[2,00] Ovide, Fastes, livre II. Janvier prend fin: que l'année progresse à l'allure de mon chant. Puisque voici un second mois, qu'un second livre commence. Élégies, c'est la première fois que vous voguez avec de si grandes voiles; je me souviens que naguère, vous étiez une simple oeuvrette. 5 Certes, dans mes amours, vous m'avez rendu des services appréciés, lorsque ma prime jeunesse s'amusait aux rythmes qui lui convenaient. Je chante de même les rituels sacrés et les fêtes signalées dans les Fastes. Qui eût cru qu'au départ de l'élégie une voie menait vers ce sujet sacré? C'est ma manière de servir: je prends des armes à ma portée, [2,10] et ma main droite ne se sent pas dispensée de toute charge. Si mon bras ne brandit pas avec vigueur des javelots, si je ne pèse point sur la croupe d'un cheval de guerre, si je ne m'abrite pas sous un casque, ni ne ceins une épée acérée (le premier venu est capable de porter de telles armes), 15 César, je m'attache du moins à décrire tes titres, avec toute mon ardeur, et je m'avance parmi les inscriptions qui t'honorent. Dès lors, aide-moi et tourne vers mon oeuvre un regard bienveillant, si la pacification de l'ennemi te laisse quelque répit. Nos ancêtres romains ont appelé februa les instruments de purification. [2,20] De nos jours encore, quantité d'indices accréditent le sens de ce terme. Les pontifes demandent au roi des sacrifices et au flamine des laines, ce qui dans la langue des anciens portait le nom de februa. Et c'est le nom donné aussi à l'épeautre torréfié et aux grains de sel, matières purificatrices que prend le licteur dans des maisons précises. 25 Le rameau, coupé sur un arbre pur et dont le feuillage recouvre les tempes sacrées des prêtres, porte aussi ce nom. J'ai vu de mes yeux l'épouse d'un flamine demandant des februa, et à sa demande, on lui donna une branche de pin. Bref, tout ce qui sert à la purification de nos corps [2,30] portait ce nom chez nos aïeux barbus. Le mois fut appelé Februarius parce que les Luperques, munis de lanières de cuir, tournent tout autour du territoire, dans l'intention de le purifier; ou parce que les temps sont purifiés, quand les tombeaux ont été apaisés, après la célébration des Feralia ou jours de deuil. 35 Les rites purificatoires, selon ce que croyaient nos ancêtres, pouvaient supprimer toute impiété et toute cause de mal. Cette coutume vient de Grèce, où l'on pense que les coupables, s'ils sont rituellement purifiés, sont débarrassés de leurs actes impies. Pélée purifia le petit-fils d'Actor; Pélée lui aussi fut lavé [2,40] par Acaste du meurtre de Phocus dans les eaux d'Hémonie. Égée trop crédule accorda une aide qu'elle ne méritait pas à la Phasidienne transportée dans les airs par un attelage de dragons. Le fils d'Amphiaraüs dit à l'Acheloüs, fleuve de Naupacte: "Délivre-moi de mon crime", et le fleuve le purifia de son crime. 45 Ah! Vous êtes trop indulgents, vous qui pensez que l'eau d'un fleuve peut effacer de funestes crimes de sang! Toutefois, pour t'éviter une erreur en ignorant l'ordre ancien des mois, sache que jadis, comme aujourd'hui, le premier mois fut celui de Janus. Celui qui suit Janus a été le dernier de la vieille année; [2,50] et toi aussi, Terminus, tu marquais la fin des rites sacrés. En effet, le mois de Janus est le premier, la porte occupant la première place; le mois consacré aux Mânes d'en bas était placé au plus bas de la série. On pense que plus tard ces mois séparés d'abord par un long intervalle se sont succédé sans interruption, par décision des décemvirs. 55 Au commencement du mois, la voisine de la mère de Phrygie, Junon Sospita, est réputée avoir reçu un nouveau sanctuaire. Où se trouve actuellement ce temple consacré à la déesse lors de ces Calendes? La suite infinie des jours l'a fait s'écrouler. Notre chef sacré a veillé avec un soin attentif [2,60] à éviter aux autres temples une semblable ruine. Sous son règne, point de décrépitude pour les sanctuaires; non content de s'attacher les hommes, il s'attache aussi les dieux. Bâtisseur de temples, auguste restaurateur de temples, puisses-tu recevoir des dieux la même sollicitude. 65 Puissent les dieux du ciel t'accorder autant d'années que tu leur en assures et puissent-ils monter la garde devant ta demeure. Ce jour voit aussi une célébration au bois voisin d'Helernus, là où le Thybris venu de l'étranger cherche à gagner la mer. Au sanctuaire de Numa, au dieu Tonnant du Capitole, [2,70] et en haut de la citadelle de Jupiter, on sacrifie un mouton de deux ans. Souvent l'éther voilé de nuages provoque de fortes pluies ou bien la terre disparaît sous la neige qui la recouvre. Le lendemain, lorsque Titan, prêt à gagner les eaux d'Hespérie, délivrera ses chevaux de pourpre de leurs jougs précieux, 75 quelqu'un, durant la nuit, dira en levant son visage vers le ciel: "Où se trouve aujourd'hui la Lyre qui brillait hier?" Et, cherchant la Lyre, il remarquera que la croupe du Lion aussi s'est soudain enfoncée à moitié dans les eaux limpides. Le Dauphin, que tu voyais naguère tout serti d'étoiles, [2,80] fuira tes regards au cours de la nuit suivante: soit qu'il ait été le messager efficace d'amours secrètes, ou qu'il ait transporté la lyre de Lesbos et son maître. Quelle mer ne connaît pas Arion, quelle terre l'ignore? Par son chant il retenait le cours des eaux. 85 Souvent sa voix a retenu le loup à la poursuite d'une agnelle; souvent l'agnelle, qui fuyait le loup avide, s'est arrêtée; souvent chiens et lièvres se sont couchés à l'ombre du même arbre et la biche s'est dressée sur un rocher, tout près de la lionne; sans se quereller, la corneille jacasseuse et la chouette de Pallas [2,90] se sont posées côte à côte, et la colombe a rejoint l'épervier. On dit que souvent, ô harmonieux Arion, tes mélodies ont stupéfié la déesse du Cynthe tout autant que les chants de son frère. Le nom d'Arion avait empli toutes les ondes de Sicile, et les sons de sa lyre avaient séduit les rivages d'Ausonie. 95 Alors, voulant rejoindre son pays, Arion s'embarqua sur un navire, emportant les richesses que lui avait acquises son art. Peut-être, malheureux, redoutais-tu les vents et les flots: mais la mer était pour toi un refuge plus sûr que ton bateau. C'est que, en effet, le pilote dégaina son épée et se dressa, [2,100] armes à la main, avec les autres matelots, ses complices. À quoi te sert ce glaive? Nautonier, mène ta barque qui dérive: tes doigts ne sont pas faits pour tenir des armes de cette sorte! Arion, blanc de peur, dit: "Je ne vous implore pas de m'éviter la mort, mais, permettez-moi de prendre ma lyre et de jouer quelques notes". 105 On lui fait cette faveur, tout en riant du délai qu'on lui accorde; il se ceint d'une couronne qui siérait à ta chevelure, ô Phébus. Il s'était vêtu d'une robe deux fois teinte de pourpre de Tyr; son pouce frappa les cordes qui rendirent leurs sons comme le cygne qui chante sa mélodie plaintive [2,110] lorsqu'une flèche cruelle a traversé sa tête blanche. Ainsi paré, Arion saute aussitôt au milieu des flots; l'eau qu'il remue éclabousse la poupe sombre. Alors - chose incroyable - un dauphin, raconte-t-on, offrit le creux de son dos pour soutenir ce fardeau insolite. 115 Lui, assis et tenant sa cithare, paie son passage en chantant, et son chant apaise les flots de la mer. Les dieux voient les actes pieux: Jupiter accueillit le dauphin parmi les astres et ordonna de lui accorder neuf étoiles. Que je souhaiterais maintenant, ô poète de Méonie, [2,120] avoir comme toi mille voix et le coeur qui te fit célébrer Achille, au moment de chanter les saintes Nones en vers élégiaques: voici un immense honneur qui vient s'ajouter aux Fastes. L'esprit me manque et le sujet m'écrase, outrepassant mes forces: il me faut chanter ce jour d'une voix toute spéciale. 125 Pourquoi ai-je voulu, pauvre fou, imposer à des élégies des faits d'un tel poids? Ce sujet méritait un mètre héroïque. Père sacré de la patrie, c'est le nom que t'attribuèrent le peuple et la curie; nous aussi, les chevaliers, te l'avons donné. Mais l'histoire avait pris les devants: tes vrais titres, tu les as portés tard, [2,130] toi qui depuis longtemps déjà étais le père de l'univers. Toi, tu détiens sur terre ce nom que Jupiter possède en haut du ciel: toi, tu es le père des hommes; lui, le père des dieux. Romulus, admets cette évidence: Auguste, en défendant tes remparts, les rend majestueux; toi, tu avais laissé Rémus les franchir. 135 Ta domination, seuls Tatius et la modeste Cures et Cénina l'ont ressentie; lui dirige sous bannière romaine les deux versants que visite le soleil. Toi, tu régnais sur je ne sais quel coin de terre conquise; César possède tout le territoire qui s'étend sous le ciel de Jupiter. Toi, tu enlèves des femmes; lui veut sous son règne des épouses chastes. [2,140] Toi tu as fait d'un bois sacré un asile pour le crime; lui a banni le crime. Toi, tu as prisé la violence; sous César, les lois sont florissantes. Toi, on t'appelle maître; lui porte le nom de prince. Toi, Rémus t'incrimine; lui a accordé son pardon à ses ennemis. C'est ton père qui t'a fait dieu; lui a fait de son père un dieu. 145 Déjà l'enfant de l'Ida émerge jusqu'à mi-corps et déverse ses eaux limpides mêlées de nectar. Et maintenant, qu'il se réjouisse celui qui d'habitude redoutait Borée: les zéphyrs envoient un air plus doux. Pour la cinquième fois, Lucifer aura fait surgir des ondes marines [2,150] son étoile éclatante, et ce sera le début du printemps. Ne t'y trompe pas pourtant, des frimas persistants t'attendent, et tout en s'éloignant, l'hiver a laissé bien des marques. Que passent encore trois nuits; et aussitôt tu apercevras que le Gardien de l'Ourse a dévoilé ses deux pieds. 155 Parmi les Hamadryades, dans la compagnie de Diane chasseresse, Callisto faisait partie de son choeur sacré. Touchant l'arc de la déesse, elle dit: "Arc que nous touchons, sois témoin de ma virginité". La déesse du Cynthe la félicita et dit: "Tiens ta promesse et ton engagement, [2,160] ainsi tu seras la première de mes suivantes". Et elle aurait respecté son engagement, si elle n'avait été belle. Elle se garda des hommes; sa faute lui vint de Jupiter. Après avoir chassé mille bêtes sauvages dans les bois, Phébé rentrait, à l'heure où soleil avait parcouru la moitié de la journée ou plus encore; 165 lorsqu'elle parvint au bois sacré (un bois sombre, planté d'yeuses, avec en son milieu une profonde fontaine d'eau fraîche), elle dit: "Baignons-nous ici, dans le bois, vierge de Tégée!" Au mot 'vierge', qui sonnait faux, Callisto rougit. Phébé s'était aussi adressée aux Nymphes, qui déposent leurs voiles; [2,170] Callisto honteuse traînaille et laisse voir son malaise. Elle avait enlevé sa tunique, et avec son ventre manifestement rebondi elle se trahit elle-même en révélant sa grossesse. La déesse lui dit: "Fille parjure de Lycaon, quitte notre troupe de vierges, et ne souille pas ces eaux chastes!" 175 La lune de ses cornes avait empli pour la dixième fois un nouveau cercle: celle que l'on avait crue vierge était devenue mère. Blessée, Junon est furieuse et métamorphose la jeune fille. Que fais-tu? C'est d'un coeur réticent qu'elle a subi Jupiter! Et dès qu'elle vit sa rivale avilie sous les traits d'une bête, [2,180] Héra dit: "Jupiter, va donc étreindre cette créature!" Dans les montagnes sauvages errait une ourse répugnante, que naguère avait aimée le grand Jupiter. L'enfant conçu par ruse vivait déjà son troisième lustre quand la mère fut mise en présence de son fils. 185 Comme si elle le reconnaissait, elle resta interdite, hors d'elle, et gémit: ses gémissements traduisaient des paroles de mère. L'enfant ignorant l'aurait transpercée d'un trait acéré, si tous deux n'avaient été enlevés vers les demeures célestes. Voisines, ces constellations brillent. Nous appelons la première Arctos, [2,190] Arctophylax a l'aspect de quelqu'un qui suit, derrière son dos. La Saturnienne est toujours en colère et demande à la blanche Téthys de ne pas laisser l'Ourse du Ménale toucher ses eaux ni s'y baigner. Le jour des Ides les autels de l'agreste Faunus fument, là où une île brise et sépare les eaux du Tibre. 195 C'est ce jour-là que, sous les coups des Véiens, sont tombés les trois cent six Fabii. Une seule maison s'était chargée de la défense de la Ville: ces mains d'une même famille prennent les armes, comme promis. Une troupe généreuse sort d'un même camp; [2,200] de ces hommes, chacun eût pu être le chef. Il existe une voie très proche de l'arcade droite de la porte Carmentale; qui que tu sois, n'y passe pas: l'endroit porte malheur. La tradition rapporte que les trois cents Fabii sont sortis par là. La porte n'est pas fautive; elle est pourtant de mauvais présage. 205 Dès qu'ils eurent d'un pas rapide atteint le torrentueux Crémère (qui, suite aux pluies d'hiver, roulait des flots tumultueux), ils y établissent leur camp. Brandissant leurs épées, ils traversent les rangs tyrrhéniens, en livrant un combat acharné; on aurait dit des lions de Libye fonçant sur des troupeaux [2,210] dispersés dans l'immensité des campagnes. Les ennemis fuient en tous sens et reçoivent dans le dos des blessures qui les déshonorent: la terre est rouge de sang étrusque. À nouveau ils tombent, et ainsi à maintes reprises; comme ils n'arrivent pas à vaincre ouvertement, ils préparent une embuscade, cachant des armes. 215 Il y avait une plaine, fermée à ses extrémités par des collines boisées, où pouvaient se cacher les bêtes vivant sur ces hauteurs. Au centre, ils laissent quelques hommes et quelques bêtes, le reste de la troupe attend cachée derrière des broussailles. Voici que, tel un torrent grossi par des eaux de pluie [2,220] ou de la neige fondante s'écoulant à la tiédeur du zéphyr, tel un torrent emporté à travers champs et routes et ne contenant plus ses eaux dans les limites normales de ses rives, les Fabii gagnent toute la vallée, se déploient largement de tous côtés, et abattent tout ce qu'ils voient, sans autrement éprouver de crainte. 225 Où courez-vous, nobles gens? Vous avez tort de vous fier à l'ennemi. Noblesse trop confiante, garde-toi des traits perfides! La vaillance est vaincue par la ruse: les ennemis se ruent dans la plaine ouverte de tous côtés et en occupent tout le tour. Que pourraient faire quelques braves contre des milliers d'hommes ? [2,230] Ou quelle aide attendre en un moment si désespéré? Tel un sanglier que traquent au fond des bois les aboiements des chiens rapides et qui, de son boutoir foudroyant, les fait fuir mais bientôt périt, ainsi les Fabii meurent tout en se vengeant, et tour à tour on assène et on subit des coups. 235 En un seul jour, tous les Fabii étaient partis à la guerre, un seul jour vit périr ces hommes partis à la guerre. Mais on peut croire que les dieux eux-mêmes ont voulu que subsiste la descendance de cette famille née d'Hercule. En effet, un enfant impubère et trop jeune encore pour porter les armes, [2,240] fut le seul de la famille Fabia à rester vivant; sans doute pour te permettre de naître un jour, Maximus, toi qui, en temporisant, devais rétablir notre situation. Trois constellations se situent en enfilade, le Corbeau, le Serpent, et au centre, se cachant entre eux deux, la Coupe. 245 Le jour des Ides, elles restent cachées, et se lèvent la nuit suivante. Mon poème te dira la cause qui lie ainsi ces trois signes. Un jour, Phébus préparait une fête annuelle en l'honneur de Jupiter (notre anecdote ne nous retardera guère): "Va, oiseau cher à mon coeur", dit-il, "ne retardons pas les rites pieux, [2,250] et apporte-moi un peu d'eau provenant d'une source vive". Le corbeau, de ses pattes crochues, saisit une coupe dorée et l'emporte, s'envolant bien haut pour traverser les airs. Un figuier se dressait, tout chargé de fruits encore verts; Le corbeau y porte son bec: ils n'étaient pas mûrs pour être cueillis. 255 On raconte que, oublieux de l'ordre reçu, il s'installa sous l'arbre, attendant que les fruits aient tout le temps de mûrir. Une fois repu, il saisit dans ses serres crochues un long serpent, rentre chez son maître et lui fait ce rapport mensonger: "Voici la cause de mon retard, cet occupant des eaux vives, [2,260] qui gardait la source et m'entrava dans ma mission". "Tu ajoutes un mensonge à ta faute", dit Phébus, "et tes paroles ont l'audace de vouloir tromper le dieu devin? Désormais, tant que la figue laiteuse restera attachée à son arbre, tu ne boiras pas, toi, l'eau fraîche d'aucune source". 265 Il parla et, perpétuant ces souvenirs d'un fait ancien, le Serpent, l'Oiseau et la Coupe, liés entre eux, scintillent au firmament. La troisième Aurore après les Ides, on voit les Luperques nus et les fêtes sacrées se dérouler en l'honneur de Faunus le cornu. Piérides, dites-moi l'origine de ces rites, d'où viennent-ils [2,270] et comment ont-ils atteint les demeures des Latins? On dit que Pan, dieu du troupeau, était vénéré chez les anciens Arcadiens; il était partout présent sur les sommets d'Arcadie. En témoigneront le mont Pholoé et les ondes du Stymphale, le Ladon qui en flots rapides court vers la mer, 275 les hauteurs du bois de Nonacris, entourées de pinèdes, et la fière Tricrènè ainsi que les neiges de Parrhasie. Là, Pan était le dieu du bétail, Pan était le dieu des cavales, il recevait une offrande pour assurer le salut des brebis. Évandre amena avec lui ces divinités sylvestres: [2,280] là où est la Ville actuelle, il n'y avait alors que son emplacement. C'est pourquoi nous célébrons ce dieu et les rites amenés par les Pélasges: le flamen Dialis était présent à ce rituel, en vertu d'une loi antique. Pourquoi donc, demandes-tu, courent-ils ainsi, posant leurs vêtements et se présentant tout nus? Car c'est ainsi qu'on les voit d'habitude. 285 Le dieu lui-même, véloce, aime courir sur les hauteurs, et c'est lui aussi qui provoque les fuites soudaines. Le dieu, qui est nu, veut que ses servants soient nus; et un vêtement serait bien incommode pour courir. Avant la naissance de Jupiter, les Arcadiens, dit-on, [2,290] possédaient la terre, et cette nation exista avant la Lune. La vie, que nul usage n'avait troublée, ressemblait à celle des bêtes; les gens étaient encore inexpérimentés en art et incultes. Pour maisons, ils avaient les feuillages; pour moissons, les herbes sauvages; l'eau qu'ils puisaient de leurs deux mains était leur nectar. 295 Nul taureau ne s'essoufflait à tirer le soc recourbé, nulle terre n'était assujettie à un laboureur. À cette époque, on n'usait point du cheval; on se portait soi-même. La brebis gardait la laine qui lui enveloppait le corps. On vivait à la belle étoile, et chacun se déplaçait, le corps nu, [2,300] aguerri et supportant averses et vents pénibles. Maintenant encore, les Luperques sans vêtements rappellent l'antique coutume et témoignent des ressources anciennes. Mais pourquoi principalement Faunus évite-t-il les vêtements? Une anecdote ancienne, pleine de sel, nous l'explique. 305 Un jour, le jeune Tirynthien accompagnait sa maîtresse; Faunus, du haut d'un mont, les aperçut tous deux. Il les vit, s'enflamma et dit: "Divinités de la montagne, plus rien ne me lie à vous: voici désormais l'objet de mon ardeur". La Méonienne s'avançait, ses cheveux parfumés sur les épaules, [2,310] attirant les regards avec son vêtement tissé d'or. Elle était cependant à l'abri des chauds rayons du soleil, grâce à Hercule, qui tenait dans sa main une ombrelle dorée. Déjà elle rejoignait le bois de Bacchus et les vignes de Tmole, tandis qu'Hespérus, humide de rosée, s'avançait sur son cheval sombre. 315 Omphale pénètre dans une caverne tapissée de tuf et de roche vive; tout près de l'entrée coulait un ruisseau au doux gazouillis. Tandis que ses serviteurs préparent repas, vins et boissons, elle revêt l'Alcide de ses propres atours. Elle lui tend ses tuniques légères, teintes de pourpre de Gétulie, [2,320] elle lui passe la souple ceinture qui à l'instant lui serrait la taille. La ceinture est trop courte; Hercule donne du jeu aux attaches pour laisser le passage à ses grandes mains; il avait cassé les bracelets, qui n'étaient pas adaptés à ses bras et ses énormes pieds rompaient les fines lanières des sandales. 325 De son côté, elle prend la lourde massue, la dépouille de lion et les plus petits des traits enfouis dans leur carquois. Ainsi parés, ils prennent leur repas, puis livrent leurs corps au sommeil; ils avaient posé les lits côte à côte et reposaient séparément: la raison en était qu'ils préparaient en l'honneur de l'inventeur de la vigne [2,330] un sacrifice qu'ils accompliraient, au lever du jour, en état de pureté. Il était près de minuit. À quelle audace renonce un amour sans retenue? Dans l'obscurité, Faunus parvint à l'antre humide; voyant leurs compagnons abîmés dans le sommeil et le vin, il se met à espérer que les maîtres connaissent la même torpeur. 335 L'amoureux entre et erre un peu au hasard; prudemment il tend les mains en avant et progresse à tâtons. Il était parvenu à la couchette convoitée du lit de repos, et, dès sa première tentative, était près d'atteindre son bonheur; touchant la toison du lion fauve hérissée de poils, [2,340] il prit peur et retint sa main; épouvanté de frayeur, il recula, comme souvent un voyageur retire son pied quand il se trouble à la vue d'un serpent. Alors, il touche les étoffes délicates du lit voisin, et se laisse abuser par cet indice trompeur; 345 il monte et se couche sur le lit tout proche de lui; son membre gonflé était plus dur qu'une corne. Entre-temps il relève les tuniques à partir du bas: des jambes rugueuses apparaissent hérissées de poils. Faunus tentant d'autres gestes, le héros de Tirynthe le repoussa brusquement, [2,350] et le fit tomber du haut du lit. Un bruit retentit; la Méonienne appelle ses suivants, demande de la lumière; on apporte des torches; les faits sont manifestes. Faunus, projeté avec force du haut du lit, pousse un gémissement et a bien du mal à se relever de la terre dure. 355 Alcide rit, de même rient ceux qui l'ont vu à terre, la jeune femme de Lydie se rit aussi de son amoureux. Abusé par un vêtement, le dieu n'aime pas les vêtements trompeurs et invite des hommes nus à célébrer son culte. À ces causes étrangères, ô ma muse, ajoute des causes latines, [2,360] et fais courir notre coursier dans la poussière qui est la sienne. C'est la coutume d'immoler une jeune chèvre à Faunus aux pieds cornus, et la foule arrive, invitée à un modeste repas. Et tandis que, vers le milieu du jour, les prêtres préparent la fressure l'enfilant sur des piques de saule, Romulus, son frère 365 et les jeunes bergers exposaient leurs corps nus dans la plaine ensoleillée. Maniant cestes et javelots, lançant de lourdes pierres, ils s'amusaient à éprouver la force de leurs bras. D'une hauteur, un berger dit: "Romulus, Rémus, là-bas, à l'écart, [2,370] dans la campagne, des brigands emmènent vos boeufs". S'armer eût pris trop de temps: tous deux s'en vont en sens opposés et Rémus tombe sur le butin qu'il récupère. Sitôt revenu, il retire des broches la fressure qui grésille et dit: "Assurément, personne, sinon le vainqueur, ne la mangera". 375 Il fait ce qu'il a dit et les Fabii de même. Romulus, sans avoir rien pris, rentre et aperçoit les tables et les os tout pelés. Il rit mais supporte mal la victoire des Fabii et de Rémus, tandis qu'échouaient ses compagnons, les Quintilii. Le souvenir de cet incident subsiste: les Luperques courent sans vêtements, [2,380] et cet heureux événement se perpétue dans les mémoires. Peut-être voudrais-tu savoir pourquoi cet endroit s'appelle Lupercal, ou bien pour quelle raison ce jour est lié à un tel nom. La Vestale Silvia avait mis au monde des rejetons divins, au temps où son oncle paternel occupait le trône royal. 385 Celui-ci ordonne d'enlever les petits et de les noyer dans le fleuve. Que fais-tu? L'un de ces deux enfants deviendra Romulus! Les serviteurs accomplissent avec réticence ces ordres consternants, et tout en pleurant, ils emportent pourtant les jumeaux à l'endroit indiqué. L'Albula, qui devint le Tibre le jour où Tibérinus se noya dans ses eaux, [2,390] était précisément tout gonflé par les eaux hivernales. En cet endroit où maintenant se trouvent les Forums, là où s'étend ta vallée Grand Cirque, on aurait pu voir des barques errantes. Une fois là, n'ayant pu s'approcher davantage, les serviteurs, tour à tour, disent: "Quelle ressemblance! 395 Mais, comme ils sont beaux tous les deux! Cependant, des deux, celui-ci a plus de force. Si la naissance se déduit du visage, si l'apparence n'est pas trompeuse, je présume qu'un dieu, je ne sais lequel, est en vous. Pourtant si un dieu était responsable de votre naissance, [2,400] il vous porterait secours, en une circonstance si périlleuse; votre mère sûrement vous aiderait, si elle-même n'était démunie, elle qui, le même jour, devint mère et fut privée de ses enfants. Nés ensemble, destinés à mourir ensemble, sombrez ensemble sous les flots!" Il se tut et écartant les enfants de sa poitrine, il les déposa. 405 Tous deux vagissent en même temps: on eût dit qu'ils avaient compris. Les serviteurs rentrent chez eux, les joues humides de larmes. L'auge creuse contenant les bébés exposés se maintient à la surface de l'onde; hélas, quelle destinée ce modeste berceau a portée! Poussée vers un bois épais, l'auge se pose dans la vase [2,410] tandis que progressivement le fleuve se retire. Il y avait un arbre - des vestiges en subsistent -: et le figuier appelé aujourd'hui Ruminal était le figuier dit de Romulus. Miracle! Une louve féconde arriva près des jumeaux abandonnés. Qui croirait que cette bête sauvage ne malmena point les enfants? 415 Elle fut loin de leur nuire, et même elle les aida; des proches avaient entrepris de perdre les nourrissons de la louve. La bête s'arrête; de la queue elle caresse les tendres nouveau-nés et effleure de la langue leurs deux petits corps. À l'évidence, ils étaient nés de Mars: ils n'avaient pas peur. Trouvant les mamelles, [2,420] ils se nourrissent d'un lait qui ne leur avait pas été destiné. La louve donna son nom à cet endroit, qui donna le sien aux Luperques: la nourricière fut bien récompensée pour avoir donné son lait. Mais qui empêcherait les Luperques de tirer leur nom d'un mont d'Arcadie? Faunus possède un temple en Arcadie, sous le vocable de Lycaeus. 425 Jeune épousée, qu'attends-tu? Ce ne sont pas des herbes efficaces, ni la prière ni une incantation magique qui te rendront mère; endure patiemment les coups d'une main qui te fécondera: bientôt ton beau-père portera le titre envié de grand-père. Car il fut un temps où les femmes mariées, par un sort cruel, [2,430] mettaient au jour très peu de gages de tendresse nés de leurs entrailles. "À quoi me sert-il d'avoir enlevé les Sabines?", s'écriait Romulus, au temps où il détenait le sceptre, "si mon acte injuste m'a valu la guerre, et non des renforts? Mieux eût valu n'avoir pas de brus." 435 Au pied du mont Esquilin, un bois sacré, qu'on n'avait pas taillé des années durant, était dédié à la grande Junon. Un jour, des épouses et leurs maris arrivèrent à cet endroit et, ensemble, genoux fléchis, ils se prosternèrent en suppliants; alors, soudainement, les cimes des arbres se mirent à bouger et à trembler, [2,440] et la déesse énonça à travers les bois ces paroles étonnantes: "Mères d'Italie, qu'un bouc sacré vous pénètre", dit-elle. La foule, effrayée, resta stupéfaite devant cette phrase ambiguë. Un augure, dont le nom s'est perdu au fil des ans, était arrivé récemment, exilé de la terre d'Étrurie. 445 Il sacrifie un bouc: sur son ordre, les jeunes filles offraient leurs dos pour qu'on les frappât à l'aide de la peau de bouc découpée en lanières. La lune lors de son dixième tour reformait son croissant, et soudain, le mari devint père, et l'épouse, mère. On rendit grâces à Lucina: c'est le bois sacré qui te valut ce nom, [2,450] ou est-ce parce que tu détiens, ô déesse, la source de la lumière. Protège, je t'en prie, bienveillante Lucina, les filles enceintes, et de leur sein extrais en douceur leur fardeau parvenu à maturité. Lorsque le jour se sera levé, cesse pour ta part de te fier aux vents. La brise de cette saison n'est pas digne de confiance. 455 Les vents ne sont pas constants, et, sans verrou durant six jours, la porte de la prison d'Éole est large ouverte. Déjà le Verseau, léger grâce à son urne inclinée, s'est couché. Poisson, qui es tout proche, accueille les chevaux de l'éther. Selon la tradition, (car vos signes scintillent à l'unisson), [2,460] ton frère et toi avez soutenu deux dieux sur vos dos. Jadis, Dioné, fuyant le terrible Typhon, en ce temps où Jupiter prit les armes pour défendre le ciel, parvint à l'Euphrate avec son petit Cupidon et s'assit au bord du fleuve de la Palestine. 465 Les peupliers et les joncs occupaient le haut des berges, et les saules leur laissaient l'espoir de trouver aussi un abri. Pendant que Vénus se cache, le bruit du vent emplit le bois: pâle de frayeur, elle croit qu'une troupe d'ennemis s'approche. Et serrant son enfant sur son coeur, elle dit aussitôt: [2,470] "Nymphes, accourez, et portez secours à deux divinités!" Et, sans attendre, elle plongea. Deux Poissons jumeaux vinrent à son aide: c'est pourquoi maintenant, comme tu vois, des astres portent leur nom. Depuis lors, présenter du poisson au repas est sacrilège chez les Syriens, qui craignent de souiller leurs bouches avec ce genre de mets. 475 Le lendemain est libre, mais le surlendemain est consacré à Quirinus. Celui-ci porte ce nom (précédemment, il s'appelait Romulus), soit parce que, chez les anciens Sabins, la lance se disait curis, et que grâce à cette arme ce dieu belliqueux put rejoindre les astres; soit parce que les Quirites donnèrent leur nom à leur roi, [2,480] soit parce qu'il aurait réuni Cures au territoire des Romains. En effet, lorsque le puissant dieu des armes vit les nouveaux remparts et toutes les guerres remportées par le bras de Romulus, il dit: "Jupiter, la puissance romaine dispose de ses propres forces: elle n'a pas plus besoin des services de l'être né de mon sang. 485 Rends à un père son enfant: bien que mon autre fils ait disparu, pour moi, le survivant sera à la fois lui-même et Rémus. Tu m'as dit toi-même: 'Tu auras un fils, un seul que tu enlèveras dans l'azur du ciel'; que s'accomplisse la parole de Jupiter". Jupiter avait marqué son approbation: d'un signe de tête, [2,490] il fit trembler les deux pôles et Atlas sut combien pesant était le ciel. Il est un lieu, que les anciens ont appelé le Marais de la Chèvre: c'est là précisément, Romulus, que tu rendais la justice à tes sujets. Le soleil disparaît, des nuages s'avancent, qui dissimulent le ciel, et une averse s'abat lourdement, avec des torrents d'eau. 495 Ici gronde le tonnerre; là, des éclairs répétés déchirent l'éther; sauve-qui-peut général; le roi gagnait le ciel sur les chevaux de son père. On pleurait, et les sénateurs furent à tort accusés de meurtre, et peut-être cette croyance se serait-elle incrustée dans les esprits, mais Julius Proculus arriva d'Albe-la-Longue; [2,500] la lune brillait, et point n'était besoin de torche; soudain, la haie sur sa gauche fut agitée d'un tremblement. Il retint ses pas; ses cheveux se hérissèrent. Beau, plus grand que nature, et paré de son manteau royal, Romulus lui apparut au milieu du chemin 505 et il lui dit aussitôt: "Empêche les Quirites de pleurer sur moi; que leurs larmes n'outragent point ma divine volonté. Que la foule pieusement apporte de l'encens et honore le nouveau Quirinus, que l'on cultive les arts des ancêtres et la vie militaire". Il donna ses ordres et disparut de leur vue, dans l'air léger. [2,510] Proculus convoque les citoyens et rapporte les ordres qu'il a reçus. On élève un temple au dieu; une colline aussi porte son nom, et à date régulière, des jours de fête ramènent les rites ancestraux. Voici pourquoi ce même jour s'appelle aussi la Fête des Sots: la cause est sans doute bien minime, mais cohérente. 515 Sur la terre des anciens, les gens n'étaient pas instruits: de rudes guerres épuisaient l'énergie de ces hommes. Le glaive était plus à l'honneur que ne l'était l'araire recourbé; le champ négligé rapportait peu à son propriétaire. Pourtant les anciens semaient l'épeautre, moissonnaient l'épeautre, [2,520] et l'épeautre récolté, ils l'offraient en prémices à Cérès. Instruits par l'usage, ils le confièrent aux flammes pour le torréfier, mais, par leur propre faute, subirent de nombreux dommages. Tantôt en balayant, ils recueillaient des cendres noires en lieu de blé, tantôt les flammes ravageaient même leurs huttes. 525 Fornax devient une déesse: confiants en Fornax, les paysans la supplient de protéger leurs récoltes. De nos jours, le Grand Curion fixe les Fornacalia par une proclamation légale, sans en faire une fête fixe; Et tout autour du Forum, sur de nombreux écriteaux suspendus, [2,530] une marque spéciale signale l'emplacement de chaque curie. Ceux qui, dans le peuple, sont des sots, ne connaissent pas leur curie, et accomplissent la cérémonie qu'ils reportent au dernier jour. On honore aussi les tombeaux, en apaisant les âmes des ancêtres, et en déposant de menues offrandes sur les monuments funéraires. 535 Les Mânes n'exigent que peu de choses: la piété leur est plus précieuse qu'un riche présent: le Styx en ses profondeurs n'abrite pas de dieux avides. Ils se satisfont d'une tuile couronnée d'une guirlande votive, de grains épars, d'une simple pincée de sel, de pain trempé dans du vin et de violettes éparpillées: [2,540] Un tesson d'argile laissé au milieu du chemin peut contenir ces offrandes. Je n'en interdis pas de plus riches, mais celles-ci suffisent à fléchir les ombres: dresse un foyer, et puis prononce les prières et les formules adéquates. Cette coutume, c'est Énée, modèle avéré de piété, qui l'a introduite dans ton pays, équitable Latinus. 545 Chaque année, il apportait des offrandes au Génie de son père; c'est de lui que les populations ont appris ces rituels pieux. Mais un jour, tandis que nos armées farouches menaient de longues guerres, on oublia les jours des Morts. Et ce ne fut pas impunément. Suite à cette négligence funeste, [2,550] Rome vit s'embraser, dit-on, les bûchers de ses faubourgs. Certes, j'ai peine à le croire: nos aïeux seraient sortis des tombeaux, emplissant de leurs plaintes le silence de la nuit; et, à travers les rues de la Ville et dans les campagnes, la foule vaine des âmes inconsistantes se serait mise à hurler. 555 On rend alors aux tombeaux les honneurs des temps anciens, les prodiges et funérailles ne sortent plus de la norme. Pendant la durée de ces cérémonies, prenez patience, jeunes veuves: le flambeau de pin nuptial doit attendre des jours purs; et toi, que ta mère avide juge mûre pour le mariage, [2,560] ne laisse pas la lance recourbée coiffer ta chevelure virginale. Cache tes flambeaux, Hyménée, tiens-les à l'écart des torches funèbres: aux lugubres tombeaux conviennent d'autres torches. Qu'on dissimule les dieux derrière les portes closes des temples, que leurs autels soient privés d'encens, et leurs foyers de feu. 565 En ces jours, âmes ténues et corps des défunts errent près des tombeaux, c'est le moment où l'ombre se repaît des mets posés devant elle. Toutefois, ces cérémonies ne durent pas au-delà du nombre des jours restants du mois égal au nombre de pieds que comptent mes vers. On appela ce jour Feralia, parce qu'on apporte les offrandes requises: [2,570] c'est le tout dernier jour où l'on peut apaiser les Mânes. Voilà qu'une vieille chargée d'ans, assise parmi des jeunes filles, offre un sacrifice à Tacita, ayant elle-même du mal à se taire; avec trois doigts, elle pose sur le seuil trois grains d'encens, à un endroit où une petite souris s'est frayé un chemin secret. 575 Ensuite elle attache à l'aide de plomb sombre des cordons enchantés et tourne sept fèves noires dans sa bouche; puis, après avoir figé dans la poix et transpercé avec une aiguille de bronze la tête d'une mendole, elle la recoud et la fait griller dans le feu, en y versant quelques gouttes de vin. Tout ce qui reste de vin, [2,580] elle et ses compagnes le boivent, mais elle surtout. "Nous avons lié les langues hostiles et les bouches ennemies", dit la vieille en s'éloignant, puis elle s'en va, éméchée. Dans la foulée, tu nous demanderas qui est la déesse Muta: Apprends ce que m'ont fait connaître des vieillards très âgés. 585 Jupiter, sous l'emprise d'un amour effréné pour Juturne, essuya de nombreux affronts, intolérables pour un si grand dieu: tantôt elle se cachait dans les bois, parmi les noisetiers, tantôt elle sautait dans les eaux, qui étaient de sa famille. Lui convoque toutes les nymphes du Latium, [2,590] et au milieu de leur choeur lance ces paroles: "Votre soeur se nuit à elle-même et fait fi de l'avantage d'avoir à partager la couche du dieu suprême. Pensez à notre intérêt commun: ce qui me sera grande volupté sera aussi pour votre soeur d'une grande utilité. 595 Vous, arrêtez-la, quand elle s'enfuit le long de la rive, empêchez-la de plonger dans l'eau du fleuve." Il avait parlé; toutes les nymphes du Tibre avaient acquiescé, et aussi celles qui occupent ta chambre nuptiale, divine Ilia. Il y avait justement une naïade, nommée Lara; mais son ancien nom [2,600] était constitué de sa première syllabe prononcée deux fois, nom que lui avait valu son défaut. Souvent l'Almo lui avait dit: "Petite, tiens ta langue". Et pourtant elle ne la tint pas. Dès qu'elle rejoignit le lac de sa soeur Juturne, elle dit: "Quitte ces rives!", en lui rapportant les paroles de Jupiter. 605 Elle alla même trouver Junon, et s'apitoyant sur les épouses, elle dit:"Ton mari aime la naïade Juturne". Jupiter est gonflé de colère, et pour l'usage immodéré qu'elle en avait fait il lui arracha la langue, puis il appela Mercure: "Conduis-la chez les Mânes - un lieu qui convient aux Silencieux -; [2,610] elle est nymphe, mais elle sera la nymphe du marais infernal". Les ordres de Jupiter s'accomplissent. En chemin un bois sacré les accueille: alors, dit-on, la nymphe parut désirable à son guide divin. Il est prêt à abuser d'elle; faute de mots, elle le supplie du regard, et s'efforce en vain de faire parler sa bouche muette. 615 Enceinte, elle engendre des jumeaux, les Lares, qui éternellement protègent les carrefours et veillent sur notre ville. Les parents chéris ont donné leur nom aux 'Caristia' du lendemain, et les proches en foule viennent visiter les dieux familiaux. Assurément, en quittant les tombeaux et les proches décédés, [2,620] il est agréable de reporter aussitôt ses regards sur les vivants, et, après tant de proches disparus, d'observer ce qui reste de son sang, et de dénombrer les générations de sa famille. Que s'approchent des gens sans souillure: loin d'ici, oui, loin d'ici, le frère impie et la mère cruelle envers sa progéniture, 625 celui qui trouve son père trop vif ou qui compte les années restant à sa mère, la belle-mère inique qui opprime une bru détestée. Qu'ils s'écartent les frères descendant de Tantale, et l'épouse de Jason, et celle qui donna aux campagnards des graines brûlées, et Procné et sa soeur, et Térée inique à leur égard à toutes deux, [2,630] et quiconque a accru ses richesses grâce à un crime. Bonnes gens, offrez de l'encens aux dieux de la famille: C'est ce jour-là surtout, dit-on, qu'est présente la douce Concorde; offrez en libation des mets, afin que, gage d'un honneur qu'ils agréent, la patelle envoyée nourrisse les Lares à la tunique retroussée. 635 Et déjà, quand la nuit humide invitera le doux sommeil, vous disposant à prier, prenez du vin d'une main généreuse, et dites: "Soyez heureux vous, sois heureux, toi, excellent César, père de la patrie!" Que ces bonnes paroles se mêlent à des flots de vin. Lorsqu'une nuit aura passé, que l'on rende les honneurs habituels [2,640] au dieu qui par sa marque délimite les champs. Terminus, que tu sois une pierre ou une souche enfoncée dans le sol, toi aussi, tu détiens ton pouvoir divin depuis les temps anciens. Deux propriétaires, venant de directions opposées, te couronnent, et t'apportent deux guirlandes et deux gâteaux. 645 On dresse un autel: la paysanne, au creux d'un petit tesson, apporte du feu recueilli dans les cendres tièdes de son foyer. Un vieillard coupe du bois qu'il entasse avec habileté, et se donne du mal pour ficher des branches dans le sol ferme; alors, à l'aide d'une écorce sèche, il suscite les premières flammes; [2,650] un enfant debout tient dans ses mains une large corbeille. Ensuite, lorsqu'il a jeté par trois fois des grains dans le feu, une petite fille tend des tranches de gâteaux de miel. D'autres apportent du vin: chacun en répand une libation sur les flammes. La foule vêtue de blanc regarde et reste silencieuse. 655 La borne commune est aspergée du sang d'un agneau immolé, et Terminus ne se plaint pas lorsqu'on lui offre une truie encore à la mamelle. Les voisins se réunissent, célèbrent simplement un repas, et ils chantent tes louanges, vénérable dieu Terminus: "Oui, tu délimites peuples et villes et immenses royaumes; [2,660] sans toi, tous les champs seraient objet de litige. Tu ne connais pas l'intrigue; l'or ne te corrompt jamais, tu protèges avec une fidélité légale les campagnes qui te sont confiées. Si jadis tu avais marqué de ton signe la terre de Thyrée, trois cents hommes n'auraient pas été envoyés à la mort, 665 et on n'aurait pas lu le nom d'Othryadès sur les armes amoncelées. Oh! Que de sang cet homme n'a-t-il pas donné à sa patrie! Que se passa-t-il lorsque surgit le nouveau Capitole? Assurément, la foule des dieux céda devant Jupiter et lui abandonna le lieu; selon les dires des anciens, Terminus, découvert dans le sanctuaire, résista [2,670] et occupa le temple avec le grand Jupiter. De nos jours encore, pour qu'il ne voie au-dessus de lui rien que les astres, le toit du temple comporte une petite ouverture. Terminus, depuis lors, tu n'es pas libre de te mouvoir: tu dois rester à l'endroit où tu as été placé. 675 De même, ne cède rien si un voisin te sollicite, pour ne pas paraître avoir préféré un humain à Jupiter. Et lorsque te heurteront des socs ou des hoyaux, crie: 'Ce champ-ci est à toi; celui-là est le tien!' " Il est une route qui mène les gens aux champs des Laurentes, [2,680] le royaume recherché autrefois par le chef Dardanien. Là, la sixième borne à compter de la Ville voit s'accomplir un rituel où, Terminus, on te sacrifie le foie d'un agneau laineux. Les autres nations ont un territoire aux frontières bien définies; la Ville de Rome et l'univers ont la même étendue. 685 Maintenant, je dois parler de la fuite du roi. C'est de cela que tire son nom le sixième jour avant la fin du mois. Tarquin était le dernier détenteur du royaume de la nation romaine; homme injuste, il était pourtant un guerrier courageux. Il avait conquis des villes, en avait détruit d'autres [2,690] et s'était approprié Gabies par un artifice honteux. En effet, le plus jeune de ses trois fils, vrai rejeton du Superbe, s'avança, durant le silence de la nuit, parmi les ennemis. Ceux-ci avaient dégainé leurs glaives: "Tuez un homme désarmé", dit-il; ce serait bien ce que souhaitent mes frères et Tarquin, mon père, 695 qui m'a cruellement déchiré le dos à coups de fouet". Pour pouvoir dire cela, il s'était laissé fouetter. La lune était claire: les Gabiens voient le jeune homme, rengainent leurs épées et aperçoivent son dos meurtri de coups, sous le vêtement ôté. En pleurant, ils l'engagent à se défendre avec eux dans une guerre. [2,700] Lui, le rusé, donne son accord à ces hommes inconscients. Et bientôt maître de la situation, il envoie un ami à son père pour demander qu'il lui indique le moyen de perdre Gabies. Il y avait à leurs pieds un jardin magnifique, aux plantes odorantes, coupé par un ruisseau qui murmurait doucement. 705 C'est là que Tarquin reçoit l'appel secret de son fils; à l'aide d'une baguette, il fauche le sommet des lis. Dès que le messager revient et lui parle des lis décapités, le fils dit: "Je comprends les ordres de mon père." Alors, sans attendre, on massacre les notables de la ville de Gabies [2,710] et les remparts, privés de leurs chefs, sont livrés. Voici que, vision sacrilège, du milieu des autels surgit un serpent qui dérobe du foyer éteint la fressure sacrificielle. On consulte Phébus. L'oracle dit ainsi: "Celui qui, le premier, aura donné un baiser à sa mère sera le vainqueur". 715 Chacun s'empressa d'aller embrasser sa mère; la foule est crédule, qui n'a pas compris le dieu. Brutus, sagement, contrefaisait l'idiot, pour se protéger de tes pièges, cruel Superbe. Étendu sur le sol, il baisa sa mère la Terre, [2,720] passant pour avoir trébuché et être tombé. Entre-temps, les enseignes romaines encerclent Ardée et l'on endure les longues attentes d'un siège. Pendant ces moments creux, l'ennemi craignant d'engager le combat, on joue dans le camp; la troupe occupe ses loisirs. 725 Le jeune Tarquin au cours d'un repas arrosé de vin reçoit ses amis; le fils du roi, au milieu d'eux, prend la parole: "Ardée nous occupe et nous retient dans cette guerre sans fin, sans qu'il nous soit possible de reporter nos armes aux dieux de nos pères; pendant ce temps, notre couche conjugale reste-t-elle dans le devoir? [2,730] Et nos épouses ont-elles aussi souci de nous?" Et chacun de vanter sa femme: avec la passion, la rivalité grandit, les vins coulent à flots, échauffant les coeurs et les langues. Celui qui tenait son nom illustre de Collatie se lève: "Foin de paroles, mais des faits!", dit-il. 735 "La nuit n'est pas finie: prenons nos chevaux et gagnons la ville!" Ces paroles sont bienvenues, on harnache les chevaux. Bientôt les maîtres arrivent à destination. Immédiatement, ils gagnent le palais royal: les portes n'en étaient pas gardées. Ils trouvent les brus du roi, tard éveillées devant des coupes de vin, [2,740] tandis que leurs couronnes de fleurs tombaient de leurs cous. Puis, aussitôt, ils se rendent chez Lucrèce. Devant son lit, des corbeilles de laine moelleuse; à la faible lueur d'une lampe, les servantes filaient leur part imposée, et Lucrèce, parmi elles, parlait ainsi, de sa voix douce: 745 "Allons, mes filles, allons, pressons! Maintenant, nous devons envoyer au plus tôt au maître ce manteau fait de notre main. Mais avez-vous appris quelque nouvelle? Vous pouvez savoir mille choses: combien de temps dit-on que durera la guerre? Un jour tu tomberas, tu seras vaincue: tu résistes à plus fort que toi, [2,750] impudente Ardée, qui obliges nos époux à rester loin de nous ! Ah! Puissent-ils être de retour! Mais c'est qu'il est téméraire, mon mari, et il fonce n'importe où, brandissant l'épée. Mon esprit défaille et je meurs, chaque fois que surgit en moi son image de combattant, et un froid glacial gagne mon coeur". 755 Elle termina en pleurant et laissa les fils qu'elle avait tendus et tint son visage incliné sur sa poitrine. Cette pose même l'avantageait: les larmes rehaussaient sa pudeur, ses traits étaient dignes et reflétaient son âme. "Oublie ta peur, viens!", dit son époux. Elle se remit à vivre [2,760] et se suspendit, délicieux fardeau, au cou du héros. Pendant ce temps, le jeune fils du roi ressent une folle passion; il est comme fou, en proie à un désir aveugle. Il s'éprend de la beauté de Lucrèce, de son teint de neige, de ses blonds cheveux, et de son élégance sans artifice; 765 il aime ses paroles et sa voix, et sa fermeté inébranlable; et moins grand est son espoir, plus grand est son désir. Déjà le coq, premier messager de la lumière, avait chanté quand les jeunes gens rentrent au camp. L'image de l'absente hante les sens du prince. [2,770] Pensant à elle, il la trouve de plus en plus aimable: 'c'est ainsi qu'elle était assise et vêtue; elle filait ainsi sa quenouille, ses cheveux rejetés reposaient ainsi sur sa nuque; c'était sa physionomie; voilà ce qu'elle a dit; quel teint! quelle allure! quel visage magnifique! 775 D'habitude les flots retombent après une forte tempête, mais les eaux restent gonflées sous l'effet du vent apaisé; ainsi, même si la beauté aimée était absente, l'amour né de cette présence perdurait. Il brûle, agité par les aiguillons d'une passion illicite. [2,780] "L'issue est incertaine: tentons le tout pour le tout", dit-il. Il est prêt à violenter et à intimider une épouse qui ne méritait pas ce sort. "On verra! La chance et les dieux favorisent les audacieux. C'est l'audace aussi qui nous a fait prendre Gabies". Cela dit, il ceignit son épée et sauta sur son cheval. 785 Le jeune homme arrive à la porte de bronze de Collatie, à l'heure où le soleil déjà se préparait à se voiler la face. Pris pour un hôte, l'ennemi pénètre dans la demeure de Collatin; on l'accueille amicalement: il leur était lié par le sang. Que d'erreurs font les esprits humains! Inconsciente de la situation, [2,790] la malheureuse Lucrèce fait préparer un repas pour son ennemi. Le repas était terminé, l'heure invitait au sommeil, il faisait nuit et dans toute la maison il n'y avait aucune lumière. Sextus se lève, tire son épée de son fourreau doré et se dirige vers ta chambre, épouse pleine de pudeur. 795 Dès qu'il atteignit le lit, le fils du roi dit: "Lucrèce, c'est moi, Tarquin, je suis armé". Elle reste sans réaction; en effet, elle n'a plus ni voix ni force pour parler, ni pensée aucune en sa tête; mais elle tremble, comme une agnelle qu'un loup cruel [2,800] a surprise et terrassée hors de la bergerie. Que faire? Combattre? Une femme qui se bat est vaincue d'avance. Crier? Mais en main il avait une épée qui l'empêcherait de crier. S'échapper ? Des mains posées sur sa poitrine la pressent, sa poitrine, que touchait alors pour la première fois une main étrangère. 805 L'amant ennemi l'accable de prières, de promesses, de menaces. Ni ses prières, ni ses promesses ni ses menaces ne l'ébranlent. "Tu ne peux rien faire", dit-il, "je t'enlèverai la vie, en t'incriminant; adultère, je me dirai le faux témoin d'un adultère: je tuerai un serviteur avec qui on dira que tu as été surprise". [2,810] La jeune femme succomba, vaincue par la crainte du déshonneur. Vainqueur, pourquoi te réjouis-tu? Cette victoire te perdra. Hélas quel prix une seule nuit a coûté à ton trône! Déjà le jour s'était levé: Lucrèce est assise, cheveux défaits, telle une mère qui se prépare à rejoindre le bûcher de son enfant. 815 Elle fait revenir du camp son vieux père et son fidèle époux: tous deux arrivent, toute affaire cessante. Dès qu'ils voient sa tenue, ils s'enquièrent: pourquoi ce deuil, pour qui prépare-t-on des funérailles, et quel malheur a frappé? Longtemps silencieuse, elle cache pudiquement son visage dans son vêtement: [2,820] ses larmes coulent intarissables, comme jaillissant d'une source. D'un côté, son père, de l'autre, son mari la consolent et sèchent ses larmes; en pleurs, en proie à une crainte imprécise, ils la pressent de parler. Trois fois elle tenta d'ouvrir la bouche, trois fois elle renonça, puis une quatrième fois osa se lancer, mais sans lever les yeux. 825 "Devrai-je aussi à Tarquin cette humiliation? Vais-je parler?", dit-elle, vais-je parler moi-même de mon déshonneur, malheureuse que je suis?" Elle raconte ce qu'elle peut; restaient les moments ultimes; la jeune matrone fondit en larmes et ses joues s'empourprèrent. Le père et le mari pardonnent le fait, accompli sous la contrainte. [2,830] "Ce pardon que vous m'accordez, moi je le refuse", dit-elle. Et aussitôt elle se planta dans le coeur une arme qu'elle cachait, et tomba, couverte de sang, aux pieds de son père. Alors, même mourante, elle veilla à tomber avec décence: elle avait encore ce souci en tombant. 835 Alors son époux et son père s'affalèrent sur son cadavre, déplorant leur commun malheur, oubliant toute dignité. Brutus se présente, et fait enfin mentir son nom en montrant son esprit; il enlève le trait enfoncé dans le corps à demi-mort, et brandissant le poignard d'où tombaient des gouttes d'un noble sang, [2,840] il énonça d'une voix menaçante ces paroles intrépides: "Par ce sang courageux et pur, et par tes Mânes qui pour moi incarneront la volonté divine, moi, je te jure que Tarquin avec sa descendance sera puni par l'exil. Depuis assez longtemps déjà, la valeur est restée cachée". 845 À ces paroles, Lucrèce, gisante, ouvrit ses yeux éteints et sembla approuver en agitant sa chevelure. Cette matrone à l'âme virile est emportée en cortège funèbre, et entraîne derrière elle larmes et rancoeur. Sa blessure nue est béante: à grands cris, Brutus ameute [2,850] les Quirites et leur fait part de la conduite abominable du roi. Tarquin fuit avec sa famille: le consul prend le pouvoir pour un an. Ce jour-là fut le dernier de la monarchie. Me trompé-je? Ou l'hirondelle, première messagère du printemps, est-elle arrivée, tout en redoutant quelque retour de l'hiver? 855 Souvent pourtant, Procné, tu déploreras de t'être trop hâtée et Térée ton époux se réjouira de te voir souffrir du froid. Restent encore deux nuits dans le second mois, tandis que Mars presse ses rapides coursiers, attelés aux chars: le nom Equirria donné à ces courses à partir des faits subsiste encore, [2,860] le dieu lui-même les regarde dans le Champ qui porte son nom. Tu arrives à juste titre, Gradivus: tes fêtes exigent leur place, voici que se présente le mois marqué par ton nom. Nous sommes arrivés au port, et ce livre s'achève comme le mois; que d'ici ma barque désormais vogue sur d'autres eaux.