[11,6,0] LE MARTEAU DES SORCIÈRES -Tome I - Partie I. [11,6,1] QUESTION VI. Qu'en est-il des sorcières qui se livrent aux démons? Pour cette nouvelle difficulté dans la manière d'aborder ce genre de turpitudes, plusieurs choses peuvent faire problème : D'abord du côté du diable : Premièrement, le corps assumé, de quel élément est-il formé ? Deuxièmement, est-ce que l'acte a toujours lieu avec injection de semence reçue d'un autre ? Troisièmement, pour ce qui est du temps et du lieu, exerce-t-on cet acte en un temps plutôt qu'en un autre ? Quatrièmement, cet acte est-il invisible pour des assistants ? Ensuite du côté des femmes : Premièrement, est-ce que seules celles qui sont nées de ces turpitudes sont visitées par le diable ? Deuxièmement, est-ce plutôt celles qui sont offertes au diable par les accoucheuses au moment de l'accouchement ? Troisièmement, est-ce que dans pareils actes le plaisir vénérien est plus faible ? Au sujet de tout cela, pour le moment nous n'allons répondre qu'en général ; c'est dans la deuxième partie de l'ouvrage que chaque chose sera expliquée par ses oeuvres, comme on le dira dans le chapitre quatrième. Maintenant nous nous occupons de notre seconde division générale [11,6,2] D'abord pourquoi ce genre de perfidie se trouve-t-il davantage dans le sexe faible que chez les hommes ? Avec une première question générale, sur la condition des femmes ; avec une seconde spéciale, sur le genre de femmes qui se trouvent être plus adonnées à la superstition et au maléfice ; enfin une troisième spéciale, au sujet des accoucheuses qui surpassent toutes les autres en malice. Passons au premier point : pourquoi dans le sexe si faible des femmes trouve-t-on davantage de sorcières que parmi les hommes ? Il ne sert à rien en effet d'apporter des arguments en sens contraire, puisque l'expérience elle-même, en plus de paroles dignes de foi, rend crédibles de tels témoignages. Disons, sans mépriser un sexe en qui Dieu pour notre confusion a toujours fait des oeuvres de puissance, que là-dessus des raisons diverses sont alléguées par des gens divers, toujours cependant concordantes pour le principal. D'où aux femmes aussi la chose est bien prédicable ; elles aiment elles-mêmes en entendre parler, comme l'expérience l'a souvent prouvé, pourvu qu'on la propose discrètement. [11,6,3] Certains docteurs donnent cette raison : Il y a disent-ils, trois éléments dans la nature des choses : la langue, l'ecclésiastique et la femme, qui ne savent pas tenir juste le milieu en fait de bonté et de malice. Là où elles passent les bornes de la condition commune, là elles atteignent un sommet et un très haut degré de vertu ou de vice. Dans la bonté, quand elles sont bien dirigées par un bon esprit, elles sont excellentes. Dans la malice, quand elles sont régies par un mauvais esprit, elles deviennent les pires. Pour ce qui est de la langue, la chose est claire : par son action plusieurs royaumes sont passés sous le joug de la foi chrétienne; aux apôtres du Christ c'est dans les langues de feu que l'Esprit-Saint est apparu; et d'autres sages Prècheurs lèchent chaque jour de leur langue de chiens les blessures et les ulcères du Lazare languissant ; selon le mot de l'Ecriture : par la langue, tes chiens arrachent les âmes aux ennemis. D'où le chef et le père des Prêcheurs a été annoncé sous la forme d'un petit chien aboyant et portant une torche allumée dans sa gueule ; afin qu'il sache sa mission qui est d'aboyer pour écarter les loups hérétiques des troupeaux de brebis du Christ. Il est aussi d'expérience quotidienne que la langue d'un seul homme prudent écarte l'orage d'une foule d'hommes. D'où ce n'est pas en vain que Salomon a dit beaucoup de choses à leur louange : Sur les lèvres de l'homme avisé se trouve la sagesse. La langue du juste est pur argent ; le coeur des méchants est de peu de prix. Les lèvres du juste nourrissent une multitude, mais dans la pauvreté meurent les insensés. Et encore : A l'homme les projets du coeur, du Seigneur vient la réponse. Mais au sujet de la mauvaise langue : La troisième langue a ébranlé bien des gens, les a dispersés d'une nation à l'autre ; elle a détruit de puissantes cités et renversé des maisons princières. On appelle ici troisième langue celle de ceux qui parlent avec imprudence et malveillance, au milieu de deux parties contraires. [11,6,4] Pour ce qui est des ecclésiastiques, c'est-à-dire des clercs et religieux de l'un et l'autre sexe : Il y a Chrysostome disant sur le texte (Il chassa les vendeurs et acheteurs du temple) : De même que tout bien vient du sacerdoce, de même aussi tout mal. Puis Jérôme écrit dans une Lettre à Népotien : Le clerc trafiquant, passé du dénuement à la richesse et de la honte à la gloire, fuis-le comme une peste. Et le bienheureux Bernard dans ses Homélies sur le Cantique : S'il se levait un hérétique déclaré, on le jetterait dehors et il sécherait ; si c'était un ennemi violent, les bons peut-être se cacheraient de lui. Mais aujourd'hui comment expulser, comment se cacher ? Tous sont des amis et pourtant tous des ennemis ; tous des familiers et nul ne veut la paix ; tous sont des proches et tous cherchent leur intérêt. (Et d'ailleurs): Nos prélats sont devenus des Pilates ; nos pasteurs sont devenus des tondeurs. (Et il parle encore) des prélats des religieux qui imposent de lourdes charges aux inférieurs et n'y touchent même pas du petit doigt. Et Grégoire dans sa Règle pastorale dit : Personne ne fait plus de mal à l'Eglise que celui qui ayant nom et rang de sainteté agit de manière perverse ; car nul n'ose reprendre ce coupable et la faute se développe comme un puissant exemple, du fait que le pécheur est honoré au titre de son rang. Au sujet des religieux, le bienheureux Augustin écrit à Vincent le donatiste : Je confesse simplement à votre charité devant le Seigneur notre Dieu, qui est témoin de ma conscience depuis que j'ai commencé à le servir : je crois d'expérience que l'on peut difficilement trouver meilleur ou pire que ceux qui grandissent ou dégénèrent dans les monastères. [11,6,5] De la malice des femmes parle beaucoup l' Ecclésiastique : Il n'y a pire venin que le venin du serpent, il n'y a pire haine que la haine d'un ennemi (d'une femme). J'aimerais mieux habiter avec un lion ou un dragon qu'habiter avec une femme méchante... (Et il conclut) : Toute malice n'est rien près d'une malice de femme. D'où Chrysostome parlant sur le texte de Matthieu (Il n'est pas sage de se marier) : La femme, qu'est-elle d'autre que l'ennemie de l'amitié, la peine inéluctable, le mal nécessaire, la tentation naturelle, la calamité désirable, le péril domestique, le fléau délectable, le mal de nature peint en couleurs claires. D'où, puisque la renvoyer est un péché et qu'il faut la garder, alors notre tourment est fatal : ou bien commettre un adultère en la répudiant, ou bien vivre dans des disputes quotidiennes. Tullius Cicéron aussi dit dans ses Rhétoriques : Les nombreuses passions de l'homme le conduisent chacune à leur vice ; mais une seule passion conduit les femmes à tous les vices ; à la base de tous les vices des femmes il y a la jalousie. Sénèque, dit aussi dans ses Tragédies : Un femme, ou elle aime ou elle hait, il n'y a pas de troisième (voie). Une femme qui pleure est un mensonge : deux genres de larmes dans les yeux de femme en même temps, les unes pour la douleur, les autres pour la ruse. Une femme qui pense seule pense à mal. [11,6,6] Mais l'éloge des femmes bonnes existe aussi quand nous lisons qu'elles ont fait le bonheur des hommes. Elles ont sauvé des peuples, des terres et des villes, comme Judith, Déborah, Esther. D'où l'Apôtre écrit aux Corinthiens : une femme a-t-elle un mari (non croyant) qui consente à cohabiter avec elle, qu'elle ne renvoie pas son mari : car le mari non croyant se trouve sanctifié par sa femme. Et l'Ecclésiastique : Heureux l'époux dont la femme est excellente, le nombre de ses jours sera doublé... Et tout le chapitre ou presque est là pour faire la louange des femmes bonnes. De même les Proverbes : éloge de la femme courageuse. Pareil éclat se trouve aussi chez des femmes de la Nouvelle Alliance : des vierges et autres saintes femmes, par leur foi ont conduit des nations et des royaumes, du culte des idoles à la religion chrétienne. Si quelqu'un le veut, qu'il lise Vincent de Beauvais dans son Miroir historique : il verra des merveilles au sujet du royaume de Hongrie (converti) par Gisèle la très chrétienne ; et au sujet du royaume (converti) par la pure Clotilde mariée à Clovis... D'où les blâmes que l'on peut lire, on peut les interpréter comme des attaques contre la concupiscence de la chair, la femme étant comprise comme le signe de la concupiscence, selon le dicton : J'ai trouvé la femme plus amère que la mort et la femme bonne soumise à la passion de la chair. [11,6,7] Certains assignent d'autres raisons encore au fait que plus de femmes que d'hommes soient engagées dans la superstition. La première, c'est qu'elles sont plus crédules. D'où, comme le démon cherche surtout à corrompre la foi, il les attaque en priorité. En effet celui qui a la confiance facile montre sa légèreté, dit l'Ecclésiastique. La deuxième raison, c'est que les femmes sont naturellement plus impressionnables et plus prêtes à recevoir les révélations des esprits séparés. D'où, quand elles usent bien de cette aptitude, elles sont très bonnes ; autrement elles sont très mauvaises. La troisième cause enfin, c'est qu'elles ont une langue bavarde : ce qu'elles apprennent dans les arts magiques, elles le cachent avec peine aux autres femmes leurs amies ; et parce qu'elles sont faibles, elles cherchent un moyen de se venger plus facilement en secret par des maléfices. D'où l'Ecclésiastique encore : J'aimerais mieux habiter avec un lion ou un dragon qu'habiter avec une femme méchante. Toute malice n'est rien près d'une malice de femme. Et on pourrait ajouter : inconstantes dans l'être, elles le sont dans l'action. D'autres apportent encore diverses raisons ; mais les prédicateurs doivent les proposer avec précaution. Il faut dire en tout cas que même si dans l'Ancien Testament les Ecritures rapportent la plupart du temps du mal des femmes et cela à cause de la première femme pécheresse, Eve, et de ses imitatrices ; ensuite, dans le Nouveau Testament, à cause du changement du nom d'Eva en Ave selon Jérôme, tout ce que la malédiction d'Eve nous a infligé, la bénédiction de Marie nous l'a enlevé. Ainsi on peut prêcher à leur sujet beaucoup de choses toujours louables. [11,6,8] Mais puisqu'aux temps modernes la perfidie (de sorcellerie) se trouve plus souvent chez des femmes que chez des hommes, comme l'expérience l'enseigne ; nous qui cherchons à mieux fixer la cause, nous pouvons dire, complétant ce qui a été dit : parce qu'elles sont déficientes dans leurs forces d'âme et de corps, il n'est pas étonnant qu'elles songent davantage à ensorceler ceux qu'elles détestent. Pour ce qui est de l'intelligence et de la compréhension des choses spirituelles, elles semblent d'une nature différente de celle des hommes : c'est en fait appuyé par l'autorité et la raison, avec maints exemples dans l'Ecriture. Térence dans Hécyre dit : Les femmes sont presque comme des enfants par la légèreté de la pensée. Et Lactance dans ses Institutions : En dehors de Thémeste, est-ce qu'une seule femme a jamais appris la philosophie ? Et le livre des Proverbes ose dire comme pour décrire une femme : Un anneau d'or au groin d'un pourceau : une femme belle mais dépourvue de tact. Or de cela, la raison naturelle, c'est qu'elle est plus charnelle que l'homme : on le voit de par ses multiples turpitudes. On pourrait noter d'ailleurs qu'il y a comme un défaut dans la formation de la première femme, puisqu'elle a été faite d'une côte courbe, c'est-à-dire d'une côte de la poitrine, tordue et comme opposée à l'homme. Il découle aussi de ce défaut que comme un vivant imparfait, elle déçoit toujours. Ainsi Caton peut dire : quand elle pleure, elle travaille à tromper. Et on le voit dans (le cas de) la femme de Samson : l'assaillant de tous côtés pour savoir le problème posé par lui à ses congénères philistins, dès qu'il le lui eut exposé elle le leur révéla et ainsi le trompa. On le voit déjà dans (le cas de) la première femme : par nature elle a une foi plus faible ; au serpent qui l'interrogeait pour savoir pourquoi ils ne mangeaient pas de tous les arbres du paradis, elle répondit : Nous pouvons manger... sauf du fruit au milieu du jardin... de peur de mourir. Par là elle se révélait en train de douter et de ne pas avoir la foi aux paroles de Dieu. L'étymologie d'ailleurs du nom le démontre : Femina vient de Fe et mi-nus, car toujours elle a et garde moins de foi. Ceci par nature quant à la fidélité ; mais par nature et par grâce dans la bienheureuse Vierge Marie la foi jamais ne défaillit, alors que pourtant chez tous les hommes elle faiblit au temps de la passion du Christ. Donc une mauvaise femme, qui par nature doute plus vite dans la foi, plus vite aussi abjure la foi, ce qui est fondamental chez les sorcières. [11,6,9] Pour ce qui est d'une autre puissance de l'âme, c'est-à-dire de la volonté naturelle : lorsqu'elle hait quelqu'un qu'elle a d'abord aimé, alors elle brûle de colère et d'impatience ; comme les vagues de la mer sont sans cesse en ébullition et en mouvement, ainsi elle est totalement en fureur. Bien des autorités font allusion à cet aspect. D'abord l'Ecclésiastique : Toute malice n'est rien près d'une malice de femme. Et puis Sénèque dans ses Tragédies : Nulle force, ni celle de la flamme, ni celle du vent furieux, nulle menace pas même celle du trait brandi n'est si redoutable que celle d'une épouse répudiée brûlante des feux d'une jalouse haine 14. On le voit aussi dans la femme qui accusa faussement Joseph et le fit emprisonner parce qu'il ne voulut pas consentir à un adultère criminel, selon la Genèse. Réellement la cause principale qui contribue à la multiplication des sorcières, c'est ce duel pénible entre les femmes mariées et non mariées et les hommes. Si c'est ainsi même parmi les saintes femmes, que sera-ce parmi les autres ? Voyez en effet dans la Genèse quelle fut l'impatience et la jalousie de Sara contre Agar quand elle eut conçu. Et la jalousie de Rachel contre Lia à cause des fils qu'elle ne pouvait avoir. Celle d'Anne demeurant stérile contre Phénenna devenue féconde. Celle de Myriam contre Moïse, ses murmures, ses critiques qui lui valurent d'être frappée de la lèpre. Celle de Marthe contre Madeleine qui restait assise pendant que sa soeur servait. D'où on comprend l'Ecclésiastique : Ne consulte pas une femme sur sa rivale. Il ne faut pas traiter avec elle, veut-il dire, parce que la rivalité et la jalousie sont dans une mauvaise femme ; et si elles se disputent ainsi entre elles, combien plus avec les hommes. Voilà pourquoi Valère raconte que Phoronée, roi des Grecs, dit à son frère Léonce : pour un bonheur parfait rien ne m'aurait manqué, si m'avait toujours manqué une femme. Et Léonce répondant : Comment une épouse peut-elle faire obstacle au bonheur ? Il dit : Les maris le savent tous. Socrate lui aussi, interrogé pour savoir s'il fallait épouser une femme, répondit : Si vous n'en prenez pas, vous serez seul ; votre race va s'éteindre ; un étranger héritera de vous. Mais si vous le faites, ce sera l'inquiétude perpétuelle, les querelles amères, les reproches sur la dot, la pesanteur sur les relations, la langue bavarde de la belle-mère, le cocufiage, l'arrivée d'enfants douteux. Et il parlait en orfèvre ; car, dit Jérôme contre Jovinien : Ce Socrate eut deux épouses, qu'il supporta avec beaucoup de patience, sans pouvoir se libérer de leurs humiliations et de leurs clameurs amères. D'où, un jour qu'elles criaient contre lui, il sortit de la maison pour fuir leurs insultes ; mais alors qu'il était assis devant la porte, elles jetèrent sur lui des eaux sales. Philosophe, il ne s'en troubla pas pourtant, disant : Je sais qu'après le tonnerre vient la pluie. On raconte aussi d'un autre dont la femme était tombée dans un fleuve, que cherchant le cadavre pour le sortir de l'eau, il marchait à contre-courant. On lui demanda pourquoi. Il répondit : Cette femme durant sa vie alla toujours contre mes paroles, mes gestes, mes ordres ; alors maintenant qu'elle est morte, je cherche à contre-courant au cas où jusque dans la mort elle aurait gardé la même habitude. De même en tout cas que pour le premier défaut (d'intelligence) elles en viennent plus facilement à renier la foi, ainsi de par le second, c'est-à-dire ces affections et passions désordonnées, elles cherchent, mûrissent et infligent diverses vengeances, soit par les sorcières, soit par tous autres moyens. Alors il n'est pas étonnant qu'il existe tant de sorcières de ce sexe. [11,6,10] Au surplus, quant au défaut de la mémoire : c'est un défaut naturel chez elles de ne pas vouloir être gouvernées mais de suivre leurs mouvements sans aucune retenue ; c'est tout leur souci et il occupe toute leur mémoire. D'où Théophraste : Si vous remettez à votre femme toute votre maison pour la servir, mais si vous vous réservez quelque détail même minime, elle pensera qu'on ne lui fait pas grande confiance et suscitera des disputes ; et à moins que vous n'y pourvoyiez très vite, elle s'en ira préparer des poisons, consulter haruspices et devins... et voilà les maléficiers. Sur cette domination des femmes, écoutez encore Tullius (Cicéron) dans ses Paradoxes : Est-il libre celui à qui sa femme commande, lui impose lois, préceptes et ordres ; lui interdit de faire ce qu'il désire ; celui qui ne peut ni n'ose plus refuser quand elle commande quelque chose ? Quant à moi je pense qu'il faut l'appeler non seulement un esclave mais le pire des esclaves, même quand il sort de la plus noble famille. Et voici encore Sénèque avec sa Médée (furieuse) : Pourquoi hésiter, ô mon âme ? Suis ton heureux élan. Combien cette partie de la vengeance, qui te réjouit tant, est peu de chose auprès du reste. Là il apporte des éléments montrant que la femme ne veut pas être gouvernée mais suivre son instinct même pour sa perte. On le lit par ailleurs de ces nombreuses femmes qui par amour ou par chagrin se sont suicidées de ne pouvoir exercer leur vengeance. Jérôme commentant Daniel, le raconte de Laodicée, femme d'Antiochus, roi de Syrie. Jalouse de le voir ainsi aimer davantage Bérénice, son autre épouse, elle fit d'abord tuer Bérénice et sa fille par Antiochus, puis elle s'empoisonna. Pourquoi ? Pour ne pas dépendre du roi mais de son instinct. D'où la juste réflexion de Chrysostome : O mal pire que tous les maux, la femme mauvaise, qu'elle soit riche, qu'elle soit pauvre. Si en effet elle est épouse d'un riche, elle ne cesse nuit et jour d'exciter son mari par des paroles insidieuses, méchamment jalouses et violemment importunes. Si par contre elle est femme de pauvre, elle ne cesse de l'inciter à la colère et à la dispute. Si elle devient veuve, alors elle prend sur elle de regarder chacun de haut alentour et l'esprit d'orgueil lui donne toutes les audaces. [11,6,11] Cherchant bien, nous trouverons que presque tous les royaumes du monde ont été bouleversés à cause des femmes. Le premier royaume heureux s'il en fut, le royaume de Troie, à cause du rapt d'une femme, Hélène, fut détruit et des milliers de Grecs tués. Le royaume des Juifs subit bien des massacres à cause de la méchante Jézabel et de sa fille Athalie, reine de Juda, qui avait fait mourir les fils de son fils pour régner elle-même à sa place ; l'une et l'autre périrent. Le royaume des Romains souffrit de grands maux à cause de Cléopâtre, reine d'Egypte, la pire de toutes les femmes. Et ainsi des autres... Il n'est pas étonnant alors si le monde souffre encore de la malice des femmes. [11,6,12] Enfin pour ce qui est du désir charnel de leur corps : d'où procèdent tant de maux innombrables pour la vie humaine ? A juste titre nous pourrions dire avec Caton d'Utique : Si le monde pouvait être sans femmes, nous ne vivrions jamais sans les dieux. Car réellement : s'il n'y avait pas la malice des femmes, même en ne disant rien des sorcières, le monde demeurerait encore libre d'innombrables périls. Valère écrit à Rufin : Tu ne sais pas que la femme est une chimère, mais tu dois le savoir. Ce monstre prend une triple forme : il se pare de la noble face d'un lion rayonnant ; il se souille d'un ventre de chèvre ; il est armé de la queue venimeuse d'un scorpion. Ce qui veut dire : son aspect est beau ; son contact fétide ; sa compagnie mortelle. [11,6,13] Ecoutons encore ceci au sujet d'une autre de ses particularités, la voix : Menteuse par nature, elle l'est dans son langage ; elle pique tout en charmant. D'où la voix des femmes est comparée au chant des Sirènes, qui par leur douce mélodie attirent ceux qui passent et les tuent. Elles tuent en effet car elles vident la bourse, elles enlèvent les forces, elles contraignent à perdre Dieu. D'où Valère dit encore à Rufin : Quand elle parle, c'est un délice mais douloureuse est la faute : la fleur de Vénus est la rose, car sous sa pourpre il y a beaucoup d'épines. Comparez les Proverbes : Plus onctueuse que l'huile est sa parole, mais l'issue en est amère comme l'absinthe. Et de même au sujet de sa démarche, son port, son maintien : là c'est la vanité des vanités. Il n'y a nul homme au monde qui travaille à plaire au Dieu de bonté, autant qu'une femme ordinaire s'ingénie par ses vanités à plaire aux hommes. On a là-dessus un exemple dans la vie de sainte Pélagie quand, vouée au monde, elle parcourait Antioche en tenue extravagante. Un saint père, du nom de Nonnus, la vit et commença à pleurer, disant à ses compagnons que durant toute sa vie il n'avait jamais été aussi ardent pour plaire à Dieu... Finalement à ses prières elle se convertit. Voilà celle qui fait se lamenter l'Ecclésiaste — et aussi l'Eglise à cause de l'immense multitude des sorcières : Je trouve la femme plus amère que la mort ; car elle est un piège et son coeur un filet ; et ses bras des chaînes. Qui plaît à Dieu lui échappe, mais le pécheur y est pris. Plus amère que la mort, c'est-à-dire que le diable dont le nom est la mort (peste), selon l'Apocalypse ; car même si le diable conduisit Eve au péché, c'est Eve qui séduisit Adam. Et puisque le péché d'Eve ne nous aurait pas conduits à la mort de l'âme et du corps, s'il n'avait pas été suivi de la faute d'Adam à laquelle l'entraîna Eve et non le diable : on peut donc la dire plus amère que la mort. Plus amère que la mort encore : car celle-ci est naturelle et tue seulement le corps ; mais le péché qui a commencé par la femme tue l'âme la privant de la grâce et entraîne ainsi le corps dans la peine du péché. Plus amère que la mort aussi : car la mort corporelle est un ennemi effrayant mais manifeste, la femme au contraire est un ennemi charmant et dissimulé. C'est pourquoi, plus amer et plus dangereux, ce piège n'est pas seulement celui des chasseurs mais celui des démons. Les hommes en effet ne sont plus seulement captifs de leurs désirs charnels les voyant et les entendant, avec leur visage qui est un vent qui brûle et leur voix qui est un serpent qui siffle selon Bernard; mais encore (elles attirent) par les maléfices d'innombrables hommes et bêtes. Leur coeur est appelé un filet, car inscrutable est la malice qui règne dans leur coeur ; leurs mains sont des liens, car là où elles les posent pour le maléfice, là avec la complicité du diable elles réalisent ce qu'elles entendent. [11,6,14] Concluons donc : Toutes ces choses (de sorcellerie) proviennent de la passion charnelle, qui est en (ces femmes) insatiable. Comme dit le livre des Proverbes : Il y a trois choses insatiables et quatre qui jamais ne disent « assez » : le shéol, le sein stérile, la terre que l'eau ne peut rassasier, le feu qui jamais ne dit assez. Pour nous ici : les lèvres du sein. D'où pour satisfaire leur passion elles « folâtrent » avec les démons. On pourrait en dire davantage, mais pour qui est intelligent il apparaît assez qu'il n'y a rien d'étonnant à ce que parmi les sorciers il y ait plus de femmes que d'hommes. Et en conséquence on appelle cette hérésie non des sorciers mais des « sorcières », car le nom se prend du plus important. Béni soit le Très-Haut qui jusqu'à présent préserve le sexe mâle d'un pareil fléau : Lui en effet qui en ce sexe a voulu naître et souffrir, lui a aussi accordé le privilège (de cette exemption). [11,6,15] Quant à cet autre point : la question sur le genre de femmes qui, plus que toutes se trouvent adonnées à la superstition et aux maléfices : après la question précédente il apparaît que trois vices principaux paraissent régner surtout chez les femmes mauvaises : l'infidélité, l'ambition et la luxure. Donc celles-là surtout s'adonnent aux maléfices qui plus que d'autres s'abandonnent à ces vices. Et puisque parmi les trois le dernier est prédominant parce qu'insatiable, celles-là parmi les ambitieuses sont les plus infectées, qui sont les plus ardentes pour satisfaire leurs passions dépravées, comme sont les adultères, les fornicatrices, les concubines des grands. Dans la Bulle, on fait attention aux sept méthodes pour infecter magiquement l'acte vénérien et le foetus conçus ; premièrement en entraînant l'esprit des hommes à un amour désordonné ; deuxièmement en bloquant leur puissance de génération ; troisièmement en escamotant le membre propre à cet acte ; quatrièmement en changeant magiquement les hommes en bêtes diverses ; cinquièmement en ruinant la fécondité des femmes ; sixièmement en causant des avortements ; septièmement en offrant des enfants aux démons. Ceci sans présumer des divers dommages causés aux autres animaux et aux fruits de la terre, dont nous parlerons plus tard ; pour le moment nous donnons notre avis sur les dommages causés aux hommes. Et d'abord concernant ceux qui sont ensorcelés dans un amour fou ou une haine désordonnée : cette matière qui fait difficulté, pour être mieux comprise devra être discutée encore ci-après ; la conclusion est déjà sûre. Saint Thomas, traitant de l'empêchement maléfique, donne les raisons pour lesquelles Dieu permet au diable un plus grand pouvoir maléfique sur les actes vénériens de l'homme que sur les autres ; il faut dire pareillement que ces femmes sont les plus infectées qui se livrent le plus à ces actes. [11,6,16] En effet il dit que la corruption première du péché par laquelle l'homme est devenu esclave du diable nous atteint par la voie de l'acte génital. D'où Dieu permet au diable d'exercer un pouvoir maléfique plus fort sur ces actes que sur les autres. De même d'ailleurs, sur les serpents ce pouvoir des sorciers est plus grand que sur les autres animaux, car c'est par le serpent comme instrument que le diable a tenté la femme. D'où aussi il ajoute : Bien que le mariage soit oeuvre de Dieu parce que institué par lui, il est encore parfois détruit par l'action du diable. Non pas de force, car ce démon serait ainsi censé plus fort que Dieu ; mais avec la permission de Dieu en posant un empêchement à l'acte conjugal, soit temporaire, soit perpétuel. A partir de là, nous disons ce qu'enseigne l'expérience : pour réaliser des turpitudes de ce genre, tant sur elles-mêmes que sur des puissants de ce siècle, quels que soient l'état et la condition, (ces femmes) opèrent des maléfices innombrables. Elles tournent à ce point les esprits vers un amour fou, que ni la honte ni la persuasion ne peuvent les en détourner. D'où aussi le danger quotidien et intolérable de l'extermination de la foi : car elles savent tellement retourner les esprits des gens (et des juges) que ni par eux-mêmes ni par d'autres ils n'osent plus leur faire aucun mal. Aussi chaque jour elles se multiplient. Puisse l'expérience nous avoir instruits un peu ! Hélas il y a de telles haines, même entre ceux qu'unit un sacrement de mariage, suscitées par des maléfices et par des refroidissements de la puissance génitale, qu'ils ne peuvent plus ni demander ni rendre le devoir conjugal en vue de l'enfant. Amour et haine existent dans une âme où pourtant le démon lui-même ne peut pas entrer. Mais de peur qu'à quelqu'un ces choses n'apparaissent quasi incroyables, il nous faut en faire une question : les positions opposées mises l'une en face de l'autre deviennent plus claires.