[0] LE BANQUET OU LES LAPITHES. [1] PHILON ET LYCINUS. PHILON. Mille agréments, dit-on, cher Lycinus, ont signalé votre repas hier chez Aristénète : on y a tenu force discours philosophiques, les débats qu'ils ont provoqués ont été des plus vifs, et même, s'il faut en croire Charinus, on est venu aux coups, et la discussion ne s'est terminée que par le sang. LYCINUS. D'où Charinus, cher Philon, a-t-il pu le savoir ? Il n'était pas de notre dîner. PHILON. Il prétend l'avoir appris du médecin Dionique, qui, je crois, était des vôtres. LYCINUS. C'est vrai, mais il n'assistait pas au commencement de la dispute ; il est arrivé au milieu de la contestation, quelques instants avant les coups. Aussi je m'étonne qu'il ait pu en parler pertinemment, n'ayant pas été témoin de ce qui a fait tourner la querelle en rixe sanglante. [2] PHILON. C'est précisément pour cela, Lycinus, que Charinus m'a engagé, si je voulais savoir la vérité et les détails de l'affaire, de m'adresser à toi. Dionique même lui a dit qu'il n'avait pas vu toute la scène... mais que tu savais parfaitement ce qui s'était passé, à ce point que tu avais retenu jusqu'aux discours mêmes des philosophes, n'étant pas homme à écouter de semblables propos à la légère, mais à y donner toute ton attention. Il me semble, d'après cela, que tu ne peux te dispenser de nous régaler aussi de ce festin divertissant : au moins n'en est-il pas de plus agréable pour moi ; d'autant que la sobriété présidera à notre banquet pacifique, où nous verrons, loin de la portée des traits et des blessures, vieillards et jeunes gens égarés par l'ivresse dire et faire des choses réprouvées par la bienséance des repas. [3] LYClNUS. Tu nous adresses là, cher Philon, une demande un peu indiscrète : tu veux que je mette tout le monde dans la confidence et que j'étale aux yeux des scènes de vin et d'ivresse, qu'il faudrait plutôt ensevelir dans l'oubli ou imputer au dieu Bacchus ; or, je doute que ce dieu permette aux profanes l'initiation de ses orgies et de ses mystères. Gardons-nous donc d'agir comme des hommes mal-appris, en cherchant à connaître ce qu'il convient de laisser dans la salle du festin, quand on en sort. Je hais, dit un adage poétique, un convive qui a de la mémoire. Dionique, par' conséquent, a mal fait de tout raconter à Charinus, et de répandre les restes du souper d'hier sur la tête d'honorables philosophes. Pour ma part, ah ! fi donc ! je te parlerais jamais de semblables choses. [4] PHILON. Comment, Lycinus, tu fais le renchéri ! Tu as mauvaise grâce à le prendre ainsi avec moi. Ne sais-je pas bien que tu meurs encore plus d'envie de me faire ce récit que moi de l'entendre ? Tu es bien capable, selon moi, à défaut d'auditoire, de t'approcher volontiers d'une colonne ou d'une statue pour répandre tout d'une haleine ce que tu as sur le cœur. Si donc je voulais te quitter en ce moment, tu ne me lâcherais pas sans que je t'aie entendu, tu me suivrais, tu me supplierais de t'écouter. Eh bien ! à mon tour de faire le fier : si c'est ton idée, allons prendre des informations auprès d'un autre ; ne me dis rien. LYCINUS. Ne nous fâchons pas ; je vais te raconter tout, puisque tu en as un si vif désir ; mais n'en parle à personne. PHILON. Si je connais bien mon Lycinus, c'est toi qui le feras avant moi ; tu t'empresseras de l'aller dire à tout le monde, et moi je n'en aurai pas besoin. [5] Mais d'abord, dis-moi, est-ce à l'occasion du mariage de son fils Zénon qu'Aristénète vous a donné ce dîner ? LYCINUS. Non ; il mariait sa fille Cléanthis au fils d'Eucrite l'usurier, un jeune philosophe. PHILON. Joli garçon, ma foi ! mais un peu jeune et point encore en âge de se marier. LYCINUS. Le beau-père n'avait sans doute pas de parti plus sortable. Ce jeune homme paraît rangé, appliqué à la philosophie, et de plus il est fils unique du riche Eucrite ; c'était un prétendu à choisir entre tous. PHILON. Oui, c'était une raison décisive que le, richesse d'Eucrite. Mais enfin, Lycinus, quels étaient les convives ? [6] LYCINUS. Te les nommerai-je tous ? Non ; mais parmi les philosophes et les orateurs, que tu désires sans doute connaître de préférence, se trouvait le vieux Zénothémis le stoïcien, et avec lui Diphile, surnommé Labyrinthe, précepteur de Zénon, fils d'Aristénète. En fait de péripatéticiens, il y avait Cléodème, tu sais, ce pointilleux, toujours prêt à la riposte, que ses disciples nomment l'Épée et la Faux ; Hermon l'épicurien y assistait aussi. A son entrée, les Stoïciens baissèrent les yeux et détournèrent la tête, en affectant de témoigner pour lui l'horreur qu'on a pour un parricide et un sacrilège. Amis intimes d'Aristénète, ils avaient tous été conviés au banquet, ainsi que le grammairien Histiée et le rhéteur Dionysodore. [7] Chéréas, le jeune marié, avait invité Ion le platonicien, son maître de philosophie, homme d'une physionomie respectable, dévoué, et dont les traits exprimaient une grâce parfaite : on l'a surnommé le Canon, par allusion à la rectitude de son jugement. Au moment où il entra, toute l'assemblée se leva par respect, et on le reçut comme le plus éminent personnage ; en un mot, c'était l'arrivée d'un dieu que cette entrée de l'admirable Ion. [8] Quand il fallut s'asseoir, la réunion se trouvant presque au complet, les femmes, qui étaient en grand nombre, occupent la rangée de lits placée à droite en entrant, et au milieu d'elles la mariée entièrement couverte d'un voile. Le reste de la compagnie se met, chacun suivant sa dignité. [9] En face des femmes, Eucrite se place le premier et Aristénète se place après lui. On délibère ensuite lequel des deux s'assiéra le premier, Zénothémis le stoïcien, en raison de son âge, ou Hermon l'épicurien. Il était, en effet, prêtre des Dioscures, et d'une des premières familles de la ville. Mais Zénothémis tranche bientôt la question : "Si vous me faites asseoir, dit-il à Aristénète, le second après Hermon, ce disciple d'Épicure, pour ne rien dire qui vous désoblige, je m'en vais et je laisse là votre banquet." Et en même temps il appelle son esclave et fait mine de sortir. Alors Hermon : "Asseyez-vous à la première place, Zénothémis, lui dit-il. Mais sans parler de toute autre considération, il eût été convenable de la céder à un prêtre, malgré votre mépris pour Épicure. J'ai voulu me moquer, d'un prêtre épicurien," reprit Zénothémis. Et en disant ces mots il s'assied ; Hermon se place après lui, puis le péripatéticien Cléodème, puis Ion ; ensuite le marié, moi, Diphile, son disciple Zénon, le rhéteur Dionysodore, et enfin le grammairien Histiée. [10] PHILON. Eh ! mais, Lycinus, c'est un musée que ce banquet composé d'un si grand nombre de sages ! Je félicite Aristénète de ce que, voulant traiter, dans une fête aussi désirable, des savants de préférence à des gens ordinaires, il a réuni chez lui la fleur de chaque secte, une assemblée exclusivement composée d'hommes instruits. LYCINUS. C'est qu'aussi, mon ami, ce n'est pas un de ces riches vulgaires, mais un amateur de science, et il passe avec les érudits la plus grande partie de sa vie. [11] Le commencement du repas se passa tranquillement : les mets étaient variés. Mais il n'est pas besoin, je pense, de te faire ici la liste des sauces, des gâteaux et des assaisonnements ; tout y était à profusion. Sur ce point, Cléodème se penchant vers Ion : "Voyez donc, lui dit-il, ce vieillard (il parlait de Zénothémis, car j'entendais ce qu'il disait), comme il se bourre de toutes sortes de mets ! Ses habits sont pleins de sauce ; et cependant que de morceaux il passe à l'esclave qui est derrière lui ! Il croit qu'on ne le voit pas ; il oublie qu'il y a du monde à ses côtés. Montrez donc ce manège à Lycinus, afin qu'il en soit témoin. " Je n'avais pas besoin qu'Ion me le fît voir ; il y avait longtemps que je le remarquais comme d'un observatoire. [12] Cléodème parlait encore, lorsque le cynique Alcidamas s'élance dans la salle sans avoir été invité et en s'autorisant du commun proverbe ; "Ménélas vient sans qu'on l'invite !" La plupart trouvent le procédé impertinent ; aussi lui décoche-t-on les traits les plus piquants ; "Hé ! Ménélas, vous êtes fou !" lui dit l'un; Atride Agamemnon n'en est pas satisfait ! lui crie un autre ; enfin chacun lui lance quelque mot approprié à la circonstance, ou murmure un brocard ingénieux. Cependant personne n'ose s'expliquer nettement ; on a peur d'Alcidamas, homme à la voix perçante et le plus braillard des Cyniques ; talent qui le place au-dessus des autres et le rend redoutable à tous. [13] Cependant Aristénète le félicite, et l'invite à prendre un siège auprès d'Histiée et de Dionysodore. "Fi donc ! répond le cynique ; il faut être bien mou, bien efféminé, pour s'asseoir comme vous sur un siège ou sur un lit de repos, doucement couchés à la renverse, et pour manger enveloppés dans une robe de pourpre. Moi, je souperai parfaitement debout et en me promenant. Quand je serai fatigué, j'étendrai mon manteau par terre et je me coucherai la tête sur le coude, comme on représente Hercule. - Ainsi faites, reprend Aristénète, si vous l'aimez mieux." De ce moment, Alcidamas se met à souper en se promenant autour de la salle, transportant son camp, comme les Scythes, où se trouve le meilleur pâturage, et rôdant autour des servants qui apportent les plats. [14] Toutefois, en se démenant pour prendre sa nourriture, il ne laisse pas de disserter sur la vertu et sur le vice et de tourner en ridicule l'or et l'argent. Il va jusqu'à demander à Aristénète de quoi peuvent lui servir tant et de si grandes coupes, lorsqu'il y en a d'argile qui tiennent autant. Mais Aristénète fait cesser pour un moment son importunité, en donnant ordre à l'échanson de lui présenter une large coupe et de lui verser rasade. Il croyait avoir découvert un excellent moyen, et il ne prévoyait pas de quels maux ce verre allait être la cause. Alcidamas, prenant la coupe, se tait quelques instants ; puis, se jetant à demi nu sur le plancher, il s'y couche, comme il en avait menacé, la tête sur le coude, le verre à la main droite, tel que les peintres représentent Hercule chez Pholus. [15] Déjà la coupe avait à plusieurs reprises circulé parmi les convives ; les santés allaient leur train, ainsi que les conversations, et l'on apportait les lumières. En ce moment, voyant que l'esclave placé près de Cléodème, qui était un joli échanson, se mettait à sourire, circonstance accessoire du festin que je crois devoir noter parmi les épisodes plaisants j'observe avec attention quelle en peut être la cause. Un instant après, il s'approche de Cléodème, comme pour recevoir la coupe de sa main : celui-ci lui serre le doigt, et lui glisse deux drachmes, je crois, avec la coupe. L'esclave sourit de nouveau en se sentant serrer le doigt, mais il ne voit pas, sans doute, la monnaie ; car, au lieu de la recevoir, il la laisse tomber sur la terre, où elle produit un bruit qui fait rougir l'esclave et Cléodème d'une manière fort significative. Les voisins se demandent à qui ces pièces peuvent appartenir ; l'esclave nie qu'elles se soient échappées de sa main, et Cléodème, près de qui le bruit s'est fait, prétend n'avoir rien laissé tomber : l'incident n'a pas de suite et l'on n'y songe plus, peu de personnes l'ayant vu, sauf Aristénète, comme je pus m'en convaincre. Au bout de quelques instants, il ordonne au jeune esclave d'aller ailleurs, et il fait signe de placer auprès de Cléodème un échanson âgé, une sorte de gaillard robuste comme un muletier ou un palefrenier. De la sorte, l'affaire n'alla pas plus loin ; mais quelle honte pour Cléodème, si le bruit s'en fût répandu parmi les convives, et s'il n'eût pas été étouffé sur-le-champ par l'adresse d'Aristénète à dissimuler ce libertinage d'ivrogne ! [16] Sur ces entrefaites, le cynique Alcidamas, qui avait largement bu, ayant demandé le nom de la jeune mariée, réclame le silence d'une voix de tonnerre et regardant du côté des femmes : "Je bois, dit-il, à votre santé, Cléanthis, la coupe d'Hercule, notre chef et notre maître." Tout le monde s'étant mis à rire : "Comment ! vous riez, gredins, s'écrie-t-il, de ce que je bois à la mariée, en invoquant Hercule notre dieu ! Eh bien, sachez que, si elle ne reçoit pas la coupe de ma main, il ne lui naîtra jamais de fils de ma trempe, d'une vigueur à l'épreuve, libre d'esprit et solide de corps. " En disant ces mots, il se découvre de manière à blesser la pudeur. Les convives ne font que rire de plus belle ; alors Alcidamas se lève furieux, et nous lance un regard farouche et terrible, où l'on peut lire qu'il ne va pas demeurer en repos ; peut-être même allait-il frapper quelqu'un de son bâton, lorsque l'on apporte, fort à propos, un énorme gâteau : à cette vue il se radoucit, sa colère se calme, et il se met à suivre le gâteau pour s'en bourrer. [17] Déjà la plupart des conviés sont ivres ; les cris retentis sent par tout le banquet. Le rhéteur Dionysodore débite quelques-uns de ses discours, qu'applaudissent les servants debout derrière lui. Le grammairien Histiée, assis à la dernière place, se met à coudre des lambeaux de Pindare, d'Homère et d'Anacréon, pour en faire une ode ridicule, où il dit, comme par un pressentiment de ce qui allait avoir lieu : Les boucliers se heurtent et Ce ne sont que soupirs, que clameurs des guerriers, Zénothémis, de son côté, lit un petit ouvrage d'une écriture très fine que lui remet son esclave. [18] Ceux, qui apportaient les plats ayant, suivant l'usage, interrompu quelques instants le service, Aristénète, qui avait pris ses mesures pour que cet intervalle ne fut pas vide et sans agrément, introduit un bouffon, avec ordre de dire ou de faire tout ce qu'il croirait capable d'exciter l'hilarité des convives. On voit donc paraître un petit homme fort laid, la tête rase, sauf quelques poils qui se hérissent sur le sommet : il danse en se disloquant et en se tortillant de manière à paraître plus ridicule, récite avec l'accent égyptien des anapestes, dont il bat la mesure, et finit par railler les assistants. [19] Ceux à qui ces plaisanteries s'adressent ne font qu'en rire ; mais le bouffon ayant lancé un trait satirique contre Alcidamas, en l'appelant chien de Mélite, celui-ci furieux, et depuis long temps jaloux (on le voyait bien) du bouffon qui captivait l'attention et les applaudissements des convives, jette par terre son manteau et provoque son rival au combat du pancrace : s'il re fuse, il le menace de son bâton. Le malheureux Satyrion (c'était le nom du mime) se lève et accepte le défi. C'était un spectacle des plus amusants de voir un philosophe, homme grave, aux prises avec un histrion, frappant et frappé tour à tour. Parmi les assistants les uns rougissent, les autres rient : enfin Alcidamas, fatigué des coups qu'il reçoit, s'avoue vaincu par le vigoureux petit homme, au milieu de l'hilarité générale. [20] En ce moment, arrive le médecin Dionique, quelques instants après le combat. Il avait été retardé, dit-il, par une visite au joueur de flûte Polyprépon atteint de frénésie. Il en racontait un trait fort plaisant. Lorsqu'il entrait chez son malade, sans savoir qu'il fût dans un moment d'accès, celui-ci s'était levé, avait fermé la porte, et, tirant une épée, lui avait présenté des flûtes avec ordre d'en jouer. Mais, comme le médecin n'y pouvait réussir, Polyprépon lui frappe d'une courroie le revers des mains. Afin de sortir de danger, Dionique imagine cet expédient. Il défie Polyprépon au combat de la flûte, sous la condition que le vaincu recevrait un certain nombre de coups. Il joue alors le premier, assez mal ; puis il remet les flûtes à son malade, lui prend des mains la courroie, et jette l'épée par la fenêtre, au milieu de la cour, Alors, luttant contre son homme avec un peu plus de sûreté, il appelle les voisins qui enfoncent la porte et le tirent de peine : en même temps, il nous fait voir les traces de coups et quelques égratignures qu'il a reçues au visage. Après ce récit, qui soulève autant d'applaudissements que le bouffon, Dionique va se glisser auprès d'Histiée, où il se met à souper des restes, évidemment amené à ce banquet par une volonté des dieux, qui avaient ménagé sa présence pour les événements ultérieurs. [21] Sur ce point, un esclave, se présentant au milieu de la salle, dit qu'il arrive porteur d'une lettre du stoïcien Hétémoclès, avec ordre de son maître de la lire à haute et intelligible voix, et de s'en retourner après cette lecture. Aristénète lui en accorde la permission ; il s'approche d'une lampe et lit... PHILON. N'était-ce pas, Lycinus, quelque éloge de la mariée, un épithalame comme on en fait tant ? LYCINUS. Nous le croyions comme toi ; mais c'était tout autre chose. Voici cette lettre : [22] HETÉMOCLÈS, PHILOSOPHE, À ARISTÉNÈTE. "Ma manière de voir en fait de repas est attestée par toute ma vie passée. Accablé chaque jour d'invitations par une foule de personnes beaucoup plus riches que vous, je n'ai jamais accepté, connaissant trop bien le tumulte et les excès des festins. Mais il me semble que je suis fondé à vous en vouloir, puisque, malgré la cour assidue que je vous fais depuis longtemps, vous n'avez pas daigné me comprendre parmi vos amis ; seul vous m'avez exclu, malgré notre voisinage ; ce qui m'afflige le plus est donc votre ingratitude évidente : car je ne, fais pas mon, bonheur d'un morceau de sanglier, de lièvre ou de gâteau, dont je puis me régaler chez d'autres qui connaissent les lois de la bienséance. Aujourd'hui même, je pouvais assister à un repas qu'on dit splendide chez mon élève Pamménès, et j'ai refusé, assez simple que j'étais de vouloir me réserver pour vous. [23] Cependant vous me laissez de côté pour en inviter d'autres ; c'est tout, naturel : vous n'avez jamais pu distinguer le meilleur, et vous n'avez pas la faculté compréhensive. Au surplus, je devine la cause de mon exclusion ; je la dois à vos admirables philosophes Zénothémis et Labyrinthe, dont je prétends (soit dit sans offenser Adrastée) fermer aussitôt la bouche d'un seul syllogisme. Qu'ils disent seulement, ce que c'est que la philosophie ; ou qu'ils expliquent ces questions élémentaires ; en quoi l'état passager diffère de l'état permanent ? Car je ne parle pas de ces arguments difficiles, le Cornu, le Sorite, le Moissonnant. Profitez donc de leurs lumières. Moi, qui ne crois beau que ce qui est honnête, je supporterai sans peine cet outrage. [24] Toutefois, afin de ne vous laisser aucun moyen de vous disculper en disant que c'est un oubli inséparable de rembarras d'une pareille fête, je vous ai salué deux fois aujourd'hui, le matin chez vous, et ensuite au temple des Dioscures, pendant le sacrifice ; voilà ma justification auprès des assistants. [25] Maintenant, si vous vous imaginez que je suis fâché à cause de votre repas, songez à OEnée, et vous verrez que Diane fut irritée d'être la seule qu'il n'eût point appelée à son sacrifice, quand il traitait les autres dieux. Homère dit à ce propos : Soit oubli, soit erreur, il se fit un grand mal. Et Euripide : C'est ici Calydon, terre aux fertiles plaines, Opposée à la mer du séjour de Pélops. Et Sophocle : La fille de Latone à la flèche empennée Lance un gros sanglier sur les guérets d'Oenée, [26] Je pourrais faire beaucoup d'autres citations ; celles-ci suffisent à vous faire connaître quel homme vous dédaignez, pour traiter un Diphile, auquel vous avez confié votre fils. Vous avez raison ; il a su se rendre agréable à ce jeune homme ; ils vont très bien ensemble ; et, si je ne rougissais de révéler ses turpitudes, j'ajouterais que vous pourrez en savoir des nouvelles et vous convaincre de la vérité par la bouche de Zopyre le pédagogue. Mais il ne faut pas troubler la noce, ni dire du mal des autres, surtout pour un sujet aussi honteux. Diphile, pourtant, le mériterait bien, lui qui m'a déjà enlevé deux élèves ; mais, par respect pour la philosophie, je garderai le silence. [27] J'ai donné ordre à mon esclave, dans le cas où vous voudriez lui remettre quelque morceau de sanglier, de cerf ou de galette au sésame, de ne point le recevoir, de peur qu'on ne s'imagine que je l'ai envoyé exprès pour cela." [28] Tout le temps, mon ami, que dura cette lecture, la sueur me coulait de honte, et je souhaitais, comme on dit, que la terre s'entrouvrît sous mes pas, quand je voyais l'assemblée rire à chaque mot de la lettre, surtout ceux qui savaient qu'Hétémoclès est un vieillard en cheveux blancs, et qui a l'air respectable. Ils s'étonnaient qu'il eût pu leur donner le change sur son caractère et les tromper par sa barbe et la sévérité de son visage. Aussi me parut-il que, si Aristénète ne l'avait pas in vite, c'était moins par oubli que parce qu'il n'espérait pas voir un si grand personnage se rendre à son invitation et se compromettre dans une pareille fête ; si bien qu'il n'avait pas même essayé. [29] Lors donc que l'esclave eut achevé sa lecture, tous les convives jetèrent les yeux sur Diphile et sur Zénon, qui, pâles et tremblants, donnaient par leur contenance embarrassée une apparence de vérité aux accusations d'Hétémoclès. Aristénète lui-même était troublé et rempli d'inquiétude. Cependant il nous invite à boire, et, s'efforçant de prendre un air riant pour réparer ce qui venait d'arriver, il renvoie l'esclave en lui disant qu'il verrait cela. Un instant après, Zénon se lève et disparaît sur un signe de son pédagogue, et sans doute par ordre de sen père. [30] Alors Cléodème, qui, depuis longtemps, épiait l'occasion d'attaquer les Stoïciens, et crevait de dépit de n'en pas trouver un prétexte plausible, saisissant enfin celui de la lettre, d'Hétémoclès : "Voilà donc, s'écria-t-il, ce que produisent le beau Chrysippe, l'admirable Zénon et Cléanthe ; des mots dénués de sens, des interrogations, des simulacres de philosophes, en un mot une foule d'Hétémoclès. Voyez un peu la belle lettre pour un vieillard ! Oenée, c'est Aristénète : Diane, c'est Hétémoclès. Par Hercule, comme tout cela est de bon augure et convenable pour une fête ! [31] Par Jupiter ! reprit Hermon, qui était assis un peu plus haut, il avait sans doute entendu dire qu'il y avait un sanglier préparé pour le repas d'Aristénète, et il n'a pas cru hors de propos de rappeler celui de Calydon ; mais, au nom de Vesta, Aristénète, envoyez-lui donc, au plus vite, les prémices de l'animal, de peur que ce bon vieillard ne sèche de faim, comme Méléagre, après tout, il n'en éprouvera peut-être aucun mal, car Chrysippe range tout cela parmi les choses indifférentes. [32] Chrysippe ! s'écrie alors Zénothémis en se réveillant et en élevant la voix, qu'avez-vous à en dire ? Est-ce d'après un seul homme, un prétendu philosophe, un charlatan comme un Hétémoclès, que vous jugez Cléanthe et Zénon, ces vrais sages. Mais qui êtes-vous donc, pour parler de la sorte ? Toi, Hermon, n'as-tu pas coupé la chevelure d'or des Dioscures, sacrilège que tu expieras de la main du bourreau ? Et toi, Cléodème, n'as-tu pas séduit la femme de Sostrate, ton élève, et, surpris en flagrant délit, n'as-tu pas subi le châtiment le plus honteux ? Ne vous tairez-vous pas, avec de pareils crimes sur la conscience ? Oui ; mais je ne suis pas, comme toi, le prostitueur de ma femme, reprend Cléodème : je n'ai pas pris en dépôt l'argent qu'un élève étranger avait apporté pour son voyage, et je n'ai pas juré ensuite par Minerve Poliade que je ne l'avais pas reçu. Je ne prête pas au taux de quatre drachmes par mois ; je n'étrangle pas mes élèves, quand ils ne me payent pas le jour de l'échéance. - Tu ne saurais nier, du moins, reprend Zénothémis, que tu n'aies vendu du poison à Criton, pour tuer son père." [33] Cela dit, comme il buvait, il leur jette au nez ce qui reste dans sa coupe à demi pleine. Le voisinage en fait rejaillir quelque chose au nez d'Ion qui le méritait bien. Hermon, baissant la tête, se met à essuyer le vin qui l'inonde, prenant tous les assistants à témoin de l'outrage qu'on vient de lui faire. Cléodème, qui n'avait pas de coupe, se retourne, crache au visage de Zénothémis, et, lui saisissant la barbe de la main gauche, il se prépare à lui assener un coup de poing. Il l'aurait tué, si Aristénète ne lui eût arrêté la main ; il fait mieux ; il passe par dessus Zénothémis, se place entre les deux combattants pour les séparer et forme un mur qui les maintient en paix. [34] Durant cette scène, Philon, mille pensées me venaient à l'esprit et surtout cette maxime vulgaire : "Il ne sert de rien de connaître les sciences, quand on ne sait pas régler sa conduite sur la vertu." Je voyais, en effet, ces princes de la philosophie devenir par leurs actions le jouet de toute l'assistance, et je me dis à moi-même : "Est-il donc vrai que la science détourne de la rectitude du jugement ceux qui ont l'œil continuellement fixé sur les livres et sur les réflexions qu'ils renferment ?" De tant de philosophes réunis, il n'en était peut-être pas un qui ne se rendu coupable de quelque faute : les uns commettaient des actes honteux, les autres prononçaient des paroles plus honteuses encore, et je ne pouvais imputer leurs excès à l'ivresse, quand je songeais à la lettre qu'Hétémoclès avait écrite à jeun. [35] C'était le monde renversé. Les ignorants avaient une bonne tenue ; ils ne s'enivraient pas, ils ne faisaient rien dont ils dussent rougir ; seulement, ils riaient et condamnaient ceux qu'ils avaient admirés, quand ils les croyaient tels que l'annonçait leur maintien. Les sages, au contraire, foulaient aux pieds toutes les convenances, vomissaient des injures, mangeaient avec excès, poussaient des cris, en venaient aux mains. L'admirable Alcidamas pissait au milieu de la salle, sans respect pour les femmes. En un mot, tout ce qui se passait dans ce festin pouvait se comparer à ce que les poètes disent de celui où la Discorde, qu'on avait oublié d'inviter aux noces de Pélée, jeta cette pomme fatale qui causa la guerre de Troie : la lettre qu'Hétémoclès avait lancée au milieu du festin était, en quelque sorte, une pomme destinée à produire des maux aussi terribles que ceux de l’Iliade. [36] En effet, la querelle de Cléodème et de Zénothémis était loin d'être apaisée : et, quoique Aristénète se fût placé entre eux deux, ils ne cessaient de se dire des injures. "Oui, pour le moment, disait Cléodème, il me suffit de vous convaincre que vous êtes des ignorants : demain je me vengerai de vous comme il faut. Réponds-moi donc, Zénothémis, et toi, élégant Diphile : comment se fait-il que vous, qui mettez la richesse au nombre des choses indifférentes, vous vous proposiez exclusivement d'en acquérir le plus possible ? Pourquoi faites-vous toujours la cour aux riches ? Pourquoi prêtez-vous à usure et retirez-vous l'intérêt de l'intérêt ? Pourquoi n'enseignez-vous qu'à prix d'argent ? D'un autre côté, vous affectez de mépriser le plaisir, vous déclamez contre les Épicuriens, tandis que vous vous livrez aux pratiques les plus infâmes, actifs et passifs tour à tour. Vous vous fâchez de n'être pas invités à un repas et, si l'on vous convie, vous mangez tout, vous donnez tout à vos esclaves." En disant ces mots, Cléodème avance la main pour arracher une serviette que l'esclave de Zénothémis tenait remplie de toutes sortes de morceaux : il allait la déployer et en jeter le contenu sur le parquet ; la main de l'esclave tint bon et ne lâcha pas la serviette. [37] Alors Hermon : "Tu as raison, Cléodème ; qu'ils nous disent pourquoi ils blâment le plaisir et demandent à en prendre plus que les autres. Non, reprend Zénothémis, c'est à toi, Cléodème, de nous dire pourquoi tu ne regardes pas la richesse comme une chose indifférente. - Pas du tout ; c'est à toi." La discussion se prolonge, lorsque Ion s'avançant pour se faire remarquer davantage : "Cessez, dit-il ; je vais, si vous le voulez bien, proposer un sujet de conversation digne de cette solennité. Parlez et écoutez tour à tour, sans dispute ; c'est ainsi que dans Platon, notre maître, la conversation demeure toujours un aimable passe-temps." Tout le monde approuve cet avis, surtout Aristénète et Eucrite : ils espéraient que par ce moyen on allait être délivré de tous ces ennuis. Aristénète retourne donc à sa place, convaincu que la paix était faite. [38] Au même moment, on nous sert ce qu'on appelle le repas parfait : à chacun une poule, de la chair de sanglier, du lièvre ; du poisson sortant de la poêle, des gâteaux de sésame, et toutes les friandises qu'on peut emporter chez soi. Seulement, on n'avait pas servi un plat pour chaque convive, mais un sur chaque table ; Aristénète et Eucrite en avaient un pour eux deux, et chacun devait prendre ce qui était devant lui. Il y avait de même un plat commun pour le stoïcien Zénothémis et l'épicurien Hermon ; ensuite un autre pour Cléodème et pour Ion ; puis un autre pour le marié et pour moi. Diphile avait une double portion, Zénon ayant quitté la table. Souviens-toi de cet arrangement, mon cher Philon, il est important pour mon récit. PHILON. Je m'en souviendrai. [39] LYCINUS. Alors Ion : " Je vais commencer le premier, dit-il, si vous le voulez bien. " Puis après une pause : " Peut-être aurait-il fallu, reprit-il, devant tant de personnes instruites, traiter des idées, des êtres incorporels, et de l'immortalité de l'âme ; mais, afin d'éviter les contradictions de ceux qui n'adoptent pas nos sentiments, je dirai ce que je pense sur le mariage. Le meilleur, à ce sujet, serait de ne pas se marier ; et, suivant l'exemple de Platon et de Socrate, de se livrer à la pédérastie ; qui, seule peut nous conduire à la vertu parfaite ; mais, puisqu'il est nécessaire d'épouser des femmes, je voudrais du moins que, conformément à la doctrine de Platon, elles fussent communes, afin de nous affranchir de la jalousie." [40] 40. Un rire universel accueille ces paroles si déplacées, et Dionysodore : " As-tu bientôt fini, dit-il, de nous chanter tes sornettes barbares ? Pourquoi et à propos de quoi serions-nous jaloux ? - Comment ! tu oses parler, coquin ?" reprend Ion. Dionysodore allait lui répondre une injure, lorsque le grammairien Histiée, un aimable homme, prenant la parole ; "Ecoutez, dit-il, je vais vous lire un épithalame," et il commença cette lecture, [41] Voici quels étaient, si j'ai bonne mémoire, les vers élégiaques ; Elevée au palais du bon Aristénète, La belle Cléanthis Est plus riche en attraits, en beauté plus parfaite Que Diane ou Cypris ? Et toi, beau fiancé, plus charmant que Nérée, Ou le fils de Thétis, Salut ! vous méritez dans nos chants d'hyménée D'être tous deux unis ! [42] Un rire général suivit ces vers, comme bien tu penses ; mais le moment étant venu d'enlever chacun sa part de ce qui était servi, Aristénète et Eucrite prennent ce qui est devant eux. Je prends ma portion et Chéréas la sienne ; Ion et Cléodème en font autant. Mais Diphile, outre sa part, veut emporter celle de Zénon absent, et il prétend que tout a été servi pour lui seul : il en vient même jusqu'à se battre avec les valets qui lui disputent une volaille, dont ils se mettent il tirer quelque membre : on eût dit le cadavre de Patrocle. Enfin Diphile est forcé de lâcher prise, à la grande joie des convives, surtout quand on le voit se fâcher et prétendre qu'on lui fait un passe-droit indigne. [43] Hermon et Zénothémis étaient assis, comme je l'ai dit. Zénothémis à la place supérieure et Hermon au-dessous de lui ; leur portion était égale : ils la prennent tranquillement. Mais la volaille qui était devant Hermon se trouvant un peu plus grasse, quand il fallut prendre chacun la sienne, alors Zénothémis (c'est ici, Philon, qu'il faut me prêter toute ton attention, vu que nous en sommes au point le plus intéressant du récit), alors, dis-je, Zénothémis ; laissant sa volaille, s'empare de celle qui était servie devant Hermon, et qui était grasse, ainsi que je l'ai dit. Hermon, de son côté, la saisit et ne souffre pas que Zénothémis ait une part plus considérable que la sienne. De là des cris ; puis ils se jettent l'un sur l'autre et se frappent avec la volaille même à travers le visage : ils se prennent ensuite par la barbe, en appelant au secours Hermon, Cléodème, Zénothémis, Alcidamas et Diphile. Les uns courent à l'un, les autres à l'autre, excepté le seul Ion qui garde la neutralité. [44] Le combat devient une mêlée. Zénothémis, saisissant une coupe qui était placée devant Aristénète, la lance sur Hermon. Il esquive le coup, mais la coupe en volant, va frapper le marié et lui ouvre le crâne par une blessure large et profonde. Un cri s'élève du côté des femmes : elles se jettent au milieu des combattants, et, avant toutes, la mère du marié, quand elle voit couler le sang de son fils ; la mariée s'élance à son tour, craignant pour les jours de son époux. En même temps, Alcidamas se signale en défendant Zénothémis. Son bâton brise le crâne de Cléodème, casse la mâchoire d'Hermon et blesse plusieurs esclaves venus à leur secours. Ceux-ci, toutefois, ne cèdent point. Cléodème, le doigt levé, crève un œil à Zénothémis et lui coupe le nez avec les dents. Hermon, de son côté, apercevant Diphile qui vient en aide à Zénothémis, le jette à bas de son lit la tête la première. [45] Le grammairien Histiée, en essayant de séparer les champions, reçoit, je crois, dans les dents, un coup de pied de Cléodème qui le prend pour Diphile. L'infortuné roule, et, comme le dit son Homère : "Vomit des flots de sang ..." Ce c'est plus partout que confusion et que larmes ; les femmes poussent des gémissements et entourent Chéréas ; les autres convives cherchent à apaiser le désordre. Mais le fléau le plus ter rible est Alcidamas, qui, après avoir mis ses adversaires en déroute, se met à frapper indistinctement quiconque se présente devant lui ; et, sans doute, il eût fait un grand nombre de victimes, si son bâton ne s'était pas cassé. Pour moi, debout près de la muraille, je demeurais spectateur de la scène sans m'en mêler ; l'exemple d'Histiée m'avait appris combien il est dangereux de vouloir séparer de pareils champions. Figure-toi le com bat des Lapithes et des Centaures ; des tables renversées, de sang répandu, des coupes brisées. [46] A la fin, Alcidamas, jetant par terre le candélabre produit une grande obscurité. Le désordre, comme ta peux croire, n'en devient que plus effrayant. Il n'était pas facile de se procurer une autre lumière ; il se commet mille excès dans les ténèbres. Quand on apporte une lampe, on trouve Alcidamas qui avait arraché les vêtements à une joueuse de flûte et se mettait en devoir de la violer. Dionysodore est surpris à faire quelque chose de plus drôle. Une coupe tombe de sa robe au moment où il se lève ; et, pour se justifier, il dit qu'Ion l'a prise pendant le tumulte, et la lui a donnée de peur qu'elle ne soit perdue. Ion, par complaisance, atteste que c'est la vérité. [47] Ainsi se termina le banquet : les pleurs se changèrent en éclats de rire aux dépens d'Alcidamas, de Dionysodore et d'Ion. On emporta les blessés dans un état pitoyable, surtout le vieux Zénothémis, qui, une main sur son œil et l'autre sur son nez, criait qu'il mourait de douleur, si bien qu'Hermon, qui n'était guère mieux avec ses dents cassées, lui dit, en manière de contradiction : "Souviens-toi, Zénothémis, qu'en ce moment tu ne regardes pas la douleur comme une chose indifférente." On conduisit le marié dans sa maison, après que Dionique lui eut re cousu sa blessure. La tête enveloppée de bandelettes elle monta sur le char dans lequel il devait emmener sa jeune épouse : il venait de célébrer des noces bien amères. Dionique donna ensuite aux autres blessés tous les soins possibles. On conduisit le reste se coucher, la plupart vomissant en route. Alcidamas resta seul : impossible de le chasser de la salle ; dès qu'il se fut une fois jeté sur un lit, il s'y endormit : couché en travers. [48] Telle fut, mon beau Philon, la fin du banquet. C'est le cas de répéter ces vers du poète tragique : Comme la fortune est changeante, Et comme les dieux souverains, Aiment à rompre nos desseins ! En effet, on ne s'attendait guère à tout ce qui est arrivé. Pour ma part, j'en ai retiré cette leçon, qu'il est dangereux pour un homme d'humeur pacifique, de se trouver à un banquet avec de pareils philosophes.