[40,0] LIVRE XL (Livres XXXVIIIter - XXXIX - XL). [38,14] (40,1) I. Pythéas était frère d'un coureur de stade nommé Acatis et fils de Cléomène. Ses mœurs avaient toujours été fort déréglées, et il passait pour avoir prostitué sa jeunesse à de nombreux amants. Placé à la tête du gouvernement il y fut également audacieux et cupide. Il osait tout, fort de l'appui de Philétère et d'Eumène. [38,15] (40,2) Il. Critolaüs, le stratège des Athéniens, avait été tué à Scarphée. Après sa mort, au terme de la loi qui ordonne que dans le cas où le stratège en fonction meurt, le stratège son prédécesseur le remplace jusqu'à l'époque de l'assemblée nationale, il appartenait à Diaeus de prendre en main les affaires et de les diriger. Il envoya aussitôt une garnison à Mégare, et d'Argos écrivit à toutes les villes de la ligue d'affranchir au nombre de dix mille les plus jeunes de leurs esclaves et de leurs autres serviteurs, puis de les faire partir armés pour Corinthe. Il assigna à chaque ville son contingent, au hasard et sans proportion, fidèle ainsi à ses maximes habituelles. Ceux qui n'avaient point assez de serviteurs devaient, pour fournir la contribution, en emprunter à leurs voisins. Comme il voyait un grand déficit dans les finances par suite de la guerre avec Lacédémone, il força les riches, hommes et femmes, à promettre de l'argent et à le verser bientôt dans le trésor public. En même temps il donna ordre à tous les jeunes gens de se réunir en masse sous les armes à Corinthe. Grâce à ces mesures, ce ne fut dans toutes les villes que trouble, que tumulte, que désespoir. On vantait le bonheur des citoyens morts, on plaignait ceux qui partaient, et comme si on prévoyait l'avenir, on n'entendait de toute part que des gémissements. Ce qui surtout était pénible, c'étaient l'effervescence et l'insolente humeur des esclaves qui étaient récemment affranchis ou qui étaient exaltés par l'espoir de l'être bientôt. Enfin, tandis que les homme se voyaient forcés de porter au trésor toutes les richesses qu'ils possédaient, les femmes se dépouillant, elles et leurs enfants, de leurs parures, allaient, en les livrant au fisc, contribuer à leur propre ruine! [38,16] (40,3) Ill. Au milieu de toutes ces calamités ramassées en un seul temps l'étonnement que causaient chaque jour les mille souffrances de détail empêchait d'apporter aux dangers de l'État cette attention qui eût montré comment tous les Achéens étaient entraînés à une perte certaine, eux et leurs familles : poussés, emportés violemment, comme par un torrent impétueux, ils obéissaient au mouvement que la folie et la fureur du chef leur imprimaient. Les Eléens et les Messéniens attendaient chez eux avec crainte, sans remuer, la flotte romaine dont ils étaient menacés; en effet, rien n'eût pu les sauver, si l'orage eût suivi la route qu'il avait prise d'abord. Les habitants de Patras et leurs confédérés avaient récemment reçu un échec en Phocide, et leur fortune était plus déplorable encore que celle des autres peuples du Péloponnèse. Ceux-ci, hors d'eux-mêmes, recouraient au suicide ; ceux-là s'éloignaient des villes par des chemins détournés, sans diriger leur fuite vers quelque but déterminé, par horreur seulement des excès commis dans leurs murailles. Les uns allaient se livrer mutuellement aux Romains, comme leur étant hostiles; les autres dénonçaient et accusaient leurs voisins, sans que Rome réclamât d'eux un tel service : un grand nombre en costume de suppliants se portaient au-devant du vainqueur pour avouer qu'ils avaient violé le traité et demander un châtiment dont on ne leur parlait pas. Les villes étaient pleines d'hommes qui, saisis de je ne sais quel délire, se précipitaient dans les puits et du haut des rochers. Un ennemi même, à la vue des malheurs de la Grèce, en aurait eu pitié ! Car, si plus d'une fois les Grecs avaient éprouvé de cruelles disgrâces, vu leur existence compromise soit par la lutte des républiques entre elles, soit par la perfidie des princes, c'étaient en ce moment l'imprudence de leurs chefs et leur propre folie qui leur causaient tous ces maux ! Les Thébains quittèrent leurs villes, qu'ils laissèrent désertes. Parmi les fugitifs se trouvait Pythéas; il passa dans le Péloponnèse avec sa femme et ses enfants et erra au hasard dans le pays. [38,17] (40,4) IV. Diaeus, nommé stratège par le peuple, se trouvait à Corinthe lorsque Andronidas et quelques-uns de ses amis s'y rendirent de la part de Cécilius. Diaeus, en répandant le bruit qu'ils étaient favorables aux ennemis les livra à la fureur de la multitude, et ces malheureux, au milieu de mille outrages, furent enchaînés et conduits en prison. Philon le Thessalien vint aussi faire aux Achéens de bienveillantes propositions. Quelques citoyens les appuyèrent. Parmi eux était un vieillard nommé Stratius, qui, aux pieds de Diaeus, le conjura d'accepter les offres de Métellus. Mais Diaeus et les siens, après en avoir délibéré, fermèrent l'oreille aux conseils de Philon. Ils s'imaginèrent que les propositions dont Philon était l'organe n'étaient pas faites dans l'intérêt du salut commun, mais qu'il ne consultait en cela que son utilité personnelle et sa propre sûreté, qu'il plaçait au-dessus de tout : ils tinrent conseil sous l'influence de cette pensée, et de toutes les manières leur conduite fut une faute. Tourmentés par la conscience de leurs crimes, ils ne pouvaient croire qu'il leur fût possible d'obtenir pitié des Romains; et cependant braver tous les périls nécessaires pour sauver la république et le peuple fut une chose à laquelle ils ne songèrent même pas. C'eût été une résolution vraiment digne d'hommes sensibles à la gloire, et qui prétendaient être les chefs de la Grèce. Mais d'où, comment cette idée généreuse serait-elle venue à des traîtres tels que ceux dont j'ai parlé? C'étaient un Diaeus, un Damocrite nouvellement rappelé d'exil, à la faveur des troubles publics; un Alcamène, un Théodecte, un Archicrate qui délibéraient ! J'ai déjà dit longuement quels étaient ces hommes, le caractère de chacun, sa conduite, sa vie. [38,18] (40,5) V. Ainsi était composé le conseil, et il rendit un décret digne de ceux qui le formaient. Ils jetèrent en prison non seulement Andronidas et Lagius, mais encore le sous-stratège Sosicrate, à qui on reprocha d'avoir, à l'époque où il présidait l'assemblée publique, proposé d'envoyer une ambassade à Cécilius et provoqué tous les malheurs du pays. Le lendemain on réunit un tribunal qui condamna Sosicrate à mort, et les bourreaux ne se lassèrent pas de lui faire souffrir dans les fers toute espèce de torture jusqu'à ce qu'il succombât, sans qu'il révélât rien de ce qu'ils espéraient savoir. Lagius, Andronidas et Archippe furent relâchés, d'abord parce que le peuple avait été sensible au supplice de Sosicrate, et qu'ensuite Diaeus avait reçu d'Andronidas un talent, d'Archippe quarante mines. Car la tête sur le billot, suivant le proverbe, Diaeus n'aurait pas reculé devant cet acte d'une infâme impudence. Peu auparavant il avait traité un certain Philinus de Corinthe, comme alors Sosicrate, sous le prétexte qu'il communiquait avec Ménalcidas, et était favorable aux Romains : il avait fait frapper de verges et mettre à la torture, sous les yeux l'un de l'autre, le père et les enfants, et n'avait pas cessé de les tourmenter ainsi qu'il ne les eût fait mourir. A la vue de cette confusion et de ces fureurs, dont on aurait peine à trouver des exemples chez les Barbares, on serait justement tenté de chercher comment les Achéens ne furent pas alors tous détruits. C'est que, ce me semble, une adroite et habile fortune lutta en ces circonstances contre la folie et le délire des chefs achéens : poussée sans cesse de tous côtés par leurs conseils insensés, dans son désir de sauver n'importe de quelle manière l'Achaïe, elle employa le seul moyen qui lui restait : ce moyen était de vaincre et d'abattre promptement les Grecs. Elle s'en est servie, et il s'est fait par là que la juste colère des Romains ne s'est pas échauffée davantage, que l'armée romaine n'a pas été appelée d'Afrique en Grèce ; que les chefs, avec le caractère que nous avons dit, n'ont pu, à la faveur de quelques succès, faire sentir à leurs concitoyens leur fureur impie. Or, on voit sans peine, d'après ce que nous avons raconté, ce qu'ils eussent osé, s'ils avaient obtenu un avantage ou trouvé une occasion favorable. Tous alors eurent à la bouche ces paroles : « Si nous n'avions été promptement perdus, nous n'eussions pas été sauvés» ; ce qui revient à dire : Si les méchants citoyens n'avaient péri, la Grèce eût péri à leur place. [39,1] (40,6) VI. Parmi les personnages de cette époque, Aulus Postumius mérite attention. C'était un Romain d'une illustre famille, mais naturellement bavard et d'une excessive légèreté. Partisan, dès l'enfance, de la langue et des maximes des Grecs, il se montra, de ce côté, si exagéré et si plein de pédantisme, qu'à cause de lui surtout la connaissance du grec devint un objet d'aversion pour les vieux Romains les plus considérables. Enfin, il entreprit d'écrire en cette langue un poème et une histoire dans la préface de laquelle il priait le lecteur de l'excuser, s'il n'avait pu, étant Romain, user comme il l'aurait voulu de la langue des Grecs et de leur méthode de composition. A ce sujet, Marcus Porcius Caton dit fort justement, à ce qu'on rapporte, qu'il ne s'expliquait pas pourquoi il réclamait ainsi l'indulgence. Si le conseil amphictyonique lui eût ordonné d'écrire son histoire en cette langue, peut-être eût-il, en effet, été sage de prendre cette précaution, et d'adresser au lecteur une telle prière; mais écrire en grec sans nécessité, et demander ensuite grâce pour des barbarismes, était la marque d'une grande folie. C'est à peu près comme si quelque athlète, après avoir pris rang dans les jeux gymniques pour lutter au pugilat ou au pancrace, venait, en descendant au milieu du stade, prier les spectateurs de vouloir bien l'excuser s'il ne peut supporter la fatigue ni les coups : il est évident qu'un tel homme devrait apprêter à rire, et être châtié sur-le-champ. Il faudrait, à mon avis, user de la même rigueur envers des historiens comme Postumius, pour les empêcher de tenter dorénavant des œuvres au-dessus de leurs forces. Quoi qu'il en soit, Postumius, durant toute sa vie, imita ce qu'il y avait de plus mauvais chez les Grecs. Il était amoureux du plaisir, et ennemi de tout travail comme de tout péril : nous en avons une preuve dans les circonstances actuelles. Il se trouvait en Grèce à l'époque de la guerre de Phocide. Sous le prétexte d'une maladie il se retira à Thèbes, afin de ne pas prendre part au combat; puis, quand la bataille eut été livrée, le premier il annonça la victoire au sénat, et donna tous les détails, comme s'il eût assisté à l'affaire. [39,2] (40,7) Vll. Polybe nous fait un récit pathétique de ce qui s'est passé lors de la prise de Corinthe. Il nous parle notamment du mépris manifesté par la soldatesque à l'égard des œuvres d'art et des monuments érigés comme offrandes dans les sanctuaires. J'ai vu, dit-il, des tableaux jetés à terre, et des soldats jouant au dé sur la toile; ces tableaux étaient un portrait de Bacchus par Aristide (chef-d'œuvre qui donna lieu à ce proverbe : « Ce n'est rien auprès du Bacchus ! » et un Hercule déchiré par la tunique de Déjanire. [39,3] (40,7a) Vll a. Par égard pour la popularité de Philopoemen, on ne détruisit pas les statues que quelques villes lui avaient élevées, tant le mérite véritable laisse toujours un bienveillant souvenir dans ceux qui en ont senti les effets! Aussi peut-on appliquer aux méchants cette locution populaire, « qu'ils se trompent, dans leurs calculs, du tout au tout». (40,8) VIII. Les statues de Philopoemen étaient fort nombreuses, et les honneurs qu'on lui avait votés considérables. Un Romain, profitant des malheurs de la Grèce après la prise de Corinthe, voulut abattre ces statues et poursuivre la mémoire de ce grand homme, coupable, disait-il, d'avoir été le constant ennemi de Rome. Des conférences eurent lieu à ce sujet, et sur l'avis de Polybe, qui répondit au calomniateur, Mummius et les dix commissaires ne permirent pas qu'on abolit les honneurs décernés à Philopoemen. Polybe parla longuement en faveur de Philopoemen dans le sens de ce que nous avons dit un peu plus haut. Il dit que Philopoemen avait, plus d'une fois sans doute, résisté aux ordres des Romains; mais que sa résistance n'avait jamais duré qu'autant qu'il était nécessaire pour éclaircir la question, et faire accepter son avis; que jamais, son opposition n'avait été aveugle; qu'il avait donné un témoignage éclatant de ses sentiments, et constaté, pour ainsi dire, par l'épreuve du feu, son dévouement pour Rome dans sa conduite à l'époque des guerres de Philippe et d'Antiochus. Le plus puissant des Grecs, alors, et par sa propre autorité, et par celle des Achéens, il avait été sincèrement fidèle à son amitié pour la république. Il avait pris part au décret où, avant même que les Romains eussent passé en Grèce, les Achéens avaient déclaré la guerre aux Étoliens et à Autiochus, tandis que presque tous les autres Grecs avaient abandonné le parti de Rome. Après avoir entendu cette défense, les commissaires, approuvant les idées de l'orateur, consentirent à ce que dans toutes les villes les honneurs décernés à Philopoemen fussent maintenus. Polybe profita de l'occasion pour demander qu'on fit rentrer dans le Péloponnèse les statues d'Achéus, d'Aratus et de Philopoemen, déjà transportées en Acarnanie. Le peuple, en l'honneur de sa généreuse conduite, éleva à Polybe une statue de pierre. [39,4] (40,10) X. Quand ils eurent rétabli l'ordre dans l'Achaïe, les commissaires prescrivirent au questeur chargé de vendre les biens de Diaeus d'en détacher tout ce qui serait à la convenance de Polybe, pour le lui donner, et de faire du reste une vente publique; mais Polybe, loin de rien recevoir, engagea tous ses amis à n'acheter aucun des biens mis à l'encan par le questeur. Ce magistrat, en effet, parcourait alors les villes, vendant tout ce qui appartenait aux partisans de Diaeus ou aux citoyens condamnés par les Dix, dès qu'ils n'avaient ni femmes ni enfants. Quelques-uns des amis de Polybe ne suivirent pas son avis, mais tous ceux qui y obéirent se firent auprès de leurs concitoyens un beau renom de patriotisme. [39,5] X. La mission des dix députés dura six mois. Au commencement du printemps ils partirent pour l'Italie en laissant aux Grecs un bel exemple de la politique romaine. Ils chargèrent Polybe de visiter toutes les villes du pays et d'accommoder les différends qui pourraient s'élever entre elles, jusqu'à ce qu'elles se fussent accoutumées à leur nouvelle organisation, à leurs lois nouvelles. Polybe obtint en peu de temps que les Grecs adoptassent bientôt avec plaisir le gouvernement qu'on leur avait donné, et qu'il n'y eût plus pour l'interprétation des lois aucune équivoque, en particulier comme en public. Aussi, les villes qui déjà avaient montré pour Polybe une estime et une amitié singulières, lui témoignèrent, à propos des services qu'il leur avait rendus durant ces derniers temps, une vive reconnaissance, et lui accordèrent des honneurs magnifiques. Ce ne fut, aux yeux de tous, que justice; car si Polybe ne se fût sérieusement occupé de rédiger certaines formules de lois pour l'exécution d'une justice commune à tous, les tribunaux eussent été partout fermés bientôt; partout il n'y eût eu que confusion. C'est là un des faits les plus glorieux de la vie de Polybe. [39,6] (40,11) XI. Après le départ du conseil des Dix, le général romain rétablit le temple élevé sur l'isthme, embellit ceux d'Olympie et de Delphes, visita les jours suivants différentes places, et trouva chez toutes l'accueil et les hommages qu'il méritait. Du reste, ces témoignages de gratitude privés ou publics n'étaient que justes. Mummius avait montré dans toute sa conduite modération et désintéressement; il avait usé du pouvoir avec douceur, bien qu'il eût alors en Grèce une autorité souveraine, et que l'occasion fût belle. Que si, dans quelque circonstance, il s'écarta du devoir, ce fut bien moins, suivant moi, sa nature qui le lui fit faire que les conseils de ses amis: témoin surtout l'affaire des cavaliers chalcidiens qu'il massacra. [39,7] (40,12) XII. Ptolémée, roi de Syrie et d'Égypte, mourut à la suite d'une blessure reçue sur le champ de bataille. Ce fut, suivant les uns, un prince digne des plus grands éloges et d'une haute estime; suivant les autres, c'est le contraire. En définitive, il se montra constamment plus affable et plus doux que tous les rois ses prédécesseurs : en voici une preuve imposante. Jamais il ne fit périr quelqu'un de ses favoris pour quelque accusation que ce fût, et je crois qu'il n'envoya pas à la mort un seul Alexandrin ; de plus, bien qu'il fût convaincu que son frère seul l'avait dépouillé du pouvoir, et qu'il eût trouvé à Alexandrie une occasion favorable de se venger de lui, il lui pardonna sa faute, devenu maître, à Lapéthus, de sa personne et de sa vie. Lorsque Physcon voulut lui enlever Chypre, loin de le punir comme un ennemi, il ajouta de nouvelles donations à celles qu'un traité antérieur lui promettait, et s'engagea à lui faire épouser sa propre fille. Toutefois, au sein de la prospérité et du succès, il laissa quelquefois son courage s'affaiblir : la mollesse, l'amour du plaisir, propres au caractère égyptien, eurent aussi prise sur lui. Par suite de ces fatales passions, il fut souvent exposé à de graves périls. [39,8] (40,13) XIII. Nous revînmes d'Italie après y avoir achevé cette mission qui fut comme le couronnement de ce que nous avions fait pour la Grèce : juste prix de notre amour pour Rome. Aussi j'adresse au ciel des vœux ardents pour qu'il m'accorde de rester toute ma vie dans l'état où nous sommes aujourd'hui; car je sais combien la fortune est jalouse de la félicité humaine, et comme elle déploie d'ordinaire ses forces du côté même où elle voit le bonheur et le succès. Tel fut le train des affaires à cette époque. (40,14) XIV. Arrivé au terme de cet ouvrage, nous voulons, après avoir rappelé en quelques mots quel point de départ nous avons choisi, résumer ce que nous avons renfermé dans la suite de notre récit, et rattacher ainsi la fin au début, en général et jusque dans les détails. Nous avons dit d'abord que nous commencerions notre histoire à l'époque même où s'arrêtait celle de Timée; puis nous avons rapidement retracé les événements accomplis en Italie, en Sicile, en Afrique, seuls pays dont il se soit occupé. Quand nous sommes parvenu à l'époque où Annibal reçut le commandement des troupes de Carthage, où Philippe, fils de Démétrius, monta sur le trône de Macédoine, où le Spartiate Cléomène quitta la Grèce, où Antiochus prit le diadème en Syrie, et Ptolémée Philopator en Égypte, nous avons promis de raconter, en prenant pour ce second point de départ la cent trente-huitième olympiade, les faits dont les différentes parties du monde pouvaient être le théâtre, de diviser chaque période par olympiades, chaque olympiade par années, et de faire marcher de front tous les événements contemporains jusqu'à la ruine de Carthage, et jusqu'au combat livré par les Achéens près de l'isthme, et à la régénération de la Grèce à la suite de cette bataille. Nous avons en outre montré quel haut intérêt, quelle belle étude une telle histoire pouvait offrir aux lecteurs, puisqu'il s'agissait de savoir comment, et grâce à quelle forme de gouvernement, un seul peuple fit tomber en son pouvoir toutes les nations de l'univers, chose jusqu'alors inouïe. Maintenant que nous avons achevé notre tâche, il ne nous reste plus qu'à distinguer les époques comprises dans cette histoire, et à exposer la suite et le nombre des livres qui la composent.