[2,3,0] LIVRE TROISIÈME. DE L’INFLUENCE DES ASTRES. [2,3,1] Nous avons déjà dit ailleurs que le cours des astres indique ce qui doit arriver à chaque être, mais qu’il ne produit pas tout, comme beaucoup de personnes le pensent. Aux raisons que nous avons déjà données à l’appui de notre assertion, nous allons joindre des preuves plus précises et de nouveaux développements; car l’opinion qu’on a sur cette question n’est pas sans importance. Il est des gens qui prétendent que les planètes par leurs mouvements produisent non seulement la pauvreté et la richesse, la santé et la maladie, mais encore la beauté ou la laideur, bien plus, les vices et les vertus. Selon eux, ces astres à chaque instant, comme s’ils étaient irrités contre les hommes, leur font faire des actes dans lesquels ceux-ci n’ont rien à se reprocher, puisque c’est par l’influence des planètes qu’ils sont portés à ces actes. On ajoute que, si les planètes nous font du bien ou du mal, ce n’est pas qu’elles nous aiment ou qu’elles nous haïssent, c’est qu’elles sont bien ou mal disposées pour nous par la nature des lieux qu’elles parcourent. Elles changent de sentiment à notre égard selon qu’elles sont sur des points ou qu’elles déclinent. Il y a plus : on prétend que certains astres sont malfaisants, que d’autres sont bienfaisants, et que cependant les premiers nous accordent souvent des bienfaits, tandis que les seconds deviennent souvent nuisibles. On dit qu’ils produisent des effets différents selon qu’ils se regardent ou ne se regardent pas, comme s’ils ne s’appartenaient pas à eux-mêmes et qu’ils fussent tels ou tels selon qu’ils se regardent ou qu’ils ne se regardent pas. Un astre est bon quand il regarde celui-ci, et il change quand il regarde celui-là. Il regarde de telle ou telle manière quand il est dans tel ou tel aspect. Enfin tous les astres ensemble exercent une influence mêlée qui diffère de l’influence propre à chacun d’eux, comme plusieurs liqueurs forment un mélange qui possède d’autres qualités que chacune d’elles. En présence de ces assertions et d’autres de même espèce, il importe d’examiner chacune avec soin. Voici comment il nous semble convenable de commencer. [2,3,2] Faut-il croire que les astres sont animés ou qu’ils sont inanimés? S’ils sont inanimés, ils ne pourront que répandre le froid ou le chaud, en admettant toutefois qu’il y en ait de froids. Dans ce cas, ils se borneront à modifier la nature de notre corps, ils n’exerceront sur nous qu’une action corporelle ; ils ne produiront pas une grande diversité entre les corps, puisqu’ils ont chacun la même influence et que, sur la terre, leurs diverses actions se confondent en une seule, qui ne varie que par la diversité des lieux, par la proximité et par l’éloignement des objets. Nous raisonnerons de même dans l’hypothèse où l’on admettrait que les astres répandent du froid. Mais je ne saurais comprendre comment ils pourraient rendre les uns savants, les autres ignorants, ceux-ci grammairiens, ceux-là orateurs, d’autres musiciens ou habiles dans divers arts; comment ils exerceraient une action qui n’aurait nul rapport avec la constitution des corps, comme de nous donner un père, un frère, un fils, une femme de tel ou tel caractère, de nous faire réussir, devenir généraux ou rois. Supposons au contraire que les astres soient animés et qu’ils agissent avec réflexion. Que leur avons-nous fait pour qu’ils veuillent nous nuire? Ne sont-ils pas placés dans une région divine? Ne sont-ils pas divins eux-mêmes? ils ne se trouvent pas soumis aux influences qui rendent les hommes bons ou mauvais. Enfin ils ne sauraient éprouver ni bien ni mal par l’effet de notre prospérité et de nos revers. [2,3,3] Mais ce n’est pas volontairement, dira-t-on peut-être, que les astres nous nuisent: ils y sont contraints par les lieux et par les aspects. S’il en est ainsi, ils devraient tous produire les mêmes effets quand ils se trouvent dans les mêmes lieux et les mêmes aspects. Qu’éprouve de différent une planète selon qu’elle est dans telle ou telle partie du zodiaque? Qu’éprouve le zodiaque lui-même? En effet, les planètes ne se trouvent pas dans le zodiaque même, elles sont au-dessous et très loin de lui, et d’ailleurs, quelque lieu qu’elles parcourent, elles sont également dans le ciel. Il serait ridicule de prétendre qu’elles changent de nature et qu’elles produisent des effets différents selon qu’elles sont dans telle ou telle partie du ciel, qu’elles ont une action différente selon qu’elles se lèvent, qu’elles sont sur un point ou qu’elles déclinent. Comment croire que telle planète éprouve tour à tour de la joie quand elle est sur un point, de la tristesse ou de la langueur quand elle décline, de la colère quand une autre se lève, puis de la bienveillance quand celle-ci décline? Un astre peut-il être meilleur quand il décline? Chaque astre est sur un point pour les uns, décline pour les autres, et vice versa; cependant il ne saurait éprouver à la fois de la joie et de la tristesse, de la colère et de la bienveillance. Prétendre qu’un astre éprouve de la joie à son lever, un autre à son déclin, c’est avancer une assertion absurde: il en résulterait que les astres éprouveraient à la fois de la joie et de la tristesse. Pourquoi d’ailleurs leur tristesse nous nuirait-elle? Nous ne devons pas admettre qu’ils puissent être tantôt joyeux, tantôt tristes ils restent toujours tranquilles, contents des biens dont ils jouissent et des choses qu’ils contemplent. Chacun d’eux vit pour lui-même, trouve son bien dans son acte, sans se mettre en relation avec nous. N’ayant pas de commerce avec nous, les astres ne nous font sentir leur action que par accident, sans que ce soit leur but principal, ou plutôt ils n’ont aucune relation avec nous: ils nous annoncent l’avenir par accident, comme les oiseaux l’annoncent aux augures. [2,3,4] Il n’est pas non plus raisonnable de prétendre que l’aspect d’une autre planète rend celle-ci joyeuse et celle-là triste. Quelle haine peut-il y avoir entre des astres? Quel en serait le sujet? Pourquoi seraient-ils dans un état différent quand ils se trouvent en aspect trine, ou en opposition, ou en quadrat ? Pourquoi prétend-on qu’un astre en regarde un autre quand il est dans tel ou tel aspect, qu’il ne le regarde plus quand il est dans le signe suivant du zodiaque et qu’il se trouve plus près de lui? Comment d’ailleurs les planètes produisent-elles les effets qu’on leur attribue? Comment chacune exerce-t-elle une action particulière? Comment toutes ensemble exercent-elles une action générale d’une autre nature? En effet, elles ne délibèrent pas entre elles pour exécuter ensuite sur nous ce qu’elles ont résolu, en cédant chacune quelque peu de son influence. L’une n’entrave pas l’action de l’autre avec violence, ne lui fait pas de concession par condescendance. Dire que l’une est joyeuse quand elle se trouve dans la maison de l’autre, et que l’autre est triste quand elle se trouve dans la maison de la première, c’est avancer une assertion semblable à celle d’une personne qui prétendrait que deux hommes sont unis par une amitié mutuelle, et que cependant l’un aime l’autre tandis que le second hait le premier. [2,3,5] On prétend que la planète froide {Saturne} est meilleure pour nous quand elle est encore éloignée, parce qu’on fait consister dans le froid qu’elle répand le mal qu’elle produit sur nous; cependant le bien devrait se trouver pour nous dans les signes opposés du zodiaque. On ajoute que quand la planète froide {Saturne} est en opposition avec la planète chaude {Mars}, toutes les deux nous deviennent nuisibles; il semble cependant que leurs influences devraient se tempérer mutuellement. On dit en outre que tel astre {Saturne} aime le jour, dont la chaleur le rend favorable aux hommes, que tel autre {Mars} aime la nuit, parce qu’il est igné, comme s’il n’y avait pas dans le ciel un jour perpétuel, c’est-à-dire une lumière continuelle, ou comme si un astre pouvait être plongé dans l’ombre {projetée par la terre} quand il se trouve très éloigné de la terre. On affirme que la Lune, en conjonction avec tel astre {Saturne}, est favorable quand elle est pleine, et nuisible quand elle n’est plus dans son plein. On devrait admettre le contraire, si toutefois la Lune possède quelque influence. En effet, quand elle nous présente une face pleine, elle présente une face obscure à la planète qui se trouve au-dessus d’elle {Saturne ou Mars} ; quand son disque décroît de notre côté, il croit de l’autre côté; il devrait donc produire un effet contraire quand il décroît de notre côté et qu’il croit du côté de la planète qui est au-dessus. Ces phases n’ont point d’importance pour la Lune, puisqu’une de ses faces est toujours éclairée. Il ne peut en résulter quelque chose que pour la planète qui en reçoit sa chaleur {Saturne}; or celle-ci sera échauffée si la Lune tourne de notre côté sa face obscure. Donc la Lune est bonne pour cette planète quand elle est pleine pour elle et obscure pour nous. D’ailleurs, cette obscurité de la Lune pour nous a de l’importance pour les choses terrestres, mais n’en a aucune pour les choses célestes . . . Enfin, quand la Lune présente sa face obscure à la planète ignée {Mars}, elle semble bonne à notre égard : car la puissance de cette planète, plus ignée que l’autre {Saturne}, est alors suffisante par elle-même. Au reste, les corps des êtres animés qui se meuvent dans le ciel peuvent être plus chauds les uns que les autres; aucun d’eux n’est froid; le lieu même où ils sont en témoigne assez. L’astre qu’on nomme Jupiter est convenablement mélangé de feu. Il en est de même de Lucifer {Vénus}. Aussi paraissent-ils être en harmonie. Quant à ce qui regarde la planète qu’on nomme ignée, {Mars}, elle concourt au mélange {à l’action générale des astres}. Pour Saturne, il en est autrement, parce qu’il est éloigné. Mercure est indifférent, dit-on, parce qu’il s’assimile facilement à tous. Toutes ces planètes concourent à former le Tout; elles sont donc entre elles dans un rapport convenable pour le Tout, comme les organes d’un animal sont faits pour l’ensemble qu’ils constituent. Considérez en effet une partie du corps; la bile, par exemple: elle sert à tout l’animal et à l’organe qui la contient, parce qu’il était nécessaire qu’elle excitât le courage, qu’elle ne laissât pas léser le corps entier ni la partie où elle est placée. Il fallait qu’il en fût de même dans l’univers: {qu’il y eût quelque chose d’analogue à la bile}, que quelque chose de doux le tempérât, que certaines parties jouassent le rôle d’yeux, et que toutes choses eussent de la sympathie les unes pour les autres par leur vie irrationnelle. C’est ainsi que l’univers est un et qu'il y règne une harmonie unique. Comment ne pas admettre qu’en vertu des lois de l’analogie, toutes ces choses peuvent être des signes? [2,3,6] N’est-il pas déraisonnable d’admettre que Mars ou Vénus, dans une certaine position, produisent les adultères? C’est leur attribuer l’incontinence qu’on voit chez les hommes et la même ardeur à satisfaire d’indignes passions. Comment croire que l’aspect des planètes est favorable quand elles se regardent d’une certaine manière? Comment croire qu’elles n’ont pas une nature déterminée? Puisqu’il y a une foule innombrable d’êtres qui naissent et existent en tout temps, si les planètes s’occupaient de chacun d’eux, leur donnaient de la gloire, des richesses, les rendaient pauvres ou incontinents, leur faisaient accomplir tous leurs actes, quelle vie mèneraient-elles? Comment pourraient-elles exécuter tant de choses? Il n’est pas plus raisonnable d’avancer qu’elles attendent pour agir les ascensions des signes, ni de dire qu’autant un signe parcourt de degrés à son lever, autant son ascension comprend d’années; que les planètes calculent en quelque sorte sur leurs doigts l’époque à laquelle elles doivent faire chaque chose, sans qu’il leur soit permis de la faire auparavant. Enfin, c’est un tort également de ne pas rapporter à un principe unique le gouvernement de l’univers, d’attribuer tout aux astres, comme s’il n’y avait pas un chef unique dont l’univers dépend et qui distribue à chaque être un rôle et des fonctions conformes à sa nature, Le méconnaître, c’est détruire l’ordre dont on fait partie, c’est ignorer la nature du monde, qui suppose une cause première, un principe dont l’action pénètre tout. [2,3,7] En effet, si les astres indiquent les événements futurs, comme le font beaucoup d’autres choses, quelle est la cause de ces événements mêmes? Comment est maintenu l’ordre sans lequel les faits ne sauraient être indiqués? Il faut donc admettre que les astres ressemblent à des lettres qui seraient tracées à chaque instant dans le ciel, ou qui, après y avoir été tracées, seraient sans cesse en mouvement, de telle sorte que, tout en remplissant une autre fonction dans l’univers, elles auraient cependant une signification. C’est ainsi que, dans un être animé par un principe unique, on peut juger d’une partie par une autre partie; en considérant, par exemple, les yeux ou quelque autre organe d’un individu, on connaît quel est son caractère, à quels périls il est exposé, comment il peut y échapper. De même que nos membres sont des parties de notre corps, nous sommes nous-mêmes des parties de l’univers. Les choses sont donc faites les unes pour les autres. Tout est plein de signes, et le sage peut conclure une chose d’une autre. Aussi beaucoup de faits habituels sont-ils prévus par tous les hommes. Tout est coordonné dans l’univers. C’est en vertu de cette coordination que les oiseaux fournissent des auspices, que les autres animaux nous donnent des présages. Toutes choses dépendent mutuellement l’une de l’autre. Tout conspire à un but unique non seulement dans chaque individu, dont les parties sont parfaitement liées ensemble, mais, antérieurement et à un plus haut degré, dans l’univers. Il y faut un principe unique pour rendre un cet être multiple, pour en faire l’animal un et universel. De même que, dans le corps humain, chaque organe a sa fonction propre, de même dans l’univers les êtres ont chacun leur rôle particulier; d’autant plus qu’ils ne sont pas seulement des parties de l’univers, mais qu’ils forment encore eux-mêmes des univers qui ont aussi leur importance. Toutes choses procèdent donc d’un principe unique, remplissent chacune leur rôle particulier et se prêtent un mutuel concours. En effet, elles ne sont pas séparées de l’univers, elles agissent et subissent l’action les unes des autres. Chacune d’elles est secondée ou contrariée par une autre. Mais leur marche n’est pas fortuite, n’est pas l’effet du hasard. Elles forment une série où chacune, par une liaison naturelle, est l’effet de ce qui précède, la cause de ce qui suit. [2,3,8] Quand l’âme s’applique à remplir la fonction qui lui est propre (car c’est l’âme qui fait tout, en tant qu’elle joue le rôle de principe), elle suit la droite voie; quand elle s’égare, la justice divine la rend esclave de l’ordre physique qui règne dans l’univers, à moins qu’elle ne parvienne à s’en affranchir. La justice divine règne toujours, parce que l’univers est dirigé par l’ordre et la puissance du principe qui le domine {l’Ame universelle}. A cela se joint le concours des planètes qui sont des parties importantes du ciel, soit parce qu’elles l’embellissent, soit parce qu’elles y servent de signes. Or, elles servent de signes pour toutes les choses qui arrivent dans le monde sensible. Quant aux choses qu’elles peuvent faire, il ne faut leur attribuer que celles qu’elles font manifestement. Pour nous, nous accomplissons les fonctions de l’âme conformément à la nature tant que nous ne nous égarons pas dans la multiplicité que renferme l’univers. Quand nous nous y égarons, nous en sommes punis par notre égarement même et par un sort moins heureux dans la suite. Quand donc la richesse et la pauvreté nous arrivent, c’est par l’effet du concours des choses extérieures. Quant aux vertus et aux vices, les vertus dérivent du fond primitif de l’âme, les vices naissent du commerce de l’âme avec les choses extérieures. Mais nous en avons traité ailleurs. [2,3,9] Nous voici amenés à parler de ce fuseau que les Parques tournent selon les anciens, et par lequel Platon désigne ce qui se meut et ce qui est immobile dans la révolution du monde. Selon ce philosophe, les Parques et la Nécessité, leur mère, tournent ce fuseau, et lui impriment un mouvement de rotation dans la génération de chaque être. C’est par cette révolution que les êtres engendrés arrivent à la génération. Dans le Timée, le Dieu qui a créé l’univers {l’intelligence} donne le principe {immortel} de l’âme {l’âme raisonnable}, et les dieux qui exécutent leurs révolutions dans le ciel ajoutent {au principe immortel de l’âme} les passions violentes qui nous soumettent à la Nécessité, la colère, les désirs, les peines et les plaisirs; en un mot, ils nous donnent cette autre espèce d’âme {la nature animale ou âme végétative} de laquelle dérivent ces passions. Par ces paroles, Platon semble dire que nous sommes asservis aux astres, que nous en recevons nos âmes, qu’ils nous soumettent à l’empire de la Nécessité quand nous venons ici-bas, que c’est d’eux que nous tenons nos moeurs, et, par nos moeurs, les actions et les passions qui dérivent de l’habitude passive de l’âme. Que sommes-nous donc nous-mêmes? Nous sommes ce qui est essentiellement nous, nous sommes le principe auquel la nature a donné le pouvoir de triompher des passions. Car si, à cause du corps, nous sommes entourés de maux, Dieu nous a cependant donné la vertu qui n’a pas de maître. En effet, ce n’est pas quand nous sommes dans un état calme que nous avons besoin de la vertu, c’est quand l’absence de la vertu nous expose à des maux. Il faut donc que nous fuyions d’ici-bas, que nous nous séparions du corps qui nous a été ajouté dans la génération, que nous nous appliquions à n’être pas cet animai, ce composé dans lequel prédomine la nature du corps, nature qui n’est qu’un vestige de l’âme, d’où résulte que la vie animale appartient principalement au corps. En effet, tout ce qui se rapporte à cette vie est corporel. L’autre âme {l’âme raisonnable, supérieure à l’âme végétative} n’est pas dans le corps: elle s’élève aux choses intelligibles, au beau, au divin, qui ne dépendent de rien; bien plus, elle tâche de leur devenir identique, et elle vit d’une manière conforme à la divinité quand elle s’est retirée en elle-même {pour se livrer à la contemplation}. Quiconque est privé de cette âme {quiconque n’exerce pas les facultés de l’âme raisonnable} vit soumis à la fatalité. Non seulement les actes d’un pareil être sont indiqués par les astres, mais encore il devient lui-même une partie du monde, il dépend du monde dont il fait partie. Tout homme est double: car il y a dans tout homme l’animal et l’homme véritable {que constitue l’âme raisonnable}. De même il y a dans l’univers le composé d’un Corps et d’une Ame qui lui est étroitement unie, et l’Ame universelle, qui n’est pas dans le Corps et qui illumine l’Ame unie au Corps. Le soleil et les autres astres sont doubles de la même manière {ont une âme unie à un corps et une âme indépendante du corps}. Ils ne font rien qui soit mauvais pour l’âme pure. S’ils produisent certaines choses dans l’univers, en tant qu’ils sont eux-mêmes des parties de l’univers, et qu’ils ont un corps et une âme unie à ce corps, les choses qu’ils produisent sont des parties de l’univers; mais leur volonté et leur âme véritable s’appliquent à la contemplation du principe qui est excellent. C’est à ce principe, ou plutôt à ce qui l’entoure que se rattachent les autres choses: c’est ainsi que le feu fait rayonner sa chaleur de tous côtés, et que l’Ame supérieure {de l’univers} fait passer quelque chose de sa puissance dans l’Ame inférieure qui lui est liée. Les choses mauvaises qui se trouvent ici-bas naissent du mélange qui se trouve dans la nature de ce monde. Si l’on séparait de l’univers l’Ame universelle, ce qui resterait n’aurait pas de valeur. L’univers est donc un Dieu, si l’on fait entrer dans sa substance l’Ame qui en est séparable. Le reste constitue ce Démon que Platon nomme le grand Démon, et qui a d’ailleurs toutes les passions propres aux démons. [2,3,10] S’il en est ainsi, il faut accorder que les astres annoncent les événements, mais non qu’ils les produisent, pas même par leur âme unie à leur corps. Ils ne produisent que les choses qui sont des panions de l’univers, et cela par leur partie inférieure {leur corps}. En outre, il faut admettre que l’âme, même avant de venir dans la génération, en descendant ici-bas, apporte quelque chose qu’elle a par elle-même: car elle n’entrerait pas dans un corps si elle n’avait de grandes dispositions à pâtir {à partager les passions du corps}. Il faut également admettre qu’en passant dans un corps l’âme est exposée à des accidents, parce qu’elle se trouve soumise au cours de l’univers; qu’enfin ce cours même contribue à produire ce que l’univers doit accomplir: car les choses qui se trouvent comprises dans le cours de l’univers y jouent le rôle de parties. [2,3,11] Il faut aussi réfléchir que les impressions qui nous viennent des astres ne sont pas en nous, qui les recevons, telles qu’ils les produisent. S’il y a du feu en nous, il est plus faible que dans le ciel; la sympathie, en se corrompant dans celui qui la reçoit, engendre une affection déshonnête; le principe irascible, en sortant des bornes du courage, produit l’emportement ou la lâcheté; l’amour du beau et de l’honnête devient la recherche de ce qui n’en a que les apparences. La pénétration d’esprit, en se dégradant, constitue la ruse qui cherche à l’égaler sans y pouvoir parvenir. Ainsi toutes ces dispositions deviennent mauvaises en nous sans l’être dans les astres. Car toutes les impressions que nous en recevons ne sont pas telles en nous qu’elles sont dans les astres; de plus, elles se dénaturent parce qu’elles se trouvent mêlées aux corps, à la matière et les unes aux autres. [2,3,12] Les influences qui proviennent des astres se confondent; ce mélange modifie chacune des choses qui sont engendrées, détermine leur nature et leurs qualités. Ce n’est pas l’influence céleste qui produit le cheval; elle se borne à exercer une action sur lui: car le cheval est engendré par le cheval, et l’homme par l’homme; le soleil contribue seulement à leur formation. L’homme naît de la raison {séminale} de l’homme; mais les circonstances lui sont favorables ou nuisibles. En effet, le fils ressemble au père; seulement il peut être mieux fait, ou moins bien fait; jamais cependant il ne se détache de la matière. Quelquefois la matière prévaut sur la nature, de telle sorte que l’être n’est point parfait parce que la forme ne domine pas. [2,3,13] Il nous reste maintenant à discerner, à déterminer et à énoncer d’où provient chaque chose, puisqu’il est des choses qui sont produites par le cours des astres et d’autres qui ne le sont pas. Voici notre principe. L’Ame gouverne l’univers par la Raison, comme chaque animal est gouverné par le principe {la raison} qui façonne ses organes et les met en harmonie avec le tout dont ils sont des parties; or le tout contient toutes choses et les parties ne renferment que ce qui leur est particulier. Quant aux influences extérieures, les unes secondent, les autres contrarient la tendance de la nature. Toutes choses sont subordonnées au Tout parce qu’elles en sont des parties: prises chacune avec leur nature propre et avec leurs tendances particulières, elles forment par leur concours la vie totale de l’univers. Les êtres inanimés servent d’instruments aux autres qui les mettent en mouvement par une impulsion mécanique. Les êtres animés, mais privés de raison, ont un mouvement indéterminé: tels sont les chevaux attachés à un char avant que le conducteur leur indique la marche qu’ils doivent suivre : car ils ont besoin du fouet pour être dirigés. La nature de l’animal raisonnable a en elle-même le conducteur qui la dirige; si celui-ci est habile, elle suit la droite voie, au lieu d’aller au hasard, comme cela arrive souvent. Les êtres doués de raison et ceux qui en sont privés se trouvent contenus les uns et les autres dans l’univers, et contribuent à en former l’ensemble. Ceux qui sont plus puissants et qui occupent un rang plus élevé font beaucoup de choses importantes, et concourent à la vie de l’univers où ils ont un rôle plutôt actif que passif. Ceux qui sont passifs agissent peu. Ceux qui occupent un rang intermédiaire sont passifs à l’égard des uns, souvent actifs à l’égard des autres, parce qu’ils ont par eux-mêmes la puissance d’agir et de produire. L’univers a une vie universelle et parfaite, parce que les principes excellents {les âmes des astres} produisent des choses excellentes, c’est-à-dire, ce qu’il y a d’excellent dans chaque chose. Ces principes sont subordonnés à l’Âme qui gouverne l’Univers, comme des soldats le sont à leur général; aussi Platon dit-il qu’ils forment le cortége de Jupiter quand celui-ci s’avance à la contemplation du monde intelligible. Les êtres qui ont une nature inférieure {aux âmes des astres}, les hommes tiennent le second rang dans l’univers, et y jouent le même rôle que remplit en nous la seconde puissance de l’âme {la raison discursive}. Les autres êtres {les brutes} tiennent à peu près le même rang qu’occupe en nous la dernière puissance de l’âme {la puissance végétative} : car en nous toutes les puissances ne sont pas égales. Donc tous les êtres qui sont dans le ciel ou qui se trouvent distribués dans l’univers sont des êtres animés et tiennent leur vie de la Raison totale de l’univers {parce qu’elle contient les raisons séminales de tous les êtres vivants}. Une des parties de l’univers, quelle que soit sa grandeur, n’a pas la puissance d’altérer les raisons ni les êtres engendrés avec le concours de ces raisons. Elle peut rendre ces êtres meilleurs ou pires, mais non leur faire perdre leur nature propret Quand elle les rend pires, c’est qu’elle affaiblit, soit leur corps, soit leur âme : ce qui a lieu lorsqu’un accident devient une cause de vice pour l’âme qui partage les passions du corps {l’âme sensitive et végétative} et qui est donnée au principe inférieur {à l’animal} par le principe supérieur {l’âme raisonnable}, ou bien lorsque le corps par sa mauvaise organisation entrave les actes où l’âme a besoin de son concours : il ressemble alors à une lyre mal accordée et incapable de rendre des sons qui forment une parfaite harmonie. [2,3,14] Que dirons-nous de la pauvreté, des richesses, de la gloire, des commandements? Si un homme tient ses richesses de ses parents, les astres ont seulement annoncé qu’il serait riche, comme ils se sont bornés à annoncer sa noblesse, s’il la devait à sa naissance. Si un homme a acquis des richesses par son mérite et que son corps y ait contribué, les causes qui ont donné à son corps de la vigueur ont pu concourir à sa fortune: ce sont, d’abord ses parents, ensuite sa patrie, si elle a un bon climat, enfin la fécondité du sol. Si cet homme doit ses richesses à sa vertu, c’est à sa vertu seule qu’il faut les attribuer, ainsi que les avantages périssables qu’il peut posséder par une faveur divine. S’il a reçu ses richesses de personnes vertueuses, sa fortune a encore pour cause la vertu. S’il a reçu ses richesses d’hommes pervers, mais pour un motif juste, elles proviennent d’un bon principe qui a agi en eux. Enfin, si un homme qui a amassé des richesses est pervers, la cause de sa fortune est cette perversité même et le principe dont elle provient; il faut encore comprendre dans l’ordre des causes ceux qui ont pu lui donner de l’argent. Un homme doit-il ses richesses à des travaux, par exemple, à des travaux d’agriculture, elles ont pour causes les soins du laboureur et le concours des circonstances extérieures. A-t-il trouvé un trésor, quelque chose de l’univers a dû y contribuer. Cette découverte a pu d’ailleurs être annoncée: car toutes les choses s’enchaînent les unes aux autres, et, par conséquent, s’annoncent mutuellement. Un homme dissipe-t-il ses richesses, il est la cause de leur perte; lui sont-elles ravies, la cause est le ravisseur. Y a-t-il eu naufrage, beaucoup de choses ont pu y concourir. La gloire est acquise justement ou injustement. Est-elle acquise justement, elle est due à des services rendus ou à l’estime des autres hommes. Est-elle acquise injustement, elle a pour cause l’injustice de ceux qui accordent des honneurs à cet homme. Il en est de même d’un commandement, il est ou il n’est pas mérité: dans le premier cas, il est dû à l’équité des électeurs ou à l’activité de l’homme qui l’a obtenu par le concours de ses amis, ou à toute autre circonstance. Un mariage est déterminé par une préférence, ou par une circonstance accidentelle, ou par le concours de plusieurs circonstances. La procréation des enfants en est une conséquence: elle a lieu conformément à la raison {séminale}, s’il ne se rencontre pas d’obstacle; si elle est vicieuse, c’est qu’il y a quelque défaut intérieur soit dans la mère qui conçoit, soit dans le père qui est mal disposé pour cette procréation. [2,3,15] Platon parle de sorts, de conditions, dont le choix est confirmé par un tour du fuseau de Clotho; il parle aussi d’un démon qui aide chacun à remplir sa destinée. Quelles sont ces conditions? ce sont la disposition dans laquelle était l’univers quand les âmes entrèrent chacune dans un corps, la nature de leur corps, de leurs parente, de leur patrie, en un mot l’ensemble des circonstances extérieures. On voit que toutes ces choses, dans leurs détails aussi bien que dans leur ensemble, sont produites simultanément et liées en quelque sorte par une des Parques, par Clotho ; Lachésis présente les conditions aux âmes. Enfin Atropos rend irrévocable l’accomplissement de toutes les circonstances de chaque destinée. Parmi les hommes, les uns, fasciné par l’univers et les objets extérieurs, abdiquent complètement ou partiellement leur liberté. D’autres, dominant ce qui les entoure, élèvent leur tête jusqu’au ciel, et, s’affranchissant des influences extérieures, conservent libre la meilleure partie de leur âme, celle qui en forme l’essence primitive: car on aurait tort de croire que la nature de l’âme soit déterminée par les passions que lui font éprouver les objets extérieurs, qu’elle n’ait pas une essence propre par elle-même. Tout au contraire, comme elle joue le rôle de principe, elle a, beaucoup plus que les autres choses, des facultés aptes à accomplir les actes qui sont propres à sa nature. Nécessairement, puisqu’elle est une essence, elle possède, outre l’existence, des appétits, des facultés actives, la puissance de bien vivre. Le composé {de l’âme et du corps, l’animal) dépend de la nature qui l’a formé, en reçoit ses qualités, ses actions. Si l’âme se sépare du corps, elle produit les actes qui sont propres à sa nature et qui ne dépendent pas du corps; elle ne s’attribue pas les passions du corps, parce qu’elle reconnaît qu’elle a une autre nature. [2,3,16] Qu’y a-t-il de mêlé, qu’y a-t-il de pur dans l’Ame? Quelle partie de l’Ame est séparable, quelle partie ne l’est pas tant que l’âme est dans un corps? Qu’est-ce que l’animal? Voilà ce que nous aurons à examiner plus tard dans une autre discussion; car on n’est point d’accord sur ces points. Pour le moment, expliquons en quel sens nous avons dit plus haut que l’Ame gouverne l’univers par la Raison. L’Ame universelle forme-t-elle tous les êtres successivement, d’abord l’homme, puis le cheval, puis un autre animal, enfin les bêtes sauvages? Commence-t-elle par produire la terre et le feu; puis, voyant le concours de toutes ces choses qui se détruisent ou s’aident mutuellement, ne considère-t-elle que leur ensemble et leur connexion, sans s’occuper des accidents qui leur arrivent dans la suite? Se borne-t-elle à reproduire les générations précédentes des animaux, et laisse-t-elle ceux-ci exposés aux passions qu’ils se causent les uns aux autres? Dirons-nous que l’Ame est la cause de ces passions parce qu’elle engendre les êtres qui les produisent? La raison de chaque individu contient-elle ses actions et ses passions, de telle sorte que celles-ci ne soient ni accidentelles, ni fortuites, mais nécessaires? Les raisons les produisent-elles? ou bien les connaissent-elles sans les produire? ou plutôt l’âme, qui contient les raisons génératrices, connaît-elle les effets de toutes ses oeuvres en raisonnant d’après ce principe que le concours des mêmes circonstances doit évidemment amener les mêmes effets? S’il en est ainsi, l’Ame, comprenant ou prévoyant les effets de ses oeuvres, détermine et enchaîne par eux toutes les choses qui doivent arriver; elle considère donc les antécédents et les conséquents, et, d’après ce qui précède, prévoit ce qui doit suivre. C’est {parce que les êtres procèdent ainsi les uns des autres} que les races s’abâtardissent continuellement: par exemple, les hommes dégénèrent parce qu’en s’éloignant continuellement et nécessairement {du type primitif} les raisons {séminales} cèdent aux passions de la matière. L’Ame considère-t-elle donc toute la suite des faits et passe-t-elle son existence à surveiller les passions qu’éprouveront ses oeuvres? Ne cesse-t-elle jamais de penser à celles-ci, n’y met-elle jamais la dernière main en les réglant une fois pour toutes de manière qu’elles aillent toujours bien? Ressemble-t-elle à un agriculteur qui, au lieu de se borner à semer et à planter, travaille sans cesse à réparer les dommages causés par les pluies, les vents et les tempêtes? Si cette hypothèse est absurde, il faut admettre que l’âme connaît d’avance, ou même que les raisons {séminales} contiennent les accidents qui arrivent aux êtres engendrés, c’est-à-dire leur destruction et tous les effets de leurs défauts. Dans ce cas, nous sommes obligés de dire que les défauts proviennent des raisons {séminales}, quoique les arts et leurs raisons ne contiennent ni erreur, ni défaut, ni destruction d’une oeuvre d’art. Ici on dira peut-être: Il ne saurait y avoir dans l’univers rien de mauvais ni de contraire à la nature; il faut accorder que même ce qui paraît moins bon a encore son utilité. Quoi? on admettra donc que ce qui est moins bon concourt à la perfection de l’univers, et qu’il ne faut pas que toutes choses soient belles? C’est que les contraires mêmes contribuent à la perfection de l’univers, et que le monde ne saurait exister sans eux; il en est de même dans tous les êtres vivants. La raison {séminale} amène nécessairement et forme ce qui est meilleur; ce qui est moins bon se trouve contenu en puissance dans les raisons, et en acte dans les êtres engendrés. L’Ame (universelle} n’a donc pas besoin de s’en occuper ni de faire agir les raisons: si, en imprimant une secousse aux raisons qui procèdent de principes supérieurs, la matière altère ce qu’elle reçoit, les raisons néanmoins la soumettent à ce qui est meilleur {à la forme}. Toutes les choses forment donc un ensemble harmonieux parce qu’elles proviennent tout à la fois de la matière et des raisons qui les engendrent. [2,3,17] Examinons si les raisons contenues dans l’Ame sont des pensées. Comment l’Ame pourrait-elle produire par des pensées? C’est la Raison qui produit dans la matière ; or le Principe qui produit naturellement n’est pas une pensée, ni une intuition, mais une Puissance qui façonne la matière aveuglément, comme un cercle donne à l’eau une figure et une empreinte circulaire. En effet, la Puissance naturelle et génératrice a pour fonction de produire; mais il lui faut le concours de la Puissance principale de l’Ame qui forme et qui fait agir l’Ame génératrice engagée dans la matière. Est-ce par le raisonnement que la Puissance principale de l’Ame forme l’Ame génératrice? Si c’est par le raisonnement, elle doit considérer soit un autre objet, soit ce qu’elle possède en elle-même. Si elle considère ce qu’elle possède en elle-même, elle n’a pas besoin de raisonner: car ce n’est pas par le raisonnement que l’Âme façonne la matière, c’est par la Puissance qui contient, les raisons, Puissance qui seule est efficace et capable de produire. L’Ame produit donc par les formes. Elle reçoit de l’Intelligence les formes qu’elle transmet. L’Intelligence donne les formes à l’Ame universelle qui est placée immédiatement au-dessous d’elle, et l’Ame universelle les transmet à l’Ame inférieure {la Puissance naturelle et génératrice) en la façonnant et l’illuminant. L’Ame inférieure produit, tantôt sans rencontrer d’obstacles, tantôt en rencontrant des obstacles: dans ce cas, elle produit des choses moins parfaites. Comme elle a reçu la puissance de produire, et qu’elle contient les raisons qui ne sont pas les premières {les raisons séminales, qui sont inférieures aux idées}, non seulement elle produit en vertu de ce qu’elle a reçu, mais encore elle tire d’elle-même quelque chose qui est évidemment inférieur {la matière}. Elle produit sans doute un être vivant {l’univers}, mais un être vivant qui est moins parfait, qui jouit moins bien de la vie, parce qu’il occupe le dernier rang, qu’il est grossier et difficile à gouverner, que la matière qui le compose est en quelque sorte la lie amère des principes supérieurs, qu’elle répand son amertume autour d’elle et en communique quelque chose à l’univers. [2,3,18] Faut-il donc regarder comme nécessaires les maux qui se trouvent dans l’univers, parce qu’ils sont les conséquences de principes supérieurs? Oui: car sans eux l’univers serait imparfait. La plupart des maux, ou plutôt tous les maux sont utiles à l’univers: tels sont les animaux venimeux; mais souvent on ne sait pas à quoi ils servent. La méchanceté même est utile sous beaucoup de rapports, et peut produire beaucoup de belles choses: par exemple, elle conduit à de belles inventions; elle oblige les hommes à la prudence, et ne les laisse pas s’endormir dans une indolente sécurité. Si ces réflexions sont justes, il faut admettre que l’Ame universelle contemple toujours les meilleurs principes, parce qu’elle est tournée vers le monde intelligible et vers Dieu. Comme elle s’en remplit et qu’elle en est remplie, elle déborde en quelque sorte sur son image, sur la Puissance qui tient le dernier rang {la Puissance naturelle et génératrice}, et qui, par conséquent, est la dernière Puissance créatrice. Au-dessus de cette Puissance créatrice est la Puissance de l’Ame qui reçoit les formes immédiatement de l’Intelligence. Au-dessus de tout est l’Intelligence, le Démiurge, qui donne les formes à l’Ame universelle, et celle-ci en imprime des traces à la puissance qui tient le troisième rang {la Puissance naturelle et génératrice}. Ce monde est donc véritablement une image qui se forme perpétuellement. Les deux premiers principes sont immobiles; le troisième est également immobile {par son essence}, mais il est engagé dans la matière; il devient donc mobile par accident. Tant que l’Intelligence et que l’Ame subsistent, les raisons en découlent dans cette image de l’Ame {la Puissance naturelle et génératrice}; de même tant que le soleil subsiste, toute lumière en émane.