[0] LEIDRADE LETTRE A CHARLEMAGNE. A CHARLES LE GRAND, EMPEREUR. Au puissant Charles, empereur, Leidrade, évêque de Lyon, salut. [1] Notre seigneur, empereur perpétuel et sacré, je supplie la clémence de Votre Altesse d'écouter d'un visage favorable cette courte épître, de telle sorte que votre pieuse prudence connaisse ce qu'elle renferme, et que votre noble clémence se rappelle l'intention de ma demande. Vous avez daigné jadis destiner au gouvernement de l'Église de Lyon moi, le plus infime de vos serviteurs, incapable et indigne de cette charge. Mais comme vous traitez les hommes bien moins selon leur mérite que selon votre bonté accoutumée, vous en avez agi avec moi comme il a plu à votre ineffable piété; et, sans aucun titre de ma part, vous avez bien voulu me charger d'avoir à prendre soin de cette Église, et à faire en sorte qu'à l'avenir les abus qui y avaient été commis fussent réformés et évités. Il manquait beaucoup de choses, extérieurement et intérieurement, à cette Église, tant en ce qui concerne les saints offices que pour les édifices et les autres besoins ecclésiastiques. Écoutez donc ce que moi, votre très humble serviteur, j'y ai fait depuis mon arrivée, avec l'aide de Dieu et la vôtre. Le Seigneur tout-puissant, et qui voit les consciences, m'est témoin que je ne vous expose pas ces choses pour en tirer aucun profit, et que je n'ai point arrangé et ne vous dis point ceci pour que cela me procure quelque nouvel avantage, mais parce que je m'attends chaque jour à sortir de cette vie, et qu'à cause de mes infirmités je me crois très près de la mort. Je vous dis ces choses afin que, parvenues à vos oreilles bénignes, et pesées avec indulgence, si vous jugez qu'elles ont été faites convenablement et selon votre volonté, elles ne soient pas après ma mort exposées à languir et périr. [2] Lorsque j'eus, suivant votre ordre, pris possession de cette Église, j'agis de tout mon pouvoir, selon les forces de ma petitesse, pour amener les offices ecclésiastiques au point où, avec la grâce de Dieu, ils sont à peu près arrivés. Il a plu à votre piété d'accorder à ma demande la restitution des revenus qui appartenaient autrefois à l'Église de Lyon ; au moyen de quoi, avec la grâce de Dieu et la vôtre, on a établi dans ladite Église une psalmodie où l'on suit, autant que nous l'avons pu, le rite du sacré palais, en tout ce qui comporte l'office divin. J'ai des écoles de chantres, dont plusieurs sont déjà assez instruits pour pouvoir en instruire d'autres. En outre, j'ai des écoles de lecteurs qui non seulement s'acquittent de leurs fonctions dans les offices, mais qui, par la méditation des livres saints, s'assurent les fruits de l'intelligence des choses spirituelles. Quelques-uns peuvent expliquer le sens spirituel des Évangiles; plusieurs ont l'intelligence des prophéties; d'autres, des livres de Salomon, des psaumes et même de Job. J'ai fait aussi tout ce que j'ai pu dans cette Église pour la copie des livres. J'ai procuré également des vêtements aux prêtres, et ce qui était nécessaire pour les offices. [3] Je n'ai rien omis de ce qui était en mon pouvoir pour la restauration des églises, si bien que j'ai fait recouvrir de nouveau la grande église de cette ville, dédiée à saint Jean-Baptiste, et que j'ai reconstruit de nouveau une portion des murs. J'ai réparé aussi le toit de l'église de Saint-Etienne; j'ai rebâti de nouveau l'église de Saint-Nizier et celle de Sainte-Marie : sans compter les monastères et les maisons épiscopales, dont il y en a une en particulier qui était presque détruite, et que j'ai réparée et recouverte. J'en ai construit aussi une autre avec une plate-forme en haut, et je l'ai doublée : c'est pour vous que je l'ai préparée, a6n que, si vous venez dans ces régions, vous puissiez y être reçu. J'ai construit pour les clercs un cloître dans lequel ils habitent maintenant tous réunis en un seul édifice. J'ai réparé encore dans ce diocèse d'autres églises, dont l'une dédiée à sainte Eulalie, et où se trouvait un monastère de filles dédié à saint George ; je l'ai fait recouvrir, et j'ai fait reprendre dans les fondements une partie des murailles. Une autre maison en l'honneur de saint Paul a été aussi recouverte. [4] J'ai réparé depuis les fondements, l'église et la maison d'un monastère de filles consacrées à saint Pierre, où repose le corps de saint Annemond, martyr, et fondé par ce saint évêque lui-même. Trente-deux vierges du Seigneur y vivent actuellement sous une règle monastique. J'ai réparé aussi, en renouvelant les toits et une partie des murailles, le monastère royal de l'Ile Barbe ; quatre-vingt-dix moines y vivent maintenant sous une discipline régulière. Nous avons donné à son abbé le pouvoir de lier et délier, comme l'avaient eu ses prédécesseurs Ambroise, Maximien, Licinius, hommes illustres qui avaient gouverné ce lieu, et qu'Euchère, Loup, Genest et les autres évêques de Lyon, lorsqu'ils étaient absents ou ne pouvaient le faire en personne, envoyaient pour s'enquérir si la foi catholique était crue avec sincérité, et si la fraude hérétique ne pullulait pas. Ces abbés étaient même chargés, si l'Église de Lyon était veuve de son chef, de lui servir en toutes choses de guides et de consolateurs, jusqu'à ce qu'elle fût, avec la grâce de Dieu, pourvue d'un digne pasteur. Nous avons donné également cette puissance à leurs successeurs. Sur toutes choses, nous avons ordonné que les décrets des anciens rois de France fussent exécutés, afin que, comme il a été par eux statué sur les achats et les agrandissements, ces moines possèdent à jamais sans contestation tout ce qu'ils ont à présent, et ce qu'avec la grâce de Dieu ils pourront acquérir un jour !