[CCXXI] Singulière excuse d’une femme stérile. La femme d'un seigneur fut répudiée par son mari au bout de quelques années, pour cause de stérilité. Lorsqu'elle fut rentrée à la maison paternelle, son père lui-même, l'abjura en secret, de lui dire pourquoi elle n'avait pas cherché à faire un enfant avec son mari ou avec d'autres ? — « Mon père, répondit-elle, je vous jure que ce n'est pas de ma faute, j'ai essayé tous les domestiques, même les valets d'écurie, pour voir si je pourrais concevoir, çà ne m'a servi de rien » . Le père plaignit la malchance de sa fille qui n'était certainement pas stérile par sa faute. [CCXXII] En flagrant délit. Lo docteur Giovanni Andréa, de Bologne, d'une renommée très répandue, fut surpris par sa femme pendant qu'il besognait sa servante. La femme, stupéfaite d'une chose si peu ordinaire de la part de son mari, se tournant vers lui : — « Jean, lui dit-elle, où donc est ta sagesse à cette heure? » Lui, répliqua aussitôt : — « Dans un trou où elle est fort bien à son aise. » [CCXXIII] D'un frère mineur qui fit le nez à un enfant. Un Romain, très facétieux, me conta dans une réunion, la plaisante histoire qui était advenue à sa voisine. — « Un Frère, de l'Ordre des Minimes, appelé Laurent, jetait des regards d'envie sur une jeune femme très jolie, de son voisinage, (il me cita même son nom). Pour arriver à ses fins, il demanda au mari d'être le parrain de son premier né. Le Frère qui observait tout chez la jeune femme, découvrit bientôt qu'elle était enceinte ; or, venant la voir en présence de son mari, il lui dit, comme un sorcier qui lit dans l'avenir, qu'elle était grosse et qu'elle enfanterait un être qui lui causerait beaucoup de chagrin. La femme pensant qu'il voulait dire qu'elle aurait une fille répondit : — « Quand bien même ce serait une fille elle sera la bienvenue. » Mais le Frère, prenant un air triste, affirma que la chose était plus grave, tout en refusant d'en dire davantage. La femme, par la suite, le supplia avec instance de lui révéler ce dont elle était menacée, elle le pria même de venir chez elle à l'insu de son mari. Enfin, cédant à ses prières, après avoir exigé le secret absolu, il lui révéla qu'elle mettrait au monde un enfant mâle qui n'aurait point de nez, ce qui cause la laideur du visage la plus épouvantable. Terrifiée, la jeune femme demanda s'il n'y avait aucun remède. Le frère affirma que si, mais que pour cela il fallait convenir d'un jour où il pourrait coucher avec elle pour compléter la besogne défectueuse de son mari et ajouter le nez à l'enfant. Bien que la chose lui fut extrêmement pénible, elle s'y résolut cependant dans la crainte d'avoir un enfant difforme. Le jour dit, le Frère vint, puis revint plusieurs fois sous prétexte de terminer son ouvrage, et comme la pauvre femme subissait l'opération sans broncher, il lui ordonna de se remuer et d'aider à la façon, afin que le nez fût très solidement implanté. Finalement, elle accoucha, par hasard, d'un garçon orné d'un fort beau nez. La mère en fut émerveillée et le Frère déclara que c'était parce qu'il n'avait pas ménagé sa peine. La femme, alors, mit elle-même son mari au courant de ce qu'elle avait fait pour éviter l'affreuse aventure d'un enfant sans nez, le mari approuva tout et se montra très satisfait de la besogne de son compère. [CCXXIV] D'ail Florentin très menteur. Il y avait jadis à Florence un homme si enclin au mensonge, que jamais parole véridique ne sortait de sa bouche. Certain jour, un ami qui avait été souvent sa victime, le rencontra. Avant qu'il eut desserré les lèvres : — « Tu mens, dit-il. » — « Comment cela se peut-il, répliqua l'autre, je n'ai pas encore parlé. » — « Je m'explique, reprit l'ami, si tu ouvres la bouche, tu vas dire un mensonge ! ». [CCXXV] Comment un jaloux éprouva la vertu de sa femme. Un nommé Jean, habitant la ville de Gubbio, extrêmement jaloux, ne savait quoi imaginer pour savoir si sa femme se livrait à d'autres. Finalement, après avoir mûrement réfléchi, il trouva ce moyen qui ne peut venir que dans l'esprit d'un jaloux : il se châtra lui-même afin que si sa femme venait à avoir un enfant, elle ne put nier l'adultère. [CCXXVI] Réponse aux paroles d'un prêtre. Un jour de fête solennelle, au moment de l'offertoire, un prêtre florentin recevait, selon l'usage, les offrandes des fidèles. A chacun, il adressait les mots accoutumés : — «Il vous sera rendu cent pour un et vous posséderez la vie éternelle. » A ces paroles, un vieux gentilhomme qui remettait une pièce blanche, s'écria : — « Qu'on me rembourse seulement le capital (comme on dit vulgairement), je me déclarerai satisfait. » [CCXXVII] D'un prêtre qui se trompa en prêchant. Autre histoire. Un curé prêchait un jour sur le passage de l'Evangile dans lequel il est rapporté que notre Sauveur avait nourri la foule de ses auditeurs avec cinq pains. Par distraction, au lieu de dire cinq mille hommes, il dit cinq cent. De suite son clerc lui fait remarquer à voix basse qu'il se trompe de chiffre, l'Évangile indiquant cinq mille: — « Tais-toi, imbécile, répondit le curé, ils auront bien assez de peine à croire aux cinq cents. » [CCXXVIII] Sage réponse du Cardinal d'Avignon au roi de France. Il m'a semblé intéressant d'insérer parmi ces menus propos, une sage réponse du cardinal d'Avignon, homme de grand sens. A l'époque où les souverains Pontifes résidaient à Avignon, ils se faisaient précéder, afin d'augmenter la magnificence du cortège, de nombreux chevaux couverts de housses, carapaçonnés et tenus en main. Le roi de France trouvant ce faste exagéré, demanda un jour au cardinal, si les Apôtres avaient déployé semblable pompe : — « Certainement non, répondit le Prince de l'église, mais à l'époque contemporaine des apôtres, les rois vivaient aussi différemment, étant bergers et gardiens de bestiaux. » [CCXXIX] Terrible aventure arrivée à saint Jean de Latran. Ce n'est pas pour amuser, mais bien pour inspirer l'horreur du crime, que cette épouvantable histoire est rapportée. Un religieux romain, de l'Ordre des Augustins, prêchait aux fidèles pendant le Carême ; un jour que j'étais présent, pour les exhorter à confesser leurs péchés, il dit qu'il avait été témoin d'un miracle arrivé il y a de cela six ans. S'étant levé après minuit pour venir avec les autres chanter matines dans la basilique de saint Jean de Latran il entendit une voix qui sortait de la tombe où dix-huit jours auparavant, on avait enseveli un citoyen de Rome. La voix, par des appels réitérés, suppliait les religieux de s'approcher. Ceux-ci, tout d'abord terrifiés, s'enhardirent peu à peu et s'approchèrent de l'endroit où la voix se faisait entendre. Le mort leur dit de ne point avoir peur, d'aller chercher le calice et de lever la pierre. Les religieux s'étant rendus à ses désirs, le mort se souleva, cracha dans le calice une hostie consacrée (qu'il avait reçue avant de mourir, puis il dit qu il était damné et souffrait des tourments épouvantables, parce qu'ayant abusé d'une mère et de sa fille, il ne s'en était jamais accusé à confesse ; lorsqu'il eut dit cela, le cadavre se recoucha dans la fosse. [CCXXX] D'un prédicateur qui criait bien fort. Un religieux, en prêchant au peuple, criait très fort, suivant l'habitude des gens inintelligents. Une des assistantes, en entendant ces éclats de voix, véritables rugissements, se prit à pleurer et le prédicateur s'en aperçut. Il attribua ce résultat à l'onction de sa parole et fut persuadé que son sermon avait rappelé cette personne à l'amour de Dieu, réveillé sa conscience, arraché ses larmes. Il la fit venir chez lui et lui demanda la cause de ses gémissements, si ce n'était pas le sermon qui l'avait profondément touchée. La femme répondit que son émotion avait été provoquée par les cris et les éclats de voix du prédicateur. — " Je suis veuve, dit-elle, et mon pauvre mari m'avait laissé un âne qui m'aidait à gagner ma vie. Il avait l'habitude de braire continuellement, comme vous-même ; depuis sa mort, je suis dans la misère et sans ressources, c'est pourquoi, lorsque je vous ai entendu parler avec un organe pareil à celui de mon âne, le souvenir de ce pauvre animal m'a fait sangloter malgré moi. » Ainsi fut confondue la suffisance de ce prédicateur qui méritait plutôt le nom de braillard. [CCXXXI] D' une jeune femme qui fut jouée par son vieux mari. Un Florentin, déjà vieux, épousa une jeune fille à laquelle des matrones avaient fait la leçon pour résister au premier assaut de son époux la nuit des noces, et même à ne céder que le plus tard possible. Elle opposa donc un refus très net. Le mari paré, toute voile dehors et en belle allure, étonné de ce refus, lui demanda pourquoi elle ne se rendait pas à ses désirs. La pucelle répondit qu'elle avait mal à la tête ; le mari alors désarma, se mit de flanc et dormit jusqu'au matin. La jeune mariée voyant que son mari la laissait tranquille, eut regret d'avoir suivi les conseils des commères ; elle éveilla son époux et lui dit qu'elle n'avait plus mal à la tête. — « Ah ! fit le mari. Eh bien moi, maintenant, j'ai mal autre part», — et il laissa sa femme pucelle comme devant. Le conseil est donc bon, d'accepter ce qui peut être profitable et plaisant quand on vous l'offre. [CCXXXII] Les culottes d'un Frère-Mineur devenues reliques. Une histoire bien amusante et qui mérite de prendre place parmi ces historiettes est arrivée naguère à Amalia. Une femme mariée poussée, je pense, par le désir de bien faire, confessait ses péchés à un religieux de l'Ordre des Minimes. Celui-ci, tout en parlant, se sentit envahi par la concupiscence de la chair, et, à force de belles paroles, amena la femme à faire sa volonté en un lieu à trouver convenable et discret. Il fut entendu que la femme, sous prétexte de maladie, manderait chez elle le Frère pour la confesser : on laisse, en effet, d'habitude les confesseurs en tête-à-tête avec leurs pénitentes pour qu'ils puissent, en toute liberté, s'occuper du salut de leurs âmes. La femme, feignant donc d'être gravement malade, se met au lit, fait appeler son confesseur qui s'empresse d'accourir, et, comme on les laisse seuls en tête-à-tête, ils purent à leur aise s'en donner à maintes reprises. La chose durant longtemps, quelqu'un survint dans la chambre, et le Frère, comme si la confession ne fut point achevée, sortit, mais revint le jour suivant, et, posant ses culottes sur le lit, il se mit à laver les péchés de la pénitente par le même procédé que la veille. Le mari, qui ne soupçonnait rien, trouvant que la confession était par trop longue, entra dans la chambre. Le Frère effrayé s'enfuit oubliant ses culottes. Le mari cria que ce n'était point un Frère, mais un homme adultère, et toute la maison se mit à crier au scandale à la vue des braies délaissées par le moine. Le mari, d'un bond, s'en fut sur les pas du Frère se plaindre de l'affront qui venait de lui être fait, menaçant de tuer le misérable. Le Prieur, qui était un vieillard, apaise sa colère et lui dit que ses cris attirent la honte sur lui et sur toute sa famille, que le silence et la discrétion valent mieux pour empêcher le crime d'être connu. Ce à quoi le mari répond que la chose est connue de tous, puisqu'on a trouvé les culottes et qu'il n'y a plus moyen de rien cacher. Le Vénérable Prieur imagine cependant un expédient : il déclare que les culottes sont celles de saint François que le Frère avait apportées pour guérir la malade, qu'il ira les chercher en procession et qu'il les rapportera en grande pompe au couvent. La chose convenue, le Prieur assemble les Frères, puis, revêtu des ornements sacerdotaux et précédé de la croix, il se rend à la maison, prend dévotement les culottes, ainsi qu'on fait à l'égard des saintes reliques, les place sur un carreau de soie et les tenant sur ses mains élevées, il les offre à baiser au mari, à la femme, à tous les passants, enfin, il les rapporte au couvent en grande cérémonie et au chant des cantiques et les place dans le sanctuaire avec les autres reliques. Cependant, la ruse ayant été bientôt reconnue, les délégués de la ville vinrent se plaindre de ce qu'ils considéraient, à bon droit, comme une injure. [CCXXXIII] Le talisman contre la peste. Dernièrement, étant allé à Tivoli pour y voir mes enfants que j'y avais envoyés de Rome, à cause de la peste, j'entendis une chose bien amusante et qui mérite d'être rapportée ici. Peu de jours avant, un moine, de ceux qui vont dans les bourgs voisins prêcher aux paysans, leur promettait ce qu'on appelle un brève qu'il leur suffirait de porter au cou pour ne pas mourir de la peste, car on redoutait déjà l'arrivée du fléau. Les paysans, gens simples, séduits par cette promesse achetaient les brèves le prix qu'ils pouvaient et les suspendaient à leur cou au moyen d'un fil qui n'avait jamais servi. Le Frère avait bien recommandé de ne pas ouvrir les talismans avant quinze jours écoulés, sans quoi ils perdraient tous leur vertu ; puis, il était parti après avoir ramassé pas mal d'argent. Mais la curiosité des hommes est telle, qu'on ne tarda pas à ouvrir les brèves sur lesquels on put lire ces vers écrits en langue vulgaire : "Donna, se fili, e cadeti lo fuso, Quando te fletti, tien lo culo chiuso". ce qui veut dire : "Femme, si quand tu files ton fuseau tombe, En te baissant tiens le cul fermé". Voilà ce qui enfonce toutes les ordonnances des médecins et toutes les drogues. [CCXXXIV] Bouche qu'on aurait dû tenir fermée. Le romain Angelotto, homme bavard et médisant n'épargnait personne. Lorsque, par le malheur des temps, je ne veux pas dire par suite de la faiblesse humaine, il eut été élevé au cardinalat, il resta bouche close dans le consistoire secret, pendant quelques instants. Suivant l'usage, les nouveaux promus se taisent ainsi, jusqu'à ce que le Pontife les ait autorisé à parler. Quelqu'un s'étant informé au cardinal de Saint-Marcel de ce qui s'était passé au Consistoire : — « Nous avons, dit-il, ouvert la bouche à Angelotto. » — « Oh! m'écriai-je, il eut été préférable de la lui fermer avec un fort cadenas. » [CCXXXV] Moyen de se procurer un cheval parfait. Certain gentilhomme du Picentin, pria un jour Ridolfo, de Camerino, dont il a déjà été question, de lui procurer un cheval. Il le désirait tellement beau et parfait, si exempt de tout défaut, que jamais prince n'a possédé dans son haras semblable merveille. Alors Ridolfo, pour lui complaire, choisit dans son écurie une jument et un étalon (c'est le nom donné), les envoya à son ami, en lui faisant dire que dans l'impossibilité de découvrir un cheval réunissant toutes les qualités voulues, il lui fournissait le moyen d'en faire faire un à son gré. De ce qui précède, nous devons conclure qu'il ne faut pas réclamer des choses tellement parfaites, qu'on ne puisse les trouver, ou être obligé de refuser sans impolitesse. [CCXXXVI] Mot plaisant dans une querelle de femmes. Une femme de la ville de Rome, que nous avons connue, qui vivait de la prostitution, avait une fille déjà grande et fort belle qu'elle avait consacrée au culte de Vénus. Au cours d'une dispute avec une de ses voisines exerçant le même métier, elles en vinrent aux insultes et aux injures. La voisine, comptant sur la protection de quelque personnage influent, adressait à la mère et à la fille les plus terribles menaces. Mais la mère, en tapotant de la main le haut des cuisses de sa fille, s'écria : — « Que Dieu me garde et protège seulement cela, et je me fiche de tes sottises et de tes menaces ! » C'était très bien répondu, car elle se fiait dans un magnifique protecteur dont beaucoup se délectaient. [CCXXXVII] D'un prêtre qui se joua d'un laic qui voulait le surprendre. Un prêtre faisait la méridienne avec la femme d'un paysan. Celui-ci s'était couché sous le lit, pour les surprendre. Le prêtre ayant peut-être trop consommé éprouva un vertige, et ne soupçonnant pas le mari caché sous le lit, s'écria : — « Oh ! il me semble voir toute la surface de la terre ». — « Eh ! regarde donc si tu ne vois pas, par hasard, où se trouve mon âne? » s’écria le paysan, ne songeant plus qu'à la bête qu'il avait égarée la veille, oubliant l'injure présente. [CCXXXVIII] Aventure extraordinaire d'un foulon anglais avec sa femme. Lorsque j'étais en Angleterre, il arriva à un foulon une histoire extrêmement amusante, bonne à retenir. Cet homme, qui était marié, avait chez lui beaucoup de jeunes gens et de servantes. Parmi ces dernières, il en distingua une tout particulièrement, qui lui parut la plus jolie et la mieux tournée et lui demanda, à maintes reprises, de coucher avec elle. Celle-ci en informa sa maîtresse qui lui donna le conseil d'accorder un rendez-vous à certain jour et à une heure déterminée, en un lieu obscur et retiré, où la maitresse se rendrait secrètement à la place de sa servante. L'homme vint et besogna avec la femme, qu'il était loin de soupçonner être la sienne. L'affaire faite, en sortant de la chambre il rencontra un de ses plus jeunes ouvriers à qui il conta son histoire en l'engageant à aller, lui aussi, besogner avec la servante. Le jeune homme ne se fit pas prier, et la dame, croyant que c'était encore son mari, se remit, sans rien dire, au travail et ce fut encore, pour la troisième fois, de même, avec un autre ouvrier que le foulon lui dépêcha de semblable façon. La femme, croyait toujours avoir affaire à son mari, et les ouvriers à la servante. La dame étant sortie de la chambre aussi secrètement qu'elle y était entrée, la nuit suivante fit une scène à son mari qui se montrait si froid envers elle et si ardent avec la servante, que par trois fois, ce même jour, il avait besogné avec elle-même, croyant être avec la dite servante. Le mari ne souffla mot de son erreur, ni du péché de sa femme dont il était seul cause. [CCXXXIX] Une confession à la façon toscane d'abord puis sans fard. Un individu qui n'avait pas respecté la pudeur de sa sœur, vint à Rome pour se confesser de ce crime, auprès d'un confesseur qui parlait Toscan. Etant allé trouver celui qu'on lui indiqua, il lui demanda, tout d'abord, s'il entendait bien le Toscan. Le prêtre répondit afliriuativemeiit et notre homme lui dit, après beaucoup d'autres fautes, qu'étant un jour seul dans une chambre avec sa sœur, son arc étant bandé, il lui décocha une flèche. — « Quel crime ! s'écria alors le confesseur, avez-vous tué votre sœur? — Point du tout, répliqua le pénitent, vous n'entendez donc pas le Toscan? » — Si, parfaitement, puisque je suis du pays ; ne m'avez-vous pas dit que votre arc étant bandé, vous aviez décoché une flèche sur votre sœur. — Ce n'est pas ce que je veux dire, mais bien que j'ai bandé mon arc, que j'y ai mis une flèche et que je l'ai décochée sur ma sœur. — L'avez-vous blessée à la figure ou à un endroit quelconque de son corps? — Oh ! vous n'entendez rien au Toscan. — J'ai parfaitement compris vos paroles, mais il se pourrait bien que ce fut vous qui ne sachiez pas le Toscan, fit le prêtre. — Je ne dis pas, reprit le pénitent, que j'ai blessé ma sœur, mais que mon arc étant bandé, je lui ai décoché un trait ». Le confesseur faisant toujours semblant de ne pas comprendre, le pénitent persistait à dire qu'il n'entendait pas le Toscan et continuait à parler de son arc et de sa flèche. — « Si vous n'employez d'autres expressions, insista le prêtre, je ne saurai jamais ce que vous voulez dire ». L'autre, alors. qui avait tergiversé, retenu par la pudeur, dit carrément, en termes vulgaires, qu'il avait abusé de sa sœur. — « Je comprends parfaitement, maintenant, que vous parlez toscan à un Toscan; » s'exclama le prêtre ; il lui imposa une pénitence pour son aberration et l'homme s'en alla. On ne doit pas se montrer si pudibond en paroles, quand on a été si impudique et si scélérat dans ses actes. [CCXL] Combat entre des pies et des geais. Dans le cours de la présente année 1451, au mois d'avril, un fait extraordinaire arriva aux extrémités de la Gaule, dans la contrée qu'on nomme actuellement la Bretagne. Des pies et des geais, s'étant rangés en bataille dans les airs, poussèrent des cris perçants et se livrèrent, tout le long du jour, un combat acharné. Les geais remportèrent la victoire, la terre fut jonchée des corps des combattants, on trouva deux mille geais et quatre mille pies. Comment doit-on interpréter ce prodige? L'avenir le dira.