[141] CXLI. De la femme qui demande remède à un prêtre. Zuccaro, le meilleur compagnon qui se puisse rencontrer, racontait souvent qu'une de ses voisines dont la beauté n'était pas à dédaigner, restant stérile, demanda, à mainte reprise, à son confesseur s'il ne connaissait pas un remède pour avoir des enfants. Celui-ci lui répondit enfin affirmativement, et lui dit de le venir trouver un jeudi, jour propice à la chose. Lorsque cette femme, qui mourait d'envie d'avoir des enfants, fut chez le prêtre, celui-ci lui dit : — « Je vais employer un charme qui fait que l'on croit réelles des choses qui ne sont absolument que des illusions. Armez-vous donc de patience et de courage. Vous croirez que je vous caresse, que je vous baise et vous embrasse, et que même, j'agis comme votre mari dans l'intimité la plus grande. Il n'en sera rien cependant, mais cela vous paraîtra réellement être ainsi par la puissance des paroles magiques. » La femme, se fiant au compère, accepta en disant qu'elle ne serait point troublée par ses sorcelleries. Le prêtre, après avoir fait mille passes cabalistiques et murmuré des mots mystérieux à l'oreille de la femme, finit en l'embrassant, par la jeter sur le lit, et comme celle-ci toute tremblante lui demandait ce qu'il faisait, le compère répondit : — « Est-ce que je ne vous avais pas prévenu d'avance que vous prendriez des illusions pour des réalités. » Il fit, par deux fois, subir à la pauvre crédule l'opération magique, en lui persuadant que ce n'était qu'illusion ; et celle-ci rentra chez elle persuadée qu'elle avait rêvé. [142] CXLII. D'un ermite qui séduisit beaucoup de femmes. Il y avait à Padoue, du temps de François, le septième duc, un certain ermite appelé Ansimirio que l'on vénérait comme un saint et qui, sous le couvert de la confession, abusa de bon nombre de dames et des plus nobles. La chose s'étant ébruitée, car l'hypocrisie ne peut demeurer longtemps cachée, l'ermite fut arrêté par le Prévôt, il avoua ses nombreux méfaits, et on le conduisit par devant le duc François. Celui-ci, ayant auprès de lui un de ces secrétaires, demanda au bonhomme, histoire de s'amuser, les noms des dames qu'il avait connues. L'ermite en cita un grand nombre, dont une bonne partie appartenaient à la cour du duc ; le secrétaire les inscrivait tous pour pouvoir s'en amuser. Lorsqu'il eut fini ses révélations, le duc lui demanda s'il n'avait pas oublié quelques noms. L'homme déclara avec persistance que c'était tout; mais le secrétaire l'ayant durement menacé d'employer la force, s'il ne dénonçait pas toutes les femmes : — « Ajoutez-y aussi la vôtre », dit l'ermite avec un soupir. A ces mois, la plume s'échappa des doigts du secrétaire piqué au cœur. Le duc partit d'un grand éclat de rire, dit que c'était bien fait, et qu'un homme qui avait eu tant de plaisir à la honte des autres méritait d'être compris dans la même confrérie. [143] CXLIII. D'un jeune florentin surpris chez sa belle-mère. Un jeune homme de Florence était l'amant de sa belle-mère. Or, un jour son père les surprit en flagrant délit ; sous le coup de cette chose monstrueuse, il se mit à invectiver son fils de la plus dure façon. Celui-ci, en balbutiant, cherchait à excuser son crime. Comme la dispute prenait de grandes proportions, un voisin attiré par les cris vint pour mettre la paix. S' étant enquis du motif de la querelle, personne ne souffla mot, à cause du déshonneur de la famille, mais il insista tellement que le père finit par dire. — C'est la faute de mon fils. — Mais non, répliqua le fils, c'est lui qui a commencé, il a fait plus de mille fois l'amour avec ma mère, sans que je lui aie jamais rien dit, et ne voilà-t-il pas que pour une fois que je touche à sa femme, bêtement sans réflexion, il se met à crier comme un fou. » Le voisin ne put s'empêcher de rire à cette plaisante réponse, et il emmena le père pour le consoler de son mieux. [144] CXLIV. A propos d'un portrait de Saint-François. Des religieux de l'ordre des Frères Mineurs désirant faire exécuter un tableau représentant Saint-François, firent venir un peintre. Ils n'étaient pas d'accord sur le sujet à traiter. L'un désirait que le saint fut représenté avec ses stigmates, un autre, qu'on le montrât prêchant le peuple, un troisième proposait une nouvelle attitude. La journée s'acheva, sans qu'après la discussion aucun avis ne prévalut. Les religieux allèrent se coucher, laissant le peintre dans un grand embarras. Prenant ces hésitations pour une moquerie, il peignit, à titre de représailles, Saint François jouant de la flûte, d'autres disent pendu par le cou, puis il s'esquiva promptement. Lorsque les religieux eurent vu cette peinture, ils cherchèrent l'artiste pour lui reprocher son inconvenance, mais il était déjà loin. A leur avis, il avait on ne peut plus gravement outragé la Religion et mérité ainsi un châtiment exemplaire. [145] CXLV. D'un prêtre de Florence qui était allé en Hongrie. D'après un usage établi dans le royaume de Hongrie, ceux qui ont les yeux malades, s'approchent de l'autel après la messe, et l'Officiant verse sur eux l'eau des ablutions, en récitant quelques textes tirés des Saintes Ecritures, afin de leur rendre la santé. Il y a longtemps déjà, un prêtre de Florence accompagna en Hongrie, Philippe, surnommé l'Espagnol. Cet ecclésiastique, ayant un jour célébré la messe en présence de l'Empereur Sigismond, plusieurs assistants qui souffraient du mal aux yeux s'approchèrent, suivant la coutume, afin d'être aspergés avec l'eau du calice. L'Officiant, supposant que le mal dont on se plaignait provenait de l'ivrognerie et du manque de soin des infirmes, prit le calice, comme il l'avait vu faire et répandant le contenu sur ceux qui l'entouraient, il dit en italien: « Andatamene, che siate morti a ghiado! » autrement : « Fichez le camp, allez vous faire couper le cou! » L'Empereur comprit parfaitement et ne put s'empêcher de sourire. Le lendemain, ayant répété, pendant le repas, les paroles du prêtre, il provoqua l'hilarité générale; seuls, ceux qui avaient mal aux yeux ne prirent pas la chose si gaiement. [146] CXLVI. Réponse d'un paysan à son propriétaire. Un paysan de chez nous, à qui son propriétaire demandait en quelle saison il avait le plus de travail répondit : — "Au mois de mai". Cela parut assez surprenant, car à cette époque, il y a ordinairement peu de chose à faire dans les champs. Voyant l'air étonné du propriétaire, le paysan ajouta : — "Eh oui! puisqu'il nous faut alors besoigner nos femmes et les vôtres". [147] CXLVII. Ridicule allocution. Certain Romain, bien connu, grimpa un jour sur un mur entouré de roseaux et se mit à parler à ces derniers comme s'il eût harangué le peuple, à propos des affaires de la ville. Pendant qu'il pérorait, un vent léger ayant courbé les tiges des roseaux, notre extravagant orateur feignit de croire que c'étaient des hommes qui inclinaient la tête devant lui en signe d'assentiment : — «Pas tant de révérences, s'écria-t-il, Messieurs les Romains, je suis le moindre d'entre vous. » Cette exclamation est depuis passée en proverbe. [148] CXLVIII. A propos du vol d'un porc. En certain bourg du Picentin, il est d'usage d'inviter les voisins à dîner, lorsqu'en hiver on tue un porc. Un villageois, voulant se soustraire à cette coutume, demanda conseil à son compère : — « Tu diras demain, répondit celui-ci, que ton cochon a été volé pendant la nuit. » Effectivement, tandis que notre homme était sans défiance, l'animal fut enlevé par le compère avant le lever du soleil. Le matin venu, le propriétaire, constatant la disparition de l'animal, s'écria : — « On m'a volé mon cochon !» — « Fort bien, compère, dit l'autre, c'est là ce que je t'ai appris. » Le volé jurant par tous les Dieux que ce qu'il avançait était l'exacte vérité : — « De mieux en mieux, tu mets à merveille en pratique ce que je t'ai enseigné hier », insista le malin. La dupe, ainsi bernée, prit le parti de se retirer. [149] CXLIX. Bon mot de Facino Cane. Facino Cane, général au service de la faction Gibeline, s'étant emparé de Pavie, d'après les ordres reçus, pilla d'abord les biens des Guelfes. Cette besogne achevée, il livra aussi les maisons des Gibelins, sous prétexte qu'on y avait entassé les trésors des Guelfes. Les Gibelins vinrent se plaindre, déclarant qu'il était inique de les dépouiller eux aussi : — « Vous avez raison, mes enfants, » répondit Facino Cane, « tous vous êtes Gibelins, mais vos biens sont Guelfes. » Cette interprétation permettait ainsi de s'approprier indistinctement les biens de l'une ou de l'autre faction. [150] CL. D'un jeune homme inexpérimenté qui ne connut point sa femme la première nuit de ses noces. Un jeune homme de Bologne, niais et sot autant qu'il est possible de l'être, avait épousé une jeune fille fort jolie; mais, n'étant point au courant des choses, il ne put arriver à consommer le mariage la première nuit de ses noces. Le lendemain matin, comme un de ses camarades lui demandait si tout s'était bien passé, il répondit: — « Mal, car j'ai eu beau chercher, il ne m'a pas été possible de trouver l'entrée dont on m'avait parlé.» Voyant sa bêtise, l'ami lui dit : — « Tais-toi, je t'en supplie, et ne dis absolument rien à personne, car si cela se savait, quelle honte pour toi ! » Le jeune homme demanda aide et conseil à son camarade. — « Ecoute, lui dit celui-ci; si tu veux m'offrir un bon dîner, je me charge de t'ouvrir la porte; mais pour cela il me faut bien huit jours, la besogne n'est pas commode! » Le sot y consentit et secrètement l'introduisit, la nuit, près de sa femme, pendant que lui-même se couchait en un autre lit. Au bout du temps convenu, la voie étant ouverte sans qu'il y ait d'épines à redouter, grâce à son travail, l'ami appela l'époux, lui dit qu'il avait beaucoup sué à son service, mais qu'enfin l'ouverture qu'il avait tant cherchée était maintenant pratiquée. La jeune femme, mise au courant par son mari de ce qui s'était passé, loua beaucoup le travail de cet ami et notre idiot, très satisfait d'avoir enfin une femme perforée, remercia son camarade et paya le souper. [151] CLI. Singulière raison d'un berger. La femme d'un berger de Riva, bourg très froid de la montagne, avait de fréquents rapports avec son curé, il en résulta un enfant, qu'elle éleva dans la maison de son mari. Lorsque cet enfant eut atteint l'âge de sept ans, le prêtre avec de bonnes paroles fit comprendre au berger que puisqu'il en était le père, il désirait en conséquence l'emmener avec lui au presbytère. — « Point du tout, répliqua le berger, je veux pour moi cet enfant né dans ma maison. Ce serait en effet méconnaître mes intérêts, comme ceux de mon maître, si, après avoir fait couvrir ses brebis par les béliers des voisins, je m'avisais de donner à ces étrangers les agneaux, sous prétexte qu'ils sont les produits de leurs béliers. [152] CLII. Le paysan et les ânes chargés de froment. Un paysan s'étant présenté dans l'Assemblée des Magistrats de Pérouse pour y solliciter une grâce, sa demande fut traitée de malhonnête par l'un d'eux. Le lendemain, notre homme, mieux conseillé, conduisit chez celui qui avait repoussé sa requête, trois ânes chargés de blé. Quatre jours après, l'opposant, ayant changé d'avis, plaida avec chaleur la cause du paysan. Pendant qu'il discourait, son voisin s'adressant aux autres : — « Entendez-vous, dit-il, comme les ânes braient, » allusion aux sacs de blé acceptés. [153] CLIII. D'un pauvre et d'un riche. Un riche, soigneusement enveloppé dans de chauds vêtements, se rendait pendant l'hiver à Bologne. Au milieu des montagnes, il rencontra un pauvre paysan couvert seulement d'un justaucorps tout usé. Admirant le renoncement de cet homme, si légèrement vêtu pendant que la neige tombait et faisait rage, il lui dit : « Le froid ne t'incommode donc pas? » — « Nullement! » répondit avec gaieté le malheureux. Stupéfait de cette parole, le riche ajouta : — « Je suis transi dans mes fourrures et toi qui es à peine couvert, tu ne ressens pas le froid; c'est extraordinaire. » — « Ah! dit le paysan, si vous portiez, comme moi, tous vos vêtements sur le dos, vous n'auriez pas froid. » [154] CLIV. D'un montagnard qui voulait épouser une jeune fille. Un montagnard du bourg de Pergola devait épouser la fille d'un de ses voisins. Après l'avoir bien examinée, il refusa sous prétexte que la fille était trop délicate et trop jeune. — « Elle est plus mûre que tu ne crois, répliqua l'imbécile de père, la preuve c'est qu’elle a déjà eu trois garçons avec le clerc de notre curé. » [155] CLV. La dîme. Il y avait à Bruges, ville célèbre de l'occident, une jeune femme par trop niaise, qui se confessait à son curé. Celui-ci lui demanda, entre autres choses, si elle payait bien les dîmes qu'elle devait au clergé, même celle de l'amour à laquelle elle était également tenue. La jeune femme, ne voulant rien devoir à personne, paya cette dîme sur-le-champ. Pour expliquer son retour tardif à la maison, elle conta, sans aucun embarras, la chose à son mari. Notre homme ne dit rien, mais à quatre jours de là, il invita le curé à diner avec quelques personnes, pour donner plus d'importance à l'affaire. Lorsque tout le monde fut à table, il raconta d'abord l'histoire, puis se tournant vers le prêtre, il lui dit : — « Puisqu'il te faut la dîme de tout ce qui est à ma femme, tu prendras aussi celle-là. » Et aussitôt, il fit mettre sur la table, devant le prêtre, un vase rempli de merde et d'urine de sa femme, que celui-ci fut contraint d'avaler jusqu'au bout. [156] CLVI. D'un médecin qui viola la femme malade d'un tailleur. Un certain tailleur de Florence pria un médecin de sa connaissance, d'aller voir sa femme qui était souffrante. Le médecin se rendit à la maison à un moment où le tailleur était absent, et malgré la résistance de la femme, abusa d'elle dans son lit. Le mari, en revenant chez lui, rencontra le médecin qui sortait et celui-ci lui déclara qu'il avait fait tout ce qu'il fallait pour guérir sa femme; mais, en entrant, le tailleur trouva celle-ci en larmes et toute abattue. Ayant appris la perfidie du médecin, notre homme dissimula d'abord, puis au bout d'une huitaine de jours, muni d'une étoffe fort belle, il se rendit auprès de la femme dudit médecin, lui conta que c'était son mari qui l'envoyait vers elle, pour lui faire un vêtement de dessous, ce qu'on appelait une cotte. Pour cela, disait-il, il fallait que la femme, fort bien faite, se déshabillât en grande partie afin de pouvoir bien prendre exactement les mesures du corps. Quand, loin de tous regards, elle se fut mise à nu, le tailleur s'en empara par force, rendant au médecin ce que celui-ci lui avait baillé, ce dont il l'informa plus tard. [157] CLVII. D'un Florentin fiancé à la fille d'une veuve. Un Florentin, qui se croyait très malin, étant fiancé à la fille d'une veuve, venait souvent, comme c'est l'habitude, rendre visite à sa future, même en l'absence de la mère. C'est en cette circonstance qu'il fit plus ample connaissance avec la fille. Rien qu'à la mine de son enfant, la mère devina ce qui s'était passé, elle se mit à la gronder vertement, à lui reprocher d'avoir déshonoré la maison, finalement lui déclara que son mariage n'était point encore chose décidée, et qu'elle ferait tout pour l'empêcher. Le Florentin, qui guettait le départ de la veuve, s'empressa d'accourir et trouvant la jeune fille tout affligée, lui en demanda la cause. Il comprit, alors, que l'on voulait rompre le mariage. — « Eh bien, qu'est-ce que tu en dis? fit-il. — Je veux obéir à ma mère, répondit la jeune fille. — Cela t'est facile, » répliqua le fiancé. Comme elle cherchait la façon de s'y prendre, celui-ci lui dit : — « Tu étais dessous la première fois, il faut maintenant que tu te mettes dessus, et par ce moyen inverse, notre mariage sera rompu. » Elle y consentit et l'union projetée fut rompue. Plus tard, elle se maria avec un autre, et le jeune homme, de son côté, épousa une autre femme. Le jour des noces de celui-ci, les deux anciens fiancés s'étant rencontrés, ne purent s'empêcher de sourire au souvenir du passé. La mariée, ayant remarqué la chose, en eut quelques soupçons; la nuit même, elle demanda à son époux ce qui avait provoqué ses sourires. Celui-ci hésita, mais comme elle insistait, il lui conta la sottise de son ex-fiancée. « — Que Dieu la confonde ! s'écria la mariée, était-elle assez bête d'aller conter cela à sa mère ! Qu'avait-elle besoin de dire ce que vous aviez fait ensemble. Tiens, moi, notre domestique m'a fait plus de cent fois la chose. Eh bien ! je n'en ai jamais rien dit à ma mère. » Le mari se tut, comprenant que c'était la monnaie de sa pièce. [158] CLVIII. D'un usurier de Vicence. Un usurier de Vicence insistait continuellement près d'un Religieux, prédicateur distingué et jouissant d'une grande influence, afin qu'il employât l'autorité de sa parole contre les usuriers pour que leur odieux commerce, très répandu dans la ville, fut maudit. Le Religieux ne pouvait comprendre tant d'importunité à ce sujet. Quelqu'un, surpris de l'ardeur que notre homme déployait pour faire vilipender le métier dont il vivait, lui demanda quelle était la cause de son zèle étonnant : — « C'est, dit-il, qu'il y a tant d'usuriers à Vicence, que peu de clients viennent chez moi et que je n'ai aucun gain. Si l'on persuade aux autres de cesser leur commerce, le profit qu'ils en retirent me reviendra. » Je tiens cette histoire du Religieux, qui me l'a contée depuis en riant. [159] CLIX. Histoire très plaisante du cuisinier Giannino. Giannino, maître queux de Baronto de Pistoia, qui avait exercé l'art culinaire à Venise, raconta au dîner des secrétaires cette histoire très amusante. Un imbécile de Vénitien, ayant reçu un soufflet, voulait absolument avoir des fils pour venger cette injure; mais comme sa femme était stérile, il pria un de ses amis fort habile dans l'art de faire des enfants, de venir à son aide. Celui-ci promit d'y mettre tout son zèle et prit le rôle du mari. Un jour donc, que pour ne pas gêner l'opération, il se promenait par la ville, pendant qu'on labourait son champ, il se trouva face à face avec son ennemi toujours plus menaçant. — « Holà ! fit-il en secouant la tête, tais-toi, imbécile. Tu ne sais pas ce qui se perpètre contre toi à la maison. Car si tu t'en doutais, non seulement tu cesserais de m'injurier, mais tu tremblerais pour toi. Car il se fabrique, tu peux me croire, il se fabrique celui qui sera mon vengeur! » [160] CLX. Du cavalier Vénitien qui portait ses éperons dans sa poche. Il (Giannino) nous raconta aussi un autre trait de même force. Un habitant de Venise étant monté à cheval pour aller en villégiature, portait ses éperons dans sa poche. Le cheval allait lentement et marchait comme à regret et le cavalier lui talonnait les flancs en disant: — « Tu n'avances pas, si tu savais ce que j'ai dans ma poche, tu changerais d'allure. »