de liberty dans le Concile de Constance : — « Certes, » dit TEmpereur, a s'il n'y avait pas ici entiere » liberty, vous ne parleriez pas de la sorte. » Quand on a son franc parler, c'est signe , en efFet, qu'on jouit d'une grande liberty. metu ac reverentia, sororem impunitam reliquit. Cum caeteri aliarum rerum libertatem quaere- rent, ille praetulit licentiam fiituendi. XXVIII SIGISMUNDI IHPERAT0RI8 DICTUM Sigismundus quoque Imperator cuidam coram eo querenti Constantiae libertatem non esse : — c Atqui, » inquit, « nisi hie summa esset libertas, » tu tam libera minime loquereris. » Libere enim loqui magnae libertatis est signum. DE POGGE 55 XXIX PftOPOS DE LORENZOf PRETRE ROMAIN Le jour oti le Romain Angelotto fut fait Cardinal par le Pape Eugene, un pretre face- tieux, nommd Lorenzo, rentra chez lui en- chante, joyeux, en proie k la plus folle et la plus expansive gaiete. Ses voisins lui deman- derent ce qui lui etait arrive d'extraordinaire pour donner lieu h de tels eclats de joie : — « C'est, » dit-il, t que j'ai maintenant les plus » grandes esp^rances : voila qu'on nomme )) Cardinaux les insenses et les fous ; puisque » Angelotto est encore plus fou que moi, je » vais done bientot etre Cardinal, moi aussi. » XXIX DICTUM SACERD0TI8 LAURENTII ROMANI Qua die Angelotus Romanus factus est a Pon- tifice Eugenio Cardinalis, quidam Laurentius sa- cerdos urbanus domum rediit, hilaris, applau- dens, totusque in risujn ac laetitiam efiusus. Cum rogarent vicini, quidnam sibi obtigisset novi, quod tarn laetus et alacris esset : — « Bene, » in- quit, « est; magna in spe sum, posteaquam de- » mentes et insani Cardinales fieri coeperunt, f prope diem cum Angelotus amentior me sit, > Cardinalem me quoque esse fiiturum. > 56 LES FACJ^TIES XXX CONVERSATION DE NICCOLO D*ANAGNI Niccolo d'Anagni s'est moqud, pre^uedans les memes termes, du Pape Eugene, qui, di- sait-il, n'avait de faveurs que pour les sots et les ignorants. Nous etions plusieurs reunis dans le palais, devisant, comme d'ordinaire, de choses et d'autr^s; quelques-uns d'entre nous se plaignaient de Tin justice du sort et accusaient la Fortune de leur 6tre tou jours defavorable. Alors Niccolo, docte personnage, d'humeur legere et d'une langue bien affilee : « II n'y a personne au monde, » dit-il, « en- )> vers qui la Fortune ait et^ aussi injuste » qu'envers moi. C'est aujourd'hui le regne XXX CONFABULATIO NICOLAI ANAGNINI In banc ferme sententiam Nicolaus Anagninus )Ocatus est in Pontificem Eugenium, quern dice- bat plurimum stultis et insipientibus favere. Nam cum essemus complures, variis de rebus, ut fit, in palatio confabulantes, quidam iniquitatem For- tunae maxima accusabant, querebanturque eam rebus suis admodum adversam. Turn Nicolaus, vir doctissimus, sed mgenio inconstanti et procaci lingua : c Nullus est omnium qui vivant, » inquit, « cui magis quam mihi Fortuna fuerit inimica. » Nam cum hoc tempore sit Stultitiae regnum, in DE POGGE 57 » de la Sottise ; chaque jour, nous voyons » elever aux plus hautes dignites, appeler aux » charges, presque tout ce qu'il y a de fous » parmi nous, jusqu'k cet Angelotto. Je suis, » de tous ces fous, le seul qui n'aie rien ob- » tenu : il n'y a que moi pour ^tre ainsi mal- » traite de la Fortune. » XXXI d'un prodige La nature a enfante cette ann^e plusieurs monstres en divers endroits. Sur le territoire de Sinagaglia, dans le Picentin, une vache a mis bas un dragon d'une grosseur extraordi- naire. II avaitla t^te plus grosse que celle d'un veau, le cou long d'une aune, le corps epais • diem omnes fere amentes atque insanos, turn » Angelotum quoque novimus inter cos ad am- » plas dignitates atque officia extoUi. Ego solus 9 relictus sum ex omnium dementium numero, » cui mihi solius accidit malignitate Fortune. » XXXI DE PRODIGIO Monstra hoc anno plura diversis in locis natura edidit. In agro Senagaliensi in Piceno, bos quem- dam serpentem peperit mirae magnitudinis. Ca- pite erat grossiori quam sit vituli, collo longo ad 58 LES FAC^TIES • comme celuid'un chien, mais plus long. Apres Tayoir mis bas, la vache en se retournant ne Teut pas plutdt aper9u,qu'elle poussa un grand mugissement et voulut s'enfuir epouvant^e ; le dragon se dressa tout k coup, lui entoura de sa queue les jambes de derriere, appliqua sa bouche sur ses mamelles et su9a tout le lait qu'elles contenaient ; puis, il lacha la va- che et s'enfuit dans, la for^t voisine. Les ma- melles, et la partie des jambes que le dragon avait enlacee de sa queue, resterent longtemps noires et comme brdl^es. Les bergers, au troupeau de qui appartenait cette vache, af- iirment avoir vu le prodige. Depuis, la vache a mis bas un veau ; tout cela est rapporte dans une lettre adressee a Ferrare. mensuram ulnss, corpore cani similis terete et longiore. Hunc editum cum bos conversa respexis- set, magnoque mugitu edito exterrita aufugere vellet, erectus serpens subito posteriori bus cru- ris Cauda circumdatis ad ubera os admovit, tam- diu sugens quoad lac inerat uberibus : deinde bove relicta ad sylvas vicinas aufugit. Ubera postmo- dum et ea crurium pars quam serpens cauda te- tigerat, velut adusta nigraque diutius permanse- runt. Hoc pastores (nam in armento bos erat), se vidisse affirmarunt, bovem quoque vitulum post- ea peperisse; idque ex litteris Ferrariam nun- tiatum. DE POGGE Sg XXXII AUTRE PRODIGE RACONT^ PAR HUGUES DE SIENNE Le celdbre Hugues de Sienne, le premier des Medecins de notre temps, m'a aussi rap- port^ qu'il est ne k Ferrare un chat a deux tetes, et qu'il I'a vu. XXXIII AUTRE PRODIGE II est egalement certain qu'au mois de Juin, sur le territoire de Padoue, il est ne un veau k deux tetes et a corps unique, dont les jambes de devant et de derridre etaient doubles, quoi- XXXII DICTUM MAGISTRI HUGONIS SENENSIS Vir insignis Hugo Senensis, Mediconim nostri temporis princeps, mihi quoque retulit, natum Ferrariae cattum bicipitem, seque id conspexisse. XXXIII ALIUD DE MONSTRO In agro quoque Paduano, mense Junii^ constat natum esse vitulum duobus capitibus, unico cor- pore, posterioribus anterioribusque cruribus du- plicatis^ ita tamen ut essent conjuncta. Hoc mon 60 LES FACl^TIES que jointer Tune a Tautre. On promenait ce phenomene pour de Targent , et beaucoup de monde afl&rme Tavoir vu. XXXIV AUTRE PRODIGE II n'est pas douteux non plus qu'on a ap- porte k Ferrare Timage d'un monstre marin recemment trouvd sur la cote de Dalmatie. II avait jusqu^au nombril le corps d'un homme ; au-dessous, celui d'un poisson, et cette partie inferieure, terminale, se bifur- quait. La barbe du monstre ^tait longue, deux espdcesde comes se dressaient au-dessus de ses oreilles ; il avait de grosses mamelles, la bouche large, les mains form^es de quatre strum quidam ad qusestum circumferebant, mul- tique id yidisse affirmabant. XXXIV ALIUD DE MONSTRO Aliud insuper constat, allatum esse Ferrariam imaginem marini monstri nuper in littore Dal- matico inventi. Corpore erat humano umbilico tenuSy deinceps piscis, ita ut inferior pars quae in piscem desinebat, asset bifurcata. Barba erat pro- fusa y duobus tanquam cornibus super auriculas eminentibus, grossioribus mammis, ore lato, ma- DE POGGE 6l • doigts seulement, des mains jusqu'aux ais- selles ; et au bas- ventre s'etendaient des na- geoires qui lui servaient kfendre Peau. Void comment on disait Tavoir pris : plusieurs femmes se trouvaient au bord de la mer occupees a laver du linge. L'animal, pousse, assure-t-on, par la faim, s'approcha d'une de ces femmes, la saisit par les mains et s'ef- for^a de Tentrainer. L'eau etait basse : la femme put lutter, tout en appelant k grands cris ses compagnes au secours. Elles accou- rurent au nombre de cinq, et com me le monstre n'avait pas assez d'eau pour plon- ger, elles le tuerent h. coups de pierres et de batons, et le tirerent sur le rivage, oix sa vue ne leur causa pas un mediocre efFroi. Le corps ^tait, en longueur et en grosseur, un peu superieur k celui d'un homme. J 'en ai nibus quatuor tantum digitos habentibus, a ma- nibus usque ad ascellam atque ad imum ventrem alae piscium protendebantur, quibus natabat. Cap- turn hoc pacto ferebant : erant complures foeminae juxta littus lavantes lineos pannos. Ad unam ea- rum accedens piscis, ut aiunt , cibi causa, mulie- rem manibus apprehendens ad se trahere conatus est : ilia reluctans (erat enim aqua modica), ma- gno clamore auxilium caeterarum imploravit. Ac- currentibus quinque numero, monstrum (neque enim in aqua regredi poterat) fustibus ac lapi- dibus perimunt: quod in littus abstractum, baud parvum terrorem aspicientibus praebuit. Erat cor- poris magnitudo paulo longior ampliorque forma b2 LES FAC^TIES vu la representation en bois qu'on nous avait apportee a Ferrare. Ce qui prouve que le monstre avait bien saisi la femme pour la manger, c'est qu'un certain nombre d'enfants qui, a dififerentes epoques, ^taient all^s se baigner au bord de la mer, n'ont jamais re- paru depuis. On croit maintenant qu'il les avait tu^s et emport^s. XXXV MOT PLAISANT d'uN FARCEUR SUR LE PAPE BONIFACE Le Pape Boniface IX ^tait un Napolitain, delafamille desTomacelli. Or, en Italien, on appelle tomacelli des boudins de pore hachd menu et roul^ dans de la tripe grasse. La hominis. Hancligneamad nos Ferrariam usque de- latam conspexi. Cibi gratia mulierem comprehen- sam argumento fuere pueri nonnulli, qui cum di- versis temporibus ad littus lavandi causa acces- sissent, nusquam postea comperti sunt, quos postmodum ab eo monstro necatos captosque cre- diderunt. XXXV PULCHRA FACETIA HISTRIONIS AD BONIFACIUM PAPAM Bonifacius, Pontifex Nonus, natione fuit Nea- politanus ex familia Tomacellorum. Appellantur autem vulgari sermone tomacelli cibus factus ex DE POGGE 63 secondeannee de son Pontificat, Boniface se rendit a Perouse. Ilavaitavec luisesfrdreset bon nombre d'allies de leur maison, qui affluaient, comme d'habitude, a la cur^e des richesses et des honneurs. Boniface fit son entree, escorte d'une foule de hauts person- nages parmi lesquels figuraient ses fr^res et ses autres parents. Des curieux demandaient les noms de ceux qui formaient cette suite ; on leur repondait de cote et d'autre : « Celui- » ci, c'est Andrea Tomacello; celui-la, c'est » Giovanni Tomacello. » Enfin, on compta un si grand nombre de Tomacelli, qu'un plaisant s'^cria : a Ho ! ho 1 ce foie de pore » etait done bien gros, qu'on en a tire tant » et de si enormes Tomacelli ? » ecore suillo admodum contrite, atque in modum pili involute interiore pinguedine porci. Contulit Bonifacius se Perusium secundo sui Pontificatus anno. Aderant autem secum fratres et afl&nes ex ea domo permulti , qui ad eum, ut fit, confluxe- rant bonorum ac lucri cupiditate. Ingresso Boni- facio urbem sequebatur turba primorum , inter quos fratres erant , et caeteri ex ea familia. Qui- dam cupidiores noscendorum hominum, quaere- bant,, quinam essent qui sequerentur. Dicebat unus, item alter: « Hie est Andreas Tomacellus »; deinde : « Hie Joannes Tomacellus », tum plures deinde Tomacellos nominatim recensendo. Tum quidam facetus : « Hohe ! permagnum nempe fiiit « jecur istud, » inquit, « ex quo tot Tomacelli c prodierunt et tarn ingentes. » 64 LES FACl^TIES XXXVI d'uN PrStRE qui donna la Sl^PULTURE A UN PETIT CHIBN II y avait en Toscane un cure de cam- pagne tres-riche. II perdit un petit chien qu'il aimait beaucoup et Penterra dans le ci- metidre. Cela vint aux oreilles de TEv^que, lequel, convoitant Fargent du cur^, Tappela pour le punir comme s'il avait commis un grand crime. Le cure, qui conpaissait bien son Ev^que, se rendit k I'appel, muni de cin- quante ducats d'or; le Pr^lat lui reprocha vivement d'avoir donn^ la sepulture a un chien et ordonna de le jeter en prison : a O » mon P^re » dit alors notre finaud, a si XXXVI DE SACERDOTE QUI CANlCULim SEPELIVIT Erat sacerdos rusticanus in Tuscia admodum opulentus. Hie caniculum sibi carum, cum mor- tuus esset; sepelivit in coemeterio. Sensit hoc Epi- scopus, et, in ejus pecunia animum intendens, sacerdoti veluti maximi criminis reum ad se pu- niendum vocat. Sacerdos, qui animum Episcopi satis noverat , quinquaginta aureos secum defe- rens, ad Episcopum devenit. Qui sepulturam ca- nis graviter accusans , jussit ad carceres sacerdo- tern duci. Hie vir sagax: « O Pater, » inquit, « si » nosceres qua prudentia caniculus fuit, non mi- DE POGGE 65 » vous saviez quelle fut la sagesse de ce petit )) chien, vous ne vous etonneriez pas qu'il )) ait merite d'etre enterre au milieu des )) hommes ; son intelligence fut plus qu'hu- » maine pendant sa vie et surtout au mo- » ment de sa mort. — Que veut dire cela ? » demanda TElveque. — « II a » reprit le pretre, « fait son testament sur la fin de ses jours, )) et, vous sachant pauvre, il vous a legue » cinquante ducats d'or : les voici. » Pfiveque alors approuva le testament et la sepulture ; il empocha Targent et renvoya le cure ab- sous. » rareris si sepulturam inter homines meruit; » fuit enim plus quam ingenio humano, turn in J vita, turn praecipue in morte. — Quidnam hoc » est, » ait Epi Scopus? — « Testamentum, » in- quit sacerdos , « in fine vitae condens, sciensque » egestatem tuam, tibi quinquaginta aureos ex J testamento reliquit, quos mecum tuli. a Tum Episcopus et testamentum et sepulturam compro- bans, accepta pecunia, sacerdotem absolvit. 6. 66 LES FACETIES XXXVII D*UN SEIGNEUR QUI ACCUSA INJUSTEMENT UN HOMME RICHE Un homme extremement riche habitait un bourg du Picentin nomme Cingoli. Le Sei- gneur du lieu en eut connaissance et, desi- reux de lui prendre ses ecus, chercha un pr^texte d'accusation pour lui extorquer son argent. II fit venir le richard et lui dit qu'il ^tait accuse du crime de lese-majest^. L'autre protesta n'avoir jamais rien fait contre son pouvoir ou sa dignite ; le Seigneur tint bon et lui declara qu'il allait avoir la tete tran- chee. Le malheureux demanda ce qu'il avait bien pu faire : — « Tu as dans ta maison des XXXVII DE TYRANNO QUI HOMINI PECUNIdSO CAUSAS INJUSTAS INJECIT Homo admodum pecuniosus erat in Piceno in oppido CingulQ. Audivit hoc Tyrannus loci , at- que ad eripiendos nummos animum adjiciens, quaesivit occasionem criminis, qua illi pecunias auferret; vocato ad se viro, dixit ilium crimine laesae majestatis reum teneri. Cum nihil contra ejus statum aut dignitatem a se factum contende- ret, perstabat Tyrannus asserens ilium capite esse mulctandum. Homo inscius , quidnam tandem egisset, cum postularet : — c Hostes^i inquit, c meos DE POGGE 67 )) ennemis, » lui dit le Seigneur, « des re- » belles qui ont conspire centre moi et que » tu caches. » Notre homme] s'aper9ut enfin qu'on en voulait k son argent. Comme il ai- mait mieux garder sa tete que ses ecus : — « Cest la verite, Monseigneur, » repondit-il, « mais faites-moi accompagner par quelques- » uns de vos soldats, je leur livrerai imme- » diatement ces ennemis, ces rebelles. » Des soldats le suivent chez lui ; il les m^ne au coffre-fort qui contient les ecus et Touvre : « Prenez, depechez-vous, » s'ecria-t-il, « ce » n'est pas seulement pour Monseigneur, » c'est aussi pour moi qu'ils sont les plus » dangereux des ennemis et des rebelles. » En les livrant, notre homme evita la peine dont il etait menace. 9 ac rebelles, qui contra me conspirarunt, domi > absconditos tenuisti. » Sensit tandem ille num- mis insidias parari. Malens igitur vitae quam pe- cuniis parcere : — « Verum est, » inquit, « quod ais, ) mi Domine; sed destinamecum satellites tuos: » ego hostes illos ac rebelles tibi statim compre- » hensos dabo.9 Missos itaque lictores domum ad arculam in qua pecunia erat secum duxit, eaque aperta : « Capite hos, » inquit, « e vestigio. Hi » sunt enim non solum Domini, sed mei quoque » hostes acerrimi ac rebelles. » Quibus relatis ad Tyrannum, homo poenam omnem evasit. 68 LES FACETIES XXXVIII D'UN RELIGIEUX qui PRONON9A UNE COUllTE HARANGUE Dans un bourg de nos montagnes, une grande foule etait venue a la f^te de tous cot^s. Cetait, en effet, la Saint-foienne. Un Religieux devait faire aux fideles le sermon d'usage. II etait tard, -le clergd avait faim et redoutait un long discours; au moment ou le moine montait en chaire, un premier, puis un second pr^tre vinrent lui parler k I'oreille et le prier d'etre bref. Le Religieux se laissa facilement attendrir, et, aprds quelques mots d'exorde, k sa maniere habituelle : « Mes » fr^res, » dit-il, « il y a un an qu'a cette XXXVIII DE RELIGIOSO QUI SERMONEM SUCCINCTISSIIIUM HABUIT Oppidum est in montibus nostris, in quo multi ex variis locis ad diem festum convenerant. Erat enim celebritas S. Stephani. Religiosus quidam habiturus erat de more sermonem ad populum. Cum hora esset diei tarda, sacerdotes autem esu- rirent, vererenturque longitudinem sermonis, ascendenti suggestum.Religioso unus etitem alter, ut paucis loqueretur, in aurem hortati sunt. Ille se exorari facile passus, ac praelocutus quaedam prout consueverat : « Fratres mei, » inquit, « anno » praeterito, cum hoc in loco, vobis astantibus, DE POGGE 69 » meme place, et devant ce meme auditoire, » j'ai parle de votre Saint, de sa vie et de ses )) miracles : je n'ai rien omis de ce qu'on m'a » raconte de lui, rien non plus de ce qui le » concerne dans les Ecritures ; je pense que » vous vous rappelez tout cela. Depuis, il )) n'a rien fait de nouveau, que je sache. )) Ainsi done, apr^s avoir fait le signe de la » croix, r^citez votre Confiteor et le reste. » Cela dit, le Moine s'en alia. XXXIX PLAISANT CONSEIL DE MINACCIO A UN PAYSAN Un paysan etait monte sur un chitaigner pour en faire tomber les fruits ; il se laissa choir et se brisa une cote. Un certain Minac- • verba facerem de sanctitate vitae et miraculis » hujus Sancti nostri, nihil praetermisi eorum 1 quae de illo vel audivi, vel in Sacris Libris » scripta reperiuntur, quae omnia vos credo me- » moria tenere. Postmodum vero cum nihil novi » fecisset intellexi, signd ergo crucis facto, dicite » Confiteor et reliqua quae sequuntur. » Et ita abiit. XXXIX FACETISSIMUM CONSILIUM MINACII AD RUSTICUM Rusticus cum castaneam arborem ad ei^cutien- dos fructus ascendiaset, decidens ex ea costam 70 LES FAC^TIES cio, homme plaisant s'il en fut, s'approcha de lui pour le consoler, et lui dit entre autres choses qu'il lui donnerait une recette pour ne jamais tomber d'un arbre : — « Tu aurais » mieux fait de me la donner avant, » dit le blesse, « mais cela pourra toujours me servir » plus tard. — Eh bien ! » repondit Minaccio, « fais en sorte de ne jamais descendre plus » vite que tu n'es monte ; tu montes lente- » ment, descends de meme. De cette fa^on, » tu ne tomberas jamais. » XL Rl^PONSE DU m£mE MINACCIO Le meme Minaccio, ayant perdu aux de's quelques petits ^cus et jusqu'k ses habits, car effregit pectoris. Hunc ad consolandum accessit Minacius quidam, homo perfacetus, qui inter lo- quendum daturum se illi normam dixit, qua ser- vata, nunquam ex arbore caderet : — « Vellem hoc T> antea, » inquit aeger, c consuluisses, attamen > in fiiturum poterit prodesse. » Tum Minacius : — « Fac semper, ne sis celerior in descensu quam » in ascensu : sed ea, qua ascendis, tarditate des- 9 cendas. Hoc pacto nunquam prsecipitem te » ages. 9 XL EJUSDEM MINAQI LU80RIS RESPONSIO Idem Minacius, cum aliquando nummulos et DE POGGE ' 71 il etait pauvre, s'assit en pleurant a la porte de je ne sais quel cabaret. Un ami le vit tout triste et fondant en larmes : « Qu'as-tu « done ? » lui demanda-t-il. — « Rien, » r^pon- dit Minaccio. — « Mais si tu n'as n'en, pour- » quoi pleures-tu? — Cest precisement parce » que je n'ai rien. — Mais enfin, » reprit rami fort etonne, « puisque tu n'as rieny » pourquoi ces larmes ? — Encore une fois, » parce que je n'ai new, » L'autre entendait qu'il pleurait pour rien^ et Minaccio pleurait parce que', grace au jeu, il ne lui restait plus rien. vestes insuper ad taxillos lusisset (egenus enim erat), flens ad ostium tabernae cujuspiam sedebat. Videns moerentem flentemque amicus : « Quid- » nam est tibi ? » inquit. — « Nihil, » Minacius ait. — « Curnam ergo, si nihil habes, ploras ? — » Hoc solum quod nihil habeo, » inquit. Admi- ratus ille : « Quare ergo si nihil habes, ploras ? » ait. — « Ob hanc ipsam causam, » respondit, « quo- » niam nihil est mihi. » Alter nihil causae esse cur ploraret intelligebatj alter nihil sibi reliquum superesse a ludo plorabat. 72 LES FAC^TIES XLI d'un pauvre borgne qui allait acheter DU FROMENT Au temps de la plus grande cherte des vivres a Florence, un pauvre borgne vint au marchd pour acheter, pensait-il, quelques mesures de from en t. Lorsqu'il se fut informd du prix, survint quelqu^un qui lui demanda combien se vendait le §etier de ble : — « II » coiite les yeux de la tete, » repondit le bor- gne, voulant dire par la qu'il etait extr^me- ment cher. Un enfant entendit cette reponse : — « Ppurquoi done, » lui dit le petit espiegle, » as-tu pris un si grand sac, toi qui ne peux » acheter qu'un demi-setier ? » XLI DE PAUPERE MONOCULO QUI FRUMENTUM EMPTURUS ERAT Tempore quo Florentiae summa aliquando erat annonae caritas, accessit pauper luscus ad forum, quaedam sextaria frumenti, ut dicebat, empturus. Rogavit hunc in foro percontantem pretium qui- dam alter superveniens, quanti sextarium fru- menti venderetur : — c Hominis oculo, » inquit, « constat, » designans his verbis annonae carita- tem. Hoc audiens scitulus qui aderat puer : — « Cur tu ergo, » ait, « tarn grandem sacculum » portasti, cum non amplius quam unum sexta- » rium possis emere ? » DE POGGE 73 XLII HISTOIRE D*UN HOMME QUI DEMANDA PARDON A SA FEMME PENDANT QU'eLLE ETAIT MALADE Une femme qu'accablait la maladie etait k sesderniers moments. Son mari la consolait; il lui rappelait qu'il s'etait toujours conduit en bon epoux, et la priait de lui pardonner les torts qu'il pouvait avoir eus envers elle; il lui disait, entre autres choses, qu'il n'avait jamais manque de s'acquitter exactement du devoir conjugal, except^ quand elle n'etait pas bien portante, et pour ne pas la fatiguer. Alors la femme, toute malade qu'elle ^tait : — « Par ma foi, » dit-elle, « voilk ce que je ne te » pardonnerai jamais; car en aucun temps je » n'ai ete si faible, si abattue, que je ne pusse XLII VIR QUI HULIERI DUM SCROTA ESSEX VENIAH POSTULAVIT Consolabatur uxorem vir, quae adversa valetu- dine diem suum obibat, memorans omnia bona mariti officia sibi in vita praestitisse, veniam pos- tulans, si quid unquam adversus cam inique egisset; neque, inter caetera, se ait omisisse un- quam, quin debitum thoro praeberet, eo except© tempore, quo ilia non recte valeret, ne coitu fatiga- retur. Turn mulier, licet morbo gravis : — « Hoc, » ' inquit, t per fidem nunquam parcam neque re- « mittam tibi : nullo enim tempore adeo invalida 74 LES fac6ties » commod^ment resupina jacere. » Que les hommes ne demandent done jamais k leurs femmes un pardon de ce genre ; ils s'exposent a un refus bien merits. XLII d'une jeune femme qu; accusa son mari d'etre petitement mont^ Un noble adolescent, d'une beaut^ remar- quable, prit pour femme la fille de Nereo de' Pazzi, chevalier Florentin, homme emi- nent et distingue parmi ses contempo rains. Quelques jours apr^s, la jeune femme vint, comme il est d'usagp, revoir son pdre. Loin d'etre riante et joyeuse comme les autres jeunes marines, elle etait triste et baissait la » atque infirma extiti, quin commode possem 9 resupina jacere. :» Danda est igitur viris opera, ne hoc veniae genus ab uxoribus implorent, cum rite negari possit. XLIIII DE ADOLESG£NTULA QU£ VIRUM DE PARVO PRIAPO ACCUSAVIT Adolescens nobilis et forma insignis duxit uxo- rem filiam Nerii de Paciis, Equitis Fiorentini, inter caeteros suae aetatis egregii ac praestantis viri. Post aliquot dies, ut moris est, adolescentula ad patrem revertitur, non alacris, aut jocunda, ut DE POGGE 75 t^te, toute pale. Sa mere la prend a part dans sa chambre et lui demande si tout s'est bien passe : — « Oh non ! » repond la pauvre fiUe, les larmes aux yeux ; « vous ne m'avez pas ma- » riee a un homme; ce qui distingue Thorn me lui manque; il n'a rien ou presque rien de » ce pour quoi Ton se marie. » La m^re, de- plorant le malheur de sa fille, communiqua la chose a son mari ; petit k petit le bruit s'en repandit parmi les parents et les femmes qui avaient ete invites au festin ; toute la maison retentit de plaintes et de gemissements : cette belle jeune fille, dit-on partout, n'a pas ete mariee, mais sacrifice. Enfin arrive le nouvel epoux, en Thonneur de qui le repas etait donne ; il voit tous ces visages tristes et al- caeterae assolent, sed moesta, ac vultu languido, ntuens terram. Advocatam in cubiculo clancu- lum rogat mater : < Nunquid res sint satis salvae ? » — Ut vultis, » flens juvencula respondit. c Non » enim me viro desponsastis, » ait^ < sed ei cui » virilia desunt : nihil enim aut parum habet » ejus partis, propter quam fiunt matrimonia. » Dolens admodum formnam filiae, mater rem cum viro communicat. Deinde re, ut fit, inter consan- guineos mulieresque quae ad convivium aderant vulgata, moestitia doloreque omnis impletur do- mus, cum non nuptam, sed sufTocatam adoles- centulam egregiam forma dicerent. Supervenit postmodum vir, cujus gratia convivium paraba- tur, et cum omnes vultu moerenti atque afflicto conspiceret, miratus rei novitatem, quidnam novi ^6 LES FAC^TIES longes, s'etonne de T^trangete du fait, et de- mande ce qu'il y adenouveau. Personnen'osait dire tout haut la cause de raffliction g^ne- rale; enfin, un parent s'y decide : « Votre » femme, » dit-il, « pretend que vous etes » mal pourvu de ce qui caracterise le sexe » masculin. » Alors le jeune homme, tout joyeux : — « Ce ne sera pas cela, » s*ecria-t-il, « qui vous chagrinera longtemps et qui trou- » blera la gaiete de ce festin. J'aurai bientot » raison de cette accusation. » Tout le monde, hommes et femmes, se mit a table ; vers la fin du repas, le jeune marie se leva et dit : « Mes » chers parents, je veux vous faire juges » de Taccusation portee contre moi. » Aus- sitot il relive le court v^tement qui etait de mode alors, et, educto formce egregice Priapo, ac supra mensam posito, il demande h. la compagnie, ^merveillee d'un si grand et accidisset rogabat. Nullus erat qui causam doloris auderet fateri : unus tandem liberior ait dixisse puellam, mancum esse ilium in virili sexu. Turn juvenis alacer : — « Nequaquam, j inquit, « erit » haec causa quae aut vos conturbet, aut convi- » vium disperdat. Cito hoc purgabimr crimen. » Cum in mensa omnes sederent viri pariter ac mulieres, sumptis jam fere cibis, surgens ado- lescens : < Patres, » inquit, c sentio me culpari > in ea re, cujus vos testes esse an vera sit volo. » Deinde educto formae egregiae Priapo (vestibus enim curtis tunc utebatur),ac supra mensam po- sito, omnes ad rei novitatem magnitudinemque DE POGGE 77 si nouveau spectacle, si vraiment il y avait de quoi se plaindre ou faire fi d'un tel objet? La plupart des femmes auraient desire que leurs maris fussent aussi bien pourvus ; les hommes sentaient qu'ils avaient trouve leur maitre ; tous se tourndrent vers la nouvelle epousee et lui reprocherent vivement sa sot- tise : — « Qu'avez-vous done, » dit-elle t a me » bldmer et k vous moquer de moi ? Notre » Snon, que j'ai vu Tautre jour k la campa- » gne, n'est qu'une bete, et il en a long » com me 9a » (elle etendait le bras) ; « mon » mari, qui est un homme, n'en a pas moitie » autant. » La naive enfant croyait que les hommes etaient obliges d'en avoir plus que les betes. convertit, et, an culpandus aut rejiciendus asset, quaesivit. Major mulierum pars, ut viris suis talis copia inesset, optabant. Viri permulti se ab illo tali supellectili superari sentiebant, qui omnes in adolescentulam conversi, graviter illius stul- titiam increpabant. Tum ilia : — t Quid objur- » gatis? aut quid me reprehenditis ? » inquit. « Asellus noster, quem ruri nuper conspexi, » bestia est, et adeo » (extenso brachio) < oblon- » gum membrum habet : hie virmeus, qui homo » est, non habet ejus medietatem. » Credidit sim- plex puella, hominibus longius quam bestiis ejusmodi membrum inesse debere. yS LES fac£ties XLIV D*UN PR^DICATEUR QUI AIMAIT MIEUX AVOIR A FAIRE A DIX PUCELLES QU'a UNE FEMME MARIiIe Certain Frere, peu circonspect, sermon- nait le peuple a Tivoli. II tonnait centre Tadultere et Tabominait de toutes ses forces : « C'est un si gros p^che, » dit-il, « que » j'aimerais mieux mettre k mal dix pu- » celles qu'une seule femme marine ! » Beau- coup de ceux qui T^coutaient eussent ete de son avis. XLIV DE PRJEDICATORE QUI POT! US DECEH VIRGINES QUAM NUPTAM UNAM ELIGEBAT Praedicabat Tibure Frater parum consideratus ad populum, aggravans multis verbis ac detes- tans adulterium, dixitque inter csetera, adeo esse grave peccatum, ut mallet decern virgjnes cognos- cere quam unicam mulierem nuptam. Hoc et multi, qui aderant^ elegissent. DE POGGE 79 XLV de paolo qui excita a la luxure plusieurs qui n'y pensaient pas Un autre predicateur nomme Paolo, que j'ai connu, faisait k Secia, ville de Campanie, un sermon contre la luxure : a II se trou- 9 vait, v disait-il, « des gens si lascifs et si » paillards, que, pour avoir plus de plaisir B dans Pacte venerien, natibus uxoris ptdvi- » num suhjicerent.^it Plusieurs de ses audi- teurs, qui ignoraient ce procede, dresserent Toreille et ne tard^rent pas k verifier s'il ^tait bon. XLV DE PAULO QUI IGNORANTIBUS NONNULLIS LUXURIAM COMMOVIT Alter, Paulus nomine (quern ipse novi), cum Seciae urbe Campaniae in quadam condone luxu- riam detestaretur, nonnullos adeo lascivos atque intemperantesdicebat, utad eliciendam majorem ex coitu voluptatem, natibus uxoris pulvinum subjicerent. Hoc dicto adeo nonnullos (qui id ignorabant) commovit, ut paulo post id verum esse experirentur. 8o LES FAC^TIES XLVI d'un confesseur Une jeune femme qui, plus tard, m*a ra- conte Phistoire, etait allee k confesse, comme cela se fait a Tepoque du Careme. Entre au- tres peches, elle s'accusa de n'^tre pas tou- jours restee fiddle k son mari. Aussitot le Confesseur, qui ^tait un moine, enflamme de luxure, protento pallio, Priapum erectum in manu adolescentulce posuit, la suppliant d'a- voir pitie de lui. La jeune femme se retira toute honteuse, et comme sa mere, qui se te- nait pres de Ik, lui demandait ce qui la fai- sait tant rougir, elle avoua ce dont son Con- fesseur Tavait price. XLVI DE CONFESSORE Mulier adolescens^ quae id mihi postmodum retulit, profecta est aliquando ad confitendum peccata sua, prout fit tempore Quadragesimae. Cum inter loquendum se viro non servasse fidem diceret, statim Confessor, qui frater erat, libidine incensus, protento pallio, Priapum erectum in manu adolescentulae posuit, suadens ut sui mise- reretur. Ilia rubore perfusa abiens, matri, quae haud procul erat, roganti, quidnam sibi tantus rubor sibi vellet, narravit Confessoris suasio- nem. DE POGGE 8l XLVII PLAISANTE REPONSE d'uNE FEMME « Pourquoi, wdemandaitunmariasafemme, « le plaisir etant egal in coitu pour Tun et » pour Tautre, sont-ce plutot les hommes qui » sollicitent et poursuivent les femmes, que » celles-ci les hommes? — Cest fort bien » vu, » repondit-elle, « que ce soit plutot » aux hommes k nous rechercher. Nous » sommes , nous autres, toujours disposes, » toujours pretes k faire Tamour; vous, non. » A quoi nous servirait-il de vous solliciter » quand vous n'^tes pas en mesure ? » Fine et spirituelle reponse. XLVII RESPONSIO MULIERIS FACETA Interrogata semel a viro mulier, quaenam causa esset, cur, cum in coitu voluptatis ita parti ceps esset foemina sicut et vir, tamen homines citius peterent sequerenturque mulieres quam illae vi- ros ? Turn ilia : — « Summa cum ratione hoc insti- » tutum est, » inquit, t ut potius nos requiramur » a viris. Constat enim paratas ac promptas nos \ ad concubimm semper esse, vos autem non : » frustra igitur viri peterentur a nobis, cum es- » sent imparati. » Scita facetaque responsio. 82 LES FACJ^TIES XLVIII d'un moine mendiant qui pendant la guerre parla de paix a bernardo Pendant la recente guerre des Florentins avec le dernier Due de Milan, une loi de- fendit de parler de paix sous peine de mort. Bernardo Manecti, homme on ne peut plus jovial, 6tait au Marche-Vieux pour faire quelque emplette : survint un de ces moines mendiants qui rodent par les rues et qui, debout aux carrefours, implorent des pas- sants de quoi subvenir a leurs besoins. Avant de lui demander Taumdne, ce moine le salua d'un : « La paix soit avec toil — Comment I » tu prononces le mot de paix? » rdpondit XLVIII DE MENDICO FRATRE, QUI TEMPORE BELLI BERNARDO PACEM NOHINAVIT Bello, quod primum Florentini cum Duce Me* diolani posteriore habuerunt, sancitum est, capi- tale esse, si quis de agenda pace verba fecisset. Bernardus Manecti, civis fiacetissimus, erat in foro veteri, nescio quid empturus. Accessit ad eum frater quidam ex his mendicis circumfora- neis, qui in triviis astantes aliquid sibi a tran- seuntibus dari in necessarios usus petunt, ac quippiam petiturus primis verbis : c Pax tibi, i in- quit. Tum Bernardus : — « Quid tu pacem nomi- DE POGGE 83 Bernardo. « Ne sais-tu pas qu'il y va de la » tete k parler de paix ? Je m'en vais, » ajouta- t-il, « de peur qu'on ne me prenne pour ton » complice. » Ce disant, il s'eloigna, et se debarrassa ainsi des importunites de ce ma- roufle. XLIX HISTOIRE DE FRAN9OIS PHILELPHE Nous causions, entre amis, des ch§timents k infliger aux Spouses adult^res. Bonifazio Salutati disait qu'k son avis le meilleur ^tait celui dont un Bolonais de ses amis mena9ait sa femme : « Quel chUtiment ? » demanddmes- nous. — « Mon Bolonais, » dit-il, « homme d'ailleurs peu estimable, a une femme assez » nasti ? An nescis capitale esse, si quis de pace » loquatur ? Abeo, » inquit, < ne quis me culpae » affinem putet. » Hoc dicto recedens, a nebulo- nis illius molestia se exemit. XLIX FABULA FRANCISa PHILELPHI Erat sermo inter socios, quae poena esset sta- tuenda in uxores impudicas. Bonifacius Salutatus eam, qua Bononiensis amicus suus minatus est se uxorem suam afifecturum, existimabat. Scisci- tantibus nobis pcenam : — c Bononiensis, » inquit, « vir baud magno existimandus, habuit uxorem 84 LES FACl^TIES accueillante et qui me veut quelquefois du bien. Une nuit que j'allais la trouver, j'en- tendis du dehors les deux ^poux qui se dis- putaient aigrement : rhomme querellait sa femme et lui reprochait sa paillardise ; Pautre se defendait, comme c'est leur usage en pa- reil cas, en niant tout : « Giovanna 1 Gio- » vanna ! ecoute, » finit par crier le mari, « je ne te souffletterai pas, je ne te battrai » pas, mais je te le ferai tant et tant, que la » maison sera pleine d'enfants; puis je te » planterai la, toute seule avec eux, et je » m'en irai. » — Tout le monde trouva tr^s-drdle ce genre de supplice si bien ima- gine, k Taide duquel ce nigaud pensait se venger des infidelit^s de sa femme. satis liberalem, et mihi quandoque obsequentem. Cum accessissem domum aliquando noctu, foris stans, audivi cos acriter collitigantes : increpabat enim vir uxorem, accusans impudicitiam ejus. Ilia, ut moris est talium, negando se tuebatur. Turn vir inter clamandum : « Joanna, Joanna, » ait, c ego te neque verberabo, neque percutiam, » sad in tantum refutuam, quoad plenam domum » filiis reddam, atque ita solam te cum natis re- » linquam postmodum , et abibo. » — Risimus omnes genus supplicii adeo exquisitum, quo stul- tus ille ulturum se uxoris flagitia putavit. DE POGGE 85 HISTOIRE d'uN BATELEUR, RACONTl^E PAR LF. CARDINAL DE BORDEAUX Gregoire XII, avant d'etre 6\\i Pape, pen- dant le Conclave et meme apr^s, avait pris Tengagement de faire une foule de choses pour mettre fin au schisme qui divisait alors TEglise ; durant quelques jours il resta si ferme dans ses resolutions, qu'il alia jus- qu'k donner parole de se demettre du Ponti- ficat, s'il le fallait. Mais il se laissa bientot prendre k la douceur du pouvoir ; promesses et serments furent oublies, et il ne tint aucun compte de ses engagements. Le Cardinal de Bordeaux, homme grave et d'une experience singulidre, voyait avec peine ce manque de L CARDINALIS BURDIGALENSIS DE MISTRIONE Gregorius XII, antequam Pontifex crearetur, in Conclavi, et postea quoque, plurima se facturum poUicitus est pro schismate, quod tunc in Eccle- sia vigebat, atque adeo aliquibus diebus in eo quod promiserat permansit, ut etiam Pontificatui se cessurum, si opus esset, sponderet. Postmodum vero dulcedine ductus dignitatis, juramenta et promissiones omnes irritas fecit, nihil servans eorum quae antea pollicebatur. Hoc aegre ferens Cardinalis Burdigalensis, vir gravis et consilii 86 LES FAC^TIES parole et m'en parlait un jour : « II nous » a, » dit-il, « joue le tour de ce bateleur de Bologne qui promettait de s'envoler en Pair. » Sur la priere que je lui fis de me conter rhistoire : o II y avait dernierement a Bo- logne, » reprit-il, a un baladin qui fit an- noncer au public par une affiche que, tel jour, il s'^lancerait du haut d'une tour si- tu^e pres du pont de Saint-Raphael, et vo- lerait jusqu^a plus d'un mille au dela des murs. Au jour fix^, presque toute la popula- tion de Bologne se rassembla, et il amusa les badauds, ext^nu^s de chaleur et de faim, jusqu'au coucher du soleil. Tous etaient la en suspens, les yeux fixes sur la tour, atten- dant que rhomme prit son essor. Lorsquc de temps en temps il se montrait au faitc de rddifice et qu'il battait des ailes commc singularlSy mecum de hisce rebus aliquando lo^ quens: c Hie, » inquit, c nobis efifecit, quod his- trio quidam Bononiensibus se asserens volatu- mm. » Cum reserari mihi fabulam rogarem: c Histrio fuit nuper Bononiae, » ait, c qui, propo- site palam edicto se volaturum ex turri quadam, quae est versus pontem S. Raphaelis, milliari amplius extra urbem, praedixit. Congregato ad diem constitutum omni ferme Bononiensi populo, sole et fame, usque ad occasum solis, homines ludendo maceravit. Pendebant omnes animi sus- pensi ad aspectum turris, volatum hominis ex- spectantes. Cum ille interim in turris cacuminc ostenderetur, alasque quateret volaturo simiiis. DE POGGE 87 pour s'envoler, qu'il faisait semblant dc vou- loir s'elancer dans I'espace, alors tout le peuple, qui le regardait bouche beante, Tac- clamait k grands cris. Enfin, apres le soleil couche, notre saltimbanque ne voulant pas paraitre n'avoir rien fait, tourna le dos aux spectateurs et leur montra son derriere. Les Bolonais rentr^rent chez eux a la nuit close, bien attrapes et rompus de fatigue. Notre homme, » ajouta le Cardinal, Consentieiis puella obsecuta est viro, absque clamore aut nocumentp aliquo. Post mensem vero facta liberior atque audentior, cum noctu viro suo blandiretur: t Mi vir, » in- quit, c si libet majore jam illo socio utaris. » Ri- sit vir, cum semiasellus in ea reyideretur, bpnum DE POGGE I03 presque un baudet, se mit k rire du bon ap- petit de sa femme : c'est lui-m^me qui de- puis, dans une reunion, nous a conte This- toire. LXIII R^PONSE d'uNE femme DE PISE Sambacharia, femme de Pise, fiit un jour prompte k la riposte. Un farceur s'approcha d'elle pour la plaisanter : « Le prepuce de » Tane vous salue, » dit-il. EUe de s'ecrier aussitot : — « Tu as bien la mine d'etre son » ambassadeur. » Apres cette malicieuse re- partie^ elle lui tourna le dos. uxoris appetitum: hoc postea narrantem audivi in aliorum coetu. LXIII RESPONSIO UNIUS MULICRIS PISANiC Sambacharia mulier Pisana fuit ^ prompta ad respondendum. Accedens histrio quidam ad illu- dendum ei : c Praeputium, » inquit, c asini vos » salutat. » Turn ilia e vestigio : — « Ohe ! » inquit, « sane unus ex suis nunciis videris. » Quo facete dicto abiit. 104 ^^^ FAC^TIES LXIV MOT d'UNE matrons QUI VIT A LA FEN£tRE LES v£tEMENTS d'uNE FEMME Dl^BAUCH^E Une femme debauchee avait etendu le ma- tin h ses fen^tres toutes sortes dq nippes, que lui avait donn^es son galant. Une ma- trone, passant devant son logis, vit cet ^ta- lage : « En void une, » dit-elle, « qui fait » ses robes comme I'araignee fait sa toile, » avec son cul, et qui etale ce beau produit 9 k tous les yeux. » LXIV DICTUM MATRONJE QUiE VESTES ADULTERS AD FENESTRAS CONSPECIT Mulier adultera expanderat mane ad fenestras varii generis vestimenta ab adultero data. Matrona ante domum transiens, conspectis tot vestibus: c Sicut aranea telas, ita hsec, > inquit, c vestes » suas culo effecit, pudendorum artificium omni- 1 bus ostentans. » DE POGGE I05 LXV UN BON AVIS Quelqu'un, au moment de la vendange, priait un de mes compatriotes, tres-facdtieux personnage, de lui prater quelques tomieaux. L'autre repondit : « Si j'entretiens ma femme » toute rannee, c'est pour m'en servir au D besoin. » II voulait dire par Ik qu'on ne doit pas demander a emprunter aux autres ce qui leur est necessaire. LXV MONITIO CUJUSDAM Rogabat quidam contribtilem meum virum fa- cetum tempore vindemiae , ut sibi vasa qusedam vinaria mutuo concederet. Tum ille inquit : f Do I uxori expensas per uniyersum annum, ut ea in f Carnisprivio uti possim. » Monuit hoc dicto non esse postulandas ab aliis eas res, quarum usus esset eis necessarius. 100 LES FAC^TIES LXVI MOT D'UN habitant DE Pl^ROUSE A SA FEllME Les habitants de Perouse passent pour des gens aimables et faciles a vivre. Une femme, nomm^e Petruccia, demanda k son mari de lui acheter des souliers neufs pour aller le lendemain k la fi§te. Le mari voulut bien, et 11 lui recommanda en m^me temps de lui faire cuire, le matin avant de partir, une poule pour son diner. La poule preparee, la femme se mit sur le pas de sa porte, aper9ut un jeune homme qu'elle aimait a la folie, et rentrant aussitot, lui fit signe de venir bien vite la rejoindre, pendant que son mari n'etait pas Ik. Pour ne pas perdre de temps, elle grimpe I'escalier et se couche k terre, de LXVI DICTUM PERUSINI AD UXOREM Perusini habentur viri faceti ac perurbani. Ro- gavit maritum uxor, Petrucia nomine, ad diem festum postridie profectura, ut sibi calceos novos emeret. Annuit vir ejus, et simul jussit, antequam domo abiret, mane gallinam in prandium coqui. Uxor, cum cibum parasset, domum ostium egressa, conspectoque simul quem summe adamabat ju- vene, domum regreditur, dato signo, ut se intus, cum vir abesset sequeretur; et, ne longior mora esset, ascensis scalis se ad terram prostravit , ita DE POGGE 107 maniere qu'on pouvait Tapercevoir du seuil Superimposito autem juvene, dunes ejus cru^ ribus ac pedibus amplexaj elle se livrait tout enti^re au grand oeuvre. Le mari, cependant, persuade que sa femme ^tait dejk partie pour la f§te et qu'elle rentrerait tard, avait invite un de ses amis k diner, en le prevenant que la menagere manquerait au repas. lis entrent ; notre homme marchait le premier, quand, du bas de Tescalier, il aper9oit sa femme jouant des pieds en Tair supra juvenem « Ohe ! Petruccia ! » s'dcria-t-il, « par le cul » de Tfilne! » (c'est leur juron favori) « si » c'est comme cela que tu te prom^nes, tu » n'useras jamais tes souliers neufs. » ut ex ostio posset conspici. Superimposito autem juvene, dunes ejus cruribus ac pedibus amplexa, concupito operi intendebat. Vir interim existi- mans uxorem ad festivitatem jam profectam, et simul tardius redituram, socium rogavit ad pran- dium, dicens uxorem prandio esse fallendam. Cum domum pergerent, vir prius ingreditur, visaque apud scalas uxore supra juvenem pedes commo- vente: « Ohe! Petrucia, » inquit, « per culum asini! » (ut mos est illis jurandi) « si hoc modo ambula- » veris, nunquam istos calceos consumes. » I08 LES FACl^TIES LXVII PROPOS PLAISANT d'uN JEUNE HOMME Une femme de la campagne se plaignait de ce que ses oisons ne se portaient pas bien : une voisine, pour sQr, leur avait jetd un sort en les admirant sans avoir soin d'aj outer : Dieu les binisse! comme cela se dit tou- jours. Un jeune homme Tentendit : — « He, » je vols bien maintenant, » s'ecria-t-il, « pourquoi mon aiguillette a si piteuse » mine, depuis quelque temps. On Ta trouvee » belle, Tautre jour, mais on n'a pas du tout » ajoute la benediction dont tu paries. C'est )) ce qui fait que je la crois ensorcel^e, car » elle n'a jamais pu se denouer depuis. Dis » done : Dieu la b^nisse ! je t*en supplie, LXVII PERFACETUM DICTUM CUJUSDAM ADOLKSCENTIS Querebatur rusticana mulier anserulos suos non se bene habere , fascinates verbis cujusdam vicinae, quae, cum illos collaudasset, nequaquam postea addidisset : Deus eos benedicat, prout vulgo dici solet. Haec cum adolescens audisset: — « Nunc » causam video, 9 inquit, ccurmihimentulaaegrius > se habuit his diebus admodum debilitata. Nam > cum eam quispiam laudasset, nequaquam ad- » didit ejusmodi benedictionem, quo factum est, » ut fascinatam putem, cum postmodum nunquam DE POGGE 109 » pour qu'elle redevienne ce qu'elle ^tait au- » paravant. » LXVIII D'UN imbecile qui PRIT pour LUI-M]bfE QUELQU'UN QUI IMITAIT SA VOIX Le p^re d'un de nos amis avait des rela- tions avec la femme d'un parfait imbdcHe, af- fecte en outre de b^gaiement. Une nuit qu'il allait chez elle, croyant le mari absent, il frappa bruyamment a la porte et demanda qu'on lui ouvrit, en imitant la voix du mari. Notre benet, qui etait k la maison, se re- connut au son de la voix : « Giovanna, va » done ouvrir, .» dit-il, Giovanna, fais done 9 erexit caput. Benedic ergo cam , te rogo, i ait, « quo priores recuperet vires. » LXVIII DE YIRO 8T0LID0 QUI SIMULANTCM VOCEU CREDIDIT SB IPSUM B8SB Pater cujusdam amici nostri cognoscebat mu- lierem viro insulso ac balbutienti nuptam. Semel cum noctu ad earn accederet, credens virum abesse, ostium palam pulsavit , simulans viri vocem, ac sibi ape^iri ostium petiit. Vir autem stolidus, domi existens, audita illius voce: c Joanna, aperi, Joanna, 10 no LES FAC^TIES » entrer ; cela m'a bien Tair d'etre moi qui )) frappe. » LXIX d'un paysan qui portait une oie a vendre Un jeune paysan allait k Florence vendre une oie ; une Dame, qui se croyait de Tes- prit, le vit et lui demanda, pour se moquer de lui, le prix de son oie : — « EUe ne vous » coiitera pas cher, » repondit-il, « — Com- » bien done? — Laissez-vous faire, une seule » fois. — Tu veux rire, » reprit la Dame, « mais viens tou jours k la maison, et nous » conviendrons du prix. » L'autre, une fois entr^, n'en voulut pas demordre, et la Dame « » introduc ilium, » inquit: « nam videtur idem, » qui ego esse. » LXIX DE RDSTICO QUI ANSEREM VENALEM DEFEREBAT Rusticum adolescentem, qui Florentiae anserem deferebat venalem, conspicata mulier, quae sibi faceta videbatur, ridendi hominis gratia rogavit, quanti anserem faceret. At ille : — t Quod facil- » lime, 9 inquit, c persolvas. — Quid est? » inquit mulier. « — Unico, » ait ille, « coitu. — Jocaris, » respondit mulier, c sed domum ingredere, et de » pretio conveniemus. » Ingressus domum , cum perstaret in sententia, mulier pretio annuit. Verum DE POGGE III finit par consentir k payer en cette mon- naie. Mais comme, dans la lutte, elle avait eu le dessus, lorsque ensuite elle reclama Toie, le paysan refusa net : « Vous ne vous » ^tes pas laisse faire, » dit-il, « c'est vous au » contraire qui m'avez jete sur le carreau. » II fallut recommencer et, cette fois, le jeune drole put se comporter en vrai cavalier. Aux termes de la convention, la Dame reclamait Toie : nouveau refus du gars, sous pretexte qu'ils etaient seulement quitte k quitte : « II » n'etait pas paye, » disait-il, « il n'avait fait » que venger Tin jure re9ue la premiere fois, » quand il avait eu le dessous. » La discussion durait encore, quand survint le mari ; il de- manda de quoi il s'agissait : — « Je voulais, » dit-elle, « te faire faire un bon repas, et ce » mauvais garnement empeche tout ; il dtait » convenu avec moi de vingt sols ; mainte- cum superiores partes egisset, petito ansere, rusti- cus se negatdaturum; non enim se mulieremsu- bagitasse, sed se ab ea compressum dixit. Igitur, reintegrata pugna, munere sessoris fungitur ado- lescens. Iterum ex conventu mulier cum anserem postulasset, renuit adolescens, pari ratione se cum ilia esse asserens; non enim se pretium accepisse, sed repulisseinjuriam illatam; nam se priusa mu- Here subactum. Cum longior progrederetur con- tentio, superveniens vir sciscitatur, quaenam haec sit controversia : — « Cupiebam, » inquit uxor,. « tibi coenam opiparem parare, nisi hie maledic- » tus impediret: convenerat enim mecum in vi- 112 LES FAC£tIES » nant qu'il est entre k la maison, il change » d*avis et veut deux sols de plus. — Mor- » bleu ! )) repliqua le mari, « il ne sera pas » dit que nous manquerons un bon repas » pour si peu. Tiens! Tami, » ajouta-t-il, c( voici ton compte. » Le paysan emporta Targent, et le reste. LXX d'un avare qui but de l'urine Un de nos colldgues de la Curie, d'une avarice notoire, venait souvent au repas des domestiques et goiltait leur vin pour voir s'il ^ait assez largement baptise. II pretex- tait, au contraire, veiller k ce que le vin fut bon. On s^en aper9ut, les gens s'entendirent » ginti solidis; nunc, postquam introiit domum, » mutata est sententia , duos amplius requirit. — » Eia, 9 inquit vir, c tam parva res impedit coe- y> nam nostram! Accipe, > inquit, c quodlibet. » — Ita rusticus pretium abstulit et concubitum uxoris. LXX DE AVARO QUI URINAM DEGUSTAVIT Curialis unus e nostris notae avaritiae saepe men- sam famiiiae accedebat, dum comederet, degu- stans vinunif an satis aquatum asset : simulabat autem se id agere , ut bono vino uterentur. Hoc DE POGGE ll3 et mirent sur la table de Turine fraiche, au lieu de vin, au moment ou ils s'attendaient h. le voir venir. Notre homme arriva en effet, comme d'ordinaire, avala une bonne gorgee d'urine, et tout en crachant et vomissant a moitie, quitta la salle ; il poussait de grands cris et proferait mille menaces contre ceux qui lui avaient joue ce tour. Ils terminerent leur repas au milieu de grands eclats de rire. Le machinateur de cette mauvaise farce me Ta racontee plus tard ; il en riait encore. LXXI d'un berger qui fit une confession incomplete Un gardeur de moutons, de cette partie du Royaume de Naples ou le brigandage est un cum animadvert] ssent nonnulli, tandem commu- nicato consilio recentem quandoque urinam pro vino in mensa supposuere, qua hora venturum hominem suspicabantur. Accessit ille more suo, et cum urinam bibisset, nauseans ac semieructans, magno clamore abscessit, minatus multa illis qui haec conati essent. II li vero risu CGenam finierunt. Hoc ejus rei machinator mihi postmodum retulit multo cum risu. LXXI DE QUODAM PASTORE 8IMULATIM CONFITENTE Pastor oVium, ex ea Regni Neapolitani ora quae 10. 114 LES FAC^TIES metier, vint une fois trouver un Confesseur pour lui dire ses peches. Tombe aux genoux du Pretre : « Pardonnez-moi, mon P^re, » lui dit-il en pleurant, « car j'ai grandement » faute. » Le Pretre Texhortant a tout avouer, le berger s'y reprit a plusieurs fois, avant de parler, en homme qui a commis un crime epouvantable. Enfin, sur les instances du Confesseur : « Un jour de jeiine. » dit-il, (( comme je faisais un fromage, il me jaillit » dans la bouche quelques gouttes du lait » que je battais, et je ne les ai pas crach^es! » Le Pretre, qui connaissait bien les mceurs du pays, sourit d'entendre cet homme s'accuser, comme d'un gros peche, de n'avoir pas ob- serve le Careme, et lui demanda s'il n'avait pas d'autres mefaits sur la conscience. Le berger dit que non : — « N'aurais-tu pas, avec olim latrociniis operam dabat^ semel Confessorem adiit, sua peccata dicturus. Cum ad Sacerdotis genua procubuisset : c Farce mihi, » inquit ille lacrymans, « Pater mi, quoniam graviter deliqui.D Cum juberet dicere quid asset, atque ilie saepius id verbum iterasset, tanquam qui nefarium admi- sisset scelus, tandem hortatu Sacerdotis ait, se, cum caseum faceret jejunii tempore, ex pressura lactis guttas quasdam quas non spuisset in os desiliisse. Turn Sacerdos, qui mores illius patriae nosset, subridens , cum dixisset graviter ilium deliquisse, qui Quadragesimam non servasset, quaesivit numquid aliis obnoxius esset peccatis. Abnuente pastore , rogavit, num cum aliis pasto- DE POGGE Il5 » tes camarades, comme cela se fait si sou- » vent chez vous, pille ou assassin^ quelque » voyageur ? — Oh que si ! » repondit Tau- tre : « j'en ai tue et vole plus d'un, avec les » amis ; mais cela arrive si souvent chez » nous, qu'on n'y attache pas d'importance. » Le Confesseur eut beau lui remontrer que cMtaient Ik deux grands crimes : le berger, ne pouvant croire que le meurtre et le vol, choses habituelles dans son pays, tirassent a consequence, demandait seiiLement Fabso- lution pour le lait qu'il avait bu. Triste re- sultat de Thabitude du mal : elle fait prendre les plus grands crimes pour des peccadilles. ribus quemquam peregrinum^ ut mos est illius regionis , transeuntem spoliasset aut peremisset : — c Saepius^ j inquit, « utraque in re cum reliquis d sum versatus; sed istud, » ait, c apud nos est ita D consuetum, ut nulla conscientia fiat. » Cum utrumque grave facinus Confessor asseveraret, ille ut rem levem latronicia et hominum caedem, quae apud eos usu probarentur, existimans, solius lactis veniam petebat. Res pessima consuetudo peccandi, quae etiam ilia errata levia reddit, quae sunt gravissima. ii6 LES fac6ties LXXII d'un joueur mis en prison pour avoir joue A Terra-Nuova, il y a des peines port^es centre ceux qui jouent aux des. Quelqu'un de ma connaissance, pris sur le fait, tomba sous le coup de la loi et fut jet^ en prison. On lui demandait la cause de son incarcera- tion : — « Notre Podestat, » r^pondit-il, « m'a » mis en prison pour avoir joue mon argent. » Qu'aurait-il done fait, si j'avais joue le » sien ? » LXXII DE LUSORE PROPTER LUSUM IN CARCEREH TRIJSO Est in oppido Terras Npvaecerta constituta poena his qui luserunt ad talos. Quidam notus meus, in ludo deprehensus, contracta poena, in carcerem trusus fuit. Cum peteretur ab eo, cur ibi reclusus esset : — c Hie noster Praetor, j inquit, « quia » quod meum erat lusi, me in carcerem posuit. 9 Quidnam hie ageret, si lusissem suum? » DE POGGE 117 LXXlll REMONTRANCE d'uN PERE A SON FILS QUI s'enivrait Un p^re avait vainement tente de reprimer chez son fils un penchant decide pour Fivro- gnerie. II vit une fois dans la rue un homme saoul, honteusement vautrd, le cul a Fair; une foule d'enfants Tentouraient en riant et se moquaient de lui ; le pere appela son fils pour lui montrer ce triste spectacle, esp^rant le detoumer ainsi de s'enivrer. Mais le fils, des qu41 eut aper9u Tivrogne : a Dites-moi, » je vous prie, mon pere, » s'ecria-t-il, « oil » trouve-t-on le vin avec lequel cet' homme » s'est saoule? il doit etre joliment bon, et » j'en voudrais bien aussi. » L'aspect degoiH- LXXIII DE PATRE FIUUM EBRIUM REDARGUENTE Pater, cum filii ebrietatem saepius nequicquam redarguisset, conspecto semel in via ebrio, erectis verendis, turpi ter jacente, pueris quoque per- multis qui circumstabant ridentibus atque illu- dentibus, filium ad tarn verecundum spectaculum vocavit, existimans hoc exemplo ab ebrietate de- terred eum posse. Ille autem, viso ebrio : c Rpgo, » pater, » inquit, c ubi est id vinum, quo iste » ebrius factus est, ut ego etiam ejus vini dulce- Il8 LES FAC^TIES tant de cet homme ivre, loin de reflfrayer, lui donnait envie de boire. LXXIV D*UN JEUNE HOMME DE Pl^ROUSE Ispina, de Perouse, etait aussi un jeune homme d'une noble maison, mais si debau- che, qu'il faisait honte a toute sa famille. Un de ses parents, Simone Cecolo, sage vieillard honore de tous, le prit k part un jour, rexhorta longuement a mener une vie meilleure, lui remontra Topprobr^u vice et Texcellence de la vertu. Lorsque Simone eut acheve, Tautre lui dit : — « Vous parlez fort » bien, en termes choisis, comme il convient » dinem degustem? j» non ebrii turpitudine abs- territus, sed vini cupiditate commotus. LXXIV DE ADOLESCENTS PERUSING Hispinam quoque Perusinum, adolescentem nobilem atque admodum dissolutum, cum op- probrio cseteris ex ea familia esset, ad se vocavit semel Simon Caeculus, cognatus ejus, senex ma- gnae auctoritatis atque admodum prudens; et cum rationibus multis adolescentem ad meliorem vitam hortatus esset, detestans vitia, virtutes vero collaudans, postquam tandem peroravit : — « Si- 9 mon, » inquit ille, c composite atque ornate ad- DE POGGE 119 » a un homme eloquent; mais j'ai cent fois » entendu de pareils sermons, de plus beaux » meme, et je n'ai jamais voulu faire mon » profit de ces excellents conseils. » — Le precedent ne reussit pas mieux par Texemple que celui-ci par un beau discours. LXXV DU DUG D^ANJOU QUI MONTRA A RIDOLFO UN RICHE TRESOR On blamait, dans un cercle de savants per- sonnages, la folk manie de ceux qui consa- crent tant de peines et de soins k rechercher et k acheter des pierres precieuses ; « Ri- dolfo de Camerino, » dit alors quelqu'un, > modum , sicuti virum eloquentem decet, fecisti > verba : verum centies jam pulchriores orationes » in banc sententiam audivi, et tamen nihil eorum 9 quae dicebantur unquam facere volui. » Nihil amplius superior exemplo quam hie verbis pro- fuit. LXXV D£ DUCE ANDEGAVENSI QUI PRETIOSAM 8UPBLLIGTILEM REDOLPMO OSTENDIT Erat sermo aliquando in coetu doctorum viro- rum reprehendentium inanem eorum curam, qui multum studii operaeque in quserendis emendis- que pretiosis lapidibus ponunt. Hie quidam: c Recte, » inquit, € Redolphus ex Camerino Ducis 120 LES FAC^TIES « a bien raille k ce propos la sottise du Due d'Anjou, h son depart pour le Royaume de Naples. Ridolfo etait venu le voir dans son camp; le Due lui montra des objets d'un grand prix et, entre autres, des pedes, des saphirs, des esearboueles et d'autres pierre- ries d'une grande valeur. Apres les avoir vues, Ridolfo demanda ee que ees pierres valaient et a quoi elles pouvaient servir. Le Due repondit qu'elles ^taient d'un grand prix, mais qu'elles ne rapportaient rien. — a Eh bien I » dit Ridolfo, « je vous montre- » rai, moi, deux pierres qui m'ont eoiite dix » florins et qui m*en rapportent deux eents » tous les ans. » Le Due ^tait ^merveille ; Ridolfo le eonduisit k un moulin qu'il avait fait bitir et lui montra une paire de meules : Andegavensis, cum ad Regnum Neapolitanum proficisceretur, stultitiam monstravit. Cum enim Redolphus ad eum visendum in castra venisset, ostendit ei Dux pretiosam admodum supellecti- lem, interque caetera margaritas, saphiros, car- bunculos, et caeteros lapides, magno qui in pretio habentur. His conspectis, quaesivit Redolphus quanto lapides illi existimarentur 6t quid utili- tatis afferrent. Magnum quid aestimari Dux res- pondit, sed nihil afiferre lucri. Tum Redolphus : — ( Ostendam tibi, > inquit, c duos lapides decern i florenorum qui mihi annuatim ducentos red- » dunt, 9 ac deinde cum Ducem haec admirantem ad molendinum quod ipse construi fecerat, duxisset, duos molares lapides ei ostendit, dicens DE P06GE 121 « Voilk, » dit-il, « qui est autrement utile et » profitable que toutes vos pierres pre- » cieuses. » LXXVI DU lf£ME RIDOLFO Un habitant de Camerino voulait voyager, pour voir le. monde. Ridolfo lui conseilla d'aller jusqu'k Macerata, et, quand il en fiit revenu : « Tu as vu toute la terre, » lui dit-il ; (( qu'y a-t-il, en efifet, dans le monde ?des » coUines, des vallees, des montagnes, des » plaines, des champs cultivds, des terres en » friche, des bois et des for^ts : toutes choses » que Ton trouve entre Camerino et Mace- » rata. » illos esse, qui suorum pretiosorum utilitatem virtutemque superarent. » LXXVI Dl lODIM RKDOLPHO Hie ipse cuidam Guneriensi, qui visendi causa orbem peragrare cupiebat, jussit usque Macera- tam oppidum proficisci. Quod ille cum efFecisset: c Orbem, » fnquit, < terrarum universum con- » spexisti, f nihil esse aliud asserens mundum hunc quam colles, convalles, montes, planitiem, culta atque inculta loca, nemora et sylvas, que omnia eo loci spatio continentur. II 122 LES FAC^TIES LXXVII MOT PLAISANT d'uN HABITANT DE PI^ROUSE • Un habitant de Perouse.avait un tonneau rempli d'excellent yin, mais c'etait un tout petit tonneau. Quelqu'un lui envoya deman- der du vin par un enfant, avep une cruche enorme. II la prit dans ses mains et la fiiaira : « Oh, oh 1 )) dit-il, « elle pue diablement. » Jamais je n'y mettrai de mon vin; va-fen » et rapporte-la k celui qui t'a envoye. » LXXVII PACETISSIMUH DICTUM CUJUSDAM PERUSINI Erat Perusino cuidam dolium vini sapidi et boni admodum parvum. Ad eum pro vino cum quidam puerum cum vase majusculo destinasset, sumpto in manibus vase, atque ad nares admoto : f Ohe ! » inquit; c vas istud admodum foetet. » Nunquam in hoc vinum meum infundam : vade » atque ad eum qui te misit istud reporta. » DE POGGE 123 LXXVIII DISPUTE DE DEUX FEHMBS GALANTES A PROPOS D*UNE PI&CE DE TOILE Deux femmes Romaines, que j^ai connues, qui n'avaient ni le m^me Hge, ni la m^me beaut^, allerent chez un de nos coUegues de la Curie, lui vendre du plaisir. U fit deux fois Tamour avec la plus jolie, une seule fois avec Tautre, pour ne pas avoir I'air de la dedai- gner et Tengager k lui ramener sa compagn^. Eq se separant d'elles, 11 leur donna une piece de toile, sans leur dire quelle serait la part de chacune. Quand il fallut partager, le di- saccord se mit entre les deux femelles : Tune Youlait avoir les deux tiers de Tetoffe, puis- qu'elle avait fait double besogne; I'autre vou- LXXVIII CONTENTIO DUARUH MKRETRICUM DB TELA UNEA Duae Romanse mulieres, quas novi, di versa aetata et forma, iverunt domum Curialis cu jus- dam e nostriSy voluptatis ac praemii causa. Is cum pulchriorem bis cognovisset, alteram semel tamen attigit; tum, ne se spretam putaret, tumut itenim rediret cum socia, abeuntibus telam lineam dono dedit, non discernens quanta esset futura cuique portio. In divisione, clancula contentio orta est inter fceminas, altera duas partes, secundum opus exactum, altera medietatem secundum personas 124 LES FAC^TIES lait en avoir la moitie, puisqu'elles ^taient deux. Chacune faisait valoirsesraisons; Tune pretendait qu'elle avait plus travaille, Tautre qu'elle avait eu tout autant de peine. Des paroles elles en vinrent aux coups; elles se prirent aux cheveux, les ongles se mirent de la partie. Les voisins d'abord, les maris en- suite accoururent; nul ne savait la cause de la querelle; chacune des deux femmes preten- dait que Tautre avait commence. Les maris prirent fait et cause pour leurs femmes : apr^s elles, ce fut k leur tour de se battre ; pierres et batons entr^rent en danse, jusqu'au mo- ment ou rintervention de la foule mit fin k la bataille. Les hommes, qui ignorent encore la cause du debat, se sont enfermds chez eux, suivant la coutume Romaine, et nourrissent Tun contre Tautre une haine profonde. La piece de toile est depos^e intacte chez un postulante. Diversae utrinque variseque rationes afferebantur, cum una majorem se laborem per- pessam esse, reliqua parem fuisse contenderet. Ex verbis ad verbera devenenint, ac unguium capillorumque certamen. Primo vicini, inde etiam mariti concurrunt, dissidii causam ignorantes^ utraque sibi verborum contumeliam illatam as- serente. Viris suae cujusque uxoris causam tuen- tibus, mulierum pugna ad viros descendit : vectibus ac lapidibus acta res est, donee concur- rentium interventus praelium diremit. Viri, dis- sensionis causam ignorantes, inimicitiam servant reclusi in caveis, more Romano. Pannus est apud DE POGGE 125 tiers, jusqu'a ce que la question soit tran- ch^e ; mais les femmes cherchent secretement k s'entendre et a partager. On demande aux Docteurs : quid juris? LXXIX LE COQ ET LE RENARD Un Renard, ayant faim, cherohait par ruse k s'emparer de quelques poules refugiees, a la suite d'un Coq, au sommet d'un arbre ^leve, qu'il ne pouvait atteindre. II s'avan9a gracieusement vers le Coq, et le saluant avec politesse : « Que fais-tu Ik-haut ? » lui dit-il. « Tu ne sais done pas les excellentes nou- » velles qui nous sont arrivees ? — Pas le » moins du monde, » repondit le Coq, « dis- quemdam ob rem indiscussam nondum divisus, sed occulte a mulieribus de dividendo agitur. Quaeritur a doctoribus quid sit juris? LXXIX DE GALLO ET VULPE Esuriens quondam Vulpes, ad decipiendas gal- linas, quae, Gallo duce, arborem excelsiorem, quo sibi aditus non erat, ascenderant, ad Galium blande accessit, quern comiter quum salutasset : « Quid in excelso agis? > inquit. c Numquid non » audisti nova hsec recentia tam salutaria nobis? II. 126 LES fac6ties » nous-les done. — Je viens expr^s te les an- » noncer pour te faire plaisir, » reprit le Re- nard. « Tous les animaux ont tenu un grand » conseil et conclu entre eux une paix per- » p^tuelle ; il n'y a plus de crainte k avoir ; » aucun animal ne peut plus etre traqud ni » molestd par un autre; tous doivent vivre u en paix et dans la concorde la plus par- » faite; chacun peut aller en toute siiretd, u m^me seul, oti il lui plait. Descendez done ') de la-haut, et fetons ensemble ce beau » jour. » Le Coq ne fut pas dupe de la ruse du Renard : — « Tu m'apportes la, » lui dit-il, a une bonne nouvelle ; cela me fait bien plai- » sir, » et en meme temps il tendait le cou, se dressait sur ses pattes pour voir plus loin et prenait un air tout etonne : — « Que re- » gardes-tu done ainsi ? » dit le Renard. — 9 — Nequaquam, > Gallus cum respondisset, < at- » qui praenuncia, — Hue accessi, > ait, c ad com- 9 municandum tecum alacritatem. Animalium 9 omnium concilium celebratum est, in quo pa- » cam perpetuam omnium animantium inter se > firmarunt, ita ut, omni sublato timore, nuUi i ab altero insidiae aut injurise fieri amplius » queanty sed pace et Concordia omnes firuantur. 9 Licet abire unicuique, vel soli, quo velit, secure. » Descendite igitur, ethunc festumagamusdiem.n Agnita Vulpis fallacia Gallus : — c Bonum, » in- quit, € affers nuncium et mihi gratum, » et simul collum altius protendens, prospecturoque longius et admiranti similis, in pedes se erexit. — c Tu DE POGGE 127 « Je regarde, » repondit le Coq, « deux » chiens qui viennent par ici au grand ga- » lop, la gueule ouverte. » Le Renard se mit a trembler : — « Adieu ! » s'ecria-t-il, « il faut » que je me sauve avant qu'ils n'arrivent, » et il fit mine de fuir : — « Pourquoi t'en vas- » tu done? » reprit le Coq; « que crains-tu? » puisque la paix est faite, tu n'as rien k » redouter. — Je ne sais pas trop, » re- pliqua le Renard, « si ces maudits chiens » ont eu connaissance du traite. » Ainsi la ruse fut dejouee par la ruse. LXXX PLAISANT PROPOS Un personnage, un peu trop libre dans ses » quidnam aspicis? » Vulpes cum dixisset, — < Duos, » inquit, « magno cursu, ore patulo ad- » ventantes canes. » Turn tremebunda Vulpes : — c Valete, ) inquit, < mihi fuga expedit, antequam 9 illi adveniant, 9 et simul ccepit abire. Hie Gal- lus : — c Quonam fiigis, aut quid times? 9 ait, « siquidem, pace constituta, nihil est timen- d dum. — Dubito, 1 inquit Vulpes, c an canes 9 isti audierunt decretum pacis. 9 Hoc pacto, dolo illusus est dolus. LXXX FACETUM DICTUM Vir in dicendo liberior, cum quid audacius 128 LES FAC^TIES paroles, tenait audacieusement, dans le palais m^tne du Pape, des propos lagers qu'il ac- compagnait de gestes expressifs : — « Que dis- » tu done? u s'ecria un de ses amis; « on te » prendrait pour un fou. — Ce serait bien » mon affaire, » repliqua-t-il; « )e ne puis » autrement conqu^rir les bonnes graces de » ceux qui sont au pouvoir, puisque c'est u actuellement le rdgne des sots et que » toutes les affaires sont entre leurs mains. » LXXXI DISCUSSION ENTRE UN FLORENTIN ET UN V^NITIEN Les Venitiens avaient conclu la paix pour dix annees avec le Due de Milan. Pendant ce temps, ^clata la premiere guerre entre les ioquens in palatio PontificiSy gefttu jocoque dis- solution uteretur : — < Quid ais, > inquit socius quidam, c stultus quidem diceris. i Tum ille : — c Hoc, 9 inquit, c permagni lucri loco ponerem. 9 Non enim alio pacto possum charus esse his 9 qui nunc regnant, cum stultorum hoc tempus » existat, atque hi soli potiantur rerum. s LXXXI DISCEPTATIO INTER FLORENTINUU ET VENETUM Venetis foedus erat cum Duce Mediolani ad decennium. Interim prime inter Florentino^ Du- DE POGGE 129 Florentins et le Due; les affaires des Flo- rentins allaient mal, quand les Venitiens, au mepris de leur traite, attaqu^rent le Due, qui etait sans mefianee, et oeeuperent Breseia, dans la erainte que le Due vietorieux ne tournat eontre eux toutes ses forces. Quelque temps apres, un Florentin et un Venitien parlaient entre eux de ces evenements : <( Vous nous devez la liberte ; c'est grace k » nous que vous etes libres, » disait le Veni- tien. — « Point du tout, » riposta le Flo- rentin pour rabattre la jaetance de I'autre, « vous ne nous avez pas faits libres, mais » nous avons fait de vous des trattres* » cemque orto bello, cum Floreatinorum res de- teriori loco viderentur, Veneti Ducem haud quic- quam hostile timentem adorti, rupto foedere, Brixiam occuparunt : veriti ne, si Dux superior esset, omnis belli moles in se verteretur. Flo- rentino Venetoque postmodum de hac re dis- ceptantibuS; cum Venetus diceret : c Nobis li- ft bertatem debetis : nam nostra opera liberi > estis, — Hoc nequaquam verum est, » inquit ad retundendam illius petulantiam Florentinus : « non enim nos liberos esse fecistis, sed nos vos » reddidimus proditores. » l30 LES FAC^TIES LXXXII COUPARAISON d'aNTONIO LUSCO Cyriaque d'Ancone, insupportable bavard, d^plorait un jour, en notre presence, la chute et la destruction de I'Empire Romain et en paraissait on ne pent plus afflige. Antonio Lusco, docte personnage, qui se tfouvait avec nous, se mit a rire de la sotte douleur de cet horn me : « Cyriaque, » dit-il, « res- semble a ce Milanais qui ecoutait, un jour de fete, un de ces chanteurs k la douzaine, dont.le metier est de reciter aux badauds les exploits des paladins; notre h'omme, en en- tendant raconter la mort de Roland, tu^, il y aura bientot sept cents ans, dans la ba- LXXXII COKPARATIO ANTONII LU8a Ciriacus Anconitanus, homo verbosus et ni- mium loquax, deplorabat aliquando, astantibus nobis, casum atque eversionem Imperii Romani, inque ea re vehementius angi videbatur. Turn Antonius Luscus, vir doctissimus, qui in coetu aderat, ridens hominis stultam curam : < Hie persimilis est, » inquit, c viro Mediolanensi, qui, die festo, cum audisset unum e grege cantorum (qui gesta heroum ad plebem decantant) reci- tantem mortem Rolandi, qui septingentis jam ferme annis in prselio occubuit, coepit acriter DE POGGE l3l taille, se mit h pleurer k chaudes larmes. De retour chez lui, comme sa femme, le voyant triste et abattu, lui demandait ce qui lui etait arrive : — « Helas, ma femme, je suis » mort, » s'ecria-t-il. — « Mon ami, » re- prit-elle, « quel malheur f est done survenu ? » Remets-toi et viens diner. » Notre homme continuait k gemir et refusait de manger. Sa femme le supplia de lui dire la cause d'un si grand chagrin : — « Ignores-tu done, » lui demanda-t-il, « ce que je viens d'apprendre a » rinstant? — Mais dis quoi, enfin, mon » ami ? — Roland est mort, Roland, le seul » defenseur des Chretiens ! » La femme calma Tabsurde dbuleur de son mari, et elle eut beaucoup de peine k le faire mettre a table. » flere, atque inde, cum uxor domum reversum moestum ac gementem vidisset, rogassetque quidnam accidisset novi : — « Heu ! mea uxor, j inquit, « defunctus sum! — Mi vir, » uxor ait, « quid tibi adversi evenit? Solare, atque ad coe- 9 nam veni. jt At ille cum in gemitu persevaret, neque cibum vellet sumere, tandem instantius moeroris causam percontanti mulieri : — « An » nescis, ) respondit, c quae nova hodie audivi ? — » Quaenam, vir? » uxor inquit. — .€ Mortuus est » Rolandus, qui solus tuebatur Christianos! » Solata est mulier insulsam moestitiam viri, et vix tandem ad ccenam potuit ilium perducere. » l32 LES FAC^TIES LXXXIII d'UN CHANTEUR qui ANNON9A QU*IL DlfiCLAMBRAIT LA ( MORT D^HECTOR » Un des assistants nous conta un autre trait de semblable sottise : « Un de mes voisins, » dit inquit illa^c ju- » res te nihil vidisse. 9 Statim cum id jurasset, mulieri valetudo restituta est. LXXXV FACETA JOGATIO MILITIS FLORENTINl Rossus de Riciis, Eques Florentinus, magni vir animi ac severus, uxorem habuit Teldam nomine, vetulam et minime formosam. Hie coe- pit in ancillam, quam domi habebat, oculos con- DE POGGE l35 et comme il rimportunait tous les jours, cette fiUe en prdvint sa maitresse ; celle-ci lui con-' seilla de consentir et de donner a Rosso un rendez-vous en certain endroit obscur, oti elle-m^me se glissa subrepticement a sa place. Rosso arrive et se met k caresser longuement sa femme, qu'il prend pour la servante ; mais tout a coup une defaillance. le saisit et il ne peut rien conclure : « Ah ! chevalier de » merde, » s'ecrie Telda; « si 9'eiit et^ la » servante, tu lui aurais bien^t Paffaire. — » Pardieu, Telda ma mie, » repartit le Che- valier, « le bon compagnon que voici a bien » plus de nez que moi; a peine fai-je ap- » prochee, croyant tater de la servante, qu'il » a senti tout de suite quel mauvais morceau » tu es, et qu'il est rentre chez moi a re- » culons. » jicere, et cum illam saepius molestasset^ ilia ad patronam rem detulit. Suasit ut assentiretur, ac certo in loco subobscuro horam Rosso assigna- ret, in quem pro ancilla se Telda clam contulit. Accedens ad locum Rossus, ac mulierem pro ancilla diutius tractans, tandem, demissa men- tula, nihil agere potuit. Tum exclamans uxor : c Eia, > inquit, c Eques merdose, si hic ancilla I extitisset, recte cum ea rem habere potuisses. i Tum Miles : -r c Oh! Telda mi, per Deum! » in- quit, c hic meus socius prudentior admodum est » quam ego. Nam postquam te pro ancilla igna- » rus attigi, statim ille malam camem te esse co- > gnovit, ac propterea retrocedens me restituit. » l36 LES FAC^TIES LXXXVI d'un chevalier qui avait une femme acariatre Un Chevalier Florentin, de la plus haute noblesse, avait une femme acariatre et me- chante qui, tous les jours, allait trouver son Confesseur ou, comme on dit, son Directeur, et lui rapportait les mdfaits et les defauts de son marl. Le Confesseur n'epargnait a ce dernier ni observations, ni reproches. Un jour que la femme avait demande au pr^tre de mettre la paix dans son menage, il en- gagea le mari k se confesser k lui-m^me : c'etait, a son avis, le meilleur moyen de re- tablir entre eux la Concorde. Le Chevalier consentit, et le Religieux Finvitant k com- mencer sa confession : — « Ce n'est pas la LXXXVI DE MILITE QUI UXOREM HABEBAT LITIGIOSAM Habebat Florentinus Eques admodum nobilis uxorem litigiosam ac perversam, quae quotidie ad Religiosum Confessorem, vel, ut aiunt, De- votum suum querelas viri et vitia deferebat. Hie Equitem reprehendeibat , objurgabatque. Ali- quando verbis admonitus uxoris et ut pacem in- ter eos poneret, rogavit virum ad confessionem peccatorum : qua facta non dubitabat conventu- ram inter eos concordiam. Paruit Eques, et cum Religiosus eum sua peccata explicare jussisset : DE POGGE iSy » peine, » dit-il; « tous les peches que j'ai » pu commettre, ma femmc vous les a sou- » vent racontes, et bien d'autres encore. » LXXXVII d'un empirique qui soignait les anes II y avait naguere a Florence un homme, plein d'assurahce et d'audace, qui n'exer9ait aucun metier. II lut, dans je ne sais quel livre de Medecine, le nom et la composition de certaines pilules r^putees souveraines con- tre diverses maladies, et con9ut Tidee bizarre de se faire d'embl^e Medecin, grace a ces pi- lules. Aprds en avoir fabriqu^ un grand nom- bre, il sortit de Florence et se mit k parcou- rir les villages et les fermes en exer^ant la — « Nequaquam est opus, » itiquit, t quicquid 9 enim unquam commisi, et multo plura etiam, » ab uxore sdepius tibi recitata extiterunt. » LXXXVII DE TEMBRARIO QUI ASINOS CURABAT Fuit nuper Florentiae homo confidens ac teme- rarius, nulli arti deditus. Is cum legisset apud Medicum quemdam nomen et virtutem certarum pillularum quae ad varios morbos conferre dice- bantur, existimavit homo ridiculus se lis soils pillulis de facili Medicum evasurum. Confecto earum magno numero, urbem egressus coepit 13. l38 LES FACETIES Medecine. II administrait indifferemment ses pilules pour toutes les maladies; le hasard fit qu'elles rendirent la sante a quelques personnes. La renommee de cet ignorant se repandit parmi les ignorants de son es- p6ce, si bien qu*un homme ayant perdu son baudet vint un jour lui demander s'il n'avait pas quelque remdde pour faire retrouver'les ^nes. L'empirique dit que oui, et lui donna six pilules a avaler. Le paysan les prit et s'en alia. Le lendemain, pendant qu'il cherchait sa bete, les pilules firent leur efFet; il se retira dans une oseraie oti il trouta son ^e qui paissait. II eleva aux nues la science et les pilules du Medecin, et de toutes parts, comme vers un nouvel Esculape, les paysans ac- coururent en foule vers ce Docteur qui avait vagari per oppida et villas, Medicinse artem pro- fessus. Ad omnem autem aegritudinem has pil- lules accommodabat, earumque cura aliqui casu valetudinem recuperarunt. Cum hujus fama per- crevisse^ stulti apud sultos, unus qui asinum suum amiserat, rogavit hominem, numquid re- medium ad recipiendum asinum haberet. Assen- sit ille, et ei sex pillulas deglutiendas dedit. Quibus sumptis abiens, postero die cum asinum quaereret, ac cogentibus pillulis de via discessis- set, laxandi ventris gratia, in arundinetum forte divertit; ibi reperto asino pascente, Medici scien- tiam et pillulas ad cesium laudibus extulit. Ad hunc postmodum, veluti alterum iEsculapium, magnus fiebat rusticorum concursus, qui audie- DE POGGE l39 des rem^des m^me pour faire retrouver les ^nes. LXXXVIII COMMENT PIETRO DE EGHIS DISAIT QUE S*ACHETENT LES PLACES A Florence, dans une sedition, les citoyens se battaient entre eux pour changer la forme du gouvernement, et Pun des chefs de parti venait d'etre tu^ par ses adversaires au mi- lieu d'un grand tumulte. Un spectateur doi- gne, voyant les epees tiroes, les hommes cou- rant de cote et d'autre, demanda h ses voisins ce que cela voulait dire : — « On se partage » Ik-bas les magistratures et les charges de la » cite, » lui repondit Tun d'eux, nomm^ Pie- rant Medici medelas etiam ad recipiendos asinos accommodatas. LXXXVIII COMPARATIO PETRI DE EGHIS In seditione quadam civitatis Florentiae qua cives pro statu rerum inter se certabant, cum quidam alterius factionis ab adversariis magno tumultu occideretur, unus ex his qui longe abe- ranty gladios exertos conspiciens, atque homines concursantes, percontatus est a circumstantibus quidnam ibi ageretur. Tum unus, nomine Petrus de Eghis : — c Illic, > inquit, c magistratus civitatis > atque officia dividuntur. — Nolo^ » inquit ille, 140 LES FAC^TIES tro de Eghis. — « Puisqu'elles codtent si » cher, » repliqua le questionneur, a je n'en » veux pas, » et 11 s'en alia sans tarder. LXXXIX D*uk M^DECIN Plusieurs de mes collogues, grands ama- teurs de gais propos, dinaient chez moi, et, tout en mangeant, on racontait maintes his- toires plaisantes : « Cecchino, M^decin k Arezzo, » dit Pun d'.eux en souriant, a fut un jour appele au chevet d'une belle jeune fille qui s'^tait, en dansant, luxe le genou. Pour le remettre, il lui fallut manier assez longuement la jambe et la cuisse fort blanche et fort douce, ma foi, de la jeune person ne, c res quae tarn caro constant, » atque e vestigio recessit. LXXXIX DE MEDICO Quum coenarent mecum contribuli nonnulli, homines ad facetias prompti, multa ridenda inter coenandum dicebantur, inter quae unus subri- dens : < Cechinus, » inquit, < Medicus Aretinus, accersitus ad curandum quamdam formosam ado- lescentulam, quae psallendo contorserat genu; in componendo cum et tibiam foeminae et coxam peralbam ac mollem aliquandiu tractasset, erecta DE POGGE 141 si bien que erecta est mentula majorem in modtim, au point de ne pouvoir plus tenir dans la braguette. II se releva en soupirant, et comme la malade lui demandait ce qu'elle lui devait pour ses soins : — « Rien du tout, » repondit-il. — t Et pourquoi cela ? » dit-elle. — « Nous sommes quittes : je vous ai re- » dresse un membre et vous m'en avez re- » dresse un autre. » XC PLAISANTERIE SUR UN V^NITIEN QUI NE RECONNAISSAIT PAS SON CHEVAL On discourait, entre doctes personhages, de la betise et de la stupidity g^n^rales. An- tonio Lusco, homme de beaucoup d'esprit, est mentula majorem in modum, ita ut subliga- culo contineri nequiret. Tum suspirans cum as- surrexisset, atque ilia quid pro ea*cura sibi dari vellet, quaesisset, nihil sibi deberi respondit. Quaesita causa : — c Pares enim in opere, 1 in- quit, c sumus; ego enim tibi membrum contor- > tum direxi, tu item mihi aliud ereusti. » XC JOCATIO CUJUSOAM TENETl QUI BQOUM SUUM HON COGNOTERAT Loquentibus nonnuUis doctis viris de insulsi- tate, stultitiaque multorum, narravit Antonius 142 LES FAC^TIES raconta qu'un jour, en allant de Rome a. Vicence, il avait bien voulu faire route avec un Venitien qui, sans doute, n'^tait pas sou- vent montd a cheval. A Sienne, ils descen- dirent dans une hotellerie ou se trouvaient aussi beaucoup d'autres voyageurs avec leurs chevaux. Le matin, tout le monde se prdpa- rait k partir ; seul, le Venitien se tenait assis k la porte, immobile et tout bott^. Lusco, surpris du flegme et de la tranquillite de cet homme qui ne s'occupait de rien tandis que presque tout le monde ^tait d6]k en selle, lui dit de monter k cheval s*il voulait partir avec lui, et lui demanda ce qu'il attendait : — « Certainement , je veux m'en aller avec » vous, » rdpondit le Venitien, « mais parmi tant de chevaux, je suis incapable de m'y » reconnaitre. J'attends que tous ces mes- Luscus, vir facetissimus, cum olim ab Roma Vin- cetitiam proficisceretur, addidisse se in suam socie- tatemVenetum quemdam, qui perraro, ut vide- batur, equitasset. Qui cum Senis divertisset ad hospitium in quo et alii permulti cum equis erant, maneque ad iter se quisque pararet, solus Venetus sedebat ad fores otiosus, atque ocreatus. Admiratus Luscus hominis negligentiam ac tar- ditatem^ qui, cum caeteri ferme in equis essent, ipse solus quiesceret, admonuit, si secum profi- cisci vellet, equum ascenderet, causamque mors percontabatur. Tum ille : — € Atqui, » inquit, c tecum ire cupio : sed equum meum minime in- > ter alios recognosco. Igitur exspecto quoad re- DE POGGE 143 » sieurs aient pris les leurs et qu'il p'en reste » plus qu'un a Tecurie; comme cela, je saurai » que c'est le mien. » Lusco, voyant la sot- tise de son compagnon, attendit le temps nd- cessaire pour que ce lourdaud, cette biiche, pdt enfin prendre comme sien Tunique che- val laiss^ k T^curie. XCI BON MOT DE CARLO OE BOLOGNE Cest une mani^re de parler, quand nous voulons t^moigner notre mepris k quelqu'un, que de lui dire : Je te laisserais cent fois par jour au cabaret pour I'^cot. Dans une reu- nion, un quidam qui se disputait avec Ra- zello de Bologne lui jeta cette phrase a la » liqui equitarint, ut qui equus solus in stabulo f remanserit, sciam esse meum. » Cognito homi- nis stupore, Antonius paulum commoratus est, quoad stultus ac stipes ille unicum relictum equum caperet pro suo. XCI DICTUM CAROLI BONONIEN8I8 Mos est loquendiy cum quempiam prse nobis contemnere volumus, ut dicamus : Ego te centies in die oppigneratum relinquerem apud cauponu' lam tabemam, Razello Bononiensi, viro prompto ad respondendum, quidam inter jurgandum, hoc 144 L^S FACl^TIES tete. II croyait ainsi se faire valoir et ra- baisser Razello. Mais celui-ci etait prompt k la riposte : — « Je ne te contredirai point Ik- )) dessus, ». dit-il ; « car on re9oit bien vite en » gage les bonnes choses, celles qui ont de B la valeur. Mais toi, mauvais drdle, tu vaux » si peu, tu es si vil, qu'on aurait beau te » promener dans tous les cabarets, dans » toutes les gargbtes possibles, personne ne » te prendrait en gage, pas m^me pour un » sou. » Razello mit ainsi les rieurs de son cote et battit le mauvais plaisant avec ses propres armes. idem in ccetu hominum objecit, extollens pru- dentiam suam, Razellum vero despiciens. Turn Razellus : — c Hoc tibi, » inquit, « facillime con- 9 cedo : cito enim res magni pretii et bonae dari » pignori possunt. At vero tu ita, nequam, vilis 9 et abjectae conditionis es, ut, si quis te per > omnes fori tabernas et cauponas circumferret, » nemo te nee pro sereo quidem nummo vellet 9 accipere. > Hoc dicto, et circumstantibus ri- sum movit, et dicacitatem hominis dicacitate compressit. DE POGGE 145 XCII d'uN USURIER qui CESSA DE FAIRE L'USURE DE CRAINTE DE PERDRE CE QU'lL AVAIT ACQUIS Un ami exhortait un usurier deja vieux k quitter le metier, pour penser au salut de son ame et prendre un peu de repos; il s'ef- for9ait de lui persuader qu'il ferait bien de s'affranchir enfin des inquietudes et de Pin- dignite de sa vie : — « Puisque tu le veux, » repondit notre horame, « je renoncerai a ce » metier ; mes creances rentrent si mal main- » tenant, qu'il me faudrait bientot, bon gre, » mal gre, fermer boutique. » Ainsi, il re- non9ait a I'usure, non par conscience de Fin- famie, mais par crainte de perdre ce qu'il avait gagne. XCII DE FCENERATORE SENE RELINQUENTE FCENUS TIMORE PERDENDI PARTA Hortabatur foeneratorem jam senem amicus, ut desisteret a foenore, et animae suae saluti con- sulens, et corporis quieti, pluribusque suadebat verbis ut se ab ea molestia simul et infamia vitae vindicaret.Tum ille : — « Ut suades, » inquit, « hanc » artem desinam. Nam nomina mea ita jam male 9 respondent, ut necesse sit vel invito hoc exer- 9 citium relinqui : » non conscientia peccati, sed timore amittendi parta se foenus relicturum pro- fessus. i3 146 LES FAC^TIES XCIII d'une vieille fille de joie qui mbndiait On venait de raconter cette histoire dans notre reunion : « Get usurier^ » ajouta un de mes collogues, « ressemblait fort a une vieille de ma connaissance (il dit le nom d'une fille de joie) qui, tout a fait d^crepite, demandait Taumone pour vivre : « Ayez pitid, » disait- elle, « d'une pauvre femme qui a renonce au » peche et au metier d'amour. » Un » homme de marque lui reprocha de mendier : — a Que » voulez-vous que je fasse ? » repondit-elle, « personne ne veut plus de moi. — Cest done » forcdment et non de bonne volontd que tu » es sage, » lui dit-il ; « tu as cesse de pecher » parce qu'il n'y avait plus moyen. » XCIII DE MERETtllCE SENE MENDICANTE Dum hoc in corona recitaretur, c Similis hie fuit, ^ contribulis meus ait, f pervetulae (et no- men retulit) meretrici quae, jam aetata confecta, stipem in eleemosyna petens, « Benefacite, > aie* bat, « ei quae peccatum reliquit, et artem mere- » triciam. » Increpata ab homine noto, quod mendicaret : — c Quid vis agam ? » inquit, c nemo » me amplius requirit. — Necessitate ergo, non » voluntate, » ait ille, « peccatum relinquis, cum » peccandi nulla adsit facultas. » DE POGGE 147 XCIV d'un docteur et d'un ignorant Un jour que le Pape Martin causait avec ses Secretaires, la conversation tomba sur les anecdotes plaisantes. Le Pape raconta qu'un Docteur de Bologne faisait a un Legat je ne sais quelle demande, et insistait tellement, que le Legat finit par le traiter d'idiot et de fou : — « Et depuis quand vous ^tes-vous » aper^u que je suis fou ? » demanda le Doc- teur. — « Depuis tout k Theure, » dit le Legat. — « Vous vous trompez, » repliqua Tautre : « je fus un grand fou le jour que » je vous fis Docteur en droit civil, vous » qui n'entendez rien aux lois. » iLe Legat etait eflfectivement docteur, quoique fort peu XCIV DE DOCTORE ET IMPERITO Cum Secretarii essent aliquando cum Pontifice Martino, et sermo de facetiis incidisset, retulit ille fuisse Doctorem Bononiensem, qui, cum a Legato quid instantius peteret, fatuus ac demens appellatus est. Hoc audito : — f Quando, » inquit,k ( me dementem esse cognovisti ? » Ad haec Le- gatus cum id temporis dixisset : — c Non recte, » inquit alter, < arbitraris : tunc enim fatuus 9 fui, cum te ignarum legum Doctorem juris » civilis feci. » Erat enim Doctor Legatus, et 148 LES FAC^TIES docte, et cette plaisanterie d^voilait son igno- rance. XCV MOT DE l'EV^QUE d'aLETH Un autre, je crois que c'dtait I'Ev^que d'Aleth, raconta un bon mot d'un Romain. Ce particulier rencontra en chemin le Car- dinal de Naples, homme sans esprit, sans sa- voir, qui sortait de chez le Pape. Comme le Cardinal riait sans discontinuer, ainsi qu'il ei;! a Thabitude, le Romain demanda a son compagnon s'il devinait ce qui pouvait bien faire rire ce Prelat : — « Je n'en sais rien, » lui r^pondit-on. — a Eh bien, » dit I'autre, « il rit de la betise du Pape qui a fait un Car- » dinal d'un imbecile tel que lui. » parum doctus : hoc dicto ignorantiam Legati ostendit. XCV DICTUM EPISCOPI ELECTEN8IS Alter, Episcopus scilicet Electensis, Romant cujuspiam dictum retulit. Cuin Cardinal! Neapo- litano, homini stolido atque indocto, redeunti a Pontifice Romanus civis obviasset, Cardinalis vero, quia mos suus erat, continuo rideret, petivit a socio quamnam ob causam Cardinalem putaret ridere. Qui cum id se nescire respondisset : — a Atqui, » inquit, c stultitiam Pontificis ridet, 9 qui se adeo immerito Cardinalem fecit > DE POGGE 149 XCVI MOT PLAISANT D'UN ABBE Un autre rapporta ensuite deux bons mots dus a des Peres du Concile de Constance (c'etaient deux Abbes de TOrdre de Saint- Benoit). lis avaient ete deputes par le Concile aupres de Pierre de Luna, auparavant re- connu comme Pape par les Espagnols et les Fran^ais. Des qu'il les vit : « Voici deux cor- )) beaux qui m'arrivent ! » s'ecria Pierre. — « II n'y a rien d'etonnant, » repondit Tun d'eux, « a ce que des corbeaux soient attires )) par une charogne. » II voulait dire par la que le Concile I'ayant condamne, on devait le regarder comme un cadavre. XCVI FACETUM DICTUM CUJUSDAM ABBATIS Subdidit et alius duo facete ab Oratoribus (hi duo Abbates Ordinis S. Benedicti erant) Concilii Constantiensis dicta. Qui cum ad Petnim de Luna, antea apud Hispanos et Gallos Pontificem, nomine Concilii venissent, atque is, illis con- spectis, duos corvos se adire dixisset, minima mi- rum videri debere alter respondit, si corvi ad ejectum cadaver accederent : exprobrans ei quod a Concilio damnatus pro cadavere haberetur. i3. l7b LES FACl^TIES XCVII MOT PLAISANT Dans I'altercation qu'ils eurent avec lui sur la question de savoir qui dtait le vrai Pape, Pierre leur dit encore : « Ici est TArche de » Noe. » II entendait par Ik qu'il avait seul tous les droits du Sidge Apostolique. — « Dans FArche de Noe, » lui r^pondit TAbb^, « il y avait bien des betes. » XCVIII HERVEILLES RACONT^ES PAR HON COPISTE Mon copiste, Giovanni, de retour de cette region qu'on appelle la Bretagne, m'a ra- XCVII DICTUM FACETUH Idem in altercatione, quam super jure Pontifi« catus cum ipso habebant, cum Petrus dixisset : c Hie est Area Noe, » designans apud se jus esse Apostolicae Sedis f — c In Area Noe^ i inquit, c belluae fuerunt permultae. » XCVIII MIRABILIA PER LIBRARIUM DICTA Librarius meus, Joannes nomine, qui nuper DE POGGE l5l conte k table, vers le htiiti^me jour des Ides d'Octobre, ravant-derniere annee du Ponti- ficat de Martin V, des choses surnaturelles qu'il affirmait avoir vues ; c'est un homme instruit et peu porte a mentir. En premier lieu, il etait tombe une pluie de sang entre la Loire, le Berry et le Poitou, au point que les pierres en furent teintes. L'histoire a sou- vent rapporte de pareils prodiges, et celui-lk en paraitra moins etonnant. Mais je n'aurais jamais cru le fait que je vais repeter, si Gio- vanni ne me Tavait affirme avec serment : A la fete des Apotres Pierre et Paul, c'est-k- dire au mois de Juin, deux moissonneurs du pays, qui avaient laisse la veille du foin dans leur champ, s'en furent le botteler, crainte de le perdre, au mepris de la solennite du jour. Cetait I'afFaire d'une heure, mais, par ex ea quam vocant Britanniam redierat, retulit mihi in coena ad octo Idus Octobris, penultimo Martini anno, quaedam miracula, quae se vidisse asserebat homo doctus et minime mendax. Pri- mum est sanguinem inter Ligerim, Biturigas, et Pictones pluisse, exque ea pluvia sanguine perfii- sos lapides videri. Hoc quoniam accidisse ssepius historic prodiderunt, minus mirandum videtur. Quod sequitur, nequaquam credidissem, nisi as- severantis jusjurandum accessisset. In festo Petri et Pauli Apostolorum, quod est in mense Junii, ait quosdam messores in patria sua, cum pridie nescio quid foeni in agro reliquissent, contempto die, ne foenum amitteretur, rediisse ad metendum, l52 LES FAC^TIES la volonte de Dieu, ils rest^rent longtemps dans leur champ, tou jours occupes a botteler le foin, sans relache, jour et nuit, ne prenant ni nourriture ni repos. lis pass^rent ainsi plu- sieurs jours sans pouvoir sortir du champ et sans que les gens qui s'arretaient k les regar- der, et qui les prenaient pour des fous, pus- sent s'approcher d'eux et leur demander ce que cela voulait dire. Le copiste m'a afiElrme qu'il avait vu les moissonneurs occupes a botteler ; qu'en est-il advenu ensuite ? il n'en savait rien. XCIX MERVEILLEUSE PUNITION DU MEPRIS DES SAINTS Un autre de mes collegues k la Curie, Rol- quod unica hora effici potuisset. Sed Dei judicio messores diutius vagatos esse per agrum meten- tes, neque aliud quicquam die noctuque agentes, absque cibo et somno ; neque vero pluribus die- bus aut illos agrum exire, aut alios ad illos ut sciscitarentur quidnam id sibi vellet, accedere potuisse, cum multi circumstarent^ fatuos illos existimantes. Vidisse se illos metentes librarius asseruit; quid vero illis postea acciderit, nescire se dixit. XCIX MIRABILE JUDICIUM EX CONTEHPTU SANCTORUM * Sic alter ex Senatoribus meis, RoUetus nomine^ DE POGGE l53 let, natif de Rouen, m'a affirme qu'il avait vu un miracle analogue, provoque par le mepris des Saints. II y a prds du chateau de la ville une paroisse sous Tinvocation de Saint Go- thard. C'etait le jour de sa fete et tous les paroissiens la celebraient, comme d'ordinaire, par une procession magnifique. Une jeune fille d'une autre paroisse se mit a se moquer d'eux, blasphema le nom du Saint, tourna en derision les ceremonies et s'ecria que pour montrer le cas qu'elle en faisait, elle allait se mettre a filer ; elle prit, en effet, sa que- nouille et son fuseau. Aussitot quenouille et fuseau s'attacherent k ses mains et k ses doigts en lui faisant grand mal, et si fort, qu'on ne pouvait pas les en arracher; la jeune fille avait perdu la voix et faisait en- tendre par signes, a defaut de la parole, ce qu'elle souffrait et pourquoi. Enfin, une foule patria Rothomagensis, se haud dissimile miracu- lum vidisse ex contemptu Sanctorum Dei affir- mavit. Esse ait juxtacastellum civitatis parochiam quamdam dicatam Beato Gothardo ; cujus solem- nis cum adesset dies, parochiani omnes ingens de more festum cum processione et pompa age- bant. Adolescentula vero alterius parochiae, cum illos derideret, nomenque Sancti sperneret et eo- rum caerimonias, se in ejus contemptum filatu- ram dixit, ac deinceps colum sumpsit et fusum. Haecautem subito cum manibus et digitis magno cum dolore haesissent, ita ut avelli nequirent, adolescentula vero muta esset facta, nutu (nam l54 LES FAC^TIES de gens accoururent ; on la mena k Pautel du Saint qu'elle avait oifensd et elle lai fit un voeu. Aussitdt elle recouvra la voix et, en mdme temps, sa quenouille et son fuseau lui tombdrent des mains. Rollet dlsait que la chose s'^tait passee dans sa paroisse, et il en paraissait si sdr, que, malgre mon incr^ulit^, je ne Tai pas trouvee tout k fiait indigne de fbi. PLAISANTE HISTOIRE D*UN VIEILLARD QUI PORTA SON ANE On disait, dans une reunion des Secretaires du Pape, que se regler sur I'opinion du vul- gaire c'est se soumettre k Tesclavage le plus voce non poterat) dolorem et causam significabat, et tandem accurrente hominum multitudine du* ctam ad altare Sancti quern contempserat, atque ibi voto suscepto et restitutam vocem, et colum fiisumque e manibus cecidisse. Haec in sua paro- chia accidisse dixit, ita indubie ut mihi incredulo aliquam fidem facere videretur. FACETISSIMUM DE SENE QUODAH QUI PORTAVIT ASINUM SUPER SE Dicebatur inter Secretarios Pontificis eos^ qui ad vulgi opinionem viverent, miserrima premi DE POGGE l55 rude, car chacun pense k sa maniere; Tun veut ceci, Tautre veut cela, et plaire a tout le monde a la fois Putavit l60 LES FAC^TIES homme inculte, qui cherchait quelque mot bien ronflant, crut faire la aux convives un beau compliment, comme s'il eut dit : Votre Prudence ou Votre Sagesse. cm d'un vieillard a longue barbe Antonio Lusco, le plus instruit et le plus aimable des hommes, nous a raconte un jour, apr^s diner, une histoire bien amu- sante. C'est un usage commun, si quelqu'un a fait un pet, que ceux qui sont Ik disent : A la barbe de celui qui ne doit rien d per^ Sonne, A Vicence, un vieillard, porteur d'une barbe majestueuse, fut appele en justice par un creancier, devant le Gouverneur de la homo rudis, qui aliquod verbum resonans quse- rebat, se id pro summa laude dixisse, ac si Pru- dentiam aut Sapientiam dixisset. cm DE QUODAM SENE BARBATO Vir doctissimus atque humanissimus omnium Antonius Luscus, retulit nobis inter loquendum, post convivium, rem ridendam. Est communis loquendi modus, cum quis ventris crepitum edi- dit, ut circumstantes : Ad barbam ejus, qui nihil cuiquam debet, dicant. Senex quidam Vincentiae, barba admodum prolixa, vocatus a creditore in DE POGGE Ibl ville (c'etait Ugolotto Biancardo, homme docte et severe). Le vieillard, fort agite, se mit k crier bien haut et sur tous les tons qu'il n'etait le debiteur de personne, qu'il ne devait rien k qui que ce fut : — « Va-t'en » d'ici au plus vite, » lui dit Ugolotto, « eloigne de nous cette barbe puante dont » Podeur infecte nous incommode. » Le vieillard, tout interdit, demanda pourquoi sa barbe puait si fort : — « C'est, » lui re- pondit le Gouverneur, « parce qu'elle est » pleine de tous les pets qu'ont jamais laches » les hommes; tu sais bien qu'on les envoie )) tous a la barbe de celui qui ne doit rien a » personne. » Cette plaisanterie rabattit le caquet du vieillard et fit rire tous les assi- stants. judicium coram Praeside civitatis (is Ugulottus Biancardus fuit, vir doctus atque severus), cum multis verbis jactabundus clamitaret, se nullius ulla in re debitorem esse, repetens saepius nihil cuiquam se debere : — c Facesse hinc ocyus, » Ugu- lottus ait, « atque hanc tuam foetidam barbam, » quae nos malo odore conturbat, amove. » Cum ille stupidus, quamobrem foeteret adeo graviter, postulasset : — « Referta est, » inquit Ugulottus, « omnibus bombis, quae unquam ab hominibus » editae sunt, cum ad barbam ejus, qui nullum » habet debitum, rejiciantur. 9 Hoc dicto perfa- cete elusit hominis jactantiam, ridentibus qui aderant omnibus. 14. l62 LES FAC^TIES CIV SOTTISE D*UN NOtAIRE, RACONT^E PAR CARLO DE BOLOGNB Nous ^tions plusieursk dtnerdans lepalais du Pape, notamment quelques-uns de ses Se- cretaires. On se mit k parler des gens dont le savoir et Thabilete gisent dans des formules toutes faites, qui ne s'occupent pas de leur raison d'etre et se bornent i dire : Nos p^es nous ont laiss^ cela icrit de cette fagon, — « Ces gens-lk, » nous dit le spirituel Carlo de Bologne, « ressemblent de bien pr^s kcer- tain Notaire, mon concitoyen (et il nous dit le nom du personnage). Deux hommes vin- rent le trouver pour lui faire dresser un con- CIV COKPARATIO QUADASC CAROLI BONONIKNSIS DE QUODAM NOTARIQ Cum coenaremus in palatio Pontificis, non- nulli inter quos et Secretarii erant, orto sermone de eonim ignorantia quorum doctrina omnis ac scientia pendet ex scriptis formulis, neque earum causas afferunt, sed tantum dicunt sic scriptum superiores stylo reliquisse ; Carolus Bononiensis, vir admodum festivus, c Hi simillimi sunt, » in- quit, € Notarii cujusdam (et nomen retulit) con- civis mei ; ad quern cum duo accessissent con- tractus venditionis inter eos conficiendi gratia, DE POGGE l63 trat de vente ; il prit la plume, et se mettant a ecrire, leur demanda leurs noms; Pun dit qu'il s'appelait Jean, Tautre Philippe. Le Notaire s'ecria aussitot : « L'instrument » (c'est le terme qu'ils emploient), « ne peut pas etre )) dresse entre vous. » Et comme ils lui de- mandaient pourquoi : — « L'acte ne peut se » faire, » repondit-il, « et avoir de valeur le- » gale que si le vendeur s'appelle Conrad et » Facheteur Tite. » (II ne connaissait que ces noms, inscrits dans son formulaire.) lis eu- rent beau dire qu'ils ne pouvaient prendre d'autres noms que les leurs, le Notaire per- sista dans son refus, ses formules etant ainsi faites, et les envoya promener, puisqu'ils ne voulaient pas changer de noms. lis alle- rent en trouver un autre et laiss^rent la cet imbecile qui se serait cru coupable de atque ille^ sumpto calamo, scribere incipiens quaesisset eorum nomina, et alter Joannes, Philip- pus alter sibi nomen esse dixissent, respondit e vestigio Notarius, id instrumentum (ita enim appellatur) confici inter se non posse. Quaerenti- bus iliis causam : — i Nisi, » inquit, c venditor » Conradus, emptor vero Titius vocetur » (haec enim sola nomina in formulis suis didicerat), « rogari aut jure consistere hie contractus ne- » quit. » Cum vero se nomina mutare non posse dicerent, ille in sententia perstaret, quoniam ita formulae suae continerent, homines missos fecit, cum non auderent nomina immutare. Abierunt illi ad alium relicto homine insulso, qui se cri- 164 LES FAC^TIES faux, s'il eut change un seul mot k ses for- mules. CV d'un docteur florentin envoy^ a une reine et qui lui demanda de coucher avec elle On se mit ensuite a causer, tout en badi- nant, de la sottise de quelques personnages envoyes en Ambassade aupres des Princes. On en cita plusieurs : « N'avez-vous pas entendu parler, » dit Antonio Lusco, « de ce Floren- tin, ton compatriote, » ajouta-t-il en me re- gardant avec un sourire, « que la Republique envoya nagu^re, comme Ambassadeur, h la Reine Jeanne de Naples ? Ce Francesco (c'etait son nom), Docteur es lois,quoique tr^s-igno- men falsi subire existimavit, si scripta in formu- lis suis nomina commutasset. CV DE DOCTORE FLORENTINO AD REGINAM DESTINATO QUI CONCUBITUM POSTULAVIT Incidit etiam sermo inter jocandum de stultitia nonnullorum, qui Oratores mittuntur ad Princi- pes. Cumque aliqui nominati essent, ridens An- tonius Luscus: « Numquidnam, » ait, « audistis temeritatem Florentini (me intuens) quern Popu- lus Florentinus ad Joannam Reginam quondam Neapolitanam destinavit ? Franciscus is nomine fuit, Doctor legum, licet admodum indoctus. Qui DE POGGE ibS rant, apr^s avoir expose a la Reine Fob jet de sa mission, fut invite a revenir le lendemain; il entendit dire dans Tintervalle que la Reine ne faisait pas fi des hommes, surtout quand ils etaient beaux garfons. Introduit de nou- veau aupres d'elle, il lui parla d'abord de choses et d'autres, puis Tinforma qu'il avait besoin de Tentretenir en particulier. Elle le fit passer dans une chambre eloignee, pensant qu'il avait quelque mission secrete qu'il ne pouvait exposer devant tout le monde, et la, cet imbecile, qui avait de lui-m^me la meil- leure opinion, demanda a la Reine de coucher avec elle. La Reine ne se troublaaucunement, et apres avoir bien devisage son homme : « Cette requete, » dit-elle avec douceur, « est-elle une de celles que les Florentins » vous ont charge de m'adresser ? » L'Am- bassadeur rougit et ne sut que repondre : — cum Reginae mandata quaedam exposuisset, pos- tridieque ad eam reverti jussus, audisset interim Reginam haud aspernari viros, praesertim forma conspicuos, ad Reginam rediit, multisque ultro citroque dictis, tandem se cum ea secretiora quae- damloqui velle dixit. Tum Regina cumhominem ii\ remotius conclave advocasset, existimans ali- quid esse occultius quod communicandum cum pluribus non esset, stultus ille, qui sibi de propria forma plurimum persuaserat, Reginam concubi- tus postulavit. Tum ilia, nihilo immutata, vultum hominis inspiciens : < Numquid, » ait, c hoc tibi » Florentini in mandatis quoque dedere ? » Ta- l66 LES FAGI^TIES « Allez vous-en done et revenez charge de » cette mission-la, » ajouta-t-elle ; et elle le congedia sans plus se fllcher. CVI D*UN HOMME QUI CONNUT LB DIABLE SOUS LA FORME d'uNE FBMME Un tr5s-savant personnage, Cincio, Ro- main, m'a plusieurs fois rapport^ line histoire dont il ne faut pas rire, et qu'un de ses. yoi- sins, qui n'etait pas un sot, racontait comme lui ctant arrivde. La voici : Get homme s'etait une fois leve au clair de lune, croyant Stre proche du petit jour (car la nuit dtait sereine), pour aller k sa vigne ; on salt que les Romains ont rhabitude d'apporter beaucoup de soin a centem atque erubescentem Oratorem, ut hujus rei mandatum a£Perret dicens, abire ab se absque ndignatione jussit. CVI DE HOMINE QUI DIABOLUM IN IMAGINE MULIERI8 COGNOVIT Vir doctissimus Cincius Romanus mihi s^pius retulit rem haud contemn endam, quam vicinus suus, minima insulsus homo, sibi accidisse nar- rabat. Ea est hujus modi. Surrexerat is aliquando ad lunae splendorem, existimans circa diluculum esse, cum nox esset intempesta, ut proficisceretur ad vineam suam, prout est mos Roman is vineas DE POGGS 167 la culture de leurs vignes. Comme il sortait par la porte d'Ostie (il dut m^me reveiller les gardiens pour se faire ouvrir), il s'aper9Ut qu'une femmele precedait. Pensant quecette femme allait faire ses devotions h Saint-Paul, et sentant s'allumer un desir libertin, ilhata le pas pour Patteindre : elle etait seule, il en viendrait facilement a bout. Au moment ou il allait la rejoindre, elle quitta le droit che- min et prit un sentier. Notre homme doubla le pas dans la crainte de perdre cette bonne occasion de femme qui s'offrait ; tout prds de Ik, dans un detour, il Tatteignit et la saisit dans ses bras : elle ne dit mot, il la jeta par terre et la prit de force. La chose faite, le fantome s'evanouit en laissant une odeur de soufre. L'homme, sentant sous lui la terre diiigenter colere. Egressus porta Ostiensi (exi- tum enim a custodibus, ut ea aperiretur rogarat), mulierem conspexit se praecedentem. Existim^ns vero aliquam esse quae devotion is gratia S. Pau- lum visitaret, cum exarsisset in libidine, gradum properavit, ut earn consequeretur, et, quoniam sola esset, id facilius se assequi putabat. Cum ad earn appropinquasset, ad semitam e recta via di- vertit. Hic>homo celerius ambulavit, veritus ne mulieris occ^ionem oblatam amitteret. Progres- sus paululum in diverticulum mulierem compre- hendit tacentem, ad terram stntvit cognovitque. Quo facto, ilia subito evanuit, relicto foetore sul- phureo. Homo in terra herbida se esse sentiens^ paulum absterritus surrexit^ domumque rediit. l68 LES FAC^TIBS couverte de gazon, se leva un peu effrayd et rentra chez lui. Tout le monde crut qu'il avait ete victime d'une illusion diabolique. CVII AUTRE HISTOIRE CONTEE PAR ANGELOTTO Aiigelotto, tv^que d'Anagni, etait present quandCincio conta cette histoire; il en ajouta une autre toute semblable : « Un de mes pa- rents, » dit-il, et il cita le nom, « se pro- menait de nuit k itravers la ville deserte; il rencontra une femme, k ce qu'il crut, et meme une belle femme, selon Tapparence ; il assouvit sur elle sa passion. Aussitdt apr^s, celle-ci, pour Tepouvanter, se changea en un homme hideux : « Qu'as-tu fait Ik ? » s'^cria- Daemonis eam illusionem fuisse omnes arbitra- bantur. CVII ALIA FABULA PER ANGELOTTUM DICTA Aderat Angelottus, Episcopus Anagninus, cum haec Cincius recitasset^ et alteram huic similem fabellam dixit : < Affinis, i inquit^ c meus (no- mine eum appellans), cum noctu urbe deserta perambularet, obviam mulierem, quam existi- mabat, et quidem speciosam forma, ut videbatur, cognovit. Turn ilia, ad eum terrendum, in ho- minis turpissimi formam versa : c Et quid egisti ? » DE POGGE 169 t-elle, « nigaud, je t'ai joliment attrap^. — » Soit, ») repondit Tautre, intrepide, « mais, » moi, tibi culum maculavi. » CVIII d'un avocat qui AVAIT RE9U d'un plaideur DES FIGUES ET DES PECHES Nous blamions Tingratitude de ces gens qui sont si prompts kf aire travailler ks autres et si lents a reconnaitre leurs services. Anto- nio Lusco, homme plein d'esprit et de finesse, prit alors la parole : « Vincenzo, Tun de mes amis, » dit-il, « Avocat d'un homme excessi- vement riche mais aussi avare, avait maintes fois plaide pour lui dans ses proces et n'avait inquit, < equidem te, insulse, decepi. 1 Turn ille : t — Ut lubet, » intrepidus inquit, c et ego tibi » culum maculavi. » CVIII DE ADVOCATO QUI FICUS ET PERSICA AB UNO LITIGANTE ACCEPERAT Humanissimus ac facetissimus vir Antonius Luscus, culpantibus nobis ingratitudinem eorum, qui ad fatigandos homines sunt prompti, ad pro- merendum remissi : « Vincentius, » inquit, « meus, qui Advocatus erat homini prsediviti, sed avaro, cum multoties illi in causis afifuisset, neque quicquam tulisset preemii, tandem diffici- i5 170 LES FAC^TIES jamais pu en tirer un denier. Survint une affaire difficile, dans laquelle son client le pria de le defendre; le jour de Taudience, il re9ut de lui, en cadeau, des figues et des peches. II se rendit au Tribunal ; Ik ses ad- versaires eurent beau entasser contre lui les arguments, il resta bouche close; k leurs attaques reiterees, il ne r^pondit pas un traitre mot. Tout le monde s'etonnait, le client surtout, qui lui demanda ce que signi- fiait ce silence : — « Les figues et les p^hes » que vous m'avez envoyees, » repondit-il, « m'ont si fort glacd les l^vres, que je ne puis » prononcer un seul mot. » Hori in causa qua sibi adesse ad cum defenden- dum rogarat, die ad tuendam causam praescripto (eo autem die cliens ficus et persica Advocate miserat) ad Tribunal accessit. Adversariis multa contra ilium dicentibus^ semper clauso ore tacuit, neque verbum ullum, quamvis lacessentibus illis, unquam protulit. Admirantibus singulis, cum cliens quidnam illud silentium sibi vellet percon- taretur : — « Persica, > mquit, « et ficus quas » misisti ita os meum congelarunt, ut nequeam B verbum proferre. » DE POGGE 171 CIX D'UN RUSlS Ml^DECIN Un Medecin ignorant, mais tr^s-fin, visi- tait des malades en compagnie d'un eldve. II leur tatait le pouls (comme c'est Tusage) et, s'il s'apercevait que leur etat avait empire, il en re jetait sur eux la faute en leur reprochant d'avoir mange des figues, une pomme ou quelque autre chose defendue. Comme ies malades avouaient le plus souvent, le Medecin paraissait avoir le don de seconde vue, puis- qu'il devinait si bien Ies ecarts de regime de ses clients. Son el^ve, que cette perspicacity plongeait dans Tetonnement, finit par lui demander s'il reconnaissait cela aux batte- ments particuliers du pouls, au toucher, ou CIX DE MEDICO IN VISITATIONE INFIRMORUM TERSUTO Medicus indoctus, sed versutus, cum infirmos, adhibito discipulo, visitaret, tangens (ut moris est) pulsum, si quern graviorem solito sensisset, culpam in aegrotum conferebat, asserens eum ficus, aut pomum, aut quid aliud a se prohibitum comedisse. Quod cum saepissime faterentur aegri, vir divinus videbatur, qui ita errores morbo la- borantium animadverteret. Hoc admiratus per- saepe discipulus rogavit Medicum, quonam modo, pulsu vel tactu, an alia quadam altiori disciplina 172 LES FAC^TIBS par quelque autre proced^ plus savant. Le M^decin, desireux de r^compenser sa d^f^- rence, daigna lui devoiler le secret : a Quand » j'entre dans la chambre de mon malade, » dit-il, « je jette autourde moiun rapide coup » d'oeil, et si je vols surleplancherdes restes » de fruit ou de n'importe quoi, par exemple » des ecorces de ch^taignes ou des pelures de » figues, des coquilles de noix, des trognohs de pommes, quoi que ce soit enfin, je sup- » pose que mon malade en a mang^, j'accuse » sa gourmandise d'avoir aggrav^ la maladie, » et j'dcarte de moi toute responsabilit^ en » cas d'accident. » Peu de temps apr^s, Thieve s'dtant mis, lui aussi, k exercer la M^decine, entreprit de- faire k ses malades les m^mes reproches; il les accusait de s'^tre ecartes de Tordonnance, perciperet? Tum ille pro ejus in se observantia hoc arcanum reseraturum pollicitus : c Cum ex. ) pervenio in cubiculum aegroti, » ait, c circum- co^ » spicio in primis diligenter, si quid reliquiarum fiiT. 9 aut fructus cujuspiam, aut alterius rei in pa* ^i^ » vimento supersit ; veluti si castaneae, aut ficus q^ ^^ » corticem, vel nucis testam, aut pomorum frusta, q^^ ) aut aliudquippiamviderim,conjectorinfirmuin Cuj^ > tale quid ex his comedisse^ et sic sgrotum in- tu{. » continentia in morbis gravioribus incuso, ut cuj^ B videar procul a culpa, si res deterius se habue- ejus » rint. » haec res quam vires tu8e ferre possint: homo /> cnim es inscius litterarum, et apprime indo- » ctus. » Atqui, statim et confidenter respondit Nobilis : « — More quidem patrio id facio. Nam » Veronae' nulla litteratis viris^ sed indoctis et » insciis beneficia conferunt. » — Risimus facete hominis dictum, qui, quod Veronse stulte fiebat, et alibi fieri debere arbitrabatur. CXIV DE MSRETRtCC CONQUERENTE Dfi TONSORIS MALEPICIO . Magistratus est FlorentiaSi quern Officiales ho- I)E POGGE l83 pelle Preposes aux bonnes moeurs, Leur prin- cipale fonction est de rendre la justice aux courtisanes, et de veiller k ce qu'elles puissent exercer leur metier dans toute la ville sans etre molestees. Une fille de joie vint un jour les trouver et se plaindre de Toutrage et du tort que lui avait fait un barbier : elle Tavait mande , au bain, pour se faire raser par en bas, et 11 lui avait si bien entame les chairs avec son rasoir, qu'elle n'avait pu, de plusieurs jours, recevoir qui que ce fut. Elle Taccusait done de lui avoir porte un serieux prejudice, et demandait qu'on lui tint compte du gain qu'il lui avait fait perdre. Quelle doit etre la sentence? nestatis vocant : horum praecipua cura est in jure meretricibus dicendo, curandoque ut in omni ci- vitate absque molestia esse possint. Accessit ad COS semel meretrix, questa injuriani damnumque a tonsore illatum, qui in balneum accersitus ab ea ut partes inferiores raderet, rasorio ita cunni partem incidit, ut pluribus diebus homines ad- mittere nequivisset, ex quo damni infecti ilium accusabat, amissi lucri restitutionem petens. Quaeritur quae sit futura sententia ? 184 LES FACETISS cxv D*UN RELIGIEUX AUQUEL UNE VEUVE SE CONFESSAIT Un Religieux, de ceux qu'on dit vivre dans rObservance, recevait, k Florence, la confes- sion d'une fort Jolie veuve. Tout en.parlant, elle se pressait contre lui et, pour pouvoir parler tout bas, approchait de plus en plus son visage. II advint que ce souffle juvenile, rechauffa le Moine; certain monsieur, qui avait la tete basse, commen9a a la relever ct lui causa un vrai supplice. Torture par l*ai- guillon de la chair, et se d^menant comme un diable , il fit signe a la jeune femme de se retirer : « Infligez-moi done une penitence, » lui dit-elle. « — Une penitence 1 » s'^cria le. CXV DE RELIGI080 GUI VIDUA C0NFITEBATX7R Audiebat Religiosus ex his qui vivere in Ob* servantia dicuntur, viduam formosam Florentise peccata sua confitentem. Cum mulier inter lo- quendum viro haereret, et faciem suam, ut secre- tius ioqueretur, propius admoveret, anhelitus autem juvenilis virum concalefecisset, coepit tan- dem qui jacebat caput erigere, adeo ut paulo ho- minem torqueret. Cum ille molestia carnis osci- tans, et se contorquens, cuperet mulierem abire, ilia vero sibi poenitentiam injungi peteret : DE POGGE l85 pauvre homme; « c'est vous qui me la faites faire! » CXVI d'UN HOMME QUI FAIT SEMBLANT D*ETRE MORT DEVANT SA FEMME ^' A Montevarchio , bourg qui n'est pas loin d'ici, un jardinier de ma connaissance , reve- nant des champs en I'absence de sa jeune femme qui etait allee laver du linge, eut la curiosite de savoir ce qu'elle dirait et ce qu'elle ferait s'il etait mort; il s'allongea done par terre dans la cour, sur le dos, dans la position d'un cadavre. La jeune femme revenant a la maison chargee de linge, et voyant son marl mort, a ce qu'il semblait, hesita un instant si ( — Poenitentiam ! t inquit ille, c indidisti tu » mihi. » CXVI DE VIRO QUI SUJE UXOR! MORTUUH SE OSTENDIT In Montevarchio oppido nobis propinquo, hpr- tulanus mihi notus cum semel, uxore juyene, quae pannos lotum ierat, absente^ ex horto do- mum revertisset, cupiens quid mulier, se mor« tuo, dictura, et quemadmodum se habitura esset audire, se in aula ad terram mortuo similis resu- pinus prostravit. Uxor, cum domum onerata lin- teis venisset, invento mortuo, prout credebat, ma- rito, dubitans hxrebat animo, statimne viri i6. i86 LES faciSties eile le pleurerait tout de suite ou si elle com- mencerait par manger : elle etait encore h jeun, midi sonne. La faim la talonnait, elle se decida h prendre son repas, et ayant fait griller un morceau de lard sur des charbons, elle le mangea k la hSte, sans boire, pour aller plus vite. Elle eut grand' soif alors, d'autant que la viande etait sal^e, prit la cruche et descendit Tescalier pour aller tirer du vin k la cave. Comme elle remontait , survint tout k coup une voisine qui venait chercher da feu; aussitot la fern me, laissant tomber la cruche, en depit de sa soif, se mit k jeter des cris comme si son mari venait, a Tinstant, de rendre rUme, et a ddplorer son tr^pas, k grands flots de paroles. A ses gdmissements et a ses sanglots, accourut tout le voisinage, hommes et femmes, surpris d'une mort si mortem lamentaretur, an prius (jejuna enim meridiem usque permanserat) comederet. Fame urgente, cibum capere decrevit, et frusto succi- diae super prunas imposito perpropere comedit, nihil prae festinatione potans. Cum sitiret nimium propter carnes salitas, sumpto urceolo, scalas coc- pit descendere, ut vinum ex cellario hauriret. Superveniens ex improviso vicina^ ignis petendi gratia, cum subito scalas ascendisset, statim mu- lier, abjecto urceolo, sitibunda, veiuti tunc re- pente vir exhalasset animam, exclamare coepit, et mortem ejus multis verbis plangere. Supervenere ad ululatum ploratumque vicinia omnis, viri ac mulieres, ob mortem tam repentinam. Jacebat DEPOGGE 187 soudaine . Uhomme, en effet , etait la gisant, les yeux fermes, et il retenait si bien sa res- piration, qu'il paraissait reellement mort. Enfin, quand il trouva que la plaisanterie avait assez dure, au milieu des hurlenjents de sa femme, qui ne cessait de s'ecrier : « Mon ) pauvre homme ! que faire maintenant ? — Rien de bon, ma chere femme », dit-il en ouvrant les yeux, « si tu ne vas pas tout de » suite boire. » Tous les assistants pass^rent des larmes aux eclats de rire, surlout lors- qu'on apprit I'histoire et pourquoi la femme avait soif. CXVII d'une jeune niaise de bologne Une jeune femme de Bologne, nouvelle- ment mariee , se plaignait a une tr^s-respecta- enim vir, atque ita spiritum continebat clausis oculis, ut omnino expirasse videretur. Tandem cum visum ei esset satis ludorum dedisse, voci- ferante rhuliere, ac saepius dicente: t Mi vir, » quomodo nunc faciam ? » llle, apertis oculis : « — Male, » inquit, « uxor mea, nisi e vestigio T> potumvadas.D Exlacrymis ad risum omnescon- versi sunt, audita praesertim fabula et causa sitis. CXVII DE BONONIBNSI ADOLESCENTULA SIHPLia Adolescentula Bononiensis, noviter nupta, que- l88 LES FAC^TIES ble Dame , ma voisine , de ce que son mari la battait, fort et souvent. Cettc Dame lui demanda pourquoi : — « C'est , » repondit- elle , « parce qu'il ne peut pas souffrir que je reste immobile comme une souche qiiand » il use des droits du manage. — Mais pour- » quoi, » r^pliqua la Dame, a ne faites-vous pas » au lit ce que vous demande votre mari ? » pourquoi n'obeissez-vous pas a sa volont^ ? » — Parce que je ne sais pas comment cela se » fait, Madame, » dit Tinnocente ; « persoiine » ne m'a jamais montre comment il faut s'y » prendre : si je le savais, je ne me laisserais » pas rouer de coups par mon mari. » Admi- rable simplicite de cette enfant, qui ne savait pas ce que la nature meme se charge d'ap- prendre k toutes les femelles. J'ai , plus tard, raconte pour rire cette histoire k ma femme . rebatur apud honestissimam matronam mihi vicinam, se acriter nimium ac persaepe a viro va- pulare. Quaerente quamobrem matrona, respon- dit virum aegre ferre earn, dum matrimonio uteretur, immobilem, in modum tninci, perma- nere : — a Cur non, » inquit ilia, c viro obseque* » ris in lecto, et voluntari pares ? > Turn ilia : — « Nescio, Domina, quomodo id fiat, » ait. « Nunquam enim aliquis me docuit, quomodo » id agendum asset : nam si id scirem, non pa« » terer me verberibus a viro caedi. 9 Simplicitas mira puellae, quae, etiam quae natura percipiun- tur a foeminis ignoraret. Hoc uxori postea per jocum recitavi. DE POGGE 189 CXVIII REPONSE D^UN CONFESSEUR A BARNABO A PROPOS d'UNE FEMME Barnabo, Prince de Milan, aimait fort les femmes. Un jour que, seul dans son jardin, loin de tout regard indiscret, il caressait un peu vivement une femme dont il etait epris, survint k Timproviste un Religieux, son Confesseur, devant qui s'ouvraient toutes les portes du Palais, grace a sa haute reputation de sagesse et de saintete. Le Prince rougit, et se facha d'abord de Parrivee inopinee du Confesseur ; puis, s'etant un peu remis, et esperant provoquer une rcponse qui lui don- nerait prise contre Timportun : « Que feriez- CXVIII RESPONSIO CONFESSORIS AD BERNABOVEM PRINCIPBH DE MULIERE FACTA Bernabos, Princeps Mediolani, fuit admodum mulierosus. Is cum aliquando solus in horto, semotis arbitris, cum muliere quam amabat lascivus jocaretur, supervenit de improviso Reli- giosus quidam, Confessor ejus, cui propter sa- pientiam et autoritatem semper ad principem pa- tebant fores. Erubuit simul et indignatus est Princeps de insperato Confessoris adventu, pau- loque commotior, ut eum in responso caperet : c Quid, > inquit, c ageres, si tu quoque cum ejus- 190 LES FACJ^TIES » vous, » lui dit-il, « si vous teniez au lit une » aussi jolie femme ? — Ce que jedevrais faire, t) je le sais bien, » reponditle Religieux, a mais ce que je ferais, je ne le sais trop. 1/ Cette r^ponse calma le courroux du Prince, Tautre avouant qu'il ^tait homme, lui aussi, et sujet a faillir. CXIX d'un serviteur oublieux qu'on charge d*un poids considerable Roberto, de la famille des Albizzi, homme aussi bienveillant qu'instruit, avait un domes- tique niais, oublieux , lourd d'esprit, qu'il gar- dait chez lui plutot par humanite que pour les services qu'il en tirait. II lui donna un jour une commission pour un de ses amis, nomm^ 9 modi muliere in lecto esses ? s At ille : — « Quid 9 me deceret, 9 ait, c scio, quid vero facturus es- » sem nescio. » Hoc responso iram Principis fiexit, cum se quoque hominem esse et labi posse £ate- retur. CXIX DE SERVO OBLIVIOSO EZ PONDERE DEFATIGATO Robertas ex Albiciorum familia, vir doctus et perhumanus, habebat famulum quemdam insul- sum, obliviosum, et ingenio tardo, quem ille ma- gis humanitatis guam utilitatis causa domi nu- triebat. Hunc aliquandocum certis mandatis misit DE POGGE 191 Dego, qui habitait pres du pont de la Trinite. Lorsqu'il y fut arrive : « Qu'y a-t-il de nou- M veau ? » lui demanda Dego. Le valet avait oublie la commission de son maitre et cher- chait ce qu'il avait k dire, tout absorbe, Fair stupide. Dego voyant que notre homme se taisait, et le connaissant bien : — « Je sais, » dit-il, « ce que tu viens chercher; » et il lui montra un enorme mortier de pierre. « Prends-le; » ajouta-t-il, « et porte-le au » plus tdt a ton maitre , qui le demande . » Roberto, voyant de loin venir son domesti- que, le mortier sur les ^paules, comprit que son ami avait voulu le punir de son manque de memoire , et quand le valet fut assez prds : « Que le diable t'emporte, nigaud 1 » lui dit- il; « tu n'as pas compris ce que je t'ai dit. » Retourne-t*en tout de suite; ce n'est pas ad amicum suum, Degum nomine, qui habitabat prope Trinitatis pontem; ad quern cum acces- sisset, rogatus, quidnam a patrono afferret novi, 11 le oblitus patroni verborum, veluti stupidus ac cogitabundus, quid diceret haesitabat. Conspecta hominis, quem probe noverat, taciturnitate, sta- tim : — « Scio, » inquit, « quid velis, 5 et ostenso pergrandi lapideo mortario : c Cape hoc, » ait, < et ad patronum tuum, nam id postulat, quam- » primum feras. 9 Hunc Rob^rtus mortarium humeris ferentem a longe cum aspexisset, cogi- tans quod erat id ad puniendam famuli oblivio- nem factum, cum appropinquasset : c Malum f tibi, insulse, » ait c qui non recte verba mea 192 LES FAC^TIES » un mortier si grand qu'il me feut, apporte- » m'en un plus petit. » Le pauvre diable, cou- vert de sueur et pliant sous le faix, avoua qu'il s'etait mepris, retouraa chez Dego ct fit un troisieme voyage pour rapporter un autre mortier . Ainsi ^t punie sa sottise . cxx D'UN HOIIME QUI VEUT D^PENSER MILLS FLORINS POUR SE FAIRE CONNAITRE, ET LA REPONSE QU'ON LUI FAIT Un Fiorentin, de nos compatriotes, jeune homme de peu de cervelle, disait.k un de ses amis qu'il voulait depenser mille florins pour courir le monde et se faire connaitre. L'autre, ) percepisti. Redi e vestigio, nam tam grande » nolo, et minisculum porta. » Ille sudans ac pon- dere fessus, cum se errasse fateretur, ad amicum reversus, aliud quoddam tertio reportavit. Hoc pacto insulsitas hominis est mulctata. CXX DE HOUINE QUI MILLS FLORENOS VULT EZPENDERE UT COGNOSCATUR, ET RESPONSIO IN EUM FACTA Quidam e nostris Florentinis adolescens, baud magni consilii, amico narravit peragrandi orbis cupiditate se mille fldrenos velle. expendere, ut quanti esset nosceretur. Tuni alter, cui probe DE POGGE 193 qui savait son homme sur le bout du doigt , lui repondit: — « Depenses-en plutot deux 9 mille pour ne pas ^tre connu. » notus erat : — c Satius est, > inquit, c duo millia 1 expendas, ut des operam ne cognoscaris. > FIN DU TOME PREMIER 17 TABLE DES MATIERES DU Pages AVERTISSEMENT V Vie de Pogge xv Memoire sur les Ouvrages de Poggc ZXVl Preface de l'autexjr. — Avis aux envieux de ne pas reprendre, dans ces Fac6ties, le laisser-aller du style i I. D'un pauvre matelot de GaSte 7 II. D'un M^decin qui soignait les fous 10 III. De Bonaccio de' Guasci, qui se levait si tard 14 IV. D'un Juif converti au Christianisme. ... 16 v. D'un imbecile qui croyait que sa femme avait duos ctinnos 18 VI. D'une veuve qui se livra par luxure k un pauvre 31 VII. D'un pr61at k cheval 24 VIII. Bon mot de Zuccharo 35 IX. Dun Podestat 36 X. D'une femme qui trompa son man .... 38 XI. D'un PrStre qui ignorait le jour de la f6te des Rameaux 3o XII. De paysans charges par leurs concitoyens d'acbeter un Cbrist, et aaxquels on de- mande s'ils le veulent moit ou vif. ... 33 XIII. Mot d'un cuisinier k rillustrissime Doc de Milan 33 196 TABLE DES MATISRBS Paget XIV. Mot da mSme cuisinier an in€me illostre Prince 35 XV. Requite du mSme cuisinier au sosdit Prince 36 XVI. De Giannozzo VIsconti 3^ XVII. D*un tailleur de Visconti, par maniire de comparaison 39 XVIII. Plainte port6e k Facino Cane, an tajet d'un vol 41 XIX. Exhortations d'un Cardinal aux soldats da Pape 43 XX. R^ponse k un Patriarche 44 XXI. Du Pape Urbain VI 45 XXII. D'un PrStre qui, au lieu d'ornements sa- cerdotaux, apporte des cbapons k son j^vfique ' 46 XXIII. D'un de mes amis qui se voyait avec peine pr£f(6rer bien des gens au-dessout de iui par leur science et leur vertu 48 XXrV. D'uoe femme folle 49 XXV. D'une femme qui se tenait sur la rive da P6 5i XXVI. De l'Abb6 de Septimo 52 XXVII. La soeur d'un citoyen de Constance de- ?lent grosse 53 XXVIII. Mot de I'Empereur Sigismond 54 XXIX. Propos de Lorenzo, PrStre Romain .... 55 XXX. Conversation de Niccolo d'Anagni 56 XXXI. D'un prodige 57 XXXII. Autre prodige racont^ par Hugaes de Sienne 59 XXXIII. Autre prodige 59 XXXrV. Autre prodige 60 XXXV. Mot plaisant d'un farceur sur le Pape Bo- niface ' 63 XXXVL D'un PrStre qui donna la s6paltare k an petit chien 64 XXXVII. D'an Seigneur qui accosa injoitement on homme riche 66 DU TOME PREMIER 1 97 Pages XXXVIII. D'un Religieux qui pronon9a unc courte harangue 68 XXXIX. Plaisant conseil de Minaccio k un pay- san 69 XL. R^ponse du mfime Minaccio 70 XLI. D'un pauvre borgne qui allait acheter du fromcnt 72 XLII. Histoire d'un homme qui demanda par- don k sa femme pendant qu'elle ^tait malade 73 XLIII. D'une jeune femme qui accusa son mari d'Stre petitement mont^ 74 XLIV. D'un Prddicateur qui aimait mieux avoir k faire k dfx pucelles qu'^ une femme marine 78 XLV. De Paolo qui excita k la luxure plusieurs qui n'y pensaient pas 79 XLVI. D'un Confesseur 80 XLVII. Plaisante r^ponse d'une femme 81 XLVlll. D'un Moine mendiant qui pendant la guerre paria de paix k Bernardo 83 XLIX. Histoire de Fran9ois Philelphe 83 L. Histoire d'un bateleur, racont^e par le Cardinal de Bordeaux 85 LI. R^ponse de Ridolfo k Barnabo 87 LII. Autre r^ponse plaisante de Ridolfo .... 89 LIII. Comment Ridolfo fut repr^sent^ par les Florentins sous la figure dun traitre. . 90 LIV. De quelqu'un qui blessa Ridolfo en tirant de Tare 91 LV. Histoire de Mancini 93 LVI. D'un homme qui mit sa charrue sur son 6paule 94 LVII. Ing^nieuse r^ponse de Dante, po£te Flo- reniin 95 LVIII. Plaisante rdponse du meme po(Ste 96 LIX. D'une femme qui s'obstinait 4 appeler son mari pouilleux 97 LX. D'un homme qui cherchait sa femme noy^e dans la riviire 99 igS TABLE DES MATIERES Pages LXI. D'un roturier qui voulait se faire tno- blir 100 LXn. De GngUetoo qui avut ua bel i^pparefl Priapique loi LXIII. R^ponse d'une femme de Pise io3 LXIV. Mot d'une matrone qui vit k U fenftre les vStements d'une femme d^btuch^e . . . 104 LXV. Un bon avis io5 LXVI. Mot d'un liabitant de P^rouse ^ sa femme. 106 LXVII. Propos plaisant d'un jeune homme. ... 108 LXVIII. D*un imbecile qui prit pour lui-mSme quelqu'un qui imitaitsa voix.% 109 LXIX. D'un paysan qui portait une oie k ven- dre no LXX. D'un avare qui but de Turine 113 LXXI. D'un berger qui fit une confession incom- plete Ii3 LXXII. D'un joueur mis en prison pour avoir jou6 116 LXXIII. Remontrance d'un p^re k son fils qui s'enivrait 117 LXXIV. D'un jeune homme de P^rouse 118 LXXV. Du Due d'Anjou qui montra k Ridolfo un riche trdsor 119 LXXVI. Du mCme Ridolfo 121 LXXVII. Mot plnisant d'un habitant de P^rouse. . 122 LXXVIII. Dispute de deux femmes galantes k pro- pos d'une pihce de toile I23 LXXIX. Le Coq etle Renard i25 LXXX. Plaisant propos 127 LXXXI. Discussion entre un Florentin et un V6- nitien 128 LXXXII. Comparaison d' Antonio Lusco i3o LXXXIII. D'un chanteur qui annon9a qu'il d6cla- merait la Mort cCHector. ........ i32 LXXXIV. D'une femme qui fit croire k son mari qu'elle ^tait k moiti6 morte i33 LXXXV. Bonne plaisanterie d'un Chevalier Flo- rentin i34 DU TOME PREMIER 1 99 Pages LXXXVI. D*un Chevalier qui avait une fcmme acariatre i36 LXXXVII. D'un empirique qui soignait les &nes. . . iSy LXXXVIII. Comment Pietro de Eghis disait que s'ach^tent les places iBq LXXXIX. D'un MWecin • • • 140 XC. Plaisanterie sur un Vinitien qui nc re- connaissait pas son cheval 141 XCI. Bon mot de Carlo de Bologne I43 XCII. D'un usurier qui cessa de faire Tusure de crainte de perdre ce qu'il avait acquis 143 XCIII. D*une vieille fiUe de joie qui mendiait. . 146 XCIV. D'un Docteur et d'un ignorant 147 XCV. Mot de I'Evgque d'Aleth 148 XCVI. Mot plaisant d'un Abb4 149 XCVII. Mot plaisant i5o XCVIII. Merveilles racont^es par mon copiste . . i5o XCIX. Merveilleuse punition du mdpris des Saints i53 C^. Plaisante histoire d'un vieillard qui porta son&ne i54 CI. Jusqu'oji peat aller I'ignorance d'un homme i58 CII. Autre balourdise iSg CIII. D'un vieillard k longue barbe 160 CIV. Sottise d'un Notaire, racont^e par Carlo de Bologne 162 CV. D'un Docteur Floreatin envoys k une Heine et qui lui demanda de coucher avec elle 164 CVI. D'un homme qui counut le Diable sous la forme d'une femme 166 CVII. Autre histoire cont^e par Angelotto. . . 168 CVIII. D'un Avocat qui avait re^u d*un plaideur des figues et des pSches 169 CIX. D'un rus^ M^decin 171 ex. De deux personnes qui plaident une af- faire d'argent 174 200 TABLE DES MATIERES DU TOME PREMIER Pa, CXI. D'un M^decin ignorant qui, k Texamen de Turine d*une femme, jugea qu'il lui fal- lait faire Tamour i CXII. D'un mari qui fit Tamour k sa femme ma- lade ct lui rendit la sant^ ] CXIII. D'un homme illettr^ qui demanda k I'Ar- chevcquc de Milan la dignitd d'Archi- prStre i CXIV. D'une courtisane qui se plaignait du mau- vais tour d'un barbier j CXV. D'un Rcligieux auquel une veuve se con- ' fessait i CXVI. D'un homme qui fait scmblant d'etre mort devant sa femme i CXVIf. D'une jeune niaise de Bologne i CXVIll. Response dun Confesseur k Barnabd k pro- pos d'une femme i CXIX. D'un serviteur oublieux qu'on charge d'un poids considerable i CXX. D'un homme qui veut dipenser mille flo- rins pour se faire connattre, et la r^ponse qu'on lui fait i